Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/192/ De Paris le premier avril 1650

Le 24 du passé Mlle de Guerchy, fille de la reyne, partit pour aller en Cour où elle doibt espouser le commandeur de Jars.

Le 25 l'abbé de la Riviere partit de sa maison de Petit Bourg pour se retirer en son abbaye de St Benoit sur Loire, suivant l'ordre qu'il en avoit receu de M. le duc d'Orleans. L'on parle de l'obliger à se defaire de la charge de chancellier de l'Ordre et mesmes de luy oster ledit ordre en cas qu'il ne puisse pas faire preuve de noblesse dans 3 mois, mais S.A.R. n'est point du tout portée à luy faire ce desplaisir.

M. de Chasteauneuf a osté une bonne partie des droitz du sceau que M. le Chancellier avoit augmenté et est dans la resolution de les mettre au mesme estat qu'ils estoint devant sa disgrace. Il renvoye touttes les affaires du Conseil par devant les juges naturelz, dont les maistres des requestes feurent se plaindre la semaine passée à M. le duc d'Orleans en sa maison de Limours; mais ilz n'en eurent aucune satisfaction, S.A.R. leur ayant reparty que M. de Chasteauneuf n'avoit point merité d'estre disgratié et que s'il ne l'eut point esté, ilz n'auroint pas subject de s'en plaindre.
Le 27 Mlle d'Arvas, favorite du feu mareschal de Brezé, feut mise dans la Bastille.

Le mesme jour arriva un courrier extraordinaire de Provence qui a passé Dijon et rapporté que le 17 le comte d'Alais ayant sceu, par des gens qu'il avoit dans Marseille, l'eslection qui avoit esté faitte de nouveaux consulz par la brigue de 7 ou 8 factieux, et que s'il y vouloit aller il les pourroit mettre facilement à la raison par une brigue contraire qu'il trouveroit, au lieu que s'il n'y venoit pas il y perdroit tout son credit, ce qui luy fit prendre resolution d'y s'y acheminer; mais les nouveaux consulz l'ayant sceu, luy deputerent le sieur de Cabres pour luy faire compliment et le supplier de n'y point venir, attendu la rumeur qui estoit dans la ville, où toutte la bourgeoisie estoit en armes en attendant que le sieur de Montholieu eut obtenu de la Cour la confirmation de cette eslection, et où la Ville avoit levé mille soldatz pour faire reeussir ce desseing par la force. Ce deputté ayant rencontré le comte d'Alais en chemin à 4 lieues de Marseille, accompagné d'environ 200 cavaliers, luy fit son compliment et le suplia de la part de la Ville de s'en retourner; à quoy ce comte ayant respondu qu'il souhaittoit de veoir les nouveaux consulz, pria le deputté de leur aller dire qu'il les verroit ce jour là; mais comme il feut à deux lieues de Marseille, le mesme deputté revient pour la seconde fois le prier de n'y point venir, à cause que les espritz du peuple y estoint si aigris contre luy qu'on en pourroit aprehender quelque desordre à son arrivée, et l'affront de veoir qu'on luy refusa la porte; sur quoy ayant conferé avec quelq'uns des siens, il ne laissa pas de resoudre de passer outre, et estant arrivé à la pleine de St Michel, à la portée du canon de la ville, il envoya le sieur de Matan, capitaine de ses gardes, et le chevalier Thomas de Village, /192v/ avec 6 ou 7 de ses gardes à la Porte Royalle; où estant arrivés, ils demanderent à parler aux consulz, ce qui leur ayant esté refusé, ils demanderent le capitaine de ce quart[i]er là, qui estant proche de là, vient parler à eux et leur refusa la permission qu'ilz demandoint de saluer les consulz de la part du comte d'Alais; ce qui mit en colere ledit sieur de Matan, qui apres avoir menacé de mettre le feu à touttes les mestairies qui sont autour de Marseille, lascha son pistolet sur ce capitaine, qui neamoings ne feut point blessé; ce qui obligea les soldatz de tirer sur ledit Matan, qui feut tué sur la place, et le chevalier du Village eut son cheval tué soubz luy. En mesmes temps les bourgeois, qui avoint accourus au bruit sur les murailles, tirerent aussy sur eux; et les soldatz qui estoint dans les tours ayant veu qu'on bruloit une mestairie vers la plaine de St Michel, mirent le feu à deux coleuvrines qui estoint chargées, lesquelles tuerent deux des gardes de ce comte à ses costés et couvrirent de terre son carrosse et ses chevaux, ce qui l'obligea de se retirer, voyant que sa faction ne faisoit aucung effect. Il est à remarquer q'ung moyne de l'abbaye de St Victor avoit faict entrer garnison dans cette abbaye pour la Ville, et q'ung advocat s'estoit aussy saisy de Nostre Dame de la Garde. M. de Montholieu estant venu icy avec le courrier qui a apporté ceste nouvelle, cest affaire feut reglée le 28 au Conseil qui se tient au palais d'Orleans, où il feut ordonné que tout ce qui s'estoit passé dans Marseille touchant l'eslection des consulz seroit cassé et annullé; neamoings afin que l'authorité du Roy feut mis à couvert, il feut arresté que le Roy envoyeroit des lettres patantes par lesquelles Sa M., usant de clemence, nommeroit les mesmes consulz que le peuple avoit esleu; sur quoy le sieur de Montholieu partit le lendemain pour aller en Cour faire signer cette resolution par M. de Brienne, qui a le departement de Provence.

Le mesme jour on eut advis de Bourdeaux du 21 que l'huissier du Parlement qui avoit esté si mal traitté aupres d'Agen, avoit esté ramené à Bourdeaux en tres mauvais estat; et que M. de Villemontée y estant arrivé deux jours auparavant, un de ses lacquais avoit eu querelle avec quelques bourgeois, ce qui avoit excité grand rumeur dans la ville, où le lacquais feut fort mal traitté à coups de baston. Les artisans s'estanz assemblés au bruit de ce desordre feurent ches M. de Villemontée, menaceant de le jetter dans la riviere s'il ne leur en faisoit raison: ce qui obligea son fils, le pere n'y estant pas, de leur representer qu'il n'estoit pas venu en cette ville là pour leur faire aucung mal, mais seulement pour recevoir leurs plaintes et obliger M. d'Esperon d'executter la paix, et qu'enfin il leur feroit raison; mais ilz ne feurent pas contentz de cette response puisqu'ayant trouvé son carrosse dans la rue, ilz le mirent en pieces, et l'on ne sçait que devinrent les chevaux, ce qui l'obligea de se retirer en une /193/ maison particuliere. Le duc de St Simon y estoit arrivé le mesme jour, apres avoir laissé la place de Blaye bien munie de touttes choses. Le Parlement y avoit donné deux arrestz qui avoint esté publiés et affichés aux coins des rues; l'un portant deffenses à M. d'Espernon d'imposer ny exiger aucungs deniers sur la province qu'en vertu des commissions veriffiés au Parlement, l'autre portant cassation de touttes les ordonnances faittes par ce duc pour la subsistance des trouppes qu'il a encor. Despuis on a eu nouvelles du 24 que M. de Villemontée avoit exposé ses lettres de creance au Parlement, lequel il avoit prié de luy rendre response precisement à tout, afin que sa commission ne dura pas longtemps et qu'il ne feut pas obligé de faire plusieurs allées et venues de Bourdeaux à Agen.

Le chasteau de Saumur resiste tousjours contre M. de Comminges, qui est allé pour en prendre possession. Le marquis de Jersey s'y est jetté avec quelques gens de sa suitte et se promet que le duc de la Rochefoucaut, qui n'a pas encor faict son accommodement, fera soublever la province par le moyen du duc de la Tremouille, qui a grand credit et qui est aussy mescontent, qui l'ira [qu'il ira] secourir en cas qu'il soit assiegé. M. de Cominges empesche tant qu'il peut qu'on n'y apporte aucung vivres ny munitions et a fait des rigoureuses deffenses à cette fin. On a commandé six regimentz pour aller assieger ce chasteau.

Mme la Princesse a envoyé ses ordres pour faire enterrer le corps du feu mareschal de Brezé, qui est encor dans le chasteau de Milly, proche Saumur, avec ses officiers qui attendent cest ordre pour estre payé de leurs gaiges.

M. le prince de Conty est malade puis 8 ou dix jours d'une fievre double tierce avec crachement de sang, mais il s'en porte beaucoup mieux qu'il n'a faict et est hors de danger. Il avoit eu ordre de la Cour de prendre le logement de M. de Chavigny, qui est dans le Bois de Vincennes, et d'y faire son sejour avec liberté d'aller veoir Monsieur son frere quand il voudroit, mais il a refusé, disant qu'il aymoit mieux demeurer avec Monsieur son frere afin de ne quitter point sa compagnie. M. Servient y feut la semaine passée pour demander à M. le Prince des lettres pour ceux qui commandent dans Bellegarde, portant ordre de rendre cette place au Roy. L'on parle diversement de la response que S.A. luy fit là dessus. Les ungs veulent qu'elle aye escript 3 lettres: l'une au mareschal de Turenne, l'autre au comte de Tavannes, et la 3e à St Micaud, dans les mesmes termes que M. de Servien avoit voulu; et les autres qu'elle l'aye refusé, et que M. de Servient luy ayant remonstré là dessus qu'on jugeroit par là qu'elle avoit intelligence avec l'Espagnol, puisque M. de Turenne leur vouloit mettre entre les mains la place de Stenay, qu'elle repliqua qu'il seroit un traistre s'il le faisoit et qu'elle le desadvoueroit tousjours.

Le 28 les 3 chambres du Parlement s'assemblerent pour veoir si on devoit resoudre l'assemblée de tout le Parlement que l'on demandoit pour desliberer sur les moyens de faire payer /193v/ les rentes de la Ville; mais on resolut de la surseoir pour quelques jours afin d'oster tous les pretextes d'assemblée, à cause qu'il y avoit quelques conseillers qui vouloint parler de faire executter la declaration du Roy à l'esgard de l'emprisonnement de MM. les princes. Les scindics des rentiers feurent hyer mandés au palais d'Orleans, où le Conseil arrestat quelques moyens pour asseurer le payment des rentes.

Le sieur Des Marais, secretaire du duc de Richelieu, ayant esté emprisonné comme vous aves sceu, a esté interrogé et a nié d'avoir sceu aucune des particularités du mariage de ce duc et d'y avoir fait aucune negotiation. Despuis il a presenté requeste par laquelle il demandoit d'estre eslargy en baillant caution; mais sa requeste a esté jointe au proces. Il y a aussy decret d'adjournement personnel contre Mme de Pons sur les informations que Mme d'Aigullion a fait faire contre elle, l'accusant d'avoir desbauché et surpris la jeunesse de ce duc. Ce decret luy a esté signiffié par un huissier dans la maison de M. de Vigean, son pere, où ayant esté respondu que ce n'estoit pas son domicile, Mme d'Aigullion a obtenu un pareatis du grand sceau pour luy faire signiffier ce decret en Bourgoigne, où elle est avec son mary. Despuis l'emprisonnement de Des Marais, l'abbé de Richelieu n'a point voulu ouyr parler de s'accommoder avec sa tante, à laquelle il a intenté proces au Grand Conseil pour demander la joyssance de ses benefices.

Les abbayes qui ont vacqué par la mort de l'abbé Mondin sont desja donnée, sçavoir: celle de Bardou [Berdoues] en Guyenne à son nepveu, et celle de Quincy en Bourgoigne à M. de la Vrilliere.
Le 29 deux des gendarmes du roy estant entrés au Louvre dans la chambre d'une dame angloise qui estoit aupres de la reyne d'Angleterre, quelques gentilhommes qui jouoint dans sa chambre leur dirent de se retirer, sur quoy ces deux gendarmes mirent l'espée à la main contre eux; mais on les separa et les gardes de la porte y ayant esté appellées, maltraitterent fort ces deux gendarmes, qui feurent mis en prison par ordre de M. le duc d'Orleans.

Le 30 M. le mareschal de Schomberg, qui est à present en bonne intelligence avec les ambassadeurs des Suisses, les mena ches M. d'Hemery, qui leur fit esperer de leur donner satisfaction le plus promptement qu'il sera possible; à quoy l'on travaille puissanment et l'on est presque d'accord avec eux pour l'année courante.

Le mesme jour on envoya un courrier à M. le mareschal de la Mesleraye pour luy offrir le commandement de l'armée de Bourgogne, où l'on a besoing d'ung chef /194/ comme luy. D'autres asseurent que c'est pour luy offrir le commandement de celle de Flandres, mais on doubte fort qu'il en veuille accepter ny l'une ny l'autre.

Le prince de Tarente partit hyer au matin d'icy pour aller trouver le duc de la Tremouille, son pere, en Poictou, d'où quelq'ungs tirent des mauvaises conjectures.

Un gentilhomme nommé M. de Villeneufve arriva hyer icy de l'armée du marquis de la Ferté Seneterre, qui est campée proche Stenay, et porta à S.A.R. la confiermation de la rupture du traitté que le mareschal de Turenne avoit faict avec l'Archiduc, lequel portoit que celuy cy mettroit 100 Espagnolz naturelz dans la citadelle de Stenay, et ce mareschal pareil nombre dans Montmedy pour sa seurté; mais que M. de Chamilly ne l'avoit point voulu souffrir, disant qu'il ne seroit jamais si lasche pour mettre la place entre les mains des Espagnolz, et qu'il la vouloit garder pour M. le Prince; dont Mme de Longueville estant avertie, est venue dans Stenay pour tascher de renouer ce traitté et obliger Chamilly à l'executter. M. de Marolles estoit party en mesme temps que M. de Villeneufve porter la mesme nouvelle à la Reyne. Les deputtés de Bourdeaux, qui sont encor icy, ce [se] voyant pressés par M. le duc d'Orleans et M. de Chasteauneuf pour aller en Cour pour y faire leurs remonstrances; mais comme le principal point de leur instruction est d'insister pour obtenir un autre gouverneur en la place de M. d'Espernon, et que l'on ne veut pas icy qu'ilz en parlent du tout. Ilz ont demandés 10 jours de temps pour envoyer à Bourdeaux demander la revocation, et pour cest effect l'ung d'eux, nommé M. Guyonnet, est party en poste.

/196/ De Paris le 8 avril 1650

MM. les evesques qui sont à Paris estant mal satisfaitz de M. le Garde des Sceaux de ce qu'il ne veut point recevoir l'intervention du clergé aux affaires particulieres, disant qu'ilz ne font point de corps; et les premiers s'estant plusieurs fois assemblés et mesmes ayant deputté vers M. le Garde des Sceaux touchant cest affaire, celuy cy n'a pas voulu recevoir leurs deputtés sur la mesme maxime qu'ilz ne faisoint pas le corps du clergé; dont ces prelatz irrittés ont fait un proces verbal sur ce refus et ont resolus de prier l'asemblée generale qui ce [se] tiendra le mois prochain de ne faire aucune deputation vers M. le Garde des Sceaux; sur quoy M. le duc d'Orleans leure a dit qu'ilz luy en fissent à luy mesmes.

L'abbé de Crosilles, qui avoit autrefois eu les abbayes de feu M. le comte de Soissons, presenta requeste au Grand Conseil la semaine passée par laquelle il demandoit d'estre restably dans la jouyssance desdites abbayes, disant que feu M. le Comte l'avoit forcé à s'en demettre pour en faire pourveoir le sieur de Montagnes, qui apres la mort de ce prince les remit entre les mains du Roy.
Le premier du courant M. le mareschal de Schomberg traitta si splendidement les ambassadeurs des Suisses qu'on remarqua qu'il y avoit pour 4 mille livres de poisson. On travaille tous les jours à trouver des moyens pour les satisfaire.

Sur le bruit qui courut la semaine passée que le marquis de Jersey s'estoit jetté dans Saumur, la Marquise sa femme s'en alla la desrobée; et depuis l'on a sceu que ce marquis estoit aussy sorty de Saumur, dont le lieutenant qui commande, nommé M. du Mont, a fait son traitté par l'entremise de son pere, qui estoit pour cest effect à Dijon. On luy a accordé une recompense de 10 mille escus, au moyen de laquelle il promet de remettre cette place entre les mains de M. de Comminges. On luy avoit envoyé une assignation, laquelle il ne voulut pas recevoir, voulant de l'argent comptant; mais on luy en a envoyé une autre qu'il pourra recevoir comptant.

Les ducs de la Tremouille et de la Rochefoucaut donnoint beaucoup de jalousie à la Cour devant cest accommodement, mais à present on ne s'en met pas tropt en peyne, quoy qu'on asseure qu'ilz ramassent du monde en Poictou.

Le duc de Rohan a esté receu dans la ville d'Angers en qualité de gouverneur de la province, où il y estoit avec une suitte si grande qu'il donnoit jalousie à la Cour; mais l'on asseure que lors qu'il a voulu prendre possession du chasteau, il y a trouvé qu'il y avoit dedans un exempt des gardes du corps du roy qu'on y avoit envoyé pour commander par commission; mais les lettres d'Angers n'en parlent point.

Les depputtés de Bourdeaux partirent le 4 du courant pour aller à la Cour et s'en vont à petites journées, afin que le courrier qu'ilz ont envoyé à Bourdeaux pour faire oster de leur instruction le point du changement de M. d'Espernon les puisse /196v/ atteindre en chemin avant qu'ilz soint arrivés à Dijon. Sur cela l'on a resolu au Conseil de mander M. d'Espernon à la Cour afin de les apaiser par là; et l'on asseure qu'en mesme temps on a aussy resolu de mander le comte d'Alais afin de satisfaire MM. de Provence.

Le Conseil ayant sceu que Mme de Longueville employe tout ce qu'elle peut tirer de Neufchastel pour faire des levées pour s'en servir contre le Roy, l'on a proposé de prendre tous les revenus que M. de longueville possedde en France pour s'en servir contre elle; ce qui faict crier tous ses domestiques. Les dernieres nouvelles que l'on a eu d'elle portent qu'elle s'est abouchée avec le mareschal de Turenne et le comte de Fuelsendagne à Arlon dans les Ardennes; mais on ne sçait pas ce qu'ilz ont arresté, quoy que l'on en parle diversement. Les ungs veulent qu'ilz n'ayent peu rien conclurre, ne pouvant pas donner aus Espagnolz ny Stenay ny autre place en seureté. Les autres asseurent qu'ilz ont traitté et que les Espagnolz ce [se] sont contentés de la parolle de Mme de Longueville pour seurté des troupes qu'ilz luy doivent donner, et que le premier article du traitté porte que ceux cy n'entendront aucune paix jusques à ce que les princes ne soint en liberté. Cepandant M. de Turenne n'a pas 300 hommes, ses gens ayant est contraintz de l'abandonner faute de pouvoir subsister, à cause qu'ilz ne trouvent ny vivres ny fourrages, M. Faber ayant fait apporter dans Sedan touttes les prouvisions qui estoint à 8 ou 10 lieues d'alentour; de sorte qu'ilz sont obligés d'en aller chercher jusques à Namur; et l'on a remarqué que ce mareschal s'est trouvé si court d'argent qu'il n'en avoit point du tout la semaine passée, n'eut esté 200 pistolles qu'il receut envoyées d'icy; mais on croit que Mme de Longueville luy en aura donné de celuy qu'elle aura aporté d'Holande, où elle a engagé pour 700 mille livres de pierreries.

Le 5 du courant MM. les chevalliers et officiers de l'Ordre du Roy feurent au palais d'Orleans et se plaignerent à S.A.R. de ce que M. d'Hemery a detourné les fondz du marc d'or, sur lequel leurs pensions sont assignées de mille escus par an pour chacung des chevaliers, et plus pour les officiers; à quoy Sadite A. leur fit response qu'il faloit attendre le retour du Roy pour y donner ordre, et qu'apres cela elle se mettroit à leur teste afin de leur faire obtenir la satisfaction qu'ilz demandent.
Le mesme jour on acheva au Conseil l'affaire des rentiers, ausquelz on asseura le payement pour l'advenir; et l'on accord à leurs scindicz une chambre dans l'Hostel de Ville pour s'y pouvoir assembler touttesfois et quantes que leurs affaires le requerront.
Le 6 à 5 heures du matin le Lieutenant Civil et le chevalier du guet arresterent /197/ Mme de Bouillon ches un secretaire du roy, dans la maison duquel est logé le resident de Pologne au faubourg St Germain. Elle feut conduitte ches le Lieutenan Civil, où elle demeura jusques à hyer au soir, qu'on la mena dans la Bastille. Mademoiselle sa fille n'y a point esté trouvée, mais on asseure qu'il y a nouvelle du lieu où elle est en cette ville, malade de la petite verolle.

Vous aves sceu que les Armeniens ont perdu leur proces au Conseil, où leurs marchandises ont esté declarées de bonne prise. Ilz sont encor icy en attendant qu'on leur paye l'ordonnance de mille escus qu'on leur a accordé.

Le proces que le duc de Villars a intenté aux Requestes du Palais contre Mme d'Aigullion, de laquelle il pretendoit 345 mille livres pour l'indemnité du Havre de Grace, qu'il vendit autrefois au feu cardinal de Richelieu, feut jugé le mesme jour 6, apres 2 audiances; et cette duchesse feut condamnée à luy payer 45 mille livres, mais elle en a appellé.

Le mesme jour feut aussy plaidé à la Tournelle la requeste presentée au nom de Mme de Richelieu et celle de Des Maretz contre Mme d'Aigullion, et ordonné que les parties viendroint plaider apres Quasimodo; et cepandant les ordonnances et decretz du Lieutenant Criminelz cassés et la cognoissance de cette affaire reservée au Parlement; et quant à Des Marais, il feut dit qu'il seroit eslargy en baillant caution. M. de Vigean le voulut cautionner, mais on ne le voulut pas recevoir, Mme d'Aigullion s'y estant opposée.

Mme d'Effiat ayant maltraitté un fermier de feu son mary, ce fermier a denoncé au Parlement que le mareschal d'Effiat, estant surintendant des finances, avoit achepté soubz divers noms pour 6 millions de debte au Roy au deniers deux, et neamoings avoit fait deslivrer cette somme aux personnes qu'ilz [qui] luy prestoint leurs noms pour cela, quoy qu'ilz n'en eussent donné aux proprietaires de ces debtes que 3 ou 400 mille livres; dont le Parlement ayant ordonné qu'on en informeroit à la diligence du Procureur General, celuy cy ne s'en acquittant pas, en a donné la commission à 3 conseillers.
Le Parlement de Thoulouse a donné arrest portant cassation des ordonnances que M. d'Espernon avoit donné tant pour la subsistance des gens de guerre que pour l'imposition extraordinaire du 200 mille livres, et ordonné que touttes les sommes levées en vertu de ces ordonnances seront rendues aux communeauttés qui les ont deslivrées; et ceux qui les ont exigées, pris au corps de leur estre faict le proces, et que les arrest du mesme Parlement donnés sur la compensation des tailles avec les foules des gens de guerre seront executtés.

/197v/ On escrit de Marseille du 30 du passé que les habitans de cette ville là, ilz sont tousjours en armes, attendant la ratiffication de l'eslection qu'ilz ont fait des consulz; que le lieutenant general de Brignolles se voyant pressé par le comte d'Alais d'en sortir, a presenté requeste au Parlement d'Aix par laquelle il a exposé que, ne pouvant rendre justice en liberté dans ladite ville, il estoit obligé de demander permission de transferer son siege allieurs; ce que le Parlement luy ayant accordé, il a transferé à St Maximin, où il s'est retiré.

M. Hervard a esté à Brissac, où M. de Charlevois l'ayant fort bien receu et l'ayant asseuré qu'il conserveroit la place au Roy, luy a faict cognoistre que M. de Tilladet ne seroit point receu, dont il est venu apporter la nouvelle à la Cour. Les trouppes allemandes sont tousjours in Lorraine attendant leur satisfaction.

On escrit de Bretagne que le mareschal de la Melleraye est malade des gouttes et qu'il a accepté le commandement qu'on luy a offert de l'armée de Flandres, à condition qu'on avancera certaines sommes d'argent pour les frais qu'il sera obligé d'y faire.

On parle aussy d'employer le mareschal de la Mothe.

De Bourdeaux le 31 mars 1650

Outre l'arrest du Parlement portant decret d'adjournement personnel contre M. Foulé, il y en a deux autres fort notables; dont le premier porte deffenses de contraindre personnes aux payement des arrerages des tailles de 47, 48, 49, à cause qu'il est porté par la declaration de la paix, qu'avant que les exiger on informera de l'estat de la province; l'autre porte qu'il sera informé contre ceux qui ont voulu oster de force aux portiers les clefz d'une des portes de cette ville nommé des Salinieres.
Les Chambres s'assemblerent hyer sur l'arrest scandaleux de la Cour des aydes d'Agen, qui ne les traitte pas moings que les rebelles, des perturbateurs du repos public, et indignes de la grace que le Roy leur a faitte en leur donnant la paix. Cest arrest doibt estre demain bruslé de la main du bourreau.

Le lieutenant criminel de Bergerac nommé Loiseau eut avant hyer icy la teste tranchée pour avoir fait mourir sa femme et fait tuer le mary de celle qu'il avoit espousé et mesmes l'ung des assassins dont il s'estoit servy, lequel luy estoit suspect, et restoit seul d'entre les autres en vie. Il s'estoit luy mesmes venu mettre en prison il y a 28 mois, soubs l'esperance que M. d'Espernon, qui l'aimoit fort, le sauveroit; mais voyant qu'il aye tousjours nié, mesmes à la question, il a neamoings esté convaincu et sa femme a pris la fuitte. M. d'Espernon ayant envoyé des trouppes à Libourne, les habitans leurs ont fermé les portes.

L'on ce [se] meffie icy de quelques mauvais coups, et pour y donner ordre l'on s'asseure le plus que l'on peut. Le bruit court que M. de Bouillon n'attend que l'occasion propre pour remuer; qu'il se doibt rendre à Blaye avec M. de Sauveboeuf; que tous les preparatifs s'y font et sont desja avancés. On attend icy de jour à autre M. de St Simon.

/200/ De Paris le 15 avril 1650

Le 8 du courant M. Hervart estant arrivé en cette ville feut mandé le lendemain de la part de la Reyne, et par cette occasion l'on eut la confiermation de la nouvelle que M. de Charlevoix refusoit de recevoir M. Tilladet au gouvernement de Brissac, de sorte que celuy cy n'a plus de gouvernement, s'estant demis entierement de celuy de Bapaume en faveur de M. de Navailles, mareschal de camp, qui en a pris possession. Le traitté que le premier a faict avec les troupes allemandes n'est autre chose sinon qu'elles sont obligées de ne porter point les armes contre le Roy jusques au mois de nouvembre, et cepandant elles demeureront en Lorraine, où elles sont entretenues à l'ordinaire et ne serviront point si on ne les paye.

Le mesme jour le sieur Guyonnet, l'ung des deputtés de Bourdeaux, revient de cette ville là et partit le lendemain en poste pour aller trouver sur le chemin de Dijon les autres deputtés, ausquelz on asseure qu'il a apporté ordre de suivre punctuellement l'instruction sur le point du changement de M. d'Espernon, et de ne point faire de remertiement pour la paix en cas que l'on le leur refuse. Par son arrivée l'on aprit que le 2 du courant l'on avoit faict brusler à Bourdeaux de la main du bourreau l'arrest infamant que la Cour des aydes de Guyenne avoit donné contre le Parlement.

Les Estatz de Languedoch ont chargé le depputté qu'ilz ont icy de demander qu'on rabatte sur les 1200 mille livres qu'ilz accorderont au Roy sur la fin de l'année derniere, la valeur des bledz que les cappitaines des vaisseaux et galleres ont pris sur mer aux marchandz de la province, lesquelz bledz ilz font monter à presqu'autant qu'ils ont accordé. M. d'Hemery promet de leur en tenir conte de la moitié cette année, et de l'autre l'année prochaine, mais ilz veulent tout presentement.

On escript de Toulouse que M. Gargan, intendant des finances, y est arrivé et qu'aussytost le Parlement s'y est assemblé pour desliberer si on devoit enregistrer sa commission.

Le 9 on eut advis de Saumur que M. de Cominges, ayant receu les ordres de la Cour de faire prendre les armes aux habitans et des environs pour assieger le chasteau, fit aussytost assembler la bourgeoisie dans l'Hostel de Ville, où ayant esté resolu d'obeir aux ordres de Sa M., il envoya sommer sur les 6 heures du soir le sieur du Mont, qui commande dans ce chasteau, de le rendre; ce que celuy cy refusa et commencea dès lors à cannoner la ville, sur laquelle il tira plus de cent coups de canon despuis ce temps là jusques au lendemain, sans tuer que 2 hommes et sans blesser que 4, mais il ruina quelques maisons, perça des murailles, et abatit quelques cheminées, lequel a continué du despuis avec 200 hommes qu'il a; mais les lettres qui en sont venues le 9 portent que le mal qu'il avoit fait n'avoit point encor augmenté sinon en ce qu'ayant faict faire plusieurs descharges de mousquetades, il avoit tué quelques personnes, touttefois en fort petit nombre. M. de Cominges y attendoit le regiment /200v/ de la Villette, qu'on luy envoye de Lymosin. Despuis on a sceu par un courrier extraordinaire arrivé avant hyer que le duc de la Rochefoucaut ayant assemblé tout ce qu'il a peut de noblesse en Poictou, partit de la Rochefoucaut le xi avec 1500 chevaux et 2000 fantassins, allant droit à Saumur pour le secourir. Le bruit a fort couru par le ville que M. le duc de la Tremouille faict aussy des levées en Poictou en mesme fin, mais ce courrier a asseuré le contraire, apres que M. le duc d'Orleans avoit plusieurs fois dit que c'estoit un faux bruit et que Mademoiselle avoit dit qu'elle en respondroit. Mme la princesse de Tarante doibt bientost s'en aller à Cassel veoir Mme la langrave d'Hesse, sa mere, et passera en cette ville incognita lors qu'elle fera ce voyage.

Le mesme jour le sieur Bartet, secretaire du roy de Pologne, feut mis dans la Bastille pour avoir retiré ches luy Mme de Bouillon. Mlle de la Tour estant encore malade au mesme endroict qu'elle estoit cachée, n'a pas esté mise dans la Bastille, mais elle est gardée.

M. de Tracy a vendu une terre qu'il avoit et aussytost apres en avoir receu l'argent, est party pour l'aller employer à lever un regiment au pays de Liege pour le service de MM. les princes.

Les lettres de Verdun du 6 du courant portent que Mme de Longueville est dans Stenay; que le mareschal de Turenne a surpris la tour de Vilenne [Vilosnes] sur la Meuse; et que le lieutenant general Rose s'en alloit à Bellegarde avec mille chevaux seulement, le reste de ses trouppes demeurant dans le Bassigny. On asseure que M. de Turenne a traitté avec les Espagnolz, mais on ne sçait pas encor ce qu'il aura arresté.

Le xi Mmes les princesses de Condé receurent ordre à Chantilly de se retirer en Berry avec le petit d'Anguyen en deux lieux differentz, sçavoir Mme la douairiere de St Amand, et l'autre à Chateauroux; sur quoy elles consulterent ensemble ce qu'elles devoint faire; et suivant leur resolution, Mme la princesse de Condé se sauva à cheval la nuict du 11 au 12 avec le petit duc d'Anguien, que le sieur de Roussiere tenoit devant luy à cheval. On ne sçait où elle est allée, mais on croit que c'est à Stenay. Ce bruit ce [se] respandit aussytost dans Paris et a demeuré incertain jusques icy, mais il ne ce [se] treuve que tropt veritable. Mme la Douairiere devoit hyer partir suivant les ordres qu'elle en avoit receu, mais elle envoya un gentilhomme à la Reyne et un autre à M. le duc d'Orleans pour les prier de la vouloir laisser à Chantilly et de croire que Mme la Princesse s'estoit retirée à son insceu; à quoy S.A.R. luy a faict responce que tout ce qu'elle pouvoit faire estoit d'obtenir qu'elle retardat son despart jusques /201/ à lundy prochain, auquel temps celuy qu'elle a envoyé à Dijon pourra estre de retour.

Les officiers du roy qui sont sortis du quartier le dernier du mois passé ayant demandé le payemen de leur gaiges à Dijon, ont esté renvoyés icy à M. d'Hemery, et on leur a donné des estappes pour faire le voyage. Ilz pressent fort maintenant pour estre payés.

Les amis de M. le Prince briguent puissenment dans le Parlement pour avoir des voix en sa faveur qui veuillent insister à demander des asemblées, afin de desliberer sur la requeste par laquelle ilz demandent d'este interrogés, conformement à la declaration du Roy.

Les lettres de Dijon du x portent que le Roy estoit allé au camp devant Bellegarde et y estoit arrivé le 9 au matin; et que les assiegés ayant apris l'arrivée de Sa M. par les descharges qu'on fit du canon et de la mousqueterie, cesserent les leur [par] respect; mais il en arriva avant hyer un courrier qui apporta nouvelles à M. le duc d'Orleans que ceux qui commandent dans la place avoint faict leur capitulation le xi, par laquelle Sa M. leur avoit accordé jusques au 21 pour envoyer à Stenay sçavoir s'ilz devoint esperer du secours, et pour cest effect leur avoit faict donner des passeportz afin qu'ilz y peussent envoyer qui bon leur sembleroit; et en cas que dans le temps ilz ne reçoivent point du secours, ilz sortiront de la place avec armes et bagages, tambour battant, etc., et pourront aller où bon leur semblera. Ceux qui voudront venir de bon gré au service du Roy, ou se retirer ches eux, le pourront faire sans qu'on les puisse rechercher en aucune façon pour le passé; et au contraire ceux qui voudront aller à Stenay et qui persisteront à estre contre le service du Roy, le pourront aussy faire et subiront les peynes ausquelles ilz sont condennés par les commissaires deputtés pour leur faire leur proces; cepandant il y aura treve de part et d'autre jusques audit jour 21, et les officiers et soldatz de l'ung et l'autre party mangent et boivent ensemble comme bons amis. Mme de Richelieu n'a point veu la Reyne despuis qu'elle est à Dijon, ayant esté advertie qu'on avoit resolu de luy refuser le tabouret à cause du proces que Mme d'Aigullion a intenté contre elle. Celle cy, pour avoir plus de facilité à faire rompre le mariage, a desuny l'abbé de Richelieu d'avec le Duc son frere; et à ceste fin l'Abbé resigna hier tous ses benefices au comte d'Agenois, son petit frere, aagé de 12 ans, au moyen de quoy Mme d'Aigullion fait cest abbé son heritier et luy donne /201v/ tout son bien, mais elle s'en reserve la jouyssance. Cepandant il se reserve pour luy 42 mille livres de pension, savoir 24 mille livres sur l'abbaye de St Ouen de Rouen, 12 mille livres sur le prieuré de St Martin des Champs, et 6000 livres sur l'abbaye de Marmoustier. Il porte à present le nom de marquis de Richelieu, en attendant qu'il puissent porter le tiltre de duc d'Aigullion. Il part apres ses feste pour aller à Richelieu.

On promet de l'argent aux Suisses dans la fin de la semaine prochaine et leur affaire est presque accommodé.

Les advis de Provence portent que les nouveaux consulz de Marseille ayant apris que le comte d'Alais s'estoit venté d'envoyer des galleres sur la mer pour empescher la traitte des bledz qui pourroint venir à Marseille, avoint escrit à M. le Cardinal que si ce comte executtoit ce desseing, la ville reprendroit les armes contre luy plus que jamais; cepandant elle ne les avoit point quitté à cause que M. de Monthoulieu n'estoit pas encor revenu de la Cour, et touttes les melieurs villes de Provence avoint renvoyé offrir leur service à Marseille. Ce comte est tousjours à Toullon, où il s'est saisy des clefs de la ville et en a chassé les familles qui luy estoint suspecttes.

On escrit de Barcelonne que M. le duc de Mercoeur avoit envoyé prier M. le comte de Bioules de faire assembler les communes du costé des Montz Pirenées, afin de l'assister au siege de Castelleon [Castellon de la Plana] qu'il avoit resolu de faire.

De Bourdeaux le 7 avril 1650

Sur ce qu'on ne peut empescher icy le transport des bledz pour le service du Roy, attendu que beaucoup de places frontieres en ont besoing et qu'il y en a faute en d'autres endroitz de la France, ausquelz on est obligé d'en envoyer, on fit publier un arrest il y a trois jours portant injonction à tous les bourgeois et habitans de cette ville de se munir de bled et en faire prouvision pour 4 mois, mais on croit qu'il y a quelque chose caché là dessoubz.

Il n'y a rien de plus veritable que M. de Bouillon arme puissanment dans le vicomté de Turenne, où il a deja assemblé plus de mille chevaux et 4 mille fantassins.

/202/ De Paris le 22 avril 1650

MM. les evesques qui sont en cette ville depputterent la semaine passée M. l'archevesque de Sens pour aller en Cour faire plainte du refus que faict M. le Garde des Sceaux d'admettre l'intervention des agens generaux du clergé dans les affaires particulieres où le clergé pourroit avoir interest. Neamoings cest archevesque n'est point encor party, et l'on croit qu'il attendra le retour de la Cour. Il fit assembler avant hyer les prelatz pour avoir leur advis sur un different qu'il a avec les peres Jesuistes et sur ce qu'ayant deffendu à tous les religieux de son diocese de confesser pandant la quinzaine de Pasques, tous luy ont obey excepté les Jesuistes, lesquelz il a interdit sur ce subject; dont ceux cy s'en estantz plaintz à la Cour, la Reyne luy a escript en leur faveur et c'est le subject pour lequel il a fait assembler les prelatz.

La semaine passée l'abbé de la Riviere estant à St Benoit sur Loire, receut ordre de se retirer en son abbaye d'Aurillac en Auvergne, et le 16 du courant M. le duc d'Orleans envoya M. de Fromont dans la maison où le train de cest abbé logeoit devant sa disgrace, pour prendre les sceaux de l'Ordre du St Esprit, lesquelz feurent trouvés dans un coffre qu'il fit enfoncer à cause que la clef n'y estoit pas, et les aporta à S.A.R.; ce qui faict croire que c'est tout de bon qu'on veut oster à cest abbé la charge de chancellier de l'Ordre, et l'Ordre aussy, qu'on ne luy peut laisser en luy ostant la charge, laquelle on parle de donner à M. de Servien; et l'on dit que cest abbé s'est fait prestre despuis 10 ou 12 jours.
Le 14 du courant Mlle de Bouillon feut mise à la Bastille aussy bien que Madame sa belle soeur, et Mlle de la Tour feut conduitte à l'hostel de St Luc, où toutte la maison logeoit.

Le mesme jour le marquis de Fors, frere de Mme de Richelieu, ayant sceu que l'abbé de Richelieu avoit resigné tous ses benefices et s'estoit desuny par là d'avec le Duc son frere, tient des discours fort desobligeantz de luy; dont cest abbé ayant esté adverty, fit aussytost appeller en duel ce marquis et partit en mesme temps pour se mettre en campagne à cette fin; mais l'affaire ayant esté descouverte, l'on courut apres luy par ordre de M. le duc d'Orleans, dont ung garde l'attrapa et l'ayant ramené, S.A.R. le fit garder et donner ordre à M. de Nemours d'accommoder cest affaire, ce qu'il a fait.

Le 15 un courrier envoyé de Lorraine arriva icy pensant y trouver M. Hervart, qui estoit en Cour, où il alla [l'alla] chercher aussytost. Il dit en passant que l'armée /202v/ allemande commenceoit à ce [se] mutiner, et que si l'on ne venoit promptement satisfaire à tout ce que l'on leur avoit promis, tous les soldatz estoint resolus d'aller servir le mareschal de Turenne.

Le 16 on eut advis que le sieur du Mont, qui commandoit dans Saumur, avoit capitulé pour rendre la place à M. de Cominges à 7 heures du soir le 18, comme il a fait. Il a pris une abolition, laquelle feut icy scellée le 17 par M. le Garde des Sceaux.

Le 17 M. d'Estissac, oncle du duc de la Rochefoucaut, arriva icy et porta nouvelles que toutte la noblesse que ce duc avoit ramassé en Poictou l'avoit abandonné à Mirebeau, lors qu'elle avoit sceu qu'il la vouloit employer à secourir Saumur. Il dit que le suject pour lequel il est venu icy est afin d'excuser cette noblesse, laquelle ne s'estoit engagée à suivre ce duc que pour l'accompagner en un lieu de seurté, où il disoit qu'il alloit se refugier à cause qu'il avoit esté averty qu'on avoit resolu à la Cour de le faire arrester prisonnier et de le perdre. Il y avoit 950 chevaux qui l'accompagnoint, dont quelq'uns luy declarerent qu'ilz trouvoint fort mauvais qu'il eut eu la pensée de les engager dans une si mauvaise affaire, et de les obliger à porter les armes directement contre le Roy.

Le mesme jour on eut advis de Dijon que le suject qui avoit obligé ceux de Bellegarde à capituler estoit que le Roy arrivant au camp, les soldatz qui estoint en garnison avoint jetté leurs chapeaux en l'air, criantz "Vive le Roy," et que les officiers, voyant cette desunion, ne creurent pas ce [se] pouvoir deffendre. Despuis on a eu advis qu'aussytost apres la capitulation, quantité d'officiers et soldatz commencerent à sortir de la place pour se retirer, en sorte que le 19 il n'y avoit presque plus personne, et ceux qui y restoint avoint parlé de se rendre dès le mseme jour, quoy que par la capitulation ils ne deussent sorter que le 21; et l'on croit que cela aura esté ainsy executté, quoy que la nouvelle n'en soit pas encor arrivée. Cepandant le gouvernement de cette place a esté donné au sieur de Roncherolles, mareschal de camp, et la lieutenance au sieur de Grignon. L'on remarque que c'est principalement M. du Passage qui feut d'advis de capituler, voyant la desunion des soldatz avec les officiers. La Cour doibt partir de Dijon lundy ou mardy prochain et doit passer à Troye en Champagne, où elle demeurera un jour ou deux, et est attendue icy vers le 6 du mois prochain.

/203/  Les depputtés de Bourdeaux estant arrivés à Dijon sur la fin de la semaine passée, demanderent le changement de leur gouverneur suivant leur instruction; à quoy ne leur ayant esté rien respondu, ilz sont partis pour s'en revenir. Le bruit a couru là dessus qu'on avoit proposé au Conseil de mander à la Cour tous les gouverneurs de provinces, mais cela n'a pas encor esté resolus. M le duc d'Orleans receut le 18 des lettres de M. de Villemontée, qui escrivoit d'Agen et mandoit qu'il avoit trouvé M. d'Espernon fort disposé à la paix et qu'il ne tenoit qu'aux Bourdelois, lesquelz le vouloint veoir hors de la province avant que l'executter. Ilz attendent pour cest effect des nouvelles de leurs deputtés avant que se declarer et s'asseurent que le duc de Bouillon sera leur chef dans cette entreprise; mais les dernieres lettres qui sont venues de ce costé là et de Lymosin asseurent que ce duc a eu des longues conferences avec le duc de Danville, qui est dans son gouvernement de Lymois, et qui la [qu'il l'a] prié de s'entremettre pour son accommodement avec la Cour, le priant cependant d'asseurer Leurs M. qu'il ne feroit rien qui leur pleut [peut] deplairre.

La nuict du 17 au 18 Mme la Princesse douairiere se sauva de Chantilly comme avoit faict Mme la Princesse, sa bru, 7 jours auparavant, quoy que la nouvelle en eut demeuré incertaine à cause qu'on avoit trompé le gentilhomme qui leur aporta touttes deux les ordres de la Cour de ce [se] retirer et qu'on luy avoit tousjours faict passer pour Mme la Princesse une damoiselle qu'on avoit mis dans son lict et qui faisoit la malade. Cepandant ce gentilhomme escrivoit souvent que c'estoit un bruit faux et qui [qu'il] voyoit tous les jours Mme la Princess et le petit duc d'Anguien, en la place duquel on avoit mis un enfant de son aage dans un lict qui estoit à costé de celuy de Mme la Princesse, dans lequel estoit cette damoiselle.

Le 18 on sceut que ceste princesse estoit arrivé le 16 dans le chasteau de Mourron en Berry avec le petit duc d'Anguien, cette nouvelle ayant esté envoyée icy à M. le duc d'Orleans par le comte de St Agnan, qui envoya un courrier expres pour cela. Mme la Douairiere a passé par icy incognita, mais on ne sçait où elle est allée.

En suitte de la redition de Saumur les ducs de la Tremouille et de St Simon ont envoyé chacung un gentilhomme à la Cour pour asseurer qu'ilz n'avoint point eu de pensée de faire aucune chose contre le service du Roy, /203v/ quelques instances que le duc de la Rochefoucaut leur en eut faict.

Le 19 on tient conseil au palais d'Orleans, où feurent apellés le nonce du Pape et l'ambassadeur de Venise, ausquelz S.A.R. ayant demandé quelles nouvelles ilz avoint d'Espagne touchant la paix, l'ambassadeur de Venise respondit que les Espagnolz n'en vouloint point ouyr parler dans les conjonctures presentes, mais le Nonce repart[it] qu'il avoit des nouvelles touttes contraires, et que le nonce qui est à Madrid luy escrivoit qu'on avoit envoyé ordre au comte de Pigneranda (lequel d[oibt] partir de Bruxelles cette semaine et passera par icy pour s'en retourner en Espagne) d'escoutter touttes les propositions de paix qu'on luy pourroit faire en passant à Paris, et d'asseurer que si on vouloit arrester un lieu pour conferer de nouveau là dessus, le Roy son maistre le feroit resoudre aussytost dans son conseil; mais on voit bien que les Espagnolz ont au[tant] d'interest que nous de tesmoigner qu'ilz ont envie de faire la paix, quoy qu'il ne l'ayent pas.

Les advis venus cette semaine de la frontiere de Champagne portent qu'il reste fort peu de trouppes à M. de Turenne, lequel ne paroit point du t[out] en campagne à cause que le lieutenant general Rose le tient investy d'ung costé et le marquis de la Ferté Seneterre de l'autre; neamoings on asseure tousjours qu'il a faict son traitté avec les Espagnolz, et que ceux cy ce [se] sont obligés de luy fournir 6000 hommes pandant toutte la campagne et 125 mille livres par mois pour les entretenir, dont il attend l'effect à Stenay, où il est tousjours avec Mme de Longueville; mais il n'est pas maistre de la citdelle, laquelle est encor entre les mains du sieur de Chamilly, dont le frere a asseuré Leurs M. de sa part que cette citadelle leur seroit conservée fidellement et qu'il n'obeiroit en cela q'aux ordres du Roy.

Du costé de Flandres on mande que les ennemis avoint donné ordre à leurs trouppes de se tenir prestz pour sortir en campagne le 25 de ce mois, et que pour cest effect ilz s'assembloint à Cambrai.

Le bruit continue qu'on doibt oster à l'abbé de la Riviere la charge de chancellier de l'Ordre pour la donner à M. de Servien. Quelq'ungs veulent mesmes que ce soit sans luy en faire aucune recompense à cest abbé. /204/ M. de la Vrilliere ce [se] doibt en mesme temps demettre de celle de greffier de l'Ordre en faveur de M. d'Hemery, en retenant touttefois le cordon; mais les medecins de celuy cy asseurent qu'il ne sçauroit vivre encor un mois.

[L']affaire des Suisses est sur le point d'estre achevée. Leurs ambassadeurs n'ont pas voulu accepter les offres qu'on leur avoit fait de leur donner presentement 600 mille livres d'argent comptant et 700 mille livres en bonnes assignations avec asseurance pour l'advenir; et quant aux 3 millions 600 mille livres qui leur sont deubtz de vieux arrerages, on le leur assigne sur des nouveaux traittés que des particuliers font avec M. Le Roy, lesquelz seront veriffiés au Parlement, et les traittans s'obligeront à les payer dans 3 ans, ce qui doibt estre achevé dans 2 ou 3 jours; et cepandant ils ce [se] sont relaschés à recevoir un million d'argent comptant, et il n'y a plus que cette difficulté à resoudre dans leur affaire.

Un gentilhomme que l'Archiduc a envoyé en Espagne pour y complimenter le Roy Catholique sur le suject de son mariage, passa en cette ville la semaine passée et eut conference avec Mme de Chevreuse.

Les lettres de Marseille du 12 du courant portent qu'on s'y estonnoit de ce que M. de Montolieu n'y estoit pas encor revenu de la Cour, et qu'on craignoit qu'il luy feut arrivé quelque accident en chemin, ce qui auroit si fort allarmé la ville qu'au lieu que le x on n'avoit que mille hommes, il s'en estoit trouvé le 12 jusques à 4 mille; neamoings on aprit, par l'arivée d'un conseiller d'Aix, que ledit sieur de Montoulieu avoit obtenu à la Cour la confiermation de l'eslection des nouveaux consulz de cette ville là. Le comte d'Alais faisoit son possible pour attirer à son party la noblesse de la province afin de s'en fortiffier. Ce comte est disposé à se demettre de ce gouvernement en faveur du duc de Joyeuse, mais les Provenceaux n'estantz pas satisfaictz de luy et craignant qu'il voulut heriter de Passion [sic] de son beaupere, l'on doutte fort qu'il y soit receu.

M. de Charlevoix, lieutenant de Brissac, a escrit à M. le Cardinal qu'il esperoit de la bonté de la Reyne qu'elle recompenseroit les services qu'il a rendus despuis 12 ans qu'il est dans cette place, laquelle en ce cas il promet de remettre entre les mains de qui il plairoit à Sa M., suplioit M. de Tilladet de differer son voyage.

/204v/ Ce feut le 18 à 2 heures apres midy que M. du Mont mit le chasteau de Saumur entre les mains de M. de Cominges, mais on asseure qu'il receut auparavant une recompense de 10 mille escus et que son abolition n'estant pas encor arrivée, il n'en vouloit point d'autre seurté que la parole de M. de Cominges.

/206/ De Paris le 29 avril 1650

La semaine passée MM. les surintendantz des finances se taxerent volontairement à 20 mille livres chacun et taxerent de certaines sommes tous les intendantz des finances, les tresoriers de l'Espargne et de l'extraordinaire des guerres, avec les commissaires dudit extraordinaire, afin de faire un fondz pour satisfaire les rentiers de la Ville.

Le courrier qui aporta icy la nouvelle de l'entrée de M. de Vendosme dans Bellegarde estant arrivé icy le 24 du courant, raporta que tout y avoit esté executté suivant la capitulation; que tous ceux qui estoint sortis de la place avoint pris abolitions et s'estoint retirés ches eux; à quoy plusieurs adjoustent que les principaux d'entre eux ont receu des grosses sommes d'argent pour recompense.

En mesme temps M. le duc d'Orleans envoya le jeune marquis de Vardes pour se conjouyr avec Leurs M. de cest heureux succes. On a remarqué que le baron du Tor [Tot], maistre de camp d'infanterie, ayant pretendu au gouvernement de cette place, et M. de Ronserolles l'ayant emporté sur luy, M. le Cardinal chargea celuy cy de luy payer tous les ans une pension de mille escus de revenue de ce gouvernement, ce qui ne s'estoit jamais encor faict. Les troupes du Roy qui assiegeoint cette place sont parties pour aller partie en Piedmont et partie à Stenay, qui est à present investie par les lieutenantz generaux Rose et la Ferté Seneterre, qui ont 6 mille hommes et qui attendent la jonction des troupes alemandes qui sont en Lorraine pour l'assieger. Mme de Longueville, qui est dedans, entra ces jour passés dans la citadelle pour la veoir et pour conferer avec le sieur de Chamilly, qui est tousjours le maistre, lequel la receut fort bien; mais on remarqua qu'ayant voulu s'y faire accompagner par 150 hommes bien faictz, on ne voulu permettre qu'à 5 ou 6 d'y entrer avec elle, et qu'elle ne peut rien gaigner sur l'esprit du sieur de Chamilly et il ne voulut point ouyr parler de la rendre à d'autres qu'à M. le Prince mesme, et non aux Espagnolz. On asseure neamoings que M. de Turenne s'estant encor de nouveau abouché ces jours passés avec le comte de Fuelsendagne, a traitté avec luy, mais on ne sçait à quelles conditions, et il ne peut leur donner d'autres places que la tour de Villenne [Vilosnes], qui n'est point du tout considerable. Le marquis de la Moussaye est bien remis avec le sieur de Chamilly, et on remarque qu'ilz sont maintenant d'accord eux deux de ne rendre point la citadelle de Stenay à ce mareschal ny à Mme de Longueville. Il y eut disputte ces jours passés entre la citadelle et la ville; et celle cy ayant refusé de fournir le pain de munition à l'autre, elle feut sur le point de tirer sur la ville; mais ce different feut accommodé, et la ville s'obligea non seulement de fournir le pain de munition à la citadelle, mais encor de permettre aux soldatz d'y en aller achepter.

/206v/ Le 25 on eut advis de Saumur que M. de Cominges, apres avoir donné les ordres aux choses qui estoint necessaires dans le chasteau, en estoit party avec 2000 fantassins et 300 chevaux pour aller rompre le desseing du duc de la Rochefoucaut, qui pour se conserver continuoit à ramasser des troupes en Poictou. M. le mareschal de la Mesleraye, qui est en Bretagne, receut la semaine passée commission pour commander les troupes dudit sieur de Cominges et celles qui sont en quartier en Limosin, Poictou, Anjou, et Sainctonges, les gouverneurs desquelles provinces ont ordre de luy obeir comme avoint autrefois ceux de Guyenne et de Languedoch d'obeir à M. le Prince; et ce mareschal a ordre d'aller pousser à bout le duc de Bouillon, apres qu'il se sera saisy de la personne du duc de la Rochefoucaut, pour l'accommodement duquel M. d'Estissac, son oncle, travaille; cepandant on dit que le gouvernement de Poictou est donné au comte de Paluau, et qu'on ne veut point ouyr parler d'accommodement pour ce duc.

L'on continue d'asseurer qu'il a esté resolu au Conseil de mander à la Cour tous les gouverneurs des provinces, à cause qu'on est obligé de mander le comte d'Alais et le duc d'Espernon pour calmer tout à faict les peuples de Guyenne et de Provence.

Le marquis de la Boulaye s'en alla la semaine passée à Dijon pour demander la charge des Cent Suisses du roy, cause que M. de Bouillon La March, son beaupere, a qui cette charge apartient, estoit fort malade; mais il est maintenant guery.

Le mesme jour 25 on mit entre les mains de MM. les Gens du roy une amnistie generale que le Roy a donné pour tous ceux qui se trouverent engagé dans la rumeur arrivée à Paris le xi decembre lors que ce marquis voulut faire prendre les armes en suitte du coup de pistolet tiré à M. Joly. Cette amnistie devoit estre presentée avant hyer au Parlement, mais elle ne le feut pas, à cause que MM. les Gens du roy avoint trouvé qu'il y avoit quelque chose à corriger.

L'affaire des Suisses n'ayant encor peu estre accommodé à cause qu'on ne leur donner [sic] que 600 mille livres d'argent comptant et qu'ilz n'en veulent pas moings d'ung million, leurs ambassadeurs feurent le 26 au palais d'Orleans pour pendre congé de S.A.R., à laquelle ayant representé que la nation les pressoit fort de se retirer, et qu'ilz estoint obligés de partir promptement et d'emmener les Suisses qui seroint dans les armées du Roy, elle les pria d'avoir patiance jusques au retour de S.M. (qui [qui y] sera se [ce] lundy prochain, estant arrivé d'hier au soir à Troyes en Champagne, où le marquis de Praslin leur avoit faict preparer un superbe banquet), dont ces ambassadeurs demeurerent d'accord.

/207/ Les advis qu'on a eu de Bourdeaux cette semaine portent que M. d'Espernon ce [se] defiant fort du duc de Bouillon et craignant qu'il ne se fasce chef du party pour les Bourdelois, quoy que ceux cy n'ayent trouvé aucune seurté avec luy, avoit faict sortir de la ville d'Acqs [Dax] les troupes qu'il y avoit faict entrer, et les avoit envoyé vers la vicomté de Turenne pour observer les desseings du duc de Bouillon; que cepandant tout estoit calme dans Bourdeaux, où l'on attendoit des nouvelles de leurs deputtés qui estoint en Cour, pour deliberer sur les moyens de faire sortir le duc d'Espernon de la province en cas qu'on refusat de leur donner un autre gouverneur. Sur cela on a remarqué que ces deputtés ayant faict instance pour cela à M. le Cardinal dans la conjoncture de la prise de Bellegarde, et S.E. ayant creue qu'apres cest heureux succes on pouvoit leur refuser ce qu'ilz demandoint, luy declararent hautement qui [qu'ilz] feroint leur possible pour trouver les moyens de se conserver contre les violences de M. d'Espernon.

De Provence on mande que la peste s'echauffe beaucoup dans Aix et qu'elle a obligé le Parlement d'en sortir et d'aller tenir sa sceance à Cellon [Salon], la Chambre des comptes et procureur du pays à Pertuis, le siege presidial à Joucques [Jouques], et les tresoriers de France à St Maxamin; et de Marseille on escrit du 19 que M. de Montolieu y estant arrivé le 13 avec la confiermation de l'eslection qu'ilz avoint faicte des nouveaux consulz, M. de la Varenne les avoit mis en possession le lendemain; et que les resjouissances s'en estoint faictes le 17 par la descharge de tout le canon, tant des vaisseaux que de la ville, et par les feux de joye qui s'en firent le soir; à quoy l'on adjouste que le 19 l'on y nomma dans l'Hostel de Ville 3 viguiers, dont les noms ont esté envoyés à la Cour afin que le Roy en fit le choix d'ung, et qu'ensuitte l'on y licentia les troupes qu'on avoit levé pour la garde de la ville, laquelle feut commise aux bourgeois.

Le 27 le Parlement se devant assembler pour la mercuriale, M. le duc d'Orleans envoya M. de Fromont, secretaire des commandementz, à M. le Premier President pour le prier de remettre la mercuriale à mercredy prochain. Mme la Princesse [douairiere], qui avoit demeuré jusques icy cachée dans Paris, se voulant servir de cette occasion se trouva devant 6 heures du matin au Palais, où elle estoit allée dans le carrosse du president Viole menée par le marquis de St Simon d'un costé et par le marquis de Vigean de l'autre, accompagnée par les duchesses de Ventadour et de Chastillon menées par M. de Ventadour l'esclesiastique et par /207v/ le marquis de Fors. Cette princesse s'estant postée dans le parquet des huissiers, pria plusieurs conseillers de ce [se] vouloir charger d'une requeste qu'elle avoit à presenter en son nom; et apres que plusieurs l'eurent refusé, M. Payen, conseiller en la Grand' Chambre, luy qu'encores qu'il eut autrefois encouru la disgrace de M. le Prince, il ne laisseroit pas neamoings de s'en charger et la porta dans la Grand' Chambre; où Mme la Princesse l'ayant suivie, demanda justice sur le contenu de cette requeste; sur quoy la Grande Chambre ayant trouvé qu'elle n'y pouvoit pas desliberer seule à cause que c'estoit un affaire d'Estat, mandat aussytost les Chambres de l'Edit et de la Tournelle; lesquelles y estant venues, il feut resolu que la requeste seroit leue, que MM. des Enquestes seroint appellés pour en faire la lecture et y desliberer dessus, les chambres assemblées, et cepandant MM. Menardeau et Payen des Landes feurent deputtés vers M. le duc d'Orleans pour l'advertir que Mme la Princesse avoit presenté cette requeste et le convier de se trouver à l'assemblée. Aussytost Mme la Princesse accouru dans toutes les chambres des Enquestes, où elle sollicitta tous les conseillers en general; que dans la premiere et la quatriesme elle feut escouttée comme soliciteuse, messieurs estantz levés et ayant levés leurs bonnetz, et dans la 3 et autres chambres elle feut escouttée comme supliante, messieurs estant couvertz et assis, et elle debout. Cepandant les deputtés estant de retour au palais d'Orleans, raporterent que S.A.R. avoit respondu qu'elle n'y pouvoit pas s'y trouver, disant que Mme la Princesse avoit desobei au Roy et que le Parlement ne devoit point toucher à sa requeste jusques au retour de Leurs M. Enfin tout le Parlement estant assemblé dans la Grand' Chambre pour la mercuriale, M. le Premier President fit son harangue à l'ordinaire, dans laquelle neamoings on remarqua qu'il s'estendit sur ce que la Compagnie avoit esté dans beaucoup de rencontres le refuge et l'azille des opressés, et qu'elle devoit aussy bien la justice aux grandz qu'aux petits, en quoy il parut assess porté à favoriser le desseing de Mme la Princesse. Apres cela la requeste feut leue, par laquelle Mme la Princesse representoit les violences et mauvais traittementz qui avoint esté faitz tant à elle qu'à Mme la Princesse sa fille, qu'à Messieurs ses enfans par le cardinal Mazarin, abusant du nom et de l'authorité du Roy; et demandoit qu'il pleut au Parlement de la recevoir en sa protection et de luy nommer un lieu où elle peut estre en seurté dans Paris, afin de pouvoir demander justice /208/ pour Messieurs ses enfans. Sur cela il feut arresté qu'il seroit surcis à faire droict sur la requeste jusques au retour du Roy, et que les mesmes deputtés qui avoint desja esté ches M. le duc d'Orleans y retourneroint pour luy donner part de cette resolution et le prier de vouloir donner un lieu de seurté à Mme la Princesse en attendant le retour de Sa M. Ces deux deputtés estant retournés au palais d'Orleans, et M. Payen des Landes ayant faict veoir la requete à S.A.R., elle luy dit qu'elle s'estonnoit fort de ce qu'il s'en estoit chargé apres le refus de tant d'autres, puisqu'il sçavoit bien que Mme la Princesse s'estoit rendue criminelle, n'ayant pas voulu obeir aux ordres du Roy; et quant à la seurté qu'ilz pretendoint luy faire donner, il ne pouvoit pas consentir, attendu que cela chocquoit directement l'authorité du Roy, mais qu'il s'assembleroit le Conseil pour desliberer sur ce qui estoit à faire, et qu'elle leur rendroit response à 5 heures du soir. Estant retournés au Parlement, ilz y rendirent conte de ce que S.A.R. leur avoit dit, sur quoy l'on opina; et presque touttes les voix allant à donner seurté à Mme la Princesse jusques à ce qu'on pourroit desliberer sur la response du Conseil, l'on proposa divers lieux pour la mettre en seurté et les premiers avis estoint de la mettre dans les Carmelites; et sur cela M. Coulon dit qu'il faloit mettre en un endroit d'où elle ne peut pas se sauver en cas qu'elle ne reeussit pas dans cette affaire, estant à craindre qu'elle n'apporta du trouble à l'Estat si elle pouvoit gaigner le chemin de Stenay. D'autres ayant esté d'advis de luy envoyer demander en quel endroict elle desiroit se mettre, cette opinion feut suivie; à quoy elle fit response qu'elle seroit bien ayse s'il plaisoit à la cour que ce feut chez le president de Nesmond ou le president Viole; sur quoy quelq'ungs dirent à M. le Premier President qu'elle seroit mieux ches luy, mais il feut jugé à propos de ne la point mettre ches aucung president; ce qui luy ayant esté rapporté, elle fit instance pour estre mise en quelque lieu en l'enclos du Palais, ce qui luy feut accordé à son choix, et elle feut logée dans la maison du sieur de la Grange, maistre des comptes.

L'apresdisnée, le Conseil s'estant tenu au palais d'Orleans, les mesmes deputtés y estant retournés le soir pour sçavoir la resolution de S.A.R., elle leur dit qu'elle ne pouvoit consentir du tout, qu'on donnat aucune protection à Mme la Princesse, mais qu'il faloit qu'elle se mit en resolution d'obeir aux ordres du Roy et qu'elle se retirat à Chillay ou en quelque autre maison sur le chemin de Berry, en attendant le retour de Leurs M., pour marque qu'elle s'estoit mis en devoir /208v/ d'obeir aux ordres du Roy. Cepandant elle feut fort visitée le soir de ce jour là jusqu'à une heure apres minuict. Ces visittes feurent encor hier continuées toutte la journée.

Hier au matin les deputtés ayant faict raport au Parlement de la response du Conseil, il feut arresté qu'on feroit des nouvelles instances à M. le duc d'Orleans de donner parolle de seurté à Mme la Princesse; et M. le Premier President se deputta luy mesmes pour cest effect et feut l'apresdisnée trouver S.A.R., qui luy fit response qu'il faloit qu'elle obeit au Roy; et on asseure mesmes que le soir elle receu un nouveau ordre de la Cour de se retirer sur le champ, ce qu'elle ne voulut pas faire. Sur les 10 heures du soir, S.A.R mandat le Premier President, avec lequelle elle eut une secrette conference; et ce matin SAR est entré au Parlement accompagné de MM. d'Elboeuf, de Beaufort, le Coadjuteur, et le mareschal de l'Hospital; où estant, elle a faict un beau discours par lequel, ayant exposé que le Roy avoit esté obligé d'envoyer ordre à Mme la Princesse de se retirer, à cause qu'on avoit surpris un des valetz de pied qui alloit de Chantilly à Bellegarde pour avertir la garnison de tenir bon et l'asseurer d'ung prompt secours; qu'on voyoit aller divers courriers de Stenay à Chantilly, où tout le monde sçavoit que M. de Boutteville avoit levé des troupes; et que Mme de Longueville avoit escript au gouverneur d'Arras pour tascher de le desbaucher et l'engager dans le service de M. le Prince; que d'allieurs c'estoit une chose bien extraordinaire que cette requeste feut presentée dans le temps que Mme de Longueville et le mareschal de Turenne traittoint avec le comte de Fuelsendagne et estoint sur le point de mettre Stenay entre les mains des Espagnolz; et que tout le monde sçavoit les intrigues que Mme la Princesse avoit mené despuis sa sortie de Chantilly, tous les voisins mesmes du Palais pouvans tesmoigner que toutte la nuict passée il y a eut plus de 30 carrosses à sa porte; et qu'enfin, nonobstant les ordres du Roy, il avoit accordé qu'elle se retirat seulement à 3 ou 4 lieues d'icy sur le chemin de Berry pour une marque d'obeissance en attendant le retour de Leurs M., luy donnant parolle de seurté; sur quoy M. le Premier President ayant fort insisté pour obtenir quelques jours de seurté apres ce retour, afin de luy donner moyen de demander un plus doux traittement à la Reyne, S.A.R. apres beaucoup de contestations luy a accordé 3 jours apres ledit retour, dont le Premier President s'est chargé /209/ d'advertir Mme la Princesse; et l'assemblée voulant tesmoigner une entiere deference à la volonté de M. le duc d'Orleans, s'est levée sans y desliberer. L'on a remarqué que M. le duc d'Orleans entrant dans l'assemblée, Mme la Princesse s'est jettée à ses piedz, luy demandant justice, et que S.A.R. l'a traitté avec grande civilité, luy ayant promis de s'employer aupres de la Reyne pour luy faire obtenir ce qu'elle demandoit. Elle va coucher ce soir à Berny et le lendemain à Chilly, où elle demeurera jusques au retour de Leurs M. Ses officiers estant hier arrivés icy, l'on publia aussytost à son de trompe un ordre, tant à eux qu'à ceux de M. le Prince, de sortir de Paris dans 24 heures à peyne de la vie. Il y avoit encor une requeste pour le president Perrot et un autre pour M. de Marchin, qui devoint suivre celle de Mme la Princesse; et M. Payen des Landes s'est chargé de ces 2 icy, aussy bien que de l'autre, mais il n'en a point encor esté parlé.

L'affaire des rentiers feut reglée au palais d'Orleans, où le mareschal de l'Hospital leur dit qu'il avoit esté arresté que le 15 du mois prochain ilz toucheroint 2 quartiers.
M. de Tilladet partit hier pour aller prendre possession de son gouvernement de Brissac, où il a porté 100 mille escus pour M. de Charlevois, auquel on ne laisse pas de conserver la lieutenance de cette place.

L'on mit hier dans la Bastille un nommé Charpy, autheur des faux sceaux qui s'estoit retiré en Flandres il y a un an.

L'on faict marcher en diligence les troupes en Flandres, où l'on fait estat qu'il y aura, cette campagne, 7 à 8000 chevaux et 10 mille fantassins. On ne sçait encor qui les commandera. Cepandant les ennemis, qui se sont assemblés à Douay, ont fait des courses dans la Picardie, mais sans dommage. Ilz font encor un petit corps d'armée du costé de la mer. M. de Villequier est dans Arras, et l'on croit que c'est pour observer M. de la Tour, qui en est gouverneur, lequel est devenu suspect à cause qu'il estoit creature de M. de Longueville.

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