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Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/404/ De Paris du 7 avril 1651

Le 21 [31?] du passé, au soir, M. le duc d'Orleans mena au Palais Royal les presidentz de la noblesse, accompagnés d'ung depputté de chasque province et de quantité d'autres personnes qui avoint assisté à leur assemblée. Le Marquis de Fosseuse y porta la parolle, et remertia la Reyne d'avoir accordé les Estatz Generaux et la suplia de vouloir continuer dans ce bon desseing. Sa M. les receut asses bien et respondit que le Roy ny elle ne se desdiroint point, et qu'ilz tiendroint leur parolle. Ces messieurs avoint demandé l'escrit que S.A.R. et M. le Prince avoint eu, signé de Leurs M. dans l'accommodement qu'il se [qui se] fit de cette affaire, afin de le faire imprimer et l'envoyer dans les provinces; mais S.A.R. n'a pas voulu le rendre public, leur ayant seulement permis de l'encerer dans leurs registres et de faire imprimer celuy qu'elle et M. le Prince leur ont donné; auquel ilz ont demandé qu'on adjoustat une permission à la noblesse de s'assembler d'elle mesme si bon luy semble, sans attendre aucung ordre de S.A.R. en cas qu'on voulut eluder la tenue des Estatz Generaux, ce qui leur a esté accordé; et l'escrit de Sadite A. a esté reformé pour cela, aussy bien que celuy de M. le Prince.

Le mesme jour le duc d'Espernon feut au palais d'Orleans, mais S.A.R. estant en conference avec M. le Prince et le Coadjuteur, il ne voulut pas attendre qu'ilz eussent achevé, d'autant plus qu'il y rencontra les deputtés de Bourdeaux. Le lendemain il feut veoir M. le Prince, qui le receut asses bien parce que la Reyne l'en avoit prié le jour precedent.

On parle de donner le gouvernement de Guyenne à M. le prince de Conty pour celuy de Champagne, qu'on auroit donné par ce moyen à M. d'Espernon, lequel se justiffie de toutte la conduitte qu'il a tenu en Guyenne sur les ordres expres du cardinal Mazarin, qui pour l'obliger à luy donner moyen de satisfaire à sa passion, luy mandoit qu'il entreprit tout, sans rien espargner, pour venir à bout des Bourdelois, et ce avec d'autant plus de confidence qu'il croyoit desja sa seconde niepce mariée avec M. de Candale; mais cette proposition ayant trouvé de difficultés dans son execution, on a despuis parlé de donner à ce prince celuy de Provence, et au duc de Joyeuse celuy de Champagne.

Le vicomte d'Auteil ayant obtenu de S.A.R. la preference sur le marquis de Flammarins, pour traitter avec le duc d'Anville de la charge de premier gentilhomme de la chambre, ce marquis appella en duel ce vicomte le premier du courant, au matin, quoy que Sadite A. le luy eut deffendu; mais on s'en deffia d'abord, et on leur donna des gardes. Ce marquis avoit desja donné au duc d'Amville pour cette charge 80 mille livres d'argent comptant qu'on dit qu'il avoit emprunté de M. l'abbé de la Riviere, et luy avoit passé une obligation de 20 mille livres, laquelle il luy a rendue avec son argent. Le premier du courant M. de Beloy commencea à servir S.A.R. en qualité de capitaine de ses gardes.

Le mesme jour la ferme des entrées de Paris feut augmenté de 500 mille livres et la sousferme de 40 mille livres, M. le Garde des Sceaux ayant receu cette enchere et tenu Conseil expres /404v/ pour cela. L'on asseure qu'il a voulu par cette action mettre le president de Maison dans son tort, l'ayant d'allieurs fort maltraitté sur la mauvaise administration des finances, dont on fait courir un escrit qu'on dit avoir esté fait par le marquis de la Vieuville. Le mesme jour la Reyne, à la priere de M. le Prince, envoya à Cluny M. Morant, maistre des requestes, pour disposer les espritz des moines à eslire le duc d'Anguien pour leur abbé.

Ledit jour MM. de Servient et Lyonne firent leur accommodement avec MM. les princes par l'entremise de Mme de Longueville et de la Princesse palatine, laquelle avoit grand part dans toutte l'intrigue qui ce [se] fit pour la liberté des princes, mais ces 2 princesses ne firent rien pour M. Le Tellier.

La division qui est entre les Estatz et le Parlement de Longuedoc semble menacer des suittes dangereuses. Le Parlement, outre l'arrest que vous avees sceu, a enjoint à M. de Breteuil, intendant de justice, de sortir de la province, avec deffense à luy de faire aucune commission, et à touttes personnes de le recognoistre, enjoint au commissaires d'informer de son proceddé. La Chambre de l'Edit de Castres en a donné un autre conforme à celuy de Thoulouse, mais la Cour des aydes de Montpelier les a cassés, et cette affaire s'eschauffe fort. M le duc d'Orleans a escrit sur ce subject au Parlement de Tholouse, lequel n'a encor desliberé sur la lettre de S.A.R., voulant veoir auparavant ce que feront les commissaires, lesquelz n'avoint esté receus qu'en 3 ou 4 villes.

Le 2 Don Gabriel de Tolede partit d'icy pour aller en Espagne. Don Estevan de Gamara sollicitte aupres de S.A.R. la permission pour aller en Flandre sur sa parolle, à negotier les moyens de sa liberté.

Le prince de Monaco sollicitte aussy du secours pour deffendre sa place contre les Espagnolz. M. de Turenne est attendu icy sur la fin de cette semaine. M. le Prince a donné le gouvernement de touttes ses places à ceux qui l'ont mieux servy pendant sa detention. Il a baillé celuy de Stenay à M. de Boutteville, mais on n'a rien donné au comte de Tavanes, parce qu'on luy a dit qu'il n'avoit pas resisté dans Bellegarde autant qu'il auroit peu, ny au baron de Lanque.

Le Roy traitta, le 30 du passé, M. le duc d'Orleans et M. le Prince au Palais Royal, dans l'apartement du duc d'Amville, ce qui fit croire d'abord que les affaires alloint le grand chemin dans la reunion de la Maison Royalle; mais on a veu despuis tout le contraire. Hier apresdisnée, M. le duc d'Orleans estant allé au Palais Royal pour ouyr les remonstrances que les deputtés du Parlement y devoint faire, aperceut dans la chambre de la Reyne M. de Chavigny, qui estoit arrivé icy le matin. Aussytost la Reyne, voyant que S.A.R. estoit surprise de veoir ce visage, luy dit, "Mon frere, j'ay fait revenir Chavigny pour estre dans le Conseil, celuy là ne vous sera pas suspect. Vous sçavès qu'il n'est pas Mazarin." S.A.R. respondit, /405/ "Madame, cest affaire estoit, ce me semble, d'asses grande importance pour estre desliberée entre nous, et je trouve fort estrange que vous l'ayes faitte sans m'en rien communiquer"; sur quoy Sa M. repartit, "Vrayement, vous aves bien fait d'autres sans m'en parler"; et apres quelques autre parolles, S.A.R. et M. le Prince se retirerent. Sur cela les deputtés du Parlement estant entrés, la Reyne les receut dans la galerie, où le Premier President ayant fait sa harangue et dit, entre autres choses, que M. le duc d'Orleans avoit assisté à la desliberation qui s'estoit faitte pour demander l'exclusion des cardinaux françois, et mesmes avoit esté de cest advis avec M. le Prince, Sa M. a respondu que puisque ces 2 princes avoint creu que c'estoit le bien de l'Estat, et qu'ilz l'avoint ainsy voulu, elle n'y trouvoit rien à redire et accordoit volontiers au Parlement la declaration qu'il demandoit.

Sur les 9 heures du soir la Reyne envoya M. de la Vrilliere ches M. le Garde des Sceaux pour luy faire commandement de luy donner les sceaux, à quoy celuy cy obeit d'abord, et dit qu'on ne les luy ostoit pas pour avoir mal servy le Roy, et qu'il n'avoit rien fai[t] jusque icy que ne fit encor, si les sceaux luy feussent demeurés entre les mains. Aussytost la Reyne les envoya au Premier President par ledit sieur de la Vrilliere, lequel feut ensuitte de donner advis de la part de la Reyne à M. le duc d'Orleans, qui n'en feut pas moins surpris qu'il avoit esté du retour de M. de Chavigny. Et en mesme temps on luy feut donner advis que Sa M. avoit resolu d'oster à M. de Villeroy la charge du gouverneur du Roy et le donner au mareschal de Grammont, qu'on asseure avoit conduit toutte cette intrigue; et qu'elle avoit mandé à M. le Chancellier, qui estoit à Rhosny [Rosny], pour venir tenir le Conseil, parce que le Premier President ne quittoit pas sa charge, quoy qu'il aye les sceaux et quoy que l'on die qu'elle soit promise à l'advocat general Talon.

S.A.R. sembloit d'abord entrer dans quelque deffiance qu'on eut desuny M. le Prince d'avec elle, mais celuy cy luy protesta. aussy bien que M. le prince de Conty et M. de Longueville, qu'il n'avoit rien sceu du retour de M. de Chavigny et de ce qui estoit arrivé ensuitte, et qu'il seroit tousjours dans les interestz de S.A.R., avec laquelle il a esté cette nuict, et tous ses amis, jusques à 4 heures du matin à parler des moyens de destruire cette intrigue et remettre les choses en l'estat qu'elles estoint. On ne doubte pas qu'ilz n'en viennent à bout, si leur union subsiste.

Le 7 dans [sic] la ferme des entrées de Paris a esté adjugée par preference aux antiens fermiers à 2 millions 200 mille livres, à condition qu'ilz ne pourront pretendre à l'advenir aucune remise.

L'evesché de Leon est donnée à l'abbé de Boisdauphin. On parle de faire donner le gouvernement d'Auvergne à M. de Nemours, celuy de Guyenne à M. le Prince, et celuy de Bourgogne à M. d'Espernon avec la survivance à M. de Candale.

Le 4 du courant, au matin, M. de Chasteauneuf se retira en sa maison de Montrouge sans attendre aucung ordre pour cela. M. le Chancellier arriva icy sur le soir, mais ce feut apres le Conseil. Le Premier President le visitta en mesme temps.

/405v/ Le mesme jour M. de Brienne feut un peu apres midy prier S.A.R., de la part de la Reyne, d'aller au Conseil, mais elle luy fit response qu'elle n'y pouvoit pas aller jusques à ce que Sa M. auroit remis les affaires en l'estat qu'elles estoint avant ce dernier changement. M. le Prince fit des nouvelles protestations à S.A.R. de ne se desunir jamais d'avec elle, et d'executer auveuglement tous ses ordres touttes fois et quantes qu'elle luy commanderoit, luy offrant à cette fin ses places et ses amis, et despuis continue à luy donner genereusement des marques d'une parfaitte union et recognoissance de sa liberté.

Le soir M. d'Amville feut prier M. le duc d'Orleans de faire des propositions à la Reyne, l'asseurant qu'elle estoit toutte disposée à un bon accommodement, et l'a sollicitté si puissanment là dessus, assisté de quelq'ungs de ses principaux officiers, qu'elle en fit le lendemain 5, mais elles estoint si esloignées de la volonté de la Reyne qu'elles ne pouvoint estre accordées. On asseure qu'il demandoit qu'avant touttes choses Sa M. remit les affaires au premier estat, qu'elle chassat MM. Servien et Le Tellier, et qu'elle ne resolut à l'advenir aucun affaire importante sans sa participation; mais pour respondre à cela la Reyne luy envoya, le soir du 5, le president Le Coigneux pour luy dire qu'elle chasseroit MM. Servien et Le Tellier, et donneroit une ambassade honnorable à M. le Coadjuteur, s'il vouloit laisser les choses en l'estat qu'elles les avoit mises, à quoy S.A.R. ne voulut pas entendre. L'on proposa à M. le Prince d'estre mediateur de cest affaire; mais s'estant mis dans les interestz de S.A.R., il ne le voulut pas estre.

Le mesme jour on offrit le chapeau de cardinal à M. le Coadjuteur, ayant seu que la Reyne estoit persuadée qu'il detournoit M. le duc d'Orleans de s'accommoder avec elle, feut trouver S.A.R. et la suplia de trouver bon qu'il se retirat dans l'archevesché de Paris sans paroistre d'avantage à la Cour, afin que la Reyne n'eut plus de soubçon qu'il apporta aucung obstacle à cest accommodement, protestant que ce qu'il avoit fait jusques icy n'avoit eu autre but que le bien de l'Estat, et qu'il seroit tres satisfait que sa retraitte peut contribuer quelque chose à la reunion de la Maison Royalle, de laquelle il seroit tousjours tres fidelle serviteur. S.A.R. fit tous ses effortz pour le destourner de ce desseing, mais il persevera genereusement et prit son congé d'elle et ensuitte de M. le Prince, qui en feut surpris, et le voyant dans cette resolution, l'asseura de son amitié et de sa protection, ainsy que S.A.R. avoit fait. Cette action a esté fort loué.

/406/ Hier le president Le Coigneux retourna au palais d'Orleans pour faire des nouvelles propositions à S.A.R., qui n'y voulut pas entendre à moings que les affaires feussent remises au premier estat. Le sieur Bautru y feut aussy pour le mesme suject, sans avancer aucune chose. Mme la Princesse palatine s'entremit aupres de M. le Prince de la part de la Reyne pour cest affaire.

Le president de Novion s'est raccommodé dans cette conjoncture avec S.A.R., laquelle on dit avoir pour elle une bonne partie du Parlement. Le comte de Tavanes et le baron de Lanque, mescontentz de ce que M. le Prince ne faisoit point d'estat d'eux, prirent hier congé pour se retirer.

Le cardinal Mazarin n'est pas encor party de Bouillon, quelque bruit qui aye couru qu'il feut allé à Bonne [Bonn] ou à Cologne.

La charge de gouverneur du Roy n'a pas esté donné au mareschal de Grammont; et au contraire, la Reyne a dit au mareschal de Villeroy qu'elle n'avoit pas eu la pensée de le changer. M. le Prince a donné ce matin le gouvernement de Stenay à M. de Marchin, et celuy de Bellegarde à M. de Boutteville.

/408/ De Paris le 14 avril 1651

Le 3 du courant l'ambassadeur de Portugal feut à l'Assemblée du clergé, où il representa que le Pape refusoit tousjours au Roy son maistre de donner les eveschés en Portugal, et qu'il avoit ordre du Roy son maistre de demander sur ce suject l'advis de l'Esglise gallicane, qui estoit representée par cest illustre assemblée; à quoy on respondit qu'on y deslibereroit, mais ces messieurs n'ayant pas voulu decider cette question, resoleurent seulement d'escrire au Pape une lettre pour le suplier de vouloir accorder les evesques en Portugal. Cette assemblée finit le 6 du courant, mais l'archevesque de Reins [Reims] estant mort le 8, endebté de 80 mille escus, ses parans ont demandé à l'Assemblée qu'elle le fit enterrer à ses despens, comme president; à quoy elle a respondu qu'elle avoit ordonné auparavant 4000 livres pour se subject. Ainsy il n'y a plus eu d'assemblée, laquelle ilz n'avoint pas voulu finir, ny mesmes donner les 600 mille livres jusques à ce que le Roy leur auroit accordé un arrest du Conseil par lequel le Roy cedde le droict qu'il avoit aux chapitres de nommer aux prebendes qui vacquent apres la mort de leurs evesques, et dans l'intervalle de son successeur. M. d'Aumalle s'est trouvé en quelque façon empesché à obtenir l'archevesché de Reins, quoy qu'il en aye le brevet pour la coadjutorie, lequel ne luy sert plus rien à cause qu'il n'a pas esté approuvé en Cour de Rome; et ainsy il faut qu'il obtienne une autre nomination, dont on croit neamoings qu'il viendra à bout, d'autant plus qu'on remarque que dans cette desunion de la Maison Royalle, il n'a pas esté du tout au palais d'Orleans, s'estant tousjours tenu dans le party de la Reyne, quoy que le duc de Nemours, son frere, feut de l'autre party.

Le 7 il y eut different entre M. le Chancellier et le Premier President sur ce que celuy cy pretendoit, en qualité de garde des sceaux, que c'estoit à luy à distribuer les proces et à commettre le raporteur des affaires, et l'autre ne le vouloit pas souffrir. Ce different feut vuidé le xi, le Premier President ayant cedé.

Le mesme jour, 7, on remarqua que M. le Prince accompagna M le duc d'Orleans aux Carmes deschaussés, où ilz baisirent la Vraye Croix ensemble apres des nouvelles protestations d'union entre eux, à cause que c'estoit le Vendredy saint.

Le 8 le filz de M. de Chavigny feut au palais d'Orleans et dit à S.A.R. que son pere l'avoit envoyé là pour luy dire que si elle desiroit qu'il se retirat, il estoit tout prest à le faire; qu'il avoit tousjours fait profession d'estre son serviteur; et qu'il n'avoit aucune pretention de rentrer au Conseil si elle ne l'agreoit; à quoy elle respondit qu'elle avoit tousjours fait une estime tres particuliere de M. de Chavigny; que si la Reyne luy eut tesmoigné d'avoir la moindre envie de le rapeller, elle y auroit aussytost consenty tres volontiers; mais qu'encor que la Reyne l'eut fait revenir pour luy faire peur, neamoings Sadite A. estoit si satisfaitte de l'offre qu'il faisoit de sortir, qu'elle ne vouloit plus s'opposer à son establissement. M. le Chancellier luy envoya faire le mesme compliment par le duc de Sully, son gendre, auquel elle fit à peu pres la mesme response.

/408v/ L'apresdisnée du mesme jour, S.A.R. et M. le Prince feurent à la chasse ensemble avec quantité de personnes de condition, et au retour la Reyne envoya le duc d'Amville et le president Le Coigneux au palais d'Orleans pour solliciter l'accommodement. Aussytost S.A.R. envoya querir M. le Prince, lequel estant arrivé, ilz entrerent tous 4 en conference particuliere, dans laquelle S.A.R. declara que tout ce qu'elle pouvoit faire pour tesmoigner le desir qu'elle avoit de s'accommoder estoit que M. le Chancellier et M. de Chavigny demeurassent, à condition que la Reyne osteroit les sceaux au Premier President et chasseroit MM. Le Tellier et Servient, Sadite A. estant d'autant plus faschée contre ce dernier que c'est par son conseil que la Reyne a fait ce changement, aussy bien que par celuy du mareschal de Grammont et du Premier President.

Le 9 au matin on remarqua que M. le duc d'Orleans ne fit point ses devotions, quoy que ce fut le jour de Pasques, ayant dit à son confesseur qu'il ne vouloit point tromper Dieu.

M. le Prince a receu en argent ou en bonnes assignations une somme de 1300 mille livres, tant pour ce qui luy estoit deubt devant sa prison, que pour ses pensions et revenus de ses gouvernementz. Il a employé une partie de cest argent à recompenser ceux qui l'ont servy à Bourdeaux et allieurs pendant sa prison; et l'on a fort remarqué qu'il a voulu payer la rançon de Don Estevan de Gamara, ayant pour cest effect donné, le xi de ce mois, une promesse de xx mille livres, escrite de sa main, au mareschal d'Estampes pour mettre entre les mains du mareschal du Plessis. M. le prince de Conty et M. de Longueville ont aussy receu des assignations pour 6 à 700 mille livres.

M. Morant, maistre des requestes, estant arrivé à Cluny, y a trouvé les espritz des moines disposés à eslire un d'entre eux pour leur abbé; mais il les a enfin ramenés, et la pluspart luy ont promis d'eslire pour leur abbé M. le duc d'Anguien.

M. le prince de Conty n'ayant pas visitté Mlle de Chevreuse pendant ses [ces] festes, l'on a creu que le mariage ne ce [se] faisoit point; mais il feut ches elle avant hier, ce qui fait croire que le mariage ce [se] fera la semaine prochaine, d'autant plus que M. le Prince dit qu'il observeroit punctuellement et inviolablement touttes les parolles que luy et son frere avoint donné. Il en avoit obtenu, il y a plus de 3 semaines, l'aprobation de la Reyne par escrit.

Le marquis d'Aucourt, qui estoit à Stenay, où il avoit un regiment de cavalerie et un d'infanterie, mourut icy le x. Mme de Longueville luy avoit promis le gouvernement de Dieppe, à cause que les Huguenotz de cette ville là luy demandoint un gouverneur de leur religion, quoy que les Catholiques s'y oposassent. Les lieux de Normandie où cette princesse ne receut point la satisfaction, apres l'emprisonnement de MM. les princes, sont à present fort menacés des gens de guerre. M. le Prince a donné le gouvernement de Montront, qu'il fait fortiffier, avec celuy de la tour de Bourges et la lieutenance generalle de Berry au marquis de Persan, et celuy de Clermont au comte de Meille.
Le cardinal Mazarin estant party de Bouillon dès le 30 du passé, devoit arriver le 8 de ce mois à Bonne [Bonn], et de là aller demeurer à Cologne.

Le xi, à           [blank] heures du soir, M. de Chavigy feut au palais d'Orleans incognito, où il /409/ entra par un escalier desrobé et eut conference particuliere avec S.A.R. et M. le Prince, dans laquelle on disposa les choses à l'accommodement.

Le 12, au matin, le Roy alla à la chasse au Bois de Bologne, et M. le duc d'Orleans alla aussy chasser d'ung autre costé avec M. le Prince.

Le mesme jour le Premier President commencea à sceller les expeditions du Conseil, la Reyne l'ayant ainsy voulu et luy ayant commandé de faire sa charge, de laquelle il n'avoit pas voulu faire la fonction auparavant, à cause qu'on luy avoit representé que M. le duc d'Orleans ne l'aprouveroit pas et s'aigriroit d'avantage contre luy. L'on remarqua qu'il ne scellat rien sans avoir leu auparavant, et qu'il rebuta quelques arrest du Conseil qui choquoint le Parlement, dont les espritz estoint la pluspart dans la resolution de luy faire opter l'une de ses deux charges, à cause qu'elles sont incompatibles pour les different qui naissent tous les jours dans le Parlement touchant la jurisdiction du Conseil. Il feut l'apresdisnée au Conseil de direction ches M. le Chancellier. Le comte de Tavanes et le baron de Lanques ont esté rappellés par M. le Prince, qui les a satisfaitz.

On escrit de Languedoch que les commissaires du Parlement de Tholose y continuoint leurs informations contre ceux qui, par ordres des Estatz, y avoint fait des surimpositions; et qu'il y a eu grande division à Beziers, où le comte de Bioule ayant fait son party, y avoit fait entrer 400 hommes qui s'estoint saisis des meliers poste de la ville, pour empescher par force ces commissaires de faire leur charges; mais que le peuple les ayant favorisés, ilz n'avoint pas laissé d'y faire enregistrer leurs arrestz à l'Hostel de Ville. L'on y avoit receu des lettres de cachet du Roy par lesquelles Sa M. mandoit à la province qu'elle avoit resolu de convoquer les Estatz Generaux au 8 de septembre à Tours, et en avoint envoyé donner advis à touttes les autres provinces. Le Parlement de Tholose ayant desliberé sur la lettre de cachet que M. le duc d'Orleans y avoit escritte touchant ce different, a envoyé des depputtés en Cour pour representer les griefz de la province; cepandant il y a eu arrest du Conseil qui casse tout ce que le Parlement a fait en cette affaire.

Les commissaires du Parlement de Paris qui sont allés informer contre le cardinal Mazarin, et ceux qui l'ont suivy, arriverent à Dourlans [Doullens] le x, où ilz feurent fort honnorablement receus par M. de Bar; et le lendemain il commencerent leurs informations par l'audition de 14 tesmoings, et apres retournerent à Amyens.

Hier au matin la Reyne envoya querir les sceaux ches le Premier President, qui les rapporta luy mesmes, asses estonné de veoir qu'elle s'estoit relaschée à son esgard. On luy a offert diverses choses pour le recompenser: sçavoir, la nomination au cardinalat, à quoy il a respondu qu'il avoit tropt parlé et agy contre les cardinaux pour l'estre; la survivance de la charge de premier president pour son filz, laquelle il a aussy refusée, disant que son filz estoit encor tropt jeune et qu'il n'en estoit pas capable; et 200 mille escus d'argent comptant que M. le Chancellier luy vouloit donner pour recompense des sceaux, à condition de la reprendre sur quelques fondz qu'on auroit trouvé, ce qu'il n'a voulu accepter.

/409v/ L'apresdisnée M. le Prince, le duc d'Amville, et le president Le Coigneux s'estant trouvés au palais d'Orleans pour y achever l'accommodement de S.A.R. avec la Reyne, prierent Sadite A., de la part de Sa M., de se vouloir relascher des different qui restoint et de pardonner à MM. Servient et Le Tellier, ce qu'elle fit par un motif de generositté; et apres une conference de deux heures, elle envoya M. Goulas à Montrouge pour dire à M. de Chasteauneuf que S.A.R. estoit en terme d'accommodement, et qu'elle ne l'avoit pas voulu conclurre sans sa participation, et sans sçavoir auparavent s'il avoit quelque satisfaction à desirer; à quoy il respondit que la plus grande satisfaction estoit de veoir S.A.R. reunie avec la Reyne, mais que puisqu'elle luy faisoit cest honneur, il la supplioit de faire en sorte qu'il luy feut permis de rendre ses respectz à Sa M. et à elle une fois le mois, et que c'estoit tout le contentement qu'il souhaittoit. M. Goulas estant de retour, l'accommodement feut conclut; et S.A.R. partit aussytost avec MM. les princes de Condé et de Conty, les ducs de Beaufort, de Joyeuse, de Longueville, de Bouillon, le mareschal de la Motte, et autres, qui l'accompagnerent au Palais Royal, où la Reyne les receut tous fort bien.

L'on a proposé au Conseil de donner le gouvernement de Guyenne à M. le Prince, celuy de Provence à le prince de Conty, à condition qu'ilz se demettront de celuy de Bourgogne en faveur du duc d'Angoulesme, et de celuy de Champagne en faveur du duc d'Espernon, dont touttes les parties interessées sont d'accord à peu pres; et l'on croit que cest eschange ce [se] fera bientost, les survivances de ceux de Champagne et de Bourgogne estant promises aux ducs de Joyeuse et de Candale, au moyen de quoy ce dernier se doit demettre de celuy d'Auvergne en faveur du duc de Nemours.

Ce matin M. le Chancellier et MM. de Grammont, de Chavigny, Sevient, et Le Tellier, et autres, sont allés pour faire leur compliment à S.A.R., qui les a receu avec des tesmoignage de grande satisfaction.

Le brevet de l'evesché de Sées feut deslivrée il y a 4 ou 5 jours à l'abbé de Mesdavid; dont l'abbé de Pontcarré ayant eu advis, s'en est plaint ce matin à M. le duc d'Orleans, qui luy a promis d'en parler à la Reyne.

Par l'accommodement qui s'est fait de M. le duc d'Orleans avec la Reyne, Sa M. accorde à S.A.R. la faculté de mettre dans le Conseil une personne telle qu'il luy plairra, pourveu qu'elle ne soit point suspecte. S.A.R. n'en a point encor fait le choix, mais on croit que ce sera le mareschal d'Estampes.

Cette division a esté cause qu'on n'a pas encor rien resolu touchant le commandement des armées ny donné aucung ordre pour la campagne prochaine, à quoy l'on va travailler en diligence; mais il n'y a gueres d'argent. L'on avoit promis au mareschal de la Mesleraye de l'argent pour la despense de l'artillerie, mais on luy envoya dire hier qu'on ne luy en pouvoit donner presentement que 400 mille livres; cependant /410/ les ennemis font estat d'avoir en Flandres 17 mille chevaux et 10 mille fantassins, dont une partie marche vers la mer et menace d'assieger Duncherque.

Les sceaux sont encor entre les mains de la Reyne, qui ne les a encor donné à personne.

/412/ De Paris du 21 avril 1651

Le 15 du courant, au soir, le Conseil s'estant tenu au Palais Royal, où M. le duc d'Orleans et MM. les princes se trouverent avec MM. le Chancellier, de Chavigny, Servient, et Le Tellier, la Reyne y proposa d'abord de rompre ou du moings differer le mariage de M. le prince de Conty avec Mlle de Chevreuse, representant qu'il avoit esté conclut et arreté contre sa volonté; qu'on avoit extorqué d'elle par force son consentement par escrit, pendant que Leurs M. estoint assiegées dans le Palais Royal; et qu'elle ne pouvoit establir une entiere confiance en la personne de MM. les princes à moings que ce mariage feut differé, parce que l'esprit de Mme de Chevreuse luy estoit tropt suspect; que tout le monde le cognoissoit asses. M. le duc d'Orleans ayant dit que c'estoit un affaire de M. le Prince, celuy cy suplia la Reyne d'y vouloir consentir; ce que Sa M. ayant refusé, il dit qu'il n'avoit jamais que de l'obeissance pour elle et qu'il ne vouloit pas luy desobeir, et messieurs ses freres en dirent autant; apres quoy la resolution feut prise de le differer. A la sortie M. le Prince envoya le president Violle à Mme de Chevreuse pour luy dire ce qui s'estoit passé au Conseil et la prier de luy donner du temps pour tascher de mesnager l'esprit de la Reyne à consentir le mariage, et qu'il l'iroit veoir le lendemain pour conferer avec elle sur ce subject; mais elle ne se peut empescher de se plaindre hautement du proceddé de M. le Prince, l'accusant d'avoir luy mesmes cherché les moyens de faire incontinent apres qu'il feut arrivé, lors qu'elle luy rendit, à l'imitation de M. le duc d'Orleans, la promesse de mariage qu'elle avoit signée de luy et messieurs ses freres; et lors qu'elle luy dit qu'elle ne vouloit pas se prevaloir de ce qu'il pouvoit avoir fait plus par force que de bon gré dans sa prison, et qu'ensuitte il ne devoit pas avoir envoyé à Rome ny avancer l'affaire jusques au point qu'elle estoit, pour la faire rompre lors que le mariage estoit prest à estre consommé. M. le Prince dit à cela que la Reyne le veut ainsy et qu'il ne veut pas luy desobeir, mais qu'il fera son possible pour l'obliger l'esprit de Sa M. à se relascher là dessus. Cepandant on asseure que Mme de Chevreuse a receu ordre de se retirer, mais qu'elle n'y veut pas obeir, et qu'il y a 2 à 300 gentilhommes qui ont signé une ligue pour venger l'affront fait à Mme de Chevreuse; et cest affaire fait grand bruit, mais M. le Prince s'en mocque.

M. Le Tellier n'est point encor raccommodé, et l'on croit qu'il faudra qu'il sorte bientost, quoy qu'il cherche tous les moyens possibles pour se conserver. On remarqua, le 14 de ce mois, qu'apres avoir visitté S.A.R., il feut avec M. Servient ches M. le Prince, qui prit ce dernier et le mena dans son cabinet pour conferer avec luy sans regarder M. Le Tellier, qui ayant attendu asses longtemps sans que M. le Prince luy parlat, voulant prendre congé, Son A. luy demanda s'il avoit quelque chose à luy dire de la part de la Reyne; à quoy il respondit que non, et s'en alla. Pour MM. de Servien et de Lyonne, /412v/ ilz sont fort bien raccommodés par l'entremise de M. Payen Deslandes.

Le 16, au matin, M. le duc d'Orleans fit partir d'icy un courrier pour aller à Montront sçavoir la santé de M. le duc d'Anguien, qui y est malade de la petite verolle. Le courrier avant que partir feut prendre congé de Mme la Princesse. Il en revient le 19 et rapporta nouvelle que ce petit prince estoit tout à fait hors de danger. On luy a fait prendre la tonsure, et les religieux de Cluny l'ont enfin esleu pour leur abbé. Il avoit esté confiermé avant qu'il prit la tonsure, et au lieu qu'il s'appelloit Henry Julles, on luy a changé son nom en celuy de Henry Louys.

Pendant la detention de M. le Prince, un de ses officiers ayant esté mis en prison dans l'abbaye de St Germain, en sortit quelque temps apres moyenant 40 ou 50 pistolles [qu'il] pretend d'avoir donné au ballif. Apres la sortie de MM. les princes, cest officier ayant cherché les moyens de se venger contre le balif, s'advisa de l'envoyer querir le 17 du courant, au nom de M. le Prince; mais le balif n'ayant pas voulu y aller apres deux messages, il y eut quantité de lacquais et autres gens ramassés qui l'allerent prendre de force dans son logis et le menerent à l'hostel de Condé, d'où il feut conduit en prison dans la Conciergerie du Palais, mais il en sortit le mesme jour; et parce que cette affaire commenceoit à faire du bruit et que quelques gens de robbe s'en formalisoint, M. le Prince envoya, le 18 au matin, un gentilhomme à M. de Metz, qui estoit le principal interessé comme l'abbé de St Germain des Prés, pour luy faire excuse de l'insolence commise contre le balif par ses gens, l'action desquelz il desadvoua; et ainsy l'affaire n'a pas esclatté d'avantage.

M. le duc d'Orleans ayant fait ses Pasques le 16 au matin, partit l'apresdisnée pour Limours, d'où il revient le 18 et feut aussytost au Conseil qui se tient au Palais Royal, où il demanda à la Reyne le gouvernement de Guyenne pour M. le Prince en eschange de celuy de Bourgogne; et quoy qu'il n'y aye rien de resolu là dessus, neamoings on ne doute pas que ceste affaire ne reusisse à son contentement, et l'on en doit parler aujourd'huy de rechef au Conseil, S.A.R. l'ayant promis aux depputtés de Bourdeaux. L'on croit que, avec ce gouvernement, il aura la place de Blaye en donnant quelque autre gouvernement au duc de St Simon; mais la principale difficulté qui reste en cette affaire consiste en ce que le duc de Candalle ne veut point du tout donner sa demission en faveur du duc de Nemours, en quoy M. le Prince insiste fort, voulant que M. de Candalle se contente de celuy de Bourgogne et voulant encor tirer une recompense de 50 mille escus de la demission du chasteau de Dijon. On croit que M. le prince de Conty aura aussy bientost la Provence au lieu de la Champagne, qu'on donnera au du[c] d'Angoulesme, et l'on a proposé en mesme temps de changer tous les autres gouverneurs des provinces et de donner le Languedoch ou la Provence à M. de Longueville pour la Normandie; mais on ne croit pas M. le duc d'Orleans disposé à quitter le Languedoch. L'on a resolu au Conseil, dès la semaine passée, d'envoyer en Catalougne le mareschal d'Hocquincourt en qualité de viceroy, et de luy donner 7000 fantassins et 3000 chevaux; mais il ne veut point partir pour y aller jusques à ce /413/ qu'il sera asseuré d'avoir ce nombre de trouppes avec un fonds certain pour les entretenir. Cepandant les dernieres lettres de ce pays là portent que l'ennemy s'assembloit à Lerida en attendant l'arrivée de l'armée de Naples pour assieger Barcelonne, et que les vaisseaux equippés à St Sbastien avoint passé le destroit de Gilbaltard [Gibraltar].

On a aussy resolu d'envoyer le mareschal d'Aumont en Flandres, où l'on fait marcher les troupes et où l'on envoye d'icy 10 compagnies des gardes, qui partirent le 18; et d'offir aussy le commandement de l'armée de Piedmont au prince Thomas, en luy donnant le marquis d'Uxelles pour lieutenant general.

M. de Croissy s'en revient de Stenay, où il n'a peut negotier la treve qui avoit esté proposé en Flandres, parce que les ennemis luy ont respondu qu'il falloit tout d'un coup demander la paix et envoyer pour cest effect en Espagne, et l'on [ont] congedié sur ce pretexte, ce qui est cause que le mareschal de Turenne demeurera encor à Stenay comme neutre; neamoings on renvoye le marquis de Sillery à Bruxelles, et l'on croit que c'est pour tascher de desgager ce mareschal.
M. d'Aumalle ayant obtenu un second brevet pour l'archevesché de Reins, l'a aussytost envoyé par un courrier expres à Rome et a fait escrire la Reyne et S.A.R. au Pape, pour le prier de luy donné une dispense d'aage pour se faire prebtre dès à present, quoy qu'il n'aye que 22 ans, afin qu'il puisse sacrer le Roy vers le mois de septembre.

La ville et le chasteau de Richelieu ayant esté gardé despuis un an par un exempt des gardes du corps de M. le duc d'Orleans, qui avoit esté accordé par S.A.R. à Mme d'Aigullion, le duc de Richelieu obtient ces jours passés un ordre du viconte d'Hostel, cappitaine des gardes de Sadite A., pour faire revenir cest exempt, et en mesme temps y envoya 200 hommes qui s'emparerent par force de la ville et du chasteau, congedierent l'exempte, et chasserent les gens de Mme d'Aigullion, laquelle s'estant plainte à la Reyne de cette violence, Sa M. luy accorda avant hier un exempt des gardes du corps du roy pour aller sur les lieux, en chasser les gens de ce duc, et en cas de resistance se faire assister par les trouppes qui sont encor aux environs. Le duc de Richelieu ayant sceu que cest exempt estoit party hier au matin pour cest effect, print en mesme temps la poste pour l'aler empescher; et Mme d'Aigullion sur cela fit partir un autre courrier pour en aller avertir l'exempt.

Les lettres de Languedoch portent que le sieur de Carlinquas, commissaire du Parlement de Tholouse, estant le plus fort dans Beziers, ceux de la Cour des aydes de Montpeller en estant sortis, mais cela s'est fait par accommodement entre eux, à condition que cepandant celuy de Tholouse n'executera point sa commission jusques à ce qu'on auroit des nouvelles de la Cour touchant cest affaire, laquelle le Parlement de Toulouse a surciée jusques à ce temps là. Les Estatz de la province ce [se] doivent assembler au mois de julliet pour vuider ce different et pour deputter aux Estatz Generaux; neamoings l'ung et l'autre part travaillent, en attendant, à y desunir les villes.

Le 18 le Roy estant allé à la chasse à Versailles, le president de Maison y traitta fort splendidement Sa M. avec toutte sa suitte. Le mesme jour la princesse de Carignan traitta aussy fort magnifiquement M. le duc d'Anjou à Bagnolet. Le 19 M. le /413v/ Prince s'en alla à Chantilly pour y demeurer 8 ou 10 jours, à cause qu'il s'y purgera. Son abscence n'empeschera pas qu'on ne parle aujourd'huy, au Conseil, de son affaire touchant le gouvernement de Guyenne. Le mesme jour le Parlement s'estant assemblé pour la mercurialle, veriffia tout d'une voix la declaration contre les estrangers et cardinaux françois, et ordonna qu'elle seroit envoyée à tous les parlements de France; cependant la pluspart des espritz de celuy cy tenant pour suspectz les presidentz Le Bailleul et de Maisons, à cause qu'il entrent dans le Conseil du Roy, l'ung comme ministre d'Estat et l'autre comme surintendant des finances, pretendent les obliger d'opter l'une de ces deux charges, comme ilz avoint resolu d'y obliger le Premier President lors qu'il avoit les sceaux.

L'on croit que les Espagnolz ont fort avancé le traitté de ligue offensive et deffensive qu['ilz] poursuivent avec les republiques d'Holande et d'Angleterre.

L'on a envoyé à Rome un courrier extraordinaire pour porter les ordres au balif de Valençay de s'accommoder avec le Pape, on ne sçait à quelle condition.

Le Roy ayant donné, il y a 2 ans, l'archevesché d'Aix au cardinal Grimaldi, le Pape ne luy en a jamais voulu accorder les bulles, à cause que ces benefices ayant vacqué à Rome par la mort du cardinal de St Cecile, c'est à Sa Sainteté à y pourveoir; ce qui a obligé le cardinal Grimaldy de rendre à la Reyne despuis 4 ou 5 jours le brevet de nomination à cest archevesché.

Le bruit court que le duc de Mercoeur espousa secrettement la niepce du cardinal Mazarin deux jours devant sa retraitte par le ministere de l'evesque de Lavaur, mais il n'y en a encor aucune certitude. Le Roy dansera apres demain un balet dans lequel on remarque que Sa M. n'a receu aucung de ceux qui ont esté Frondeurs.

M. le Coadjuteur a recommencé aujourd'huy de retourner au palais d'Orleans, S.A.R. l'ayant ainsy souhaitté.

La Reyne remit les sceaux entre les mains de M. le Chancellier dès le 14 du courant au soir.

/414/ De Paris le 28 avril 1651

Les propositions qui avoint esté faittes pour l'eschange des gouvernements n'ont eu encor aucung effect, hormis de celuy de Guyenne, qu'on a resolu au Conseil de changer avec celuy de Bourgogne; mais on n'a pas encor prononcé là dessus, à cause des difficultés qui s'y recontrent touchant les places scitués dans l'une et l'autre de ces deux provinces, M. le Prince voulant avoir Blaye et qu'on en recompensat le duc de St Simon; outre cela le chasteau de Puymirole, qui apartient au duc d'Espernon, en recompense duquel celuy cy demanda le gouvernement de Bellegarde, de St Jehan de Laune [Losne], et du chasteau de Dijon; mais Son A. luy refuse les deux premieres, et ne luy veut pas donner le 3e à moings de 50 mille escus. Son A. demande encor la demission du duc de Candale en faveur du duc de Nemour pour le gouvernement d'Auvergne, en faisant donner à M. de Candale la survivance de celuy de Bourgogne, à quoy celuy cy resiste fort, ne voulant pas donner un gouvernement effectif pour une chose qui n'est pas effective et qui ne luy vaudra rien qu'apres la mort de son pere. Ces difficultés sembloint avoir rendu l'esprit de M. le Prince mescontent, et le bruit a couru cette semaine qu'il ne vouloit pas revenir de Chantilly jusques à ce que cette affaire seroit vuidé et qu'on luy auroit donné satisfaction, tant sur ce suject que sur l'exclusion de M. Le Tellier. Le mareschal de Grammont feut à Chantilly le 23 du courant. On dit que ce feut pour persuader Son A. de revenir, et l'asseurer de la part de la Reyne qu'il auroit contentement; mais il en revient le lendemain sans Son A., qui n'estoit pas encor disposée à son retour, souhaittant qu'on luy donna auparavant une satisfaction entiere sur ce qu'il avoit demandé; ce qui obligea M. le duc d'Orleans de luy envoyer le president Viole pour l'asseurer qu'il apuyeroit fortement ses demandes et luy feroit donner contentement. Ainsy Son A. arriva icy hier au matin et feut disner avec S.A.R. ches M. de Guenegaud, tresorier de l'Espargne, qui rendoit ses comptes; et l'affaire du gouvernement de Guyenne doit estre entierement vidé ce soir au Conseil. On asseure que Son A. a fait proposer au comte d'Augnon, gouverneur de Brouage, de le marier avec Mme de Chastillon, ce qui luy donnera l'amitié d'une personne qui s'est rendue tres considerable dans le voisinage de Guyenne. Pendant le sejour que Son A. a fait à Chantilly, elle a pris à loisir tous les divertissementz, y ayant mené des comediens, des musiciens, des violons, des joueurs de marionnettes, outre la chasse. La cour y estoit fort grosse. MM. de Beaufort et de Nemours entre autres l'y avoint accompagnés et n'en reviendrent que le 24. L'on disoit que le premier y estoit allé pour conferer avec Son A. sur les propositions qui avoint esté faittes à M. de Vendosme de ceder l'admirauté à M. le Prince, qui luy donnoit en ce cas la charge de grand maistre d'hostel et le gouvernement de Bellegarde; mais il n'y a rien de fait là dessus, et l'on a remarqué que despuis 3 ou 4 jours M. de Beaufort a fait adjouster à ses armoiries l'ancre qui est la marque de l'admirauté, dont il a la survivance.

/414v/ Quant à celuy de Poictou, le comte de Palluau en a traitté avec le duc de [la] Rochefoucaut, auquel il a promis 100 mille escus; mais outre que la noblesse de Poictou en murmure fort, ne pouvant pas souffrir que ce comte, qui ne luy semble pas de condition asses relevée, aye le commandement sur elle, le duc de Richelieu, tant pour se bien remettre avec M. le Prince que pour avoir moyen de jouyr de son duché et d'autres terres qu'il a dans cette province, malgré Mme d'Esgullion, a offert au duc de la Rochefoucaut de changer la charge de general des galleres avec ce gouvernement, à condition que celuy cy luy en baillent 50 mille escus de retour, à cause que cette charge a cousté 200 mille escus. Ainsy il prendroit le gouvernement pour 250 mille escus, ce que le Conseil n'aprouve pas, et Mme d'Aigullion s'y oppose comme tutrice du duc de Richelieu, qui est encor mineur et qui, en cette qualité, ne peut pas traitter.

Et parce qu'on a arresté au Conseil de ne changer point d'autre gouvernement que de Guyenne, dont on ne se peut dispenser, le Roy l'ayant promis par la paix de Bourdeaux, l'on fait esperer au duc d'Angoulesme de le renvoyer en Provence apres la majorité du Roy, en attendant laquelle on pourra amuser les Provençaux.

M. le prince de Conty ayant demandé à M. le Prince, il y a 15 jours, le partage des biens de feu Monsieur leur pere, Son A. le luy a accordé; mais ne luy ayant pas donné tout ce qu'il pretendoit, le bruit a couru despuis qu'il en tesmoignoit du mescontement, que mesmes il avoit fait une revocation de la resignation de l'abbaye de Cluny faitte en faveur de M. le duc d'Anguien, à quoy l'on adjouste que M. de Longueville avoit aussy tesmoigné estre mal satisfait de M. le Prince; mais on ne veoit pas encor qu'il y aye aucune division dans cette Maison là.

La nouvelle estant arrivée à Bourdeaux qu'on parloit icy de donner le gouvernement de Guyenne à M. le Prince, quelq'ungs des principaux de la ville s'en allarmerent d'abort et crierent qu'ilz ne gaignoint rien au changement, d'autant plus qu'ilz sceurent que Son A. vouloit avoir Blaye, qui les tient en bride. Sur cela ilz firent une assemblée secrette dans laquelle ilz resoleurent de faire pressentir le peuple, en leur donnant soub main de chercher les moyens d'eviter le joug de M. le Prince, et leur persuadant de demander M. le duc d'Anjou et le mareschal de Schomberg, suivant les premieres propositions; et d'autres disant qu'il valoit bien mieux reprendre M. d'Espernon, puisqu'il offroit d'indemniser ceux qui avoint le plus souffert dans les dernieres guerres, et de se mettre bien avec tout le monde; mais comme les esprits sont fort divisés, ceux qui estoint pour M. le Prince et qui aprehendoint que M. d'Espernon profitta de cette occasion, mirent les espritz en jalousie; et ayant fait courir le bruit qu'il y avoit des Espernonistes dans la ville qui travailloint à le faire retourner dans la province, le peuple y prit les armes et feut droit à l'Hostel de Ville demander une statue de M. d'Espernon qui estoit encor dans la chapelle, laquelle ceux cy ayant esté contraintz d'oster, /415/ le peuple la mit en pieces et en la place en mirent une du feu roy Louys 13, au bas de laquelle on escrivit ces 4 vers:

Le Roy par une juste envie
Prent ton lieu sans te faire tort.
Il te chasse pendant sa vie
Comme il te chasse apres sa mort.

Apres cela le peuple alla au Parlement, demander un arrest nouveau pour faire sortir de la province tous les Espernonistes; sur quoy le Parlement s'estant assemblé le lendemain, donna arrest portant deffenses à touttes personnes de faire aucunes brigues pour le restablissement du [duc] d'Espernon, permis d'en informer et se saisir des contrevenantz, et que le Roy sera tres humblement supplié de nommer au plus tost un autre gouverneur de Guyenne en consequence de la declaration de la paix. Ensuitte le peuple mit les armes bas, et tout y est maintenant dans le calme. Le sieur Guyonnet, l'ung des deputtés qui sont encor icy, feut le 26 à Chantilly pour deduire tout cette affaire à M. le Prince.

M. d'Espernon a mis entre les mains de la Reyne la demission du gouvernement de Guyenne, en suitte de quoy quelques conseillers du Parlement de Paris l'ayant esté veoir pour le prier de ne la donner point, representant l'importance qu'il y avoit d'empescher que M. le Prince luy succedat, à quoy il repartit qu'il avoit desja donné et qu'ilz en estoint la cause, et qu'ilz avoint tousjours insisté à luy faire oster ce gouvernement.

Le duc de Vendosme a traitté du gouvernement de Toulon avec le commandeur de Chastellus, mais les habitans de cette ville là, qui n'ont jamais voulu recevoir ce commandeur, s'oposent aussy à la reception du duc de Vendosme, consentant qu'il commande dans les tours et non dans la ville, qu'ilz pretendent garder eux mesmes et demandent cette prerogative au Roy. Le comte d'Augnon, qui avoit la commission de vice amiral des mers du Ponant, n'ayant point voulu recognoistre, dans son gouvernement de Brouage, M. de Vendosme comme amiral, celuy cy a presenté une requeste au Parlement pour demander qu'on deputtat 2 commissaires à Brouage afin d'informer contre ce comte; mais parce qu'il faut pour cest effect assembler le Parlement, on remarque que plusieurs conseillers ont refusé de s'en charger, aussy bien que celle des rentiers, qui demandent qu'on leur assignat leur payement sur un fondz de 400 mille livres affectés pour eux, lequel est retenu entre les mains des fermiers des aydes.

Mme de Chevreuse s'estant bien remise aupres de la Reyne, la feut visitter le 21 et eut une asses longue conference avec elle. Ses visittes ont depuis continué au Palais Royal, et l'on dit que l'offre qu'elle a fait à Sa M. de donner retraitte au cardinal Mazarin dans la principauté de Kerpen, proche de Cologne, qu'elle a achepté pendant sa disgrace, n'a pas peu contribué à son accommodement. On croit /415v/ mesmes que le mariage de M. le prince de Conty avec Mlle de Chevreuse n'est pas tout à fait rompu pour estre differé, et plusieurs en ont bonne esperance.

Le duc de Richelieu estant arrivé à Richelieu plus tost que l'exempt des gardes du corps du roy, s'y tient sur sa defensive pendant que cet exempt ramasse des trouppes aux environs pour y executter sa commission et l'en chasser.

Le 25 du courant on fit partir d'icy les 12 compagnies des gardes qui avoint desja eu ordre d'aller en Flandres. Elles marchent droit à Duncherque, qui est menacé par les ennemis, lesquelz neamoings n'ont pas encor mis en campagne, et leurs preparatifz vont fort lentement.

Le conseiller Frequen, qui estoit en conference avec M. de Croissy à Stenay, ayant respondu qu'il ne falloit point s'amuser à parler de treve mais bien de la paix, et s'adresser pour cest effect au nonce du Pape et à l'ambassadeur de Venise comme mediateurs, donna suject au Conseil d'envoyer la semaine passée le marquis de Sillery à Bruxelles, pour sçavoir si l'Archiduc avoit plain pouvoir de faire la paix, et luy proposer en ce cas une entreveue sur la frontiere de luy avec le duc d'Orleans; mais on ne croit pas que cette entreveue ce [se] fasse, puisque les advis de Bruxelles portent que l'Archiduc n'a aucung pouvoir de faire ny treve ny paix.

La reyne de Suede a envoyé icy un ordre à un marchand de fournir l'argent que coustera la bibliotheque du cardinal Mazarin, laquelle elle desire avoir. Avant hier la Reyne envoya à M. le duc d'Orleans le brevet de la pension accoustumée de 50 mille escus par an pour le petit duc de Valois, comme premier prince du sang; et on luy a expedié les lettres patentes. On le doit baptiser apres demain, qui sera tenu sur les fondz par le Roy et la Reyne. Apres ce batisme le Roy dancera son nouveau balet, et l'on parle du voyage de la Cour à Compiegne peu de jours apres.

M. de Montreuil, qui tenoit les benefices de M. le prince de Conty, mourut hier au matin d'apoplexie, ce qui surprent beaucoup ce prince, qui a renvoyé un courrier à Rome sur ce subject. M. le Prince voyant que plusieurs espritz, et notament ceux du Parlement, estoint entrés en jalousie de ce qu'on luy alloit [donner] le gouvernement de Guyenne, s'est volontairement demis de touttes les pretentions qu'il y pouvoit avoir, ayant dit à la Reyne qui [qu'il] se contentoit de retenir celuy de Bourgogne, qui vaut plus que l'autre et qui luy avoit esté offert, et qu'il n'y avoit jamais eu la pensée si les peuples de ce pays ne luy eussent tesmoigné son affection, par le moyen de laquelle il auroit peu les contenir avec plus de facilité dans leur devoir.

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