Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

Contents

Volume 1

Panat

Orest's Pages

Patricia's Musings

Marc-Antoine

Charpentier

Musical Rhetoric

Transcribed Sources


 

The Fronde Newsletters for 1653:

April 1653

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653


/202/ Du premier avril 1653

Le 29 du passé, MM. de Ville donnerent un disner des plus magnifiques qui ce [se] soit jamais veu, à M. le Cardinal, dans l’Hostel de Ville, où ce [se] trouverent tous les mareschaux de France qui sont en Cour. S.E. commencea à boire à la santé du Roy, et ensuitte celle de la plus grande reyne du monde. Ces 2 santés feurent beues debout. Le Prevost des Marchandz beut, apres, celle du Mazarin et de tous les Mazarins ensemble, laquelle feut solemnisée de toutte l’assemblée. Apres le repas, S.E. mit la teste au fenestres, et jetta quantité d’argent au peuple, qui ce [se] mit à crier "Vive le Roy et le cardinal Mazarin." On dit qu’il jetta jusques la valeur de 2 mille livres, en piece de 17 solz.

Le mesme jour, M. de Navailles feut agré pour estre cappitaine lieutenant des chevaux legers de Sa M., à l’exclusion du comte Broglio, qui vouloit donner de cette charge 500 mille livres, argent comptant, à Mme de St Megrin, au lieu qui [qu’il] ne luy en donna que 450 mille livres, dont il ne baille que 300 mille livres d’argent comptant, et promit de luy payer le reste dans 2 ans.

Le mesme jour, M. de Hautefeuille, enseigne des gardes du corps de S.A.R., arriva icy, et porta à Leurs M. des lettres de compliment de sa part; apres quoy, il les remertia d’avoir donné la liberté au sieur de Montreau, et asseure que, par ses [ces] lettres, elle suplioit Leurs M. de donner la liberté à M. de Croissy, et d’entendre aux propositions faittes par M. le Prince.

Les advis de Champagne portent que M. le Prince estoit party de Stenay le 23 du passé, avec 3000 chevaux, pour aller à Ste Menehoud, et l’on croyoit qu’il eut quelque autre desseing; mais du despuis l’arrivée de l’ordinaire, on a eu nouvelles qu’il estoit allé à Namur, pour s’y aboucher avec l’Archiduc ou le comte de Fuelsendaigne, et desliberer sur les desseings de la campagne prochaine, pour laquelle on mande qu’il a preparé 15 mille chevaux et 8000 de pied; mais on ne croit pas qu’il puisse avoir plus de 10 mille chevaux, et 4 à 5000 fantassins.

Il n’est pas vray que l’archevesché de Lyon soit donné à l’abbé d’Aisnay, ny à d’autres. Plusieurs y pretendent.

L’on a donné à l’abbé d’Aumont, filz du mareschal de ce nom, 4 abayes, de 5 qui ont vacqué par le decedz de l’evesque d’Avranche, son oncle.

Les lettres de Bourdeaux, du 24 du passé, portent qu’il s’y estoit descouvert un desseing qui auroit fait rentrer Bourdeaux dans l’obeissance du Roy, s’il eut reussy; que le superieur des Cordeliers de cette ville là, nommé le Pere Etier, avoit fort travaillé, pour cest effect, à disposer les bourgeois, et particulierement les principaux de l’Ormée, à se souslever contre M. le prince de Conty, et à se saisir de /202v/ sa personne, et de celle de Mme la Princesse et de Mme de Longueville; que pour cest effect, il avoit fait tous ses effortz pour gaigner un des plus acredités de l’Ormée, nommé Villardz, par le moyen d’une religieuse Carmelite qui est sa soeur, laquelle luy avoit porté parolle de grandes recompenses, et entre autres, de 15 mille livres par advance, en argent comptant; dont Villars avertit aussytost ce prince, qui voulant dissimuler la chose, s’obligea de promettre l’execution de ce qu’on luy demandoit, et de prendre ce qu’on luy offroit. Aussytost, ce pere Cordelier fit payer les 15 mille livres à Villars, qui les receut; et ensuitte, M. le prince de Conty ayant fait aprocher des trouppes, et fait entrer 300 chevaux dans la ville, fit arrester ce pere, le president d’Afis, les sieurs des Bordes et Castelnaut, conseillers au Parlement, un advocat, et le curé de St Remy. Le premier ayant esté convaincu d’abord, fit veoir un nombre de lettres de la Cour, qui tesmoignoit l’ordre qu’il avoit eu, de faire souslever tous les quartiers de la ville, dans laquelle M. de Vendosme devoit faire entrer des gens de guerre par la riviere, et M. de Candale par terre, en mesme temps; qu’on devoit tuer le general Marchin et quelques autres. Plusieurs officiers de l’Ormée demeurerent hier, toutte la journée, assemblés avec 100 bourgeois de l’Ormée sur ce suject; et il s’y parla de juger militairement tous ces prisonniers, desquelz on pretend faire un exemple memorable.

On parle d’envoyer en Italie le mareschal d’Aumont, pour y commander l’armée.

Les domestiques de M. de Croissy Fouquet ont esté interrogés pendant 3 jours, et ce [se] sont si bien deffendus, que l’on n’a peu tiré aucune lumiere de leurs reponses. M. le Chancellier est allé aujourd’huy au Bois de Vincennes, avec les autres commissaires du Parlement, pour interroger ledit Croissy, escortés d’une compagnie des gardes, et sont revenus ce soir.

/204/ De Paris le 4 avril 1653

Le premier du courant, M. le Chancellier partit avec les autres commissaires, pour aller au chasteau du Bois de Vincennes, interroger M. de Croissy; et y feurent escortés par une compagnie des gardes, qui s’en revient; et les laissa là, parce qu’ilz avoint resolus, comme ilz firent, d’y demeurer jusques au lendemain, que l’interrogatoire feut achevé. Cependant, M. le Chancellier ayant voulu commencer son interrogatoire dès qu’il y feut arrivé, l’exempt des gardes qui [qui y] commande, luy dit que M. de Villequier l’avoit chargé d’empescher que personne ne parlat à M. de Croissy, et le pria civilement de ne trouver pas mauvais qu’il fit sa charge. Aussytost, M. le Chancellier, voyant qu’il ne pouvoit tirer d’autre raison, envoya icy un expres en diligence, pour prendre l’ordre de M. de Villequier, lequel ne s’estant pas trouvé ches luy, cest ordre ne feut donné que fort tard; et ainsy, l’interrogatoire ne peut ce [se] commencer que le 2, et les commissaires en reviendrent le mesme jour.

Le 2, MM. des Enquestes allerent à la Grande Chambre, et on leur accorda l’assemblée, pour desliberer sur les moyens d’obtenir le rappel de leurs confreres exilés. Il y en a eut encor quelques asses hardis pour fronder, entre autres le president Hodit, qui representa que c’estoit une chose bien estrange, de veoir q’ung Roy qui avoit esté donné aux larmes d’ung peuple, et qui devoit rendre la justice au monde de ses subjectz, la refusa à la premiere compagnie du rouyaume; qu’il n’y avoit point d’aparance q’ung si bon prince eut aucung mauvais sentiment pour ses subjectz; qu’il falloit necessairement que ce desny de justice vient de ceux qui aprochent sa personne, et qui l’obsedent; et qu’ainsy, il estoit d’advis de mander les Gens du roy, et de les charger d’informer contre les exilés, afin que la Compagnie vit s’ilz estoint coupable, et les faire punir en ce cas, et que s’ilz estoint innocent, elle les restablit dans leur place; mais cest advis ne passa pas, et comme l’on ne laissa pas durer l’assemblée que demye heure, l’on n’eut pas loisir d’ouvrir plusieurs advis, et l’on arresta seulement de faire des remonstrances là dessus.

Les advis de Bruxelles, du 29 du passé, portent que le duc de Lorraine, pour empescher les progres du mareschal de Seneterre, avoit envoyé ordre à ses trouppes de marcher vers Void, où il doit aller luy mesmes, dans peu; que l’Archiduc et les ministres d’Espagne ont enfin accepté l’offre qui leur avoit esté souvent faitte par les provinces de Flandres, le lever et entretenir, à leur despens, certains nombres de regimentz d’infanterie, pour la deffense du pays; lesquelz seront de 18 compagnies chacung, et de 50 hommes chasque compagnie, dont les officiers seront Flamans de nation, et les plus fortes provinces fournieront encor chacune un regiment de cavalerie; lesquelles troupes seront mises en garnison dans les places, d’où l’on tirera des soldatz aguerris, pour les faire servir à la compagnie, à cause qu’on n’y aprehende point de siege; que M. le Prince estoit arrivé à Namur, /204v/ pour s’y aboucher avec le comte de Fuelsendaigne, et qu’il estoit tombé malade de fievre continue.

On asseure tousjours le traitté du comte d’Augnon, et il est vray que l’argent qu’on luy a promis feut conté icy, des le commencement de la semaine passée. Mesmes M. l’evesque de Xaintes partit ensuitte, pour aller à Brouage, mais M. d’Estrades n’est pas encor party. L’on fait celuy cy lieutenant general dans le pays d’Aunis, La Rochelle, Brouage, et Oleron, et l’on luy attribue, pour cest effect, 1000 escus par mois, pour ses droitz et appointementz; mais ont [on] met, dans chascune de ces places, un commandant particulier, qui neamoings recevra ses ordres en tout ce qui regardera le service du Roy: sçavoir, dans la Rochelle, le sieur de Campagneu, premier cappitaine du regiment de Picardie; dans Brouage, le sieur Champfleury, cappitaine des gardes de M. le Cardinal; et dans l’isle d’Oleron, le sieur de Launay Gringueniere.

Le mareschal de Turenne est de retour de Normandie, puis 3 ou 4 jours. Il y estoit allé pour faire veriffier, à la Chambre des comptes de Rouen, le traitté du feu duc de Bouillon, son frere, à cause du comté d’Evreux; mais la noblesse de ce pays là, qui releve de ce comté là, s’y estant opposée sur ce qu’elle n’a jamais relevé que du Roy ou des princes du sang, cette terre n’ayant pas esté posseddée jusques icy par des moindres personnes, a obtenu un arrest favorable pour elle dans cette chambre là, qui n’a pas voulu veriffier ce traitté.

Vous aures sceu que M. le Prince fit reclamer nagueres les sieur de Vineuil et Joly, par un trompette qu’il envoya au mareschal de Turenne; mais M. de Vaubecourt ne l’ayant pas voulu laisser passer à Chalons, S.A. envoya declairer, à celuy cy, qu’elle feroit aux prisonniers qu’elle tenoit, le mesme traittement qu’on feroit à Vineuil et à Joly; dont M. de Vaubecourt ayant donné advis à M. Le Tellier, le Roy luy escrivit une lettre, qui est imprimée, par laquelle Sa M. aprouvoit fort le refus qu’il avoit fait, de donner des passeportz au trompette de M. le Prince, comme une chose qui ne ce [se] pratique point en guerre que dans les armées et places frontieres, luy commandant d’en user de mesmes à l’advenir, et de faire sçavoir à ce prince que Vineuil et Joly ayant esté trouvés chargés de faux passeportz, des libelles deffamatoires pour descrier le gouvernement de l’Estat, des memoires pour former des partys contre le service du Roy, pour excitter des mouvementz sur le suject des rentes, et pour engager les parens du cardinal de Retz à se joindre au party de M. le Prince, il n’y avoit aucune raison de le reclamer comme prisonniers de guerre; qu’on traittoit ordinairement cette sorte de gens comme espions; que si quelques officiers du Roy estoint pris à Bruxelles, executtant des pareilles commissions, Sa M. n’auroit pas lieu de se plaindre s’il en estoit fait justice; qu’ainsy, elle ne croyoit pas que les ministres du roy d’Espagne executtent rien de ce que M. le Prince se promit, à l’esgard du sieur de Vandy et autres prisonniers de guerre qu’ilz tiennent, puisqu’elle /205/ pourroit faire le mesme traittement à ceux qu’elle tient, et sur ce prince mesmes.

Le Roy allat, avant hier, à la chasse à Versailles, accompagné de M. le Cardinal, s’en revient hier.

 M. de Croissy n’a point voulu respondre devant M. le Chancellier, pretendant qu’estant seulement chef honoraire de la Compagnie, il ne pouvoit point estre commissaire, non plus que les conseillers honoraires et les ducs et pairs, et qu’il n’y avoit point d’exemple, non plus, q’ung chancellier eut cette commission; outre qu’estant innocent, il demandoit à estre mis dans un lieu d’où ses juges le puissent mettre en liberté, s’il se trouve innocent. M. de Vineuil a aussy refusé de respondre à M. le Chancellier, pretendant estre prisonnier de guerre.

L’on a envoyé un passeport du Roy à M. de la Rochefoucaut, pour s’en venir icy, afin de se faire panser de son oeil.

L’archevesque d’Ambrun a apporté à S.A.R. des lettres dont M. de Vineuil estoit chargé, escrittes par M. le Prince à Sadite A. et à Mademoiselle. On parle du mescontentement de M. de la Mesleraye, et l’on asseure que M. le Grand Maistre, son filz, est dans le fort de Blavet.

De Bourdeaux du 27 mars

Le 24 du courant, le Pere Itier, superieur des Cordeliers, feut jugé par le general Marchin, par le comte de Maure, assisté de quelques cappitaines de cavalerie, et de six des plus hardis de l’Ormée et quelques autres. Il feut condemné à faire amande honnorables à Leurs A., et à estre mis entre 4 murailles, reduit au pain et à l’eau. Hier l’execution en fut faitte. Il y avoit 2 compagnies en armes, et tout le guet. On le sortit de l’Hostel de Ville, et on le mis sur une charrette, apres l’avoir razé et degradé, couvert d’ung meschant habit de pays, la torche au point [poing], la corde au col, les mains liées, et conduit par le bourreau. Les religieux de son couvent sortirent, tous revestus de [blank] et, portant des cierges blans allumés, feurent à l’Hostel de Ville, pour s’opposer à cette execution; mais ilz feurent repoussés avec violence par ceux de l’Ormée, qui les menaceoint de les massacrer, s’ilz ne se retiroint. De là, il feut conduit à St André, ches M. le prince de Conty, ches Mme la Princesse, et ches Mme de Longueville, pour y faire l’amande honnorable; et ensuitte il feut remis dans l’Hostel de Ville, apres quoy ce prince envoya chasser tous les religieux du couvent, à son de trompe; et les ayant fait passer la riviere, fit metter cent hommes de gardes dans leur couvent. Le president Daffis [et] de Bordes furent mis hors de prison; mais l’on donna des gardes au premier, pour empescher d’agir; et Masson a esté chassé de la ville.

Avant hier, M. le prince de Conty fit passer la riviere à toutte la cavalerie qu’il avoit fait venir icy. L’on disoit qu’il l’envoyoit à Sarlat, où l’on craignoit une revolte; mais on n’a [on a] /205v/ esté prevenu. La nouvelle estant venue hier, les habitans, jointz au regiment de Marchin, qui estoit en garnison, ont esgorgè les regimentz d’Anguien et de Conty; qu’ilz y avoint fait aussy prisonnier Chavagnac, qui les commandoit.

/206/ De Paris du 8 avril 1653

Quelques jours avant qu’on interrogeat M. de Croissy, l’on changeat les gardes qui le gardoint dans sa prison, et on luy en donna des nouveaux. Sur ce subject, MM. les commissaires remarquerent qu’il ne se peut tenir de leur dire qu’il respondroit, si on luy vouloit rendre les gardes qu’on luy avoit osté, tesmoignant qu’il ne pouvoit confier sa vie aux nouveaux; ce que M. le Chancellier luy ayant promis, il demanda une asseurance qu’on ne les luy changeroit point; et comme ilz ne pouvoint pas la luy donner, il leur dit aussy qu’il ne leur respondroit point. Ce discours fit d’abord juger de la conduitte de ses gardes; et l’on descouvrit, peu apres, qu’il en avoit gaigné ung, lequel luy avoit donné moyen d’escrire à M. le Prince, et portait ses lettres au village de La Pissotte, proche le Bois de Vincennes, où un homme les venoit prendre, et les portoit à M. le Prince. Cest homme feut mesmes suivy, dès qu’on eut l’advis, et feut attrapé fort pres de Stenay, chargé d’une lettre escritte avec un crayon rouge, qu’on asseure estre de la main de M. de Croissy. Par ce moyen, on descouvrit qui estoit la garde qui s’estoit laissé gaigner, et on le prit prisonnier dans le Louvre. On ne doute pas qu’il ne soit pendu, et cest accident fait d’autant plus de tort à M. de Croissy, qu’ayant eu loisir de brusler tous ses papiers lors qu’on le prit, il sembloit qu’on n’eut pas, jusques icy, des preuves asses fortes pour le convaincre. On l’accuse principalement d’avoir fort cabalé icy, pour engager les parentz et amis de M. le cardinal de Retz dans le party de MM. les princes. Cepandant, le Conseil, qui veut pousser à bout son affaire, a tesmoigné estre mal satisfait du proceddé de beaucoup de conseillers des Enquestes, pour l’arrest du 5 de ce mois, et il s’est parlé d’en interdire plusieurs, mais on a pris l’affaire d’autre biais.

Il y a eu advis de Flandres que M. le Prince estoit encor, le 23, aupres de Namur; que sa maladie n’estoit q’ung pretexte pour n’aller point à Bruxelles; et qu’il demandoit s’aboucher avec le comte de Fuelsendaigne, voulant eviter le rencontre de l’Archiduc, à cause que celuy cy pretent que M. le Prince luy doive parler nue teste, comme il a fait à S.A.R., ce qu’il ne veut pas faire.
L’on reprent la negotiation qui avoit esté projettée nagueres, pour l’accommodement du comte d’Harcourt, auquel on parle d’offrir 200 mille livres d’argent comptant, et autant à M. de Charlevoix, 40 mille livres en benefices pour son filz, le gouvernement de Xaintonge et Angoumois; et on donneroit, en ce cas, recompense de 100 mille escus à M. le marquis de Montauzier, et le brevet de duc et pair qui luy est promis.

M. et Mme d’Orleans devoint, hier, partir de Blois pour Orleans, où Mademoiselle les doit aller trouver, quoy que indisposée. L’abbé d’Aisnay n’a pas encor l’archevesque de Lyon, mais il y a bonne part.

Le sieur de la Porte, premier valet de chambre du roy, qui a esté longtemps à la Reyne, a receu ordre de se defaire de sa charge.

/206v/ Hier, au matin, M. le Chancellier rentra au Parlement, et y porta des lettres de jussion de faire interroger M. de Croissy dans le Bois de Vincennes, et d’executter tout ce qui estoit contenu dans les lettres patentes du 5. Sur quoy, apres plusieurs contestations, il feut arresté que M. de Croissy seroit interrogé au chasteau de Vincennes, sauf à luy de recuser qui bon luy semblera pour l’interrogation, rapportée et communiquée aux Gens du roy, estre ordonné ce que de raison. M. le Chancellier sortit mescontent de cette assemblée, à cause qu’elle n’avoit voulu accorder au Roy q’une partie de ce qu’il demandoit; et l’on remarqua qu’il eut prise avec M. Doujat, lequel, en opinant, dit qu’il avoit apris, de feu M. le president Le Coigneux, que dans la personne du Roy il y avoit deux qualités à considerer: celle du Roy, qui a fait des ordonnances ausquelles il s’est soubmis, et celle de l’homme, qui les reduit capable de touttes les passions ausquelles sont sujectz tous les autres. Sur quoy, il feut interrompu par M. le Chancellier, et par M. le Garde des Sceaux, qui luy dirent que c’estoit une maxime qui n’estoit pas nouvelle, et que du temps du feu Roy, un homme avoit esté condenné à estre pendu, par sentence d’ung juge subalterne, pour avoir tué un cerf dans la forest de St Germain, en appella à la Tournelle, où M. Sallé ayant esté commis pour raporteur, receut une lettre escritte toutte entiere de la main de Sa M., qui luy commandoit de confiermer la sentence: nonobstant quoy, il feut renvoyé absous, la lettre n’ayant pas esté leue, par respect.

Le Roy alla hier, à pied, faire les stations du jubilé avec Monsieur, et y encor allé ce matin de mesmes, avec le cardinal Mazarin.

Les bouchers de Paris n’ayant pas voulu aller à la police, la semaine passée, suivant la coustume, à cause des nouveaux impostz mis sur le pied fourché, il y eut arrest au Conseil, portant ordre au Lieutenant Civil d’informer contre eux; et ce matin, on en a mis un en prison, pour ce suject, à cause qu’ilz menacent de ne tuer point de viande.

De Bourdeaux du 31 mars 1653

Plusieurs conseillers sont allés à Agen, sans dire mot, à cause qu’on le vouloit forcer d’entrer au Palais. La peste augmente icy tous les jours. L’on a baillé la question ordinaire et extraordinaire au cousin du Pere Itier, pour luy faire declarer ceux qui cabaloint avec luy. Il n’a rien dit, parce qui [qu’il] ne sçavoit rien, et qu’il n’estoit pas capable d’entreprendre des affaires de cette nature. M. le prince de Conty est en grand soucy, de descouvrir ceux qui travaillent dans la ville à faire rentrer le /207/ peuple dans l’obeissance du Roy; et comme il sçait que les deux tiers des espritz y sont portés, il fit assembler, il y a deux jours, tous les cappitaines de la Ville, et leur fit bailler à chacung de l’argent, pour payer 40 hommes dans chasque compagnie, à 4 escus par mois chasque homme, et pour eux à proportion, avec des asseurances que, dans le mois d’avril, l’armée navalle d’Espagne rendra la riviere libre, pour avoir des vivres. Cependant, il fait tenir ses trouppes aux environs de cette ville, qui concistent en 1000 fantassins et 400 chevaux; et dès qu’il soubsçonne quelq’ung, il les chasse, ce qui fait que les bien intentionnés n’osent rien dire. Il parle de faire fondre sa vaiselle, et celle des princesses, en attendant qu’il vienne d’argent d’Espagne. M. de Lusignan a differé son despart jusques à aujourd’huy, qu’il part pour aller à St Sbastien, et de là à Madrid.

/208/ De Paris du xi avril 1653

Le discours que M. Dorat avoit tenu le 7, dans l’assemblée du Parlement, ayant esté raporté au Conseil, on resolut de faire arrester prisonnier M. Dorat, ches lequel on envoya, le lendemain, un exempt avec une vingtaine de gardes, pour le prendre; mais ilz ne le trouverent pas. Ilz demeurerent dans sa maison, et y sont encor. L’on ne sçait ce qu’il est devenu. Et en mesme temps, l’on envoya M. Saintot ches 7 autres conseillers, pour leur porter ordre de se retirer: sçavoir, MM. de Longueil, Le Boultz, Pithou, Canaye, Le Clerc Courselles, Pontcarré, et Le Boindre, lesquelz partirent le lendemain. On les envoye en divers lieux, fort esloigné les ungs des autres: sçavoir, M. de Longueil à Auxonne, M. Pithou à Chalons en Champagne, M. Canaye à Vienne, Le Boulz à Auxerre, M. de Courselles en une maison qu’il a en Anjou, M. de Pontcarré à Saumur, et M. Le Boindre à Nantes, mais despuis, il a obtenu permission de demeurer en une maison qu’il a, proche Le Mans.

Le mesme jour, 8, on fit mettre en prison, à la Bastille, M. Courtin, aussy conseiller des Enquestes, lequel l’on accuse d’avoir fait quantité d’allées et venues dans Paris, pour les intrigues de M. de Croissy.

Le traitté du comte d’Augnon s’executte. Il fait preparer tous ses meubles, pour sortir de Brouage. M. d’Estrades partit le 9, pour y aller.

Leurs A.R. arriverent à Orleans le 8, auquel jour l’archevesque d’Ambrun en revient. Elles ne reviennent point à la Cour.

Le Roy et le petit Monsieur continuent tous les jours de faire, à pied, leurs stations pour le jubilé, accompagnés de M. le Cardinal.

On escrit de Provence qu’on y tascheoit tousjours de tesmoigner à M. de Mercoeur la joye que la Provence esperoit de son gouvernement, et que tous les escoliers d’Aix, à la teste desquelz estoit M. Mancini, l’estoint allés complimenter dans des chars de triomphe, avec des certaines musiques, et des vers à sa louange. Ledit sieur Mancini commence à faire ses adieux dans cette ville là, pour s’en venir icy.

Les lettres de Bourdeaux, du 3 de ce mois, portent qu’on y tenoit tousjours fort serré le Pere Itier; et qu’on y publioit la nouvelle qu’il estoit party, de St Sbastien, 5 gallions, avec quelques autres vaisseaux et brulotz, pour entrer dans la Garonne.

Les advis de Champagne, du 5, portent que MM. de Beaujeu et la Reule, cy devant gouverneur de Retel, ayant ramassé quelques garnisons des places voisines, s’en estoint aprochés, et y devoint estre introduitz dans une cave qui respond sur la muraille, à la faveur de quelques habitans avec lesquelz ilz avoint intelligence; mais que M. de Persan s’estant trouvé soubz les armes, les avoit repoussés avec perte de 200 hommes.

/208v/ De Paris du 15 avril 1653

L’on confierme le traitté du mariage de M. de Broutté avec Mlle de St Megrin, et l’on asseure qu’il aura la charge de capitaine lieutenant des chevaux legers de la reyne.

M. le president de Novion, ayant esté plus agreable à la Cour que le president de Bellievre, a fait à peu pres le mesmes que celuy cy avoit projectté avec M. le Garde des Sceaux, pour la charge de premier president, lequel il prent, à ce qu’on dit, pour 300 mille livres, baille la charge de president au mortier à M. de Champlastreux, moyenant 450 mille livres de surplus, dont on dit que le Roy en donne une partie; mais on dit aussy qu’il reste encor une difficulté à vuider, qui est que ce president veut qu’il soit stipulé, dans leur traitté, que son filz pourra retirer cette charge de president au mortier, en rendant 750 mille livres à M. de Champlastreux.

Outre les nouveaux conseillers exilés, l’on a donné ordre au president de la Grange de se retirer, et il est party pour cest effect.

On parle de mander le Parlement au Louvre, et d’y faire juger l’affaire de M. de Croissy, lors qu’il aura esté interrogé, comme l’on dit autrefois celle de M. d’Espernon, lors qu’il passa en Angleterre.

Les bouchers de Paris n’ont point voulu ouvrir leurs boutiques, ny tuer de viande, à la reserve de 3 ou 4 qui en ont vendu quelque peu dans 3 ou 4 boucheries de cette ville; ce qui a donné subject à la publication qu’on fit, le 12 au matin, d’un arrest du Conseil, par lequel il leur est enjoint à tous d’ouvrir leurs boutiques, et d’en vendre à l’accoustumée, à peyne d’estre descheus du privilege de leur mestier; et à faute d’y obeir, ordre à eux, et à leurs familles, de sortir de Paris de 24 heures, à peyne de la vie. On croit neamoings leur affaire accommodée, sur la proposition qui a esté faicte, de leur bailler à ferme l’imposition nouvelle qu’on a mis sur le pied fourché; et que tous le corps s’obligera, pour cest effect, de mettre dans les coffres du Roy une certaine somme, moindre d’un tiers que celle à laquelle monteroit cette imposition.

Le 12 du courant, le Pere Paulin, confesseur du Roy, mourut en cette ville. Le Pere de Lingendes est un de ceux qui sont proposés pour luy succeder, et l’on croit qu’il y auroit bonne part s’il n’estoit accusé d’avoir esté un peu Frondeur.

Le mesme jour, il y eut advis de Flandres que le comte de Fuelsendaigne ayant reglé avec M. le Prince la maniere dont il seroit receu de l’Archiduc, Son A. estoit allé à Bruxelles pour presser ces 2 ministres de donner un /209/ prompt ordre pour commencer la campagne.

M. le Cardinal donna le pain benit, le jour de Pasques, à St Germain de l’Auxerrois, où estoit le Roy, le Reyne Monsieur, et toutte la Cour. Sa M. continue, encore cette semaine, les stations du jubilé à pied; mais on remarqua que S.E. ne l’accompagna pas hier.

Mademoiselle doit partir demain de St Fargeau, pour aller trouver Leurs A.R. à Orleans, lesquelles en doivent partir aujourd’huy pour retourner à Blois. On dit que l’archevesque d’Ambrun a esté chargé, de leur part, de demander à Leurs M. permission pour M. Damville d’aller aupres d’elles à Bois.
Il ce [se] parler de tran[s]ferer le cardinal de Retz, mais on ne dit pas où.

Le sieur Talon, envoyé de la frontiere de Champagne par M. de Beaujeu, lieutenant general, arriva hier au soir icy, et porta nouvelles que celuy cy, revenant d’aupres de Retel, et ayant esté averty par M. de Montaigu, gouverneur de Rocroy, q’ung party des trouppes de M. le Prince estoit proche de cette place, et marchoit du costé de Liege pour y prendre un chasteau, attaqua ce party, et en defit 600 chevaux et 800 fantassins. Les particularités qu’il en raconte sont que le sieur de Beaujeu, estant plus fort en nombre de trouppes, alla chercher ce party, lequel se posta sur une montagne, en lieu avantageux. Beaujeu ne laissa pas d’attaquer les ennemis, et leur tua 200 hommes; que toutte leur infanterie y demeura, à l’exception de quelque petit nombre de soldatz, qui se sont rachettés par argent, les ungs ayant donné 4 pistolles et les autres 6; qu’il nous reste 600 prisonniers de cette defaitte; que presque tous les officiers sont du nombre, entre autre Coligny, qui commandoit ce party; que tout leurs bagages sont demeurés, et 2 pieces de canon; et que le comte d’Olach et de Ravenelle lascherent le pied d’abord, et s’en fuirent.

/210/ De Paris du 18 avril 1653

On escrit de Bruxelles, du 12 de ce mois, que M. le Prince estoit encor, ce jour là, à Namur; que neamoings le comte de Fuelsendaigne avoit fait preparer le melieur apartement de son palais à Bruxelles, pour luy recevoir au premier jour; qu’on y parloit diversement du suject qui pourroit retarder sa venue, les ungs voulant qu’il ne feut pas satisfait des honneurs, et de la reception qu’on luy vouloit faire, et de la maniere de sa contenance aupres de l’Archiduc et du duc de Lorraine, et les autres qu’on obligeoit, soubz pretexte de luy preparer une plus belle reception, d’attendre que les ministres d’Espagne feussent en estat de luy presenter une grosse somme d’argent, qui seroit le melieur regal qu’ilz luy pourroint faire; que cepandant, il pressoit extraordinairement qu’on luy baillat de quoy commencer la campagne, mais que la manque d’argent la retardoit beaucoup; que neamoings, on se resoluoit, pour en avoir promptement, de donner en gage le territoire de Dolast [Alost], dans la province de Flandres, au duc de Lorraine, qui offroit de prester, sur cette asseurance, 600 mille florins; qu’en attendant, on faisoit marcher quelques troupes vers la Champagne, pour fortiffier les garnisons de Retel et Ste Menehoud; et que M. le Prince menace tousjours de venger le mauvais traittement qu’on feroit en France à M. de Croissy, sur les prisonniers qu’il tient, et de le faire venger encor sur ceux que son frere tient à Bourdeaux; mais il paroit bien qu’on ne l’aprehende pas icy, puisque le Conseil a osté la cognoissance de cest affaire au Parlement, et a deputté MM. de la Poterie et de Beson, conseillers d’Estat, pour interroger Croissy et Vineuil, et en instruire leur proces, qu’on parle, apres, de faire juger par 4 mareschaux de France, 4 conseillers d’Estat, et par 4 maistres des requestes.

L’affaire des bouchers est accommodée, en sorte qu’on leur a accordé que l’imposition qu’on leur demandoit seroit reduitte seulement à 40 sols par boeuf, au lieu de 40 sols [sic] à quoy elle ce [se] montoit, et à proportion moings des autres bestes, et qu’elle ne dureroit q’une année, dans laquelle ilz fourniroint 200 mille livres au Roy, en 4 payements egaux. Cest affaire feut ainsy reglée le 15, et aussytost l’on deslivra de prison un boucher qu’on y avoit mis pour ce subject. L’on fit brusler son escrou, et l’on rendit à 2 autres, qui avoint fait plus de bruit, les informations qu’on avoit faittes contre eux. Ensuitte, l’on publia, le 16, l’arrest du Conseil qui les a restably dans leurs maistrises, et revoqué le privilege qu’on avoit accordé aux forains.

Le Roy ayant desiré que Mademoiselle demeurat desormais à Blois, aupres de Monsieur son pere et de Madame, et en ayant fait porter parolle à S.A.R. par l’archevesque d’Ambrun, elle a mandé pour cest effect Mademoiselle, il y a plus de 15 jours, laquelle n’a peu encor partir de St Fargeau, à cause qu’elle y est malade de fievre tierce. Leurs A.R., apres avoir passé les festes à Orleans, sont retournées à Blois.

/210v/ Le traitté qui s’estoit projetté, il y a longtemps, entre M. le Garde des Sceaux et M. le president de Bellievre, touchant la charge de premier president, feut enfin conclut le 6, le premier ayant donné sa demission de sa charge au dernier, soubz le bon plaisir du Roy, et le dernier ayant aussy ceddé la sienne de president au mortier à M. de Champlastreux, qui luy donne [blank] mille livres de retour; et Sa M. accorde, outre cela, un brevet à M. de Bellievre, par lequel elle entend que ses heritiers puissent tirer une recompense de 300 mille livres de celuy qui sera le premier president; apres cela, il sera receu au premier jour dans cette charge, et ira loger dans la maison où logeoit autrefois M. le Prince, qu’on appelloit l’hostel d’Anguien.

On parle de changer M. de Bougy, mareschal de camp, contre le sieur de Coligny. Le Roy est allé aujourd’huy à Versaille, et feut le 15 à St Maur, où il remarqua que le nombre de ses gendarmes n’y estoit pas tel qui [qu’il] devoit y estre, et commanda à M. de Miossens, qui en est cappitaine lieutenant, de prendre garde que le quartier feut complet; ce qui obligea celuy cy de commander la brigade pour le lendemain, dans la Place Royalle, devant son logis, et donna ordre aux commissaires de la compagnie de les conter; mais lors qu’ilz y feurent arrivés, M. de la Sale, qui en est soubz lieutenant et qui est en quartier, s’en estant offensé, y accourut et fit marcher la brigade au Louvre; ce que M. de Miossens ayant trouvé à redire, M. de la Sale luy repartit qu’il ne le recognoissoit point dans ses quartiers; dont M. de Miossens s’en estant plaint, l’on envoya des gardes ches l’autre, avec ordre de demeurer dans sa maison; mais on a mis cette affaire entre les mains des mareschaux de Villeroy et du Plessis, pour l’accommoder. Ce dernier s’en estant excusé sur ce qu’il est parent de Mme de la Sale, l’on a mis en sa place le mareschal de l’Hospital.

On mande de Bourgoigne, du 22, que les Estatz de la province y avoint finy le 7, apres avoir conclu le siege de Bellegarde, suivant la volonté du Roy, auquel ilz ont accordé 600 mille livres, que quelques particuliers advancent sur une nouvelle imposition de 4 sols par chasque minot de sel, à condition que cette somme ne pourra estre employé qu’à ce siege, lequel ce [se] doit commencer le 23 de ce mois.

/212/ De Paris du 22 avril 1653

L’abbaye de St Lomer [St-Laumer] de Blois ayant vacqué, il y a 2 mois, par le decedz du filz de M. du Coudray Mompensier, le pere la demanda à M. le duc d’Orleans, qui en est patron, disant que sa femme estoit disposée à se rendre religieuse, et que pour luy, il se feroit prebstre. M. de Raré la demandoit aussy pour son filz, et le comte de Bethune encor; mais S.A.R., pour mieux en disposer, escrivit à l’evesque de Chartres, et le pria de luy nommer une personne de grande probité, et capable d’establir par ce moyen, dans Blois, un seminaire de prebstres de la Mission, bien choisis et tous gens de bien. Cest evesque luy ayant nommé là dessus le sieur Le Feron, docteur de Sorbonne, elle luy a donné cest abaye, quoy qu’il ne songeat pas à la luy demander, à condition d’establir dans Blois ce seminaire de prebstres de la Mission, pour l’entretien desquelz le revenu de cette abbaye, qui est de 10 mille livres, sera affectée, ou du moins la pluspar.

Mme la duchesse de Rohan, estant arrivée icy puis quelques jours, feut le 18 veoir la Reyne, qui la receut asses bien.

Les lettres de Champagne confierment la defaitte du party de M. le Prince, proche Rocroy, par M. de Beaujeu; mais elles ne la font pas si grande qu’on la publie icy. Quelq’ungs croyent qu’on eschangera M. de Coligny, qui y a esté fait prisonnier, avec M. de Bougy; mais d’autres tiennent qu’on ne fera aucung eschange, et que ny celuy cy, ny M. Boyer, qui sont prisonniers de M. le Prince, ne l’iront trouver, de peur qu’il voulut venger sur eux le traittement qu’on fera à M. de Croissy.

Le 19, M. de Bellievre presta le serment pour la charge de premier president du Parlement.

On dit que M. de Harlay, maistre des requestes, traitte la charge de procureur general avec M. Fouquet, qu’on parle de faire seul surintendant, et de donner les sceaux à M. de Servient, mais ce ne sont encor que des projectz.

Le traitté du comte d’Harcourt est enfin achevé. On luy donne 100 mille escus comptant, l’abbaye de Chailly [Châalis], de 40 mille livres de rente, pour laquelle on donne, à l’abbé qui la possedde, l’evesché de Bayeux, dont on recompense le filz de M. le Garde des Sceaux, et le gouvernement de Xaintonge et Angoumois, dont on recompense le marquis de Montauzier de 50 mile escus, et un brevet de duc et pair. L’on donne encor 200 mille livres à Charlevoix; moyenant quoy, le gouvernement d’Alsace et les places de Brisac [Breisach] et Philisbourg [Philippsbourg] reviennent entre les mains du Roy, qui, comme l’on croit, les donnera à M. le Cardinal.

On asseure que M. de Guyse poursuit fort la charge de grand maistre de la maison du roy, mais que M. le prince Thomas y pretend aussy, et l’on croit qu’il y a melieur part que luy./212v/ M. de duc de Mercoeur s’en revient de Provence. Il doit arriver dans 5 jours, et le bruit court qu’il vient pour traitter avec le duc de Richelieu de la charge de general des galleres.

L’on asseure que la charge de grand ausmonier de France est donné au Cardinal Anthoine, et l’archevesque de Lyon promis à l’abbé d’Aisnay.

Les nouvelles estant venues hier que les Espagnolz alloint assieger Calais, l’on donna d’abord tous les ordres necessaires pour y jetter du monde et des prouvisions, et pour faire marcher promptement touttes les troupes de ce costé là. Le mareschal d’Aumont se prepare pour les y aller commander.

M. de Bellievre a esté receu, au matin, au Parlement dans la charge de premier president, et M. de Champlastreux dans celle de president au mortier, laquelle il a eut sans donner aucung retour à M. de Bellievre.

Le premier president de Thoulouse est mort. M. de Garibal, maistre des requestes, son gendre, demande cette charge.

On parle de differer le siege de Bellegarde, et d’envoyer en Piedmont les troupes qui estoint destinées pour ce siege, afin que le duc de Savoye n’aye point de suject de s’accommoder avec les Espagnolz, qui l’en sollicitent.

Le Conseil differe aussy de recevoir 200 mille livres de contribution que la Franche Comté paye tous les ans, l’on ne sçait à quel desseing.

De Bourdeaux le 15 avril

Le duc de Candale, qui s’estoit aproché de cette ville à une lieue et demy, s’est retiré, et a remonté avec les troupes vers le pays, ne pouvant vivre si pres d’icy. On dit qu’il a veu M. de Vendosme, lequel a fait pareillement descendre ses vaisseaux vers le Bec d’Ambes. Le premier a laissé des garnisons le long de la riviere en quelques endroitz. Il avoit aussy envoyé des troupes vers le Cap de Buch, pour s’en saisir; mais il a trouvé que M. le prince de Conty l’avoit prevenu d’asses bon nombre de gens de pied et de cheval, tellement que lesdites troupes s’en sont retournées. C’estoit pour empescher la communication avec l’Espagne, à cause que c’est le seul port par lequel on peut passer. Chouppes a amené 700 Irlandois et beaucoup d’argent, il dit 700 mille escus; mais les bons serviteurs du Roy disent qu’il n’y a que 50 mille escus.

Nous avons encor de vivres de touttes sortes, mais ilz sont fort chers, et vont tousjours augmentant. Nous n’avons plus de bled que pour 3 mois.

Le petit duc de Bourbon mourut icy, vendredy dernier; et la peste, qui empire tous les jours, a fait deloger M. le prince de Conty de sa maison, et un de ses /213/ domestiques en a esté frappé, Il est allé loger ches le president Daffis, pres la porte St Germain, et a donné passeport à celuy cy, pour se retirer à Lombes [Lombez]. Le Prince a voulu essayer, despuis peu, de mettre des Irlandois dans Bourdeaux; mais il a trouvé de la resistance, et les a mis seulement aux postes des Chartreux et de St Surin.

/214/ De Paris le 25 avril 1653

Le 23 du courant, le Parlement estant assemblé pour la mercurialle, M. de Bellievre, qui avoit receu des complimentz fort civilz de la part de MM. des Enquestes, qui luy avoint envoyé des deputtés pour cest effect, fit un fort beau discours sur ce subject, plain de civilités à la Compagnie, qui en feut fort satisfaitte; apres quoy, il ce [se] parla de desliberer sur les moyens d’obtenir le retour des nouveaux et antiens exilés; et ce president ayant proposé de remettre cette affaire à demain, on luy representa que la Compagnie avoit un nouveau subject de s’assembler sur les nouvelles commissions données à MM. de la Poterie et Beson, pour l’instruction du proces de M. de Croissy, dans laquelle on a subrogé un autre commissaire, nommé M. de Laiseau, à cause que M. de la Poterie est malade.

L’apresdisnée du mesme jour, MM. les Gens du roy feurent ches M. le Chancellier, pour le prier de demander leur audiance sur ce subject; mais parce que, le 19, il y avoit eu un nouveau different dans le Conseil, entre celuy cy et M. le Garde des Sceaux, touchant le droit de commettre les raporteurs des proces, ausquelz l’ung et l’autre pretendent, et que l’on a jugé ce different en faveur du dernier, M. le Chancellier leur respondit qu’on luy avoit fait une injustice au Conseil, apres laquelle il ne pouvoit plus se mesler d’aucune chose; mais ce different s’accommode, et l’audiance est promise aux deputtés pour demain.

M. le duc de Rohan arriva hier icy. On luy rend son gouvernement d’Anjou.

La charge de grand ausmonier de France est donné au cardinal Antoine Barberin, qui en a presté le serment et, en cette qualité apres, le cordon du St Esprit, qui est inseparable de cette charge. Il doit partir dans 3 ou 4 jours, pour aller à Rome de la part du Roy, negotier la satisfaction que Sa M. peut donner au Pape, touchant les differens que l’affaire du nouveau nonce, et celle du cardinal de Retz, ont fait naistre. On dit que le mesme cardinal Barberin doit resigner quelques abbayes qu’il a en Italie, à deux cardinaux de la faction françoise. L’archevesque de Lyon est promise à l’abbé d’Aisnay.

Sur l’advis qu’on eut icy, du 22, du dessaing que les Espagnolz avoint sur Calais, l’on detacha 300 hommes du regiment des gardes le 23, et on les fit partir le mesme jour, pour les y envoyer avec 30 sergens. Le mareschal d’Aumont party aussy, le mesme jour, pour y aller, afin de mettre sa place de Boulougne [Bologne] à couvert; mais on a despuis eu nouvelles que les 3 mille chevaux que les Espagnolz y avoint envoyé, pour l’investir, estoint retirés. Le bruit a couru que l’on devoit, sur ce subject, demander à la ville de Paris qu’elle fournit promptement 4 mille hommes, pour aller au secours de cette place; mais il ne s’en est fait aucune proposition.

On continue d’asseurer le traitté du comte d’Harcourt, mais on en parle d’une autre /214v/ façon. On dit qu’il n’aura point de gouvernement de province ny de place; et qu’au lieu de cela, on luy donne, en tout, 500 mille livres, avec 40 mille livres de rente en benefice, pour son filz, et 200 mille livres pour Charlevoix. Le different qui est entre MM. de Miossens et de la Salle est accommodé, celuy cy ayant esté obligé d’aller ches le premier, auquel il a fait satisfaction, et l’a prié de tascher de remettre dans les bonnes graces du Roy, mais M. de Miossens est malade.

On asseure que le traitté du comte d’Augnon est executté, et qu’il est sorty de Brouage, pour se retirer à St Germain Beaupré en Limosin, qui est la maison de son frere. M. d’Estissac a aussy ceddé La Rochelle au sieur de Launay, qui en a pris possession.

Mme la mareschalle de la Mesleraye s’en vient à la Cour, avec le marquis son filz, et doit arriver icy demain. On croit qu’elle vient pour conclurre le mariage de ce marquis avec Mlle Mancini.

Le sieur de la Lande, qui feut mis en prison nagueres, pour avoir levé des trouppes dans Paris pour M. le Prince, feut hier condemné prevostablement à avoir la teste tranchée; mais le Roy luy accorda la grace, avant qu’on se feut mis en devoir de l’aller executter.

MM. de Laiseau et Beson, conseillers d’Estat, feurent hier à Vincennes, pour interroger M. de Croisy, qui ne voulu point leur respondre.

Le 3 mille chevaux qui estoint avancés vers Calais, menacent d’assieger Ardres. L’accommodement de M. le duc d’Amville est presque fait. On luy donne 200 mille livres et la capitainerie de Fontainebleau, et 100 mille livres au petit duc de Ventadour, son neveu. Il est presentement à Issy, une lieue de Paris, où Mme de Ventadour, sa mere, et le Pere de Ventadour, son frere, le sont allés trouver cette apresdisnée, pour conferer avec luy sur ce suject. Ce dernier pretend avoir l’evesché de Carcassonne, ou quelque autre; et parce que sa profession de Jesuiste l’exclut de pouvoir tenir aucung benefice, l’on croit qu’il la quittera, pour estre Dominiquain, afin de parvenir à la prelature.

Le marquis de Genlis, cappitaine aux gardes, qui estoit fort bien aupres du Roy, receut hier ordre de se tenir dans sa maison. Le Conseil a enfin deslivré, ce soir, aux deputtés de la Franche Comté, l’ordre de faire payer les 100 mille livres de contribution que cette province a acoustumé de payer tous les ans.

/216/ De Paris le 29 avril 1653

Le 26 du courant, les deputtés du Parlement feurent au Louvre pour faire leurs remonstrances, qui avoint esté resolues tant pour le retour des antiens et nouveaux exilés, que pour la supression de la commission nouvelle donnée à MM. de la Poterie et Beson, pour l’instruction du proces de M. de Croissy Fouquet. M. le premier president de Bellievre y porta la parolle, et fit un tres beau discours sur ce subject; à quoy M. le Chancellier luy respondit que le Roy luy avoit commandé de leur dire qu’il ne pouvoit, ny ne vouloit, leur accorder ce qu’ilz demandoint, qu’il avoit exilé tous ces gens là et donné cette nouvelle commission pour le bien de son Estat, et que Sa M. sçavoit bien qu’il y avoit encor des seditieux dans le Parlement.

Le mesme jour, MM. de Laiseau et Beson retournerent au Bois de Vincennes, et porterent ordre à M. de Croissy de leur respondre, luy declarant autrement qu’on luy feroit le proces comme à un muet; à quoy il respondit qu’il n’estoit pas muet, et que n’ayant pas voulu respondre à M. le Chancellier, à un president, et des conseillers du Parlement, qui auroint esté ses juges legitimes, qu’à plus forte raison il ne devoit pas respondre à des personnes qui ne pouvoint pas estre ses juges; mais que puisqu’il voyoit qu’on le vouloit perdre injustement, il s’estoit tout disposé à mourir, et qu’on n’avoit qu’à luy mener un bourreau, pour l’executter sans autre forme de justice; sur quoy, ces 2 commissaires n’ayant pas voulu passer outre, sans un arrest du Conseil d’en haut, qui l’eut ordonné, on le leur devoit expedier hier.

M. de Bragelonne, chanoine de Nostre Dame, s’est allé enfermer au Bois de Vincennes par permission du Roy, pour entretenir M. le cardinal de Retz.

Vous avez sceu la disgrace du marquis de Genlis et du comte de la Feuillade. Le premier a eu ordre d’aller en Picardie, commander les 300 hommes des gardes qu’on y a envoyé, et l’autre d’aller en son regiment.

Ce n’est pas le sieur la Lande qui feut condenné, le 24, à estre decapité, et qui eut ensuite sa grace; ce fut le sieur de Vineuil, qui avoit esté pris avec luy.

Le 27 on mit en prison une femme de chambre de Mlle de Longueville, qui est accusée d’avoir eu intelligence avec Mme de Longueville à Bordeaux.

M. le duc d’Amville est encor à Issy, dans la maison de M. de Croissy [Choisy], chancellier de S.A.R., où tous ses amis qu’il a en Cour le sont allés visitter, et y travaillent à son accommodement, des conditions duquel on parle diversement. Quelq’ungs veulent qu’on ne luy donne point d’argent comptant, mais bien le baston de mareschal de France, et la conciergerie de Fontainebleau, avec quelques assignations pour le petit duc de Ventadour, son neveu, à cause de son /216v/ gouvernement de Lymosin, dont il est obligé de donner sa demission à M. de Turenne. L’on a donné un brevet de mareschal de France à M. le marquis de Montauzier, qui est arrivé icy.

M. de Boucherat, maistre des requestes, a demandé, de la part du Roy, aux Estatz de Languedoch qui ce [se] tiennent à Pezenas, un dot gratuit de 3 millions de livres, mais ilz ne sont pas disposé d’en accorder le quart.

Le Roy et la Reyne doivent aller cette semaine, avec M. le Cardinal, à Fontainebleau; mais on croit ce que sera pour peu de jours.

On escrit de Gennes [Gênes], du 15 de ce mois, qu’on avoit eu nouvelle de Constantinople que M. de la Haye Ventelay, ambassadeur de France, y avoit esté estranglé.

De Bourdeaux le 21 avril

Jeudy dernier, sur les x heures du soir, M. le prince de Conty ayant eu advis qui [qu’il] ce [se] tramoit une nouvelle cabale dans la ville, par l’intrigue d’une vielle damoiselle nommé de Lurbe, avec un nommé Marche, qui commande un regiment de cavalerie dans son armée et y fait la charge d’ayde de camp, un jurat, un nommé Landé, homme de l’Ormée qui avoit traitté autrefois avec le conseiller Massiot, et un Cordelier, frere dudit Landé, fit prendre cette damoiselle, qui se trouva saisie de plusieurs lettres et memoires de M. le duc de Candale. Elle feut interrogée ches Mme de Longueville, et ses responses sont encor dans le secret. On parle de l’applicquer à la question, et d’en faire un exemple tout autre que celuy du Pere Ithier. On dit que Marche, entrant dans la ville avec son regiment, devoit faire entrer avec luy des gens de M. de Candale, et que le jurat devoit estre à la porte, pour les faire entrer, et que Landé et le Cordelier devoint en mesme temps faire soublever ceux de leur intelligence. C’est Marche et Landé qui ont descouvert eux mesmes, à M. le prince de Conty, que c’estoit la proposition qui avoit esté faitte par cette damoiselle et par le Cordelier. Cepandant, ces menées si frequentes font fort craindre, à toutte cette cour et à toutte la ville, des evenementz fascheux, et l’on aprehende un coupe gorge general. M. de Candale est à Agen

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653