Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/72/  De Paris le 6 aoust 1649

Le 31 du passé ont eu [on eut] nouvelle d'Amyens du 29 que le regiment de cavalerie de M. le Cardinal ayant eu ordre d'aller joindre les troupes du comte de Paluau vers Duncherque, et ayant pour cest effect pris la route pour vivre par estapes, s'ecarta la semaine passée dans les villages ès environs d'Amiens, où il se mit à piller et rançonner les paysans; lesquelz ayant fait leurs plaintes à M. d'Ouailly, cy devant cappitaine des gardes du corps de M. le duc d'Orleans, des extorsions et brigandages de ces cavaliers, luy, qui avoit eu advis certain de la Cour que ce regiment ne suivoit pas sa route, prit quelque noblesse d'alentour avec ses paysans et alla surprendre ce regiment dans un village voysin, d'où il les fit sortir apres avoir fait rendre aux paysans tout ce qui leur avoit esté pris; dont ces cavaliers estantz picqués, firent plus de desordre en chemin faisant, et sans suivre leur route passerent la riviere de Somme et furent continuer leurs brigandages aux environs d'Abbeville, où quelques paysans qui s'y estoint cantonnés les attaquerent et en tuerent une partie et prirent leurs chevaux. Les autres ayant voulu passer la riviere à la nage pour s'enfuyer, se noyerent, en sorte qu'il n'en resta que 25 qui se sauverent dans Abbeville, où par commiseration on les retira dans un grenier au foin. Celuy qui les commandoit estant venu faire ses plaintes à la Cour, y a esté retenu prisonnier, et leur major a esté aussy arresté dans Amiens.

Le mesme jour le Prevost des Marchandz et eschevins de Paris revindrent de Compiegne, où ilz avoint eu d'asses bonnes parolles de la Reyne, qui les y fit traitter; mais quant au retour du Roy, elle ne leur dit autre chose sinon que ce seroit aussytost que les affaires de Sa M. le permettroint. Les maistres et gardes de six corps des marchandz y allerent aussy le mesme jour et eurent semblable response.

Le mesme jour M. le Prince fut à St Germain visitter le roy et la reyne d'Angleterre. S.A. partit d'icy le 2 du courant avec M. le prince de Conty, le petit duc d'Anguien, Mesdames les princesses, et toutte la maison pour Chantilly, d'où elle arriva le 4 à Compiegne.

/72v/ Ledit jour on fit partir d'icy 400 fuseliers pour aller restablir la gabelle le long de la riviere de Loire.

Les lettres de Catteau Cambresis du premier du courant portent que le 29 du passé M. le Cardinal y alla de St Quentin; que M. le comte d'Harcour luy fut au devant avec mille chevaux, et que S.E. arrivant au camp y fut receu avec le mesme honneur qu'on a accoustumé de faire au Roy et y coucha. Elle donna une demy monstre à l'armée, mais parce qu'elle fit plus d'advantage aux Italiens et aux Allemans qu'aux François, ceux cy en furent bien mescontentz à cause que le payement de leur demy monstre n'estoit pas entier. Le reveue faicte, il se trouva qu'il avoit 11 mille chevaux et 22 mille fantassins; mais les ennemis, grossis par la jonction de 5 à 600 hommes que le general Lamboy leur envoye et de 8000 fantassins et 2000 chevaux des Hollandois, ce [se] trouve forte de 16 mille chevaux et 18 mille fantassins, selon les rapportz des espions. Le 30 M. le Cardinal partit du camp et fut escorté par le comte d'Harcourt avec 2000 chevaux jusques à moitié chemin de Cateau Cambresis à St Quentin; et de là M. de la Ferté Imbaut l'escorta avec 1000 chevaux jusqu'à St Quentin, d'où en se retournant il enmena un convoy dans l'armée. Le 31 in partit de St Quentin et arriva à Compiegne le lendemain. Elle y doit retourner dans 7 ou 8 jours pour parler de la paix avec les ministres d'Espagne, qui s'y doivent trouver.

Le 2 on envoya un courrier à M. d'Emery, en sa maison de Chasteauneuf en Gastinois, pour le rappeler à la Cour, mais il se treuva fort malade, comme il est encor. On croit que c'est pour luy remettre entre les mains la charge de surintendant des finances.

Le 3 on eut advis de Rennes du premier du courant que les Estatz ayant fini à Vannes le 25 du passé, avoint accordé au Roy 1600 mille [livres] et 50 mille escus pour les advances, qui font en tout 1750 mille livres, outre lesquelz ilz font un present de 50 mille escus à la Reyne comme gouvernante de la province; et qu'ilz avoint depputté le comte de Laval, l'evesque, et president de Vannes, pour venir rendre conte à Sa M. de ce qu'ilz y avoint fait. Ilz n'ont point depputté aux Estatz Generaulx comme ilz avoint resoulus, le mareschal de la Mesleraye /73/ l'ayant empesché à cause qu'ilz vouloint depputter l'evesque de Leon, qui est un grand Frondeur. Ce mareschal estoit attendu à Rennes, où il alloit pour solliciter le restablissement du president de Marbeuf et y faire enregistrer la survivance du marquis de la Mesleraye, son filz, en tous ses gouvernementz.

De Provence ont [on] a eu advis que M. d'Estampes estoit arrivé à Aix le 26 et estoit allé au Parlement, où il avoit rendu sa despesche et fait une harangue par laquelle il tesmoigna que le Roy desiroit qu'ilz vescussent en bonne intelligence avec le comte d'Alais et que le traitté fait entre eux par l'entremise du cardinal Bichy fut executté, mais qu'il faloit faire quelque satisfaction à ce comte pour l'affront qu'il avoit souffert d'estre emprisonné. Sur cela il proposa une suspension d'armes et une conference pour traitter, à quoy l'on travailloit. Cepandant on confirme que ce comte a fait coupper pres de 150 mille piedz d'oliviers, qui est un dommage irreparable à toutte la province, à cause que c'estoit son principal revenu. MM. d'Aix avoint 6 mille fantassins et 700 chevaux, et ce comte n'avoint que 2000 fantassins et 1200 chevaux, avec lesquelz il continuoit ses courses aux environs d'Aix, quoy qu'on fut en terme d'accommodement.

M. de Rongnac, qui commandoit une compagnie de chevaux legers pour ledit parlement, s'estant mis du party du comte d'Alais, avoit esté fait prisonnier par ceux d'Aix, qui l'ayant conduitz dans la ville ne peurent empescher le peuple de la massacrer à la premiere garde en entrant. La peste estoit à Marseille et commençoit d'y faire ravage. C'est pourquoy l'on y avoit fermé touttes les portes, et Mme la comtesse d'Alais en estoit partie avec les galleres pour se retirer à Thoullon, mais on asseure aujourd'huy par un courrier extraordinaire, qui a passé icy en allant à la Cour, qu'elle avoit rebroussé chemin avec les galleres et s'estoit retirée dans les isles de Marseille, où elle estoit atteinte de ceste maladie.

De Thoulouse on mandoit du 27 que les depputtés des Estatz s'en estoint retournés sans qu'il y ait eu d'arrest d'union, apres avoir esté visitté par un president et 2 conseillers de la part du Parlement, et ensuitte par quantité d'autres conseillers en particulier; que pour l'affaire du president d'Aussonne, /73v/ qui est tousjours à Rodès [Rodez], ville du ressort de Thoulouze et du gouvernement de Guyenne, ledit parlement avoit receu lettres du duc d'Espernon par lesquelles ce duc luy mandoit qu'il ne croyoit pas que la commission de president choquat ny la declaration du Roy, ny l'authorité du Parlement, mais qu'il seroit bien ayse d'estre instruit du contraire afin d'y donner ordre; surquoy on luy avoit fait response, et on en attendoit des nouvelles. Cepandant la Cour des aydes de Cahors a donné arrest soubz le bon plaisir du Roy portant cassation de celuy que ce parlement avoit donné contre ce president.

Le comte de Mata et le sieur de Fontrailles ayant porté à la Tournelle leur apellation des procedures du Lieutenant Criminel, M. le Procureur General l'a fait evoquer à trois chambres: sçavoir, la Grand' Chambre, la Tournelle, et le Edit, en excluant ceux des Enquestes qui servoint dans les derniers, pretendant qu'ilz n'en peuvent pas cognoistre; mais ceux cy soubstiennent le contraire et demanderent l'assemblée des chambres dès le 3, laquelle leur a esté refusée par la Grand' Chambre; et là dessus ilz ont depputé des conseillers de chacune de leurs chambres, qu'ilz s'assemblent au cabinet la premiere pour ce qu'ilz doivent faire en ceste conjoncture, et on apprehend encore de la fronderie.

Le cardinal Grimaldi estant party d'icy la semaine passée pour aller prendre possession de l'abbaye de St Florent pres Saumur, laquelle le cardinal Mazarin luy a resigné, coucha au Plessis les Tours, où quelq'ungs ayant dit q'ung cardinal italien estoit arrivé, le peuple creut que c'estoit le cardinal Mazarin et s'assembla aussytost en grand nombre, criant qu'il le faloit assommer; ce qui obligea ce cardinal de sortir et se montrer à ce peuple pour l'asseurer qu'il n'estoit pas celuy qu'on croyoit, et ayant esté recognu la rumeur cessa et chacung se retira.

Les lettres de Compiegne ne donnent point d'esperance du retour de Leurs M. à Paris, bien que le salut de l'Estat en depende, ce qui faict encor aprehender des malheurs. Les vens du Ponant, qui ont regné si longtemps ceste année, ont gasté tous les bledz, de sorte que la /74/ recolte se treuve fort petite. Hyer ont eu [on eut] advis qu'on avoit mandé à la Cour des depputtés de Bordeaux qui avoint esté arrestés à Senlis.

Les lettres de St Quentin portent que l'armée partit de Cateau Cambresis le 3, tirant vers Mons et Valentiennes, afin d'attirer les ennemis à un combat.

Celles de Doncherque du mesme jour asseurent que les ennemis ont rasé le fort de la Quenouze [Knocke]; que les trouppes qu'y [qui y] estoint sont allés à Eiter joindre le marquis Sfondrati, qui menace d'assieger la Mothe aux Bois avec un corps de 5000 hommes; et que le comte de Paluau s'estoit advancé à Bergues pour en aprendre des nouvelles. On escrit que les affaires de Bourdeaux sont en grande confusion.

/75/  De Paris le 13 aoust 1649

Le resident du Parlement d'Angleterre, qui est icy, receut ordre de son parlement la semaine passée de demander à la Cour la restitution de tous les vaisseaux anglois et marchandises qui ont esté prises par les vaisseaux françois sur la Mer Mediterranée, et de luy declarer que si dans 4 jours on ne luy donnoit satisfaction là dessus, ledit parlement useroit de reprisailles sur la Mer Occeane. Ce resident n'a point encor esté à la Cour, ce qui fait croire qu'il a eu des ordres contraires.

Le 6 du courant la Grand' Chambre et la Tournelle du Parlement s'assemblerent pour la quatriesme fois pour juger l'affaire du partisan Cathalan, touchant les malversations qu'il a commis dans les taxes des officiers de justice et aysés, mais cela n'est pas encor jugé. Mr. Broussel en est rapporteur.

Le mesme jour on aprit à Compiegne que M. le baron Marchin avoit descouvert une grande conspiration faicte en Cathalougne par quelques religieux qui alloint par toutte la province persüadant le peuple à faire des vespres siciliennes et engageant leur foy que le roy d'Espagne leur donneroit annistie generale.

Le 7 au matin la Cour des monnoyes veriffia le traicté de la nouvelle fabrique des liardz, avec beaucoup de modiffication. Il avoit esté faict aux conditions de 72 liardz au marc, d'en fabriquer de suivre neuf pendant 9 mois, l'employ de 80 presses et de vieux cuivre en conversion de vieux deniers pendant 21 mois pour le travail de 120 presses; mais ladite cour reduit les 72 liards au marc à 64, les 80 presses à 40, et pour 6 mois, et les autres 120 presses à 60 pour 18 mois.

Le mesme jour au matin un gentilhomme envoyé du Parlement d'Aix presenta une lettre dudit parlement au Procureur General de celuy de Paris, lequel refusa de la recevoir, disant qu'il n'en avoit point d'ordre, ce qui obligea ce gentilhomme de la donner à M. Loysel, conseiller des Enquestes, qui la receut d'abord; et là dessus deux depputtés de chasque chambre des Enquestes estant allé demander l'assemblée, le Premier President leur respondit que la Grand' Chambre en deslibereroit et qu'on leur rendroit response à 10 heures; mais ceste heure estant venue, les Enquestes trouverent que le Premier President en estoit desja sorty, et les conseillers qui estoint restés dans la Grand' Chambre leur dirent qu'on avoit bien accordé l'assemblée, mais que ce ne seroit que pour lundy en suivant, qui estoit le 9; mais on eut advis de Compiegne dès le 7 qu'il ne tenoit qu'au comte d'Alais que l'accommodement des affaires de Provence ne fut faict, car le premier de ce mois M. d'Estampes en dressa les articles avec des grandz avantages pour ce comte, estant expressement /75v/ porté entre autres choses que MM. d'Aix desarmeroint les premier; qu'ilz envoyeroint audit comte une deputation solonnelle par laquelle ilz le prieroint bien humblement d'oublier tout le passé, luy protester obeissance, honneur et respect, autant qu'il en est deubt à un gouverneur et qu'on a rendu à tous ceux qui l'ont esté devant luy, et le prieront de vouloir retourner à Aix avec Madame sa femme et Mademoiselle sa fille, qui seroint aussy receus avec le mesme honneur qu'on a accoustumé de leur rendre; que les Estatz se tiendront en tel lieu de la province qu'il luy plairra; et qu'outre les 500 mille livres portés par le precedent traicté faict part l'entremise du cardinal Bichy, MM. d'Aix accorderont encor au Roy 300 mille livres; et que les consulz qui avoint esté cassés par arrest du Parlement seront restablis et continués encor deux ans. MM. d'Aix firent response à chasque article et accorderent à peu pres la mesme chose, mais ilz en adoucirent les termes, apres quoy M. d'Estampes fit signer ces articles ainsy modifiés par tous les presidentz et conseillers, tant du Parlement que Chambre des comptes et de la Cour des aydes et par tous les corps de la ville, d'où il partit aussytost apres pour les aller faire signer à ce comte, qui estoit à Roynes [Rognes], deux lieues d'Aix; où ayant demeuré jusques au soir du 3 sans pouvoir persuader celuy cy de les signer, il expedia un courrier à la Cour pour y apporter les articles en l'estat qu'ilz estoint; ce que le comte d'Alais ayant sceu fit partir aussytost un autre courrier avec des responses qu'il avoit faict à chasque article. Ces deux courriers arriverent à Compiegne le 7, mais celuy de M. d'Estampes y fut deux heures devant l'autre. L'affaire mise en deliberation au Conseil, M. le Prince y parla fort en faveur du comte d'Alais et fut d'advis de faire desadvouer ce que M. d'Estampes avoit fait; mais afin d'oster à MM. des Enquestes de Paris le pretexte de s'assembler, on ne laissa pas ratiffier le traicté, touttefois avec quelque modification, et le courrier de M. d'Estampes le remporta le 10 avec ordre au comte de le signer et executter. Le 9 quand il fut question de s'assembler au Parlement pour deliberer sur la lettre du Parlement d'Aix, le Premier President dict à M. Loysel, qui l'avoit receue, que la paix estoit faicte en Provence, que ceste lettre estoit supposée, que le gentilhomme qui l'avoit apportée ne paroissoit plus, que M. de Valbelle, depputté du Parlement d'Aix, luy avoit dit qu'il ne sçavoit ce que c'estoit. Par ce moyen il empescha l'assemblée, apres qu'ilz eut quelques parolles entre luy et M. de Loysel, qui /76/ protesta de faire veoir clairement que la lettre estoit veritable; mais MM. des Enquestes ayant sceu en mesme temps que M. de Valbelle, qui avoit apporté à la Cour les remonstrances par escript faictes par le Parlement d'Aix, s'en estoit retourné despuis 15 jours, resolurent d'envoyer le mesme jour deux depputtés de chacune de leurs chambres ches le Premier President pour examiner la lettre en presence du pretendu depputé qu'il avoit nommé; et ces depputtés estant arrivés ches luy à cette fin, il leur dit qu'il avoit pris Valouze pour Valbelle (ce Valouze se nomme autrement M. de Riens, lequel est aussy conseiller au Parlement d'Aix et fait icy les affaires du cardinal Grimaldi, mais il n'a jamais eu qualité de depputté de sa compagnie), et qu'ilz devoint estre satisfaictz de ce qu'il leur avoit dit le matin; que neantmoings si M. de Loysel vouloit que ceste lettre fut examinée, il envoyeroit querir M. de Riens pour l'examiner entre eux 3 seulement, sans les autres depputtés. A quoy M. de Loysel respondit qu'il n'estoit plus le maistre de cest affaire et que c'estoit au Parlement d'en ordonner, qu'il croyoit M. de Riens homme d'honneur, mais que n'estant pas deputté et ayant tous les jours affaire à la Cour, on le pourroit obliger facilement à dire les choses autrement qu'elles n'estoint, et l'affaire en demeura là. Despuis M. Loysel soubtient qu'on a obligé le gentilhomme, porteur de la lettre, de se cacher afin que MM. des Enquestes ne peussent pas le faire paroistre, et qu'ainsy la lettre fut tousjours pour supposée.

Le mesme jour 7, Mme de Chevreuse partit d'icy pour aller à Compiegne, où elle avoit esté mandée, et l'on a sceu despuis qu'elle y avoit esté fort bien receue.

Le 8 on sceut que M. le Prince, estant arrivé à Compiegne, trouva qu'on avoit desja parlé au Conseil de revenir à Paris, à cause qu'on avoit sceu qu'en partant d'icy il avoit promis de faire tous ses effortz pour ramener le Roy, et que sur cela le retour de Sa M. fut resoulu pour le 15; à quoy l'on adjoustoit que M. le Cardinal devoit partir en mesme temps pour retourner à St Quentin, où M. le duc d'Orleans et M. le Prince y devoint aller apres avoir accompagné icy le Roy, pour s'aboucher en quelque lieu sur la frontiere avec l'archiduc Leopold, le duc de Lorraine, et le comte de Pigneranda, ausquelz M. de Lionne alloit faire la proposition, afin de conferer de la paix.

Le mesme jour le duc de Mercoeur et le mareschal d'Estrés estantz arrivés icy, firent leur possible pour disposer le duc de Beaufort d'aller à la Cour, mais celuy cy leur ayant respondu qu'il n'y pouvoit aller qu'à condition de ne point /76v/ veoir M. le Cardinal, et qu'on l'en solliciteroit tousjours en vain. Ilz le manderent ainsy à la Cour, où S.E. ayant apris ceste nouvelle et d'ailleurs ne pouvant souffrir que le Roy revint à Paris, sans elle, fit en sorte que la Reyne dit hautement qu'elle n'y iroit point et que la resolution qui avoit esté prise n'auroit point son effect, dont toutte la Cour commenceoit à murmurer. Sur cela M. le Prince fut veoir la Reyne et luy dit que le retour du Roy estoit de si grande importance que le salut de l'Estat en deppendoit absoluement. M. d'Orleans voyant les instances de M. le Prince, fut aussytost representer la mesme chose à la Reyne, et Mlle d'Orleans ne manqua pas d'y adjouster ensuitte ses intercessions pour gaigner cela sur l'esprit de Sa M. Enfin M. le Cardinal voyant que MM. les princes se debattoint à l'envy à qui contribueroit le plus au retour du la Cour, dit à la Reyne qu'il falloit se resoudre quand on en devroit perir, de sorte qu'il fut arresté au Conseil qu'on partiroit pour cest effect de Compiegne le 18, et sur cela envoya des lettres de cachet à touttes les compagnies souveraines de Paris et au Prevost des Marchandz pour leur en donner advis et l'on prepara le Palais Royal et celuy d'Orleans. M. de Lyonne, qui estoit party de Compiegne le 8 pour Cambray, en revint le xi, mais on ne sçait pas si M. le Cardinal viendra icy, ou s'il yra vers la frontiere, et parce qu'on accommode le chasteau de Vincennes, quelq'ungs croyent qu'il y pourra loger affin d'estre plus en seurté.

Le 9 on eut advis que nostre armée, ayant passée l'Escaud, alla attaquer celle des ennemis, qui estoit retranchée sur une montaigne à la veue de Vallentiennes, luy fit quitter ses retranchementz apres avoir tué 2000 des ennemis et fait autant de prisionniers et pris 4 pieces de canon, sans y avoir perdu environ que 30 chevaux des nostres; et que l'Archiduc y estoit en personne, fut poursuivy jusques à une portée de mousquet de Vallentiennes. M. le comte d'Harcour y receut une mousquetade du dos qui luy persa son baudrier et son bufle et le renversa par terre; mais la bale ayant perdu sa force, il en fut quitte pour une contusion, qui ne l'a point empesché d'agir. En suitte de cela nostre armée prit cinq redouttes et s'alla camper à Arlen [Arleux?], demy lieue de Doüay, où elle /77/ faict des courses par tout le comté d'Haynaut. Despuis on a eu advis d'Arras qu'elle avoit quitté le poste d'Arlen pour camper à Sailly, qui est un peu en deça, pour prendre des vivres à causes qu'elle ne trouvoit delà que des lieux abandonnés. Les ennemis ne sont pas plus fortz que nous, et il n'est pas vray que les Holandois leur ayant fourny aucunes troupes.

Le 10 on eut advis de Bourdeaux que le Parlement y avoit esleu des nouveaux juratz en la maniere accoustumée et sans s'arrester aux lettres de cachet du Roy, qui nommoint ceux que Sa M. vouloit estre esleus; que le duc d'Espernon assembloit ses troupes à la Reole pour blocquer Bourdeaux, ce qui avoit obligé le Parlement de donner arrest portant deffenses à tous bourgeois et habitans de ladite ville d'en sortir, et ordre à ceux qui estoint absentz d'y revenir à peyne de mille livres d'amande, qui seroint employés pour la conservation de la ville, où l'on faisoit bonne garde; et l'on y attendoit les marquis de la Force et de Sauveboeuf, qui avoint promis des troupes au Parlement.

De Provence l'on mandoit, outre la nouvelle de l'accommodement, que Mme la comtesse d'Alais ayant esté refusée à Toulon avec les galleres comme venant d'ung lieu infecté de la peste, se desbarqua et se retira dans les bastides de Toulon, où elle fait sa quaranteine; et que les galleres retournerent au mesme temps aux isles de Marseille.

De Rennes en Bretagne on escript du 8 que le mareschal de la Mesleraye y estoit entré au Parlement et y avoit fait restablir le president de Marboeuf, qui avoit esté interdit par ledit parlement il y a pres d'ung an.

De Thoulouze on escript aussy q'ung huissier de la chaisne y ayant signiffié au Premier President et au Procureur General, de leur consentement, l'arrest du Conseil portant cassation de tous ceux que ce parlement a donné sur les matieres qui regardoint les affaires du Roy, ceux cy en parlerent à l'assemblée des chambres, qui ordonnerent sur cela que tous leurs arrestz seroint executtés sans s'arrester à celuy du Conseil.

Le xi M. de Tracy partit pour aller en Normandie querir le duc de Longueville, qu'on veut envoyer sur la frontiere traitter avec les Espagnolz.

/77v/ Ce matin M. Loysel, conseiller, est entré dans la Grand' Chambre comme depputté de MM. des Enquestes et a dit à M. le Premier President que cesdits messieurs le prioint tres humblement de donner l'assemblée pour veriffier si la lettre du Parlement d'Aix estoit vraye ou fausse, à quoy le Premier President luy a respondu que la Grand' Chambre, l'Edit, et la Tournelle s'assembleroint demain au matin pour leur donner satisfaction là dessus.

L'ambassadeur de Suede a pris son congé de la Cour pour s'en retourner et doit partir dans deux jours, mais comme il espere de revenir au printemps, on ne luy a faict aucuns presens ny aucune ceremonie accoustumée de faire au depart des ambassadeurs.

/79/ De Paris le 20 aoust 1649

Le retour de la Cour, qui estoit universellement souhaitté comme l'unique remede aux maux dont l'Estat estoit affligé, a tellement resjouy tout Paris que pandant le cours de ceste semaine on n'a eu autre matiere d'entretien; et la satisfaction qu'on a eu de veoir le Roy a beaucoup estouffé de ceste grande liberté avec laquelle on parloit contre M. le Cardinal. M. le duc d'Orleans a voulu qu'on luy eut obligation toutte entiere de cest heureux retour, parce qu'il l'avoit faict esperer desja deux fois aux Parisiens, et l'on remarqua à Compiegne le 12 de ce mois que la Reyne luy ayant proposé de le differer encor pour 8 jours, il n'y voulu jamais consentir. L'on asseure mesmes qu'il protestat de s'en revenir avec toutte sa maison afin qu'à l'advenir on ne luy peut pas imputer la cause des maux que ce retardement eut peut causer à l'Estat. Neamoings le vulgaire est persuadé que M. le Prince y a plus contribué que S.A.R., à cause que la resolution en fut prise au temps qu'il arriva à Compiegne. Il est vray que voyant la resolution de Sadite Altesse et l'importance de l'affaire, il n'y s'opposa pas et qu'il voulut avoir part. Vous verres cy apres ce qui s'est passé a l'entrée de Leurs M. en ceste ville.

M. de Lyonne a tenu si secrettes les particularités de son voyage de Cambray qu'à peyne on a peut penetrer aucune chose. L'on remarqua que lors qu'il en revient, M. le Cardinal luy alla au rencontre à une lieue ou deux de Compiegne. Despuis on a parlé diversement de sa negotiation. Les ungs asseurent que quand il fut arrivé à Cambray, le comte de Pigneranda luy joua un vray tour d'Espagnol, ne l'ayant pas voulu veoir, mais luy ayant envoyé dire que le roy d'Espagne, son maistre, luy avoit donné ordre de n'entendre à aucung traitté jusqu'à ce que tout les parlementz de France seroint satisfaictz, qu'il estoit bien informé qu'il y en avoit des mescontentz, et que le Roy n'avoit qu'à retourner à Paris afin d'esteindre le feu qui est dans ses provinces pandant les 2 mois de campagne qui restent, et qu'apres cela on pourroit mieux parler de la paix qu'à present. D'autres disent que M. de Lyonne a dit à la Cour que le comte de Pigneranda l'avoit bien receu et traitté; qu'apres estant entré en conference avec luy, il luy avoit dit q'il seroit bien ayse de traitter la paix pourveu que ce fut avec M. le Cardinal seul /79v/ sans aucung mediateur ny autre plenipotentiaire de part et d'autre qu'eux deux, seulement et non autrement, et que si S.E. prenoit ce party elle devoit se resoudre de rendre au roy d'Espagne Gravelines, Dunquerche, et les autres places du costé de la mer, avec la Cathalougne, Casal au duc de Mantoue, et abandonner le roy de Portugal; à quoy l'on adjouste que la bourgeoisie de Cambray, voyant le prompt retour de M. de Lyonne, commencea de faire des lamentations, comme un signe evident qu'il n'avoit pas treuvé Pigneranda disposé à faire la paix. Quelq'ungs croyent que M. de Lyonne n'a faict ce raport que pour destromper les esprits qui estoint persuadés que les Espagnolz ne vouloint point traitter avec S.E.

Le courrier qui fut despesché en Provence la semaine passée raporta à M. d'Estampes les articles de l'accommodement apostilles de la main de M. le Prince, avec un escript au bas faict et signé aussy de sa main, par lequel S.A. prie M. le comte d'Aletz et MM. du Parlement d'Aix de les soubscrire à la forme qui sont apostillés, se rend garente de l'execution envers les ungs et les autres, et se declaire ennemie du party qui ne les voudra pas signer et observer.

L'evesque d'Alby retourna de Montpellier à Compiegne la semaine passée en qualité de deputté des Estatz de Languedoch, pour demander la revocation de le edit de Beziers de l'année 1632, ce qu'on luy accorda à certaines conditions, par lesquelles le Roy pourra tirer de cette province presque autant comme si le edit subsistoit.

Le 14 du courant la Grand' Chambre, la Tournelle, et le Edict estant assemblés sur le suject de la lettre du Parlement de Provence portée par M. Loysel, resolurent de prier les Enquestes, comme ilz firent, de differer l'assemblée pour 3 ou 4 jours afin qu'on peut avoir des nouvelles plus certaines de Provence, mais la cour estant venue là dessus, l'affaire en est demeuré là.

Le 15 un bruit se respandit à Compiegne que les parlementaires d'Angleterre avoint desja mis sur mer 12 vaisseaux, qui rodoint les costes de Normandie pour user de reprisailles contre nous, mais ce bruit n'a pas encor esté confiermé. Les lettres qui contenoint ceste nouvelle adjoustoint /80/ q'ung deputté de la ville de Liege y estoit arrivé et avoit offert à M. le prince de Conty la coadjutoirie de Liege, le priant de leur vouloir envoyer du secours contre l'opression de l'eslecteur de Coulougne, leur evesque, qui a envoyé une armée contre eux. Despuis un autre deputté de cest eslecteur est arrivé à la Cour supplier Leurs M. de ne vouloir donner aucung secours aux Liegeois, qui luy sont rebelles, mais M. le prince de Conty est resoulu de leur en donner.

Le 16 M. le duc d'Orleans arriva icy avec M. l'abbé de la Riviere et fut en mesme temps visitté par le duc de Beaufort, dont il avoit fait son accommodement avant son despart de Compiegne et avoit obtenu qu'il visitteroit le Roy et la Reyne sans veoir M. le Cardinal. Le lendemain 17, MM. de Ville furent remertier S.A.R. dans son palais de ce qu'elle avoit procuré le retour du Roy à Paris; à quoy elle respondit qu'elle n'y avoit point nuit et qu'elle feroit tousjours son possible pour les obliger. Les mesme jour on envoya des commissions au comte d'Oignon pour faire des levées pour le secours du duc d'Espernon contre le Parlement de Bourdeaux.

L'ambassadeur de Suede devoit partir le mesme jour, mais il differa son despart sur la priere que M. le Cardinal luy envoya faire par son gentilhomme. Cet ambassadeur part aujourd'huy et va s'embarquer au Havre de Grace, où Leurs M. luy ont faict esquiper une fregate pour le conduire en Suede.

Le 17 on eut advis de Provence du 10 que le comte d'Aletz avoit faict piller la maison du sieur de la Roque, president au Parlement d'Aix; et que de là, estant allé en la maison du sieur de St Paul, il en avoit esté repoussé apres deux assautz; et qu'il avoit esté contraint de l'abandonner par la forte resistance du sieur Maine, qui y commandoit dedans. De là ce comte estoit allé mettre le feu à la maison des parroirs, où il y avoit 4 moulins à papier qui valoint bien 40 mille livres, le tout apartenant au sieur Valbelles, conseiller du mesme parlement, et encor de là à Merargues [Meyrargues], qui est encor une autre maison du mesme conseiller, laquelle il battoit avec 2 pieces de canon. Le comte de Maugiron estant allé à Tarrascon pour faire conduire du bled à Marseille par ordre du comte d'Aletz, la populace /80v/ de cette ville là, qui tient le party de ce comte aussy bien que Thoulon et Brignole, se jetta sur le sieur de Maugiron, le prenant pour son frere, qui tient pour le Parlement d'Aix, mais il fut sauvé apres qu'on l'eut recognu. L'on y attendoit le retour du courrier que M. d'Estampes avoit envoyé à la Cour.

De Montpellier on mandoit que les Estatz du Languedoch avoit remis leur assemblée au 28 de ce mois, attendant la response de la deputation de l'evesque d'Alby touchant la revocation de le edit de Beziers; cepandant on levoit 4 regimentz dans le Bas Languedoch pour envoyer en Piedmont, lesquelz devoint servir le comte d'Aletz en passant par là.

Les lettres de Thoulouze portoint que sur les signiffications des arrestz du Conseil, le Parlement avoit ordonné le 4 de ce mois que tres humbles remonstrances seroint faictes au Roy de revoquer lesdits arrestz comme contraires à la declaration du 22 octobre dernier; et que cepandant, soubz le bon plaisir de Sa M., tous les arrestz dudit parlement seroint executtés. Despuis on avoit affiché aux portes de quelque eglise et à celle du Premier President des billetz seditieux contre luy et contre le Procureur General et autres, par lesquelz le peuple estoit exhorté de les massacrer. Le duc d'Espernon ayant escript aux sieurs d'Aussonne, premier president de la Cour des aydes de Cahors, et Cambon, conseiller au Parlement de Thoulouze, qu'il les prioit de se retirer de Rodès [Rodez] jusqu'à ce qu'on eut les ordres de la Cour, ilz estoint tous deux partis de ceste ville là, le president d'Aussonne un jour plus tost que le sieur de Cambon, lequel estant arrivé à Thoulouse en avoit esté blasmé de sa compagnie; mais il s'excusoit sur ce que n'ayant esté envoyé que pour empescher que ledit president n'executta sa commission, c'est asses qu'il l'eut veu sortir de Rodès [Rodez].

Le mesme jour 17 Mme la duchesse d'Orleans, qui estoit partie de Compiegne le jour precedent, arriva icy.

Le susdit jour, le Roy et la Reyne partirent de Compiegne avec toutte la Cour pour s'en revenir à Paris et furent coucher à Senlis.

Le 18 sur le point du jour on tira quantité de boites à l'Hostel de Ville pour preparer les espritz à la resjouissance.

/81/ Le mesme jour Leurs M. partirent de Senlis et vindrent disner au Bourget, deux lieues d'icy, où M. le duc d'Orleans leur alla au devant avec quantité de noblesse, qui fut suivie d'ung si grand nombre de personnes que les chemins despuis Paris jusques au Bourget n'estoint pas asses larges pour les contenir. Tout ce qu'il y avoit de chevaux dans Paris fut employé à cest cavalcate, qui commencea d'entrer 5 heures du soir par la Porte St Denys en bel ordre apres les gendarmes et chevaux legers du Roy et de la Reyne, à la teste desquelz paroissoit le mareschal de Scomberg [Schomberg] et le marquis de St Megrin. Les rues despuis la Porte St Denys jusques au Palais Royal estoint tapissées aux fenestres du premier estage, la tapisserie ne pouvant paroistre en bas à cause de la grand foule du peuple, qui y estoit en haye dans les rues. Le duc de Montbason, les Prevost des Marchandz et eschevins, et les conseillers de ville furent à cheval avec leurs robes recevoir Leurs M. à la Crois [Penchante] qui est par delà la Chapelle sur le chemin de St Denys, et apres y avoir fait leur harangues, suiverent la cavalcate. Leurs M. entrerent sur les 8 heures du soir aussy par la porte St Denys, et comme il estoit desja tard on mit des lanternes sur les fenestres. Aussytost on commencea à faire universellement des grandz cris de "Vive le Roy!" qui furent continués jusqu'à ce que Leurs M. furent entrées dans le Palais Royal. Le Roy estoit à l'une des portieres de son carrosse avec M. le duc d'Anjou et le duc d'Orleans, la Reyne et Mademoiselle sur le devant, M. le Prince et M. le Cardinal dans l'autre portiere, et Mme la Princesse douairiere sur le derriere. On remarqua que S.E. y parut avec un visage asses resoulu, et le respect fut si grand que personne ne leur dit aucung mot fascheux. Les gardes du corps du Roy, de la Reyne, et de M. le duc d'Orleans suivoint ce carrosse avec quelques officiers. En mesme temps on fit une descharge de 200 boittes et de tous les canons de la ville, qui furent encor deschargés apres un beau feu d'artifice qu'on avoit preparé dans la place de Greve. La Reyne estant dans le Palais Royal tesmoigna estre tres satisfaicte /81v/ du respect et de l'amour des Parisiens, et dit qu'apres cela elle oublieroit volontiers tout le passé. L'on fit ensuitte des feux de joye devant les maisons partout Paris pour achever la feste.

Peu apres l'arrivée de Leurs M., M. le duc d'Orleans amena le duc de Beaufort dans le Palais Royal au Roy et à la Reyne, à laquelle il tient un discours tres joly par lequel il se justiffia du passé, apres quoy il sortit sans veoir M. le Cardinal.

Hyer M. le Coadjuteur presenta les deputtés de l'esglise de Paris à Leurs M. et leur fit un fort beau compliment et court, sans saluer ny mesmes regarder S.E., qui estoit present. Les compagnies souveraines vindrent ensuitte par deputtés en grand nombre et saluerent Leurs. M. Le Lieutenant Civil vint apres avec des conseillers du Chastelet, puis M. Courtin, maistre des requestes, presenta à la Reyne les 2 nouveaux eschevins et harangua pour eux aussy bien que les autres compagnies. Enfin la Reyne receut beaucoup plus de satisfaction qu'elle n'en avoit esperé. L'universitté et les 6 corps des marchandz luy sont allés aujourd'huy rendre leurs respectz.

Les dernieres nouvelles de l'armée portent qu'elle, ayant passé l'Escaut et bruslé grand nombre de villages, a faict tous les desordres possibles dans le pays ennemy, où tous les paysans ont abandonné la campagne et ce [se] sont retirés dans les villes; ce que voyant, les ennemis ont envoyé quelque partie de cavalerie vers la frontiere de Picardie, menaceant de faire le mesme ravage, mais ilz ne l'ont pas encor entrepris, n'estant pas asses fort pour cela.

De Bourdeaux le 12 aoust 1649

L'on fait icy tous les effortz possibles pour se mettre en estant de resister aux forces du duc d'Espernon et empescher le sac de ceste ville, dont il la menace. Il a fait une ordonnance par laquelle il declaire que tout ceux qui seront à la campagne dans leurs maisons, tant paysans qu'autres, y pourront demeurer en toutte seurté et qu'ilz ne seront foulés en aucune façon, son desseing n'estant que contre la ville de Bourdeaux. /82/ Neamoings il envoye des partis en divers endroitz dans les maisons des conseillers du Parlement, où il faict enlever tous les bledz, meubles, et tout ce qu'on y trouve.

Le 9 du courant M. le Comminges fut à Blaye, où il obtient q'aucung bateau n'en partiroit pour Bourdeaux, où il mit des soldatz pour l'empescher.

Le 10 on fit partir d'icy 8 chaloupes armées de 300 soldatz, lesquelz monterent sur la riviere de Garonne jusques aux moulins de Miron, où un battelier nommé Marpain enleva 500 sacs de farine qu'on avoit faict moudre pour les troupes du duc d'Espernon; apres quoy ilz revindrent à Cabanat, où ces soldatz ayantz mis pied à terre furent conduitz à Cenon et attaquerent la maison du sieur de Beauroche, conseiller du Parlement, lequel estoit Espernoniste, dont les portes quoy que bien barricadées furent forcées, et ceux qui estoit dedans se rendirent à discretion. L'on pilla la maison, où l'on trouva, tant en argent que hardes, la valeur de plus de 40 mille livres; et 3 autres conseillers du Parlement, partizans du M. d'Espernon qui s'y estoint regufiés, furent faitz prisonniers et conduitz en ceste ville. Le Parlement leur envoya 3 autres conseillers au devant pour empescher que le peuple ne les mit en pieces, à quoy ilz eurent grand peyne; mais ces prisonniers furent conduitz jusques à la porte de la Conciergerie par plus de 4 mille personnes, qui leur disoint mille injures. On a esquippé 6 chaloupes qu'on envoye du costé d'en haut de la Garonne. Le Parlement a desja 2 mille hommes soudoyés et continue les levées. Il a retenu 4 vaisseaux de guerre et attend le duc de la Trimouille et le marquis de Sauveboeuf, qui leur doivent amener des troupes. Le duc d'Espernon a donné le rendévous aux siennes pour le 22, ne pouvant les assembler plus tost, mais on espere d'estre en estat de luy empescher l'aproche de ceste ville devant ce temps là. Un battelier voulant sortir de ce port avec une grande barque, qu'il disoit avoir esté frettée pour un marchand nommé Rigaud, elle fut visittée et l'on y trouva dans le fondz sept pieces de canon touttes neufves. Presentement on embarque 12 compagnies d'infanterie qui ont leurs ordres cachettés, lesquelz ilz ne doivent ouvrir que lors qu'ilz seront arrivés à une lieue d'icy.

/83/ De Paris le 27 aoust 1649

Vous aves sceu comme une heure apres l'arrivée de Leurs M. en ceste ville, le duc de Beaufort fut presenté par M. de duc d'Orleans à la Reyne, qui le receut fort bien. Le lendemain 19 ce duc fut veoir de rechef Sa M., qui l'acceuillit encor fort bien, mais elle luy fit proposer dès le soir de ce jour là de s'accommoder avec M. le Cardinal et de le veoir, dont il se deffendit avec autant d'opiniastreté qu'auparavant, et il n'y eut pas moyen de gaigner cela sur son esprit. Le 20 ce duc retourna veoir la Reyne. Sa M., mal edifiée de ce qu'il avoit rejetté ceste proposition d'accommodement, ne luy voulut point parler, et quitta le cercle aussytost qu'elle l'eut aperceu, pour passer dans son cabinet; dont ce duc, bien estonné, sortit d'abord et se retira. Despuis il n'a point esté dans le Palais Royal. On l'a fort pressé de s'accommoder aux volontés de la Reyne. M. le duc d'Orleans, Mademoiselle, Mme de Chevreuse, et quantité d'autres s'y sont fort employés sans avoir peu obtenir autre chose, sinon qu'apres qu'on luy auroit donné une place de seurté, il s'accommoderoit et verroit M. le Cardinal, mais non auparavant. On la luy faict esperer apres qu'il aura veu S.E., mais il s'obstine tousjours à ne le vouloir pas faire autrement, et l'affaire en est encor là.

La mesme chose ayant esté proposée à M. le coadjuteur de Paris dès le 10, il s'y resolut apres s'en estre longtemps deffendu, et visitta le mesme jour S.E., qui luy fit grand acceuil.

Le 21 M. le Prince presenta à la Reyne le sieur de la Louviere, filz de M. de Broussel, lequel fut asses bien accuilly. On luy a proposé de se defaire du gouvernement de la Bastille, dont on luy a offert une charge de cappitaine aux gardes, qu'il a refusé. Ensuitte on luy a offert 50 mille escus d'argent comptant, mais M. de Broussel, qui en est gouverneur en chef, ne l'a pas voulu. Le mesme jour le Roy et la Reyne furent ouyr la messe à l'esglise Nostre Dame. Les rues par où Leurs M. passerent furent tapissées et bordées d'ung grand nombre de peuple, criant "Vive le Roy!" L'on a remarqué que despuis le retour de Leurs M., la Cour donne tout le contentement possible au menu peuple afin de le retenir par la douceur, et qu'il ne recommence aucune esmotion et ne parle contre M. le Cardinal. 
/83v/ Les batteliers furent le 22 au Palais Royal au nombre de 2 à 3 cents, avec des avirons peintz, pour convier Leurs M. de prendre le divertissement de veoir le jeu de l'oyson, qu'ilz ont accoustumé de faire tous les ans en ceste saison. De là ilz furent au palais de Luxembourg et ensuitte ches M. le Prince à mesme fin. Le lendemain ayant esté conseillés d'aller convier M. le Cardinal afin qu'il obligeat Leurs M. d'aller veoir leur jeu, ilz y furent pour cest effect au nombre de 24 par desputation au Palais Mazarin, où S.E. leur fit donner 50 pistolles, avec parolle que Leurs M. prendroint ce divertissement dimanche prochain.

Les harangeres de la Halle et du Marché Neuf sont satisfaittes en ce que, suivant l'arrest du Parlement, on les a mises dans les droictz du partisan qui avoit acquis ce qu'elles payoint pour leurs estaux ou bancs au domaine du Roy, de sorte qu'elles ne payent plus q'ung escu chacune, de 31 qu'elles avoint accoustumé d'en payer; et neantmoings il se trouve que le Roy ne pert rien à cela parce que le partisan n'en payoit pas davantage, bien qu'il receut 31 escus de chacune.

Le 23 les Enquestes du Parlement envoyerent des deputtés à la Grand' Chambre pour demander l'assemblée, afin de veriffier la lettre du Parlement de Provence, à quoy le Premier President leur dit que l'ordinaire de ce pays là devoit arriver le lendemain et que suivant les nouvelles qu'on en aprendroit, l'on verroit s'il seroit necessaire de s'assembler; dont les depputtés ayant faict leur raport à MM. des Enquestes assemblés dans le cabinet de la premiere des Enquestes, M. Tambonneau, conseiller, dit qu'il s'estonnoit fort de ce qu'ilz avoint esté demander l'assemblée sans ordre ny deputation; sur quoy M. Pithou, l'ung des deputtés, luy reparti qu'il en avoit menty; et de faict il est certain qu'ilz avoint esté deputtés et envoyés de la part de touttes les chambres des Enquestes. A cela M. Tambonneau replicqua qu'il n'y avoit point d'homme d'honneur qui eut voulu luy parler de la sorte. Maintenant M. Pithou pretend reparation sur ces parolles, "point d'homme d'honneur," et demande l'assemblée pour pourveoir à cest affaire.

/84/ Le 24 le Roy s'en alla à St Germain visitter la cour d'Angleterre, dont il revint le mesme jour.
Ledit jour on eut advis de Thoulouze que le 14 le Parlement s'y estant assemblé sur l'advis qu'il avoit eu que le duc d'Espernon avoit envoyé ordre aux villes de Nerac, Cahors, Rodès [Rodez], Villefranche, et autres du ressort de ce parlement, d'assembler leurs milices pour l'aller joindre, donna arrest portant que tres humbles remonstrances seroint faictes au Roy et à la Reyne de vouloir donner la paix aux Provençaux et aux Bourdelois, et cepandant deffences à touttes personnes de prendre les armes sur autre ordre que par declaration du Roy, veriffiée audit parlement; dont le Premier President voulut adoucir les termes de cest arrest, mais les Frondeurs l'obligerent à le signer de la façon qu'il avoit esté concerté.

De Provence l'on mandoit que le comte d'Alais, ayant pris le chasteau de Merargues [Meyrargues], avoit faict pendre celuy qui commandoit avec un des consulz du village, qui s'estoit retiré dans ledit chasteau avec les habitans, lesquelz il fit tous despouiller et les fit sortir en chemise; et de là il retourna attaquer le chasteau de St Paul, dont il avoit esté repoussé auparavant; ce qui anima sy fort MM. d'Aix qu'ilz envoyerent aussytost des troupes en divers endroitz pour attaquer ceux de ce comte de tous costés. Le sieur de Barras se jeta dans St Paul avec 300 hommes apres une rude escarmouche, pour y paciffier les affaires de la part du Roy.

Aujourd'huy les Enquestes ont redemandé l'assemblée des chambres, laquelle leur a esté accordée pour mardy prochain, sans plus de remise.

Les lettres de Duncherque portent que le comte de Paluau a jetté un secours dans La Mothe aux Bois, qui manquoit de vivres et de munitions de guerre, sans que le marquis Sfondrati s'y soit opposé, et apres est retourné avec son corps d'armée du costé de la mer.

Le comte d'Harcourt est campé à Arlus, proche Douay, et comme l'on ne voit point d'aparence de pouvoir faire aucune entreprise ceste /84v/ campagne, beaucoup d'officiers reviennent avec le marquis de la Mesleraye.

Les lettres de Londres du 23 du courant viennent d'arriver et portent que le secours entré dans Dublin estant de 3000 hommes, le colonel Jones, qui en est gouverneur, s'est treuvé fort de 10 mille hommes, avec lesquelz il a faict une sortie de divers endroitz et a defait et mis en deroutte toutte l'armée du marquis d'Ormond, qui s'est retiré en confusion apres une perte de 600 hommes et quantité de prisonniers, entre lesquelz est son propre frere; et que ce colonel poursuivoit sa victoire et a repris 3 ou 4 places autour de Dublin.

De Bourdeaux le 16 aoust 1649

Le marquis de Ste Croix d'Ornano mourut icy hyer au matin d'une pleurisie. L'on a fait general des troupes le marquis de Lusignan, qui est tousjours icy. L'on a envoyé offrir le commandement des trouppes au marquis de La Force, mais il en a remercié le Parlement et s'est excusé. Le marquis de Sauveboeuf et le sieur de la Mothe Hautefort sont attendus icy avec des troupes, pour la levée desquelles le premier a receu 50 mille livres, et l'autre 30 mille livres. Cepandant la riviere de Garonne est bouchée de deux costés et il ne nous vient plus rien de Blaye, ny de Bourg, ny moings encor du haut pays. Nos navires et galiottes sont prestes, mais nous n'avons pas seulement asses de mariniers pour les conduire et il n'y a pas un bon cappitaine pour l'armée navalle. L'on en vouloit faire general M. Thibaud Jambe de Bois, mais il y a opposition, et l'on le soubsçonne d'estre plus à M. d'Espernon qu'au Parlement.

L'Isle de St Georges, qui est à 3 lieues d'icy, du costé de Cadillac, tient bon pour ceste ville, et le duc d'Espernon ne la sçauroit prendre. Ce duc a fait avancer quelques troupes vers Bauterand [Beautiran], lesquelles font des courses et vont piller et ruyner tous les lieux des environs apartenantz aux bourgeois de ceste ville. L'on y envoye des troupes d'icy pour empescher des desordres et en revanche pour faire le mesme desgast dans les lieux qui apartiennent à ceux qui sont du party de M. d'Espernon. On a donné ordre d'enlever tous les meubles, bestail, et autres choses.

/85/ Les coureurs de ce duc estant venus jusques à Lestaules [Étauliers?], 3 lieues d'icy, y ont pris 9 à 10 charrettes chargées de marchandises qui alloint à la foire de Bayonne, et enmené quantité de bestail.

On continue à faire bonne garde aux portes. On fait faire des moulins dans touttes les rües pour moudre les bledz, dont il y en a prouvision en ceste ville pour un an, mais si ce desordre continue longtemps, la ville aura grand peyne à se remettre, notament si l'on empesche les vendanges.
De Lymoges le 20 aoust

Nous commenceons à sentir icy les effectz des desordres de Bourdeaux. MM. Musnier et Guigonnet, conseillers au Parlement, ont esté en cette ville, le premier pour faire enregistrés et publier un arrest donné pour obliger cette province à les secourir contre le duc d'Espernon, en quoy il n'a point eu de satisfaction, car le jour qu'il fut au Palais pour cela, personne ne s'y trouva et il fut obligé de faire luy mesme sa publication, tout le monde le fuyant, neantmoings sans que personne l'osat empescher. L'autre pour ramasser des gens de guerre et faire avancer le marquis de Sauveboeuf, qui partit hyer d'icy avec 400 chevaux pour aller au secours dudit parlement. Mais M. de Pompadour, lieutenant du Roy en cette province, tient la campagne aux environs de ceste ville avec 1200 chevaux, en desseing de suivre ce marquis et l'empescher de continuer ses levées et d'envoyer aucunes troupes à Bourdeaux. L'on ne peut pas juger à quoy tout cecy aboutira, car on veoit des espritz fort partagés.

De Bourdeaux le 19 aoust

Le 15 du courant le marquis de Lusignan, nostre general, partit d'icy avec 8 chaloupes et 2 gallions tirant vers Paillet. Estant arrivé entre Paillet et Partet [Portets], il y fut rencontré par le regiment de la marine et par quantité de paysans assemblés par ordre du duc d'Espernon, et retranchés fort proche de la riviere, lesquelz l'arresterent là. Ce marquis, voyant qu'il ne pouvoit pas avancer plus outre, fit reculer deux chaloupes chargées de soldatz qui, ayant mis pied à terre à demy lieue endeça, furent attaquer par derriere et par devant les troupes de ce duc et donnerent par ce moyent le temps à M. de Lusignan de faire desbarquer tout ce qu'il avoit de soldatz dans les autres chaloupes, lesquelles demeurerent en la garde de ces deux galions. Ses gens estantz à terre rangés en bataille /85v/ donnerent sur ceux du duc d'Espernon, en tuerent environ 50, firent 9 prisonniers, et mirent le reste en fuitte; puis ce marquis poursuivant sa pointe fut plus avant dans la maison du sieur de Laxe et dans celles de quelques autres Espernonistes, où il ne trouva pas beaucoup de resistance, ceux qui les gardoint ayant esté abandonnés au bruit de la defaitte, et il y prit 4 fauconneaux qu'on avoit mis sur les avenues de la maison du sieur de Laxe, laquelle il fit piller aussy bien que les autres et emporta tout ce qu'il trouva dedans; apres quoy il fit rembarquer ses gens et s'estant avancés plus loing, attrapa un bruslot et deux grandz batteaux, avec quoy il s'en revient en ceste ville le lendemain 16 et amena les 9 prisonniers et le butin qu'il avoit fait.

Le 16 le sieur de Haumont, qui commande pour M. d'Espernon dans le Chasteau Trompette, envoya un tambour à la ville pour sçavoir s'il estoit assiegé et declarer en ce cas qu'il estoit resoulu de se bien deffendre, sinon qu'il pretendoit avoir le passage libre et de prendre des vivres dans la ville en payant; à quoy on luy fit responce qu'il ne devoit pas avoir de la viande plus tost que nous du pain, et que puisque M. d'Espernon nous fermoit le passage de tous costés des vivres, nous devions conserver le peu que nous avions dans la ville.

Le 17 ledit sieur de Haumont, fasché du refus qu'on luy a fait de luy donner des vivres, et voyant venir un petit bateau chargé de bois, fit mettre tous les soldatz soubz les armes, et sur le point que ce batteau passa devant le chasteau, il en fit promptement sortir 60, qui le surprirent et l'ayant arresté, le firent aborder dans le chasteau; ce qui mit aussytost la ville en alarme, et l'on fit avancer en mesme temps 4 compagnies du regiment de Lusignan, qui estoint en garde aux Chartreux, sur lesquelz et sur tout le costé de la porte du Chapeau Rouge le sieur de Haumont fit faire grand feu de mousquetades, qui furent suivies d'une descharge de 5 pieces de canon, dont il y eut 5 femmes tuées, un cappitaine blessé, et six soldatz; ce qui obligea les nostres à se retirer et se mettre à couvert. Ledit sieur de Haumont ne cessa de faire tirer sur tout ce qu'il vit paroistre de monde dedans et dehors la ville, despuis les 9 heures du matin jusques à une heure de l'apresmidy, que la ville luy envoya un tambour avec le Procureur General /86/ pour sçavoir de quoy il se plaignoit et pourquoy il avoit commencé la guerre; à quoy il fit responce qu'il ne pouvoit souffrir des gens de guerre aux Chartreux, qu'il estoit par ce moyen assiegé et ainsy obligé à tirer pour se deffendre. Sur cela le Procureur General luy demanda trois heures du temps pour faire assembler la Ville et en desliberer, ce qui luy fut accordé, et ilz se separerent. Aussytost on fit travailler à faire des barricades dans touttes les rues qui regardent le chasteau et notanment dans celle du Chapeau Rouge. Sur les 4 heures le major de la Ville fut avec un tambour devant le chasteau appeller le sieur de Haumont; lequel estant sorty avec le sieur de Filouze, son lieutenant, et quelques soldatz, le major luy dit que puisque M. d'Espernon avoit assiegé la ville, on n'estoit pas d'advis de retirer les gens de guerre qui estoint en garde aux Chartreux, et que s'il n'en estoit pas content, on luy donnoit la carte blanche pour faire tout ce qu'il pourroit. Le major, en se retirant, deffendit partout que personne ne se monstra devant le chasteau dedans ny dehors la ville; et dès lors on commencea à travailler à des terrasses et retranchementz autour du chasteau, la garnison duquel ne les a peut empescher, quelque feu qu'elle aye fait jour et nuict, n'ayant despuis cessé de tirer mesmes le canon sur les Chartreux et sur le costé de deça vers les Sallinieres, où se fait nostre armement naval. Il n'y a eu jusques icy dans tous nos travaux q'ung sergent tué et deux soldatz blessés. Quelq'ungs des nos soldatz les plus adroitz s'escarmouchent du haut des murs et des bastimentz les plus eslevés avec ceux du chasteau, où l'on croit qu'il y en a eu de tués, car ilz ne tirent plus tant, ny ne se monstrent pas tant qu'ilz faisoint.

Deux de nos chaloupes sont revenues aujourd'huy de l'Isle St George, où elles furent hyer porter un renfort de soldatz. Elles raportent que les 400 hommes que nous y avons se deffendent tres bien contre ceux du duc d'Espernon, qui les veulent assieger, et qu'à une attaque ilz y ont tué le major du regiment de la marine avec 15 soldatz et un ingenieur que ce duc regrette fort. L'on a apporté icy à MM. du Conseil du guerre le plan de Libourne et de l'Isle St George, qu'on a trouvé dans la poche de ce major avec son estuy à compas.

Un gentilhomme arriva hyer icy de la part de M. de la Nave [la Noue] Bras de Fer, cy devant lieutenant general du duc de la Trimouille, pour offrir ses services au Parlement. M. de Murat, conseiller au Parlement, estant arrivé a presenté des ordres du Roy portant commande au Parlement de souffrir l'interdiction et s'absenter pour 24 heures seulement, mais on n'y a pas voulu obeir, et l'on s'est mocqué dudit sieur de Murat de s'en estre chargé.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
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Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653