Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/264/ De Paris le 5 Aoust 1650

Le 30 du passé le Parlement s'estant assemblé pour l'affaire de l'intendant Foulé, celuy cy presenta une seconde requeste par laquelle il demandoit d'estre receu, appellant de l'ordonnance mise à une autre requeste qu'on avoit presentée contre luy, pretendant qu'elle avoit esté mise par M. de Broussel sans en avoir faict auparavant son raport, laquelle ordonnance portoit seulement "Soit communiqué au procureur general du Roy." Sur cela l'on vient aux opinions, et il y en eut deux differentes: l'une de 66 voix qui alloint à recevoir l'appel et ordonner que sur celuy les parties auroint audiance le 3 du courant; mais celuy ne feut pas asses fort, la 2 l'ayant emporté de 6 voix, suivant lesquelles il passa que cette requeste seroit rendue à M. Foulé et ordonné que la desliberation commencée sur la recusation de M. de Broussel seroit paraschevée ledit jour 3; et ainsy M. Foulé ne peut s'exempter d'estre jugé, chambres assemblées. Ce qui ce [se] passa de plus considerable feut que M. de Courselles dit que si on recusoit M. de Broussel, il faloit que beaucoup d'autres juges se recussassent eux mesmes, puisqu'il y en avoit beaucoup qui estoint parens de M. Foulé et plusieurs qui estoint parties, estant engagés dans les prestz. Le partisan Tabouret, qui estoit le principal interessé, s'est absenté de Paris, et l'on ne sçait où il est.

Les amis de MM. les princes ayant faict imprimer un nouveau recit de la bataille de Lens, M. de Beaufort l'entendit crier le 30 du passé en passant sur le Pont Neuf et voulut reprimender le colporteur, disans que c'estoint des chansons de 2 ou 3 ans; sur quoy il feut mocqué, et on luy cria, "Il a chié au lict."

Le 31 on afficha à la porte de l'esglise Nostre Dame et à celle des Augustins un placcard intitulé "Arrest de la cour celeste," fort injurieux à M. le Cardinal, portant injonction à tous peuples de luy courir sus; et sur la requeste presentée pour la deslivrance des princes, ordonné qu'ilz demeureront dans le chasteau de Vincennes jusques à la majorité du Roy.

Le mesme jour le courrier que le duc d'Orleans avoit envoyé à la Cour avec M. de Comminges arriva icy et luy rapporta la response de la lettre qu'il avoit escrite la Reyne touchant le changement du gouverneur de Guyenne. Par cette response Sa M. et S.E. mandent à S.A.R. qu'on peut s'exempter d'accorder aux Bourdelois ce qu'ilz demandent, ce qui seroit de tres mauvais exemple. Ce courrier rapporte que M. d'Espernon estant arrivé le 27 à Angoulesme, l'on tient conseil avec luy; et sur le rapport qu'il fit de l'estat de la ville de Bourdeaux, l'on resolut de faire cette response à S.A.R. et de partir d'Angoulesme le lendemain pour avancer en Guyenne, suivant laquelle resolution Leurs M. devoint aller à Cadillac pour estre plus commodement. Le duc [de] St Simon estoit venu aussy treuver la Cour à Angoulesme, d'où l'on avoit envoyé des gens de guerre à 3 lieues de là, pour raser une maison du duc de la Rochefoucaud. Quant à M. /264v/ d'Espernon, le courrier rapporte qu'il partit le 29 d'Angoulesme pour venir en sa maison de Loches en Touraine. Aussytost que S.A.R. eut veu la response de la Reyne, elle manda M. Guyonnet, depputté de Bourdeaux, et luy dit qu'elle n'avoit peu obtenir le changement du gouverneur; ce qui estonna fort ce depputté, lequel poursuivit le lendemain l'assemblée du Parlement, laquelle luy feut promise pour le 3 du courant.

Les nouvelles venues despuis de la Cour portent que la resolution y estoit prise d'assieger Bourdeaux, et à cette fin outre l'armée du Roy, qui est de 12 mille hommes, l'on avoit envoyé l'abbé de Guran en Brouage pour tascher d'avoir des trouppes du comte d'Augnon; mais celuy cy s'est excusé de les bailler, aussy bien que d'aller à la Cour, disant qu'elles estoint necessaires pour la conservation de sa place; en suitte de quoy cest abbé est allé à La Rochelle pour faire esquipper 2 ou 3 vaisseaux de guerre, et l'on en esquippe encor 4 à Duncherque.

Un gentilhomme nommé Le Brouset, qui estoit cappitaine au regiment de S.A.R., ayant esté cassé sans recompense, s'est mis dans le party des princes et s'est saisy avec 50 hommes d'ung poste nommé Le Chastellet, scitué entre Mourron et Chasteauroux, où il fait des grandz desordres aussy bien que la garnison de Mourron, ayant volé cette semaine aupres de Chasteauroux 43 mille livres que quelques marchandz faisoint conduire à Paris sur 3 charrettes.

Le mesme jour 31, l'on mit en prison dans la Conciergerie du Palais les partisans Pidoux [et] Vannel Trecourt. Le premier avoit obtenu le lendemain son eslargissement de M. le Garde des Sceaux, mais le geolier n'y voulut pas obeir, disant qu'il ne cognoissoit que MM. du Parlement. Quant au second, il y est pour n'avoir satisfacit à l'ordre qu'il avoit de bailler de l'argent pour la demy monstre promise à l'armée; et La Railliere, qui est avec luy fermier des entrées de Paris, s'est absenté ou caché pour eviter prison.

Le premier du courant l'on mit aussy en prison un cappitaine qui faisoit secrettement des levées dans Paris pour le party des princes, et 2 jours auparavant l'on avoit arrestés quelques soldatz qui s'estoint enrollés.

Le mesme jour on eut advis de Caen que le baron d'Antouville y avoit esté mis en prison dans le chasteau pour avoir voulu faire des levées en ce pays pour le mesme party.

Ledit jour on arresta encor icy deux gentilhommes accusés d'avoir voulu s'emparer du chasteau de Dieppe; ce qui a obligé M. le duc d'Orleans d'y envoyer M. de la Ferté Imbaut, qui partit d'icy avant hier pour aller asseurer cette place au Roy. S.A.R. envoya aussy M. de la Ferté, son cappitaine des gardes, dans le Perche pour y empescher les levées que M. de Chamboy et quelques autres y font pour le party des princes.

/265/  Mlle de Longueville, qui estoit despuis quelque temps à Bagnolet, à 2 lieues d'icy, a receu ordre de se retirer à Trie ou à Collumiers [Coulommiers].

Le 3 on eut advis de Tholouse que M. d'Espernon, suivant la parolle qu'il avoit donné au Parlement, avoit mis le prisonnier à qui M. Morant faisoit le proces entre les mains des commissaires, lesquelz l'avoint fait conduire à Tholouse; que quant à la maison du sieur de Savaillant, ilz n'avoint pas peu l'entreprendre parce que M. d'Espernon y avoit envoyé le regiment de Candale pour la garder; sur quoy le Parlement s'estant assemblé le 27, il y eut deux advis: l'ung de depputter au Roy pour luy demander la demolition du chasteau de Lectoure, et l'autre, qui estoit le plus fort, de depputter au Parlement de Paris pour demander l'union avec luy. Cette desliberation devoit s'achever le lendemain. Cepandant le baron des Ouches, apres avoir esté visitté de 4 capitoux, avoit presenté ses lettre de creance de la Reyne [et] de M. le duc d'Orleans au Parlement, sur lesquelles on devoit aussy desliberer le lendemain. Le commis des finances de cette province ont envoyé icy un courrier à M. Gargan; et pour entendre de quoy il s'agit, il faut sçavoir que le Parlement de Tholouse ayant donné il y a quelque temps l'arrest pour faire compenser sur les tailles les foules [fouilles?] que les gens de guerre avoint fait dans la Haute Guyenne, on creut à la Cour que le melieur moyen qu'il y avoit de faire revoquer cest arrest estoit d'accorder à la ville de Tholose qu'elle ne payeroit point que 2500 livres tous les ans; et le baron des Ouches n'y est allé que pour leur apporter cest abonnement, lequel il a donné aux capitoux avant que demander la revocation de cest arrest; et apres le Parlement ne l'a pas voulu revoquer, estant jaloux de la façon dont M. des Ouches avoit agy, la Ville n'en ayant aucune obligation au Parlement.

On escrit de Marseille que la peste y a cessé et que les consulz y avoint fait arrester dans la Tour de St Jehan 3 des plus factieux partisans du comte d'Alais; et nonobstant cela ce party faisant tousjours plus grand bruit, les consulz avoint donné ordre à tous les cappitaines des quartiers d'y faire tenir prestz tous les habitans pour s'opposer aux desseings que ce party avoit de diviser cette ville, dans laquelle le Parlement d'Aix a resolu de se retirer le 15 de ce mois et de s'y assembler pour demander avec les Marseillois le changement de leur gouverneur. Le baron de Bras, qui commandoit les trouppes de ce parlement, s'est jetté dans Arles, où il a esté bien receu.

M. de Vendosme se plaint fort du Parlement de Dijon, qui ne veut pas veriffier quelques impositions qu'il a voulu mettre ny le traitter d'Altesse.

Le 3e le Parlement s'estant assemblés, l'on parla de l'affaire de M. Foulé, contre lequel il y eut quelques requestes par lesquelles on demandoit que les conseillers qui /265v/ estoint ses parens feussent recusés; sur quoy il ne feut rien resolu, et il y a apparence que ceste affaire trainera à la longue.

Quant à celle de Bourdeaux, l'on arresta que puisque M. le duc d'Orleans avoit assisté à touttes les assemblées qui s'estoint tenues sur cette matiere, l'on le prieroit de se trouver à l'assemblée, qu'on remit à cejourd'huy.

Hier M. de Beaufort et le Coadjuteur employerent toutte la journée à persuader les depputtés de Bourdeaux de ne presenter pas cytost la lettre de leur parlement à celuy de Paris, dont la pluspart des voix estoint disposées à bien fronder; mais ne pouvant rien obtenir d'eux, ilz resoleurent avec S.A.R. de n'entrer point ce matin au Parlement, et que S.A.R. manderoit MM. les Gens du roy pour leur dire ses sentimentz. Ces messieurs ayant esté mandés ce matin, elle leur a dit que son intention estoit de faire changer M. d'Espernon, et qu'elle se promettoit de le faire dans 10 jours; que cepandant son indisposition l'empescheoit d'entrer aujourd'huy au Parlement; où ces messieurs ayant fait leur rapport, le Premier President a envoyé demander l'advis de touttes les chambres, et il a esté arresté que S.A.R. seroit prié de venir prendre sa place dans l'assemblée, qui a esté remise à demain.

Hier au soir M. de Beaufort, passant sur le Pont Neuf, feut obligé de descendre de son carrosse pour accommoder une querelle qu'il y avoit entre des pages et des laquais, dans laquelle les siens estoint meslés. Sur cela 3 ou 4 bourgeois l'aborderent et luy dirent qu'ilz seroint tousjours pour luy, pourveu qu'il feut pour eux, et luy dirent qu'ilz esperoint que les 80 mille livres de rente qu'on luy a donné ne seroint pas capable de luy faire commettre une laschetté en abandonnant le public; à quoy il respondit qu'il avoit tropt d'obligation à la ville de Paris pour abandonner ses interestz, qu'il ne le feroit pas pour tout le bien du monde.

Ces jours passés M. le duc d'Orleans ayant eu avis que Mme la Princesse douairiere avoit resolu de venir à Paris pendant l'abscence de la Cour pour assister aux couches de Madame, luy escrivit une lettre par laquelle il luy mandoit que, Madame devant acoucher sur la fin de ce mois, elle l'en avoit voulu avertir afin qu'elle envoyat telle personne qu'elle voudroit pour y assister; à quoy Mme la Princesse a fait response qu'elle supplioit tres humblement S.A.R. de luy permettre d'y assister elle mesme, luy promettant de s'enfermer dans les apartementz qu'on luy donneroit dans le palais d'Orleans et de ne veoir personne que du consentement de S.A.R., laquelle n'y a pas encor desliberé.

Les avis qui sont venus cette semaine de l'armée de Picardie portent que la garnison de La Cappelle avoit fait une sortie sur un moulin à vent dont les ennemis s'estoint emparés et en avoint chassé le regiment de Turenne, qui le gardoit, /266/ apres en avoir tué grand nombre; mais d'autres lettres d'hier au matin portent qu'il y avoit 12 heures touttes entieres qu'on n'avoit tiré de part ny d'autre, et qu'on avoit sceu par les espions que la garnison avoit capitulé et qu'elle avoit promis de rendre la place le 6 au soir, si dans ce temps là elle n'estoit secourue. Nostre armée a maintenant son principal quartier à Marlin. Elle n'est plus que de dix mille hommes, dont on a detaschés 2500, avec lesquelz M. le la Ferté Seneterre est allé en Champagne pour attaquer les postes de Dune [Dun] et de Villefranche sur la Meuse, pour y favoriser la recolte et munir les villes.

L'abbé de Marmiesse, qui avoit esté envoyé à la Cour pour l'Assemblée du clergé, arriva hier au soir icy, aporta nouvelle que Leurs M. estoint encor à Coutras, et qu'elles s'en remettoint à M. le duc d'Orleans à juger si le voyage que le clergé y devoit faire estoit necessaire ou non.
De Bourdeaux le 25 julliet

Le 21 du courant la desliberation prise à l'assemblée de l'Hostel de Ville ayant esté rapportée au Parlement, il y eut arrest portant que Mme la Princesse et tous ceux de sa suitte seroint mis de nouveau soubz la protection et sauvegarde du Parlement, et qu'on armeroit conjoinctement avec elle par mer et par terre pour la deffense de la ville et pour desboucher les passages, avec d'autres choses qui ne sont pas encor publiées. Despuis l'on a delivré 100 ou 120 commissions pour lever de la cavalerie et de l'infanterie, lesquelles on a fait signer de la main de M. le duc d'Anguien.

Le 22 le Parlement commencea à desliberer sur les moyens d'avoir de l'argent pour faire cette levée, laquelle ne sera à son esgard que de 2 regimentz de cavalerie et d'ung autre d'infanterie, qui sera de 1500 hommes. L'on doit prendre pour cest effect 50 mille escus au bureau de la connestablie.

Le 23 M. de la Vie, qui est tousjours refugié à Blaye, escrivit icy au president d'Affis et au Procureur General qu'il avoit plein pouvoir du Roy pour traitter de la paix et que s'il eut creu de trouver seurté en cette ville, il seroit venu luy mesmes porter cette lettre au Parlement; que Sa M. se contentoit que Mme la Princesse traittat aussy pour ses interestz, à condition touttefois que MM. de Bouillon et de Marcillac n'y feussent pas compris; sur quoy ceux cy envoyerent M. de Mirat à M. de la Vie pour l'asseurer qu'ilz ne travailloint point pour leurs interestz particuliers et qu'ilz ne demandoint autre chose que la liberté de MM. les princes et une amnistie generale pour tous ceux de leur party, avec un passeport pour eux deux et pour toutte leur maison, afin de se retirer en quelque estat estranger.

/266v/ Le mesme party fait courir le bruit que les Holandois doivent envoyer 5 ou 6 vaisseaux au duc de Bouillon, comme parent du prince d'Orenge.

Quoy que le mareschal de la Force aye envoyé icy un de ses filz pour offrir ses services et ceux du marquis son filz au Parlement, neamoings on ne l'attend plus qu'il vienne ny l'ung ny l'autre; cepandant on continue à esquiper des galiottes et autres espeeces de vaisseau.

Un courrier vient d'arriver de la Cour et porte nouvelle que Leurs M. sont arrivées à Angoulesme, afin qu'on depputte vers elles, ce qui a donné subject au Parlement à s'assembler. L'on croit que les voix se seront partagées, et l'on a desja remarqué que quelq'ungs qui sont d'advis de ne depputter point à cause que dans l'assemblée tenue le 20 dans l'Hostel de Ville il feut resolu de ne le pas faire, puisque le Cardinal estant à la Cour, ce seroit depputter vers nostre ennemy. D'autres sont d'advis de deputter, à condition que S.E. n'entrera point dans la province, à cause qu'il en pourroit arriver du desordre et qu'on ne pourroit pas estre le maistre du peuple.

Du 28 julliet

L'arrest dont je vous ay parlé par ma precedente n'a esté affiché au coings des rues qu'aujourd'huy. Il porte entre autres choses qu'attendu que la ville est investie de touttes partz de gens de guerre et les passages des vivres bouchés, il sera fait promptement des levées pour le service du Roy et deffense de cette ville, et que les corps seront unis de nouveau à cette fin.

Vous aves sceu que M. de Mirat, conseiller au Parlement, partit d'icy le 25 pour aller à Blaye du consentement de Mme la Princesse, afin de conferer avec M. de la Vie sur le contenu de la lettre qui [qu'il] luy avoit escrit, laquelle contenoit en termes expres que M. le Cardinal luy avoit mandé qu'il n'estoit venu en ce pays que pour donner contentement à la ville de Bourdeaux et faire delivrer les princes. Ce conseiller estant de retour a rapporté qu'il estoit vray que M. le Cardinal avoit escrit en ces termes à M. de la Vie, lequel luy a asseuré que si l'on vouloit faire desarmer Bourdeaux, on y devoit esperer toutte sorte de satisfaction de Leurs M.; à quoy M. de Mirat luy ayant objecté que si M. le Cardinal avoit eu desseing de mettre les princes en liberté, il l'auroit peu le faire plustost à Paris qu'à Bourdeaux, il a respondu que S.E. luy avoit escrit qu'elle n'avoit pas peu le faire à Paris à cause que M. le duc d'Orleans et les Frondeurs ne le vouloint pas; mais nous avons creu icy que le Cardinal a inventé cette fourberie pour nous amuser.

/267/ Hier au matin quantité de billetz feurent semés dans le Palais contenant les noms des conseillers qui sont suspectz; et les chambres estant assemblées, on les nomma au nombre de unze, qui sortirent aussytost de l'assemblée, craignant qu'on leur voulu jouer quelque mauvais tour en consequence de l'arrest donné auparavant, portant que tous ceux qui estoint suspectz dans la ville seroint sequestrés dans quelque couvent. On doit travailler aujourd'huy à nommer ceux qui sont suspectz parmy la bourgeoisie et le clergé. Apres que ces unze feurent sortis, on examina la lettre du Roy et l'on y fit response par laquelle on tesmoigna à Sa M. la joye que la ville de Bourdeaux recevoit de l'honneur de sa presence, si elle n'estoit alterée par la compagnie du cardinal Mazarin; et ensuitte on supplie Sa M. de ne l'amener point. Apres on depputta des commissaires pour s'aller saisir de l'argent des receptes afin de l'employer à la levée des deux regimentz que le Parlement fait, lesquelz seront de 1500 hommes chacung.

Aujourd'huy il a esté arresté que le Cardinal n'entrera point dans Bourdeaux; et ensuitte on a nommé six depputtés pour aller saluer Leurs M.: sçavoir, le president Pichon, les conseillers Jadirot, Genest, Paumier, et Grenade, et le Procureur General [Pontac], lesquelz ont ordre de ne veoir point le cardinal Mazarin et se retirer soudain sans entrer en aucung traitté, à peyne d'estre desadvoués.
Le Parlement est tousjours en bonne intelligence avec les bourgeois, lesquelz sont resolus de courre sus au cardinal Mazarin et au duc d'Espernon. Le duc de Bouillon continue ses levées et asseure qu'il a desja 6000 hommes soudoyés. Enfin l'on est plus opiniastre que jamais à soubtenir cette nouvelle guerre.

du premier aoust

Les depputtés qui avoint esté nommés n'ont pas voulu partir jusques à ce qu'ilz ayent receu un sauf conduit pour aller et retourner. En partant on leur a fait iteratifve deffense de s'ingerer à faire aucung traitté ny veoir le cardinal Mazarin, ny l'advocat general la Vie, ny le jurat Constant.

Le Roy a envoyé icy une amnistie generale accompagnée d'une lettre de cachet qui en excepte 5 personnes: sçavoir, les ducs de Bouillon et de la Rouchefoucaut, Sauveboeuf, Lusignan, et Fontenet, advocat, et promettoit un lieu de seurté à Mme la Princesse; mais on n'en a point fait d'estat non plus que d'une autre lettre de cachet qu'on receut icy le 29 du passé, par laquelle Sa M. deffent de procedder à l'eslection des nouveaux juratz qui se fait tous les ans /267v/ le premier d'aoust, et ordonne qu'on attende sa volonté; sur quoy le Parlement s'estant assemblée, il feut arresté qu'attendu que touttes les lettres de cachet sont nulles par la declaration, on ne laissera pas d'eslire des nouveaux juratz, comme l'on fait aujourd'huy dans l'assemblée qui ce [se] tient presentement en l'Hostel de Ville.

Il a esté aussy resolu qu'on n'escouteroit plus les propositions de M. de la Vie et que s'il en avoit à faire, il les envoyeroit par escrit.

M. de Sauveboeuf escrit de Madrid qu'il avoit esté receu en souverain et que le roy d'Espagne luy avoit asseuré que la ville de Bourdeaux ne manqueroit de rien. Mme la Princesse attend 200 mille escus qu'on luy envoye de St Sbastien.

MM. de Bouillon et de la Rochefoucaut feurent hier avec les plus notables bourgeois visitter les fortiffications qui ont esté faittes autour de la ville, où l'on fait travailler 1500 hommes tous les jours. Ensuitte ilz visitterent la Bastide, laquelle est maintenant plus forte que n'estoit le Chasteau Trompette.

L'on attend 4000 Valons qu'on dit estre partis d'Holande dans des vaisseaux que le prince d'Orange envoye à M. de Bouillon.

Il n'y a jamais eu une si grande union en cette ville, ni si forte resolution d'aller contre le cardinal Mazarin et d'ordonner, aussytost que les troupes auront fait le premier acte d'hostilité, que l'arrest de 1617 sera executté; cepandant les vivres viennent icy de touttes partz en grande abondance et sans aucung empeschement. On continue les levées en diligence et l'on travaille à faire quantité de molins.

Il y a avis que le mareschal de la Mesleraye a assiegé le chasteau de Vayres.

/268/ De Paris le 12 aoust 1650

Le 6 du courant M. le duc d'Orleans s'estant trouvé à l'assemblée du Parlement avec les ducs de Beaufort et de Brissac, le mareschal de l'Hospital, et le coadjuteur de Paris, l'on envoya querir MM. les Gens du roy, lesquelz ayant dit qu'il y avoit 4 depputtés du Parlement de Bourdeaux qui vouloint presenter les lettres de leur parlement à la Compagnie, le Premier President donna ordre qu'on les fit entrer; et le president de Gourgues, l'ung desdits depputtés, porta la parolle. Apres avoir remertié la cour de l'interest qu'elle prenoit dans leurs affaires, [il] presenta la lettre, dont M. Menardeau fit la lecture. Elle estoit dattée du premier du courant et contenoit premierement des remertiementz à la cour de ses soings et à M. le duc d'Orléans de ses bonnes intentions envers le Parlement de Bourdeaux, quoy qu'elles n'eussent pas esté effectuées. M. d'Espernon n'estant sorty que despuis 6 jours de la province où il avoit exercé particulierement despuis deux ans touttes sortes de violences, n'ayant laissé descendre despuis deux mois aucung batteau de la Garonne qu'apres des grandes exactions pour assouvir son avarice, les faisant mesmes voler sur les chemins pour les renvoyer vuides. Elle portoit ensuitte qu'il avoit laissé M. de la Valette, digne successeur de ses vengeances, qui desole par parcelle toutte la province; à quoy travailleoit aussy d'autre costé M. de la Mesleraye, lequel ayant faict un pont de batteaux sur la Dordogne pour ruiner plus facilement le pays, ayant mesmes logé des gens de guerre dans les maisons de tous les conseillers contre leurs privileges; mais ce qui les estonnoit davantage et augmentoit leurs justes aprehensions estoit ce grand appareil avec lequel le sieur cardinal Mazarin, qui a tousjours protegé leur ennemy et qui destine le Parlement pour estre le tesmoing du mariage qu'il veut faire d'une de ses niepces avec le comte de Candale, venoit en leur province, ayant exposé touttes les frontieres, pour ruiner Bourdeaux et faire un tombeau de leur ville; outre les asseurances qu'ilz avoint que le duc d'Espernon esperoit de se restablir dans son gouvernement par l'authorité et aproche du Ministre, lequel seul accompagnoit le Roy, qui n'estoit suivy d'aucune personne, le Conseil ny les gens de condition et de merite. Enfin elle concluoit par une exortation à M. le duc d'Orleans et à MM. du Parlement de leur continuer leurs affections. Apres la lecture de cette lettre les depputtés ce [se] retirerent.

Et M. le duc d'Orleans avertit la Compagnie des parolles qui [qu'il] leur avoit donné le jour precedent, leur promettant sur sa foy et sur sa parolle que dans 10 jours il feroit revoquer M. d'Espernon et donner un autre gouverneur à la Guyenne, aussy bien q'une amnistie generalle à la ville et au Parlement de Bourdeaux, seurté pour Mme la Princesse dans quelq'unes de ses maisons, et abolition pour ceux qui ont traitté avec l'Espagne quand ilz demanderoint pardon au Roy, pourveu qu'ilz se missent dans leur devoir et receussent Leurs M. dans leur ville et qu'ilz en /268v/ fissent sortir MM. de Bouillon et de Marillac avec leurs trouppes, puisqu'ilz sont declarés criminelz de leze majesté, desquelles parolles il demanda qu'on fit registre; et que quant aux privileges que les Bourdelois pretendoint de garder le Roy quand il venoit dans leur ville, cela estoit bon au temps de paix et non dans une occasion pareille à celle cy. Ensuitte S.A.R. respondit à quelques pointz de la lettre, entre autres sur le rappel du duc d'Espernon, ayant dit que s'il avoit esté un peu differé, c'est qu'on ne peut pas faire tousjours executter une chose si punctuellement; que veritablement ce duc c'estoit [s'estoit] tres mal comporté dans son gouvernement, et qu'on sçavoit bien qu'elle n'avoit jamais approuvé sa façon d'agir; quand [quant] à ce qu'elle avoit faict esperer aux depputtés de Bourdeaux il y a 12 ou 15 jours, de leur faire donner un autre gouverneur, elle dit que veritablement elle s'estoit avancée un peu au delà de son pouvoir, mais que cela estoit pardonnable puisque c'estoit pour le desir de la paix. Pour ce qui estoit des desordres que la lettre attribuoit à M. de la Mesleraye, S.A.R. dit qu'il n'en faisoit point, qu'il y avoit des trouppes sur la frontiere pour empescher le progres des ennemis, et que si le Roy n'avoit pas grand nombre de gens de condition aupres de luy [c']estoit qu'ilz estoint necessaires à l'armée et dans les provinces, pour empescher les troubles telz que ceux qu'on avoit voulu suscitter de nouveau en Normandie, d'où le sieur de la Roque, cappitaine des gardes de M. le Prince, estoit allé en Flandres pour en faire venir 3000 Espagnolz et mesmes avoit envoyé le sieur de la Freville pour chercher de l'argent, ainsy qu'il a declaré dans son interrogation apres avoir esté arresté prisonnier au Chastellet.

Apres cela plusieurs ayant insisté qu'il falloit desliberer sur la lettre du Parlement de Bourdeaux, S.A.R. leur remonstra que pour remedier plus promptement aux desordres, il falloit donc opiner du bonnet sur les moyens qu'il avoit proposé sur l'accommodement; qu'elle croyoit que la Compagnie seroit de cest advis; ce que n'ayant peu obtenir, quoy que quelq'ungs continuassent à monstrer que c'estoit le seul moyen d'abreger l'affaire, le sieur Coulon repartit qu'il n'y avoit que le cardinal Mazarin qui voulut qu'on le tirat de loing. Enfin il feut resolu qu'on prendroit les conclusions des Gens du roy, ausquelz le Premier President les avoit donné. M. Talon dit que l'affaire estoit asses importante pour en conferer avec ses collegues et se retira là dessus. Quelque temps apres, ayant repris sa place, il fit une petite desduction des troubles qui sont en France et puis conclut qu'on envoyat de noueaux depputtés, qui sont allés à la Cour, afin qu'ilz insistassent davantage selon leur prudence et suppliassent la Reyne de donner la paix à Bourdeaux et de faire un peu de reflexion sur touttes les parties de ce rouyaume pour y donner la paix et oster la cause du mal, ce qui feut fort remarqué; et sur cela l'heure ayant sonnée, la desliberation feut remise au premier jour.

Le 8 au matin M. le duc d'Orleans s'estant rendu au Parlement, MM. le duc de Beaufort, le Coadjuteur, et le mareschal de l'Hospital, on leut les propositions que M. le duc d'Orleans /269/ avoit faict dans la derniere assemblée pour l'accommodement de Bourdeaux et les conclusions que les Gens du roy y avoint prises. Ensuitte l'on commencea la desliberation, dans laquelle il y eut 7 ou 8 avis differentz qu'on debita avec beaucoup de liberté et de chaleur contre M. le Cardinal, lesquelz neamoings aboutissoint à deux principaux, dont le premier s'arrestoit aux propositions de S.A.R., et ainsy les Bourdelois à recevoir le Roy, sans parler en aucune façon de MM. les princes. Le deuxiesme approuvoit en aucune façon ce que les Bourdelois ont faict, s'attachant à supplier la Reyne de rendre la liberté aux princes, bien que tous ne la demandoint pas de la mesme façon, les ungs ayant conclu qu'on leur donnat la liberté, les autres seulement dans quelque temps, d'autres qu'on les met entre les mains de leurs juges naturelz pour leur estre fait le proces conformement à la declaration du Roy. MM. Coquelay, Payen, Machaut, et Courtin, maistre des requestes, Laisné, les presidentz Viole, de Thou, Molé, Blancmenil, et quelques autres aprouvoint particulierement ce dernier advis, et quelq'ung de ceux cy parlerent fort au desadvantage de S.E. M. Payen, qui l'ouvrit, ayant faict recit des miseres de la France, de la prise de La Cappelle, de la puissante armée des Espagnolz qui est une fois plus forte que la nostre, de la guerre du Berry, et du desseing que les Anglois ont de nous faire la guerre, fit passer M. le Cardinal pour la cause de ces malheurs, ayant non seulement faict esclatter sa mauvaise conduitte dans le voyage de Bourdeaux, qu'il ne devoit point entreprendre sans estre asseuré que les intrigues qu'il a dans cette ville là, pour le ruiner luy reeussiroint, puis qu'autrement il engageoit inconsiderement l'honneur et le credit du Roy, mais encores la hayne qu'il a tousjours eu pour cette province dans le desseing qu'il avoit de la perdre. M. Coquelay loua fort MM. les princes et fit cognoistre par un mot de Tibere tiré de Seneque que tout l'Estat estoit interessé dans leur bonne ou mauvaise fortune, bona aut mala principum ad rempublicam pertenant. M. Laisné s'estendit fort sur la fidelité inviolable des cours souveraines, qui ne ce [se] departoint jamais des interestz du Roy, ce qui ne ce [se] rencontrera pas dans tous les gouverneurs des provinces, qui n'ont pas tousjours des sainctes intentions; ainsy qu'on devoit croire que le Parlement de Bordeaux avoit eu raison d'agir de la sorte, et que le Roy ne pouvoit estre plus en seurté que parmi eux; et partant qu'il n'estoit pas besoing de proposition d'accommodement, mais qu'on devoit laisser cela à leur prudence puis qu'ilz ne pouvoint jamais rien faire qui ne soit utile au service du Roy. M. Viole remarqua qu'on devoit supplier la Reyne de ne permettre point que M. le Cardinal feut dans la province quand on traitteroit, attendu qu'il en estoit ennemy juré; et que cela n'estoit point extraordinaire puis que l'on l'avoit ainsy practiqué en la conference de Ruel [Rueil], dans laquelle cette compagnie ne peut jamais souffrir qu'il y assistat. Ensuitte ayant comparé l'estat où estoit la France et la reputation de ses armes quand il en prit le gouvernement, avec les miseres qui l'accablent à present et les pertes survenues, il feut d'advis de reiterer les supplications à la Reyne et de vouloir esloigner du ministere M. le Cardinal, /269v/ n'imputant pas neamoings à sa malice tous ces desordres, mais seulement à son ignorance ou à son malheur, sans se soucier lequel des deux en est la cause, pourveu qu'on recognoisse qu'il n'est pas juste que la France perisse par l'insuffisance ou le malheur du ministre, ce qui confierma par l'exemple du cardinal Ximenes, lequel quoy que tres fidelle à son prince et tres intelligent dans ses affaires, ne laissa pas pourtant d'estre esloigné du ministere par Ferdinand roy de Castille, lors que les peuples l'en conjurerent. S.A.R. repeta souvant, pendant tous ces discours, que ce n'estoit pas là le suject de la desliberation et qu'il avoit desja averty la Compagnie que si l'on y disoit quelque chose qui [qu'il] ne peut pas entendre, il seroit obligé de se retirer; sur quoy plusieurs repartirent, et notement le president Le Coigneux, que les suffrages estoint libres et qu'il devoit estre permis de dire ce qu'on pensoit. Le president Molé ayant dit que quoy que S.A.R. eut intention de faire executter les parolle qu'elle donnoit, neamoings on pourroit les eluder; à quoy il fit une response qui feut fort remarquée, ayant dit que si on les eludoit, elle seroit la premiere à venir prendre sa sceance au Parlement pour s'y declarer contre ceux qui s'y opposeroint à ses volontés. Apres [que] le president de Blancmenil eut parlé, l'heure sonna et la desliberation feut remise au lendemain. Sadite A. estant sur le pas de la porte de la Grande Chambre pour sortir, la canaille commencea à crier "Vive le Roy, Monsieur le duc d'Orleans, et point de Mazarin!" et la foule y feut si grande que ses gardes, ayant peyne à fendre la presse pour luy faire faire place, feurent obligés de pointer leurs halebardes et abattre le chien de leurs carrabines, menaceant de les descharger; ce qui obligiea quelques seditieux à crier aux armes et S.A.R. à rentrer dans la Grande Chambre; d'où MM. de Beaufort et le Coadjuteur estant sortis avec le mareschal de l'Hospital, quelq'ungs reprocherent au premier qu'il estoit devenu Mazarin pour le don de 80 mille livres de rente qu'on luy avoit faict. Ce mareschal ayant voulu traitter de coquins ceux qui faisoint ce bruit, on le traitta de cornard. M. le duc d'Orleans estant sorty ensuitte sans faire semblant d'entendre ces cris, on l'avertit que dès 5 heures du matin quelques personnes de condition avoient ramassés 12 ou 15 personnes de neant dans les Augustins et leur avoint donné 4 livres à chacung pour faire ce cris, et que parmy cette canaille l'on avoit veu quantité de poignardz et de marteaux. Le soir S.A.R. envoya querir le Prevost des Marchandz et les eschevins et leur dit qu'elle avoit faict des propositions fort raisonnables au Parlement, sçavoir d'accommoder l'affaire de Bourdeaux, d'en faire changer le gouverneur et donner amnistie generale, faire executter la declaration d'octobre et faire revenir le Roy dans Paris; et que neamoings il y avoit quantité de seditieux envoyés par le duc de Bouillon et autres de sa faction avec des insolences estranges, et qu'elle avoit mandé ces messieurs pour sçavoir leurs sentimentz là dessus; à quoy ilz respondirent qu'il n'y avoit aucung bourgeois qui eut part dans cette action, et qu'ilz donneroint ordre dans tous les quartiers de la ville à ce qu'il n'y arrivat /270/ aucune rumeur, mais que pour l'enclos du Palais ilz n'en pouvoint pas respondre parce qu'ilz n'en estoint pas les maistres.

Le 9 M. le duc d'Orleans estant entré dans la Grande Chambre avec MM. de Beaufort, de Brissac, de l'Hospital, et le coadjuteur de Paris, on continua la desliberation du jour precedant, dans laquelle on parla de trois choses; sçavoir, de l'affaire de Bourdeaux, de la liberté des princes, et de l'esloignement de M. le Cardinal. Quant à la premiere, tous demeurerent d'accord des propositions que M. le duc d'Orleans avoint faittes, sinon que plusieurs, à l'exemple de M. de Broussel, demandoint une amnistie generalle au lieu d'une abolition pour ceux qui avoint traitté avec l'Espagne, ce que S.A.R. accorda; pour la seconde, plusieurs feurent d'advis de prier la Reyne de donner la liberté aux princes dès à present, attendu leur innocence, que quelq'ungs firent paroistre si grande qui [qu'ilz] disent que sur touttes les choses dont on les accuse, il n'y avoit pas lieu de maltraitter la moindre personne, d'autres d'user des remonstrances à present pour leur faire obtenir cette grace aussytost que les affaires le permettroint, fondés sur la crainte que leur eslargissement ne fit continuer les troubles. Quelq'ungs opinerent ainsy que M. le duc d'Orleans, à ne parler point de leur sortie dans ces occurrences, attendu que cela donneroit coeur aux rebelles qui sont dans l'Estat, lesquelz se persuaderoint que le Parlement deffendroint leur cause en poursuivant cest eslargissement. Quant à la 3e, il y eut environ 50 voix qui concluoint à supplier la Reyne d'esloigner de ses conseilz M. le Cardinal, dont quelq'ungs invecturerent beaucoup contre luy et descrierent fort sont ministere. Une partie du reste remonstra qu'il n'en estoit pas temps de parler de cest affaire, et l'autre n'en dit mot. On ne peut quasi croire avec quelle liberté on traitta les deux derniers pointz, parmy lesquelz on remarqua particulierement ce qu'a dit le president Le Coigneux des Requestes, qui fit un fort beau discours sur ce subject, dans lequel apres avoir fort loué M. le Prince et remarqué qu'aussytost que le marquis d'Ancre ne feut plus, la paix feut partout, et qu'on avoit subject de croire qu'il en arriveroit autant de l'esloignement du cardinal Mazarin. Il estaulla touttes les belles actions de celuy cy, entre autres l'emprisonnement de M. de Beaufort suivy de celuy de M. de Barillon, auquel il fit accroire qu'il avoit eu quelque intrigue avec ce duc; ensuitte le mauvais traittement du mareschal de la Mothe, le siege de Paris, l'emprisonnement des princes, mais surtout le traitté de Munster où ses interestz particuliers nous avoint fait perdre nos alliés et l'auroint obligés à refuser la paix qu'il en a eut pendant 3 mois en ses mains, sans en avoir averty M. le duc d'Orleans de tout ce qui s'y passoit; de quoy S.A.R. s'estant fasché et ayant asseuré qu'elle sçavoit tout ce qui s'y estoit passé, ce president luy reparty qu'il parloit de la paix et qu'il en parloit en bon François et vray homme du Roy, qu'il ne portoit aucune livrée, et qu'il disoit ses sentimentz.

/270v/ M. de Bachaumont fit aussy un discours tres eloquent qui feut encor plus aigre contre M. le Cardinal, aussy bien que celuy de MM. Dorat, Coulon, Godart, et autres, lesquelz firent veoir sa mauvaise conduitte, son infidelité, son insuffisance, et ses fourbes; et sur ce qu'on avoit dit qu'on ne se pouvoit pas fier aux asseurances que les princes pourroint donner pour sortir, ilz remarquerent que les Bourdelois avoint bien plus de raison de ne se fier point à ce cardinal, qui faisoit gloire ne n'est point esclave de sa parolle; et que neamoings on luy avoit confié le Roy, qu'il avoit enmené à 200 lieues d'icy luy seul, pour conquerir une province qui luy estoit toutte acquise dans quelque petit chasteau ou dans quelque port de mer, et surtout entre les mains d'ung estranger. M. Machaut, maistre des requestes, se contenta de dire sur cette matiere qu'il n'en parleroit point à present, d'autant que c'estoit un tableau qui estoit tropt grand et le temps tropt court pour le depeindre, mais que dans l'occasion il ne manqueroit de donner quelque coup de pinceau pour achever ce bel ouvrage, et conclut cepandant à son esloignement. Un autre fit remarque qu'il avoit faict 7 guerres au parlement, une à celuy de Paris, une à celuy de Rouen, deux à celuy de Provence, et 3 à celuy de Bordeaux. Une autre declamat fort contre ce proceddé d'avoir faict raser la maison de M. de la Rochefoucaut nommé Verteuil. Un autre ayant insisté sur l'innocence des princes et sur les fourbes du Cardinal, se souvient d'ung vieux proverbe Odi mores transmarinos, avec quelques autres vers, lesquelz les François corrigerent de cette façon: Odi mores transpadanos et malo unum aloisium quam trecentos Julios, à quoy il adjousta qu'à cause de la duplicitté de cette nation on avoit adjousté "au commandement de Dieu faux tesmoignage ne dira les parolles et ne mentiras aucunement." M. de Brissac conclut aussy à l'esloignement de M. le Cardinal, et M. de Beaufort dit seulement qu'il avoit trois choses à conciderer: la premiere, l'affaire de Bourdeaux, à laquelle M. le duc d'Orleans avoit pourveu par ses propositions, qu'il jugea tres raisonnables; la seconde estoit la liberté des princes, en laquelle il suivit aussy le sentiment de S.A.R.; et la 3e, l'esloignement du cardinal Mazarin, sur laquelle il dit qu'il n'abandonneroit jamais les interestz des peuples et le bien de l'Estat sans s'explicquer d'avantage. M. le Coadjuteur avoit conclut dès le jour precedent à suivre le sentiment de S.A.R. Le president Le Coigneux s'estant fort arresté sur la haine qu'on portoit au Cardinal, dit entre autres choses que les Bordelois avoint grand subject de s'en deffier, et que mesmes la ville de Paris avoit /271/ subject de craindre qu'il ne commenceat à les tourmenter; sur quoy S.A.R. protesta qu'elle ne souffriroit jamais qu'on entreprit aucune chose contre la ville et le Parlement de Paris. Quant au Premier President, quoy qu'il ne feut pas d'advis de parler de l'esloignement de M. le Cardinal, attendu la declaration de Ruel [Rueil], il ne laissa pas pourtant de dire que si on se feut uny dans un autre temps, on l'auroit faict sortir; et quant aux princes, il ne croyoit pas que si on les mettoit en liberté, ilz entreprissent aucune chose contre le service du Roy; mais qu'il eut esté à souhaitter qu'on n'en eut point parlé, puis que tout le monde estoit content, en ce que par le precedent arrest donné sur cette matiere ceux qui avoint esté d'advis contraire s'imaginoint qu'on n'en feroint point; et ainsy l'equivoque qui estoit dans l'arrest rendoit tout le monde content. Enfin tous les advis estant reduitz à deux; le premier suivi de iii voix, de s'en tenir aux propositions de M. le duc d'Orleans, et l'autre de 70 d'y adjouster des remonstrances à la Reyne pour la liberté des princes aussytost que ceux qui auroint pris les armes pour ce desseing les auroint posées, ayant esté remarqué que les 4 premiers presidentz estoint du dernier advis, et il y eut arrest portant qu'on envoyeroit au Parlement de Bourdeaux les propositions faittes par M. le duc d'Orleans, lesquelles sont qu'on revoqueroit M. d'Espernon, qu'on donneroit un autre gouverneur à la Guyenne avec une amnistie generalle sans aucune exception et une seurté pour Mme la Princesse dans une de ses maisons, à condition que les Bourdelois feroint soubmissions au Roy et le recevroint dans leur ville; sur quoy S.A.R. dit que le nouveau gouverneur qu'on mettroit en Guyenne ne seroit point de la famille d'Espernon, que les Bourdelois ne seroint point obligés de faire soubmission à M. le Cardinal, que la declaration faitte à Bourdeaux en leur faveur seroit executtée, et que le Roy reviendroit à Paris; lesquelles parolles feurent enregistrées, S.A.R. l'ayant ainsy voulu et ayant adjousté que si elles n'estoint point effectuées, elle seroit la premiere à venir prendre sa place dans une assemblée du Parlement pour se declarer contre tous ceux qui s'y voudroint opposer. A la sortie l'on cria les cris de "Point de Mazarin!"; parmy lesquelz S.A.R. estant passée, il y eut grand nombre d'espées tirées dans la grande sale du Palais et 4 ou 5 personnes blessés, entre autres un valet de pied de M. le duc d'Orleans.

On confierme de Libourne du 5 que le chasteau de Vayres ayant esté prit à discretion, le commandant a esté pendu et les officiers et les soldats de la garnison condamnés au galeres; que le chevalier de la Valette /271v/ avoit esté blessé à l'Isle St Georges; que Leurs M. en devoint partir le 6 pour aller à Lormond, une lieue de Bordeaux; et qu'elle avoit donné aux depputtés qui l'estoint venus saluer une response par escript contenant à peu pres les mesmes choses qui ont esté promises par M. le duc d'Orleans au Parlement de Paris, adjoustant seulement que le Roy desiroit sçavoir si la ville de Bourdeaux ne le recevroit pas avec toutte sa suitte et n'en chasseroit pas les ducs de Bouillon et de la Rochefoucaut; à quoy M. Le Tellier adjouste que le cappitaine du Quesne estoit entré dans l'emboucheure avec 7 vaisseaux de guerre et 30 ou 40 barques afin d'empescher qu'il n'y entrat aucung secours estranger pour les Bourdelois, mais les lettres n'en font point mention.

Les avis de Tholose du 2 portent que le Parlement, fasché de ce que M. d'Espernon avoit empesché le rasement de la maison de Savaillan, avoit donné arrest le jour precedent portant que tres humbles remonstrances seroint faittes à Leurs M. de donner la paix et un autre gouverneur à la Guyenne; que les assemblées s'y continueroint; et qu'on y avoit faict diverses propositions tres importantes sur lesquelles on avoit arresté de desliberer l'ung apres l'autres. La premiere estoit de faire des remonstrances sur touttes les contraventions de la declaration et de convier en mesme temps tous les parlements de s'unir pour l'interest public; la 2, sur l'eslargissement des princes et sur l'esloignement de M. le Cardinal, contre lequel on parloit avec toutte liberté; la 3, de supplier la Reyne de n'hazarder point la santé du Roy dans des voyages si frequentz et si rudes; et la 4, de depputter au Parlement de Paris pour entretenir union et bonne correspondance avec luy; ce qu'ayant est[é] mis en desliberation le deuxiesme, le Premier President, pour eluder, avoit trouvé moyen de se faire saigner le nés dans l'asemblée, laquelle il interrompit apres avoir monstré son mouchoir saigneux, disant qu'il se trouvoit mal.

L'on informe contre ceux qui avoint porté des poignardz et des marteaux dans la salle du Palais et faict des cris seditieux pendant ces assemblées.

Le 6 du courant on mit en prison un partisan nommé Dallier qui avoit affermé les terres de M. le Prince. On l'acuse d'avoir fourny de l'argent à ceux qui faisoint icy des levées pour le party des princes.

Le sieur de Bragelonne, conseiller au Parlement, l'abbé Fouquet, et quelques autres, allant ces jours passés à la campagne, feurent volés aupres de Ponthoise par un maistre des comptes nommé Maupeou, parent de cest abbé, et par 6 ou 7 autres personnes asses qualifiés, tous masqués, lesquelz tuerent un valet /272/ de chambre qui escortoit le bagage des premiers; ce qu'ayant esté descouver[t], ce maistre des comptes feut mis en prison au Fort l'Evesque, dont les autres parens, l'ayant faict transferer à la Bastille, ont despuis trouvé moyen de le faire sauver.

Hier l'evesque de Vabres proposa dans l'Assemblée du clergé de songer aux moyens d'obtenir la liberté de M. le prince de Conty, disant qu'il estoit dans un pitoyable estat à cause de son infiermitté; que l'Assemblée estoit obligée de travailler pour luy puis qu'il estoit du corps du clergé; sur quoy l'on deslibera et il feut arresté qu'au retour de la Cour, par la harangue qui seroit faitte au Roy apres que l'Assemblée seroit finie, on feroit des remonstrances au Roy là dessus; cepandant il feut remarqué que les depputtés des provinces de Lyon, Sens, Vienne, Narbonne, et Bourges feurent d'advis de deputter presentement en Cour pour demander sa liberté, et que l'advis de ceux de Rouen feut caduc ou partagé à cause que l'évêque de Bayeux opina à ne parler point du tout de cest affaire.

Le sieur de Roquespine, gouverneur de La Capelle, capitula le 3 du courant et rendit la place aux ennemis le 4, en estant sorty avec armes, bagages, et 2 pieces de canon et escorté à Marles; mais on asseure que pour sauver 50 mille escus qu'il y avoit amassés, il l'a rendu plus de 8 jours plus tost qu'il ne falloit, qu'il avoit encor asses de vivres et munitions, et qu'il n'y avoit ny bresche faitte ny mine preste à jouer; mais on ne croit pas qu'il en soit repris, estant sur le point de s'allier avec M. Le Tellier par le mariage que son filz a conclu avec la fille de M. Tilladet, beaufrere de celuy cy, outre qui [qu'il] se deffend là dessus, disant qu'il n'avoit que 400 hommes qui ne suffisoint pas pour deffendre la place; apres la redition de laquelle les ennemis ayant resolu d'aller attaquer quelq'unes de celles que nous tenons en Flandres, sur les pressantes instances que faisoint les villes d'Anvers, Lisle, et autres, le mareschal de Turenne declara aux Espagnolz que si l'on ne suivoit les termes de son traitté et si l'on n'entroit en France le plus avant qui [qu'il] se pourroit, afin d'obliger le Conseil à mettre les princes en liberté par les cris que la ville de Paris feroit sur cette aproche, qu'il s'iroit jetter dans Stenay, où il feroit son accommodement et y porteroit aussy le duc de Bouillon, son frere; ce qu'obligea les Espagnolz à suivre son sentiment; cepandant ce mareschal s'estant avancé à Marles pour y attaquer nostre armée, dont une bonne partie avoit desja esté mise dans les places pour les conserver, trouva que le mareschal du Plessis en avoit desja decampé et s'estoit venu poster avec 5 à 6000 hommes à Barenton, une lieue /272v/ de Laon, que les ennemis avoint resolu d'attaquer, où il n'y a point de vivres que ceux que nos soldat y portent, apres avoir eux mesmes moissonné les bledz d'alentour. Despuis les ennemis ont leur principal quartier à Marles; et quoy qu'ilz menacent plusieurs de nos places, neamoings jusques à present ilz ne s'amusent à autre chose qu'à faire eux mesme cueillir les bledz, lesquelz ilz mettent dans Le Cattelet et La Chappelle.

Sur la demande que Mme la Princesse douairiere a faitte à M. le duc d'Orleans de luy permettre à venir assister aux couches de Madame, S.A.R. luy a fait response qu'elle n'empescheroit point qu'elle n'y assistat, pourveu que la Reyne l'agreat.

/274/ De Bordeaux le 8 aoust 1650

Les depputtés du Parlement qui estoint allés saluer le Roy à Libourne feurent icy de retour le 4, et le lendemain ilz firent leur rapport de ce qui s'y estoit passé lors qu'ilz saluerent Sa M. Le Cardinal demeura tousjours derriere la chaise où elle estoit assise tant que leur harangue dura. La Reyne leur bailla sa response par escrit, contenant deux propositions: l'une, si le Parlement vouloit continuer de proteger le duc de Bouillon; et l'autre, que si le Roy vouloit enterer dans Bourdeaux avec ses gardes et des forces necessaires pour y estre le maistre.

Le 6 le Parlement s'estant assemblé pour desliberer sur ces propositions, il y avoit desja plusieurs voix qui alloint à faire la paix; mais dans ce temps la nouvelle estant venue qu'on avoit fait pendre le commandant du chateau de Vayres, apres que le Roy luy avoit donné la vie, les espritz s'aigrirent et rompirent l'assemblée là dessus, ne pensant pas qu'il y eut seurté pour eux, puis que le Roy n'estoit pas maistre de sa parolle et qu'on faisoit pendre leurs gens pendant qu'on desliberoit sur des propositions de paix, et en mesme temps quitterent la robbe pour prendre l'espée, apres avoir resolu de ne deputter plus vers Sa M.

Les particularités de la prise de Vayres feurent apportée par un cappitaine qui trouva moyen de s'eschapper, estant desguisé. Il rapporta que le commandant, nommé Richon, s'y estoit deffendu 24 le plus vaillament qu'il estoit possible; et qu'apres avoir tué 2 à 300 hommes du mareschal de la Mesleraye, celuy cy avoit demandé 4 heures de treve, tant pour retirer ses [ces] corps mortz que pour parlementer avec un cappitaine de la garnison nommé Thevenin, qui estoit lieutenant de Richon, lequel l'envoya aussytost au mareschal pour venir voir. Thevenin s'estant abbouché avec luy, feut d'abord corrompu par la promesse que ce mareschal luy fit d'incorporer sa compagnie dans son regiment et donner 2 ou 3 escus à chacung de ses soldatz; ce qu'ayant esté arresté, Thevenin retourna dans le chasteau et dit tout haut à Richon et aux autres officiers qu'il estoit d'advis, attendu la foiblesse au chasteau, d'accepter les avantages que M. de la Mesleraye leur offroit; cepandant qu'il tenoit ce discours il faisoit enterer dans la place par une fausse porte les gens de ce mareschal, dont Richon s'estant aperceu et voyant qu'il n'y avoit point de quartier pour luy, se saisit d'un bout de mesche allumé pour aller mettre le feu au poudres et s'y ensevelir; mais M. de Biron, recognoissant son desseing, l'empescha apres luy avoir engagé son honneur qu'il luy sauveroit la vie, à quoy Richon s'estant fié se mit entre ses mains.

Dès la premiere nouvelle qu'on eut icy de la sommation qui luy avoit esté faitte de rendre ce chasteau sur peyne d'estre pendu, Mme la Princesse fit partir en diligence un trompette pour aller avertir M. de la Mesleray que s'il faisoit pendre les officiers de Vayres, elle [e]n feroit autant à ceux qu'elle tenoit. Ce trompette estant de retour, rapporta que la Reyne ayant donné la vie à Richon à la prie de Mademoiselle et de MM. de Biron et de Theobon, qui est maintenant à la Cour, Sa M. le fit venir devant elle et la luy donna derechef; mais un quart d'heure apres, /274v/ M. le Cardinal et M. de Servien luy ayant representé qu'il estoit important de le faire mourir pour donner exemple, elle s'en relascha; et ces messieurs s'estant assemblés avec M. de la Mesleraye, ilz le condemnerent et il feut pendu, nonobstant le murmure de la pluspart de leur armée.

Le Parlement ayant rompu son assemblée, 2 conseillers feurent appellés au conseil de guerre qui ce [se] tient là dessus ches M. le duc de Bouillon; où il feut arresté que pour venger la mort de Richon, un gentilhomme nommé Canolles, qui commandoit le regiment du petit Navailles et qui estoit icy prisonnier dans le Chasteau du Ha despuis la reprise de l'Isle St Georges, où il commandoit, seroit pendu; ce qui feut executté le 6 sur la riviere à la place des Chastreux, où ce pauvre malheureux feut escorté par 7 ou 8 compagnies de bourgois en bataille.

Despuis, touttes choses ce [se] preparent à une guerre la plus sanglante du monde. L'on se deffend tousjours vigoureusement à l'Isle St Georges, où le sieur de Nort, cappitaine au regiment d'Anguien, y ayant conduit du secours, fit une sortie sur les gens du chevalier de la Valette dans le temps qu'ilz attaquoint une barricade avancée, et les repoussa vivement apres en avoir tué 2 à 300; sur quoy ce chevalier les ayant raliés et s'estant mis à la teste pour faire une second attaque, feut encor repoussé et blessé à la cuisse et l'espaule si dangereusement qu'on le croit mort à Castres. On asseure que le marquis de St Maigrin et de Breuil, mareschal de camp, y feurent aussy blessés.

Le Roy est party de Libourne pour aller à Cadillac. Les depputtés du Parlement de Paris estant arivés à St Andreas en Casagues [St-André-de-Cubzac?] et croyant qu'ilz trouveroint le Roy à Lormond, Sa M. leur manda d'aller à Libourne et d'y attendre jusques à nouvel ordre, à quoy ilz repartirent qu'ilz avoint ordre d'aller trouver directement Sa M. au lieu où elle seroit.

Despuis il y a nouvelle que l'Isle St George est prise par le premier. Vous en aures les particularités, l'ordinaire ne faisant que d'arriver.

/276/ De Paris le 19 aoust 1650

La semaine passée on jugea à la Chambre des comptes un proces important en faveur du sieur du Bouchet, commissaire general de la marine, lequel apres la mort du duc de Brezé ayant esté forcé de se demettre de sa charge entre les mains du Cardinal, qui la vouloit remettre à une de ses creatures afin de faire valoir les droictz de l'admirauté dont il jouyssoit soubz le nom de la Reyne, en fit ses protestations pardevant notaire apres en avoir receu 200 mille livres, disant qu'il en avoit esté contraint d'en donner sa demission quoy qu'elle valut une fois plus. S.E. la mit entre les mains d'ung homme d'affaires nommé Pelissary, contre lequel du Bouchet ayant intenté ce proces et ayant faict player l'advocat Gautier pour luy, qui dit mille invectives contre le Cardinal et produit des memoires de touttes les intrigues qu'il avoit avec les officiers de la marine pour faire valoir ses droitz par touttes sortes de voye et faire passer de l'argent en Italie, il y eut arrest par lequel du Bouchet est remis en possession de sa charge et Pellissari condemné solidairement avec le Cardinal de luy en restituer tous les fraitz et emolumentz, et aux despens, ce que ce [se] montera à plus de 600 mille livres.
M. de Maupeou, maistre des comptes, qui avoit volé sur le grand chemin M. de Bragelonne, l'abbé Fouquet, et autres, feut mis hors de la Bastille le xi du courant par M. de Fromont de l'authorité de M. le duc d'Orleans, qui en estoit prié par plusieurs personnes de condition et notenment par le marquis de Noirmonstier, à cause que Maupeou est cousin germain de la marquise de Noirmonstier, sa femme; et pour estre plus en seurté il est allé dans le Mont Olimpe, dont ce marquis est gouverneur. M. le Garde des Sceaux a fait grand bruit de ce que l'on l'avoit fait sauver. Il y a encore un gentilhomme nommé La Chaussée, de la Maison de Courtenay, qui estoit avec Maupeou lors que le vol feut fait et qui est encor dans la Bastille.

Le courrier que M. le duc d'Orleans avoit envoyé à la Cour le 7 du courant en revient le 15, estant party le 13 au matin de Libourne, d'où la Cour devoit partir deux jours apres pour Cadillac. Il rapporta que le xi le mareschal de la Mesleraye s'estoit rendu maistre de l'Isle St George, ayant pris le fort à composition; suivant laquelle la garnison qui estoit dedans, au nombre de 400 hommes, avoit pris party dans son armée, laquelle se preparoit pour aller attaquer le poste de St Surin [Saint-Seurin], qui est un faubourg de Bourdeaux; que le chevalier de la Valette n'avoit esté blessé qu'à la cuisse et sans danger, q'ung cappitaine du regiment de la Reyne y avoit esté tué, et qu'il n'y avoit aucune autre personne de remarque blessé; que ce mareschal faisoit venir de Bretagne 3 vaisseaux de guerre commandés par le cappitaine Montriche, mais ilz n'estoint pas encor arrivés; que les depputtés du Parlement de Paris avoint eu audiance de la Reyne le mesme jour xi, et l'avoint supplié de vouloir donner la paix et un autre gouverneur à la Guyenne; /276v/ à quoy Sa M. leur auroit fait response par escript qu'elle estoit dans leurs sentimentz, et qu'elle n'estoit venue dans cette province là que pour y establir le repos et la tranquilitté, mais qu'elle craignoit que la haine que les peuples de Bordeaux ont contre M. d'Espernon ne feut pas le seul object de leur desobeissance, et que le pouvoir tyrannique que M. de Bouillon a sur eux ne les jettat dans les dernieres extremittés, et qu'enfin que ce ne seroit qu'à regret qu'elle employeroit la force pour les mettre à la raison s'il n'y avoit pas moyen d'en venir à bout autrement. Apres quoy ces deputtés ayant pris congé pour s'en retourner, Sa M. les fit traitter à souper, et ilz partirent le lendemain pour aller coucher à Coutras, où ilz eurent ordre d'attendre la resolution que leur parlement avoit prise icy sur les propositions que M. le duc d'Orleans y avoit faittes. Cepandant deux d'entre eux estant allés à Bourdeaux pour y rendre conte de ce qu'ilz avoint faict à la Cour, on les avoit renvoyés sans leur vouloir donner audiance, leur ayant seulement respondu que le Parlement de Paris s'estoit advisé tropt tard de travailler pour eux; mais outre que cette nouvelle n'a pas encor esté confiermée, l'on croit que les Bourdelois auront subject d'en estre plus satisfaictz lors qu'ilz sçauront la resolution du Parlement de Paris, laquelle a esté portée à la Cour par M. de Coudray Montpensier, que S.A.R. y a envoyé. Cepandant l'ordinaire de Bourdeaux arrivé icy le 16 n'a apporté aucune lettre qui parlat d'affaire de ce pays là, à cause qu'elles avoint esté touttes retenues à la Cour. Il a dit seulement que l'on avoit pris et mené dans Bourdeaux 20 cavaliers de la compagnie des gendarmes de la reyne avec un trompette; qu'il n'y avoit dans l'Isle St George que 250 hommes; et qu'on avoit nouvelle certaines que M. de Sauveboeuf estoit party de St Sbastien avec un secours considerable, pour venir à Bourdeaux.

M. d'Espernon n'arriva que le 10 du courant à Loches, où le duc de Candale luy est allé demander sa demission du gouvernement de Guyenne de la part de la Reyne, qui le promet à celuy cy. Le premier a esté poursuivy par 100 chevaux de la garnison de Mourron commandés par Le Boutet, qui ne la sceut trouver à cause qu'il en avoit esté averty et avoit pris un autre route.

Les advis de Tholouse portent que le Parlement y continuoit ses assemblées, mais qu'il n'avoit pas encor desliberé sur les propositions qui avoint esté faittes, à cause qu'il attendoit des nouvelles de Bourdeaux, dont l'ordinaire avoit esté arresté en chemin. Le baron des Ouches, qui [sic] estoit allé à la Cour pour rendre conte à Leurs M. de ce s'estoit passé à Tholouse.

M. de Vendosme a fait arrester en Bourgogne le sieur Berthaut, nagueres sorty de la Bastille.
Le 15 du courant on mit en prison en la Bastille le sieur de Meneau, enseigne des gardes du prince de Conty. Les sieurs de Crenan et Paris, qui avoint permission d'escrire /277/ et recevoir des lettres et des visittes de leurs amis, sont maintenant reserrés et l'on ne leur permet plus d'escrire ny veoir personne.

M. de Matignon feut arresté le 17 au matin en cette ville à cause d'y avoir fait des levées qu'il envoyoit en Normandie afin d'y suscitter des nouveaux troubles, mais on ne le mit pas en prison, M. d'Orleans s'estant contenté de luy donner des gardes.

Le 16 on fit l'election du nouveau prevost des marchandz, qui feut M. Le Fevre, conseiller au Parlement, et des eschevins, en suitte de quoy il feut avec le Corps de la Ville au palais d'Orleans, où ilz presterent le serment entre les mains de S.A.R. comme representant la personne du Roy.
Les advis qu'on a eu cette semaine de l'armée porte que le general Rose s'estoit jetté dans la ville de Laon avec 1500 hommes sur l'advis qu'il avoit eu que les ennemis avoint envoyé un party de cavalerie de ce costé là, lequel feut camper à Cressy [Crécy]; que M. de Villequier estoit allé du costé d'Arras avec 2000 hommes et le comte de Grançay à St Quentin avec 600, qu'il y a laissés et s'en est venu à Paris, où il arriva avant hier, et l'on croit qu'il ira en Normandie commander en la place de M. de Matignon; et que le mareschal de Plessis estoit venu camper avec le reste de l'armée, qui n'est que de 3000 chevaux et 600 fantassins, entre Laon et La Fere. Le gros de celle de l'Archiduc est encor campé à Marles et à Vervins. Le mareschal de Thurenne s'en est detaché avec 3500 chevaux et est venu en Champagne, où il a pris par composition Chasteau Porcien, le gouverneur, nommé Montigny, ayant esté escorté à Rheins avec 500 hommes tant bourgeois que soldatz. Ensuitte ce mareschal s'est avancé vers Retel et a envoyé demander à la ville de Rheins une composition de 200 mille livres, et à celle de Chalons 100 mille livres, menaceant de mettre le feu partout si on la luy refusoit, dont un courrier vient avertir avant hier S.A.R.; mais M. de la Ferté Seneterre est aux environs de Rheins avec pres de 4000 hommes pour s'y opposer.

Le comte de Rosnay, bastard de la maison de Luxembourg, ayant vendu son chateau d'Aigremont, place frontiere entre le Bassigny et la Lorraine, au Duc Charles moyenant 14 mille escus et un regiment de cavalerie, ce duc y a mit bonne garnison qui fait des courses dans tout le Bassigni et demande des contributions; mais la ville de Lengres [Langres] a levé 1500 hommes commandés par le sieur Du Cerf, lequel a investy ce chateau, et on luy a envoyé de Lengres pour cest effect 2 pieces de canon.

Le neveu du lieutenant general Rose, amenant en France 800 hommes tirés des garnisons des places que nous avons rendu en Alemagne, a esté defait et pris prisonnier par les Lorrains, commandés par le comte de Ligniville, à Cassel [Châtel] sur Moselle pres de Charme, ce comte ayant obligé une partie de ces garnisons à prendre party soubz luy et ayant tué et mis en fuitte le reste.

/277v/ Le 17 à 5 heures du matin Mme la duchesse d'Orleans accoucha d'ung prince, quoy qu'elle ne croyoit pas devoir accoucher plus tost qu'au commencement du mois prochain; et parce que Mme la Princesse douairiere avoit souhaitté d'assister à ces couches (quoy que cela ne ce [se] fasse jamais qu'aux couches de la reyne), aussytost que Madame sentit ses douleurs, Monsieur envoya querir la duchesse d'Ainville pour y assister, comme parente de M. le Prince, qui n'en a pas presentement de plus proches en cette ville; et manda encor M. de Camon, conseiller au Parlement, amy de la maison de Condé, et M. le curé de St Sulpice, lesquelz S.A.R. fit tenir aux piedz du lict de Madame jusques à ce que le petit prince feut [né] pour en estre tesmoings, Mme d'Anville y estant arrivé tropt tard. Cette nouvelle fut d'abord envoyée en divers lieux, et notenment à Rochefort, où estoint M. de Mme de Montbazon avec M. de Beaufort; au Bois de Vincennes, où Monsieur escrivit à M. de Bar d'en avertir messieurs ses cousins; sur quoy M. le Prince pr[ia] de Bar de tesmoigner à S.A.R. qu'il estoit tres jouyeux d'aprendre cette bonne nouvelle et de veoir que la Maison de Bourbon se multipliot. M. de Fretoy, premier escuyer de Madame, feut envoyé à la Cour, M. de Marcheville à Bruxelles p[our] en donner part au duc de Lorraine, et M. de Ste Frique est party aujourd'huy pour en aller advertir Madame Royalle et le duc de Savoye. La journée ce [se] passa [en] visittes et des compliments qu'on feut faire au palais d'Orleans. Tout ce qu'il y a [de] personnes de condition y feurent. Le Parlement et les autres cours souveraines y envoy[erent] des deputtés; toutte l'Assemblée du clergé y feut en bel ordre en rochet et camail et fit hier chanter le Te Deum dans les Augustins, où estoit la musique du Roy. Toutte l'Université y feut aussy en corps, le chappitre de Nostre Dame, tous les curés de Paris, et tous les Corps de Ville. M. le Garde de Sceaux ayant proposé dans le Conseil de faire chanter le Te Deum dans l'esglise Nostre Dame, l'on remarqua que S.A.R. ne le voulut pas, disant que cest honneur n'appartenoit qu'aux fi[lz] de France et se contenta qu'on le chanta à St Sulpice, sa parroisse, où elle alla à pied avec grande affluence de peuple. Le soir l'on defonça des tonneaux de vin devant son palais, l'on fit des feux de joye partout, et tout Paris tesmoigna une joye universelle. On croit que ce petit prince sera nommé le duc de Valois et non de M. le Prince. Cette qualité sera decidée à la Cour.

Hyer il y eut assemblée au Parlement pour l'affaire de M. Foulé, dans laquelle l'on examina touttes les requestes qui avoint esté presentées, mais il n'y eut pas asses de temps pour en achever la deliberation, ce qui obligea le Parlement à se rassembler aujourd'huy; et les opinions estant collegiés, il ne s'est trouvé que 25 voix qui allassent à recuser M. de Broussel, lequel est demeuré juge de tous les incidentz de cette affaire et rapporteur, et l'assemblée continu[era] demain pour juger le fond. M. Foulé s'estoit avisé d'apporter au Parlement /278/ une requeste civile pour se pourveoir contre tout ce qui seroit ordonné à son prejudice, mais on s'est mocqué de luy.

Ces jours le receveur general du clergé ayant presenté ses comtes à l'Assemblée, l'on remarqua qui [qu'il] luy feut rayé 10 mille livres qu'il avoit donné au Cardinal en vertu d'ung arrest du Conseil, cette somme prise sur le fond destiné pour indemniser les cardinaux des decimes ausquelz leurs benefices sont taxés.

Un courrier venu cette apresdisnée de Champagne a porté nouvelle que le mareschal de Turenne avoit sommé la ville de Rhetel de luy donner 50 mille livres pour n'estre point assiegée, la menaceant de mettre le feu partout si elle luy refusoit cette contribution; à quoy elle a respondu qu'elle n'estoit pas capable de fournir le tiers, mais qu'elle fourniroit ce qu'elle pourroit.

Il y eut hier assemblée à l'Hostel de Ville, où feurent appellés tous les colonnelz des quartiers, lesquelz receurent ordre d'advertir tous les cappitaines des quartiers de faire tenir les armes prestes au premier mandement et commande aux dixeniers de faire visitter touttes les maisons et prendre liste des noms de ceux qui [qui y] logent, pour en rendre conte à l'Hostel de Ville.

/279/ De Bordeaux le 17 aoust 1650

Le x du courant M. le duc de Bouillon, ayant sceu que la compagnie des gendarmes de la reyne estoit seule à St Andreas [Saint-André-de-Cubzac?], y envoya deux compagnies de cavalerie qui surprirent la premiere à 5 heures du matin; d'où l'on amena icy 17 prisonniers avec le trompette et environ 40 chevaux, une partie desquelz apartenoit au marquis de St Megrin. Le reste de ces gendarmes ayant pris la fuitte à Libourne, y donnerent l'alarme à toutte la Cour, ayant crié d'abord "Sauve le Roy!" ce qui obligea M. le Cardinal à se botter promtement à creu.

Le 12 on fit icy des obseques solemnelles pour le feu sieur Ricon [Richon], qui commandoit à Vayres, ausquelles assisterent Mme la Princesse, le duc d'Anguien, MM. de Bouillon et de la Rochefoucaut, le Parlement, et le Corps de Ville. Il y a eu arrest portant que le suplice de Richon ne seroit point imputté à l'infamie à sa memoire, qu'il seroit fondé aux despens de la Ville une anniversaire perpetuel en l'esglise cathedrale de St André, où seroit apposé une plaque de cuivre dans laquelle cest arrest seroit inceré avec son eloge. Mme la Princesse a assigné par ses bienfaitz 1500 livres de rente à la mere de Richon et aux siens et a pris ses deux enfans aupres d'elle.
L'on a envoyé en Cour le greffier Suaut pour y porter la response du Parlement aux demandes que l'on faisoit: sçavoir, si le Roy seroit receu en cette ville avec sa suite, et si l'on vouloit tousjours retenir les ducs de Bouillon et de la Rochefoucaut. L'on a chassé d'icy plusieurs personnes suspectes pour eviter la desunion à laquelle ilz travailloint et sans laquelle nous ne sçaurions succomber.

M. de Cugnac, filz du mareschal de la Force, arriva icy hier au soir et feut fort bien receu de MM. du Parlement, lesquelz ayant accepté les offres de services qu'il fit de la part du mareschal son pere et du marquis son frere, dont il demeure ostage, luy delivrerent des commissions pour lever 1000 chevaux et 3000 fantassins, leur accordant pour cest effect 400 mille livres, dont on leur en a deslivré une partie comptant et on leur promet le reste apres la levée faitte; sur quoy M. de la Mesleraye n'ayant pas jugé à propos d'attaquer ny la Bastide ny St Surin [Saint-Seurin], fit reculer son armée au port de Branne, 7 lieues d'icy sur la Dordogne, pour empescher la levée de ces messieurs.

/279v/ Les 2 regimentz qu'on a levé icy sont de 1000 hommes chacung et ont esté mis dans le Chasteau du Ha. Le fort qu'on faisoit au faubourg St Surin pour conserver ce poste est achevé, et l'on en fait un autre à Lormond.

On fait icy une gallere sur laquelle il y aura 64 rames et l'on n'y mettra que des petites pieces d'artillerie de 25 livres de basles. Il y a 12 autres moindres galleres preste et 24 galiottes.
Apres avoir bien examiné les seurtés qu'on pourroit avoir pour traitter, l'on n'en trouve point icy à moings que M. le Cardinal soit hors du ministere et MM. les princes en liberté; et l'on se resout à s'opiniastrer à ces deux demandes.

Nous avons avis de Brouage que le comte d'Oignon continuoit à faire fortiffier cette place et que l'armée navalle angloise qui estoit sur la coste de Portugal avoit coulé à fondz le navire nommé Le Grand Jules et deux autres vaisseaux françois et poursuivy le vaisseau nommé La Lune jusques à Lisbonne, et le chevalier de la Lande a esté condemné à mort comme escumeur de mer.

Nous ne recevons presque plus de nouvelles d'aucung lieu parce qu'on retient à la Cour tous les courriers qui viennent icy; cepandant les vivres sont icy à fort bon marché et les boutiques y sont ouvertes à l'ordinaire comme s'il n'y avoit point de guerre. L'on se dispose presentement d'aller à la procession qui ce [se] fait tous les ans à pareil jour pour le voeu du Roy. Mme la Princesse s'y trouvera avec son filz et MM. les ducs.

/281/ De Paris le 26 aoust 1650

La semaine passée on eut advis de la Cour q'ung gentilhomme de M. le Cardinal nommé Gadonville, qui est de Normandie, ayant demandé pour un de ses amis quelques expeditions du sieur Rose, secretaire de S.E., celuy cy le rebutta avec des parolles si desobligeantes que ce gentilhomme s'en offença fort; et luy ayant fait des reparties asses rudes, Rose eut asses d'effronterie pour le menacer de coups de bastons, ce qui obligea ce gentilhomme à luy en donner ensuitte, en sorte qu'il le pensa assommer. S.E. ayant sceut que Rose avoit ainsy esté traitté, voulut faire mettre en prison Gadonville, mais aussytost tous les autres gentilhommes qui estoint à la suitte de S.E. luy protesterent que si elle le faisoit emprisonner, ilz la quitteroint tous ensemble; et tout le monde ayant blasmé l'action de Rose, les coups de baston qu'il avoit receus feurent declarés bien donnés et l'affaire en demeura là.

Le i9 du courant un nommé Chapusieau, envoyé de Bourdeaux pour Mme la Princesse, passa icy allant trouver M. de Turenne et laissa en passant quelques lettres aux depputtés de Bourdeaux, et au president Viole une requeste en blanc signé de Mme la Princesse, afin qu'il la peut remplir des demandes qu'il jugeroit à propos suivant les conjonctures presentes et le rapporter au Parlement.
L'on commencea icy dès 9 heures du soir à fermer les portes de la ville suivant les ordres du nouveau Prevost de Marchandz et à prendre la liste de tous ceux qui logent en chasque maison; et le lendemain l'on commanda quelques compagnies des bourgeois pour aller le 22 dès 5 heures au Palais se saisir des portes du Palais à cause que les chambres s'y devoient assembler; à quoy l'on remarqua que S.A.R. ne voulut point se fier à la brigade seule de M. de Champlastreux, colonel de l'isle du Palais, [et] y en fit encor trouver une du faubourg St Germain. L'on commanda aussy dès le 21 à tous les bourgeois de tenir leurs armes prestes en cas qu'il arriva du desordre.

Le 22 M. le duc d'Orleans estant entré dans cette assemblée du Parlement avec les ducs de Beaufort et de Brissac, le Coadjuteur, et les mareschaux de l'Hospital et de la Mothe Oudancourt (celuy cy estant arrivé dès le jour precedent, ayant faict son accommodement avec S.A.R. et MM. les Frondeurs), Sadite A. presenta à la Compagnie deux arrestz du Parlement de Tholouse, le premier accompagné d'un extraict des registres de cette ville là portant que sur les ordres du Roy [repetition: portant que sur les ordres du Roy] qui avoint esté apportés par le chevalier Teron seroit baillés des pieces de canon, poudres, et munitions pour estre envoyé en Catalougne; et l'autre portant deffenses à tous gentilhommes et autres de faire aucune levée pour M. de Bouillon sur peyne d'estre declairés criminels de leze majesté. Ensuitte on y leut un extraicte des registres du Conseil, qui est aupres du Roy, par lequel il paroit qu'aussytost que les propositions faittes par M. le duc d'Orleans pour l'accommodement de /281v/ Bourdeaux, elle avoit fait cesser tous actes d'hostilitté et donné ordre à M. de la Mesleraye de se retirer avec l'armée, et à M. de St Simon de laisser libre le commerce de la riviere. Apres cela S.A.R. parla des desordres de la Champagne causée par l'aproche des ennemis; et ayant representé qu'on n'y pouvoit remedier sans argent, elle proposa à la Compagnie de chercher les moyens d'en trouver, disant neamoings qu'elle ne vouloit pas qu'on en levat par taxes, impositions, ny editz, mais qu'elle trouvoit à propos qu'on depputtat quelques conseillers de touttes les chambres qui se rendroint au palais d'Orleans pour conferer avec elle sur les moyens de trouver cest argent. Sur cela le Premier President ayant fait des remertiementz à S.A.R. du soing qu'elle prenoit de ces affaires là, l'on commencea à desliberer sur ces propositions, lesquelles passerent tout d'une voix. Il y eut neamoings 20 ou 25 conseillers qui n'oublierent pas de parler de l'exclusion de M. le Cardinal et de la liberté des princes. M. des Landes Payen feut le premier, ayant dit qu'on devoit parler de l'exclusion du Mazarin et de la liberté des princes, pour les opposer aux ennemis; ce qui choqua S.A.R., ayant dit qu'elle le pouvoit bien faire elle mesmes, et trouva mauvais qu'on tient ce discours comme s'il n'y avoit que les princes qui feussent capables de s'opposer aux ennemis. M. Baron, maistre des requestes, dit qu'il avoit remarqué dans l'histoire de Mathieu Paris qu'au temps que les roys d'Angleterre posseddoint la Guyenne, une sedition estant arrivée à Bourdeaux à cause q'ung estranger y commandoit, le roy d'Angleterre y allat et fit une entreveue avec le roy d'Espagne, qui luy conseilla de chastier cest estranger; ce que le roy d'Angleterre ayant fait, tout luy reeussit si bien qu'aussytost le calme feut partout; à quoy il adjousta une comparaison tirée d'ung antien autheur: sçavoir, que comme c'est un signe que la mort est dans une maison lors que les corbeaux y entrent, de mesmes c'est une marque infaillible de la ruyne de son empire quand on appelle des estrangers pour estre ministres. M. Le Coigneux, president des Enquestes, remarqua qu'on devoit bien prendre garde à quoy l'on employeroit cest argent, afin qu'il ne feut point levé sur une partie de l'Estat pour ruyner l'autre, c'est à dire Bourdeaux. M. de Bachaumont, son frere, dit qu'il faloit bien prendre garde que le Cardinal n'eschappat pandant ces desordres et qu'il ne falloit pas tellement s'arrester à esteindre le feu qui est dans les provinces qu'on ne pensat à punir la main qui l'y avoit mis. Le president Viole, apres avoir consenty aux propositions de S.A.R., dit qu'il ne cesseroit jamais de parler de l'exclusion du Cardinal, puisque c'estoit la seule cause de tous les desordres. M. de Machaut dit hautement qu'il y avoit tantost 8 mois qu'on retenoit des princes innocens en prison, que la Reyne les devoit faire sortir, et qu'elle leur devoit cette justice. Il y en eut /282/ plusieurs autres qui invectiverent fort contre S.E., mais particulierement M. Coulon sur ce que quelq'ungs disoit que le mal de la France estoit bien facile à guerir, repartit en ces termes, parlant de M. le Cardinal: "Qu'on nous le mette entre les mains, nous sommes bien resolus de luy faire son proces." Enfin il feut arresté qu'on deputteroit un conseiller de chasque chambre pour se trouver le lendemain dans le palais d'Orleans, afin d'aviser sur les moyens de lever quelque argent pour chasser les ennemis de la Champagne. A la sortie il n'y eut aucung bruit, les portes ayant demeuré fermées et bien gardées par les bourgeois, qui s'y estoint trouvés dès 5 heures du matin.

Les deputtés du Parlement de Paris s'en reviennent mal satisfaitz de la Cour, de ce qu'on n'a pas voulu qu'ilz entremissent pour l'accommodement de Bourdeaux.

Le mesme jour 22 les parens de La Chaussée, compagnon de Maupeou au vol que vous aves sceu, s'estant plaintz à M. le duc d'Orleans de ce qu'il avoit fait sauver celuy cy sans l'autre, et la noblesse ayant resolu de faire des assemblées là dessus, S.A.R. leur donna parolle qu'elle luy sauveroit la vie et que s'il estoit condemné, elle luy feroit donner sa grace. Despuis, sur le bruit que M. le Garde des Sceaux faisoit [repetition: faisoit] de l'evasion du premier, La Chaussée a esté transferé de la Bastille au Chastelet afin qu'on luy fasce le proces dans les formes et qu'il se servent de la grace qui luy est promise.

Les fermiers des gabelles ayant obtenu ces jours passés un arrest du Conseil par lequel il leur est permis de faire prendre, partout où ilz pourront, quelques faussonniers et mesmes forcer les maisons de quelques gentilhommes du Vexin qui les retirent en leur donnant protection, les premiers y ont envoyé quantité d'archers; lesquelz ayant forcé la maison d'ung gentilhomme en vertu de cest arrest, les autres gentilhommes des environs s'estant asemblées au nombre de 150 et ont signé une requeste qu'ilz ont envoyé icy par des depputtés pour la presenter au Parlement; dont M. le duc d'Orleans ayant eu advis, manda ces deputtés, lesquelz s'estant trouvés au palais d'Orleans et ayant demandé un arrest du Conseil portant permission d'informer contre tous ces archers et contre les fermiers des gabelles, sans vouloir se relascher à moings qu'on leur accordat cest arrest, le Garde des Sceaux se mit en colere contre eux, disant que le Roy ne se dementiroit point et que c'estoint des seditieux et des rebelles, et s'en alla là dessus; mais M. le duc d'Orleans les retient pour veoir s'il n'y avoit point d'acommodement, à quoy travaillent MM. de Beaufort et le Coadjuteur, ausquelz ilz ont desja promis de ne se pourveoir contre cest arrest du Conseil qu'en qualité d'opposans.

On a remarqué despuis quelques jours que M. de Bar fit mettre des vivres et munitions dans le Bois de Vincennes, ce qui a fait naistre un bruit que M. le duc /282v/ d'Orleans vouloit faire transferer MM. les princes dans la Bastille, afin de les oster des mains de M. de Bar et que celuy cy ne vouloit recognoistre d'autres ordres que eux de la Reyne, [et] se preparoit à resister aux volontés de S.A.R., mais on croit que c'est un bruit faict à plaisir.

On escrit de Sens qu'il s'y fait des assemblées de noblesse en ces quartiers là, pour y former un party et se poster dans les bois et autres lieux proches les Beurrieres, d'où l'on pourroit faire des courses partout le plat pays.

Les lettres de Tholouse du 16 portent que le mesme jour le Parlement y avoit donné arrest d'union avec celuy de Paris et arresté de les envoyer avertir par courrier expres, afin d'envoyer icy des depputtés en cas que celuy cy l'aprouve pour entretenir bonne correspondance avec luy; que Leurs M. y avoint envoyé demander que le Parlement leur fit une deputation nombreuse, à quoy l'on n'avoit pas encor desliberé; et que le chevalier Terlon y estant arrivé de la part de Leurs M. pour demander quelques pieces d'artillerie, poudres, et autres munitions, il avoit esté resolu dans l'assemblée tenu pour cest effect dans l'Hostel de Ville de deslivrer à ce chevalier 4 pieces de canon, 800 bouletz, et quelques poudres; ce qui feut executté nonobstant l'opposition de quantité de menu peuple, qui ne le voulut pas laisser sortir de la ville.

Les avis de Bourges portent que le comte de St Aignan a esté blessé à la main dans une ambuscade qui luy avoit esté dressé de nuict par un party de la garnison de Mourron, laquelle continue à faire ses ravages.

Le 23 MM. d'Aligre et Gargan entrerent dans l'Assemblée du clergé, où le premier fit un discours par lequel il demanda, au nom du Roy, un secours au clergé pour les presentes necessités de l'Estat; à quoy l'archevesque de Reins, president de l'Assemblée, dit qu'on y desliberoit, que le clergé se sentoit des miseres du temps aussy bien que les autres corps de l'Estat.

Le 24 on amena icy 15 ou 16 chevaux qu'on prit à Vaugirard, qui appartenoint à des cavaliers qu'on dit avoir pris party pour MM. les princes. Il y a quelque cavalerie en petit nombre dans les lieux voisins de Paris, laquelle ne fait encor aucung desordre.

Le mesme jour M. le duc d'Orleans ayant appellé quelques personnes de lettres, tous gens consommés dans l'histoire, pour desliberer quel nom il seroit plus à propos de donner au prince son filz, cette affaire est demeurée indecise sur deux differentes opinions qu'il y a, dont l'une veut qu'il soit nommé M. le Prince, et l'autre M. le duc de Valois. Quelq'ungs, entre autres M. le Coadjuteur, s'obstinent fort au premier, mais la pluspart des avis vont à la 2e, laquelle, comme l'on /283/ croit, sera suivie, la qualité de duc de Valois estant beaucoup au dessus de celle de M. le Prince, laquelle n'a jamais esté que dans la Maison de Condé.

Le mareschal de Ransau ayant envoyé son cappitaine des gardes à Duncherque pour en reprendre la possession, le sieur d'Estrades ne s'y est point opposé, mais il y doit demeurer jusques au quartier d'hivert. Le corps de l'armée qui est du costé de la mer, dont M. le duc d'Orleans dit le 22 au Parlement qu'il en faisoit venir 2500 hommes pour couvrir Paris.

Le comte de Grancey ne commandera pas en Normandie en la place de M. de Matignon, à cause que les lieutenantz generaux des baillages de cette province s'y opposent, mais seulement en qualité de lieutenant general des armées du roy.

M. de Marchin fait poursuivre au Conseil sa liberté, offrant de continuer ses services dans les armées du roy et de se retirer en son pays. M. le duc d'Orleans tesmoigne asses de bonne volonté pour luy, mais M. Le Tellier luy est fort contraire. Despuis on a sceu qu'il s'est voulu sauver de la citadelle de Perpignan, où il est encor, et qu'il s'est fracassé les jambes, ayant voulu sauter dans le fossé, où il feut contraint de demeurer et de se faire rapporter dans la citadelle.

Le jeune marquis de Vardes ayant avis de la mort de M. de Malicy, gouverneur de Pignarolle, est venu de l'armée icy pour demander ce gouvernement. S.A.R. a escrit à la Cour en sa faveur.
M. de Marcheville, allant à Bruxelles porter la nouvelle au duc de Lorraine de la naissance du prince son neveu, a esté arresté à Cambray à cause qu'il n'avoit point de passeport.

Quant aux nouvelles de l'armée, le mareschal du Plessis ayant sceu que les ennemis avoint decampé de Marles et de Verveins et qu'ilz marcheoint vers la Champagne aussy bien que le mareschal de Turenne, donna ordre au general Rose de sortir de Laon, où ses trouppes avoint desja faitz des desordres inouis, et marcha avec luy droit à Rheins, où il est arrivé. Il trouva les habitans asses mal affectionnés, qui ne le vouleurent point recevoir, avec ses troupes, dans la ville, luy ayant declairé qu'ilz aymoint mieux y recevoir les ennemis, lesquelz y feroint peut estre moings de desordre que les nostres; neamoings ilz luy protesterent qu'ilz se deffendroint avec grande resolution contre les ennemis; en suitte de quoy ce mareschal alla camper à Champigny, demy lieu de là, où la nouvelle estant venue le 19 de la naissance du filz de M. le duc d'Orleans, y fit grand feu de joye dans son camp. Cepandant les ennemis ayant asseigé Rhetel, qui n'avoit pas d'argent pour contribuer la somme qu'ilz luy demandoint, le baron d'Apremont, qui en est gouverneur, les amusa 4 ou 5 jours, apres lesquelz les /283v/ bourgeois firent leur capitulation sans luy et il feut contraint, ne l'ayant pas voulu signer, de se sauver à la nage et se retirer dans le chasteau d' [blank] , qui appartient au marquis de Mouy. Par cette capitulation les bourgeois s'obligerent de recevoir et entretenir 1000 fantassins et 200 chevaux de garnison et de fournir aux ennemis 120 mille rations de pin [pain] et 100 pipes de vin. Apres cela, ceux cy s'estant mis en bataille pour marcher du costé de Mouson [Mouzon], M. de la Ferté Seneterre s'y alla jetter, mais ilz retournerent vers Pons à Verre [Pontavert], qu'ilz prirent le 25 au soir apres avoir bruslé le bourg de Bachabery [Berry-au-Bec], et marchent vers Soissons; mais on ne croit pas qu'ilz puissent faire de siege, n'ayant presque plus d'infanterie. Ilz n'ont point fait de courses plus avant que 2 lieues en deça de la riviere d'Erne [Arnes], mais nos trouppes en ont fait jusques à Chateau Thierri, avec les mesmes ravages que si c'estoint les ennemis, sans que le mareschal du Plessis aye peu les empescher.

Les depputtés du Parlement de Paris feurent hier au palais d'Orleans pour y conferer avec S.A.R. suivant ce qui avoit esté arresté le 22. Diverses propositions y feurent faittes pour trouver un prompt secours d'argent afin de s'opposer aux ennemis. La premiere feut d'obliger tous les officers de justice d'avancer la paulette ou droit annuel pour les 3 années prochaines; la 2, d'obliger ceux qui ont acqui des rentes sur l'Hostel de Ville à vil pris de supleer jusques au denier 14; et la 3e, de faire financer les engagistes du droit des poidz et mesures; la 4, d'establir une chambre de justice pour la recherche des malversations qui ont esté faittes par les partisans dans les finances; la 5e, d'establir 2 conseillers honnoraires dans chasque presidial. Les depputtés de la Chambre de comptes ont esté aujourd'huy au mesme palais pour y conferer sur le mesme suject. Ceux du Grand Conseil et de la Cour des aydes y doivent aussy aller, et lundy prochain le Parlement ce [se] doibt assembler pour deliberer là dessus.

S.A.R. donna hier ordre à son cappitaine des gardes de faire prendre les armes pour garder M. le Coadjuteur dans son palais. L'on ne sçait pas encor quelle qualité il a pour meriter cette prerogative, mais on croit qu'il a esté fait ministre d'Estat.

Les avis qu'on a de la Cour cette semaine confierment la mort du chevalier de la Valette et du baron de Vaillac, son lieutenant; et que Leurs M. ayant agr[e]é les propositions d'accommodement faittes par M. d'Orleans et fait en mesme temps cesser les hostilittés, avoit envoyé M. de Coudray Mompensier /284/ dans Bourdeaux, où il n'est entré que le 21, auquel jour il y feut bien receu dans l'Hostel de Ville, où l'on luy avoit preparé un apartement; et afin qu'il peut assister aux desliberations qui s'y prendroint pendant le traitté, on le receut conseiller honnoraire. Cette nouvelle feut hier apportée par le comte de l'Hospital, qui a esté envoyé par la Reyne pour se conjouir avec S.A.R. de la naissance du prince son filz.

De Bourdeaux le 18 aoust

M. de Clignac, petit filz du mareschal de la Force, attend de jour en jour les levées que faict le mareschal et le marquis de ce nom pour le service de cette ville.

Le Roy, qui est encor à Libourne, a depossedé le marquis de Bourdeilles de sa lieutenance de Perigord pour ne s'estre pas trouvé aupres de luy ainsi qui [qu'il] luy avoit ordonné, et pour avoir eu intelligence avec M. de la Force. La resolution que Sa M. avoit prise d'aller Bourg a esté changée, et il ne s'en parle plus à cause que le duc de St Simon s'est retiré soudain à Blaye sur la crainte qu'il a eu que le Roy y alla et que M. le Cardinal, qui ne bouge d'aupres de la personne de Sa M., se voulut emparer de son gouverement; ce qui fait encor aprehender que ce duc, pour sa conservation, reprenne le party des princes.

Le sieur de Montriche est arrivé à Bec d'Ambes avec 4 vaisseaux et 12 pinasses ou brigantins, ce qui fait que l'on travaille icy puissenment pour l'aller chercher et le combattre.

M. le mareschal de la Mesleraye ce [se] vente de nous reduire avec 40 pieces de canon qu'il attend, avec lesquelles, sans faire des lignes de communication, il pretend nous reduire en poudre.

M. de Coudray Montpensier escrivit hier au Parlement, qui luy renvoya la lettre afin qu'il reforma l'inscription qu'il avoit mis, "à Messieurs du Parlement," pretendans n'estre pas obligés de les traitter de "Nosseigneurs," à cause qu'il venoit de la part de M. le duc d'Orleans; eux, au contraire, voulans ainsy estre traittés à cause que ce n'estoit pas S.A.R. qui leur escrivoit; d'allieurs ilz se formaliserent encor de ce qu'il leur envoyoit cette lettre par un trompette, puisqu'ilz n'ont point de guerre contre S.A.R.

Mais il en a aujourd'huy envoyé un autre dont l'inscription est telle qu'ilz l'ont souhaittée.

Le greffier Suaut, qui avoit esté envoyé porter la response de ce parlement au Roy, a esté retenu à la Cour par M. de la Vrillere, qui luy prit le pacquet qu'il avoit pour MM. du Parlement de Paris et luy a fait commandement de la part du Roy de ne quitter point la Cour.

/284v/ M. de Bouillon caresse fort nos bourgeois et se rend fort familier avec eux. L'on fit hier revue des troupes que nous avons soudoyés et il se trouva qu'il y avoit 4000 hommes effectifz, outre 10 mille bourgeois dont l'on peut faire estat, et nous avons des vivres pour six mois entiers, ce qui nous confierme dans la resolution de nous bien deffendre.

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