Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

Contents

Volume 1

Panat

Orest's Pages

Patricia's Musings

Marc-Antoine

Charpentier

Musical Rhetoric

Transcribed Sources


 

The Fronde Newsletters for 1651:

August 1651

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653

/452/ De Paris le 4 aoust 1651

Vous aures sceu que l'abbé d'Estaing ayant obtenu l'evesché de Clermont plus de force que de gré, le cardinal Mazarin, suivant son micquemac ordinaire, l'obligea à donner son abbaye, de laquelle il disposa en faveur du filz du comte de Matha; mais cest abbé fit en mesme temps une revocation de sa demission, laquelle il a fait paroistre aussytost qu'il a esté asseuré de son evesché, et empesche ce comte de jouir de l'abbaye, disant que le cardinal Mazarin luy en avoit extorqué la demission par violence, dont la Reyne est faschée contre luy.

Les prelatz qui sont à Paris se sont assemblés deux fois pour resoudre de faire des plaintes à la Reyne sur ce que le Parlement de Thoulouse a fait saisir le revenu du temporel de l'evesché de Lavaur, à cause que l'evesque n'y reside pas.

Le 29 du passé M. le duc d'Orleans, Madame, et Mademoiselle reviendrent de Limours et disnerent en passant à Berny, maison du president de Bellievre. Aussytost que S.A.R. feut arrivée à Paris, M. le Prince allat conferer avec elle, et apres feut au Palais Royal et trouva tous les espritz d'ung costé et d'autre aussy opiniastrés qu'auparavant.

Le mesme jour Mme la Princesse et Mlle [sic] de Longueville partirent de St Maur pour leur voyage de Montront et feurent coucher à Chilly, d'où elles poursuiverent leur chemin le lendemain. On fortiffie cette place, qui est bien munie, et la grosse tour de Bourges.

La semaine passée le duc de Richelieu feut au Palais Royal pour retirer la parolle qu'il avoit donné à la Reyne de ne sortir point de Paris sans congé, fondé sur ce qu'il ne pouvoit pas subsister dans Paris, puisque Mme d'Aigullion luy retient tout son bien et empesche qu'il ne puisse jouyr d'aucune chose et que mesmes elle veut faire vendre le duché de Richelieu soubz pretexte de payer des creantiers. Il obligea mesmes le comte de Miossens à retirer sa parolle, mais la Reyne ne la voulut point rendre ny à l'ung ny à l'autre; et nonobstant cela, le duc ne laissa pas de partir d'icy le 29 pour aller à Richelieu avec sa femme, et ilz feurent trouver ces deux princesses à Chilly, d'où ilz les ont accompagnés jusques au delà d'Orleans.

Le mesme jour on eut advis par courrier extraordinaire que M. d'Argenson estoit mort d'apoplexie à Venise, peu de jours apres y estre arrivé en qualité d'ambassadeur ordinaire.

Le mesme jour on proposa de nouveau à M. de Chasteauneuf de revenir dans le Conseil du Roy en qualité de principal ministre et de prier S.A.R. de consentir que les sceaux feussent donnés au Premier President, la charge duquel en ce cas seroit donnée au president de Bellievre, qui par ce moyen cedderoit la sienne de president au mortier à M. de Champlastreux, dont le premier demeura d'accord. L'on croit que cette affaire passera de cette façon, quoy qu'il y /452v/ aye encor deux difficultés à vuider. La premiere est que M. le Chancellier, porté par touttes les femmes de la Reyne, voudroit bien demeurer dans le Conseil et y precedder tous les autres ministres comme chancellier, et la Reyne y consentiroit volontiers; mais M. de Chasteauneuf ne voulant pas luy cedder, l'on croit qu'il faudra que M. le Chancellier se retire. La seconde est que M. de Bellievre n'ayant point voulu bailler sa charge de president au mortier, qui vaut 800 mille livres, à moings que M. de Champlastreux luy en donna 500 mille livres, celuy cy a dit qu'il aymoit mieux qu'on luy donnat celle de secretaire d'Estat de M. Le Tellier; lequel l'ayant sceu, a fait agir ses amis pour faire agreer la Reyne qu'on luy donnat cette charge de president au mortier et qu'il donneroit à M. de Bellievre les 500 mille livres qu'il demande, avec la demission de la sienne à M. de Champlastreux; mais sa proposition n'a pas reeussy, et pour mieux accommoder cette affaire, la Reyne a promis de donner 100 mille livres à M. de Bellievre si M. de Champlastreux luy vouloit donner le reste; à quoy le Premier President n'est pas encor bien resolu. La Reyne ayant aussy tesmoigné qu'elle desiroit mettre M. le Coadjuteur dans le Conseil, il s'en excusoit d'abord, mais on asseure que depuis 2 jours il s'est ravisé; mais neamoings ce changement n'est pas encor prest de se faire. L'on parle d'oster en mesme temps la surintendance des finances au president de Maisons et de la donner au marquis de la Vieuville, et d'accepter aussy les propositions faittes par les partisans Doublet, Montauront, et autres creantiers du Roy. Cepandant, despuis la sortie de MM. Servient, Le Tellier, et Lyonne, la Reyne prent conseil de M. de Senneterre et du Premier President, ches lesquelz elle envoye tous les jours M. de Brienne pour prendre leurs advis sur les affaires.

Le 30 au soir la Reyne envoya M. de Sainctot au palais d'Orleans pour prier S.A.R. d'envoyer le lendemain au matin, prier le Parlement de differer l'assemblée pour deux jours, ce que S.A.R. fit; et ce qu'elle demandoit luy feut aussytost accordé.

Le mesme jour le different des trouppes de M. le Prince avec le mareschal d'Aumont feut accommodé, en sorte que le premier ayant representé à M. le duc d'Orleans qu'elles ne se pouvoint fier au Mareschal, qui est creature du cardinal Mazarin, mais qu'elles obeiroint à touttes autre personne que S.A.R. voudroit, il feut arresté que le comte de Tavanes, qui commande en qualité de lieutenant general, s'en reviendroit et qu'elles seroint commandées par M. de Valon, mareschal de camp, qui commande le regiment de Languedoch, et qu'elles ne joindroint le gros de l'armée qu'en cas de besoing. Celuy cy est party aujourd'huy pour cest effect.

Le mesme jour on eut advis de Rouen que M. de Longueville en partit le 22 du passé pour la Basse Normandie, ayant esté auparavant prendre congé du Parlement, où il recommenda la veriffication de la survivance de lieutenant general de cette province là, qui avoit esté accordée, à sa recommendation, au /453/ marquis d'Hectot, avec pouvoir d'en faire la fonction en l'absence du marquis de Beuvron, son pere; sur quoy ce Parlement là s'estant assemblé le 29, arresta que tres humbles remonstrances seroint faittes à Leurs M. sur l'obtention de cette survivance, dont les lettres patentes n'estant pas dans les formes ordinaires, desirent qu'elles soint reformées, en sorte que ce marquis n'en puissent jouyr qu'apres la mort de son pere. L'on y avoit remarqué que 4 ou 5 charrettes chargées d'armes estoint parties de Rouen pour aller à Dieppe, et que toutes les places de M. de Longueville ont esté bien munies despuis peu.

Le valet de chambre qui estoit à M. de Bar pendant la detention de MM. les princes et qui, apres leur liberté, feut receu au service de M. le Prince, estant arrivé la semaine passée au Havre, y feut arresté prisonnier par le lieutenant de Mme d'Aigullion, laquelle luy fait faire le proces, estant accusé d'avoir voulu de nouveau faire surprendre cette place; et l'on asseure que par les gehennes qu'on luy fait souffir, on luy a fait declarer toutte l'intrigue de cette affaire, et que ses complices seront bientost pendus avec luy.

Le Parlement de Bretagne n'a point voulu desliberer sur la lettre de M. le Prince. Ceux de Rouen et de Dijon luy ont fait response seulement par lettre de compliment, par laquelle ilz s'excusent de n'y pouvoir pas desliberer. Celuy de Provence a donné arrest portant que Leurs M. seroint suppliées de donner les seurté necessaires à M. le Prince, auquel outre cela il a fait response.

Le duc d'Angoulesme obtient ces jours passés un arrest du Conseil portant que les informations faittes contre ceux qui avoint assiegés les consulz de Marseille dans leur hostel de ville, seroint apportées au Conseil, et que les prisonniers detenus pour ce subject seroint eslargis, et en cas de refus que les geolliers y seroint contraintz par corps; dont le Parlement de Provence ayant esté adverty, a donné arrest portant deffense aux geolliers de Marseille de laisser sortir aucungs de ces prisonniers sans s'arrester à l'arrest du Conseil; et afin que le lieutenant general du senechal de Marseille ne s'en servit pour mettre en liberté un nommé Langlois, les consulz l'ont fait transferer des prisons de Marseille dans celles d'Aix; et on escrit que M. le Chancellier, se plaignant de ce qu'il a donné cet arrest pour eslargir ces prisonniers sans avoir veu les informations.

Le chevalier de la Ferriere arriva icy en poste le premier du courant et porta nouvelles que quelques galleres espagnolles et quelques vaisseaux avoint mouillés l'ancre aux isles d'Ieres [Hyères], ce qui avoit donné l'alarme à toutte la Provence; mais despuis il n'en est point venu d'autres nouvelles, et l'on croit que ce sont 6 galleres et les 4 ou 5 vaisseaux qui estoint à Final [Finale] pour y embarquer les 2 mille Allemandz que le marquis de Carracene a envoyé en Catalougne, et que les ventz de Ponant, qui regnent d'ordinaire sur cette coste, les auront jetté dans ces isles.

Le 31 et le premier du courant ce [se] sont passés les negotiations de M. le duc d'Orleans pour l'accommodement de l'affaire de M. le Prince, qui a paru despuis.

/453v/ Le second, le Parlement estant assemblé et M. le duc d'Orleans s'y estant trouvé avec M. le Prince, MM. les Gens du roy apres avoir rendu conte de l'estat de la declaration accordée contre le cardinal Mazarin, dirent que le Roy se plaignoit de ce que M. le Prince estant dans Paris despuis si longtemps sans aller au Palais Royal; et le Premier President ayant fait rapport de ce que la Reyne avoit fait dire aux depputtés de la Compagnie le 26 du passé par M. le Chancellier, adjousta que tout le monde trouvoit bien estrange que M. le Prince differoit si longtemps à veoir Leurs M., et qu'on pourroit dire qu'il voudroit mettre autel contre autel; à quoy ce prince repartit ces mots: "Ce que j'ay fait ne fera pas parler de la sorte, mais bien ce que vous dites." Le Premier President replicqua à cela que si M. le Prince entendoit parler de luy, il luy respondroit; et apres un murmure qui se leva là dessus, Son A. justiffia son proceddé, ayant dit qu'il croyoit que la Compagnie avoit asses bonne opinion de la sincerité de ses intentions pour n'ajouster aucune foy aux bruitz que ses ennemis avoint fait courir contre luy; que pour estre passé devant le Palais Royal, il esperoit qu'on ne s'imagineroit pas qu'il eut esté asses temeraire pour avoir eu le desseing de morguer le Roy, puisqu'il passoit au travers des gardes qui environnoint ce pallais; que pour l'action du Cours, il protestoit de n'avoir pas sceu que le Roy y deut passer; qu'il avoit creu de n'estre pas obligé de s'en faire pour eviter cette rencontre, puisqu'il ne se sentoit pas criminel; que ses actions confondroint tousjours ceux qui vouloit faire croire qu'il eut desseing de faire une guerre civile; et que quant à ses troupes, qu'il estoit vray qu'elle ne pouvoit se resoudre à obeir au mareschal d'Aumont, puisque c'est une creature du cardinal Mazarin qui avoit desseing de les perdre; mais qu'il avoit prié S.A.R. de nommer une personne pour les commander, qu'elle avoit nommé M. de Valon; et enfin, que ses troupes obeiroint à tous les ordres que S.A.R. leur donneroit pour le service du Roy. Pour ce qui est du suject qui [qu'il] n'alloit point au Pallais Royal, il dit qu'il n'y avoit trouvé aucune seureté, qu'il y avoit des nouveaux ordres de l'arrester, et qu'à cette fin il s'estoit tenu une assemblée de 3 ou 4 personnes. Alors le Premier President le pria de les nommer et l'en pressa fort, disant qu'on luy en feroit justice; et une cohue s'estant levé là dessus, M. le duc d'Orleans impose silence à toutte la Compagnie et dit qu'il avoit fait tous ses efforts pour vaincre les difficultés qui ce [se] rencontroint dans cette affaire, sans y avoir peu jusques icy reeussir; et que M. le Prince luy avoit apris des choses qui s'estoint passées despuis quelques jours, lesquelles veritablement luy donnoint des nouveaux subjects de deffiances, et notemment le retour de M. de Mercoeur, qui avoit esté si certainement veoir le cardinal Mazarin q'ung nommé Ciron se ventoit publiquement partout Paris de luy avoir accompagnés et d'avoir veu /454/ l'accomplissement de son mariage; à quoy M. le Prince adjousta que les intelligences avec le Cardinal continuoint plus que jamais par les frequentz voyages que faisoit le nommé Ciron et 2 autres, l'ung nommé Bartet, qui a icy la commission du resident de Collogne, et l'autre Brachet, qui est secretaire au mareschal de Seneterre; qu'on voyoit tous les jours un secretaire italien nommé Ondedei qui negotioit icy des secrettes intrigues pour son retour; que c'estoit un grand mespris des arrestz du Parlement, qui esloignoit tous les domestiques estrangers aussy bien que leur maistre. Sur cela l'on appella MM. les Gens du roy, ausquelz le Premier President dit que S.A.R. tesmoignoit que despuis peu il s'estoit passé des choses qui donnoint des nouvelles deffiances à M. le Prince, et leur demanda s'ilz n'avoint point d'ordre de luy donner quelque autre seurté contre ce qu'on n'avoit peu [ce qu'on avoit pu?] de nouveau concerter contre luy; à quoy ilz respondirent qu'ilz ne sçavoint ce que c'estoit, et que si ces deffiances venoint de la part du cardinal Mazarin, l'on ne pouvoit donner des plus grandes seurtés à M. le Prince que l'execution des arrestz donnés contre ce cardinal, en faisant informer contre ceux qui avoint contrevenu, et qu'il y en avoit dans la Compagnie qui se faisoint de feste, et que neamoings faisoint tout le contraire de ce qu'ilz vouloint faire à croire. Sur cela M. le Prince et plusieurs autres dirent qu'il falloit les nommer, puisqu'il avoit bien nommé ceux qui ce [se] pouvoint nommer; et une autre cohue s'estant levée là dessus, M. Talon, advocat general, qui portoit la parolle, se plaignit hautement de ce que l'on l'avoit interrompu, et dit qu'autres fois les Gens du roy s'estant plaintz de pareille chose, on leur avoit fait justice, laquelle neamoings il ne demanda pas; et l'on ne parla plus de cet incident ny de nommer personne; mais, dans ce temp là, M. Coulon print occasion de dire qu'il falloit demander à M. le Procureur General s'il avoit informé contre l'abbé Foucquet, son frere, qui avoit esté veoir le cardinal Mazarin 2 ou 3 fois despuis son esloignement; à quoy le Procureur General repartit que si la Compagnie l'interpelloit de rendre conte des actions de ses parens, il estoit prest de le faire, mais q'ung particulier n'avoit pas droit de le faire parler, et qu'il n'avoit rien à luy respondre. Apres cela, le Premier President ayant derechef representé que la principale chose à laquelle il falloit songer estoit de prier M. le Prince de veoir la Reyne, celuy cy apres avoir fait cognoistre qu'il feroit ce que la Compagnie jugeroit à propos, dit qu'on parloit d'ung nouveau changement de Conseil et qu'il y avoit là des personnes qui s'interessoint fort à cela; sur quoy le Premier President luy ayant demandé si c'estoit de luy qu'il vouloit parler, il respondit seulement que la suitte le feroit cognoistre. L'on en vient aux opinions, et presque tout d'une voix il feut arresté que M. le Prince seroit prié de veoir Leurs M. au plus tost; que la parolle de ne rappeller point MM. Servien, Le Tellier, et Lyonne /454v/ seroit incerée dans les registres; que tous les arrestz donnés contre le Cardinal seroit executtés; que le nommé Ondedei seroit pris au corps; que Ciron, Bratet [Bartet], et Brachet seroint adjournés, pour comparoir en personnes; et que M. de Mercoeur seroit invitté de venir prendre sa place à l'assemblée lundy prochain, pour rendre conte du voyage qu'il a fait vers le cardinal Mazarin et de son pretendu mariage. Le greffier Guyet feut hier inviter M. de Mercoeur de se trouver lundy prochain à l'assemblée du Parlement, à quoy il respondit qu'il ne manqueroit pas.

Hier, l'apresdisnée, M. le duc d'Orleans ayant achevé l'accommodement de M. le Prince, arresta avec luy de le mener au Palais Royal; à quoy s'estant preparé, il aprint que le Roy avoit desseing d'aller à la chasse, et que pour cest effect les gendarmes et chevaux legers estoint devant le Palais Royal attendant son despart; dont M. le Prince ayant pris subject de deffiance, il en parla à S.A.R., qui envoya prier la Reyne de faire en sorte que le Roy remit cette partie à aujourd'huy afin que M. le Prince luy peut aller rendre ses devoirs. Aussytost l'on contremanda les gendarmes et chevaux legers, et S.A.R. partit ensuitte avec M. le Prince, auquel elle promit, pour plus grande seurté, de ne le quitter point qu'il ne feut de retour. Estant arrivés au Palais Royal, M. le Prince salua la Reyne fort profondement, et aussytost l'on alla querir le Roy, qui se divertissoit dans le jardin; et Sa M. estant ches la Reyne, embrassa et caressa fort M. le Prince, auquel la Reyne fit aussy fort bon visage; et l'on remarqua qu'il n'y s'y parla que des choses indifferentes pendant un bon quart d'heure qu'il y demeura, apres lequel il sortit avec S.A.R.; à laquelle la Reyne ayant envoyé le duc d'Amville avant qu'elle feut descendue l'escalier, de ne s'en aller pas qu'elle ne luy eut parlé. Elle s'en excusa à cause de la parolle qu'elle avoit donné à M. le Prince de ne le point quitter, et luy promit de la veoir aujourd'huy, comme il a fait, avec M. le Prince et M. de Conty, qui ont assisté au Conseil.

Nostre armée est campée despuis 8 ou 10 jours à Arlux [Arleux], proche Douay, sans entreprendre autre chose que des courses dans le pays ennemy. Les officiers y sont fort divisés despuis le mescontentement de M. le Prince; et pour les mettre d'accord on parle de diviser l'armée en 2 corps, d'en donner le commandement d'ung au mareschal d'Estampes et laisser l'autre au mareschal d'Aumont, mais on dit que celuy cy demande son congé.

Le proces de la reyne de Pologne et de la Princesse palatine contre le duc de Mantoue feut hier jugé à la Grand' Chambre du Parlement, où ce duc là /455/ le gaigna, les parties ayant esté mises hors de cours et de proces sans despens, et ordonna que ce duc donneroit à la Princesse palatine 60 mille livres de rente qui luy sont affectés sur les biens que le feu duc de Nevers, despuis duc de Mantoue, possedoit en France, si mieux n'aymoit luy payer dans 3 mois la somme de 400 mille escus pour le rachapt de cette rente.

/456/ De Paris le xi aoust 1651

MM. les evesques de Chalon, d'Angers, de Beauvais, et d'autres au nombre de 14 ou 15, et plus de 30 docteurs, ont escrit une lettre au Pape, par laquelle ilz le supplient de laisser les questions de la grace libres dans les escoles comme elles ont esté jusques à present, ou que s'il les veut juger, il ne les condemne pas sans ouyr les parties, adjoustant que si Sa Sainteté condennoit les articles que certains evesques luy ont envoyé sur cette matiere, les espritz sont tellement eschauffés qu'elle commettroit son authorité et que mesmes elle ne seroit pas obeie.

Nombre de prelatz qui sont icy murmurent de ce que l'abbé de Chanvalon, nommé à l'archevesché de Rouen, ayant esté declaré deputté pour les Estatz Generaux, a presté le serment devant le balif de Rouen, soubtenant que les evesques ne doibvent prester le serment que dans l'assemblée des Estatz; lesquelz la Reyne s'opiniastre fort de faire tenir à Tours, où touttes les lettres de convocation les indisent au 8 de septembre, et le Roy promet de s'y rendre mesmes ce jour là; et au contraire, M. le duc d'Orleans et M. le Prince continuent à demander, avec la noblesse, qui [qu'ilz] se tiennent dans Paris, qu'ilz ne veulent point quitter du tout.

Le mareschal d'Hocquincourt arriva icy au commencement de la semaine passée et feut escorté par 3 ou 400 chevaux, qui ont logés 7 ou 8 jours aux environs de Paris, pendant lequel temps le bruit a couru que ce mareschal n'estoit venu que pour concerter les moyens de la sortie du Roy, qu'on avoit parlé de faire aller à l'armée pour y obliger les officiers d'habandonner entierement le party des princes; que Leurs M. devoint secourrir à Peronne jusques à la Majorité, qui arrivera le 5 septembre; à quoy l'on adjoustoit mesmes que le cardinal Mazarin y devoit venir; mais au Palais Royal on dit que ce sont des faux bruitz. Cepandant une partie des officiers de l'armée ont fait serment de n'obeir point à d'autre chef qu'au mareschal d'Aumont, lequel a fait sa brigue pour cela dans armée, dès qu'il a sceu que M. le Prince avoit proposé de la diviser en deux corps.

Le proces ayant esté fait aux soldatz qui avoint esté de l'intelligence qui s'estoit faitte pour surprendre Le Havre, l'on en a condemné et executté 8: sçavoir, un caporal qui a esté roué tout vif, 4 soldatz pendus, et 3 condemnés aux galleres. Le valet de chambre qui avoit esté à M. de Bar y est encor prisonnier, sa condennation ayant esté differée.

Neamoings il y a encor asses bon nombre d'officiers aupres desquelz le mareschal d'Aumont n'a point de creance, et cette division a causé un accident fort fascheux, en ce qu'il a voulu deffendre à toutte l'armée, qui est encor postée à Arleux, de faire aucun party pour aller à la petite guerre et de sortir du camp sur peyne de la vie. Les officiers qui ne luy avoint pas presté serment, voyant que cette deffense duroit longtemps, ont concerté entre eux d'aller à la petite guerre, nonobstant la deffense, disant pour leur raison qu'il ne pouvoit se tenir sans rien faire et qu'on ne pouvoit pas trouver à redire qu'ilz incommodassent les ennemis estant dans /456v/ leur pays. Pour cest effect l'infanterie feut la premiere à eslire un de ses officiers pour commander dans un party qu'elle avoit resolu de faire pour la petite guerre. Ensuitte, la cavalerie a esleu aussy un des siens, dont ce mareschal ayant esté averty, envoya querir l'officier que l'infanterie avoit esleu et demanda s'il estoit resolu d'executter la commission qu'on luy avoit donnée contre ses ordres; à quoy il respondit, apres avoir desduit quelques raisons, que puisque ses [c]amarades luy avoint fait l'honneur de la luy donner, qu'il ne pouvoit pas la refuser; ce qui mit ce mareschal en si grand colere qu'il le tua de sa main, sur le champ, d'ung coup de pistollet, et ensuitte accourut au quartier de la cavalerie pour en faire autant à celuy cy; lesquelz ayant sceu la mort de l'autre, feurent porter le pistollet à la gorge du Mareschal, le menaceant de le tuer s'il osoit touscher celuy qu'ilz avoit nommé, et l'obligerent de donner parolle de ne le point rechercher pour cela; mais cette nouvelle est contreditte pas [par] plusieurs, et un courrier arrivé aujourd'huy n'en parle point.

Il y a advis de Poictou que le comte d'Augnon ayant longtemps recherché l'amitié de Mlle de Dampierre, soeur du marquis de ce nom, qui est fort belle fille mais non pas riche, a tant fait qu'apres luy avoir fait une promesse de mariage, elle luy a permis de coucher avec elle, en sorte que peu apres se trouvant grosse, elle a esté contraint de dire ce secret à ses parans; lesquelz s'estant assemblés sur ce subject chez elle et ayant resolu de la luy faire espouser par force, ont trouvé moyen de le faire venir au logis de cette damoiselle, luy ayant fait sçavoir qu'elle estoit fort mallade. Ce comte estant arrivé ches elle et l'ayant trouvé fort parée et adjustée, luy eut dit et declaré qu'il falloit qu'il espousat devant que sortir de là ou qu'il y mourut, et qu'ilz estoint resolu à ce desseing plustost que de souffir q'ung tel affront feut fait à leur Maison. Ilz avoint un notaire et un prebtre qui attendoint la ceremonie et qui la firent aussytost, ce comte ayant esté contraint d'espouser cette demoiselle apres avoir signé le contrat de mariage, qui feut aussy signé par 7 ou 8 des principaux de sa suitte, qui prirent la qualité des ses amis.

L'on imprime presentement un ouvrage qu'on a fait faire au Roy intitulé, La Traduction des commentaires de Cesar, fait par Louys 14 Dieudonné.

M. de Beaufort ayant sceu, la semaine passée, le mariage de M. de Mercoeur par la bouche de M. de Verderonne, en feut si outré qu'il ne s'en peut consoller. Il envoya icy, le 6 du courant, un gentilhomme pour solliciter de sa part MM. du Parlement de casser ce mariage.

Le 7 du courant, à 6 heures du matin, des domestiques de M. le Prince menerent au palais d'Orleans un nommé Mettayer, valet de chambre du cardinal Mazarin, lequel ilz avoint arresté au Louvre en Parisis et luy avoint trouvé une lettre escritte en chiffre. Il feut interrogé dans le Palais par M. Meusnier, conseiller de la Grande Chambre, qui luy demanda qu'il [qui il] estoit. Il dit son nom, qu'il estoit natif d'Anjou, qu'il avoit servy 3 ans le cardinal Mazarin en qualité de valet de chambre, et qu'il n'estoit /457/ plus à luy mais bien au Roy en la mesme qualité; qu'il avoit esté pris à 4 lieues d'icy par des gens de M. le Prince, et qu'ayant creu qu'ilz le vouloint voler, il l'auroit [il auroit] laissé tomber sa bourse, dans laquelle il y avoit 60 pistolles; qu'ilz luy auroint retenues en luy disant, apres l'avoir fait marcher 20 pas, qu'ilz n'avoint peu la trouver; qu'il n'alloit point trouver le cardinal Mazarin, mais qu'il alloit à Bruxelles pour traitter avec un domestique du prince de Chimay de quelques biens qu'il a en Anjou; que pour y aller en plus grande seurté, il attendoit au Louvre en Parisis un des gens de M. de Navailles, pour aller passer avec luy à Bapaume, où il auroit pris escorte; et que veritablement il estoit chargé d'une lettre escritte en chiffre, mais qu'il n'en sçavoit pas le contenu, et qu'elle luy avoit esté donné par le chevalier Pol, qui l'avoit chargé de la rendre à un de ses amis à Bruxelles, lequel luy descouvriroit fort bien le desseing des Espagnolz.

M. de Mercoeur ayant promis, la semaine passée, au greffier Guyet de se trouver à l'assemblée du Parlement, y arriva le 7 du courant dès 6 heures du matin, accompagné d'une vingtaine de ses amis pour le deffendre en cas d'insulte du peuple. M. le duc d'Orleans s'y trouva 2 heures apres avec M. le Prince; et les sceances estant prises, l'on commencea à demander à M. de Mercoeur s'il estoit vray qu'il feut marié et qu'il feut allé trouver le cardinal Mazarin; à quoy il respondit qu'il n'avoit rien fait contre les arrestz du Parlement. Il dit que quant bien il seroit marié, on ne pouvoit pas y trouver à redire, et que s'il estoit, ç'avoit esté devant les arrestz donnés contre le cardinal Mazarin. On contesta encor beaucoup avec luy sans le pouvoir obliger à s'ouvrir d'avantage, n'ayant voulu faire que des responses ambigues à touttes les objections qu'on luy faisoit sur ces contestations. L'assemblée voyant qu'elle ne pouvoit tirer de luy rien de positif, deslibera sur ce subject; et sur l'advis de M. de Champrond, qui feut suivy de 117 voix, il feut arresté et ordonné que M. de Mercoeur respondroit cathegoriquement s'il estoit vray qu'il feut marié, et en quel temps, et si c'estoit du consentement du Roy, de la Reyne, de M. le duc d'Orleans, et de M. le Prince; s'il avoit fait le voyage de Cologne, et ce qu'il y avoit fait; apres quoy le Premier President l'ayant derechef interrogé sur tous ces chefz, il voulu encor biaiser dans les responses, ce qu'il [qui] feut cause d'ung grand murmure qui se leva contre luy, en sorte qu'il feut obigé de dire tout haut qu'on ne l'interrompit point et qu'il respondroit. Ce murmure ayant cessé, il declara qu'il estoit vray qu'il estoit marié, que ç'avoit esté 8 jours devant le despart du cardinal Mazarin, que son contrat de mariage estoit signé par le Roy et la Reyne, et par ses parans, et fait en bonne forme, que M. le duc d'Orleans mesmes en avoit esté le promoteur et luy en avoit parlé avant qu'il eut songé à Mlle Manciny; à quoy S.A.R. respondit que veritablement, pendant la guerre de Paris la Reyne l'en avoit fait prier par l'abbé de la Riviere, et par le mareschal /457v/ d'Estrés, de proposer ce mariage et d'y consentir, et qu'elle ne voulut pas alors desobliger Sa M., qui le souhaittoit; qu'on luy en parla derechef au dernier voyage que la Cour fit à Compiegne, et qu'il ne s'en esloigna pas encor, mais qu'au retour du voyage de Bourdeaux, le cardinal Mazarin luy en ayant parlé, elle retira sa parolle et n'y voulu point consentir, ayant cognu la mauvaise conduitte et la decadence des affaires de ce cardinal; et que mesmes elle en parla ensuite à M. de Vendosme et à M. de Beaufort qu'elle n'aprouvoit ce mariage; et que despuis elle n'avoit point ouy parler; à quoy M. le Prince adjousta qu'il feroit veoir, le lendemain, à la Compagnie par une lettre escritte de la main du cardinal Mazarin, que S.A.R. n'avoit pas consenty à ce mariage. Quant au voyage de Cologne, M. de Mercoeur le nia absoluement et soubtient qu'il n'estoit point sorty de France; et apres plusieurs contestations, l'on remit au lendemain la desliberation qu'on avoit à faire là dessus; et en l'interrogatoire qu'on avoit fait à Metayer au palais d'Orleans, le Premier President ayant dit qu'on trouvoit fort estrange au Palais Royal que M. le Prince eut fait arrester de son authorité privée et mener à Paris un officier du roy, ce prince repartit qu'ayant aprit q'ung homme qu'on ne cognoit que pour estre au cardinal Mazarin avoit un passeport et qu'il alloit trouver son maistre, il en avoit donné advis à S.A.R., qui avoit trouvé à propos qu'on l'arresta, comme elle a dit qu'il estoit vray et que c'estoit par son ordre qu'on l'avoit arresté; à quoy l'on ne trouva plus à redire, et il feut ordonné que Mettayer seroit mis dans la Conciergerie, apres quoy l'assemblée se separa; et à la sortie l'on cria dans la salle du Palais, "Point de Mazarin! Point de rasse de Mazarin!" M. de Mercoeur sortit par derriere la Grand' Chambre et par le logis de M. le Premier President, et Mettayer ne feut mené à la Conciergerie qu'à 9 heures du soir.

Le 8, du matin, M. le duc d'Orleans et M. le Prince s'estantz trouvés au Parlement, le Premier President dit qu'il s'estonnoit fort de ce que les depputtés qui avoint esté nommé pour travailler ches luy à la declaration contre le cardinal Mazarin, n'avoint point songé d'en faire aucung project, et que cela l'avoit obligé d'en faire un, duquel la Compagnie trouva bon qu'on fit lecture, pendant laquelle on changea quelques termes. Apres qu'elle feut achevée, S.A.R. dit qu'elle la trouvoit fort bien prise, mais qu'elle seroit d'advis d'y speciffier en substance quelq'ungs des principaux crimes du cardinal Mazarin, desquelz elle en fit remarquer 4 qu'elle jugeoit à propos d'y incerer, sçavoir: le premier, la rupture de la paix, qui estoit notoire à tout le monde; 2, le siege de Cambray, qu'il avoit faict faire sans en parler au Conseil à cause qu'il le faisoit par intelligence avec l'Archiduc pour luy donner moyen de se rendre maistre dans cette place sur pretexte d'y jetter du secours; 3, le voyage de Bourdeaux qu'il fit faire au Roy dans une saison malsaine au temps de la canicule, sans autre interest que l'ambition de faire, par ce moyen, le mariage /458/ de sa seconde niepce avec M. de Candale, ayant preferé ses interestz à ceux de l'Estat, en laissant venir les ennemis aux portes de Paris sans avoir laissé ny hommes ny argent à l'Espargne pour deffendre la capitale du royaume; 4, la prison de MM. les princes sans crimes, et la traduction du Bois de Vincennes au Havre, lieu si malsain que M. le prince de Conty y avoit tousjours esté malade; à quoy elle adjousta qu'elle avoit encor deux choses plus considerables que tout cela à dire à la Compagnie, lesquelles elle reservoit pour la premiere assemblée. L'advis de S.A.R. feut aussytost approuvé, et il feut arresté que les deputtés retourneroint l'apresdisnée ches le Premier President pour dresser la declaration suivant le sens de S.A.R. Ensuitte l'on deslibera sur le mariage de M. de Mercoeur, qui ne se trouva pas à l'assemblée ce jour là, et il feut arresté que celuy cy mettroit dans 3 jours entre les mains de MM. les Gens du roy tous les actes concernantz ce mariage avec la Mancini, pour estre communiqués à M. de Vendosme; que les arrestz donnés contre le cardinal Mazarin et ses parens et domestiques seront executtés à l'esgard d'elle, et deffenses à elle d'entrer dans le rouyaume, et faisant injonction d'en sortir si elle y est (comme l'on veut qu'elle soit dans Paris). Apres cela on se leva, et l'assemblée feut remise à demain. L'on remarqua que le Premier President ayant traitté la Mancini de "damoiselle" en prononceant l'arrest, M. le duc d'Orleans commanda au greffier de ne traitter point la Mancini de "damoiselle."

Le mesme jour 8, au soir, Mme d'Aigullion feut au palais d'Orleans avec M. de Chavigny et le president Le Bailleul pour prier S.A.R. de se vouloir entremettre pour accommoder M. le Prince avec cette dame. Les propositions en ayant esté faittes à M. le Prince, il respondit qu'il souhaittoit q'elle aprouvat le mariage du duc de Richelieu et qu'en ce cas qu'il mettroit en arbitrage volontiers tous les autres differentz qu'il avoit avec elle; mais elle ne veut point ouyr parler de ce mariage. Mme la Princesse est arrivé à Monront et Mme de Longueville est demeurée à Bourges. M. le Prince n'est point retourné au Palais Royal despuis le 3 du courant.

Le mesme jour 8, M. Tuboeuf traitta fort magnifiquement le Roy et la Reyne en sa maison d'Issy, d'où Sa M. ne revient qu'à minuict.

Le courrier de Provence qui estoit venu en Cour pour demander un nouveau gouverneur, s'en est retourné avec la response de la Reyne qu'elle ne changeroit point le duc d'Angoulesme.

Un grand desordre arriva hier en cette ville dans l'hostel de St Chaumont, /458v/ qui feut pillé. Ce desordre vient de ce que la marquise de Verveins, qui y demeure, ayant extraordinairement maltraitté une fille qui estoit à son service, en luy voulant faire des violence, cette fille ce [se] precepitta [à] 7 heures du matin d'une fenestre d'une seconde chambre en bas, où quel[que] bourgeois qui avoint pitié d'elle luy mirent de la paille et luy tendirent des manteaux, en sort qu'elle se fit fort peu de mal et feut menée ches un commissaire, où elle est encor. Elle declara que cette marquise avoit fait venir quantité de filles de ses terres, qui sont la pluspart en Turasche [Thierache], et leur a fait mille violences diverses, jusques à les faire mourir cruellement, et qu'elle en a fait enterrer plus de 30 en la cave de son logis et fait jetter deux dans le puys. Plusieurs croyent que cette marquise est sorciere, d'autres disent qu'elle prostitue ces filles; mais on n'a pas encor bien esclairsy le fondz de cette affaire, et tout ce qu'on en veoit de certain qu'elle a d'extravagance et de cruautté; dont cette fille ayant raconté quelques exemples, le peuple s'attrouppa en grand nombre devant cest hostel, cassa les vitres, et mit en pieces quelques carrosses, enmena les chevaux, et pilla tous le bas; à quoy les bourgeois et autres personnes ayant voulu s'opposer, il y en a eut 4 ou 5 de tués. Le mareschal de l'Hospital, le Prevost des Marchandz, et le Lieutenant Civil y accoureurent sans y pouvoir mettre remede, jusques à ce que M. de Lamoignon, cappitaine du quartier, ayant fait prendre les armes aux bourgeois, y alla et s'en rendit maistre; mais cette marquise s'estoit sauvée auparavant par une porte de derriere.

M. le duc d'Orleans disna hier avec le Roy au Palais Royal dans l'appartement du duc d'Amville, où l'on remarqua que Sa M. fit des caresses extraordinaires à S.A.R.

On eut hier avis de Lorraine que le mareschal de Seneterre a fort avancé le siege de Chastel sur Moselle, où le regiment de Navarre a esté fort maltraitté.

On croit que le changement du Conseil est sur le point d'estre fait, d'autant plus que M. de Chasteauneuf eut hier, à 10 heures du soir, une conference particuliere sur ce subject avec M. le duc d'Orleans.

/460/ De Paris le 18 aoust 1651

Il y a 10 ou 12 pretendantz à l'evesché de Poictiers. Le cardinal Grimaldy l'a demandé, offrant de se demettre par ce moyen de touttes les pretensions sur l'archevesché d'Aix, duquel le Pape ne luy a jamais voulu donner les bulles à cause que le cardinal de Ste Cecille estoit mort dans Rome, il en veut disposer pleinement. La Reyne luy a respondu qu'elle l'avoit promis au cardinal Anthoine Barbarin, et l'on croit que celuy cy l'emportera, d'autant plus que M. le duc d'Orleans et M. le Prince l'ont agreé lors qu'il leur a fait representer qu'il ne la demandoit que pour se pouvoir exempter de retourner à Rome en cas qu'il soit cité par ce pontificat.

Le 9 du courant Madame eut une conference particuliere de deux heures avec la Reyne sur l'affaire du changement du Conseil, en suitte de laquelle, le x au soir, M. le duc d'Orleans ayant rencontré M. le Prince au Cours, ilz entrerent ensemble aux Thuilleries ches Renard, où S.A.R. luy dit qu'elle jugeoit à propos d'adoucir les affaires et de donner quelque satisfaction à la Reyne, et q'ung des moyens de douceur estoit de mettre M. de Chasteauneuf dans le Conseil, et qu'elle le prioit de le trouver bon; à quoy M. le Prince respondit qu'apres la protection que S.A.R. luy avoit accordée et la confiance qu'il avoit eu d'elle, il s'estonnoit de ce qu'elle l'abandonnoit de la sorte en mettant dans le Conseil le plus grand ennemy qu'il eut au monde, que la Reyne l'avoit traitté bien plus doucement, ayant esloigné MM. Servien, Le Tellier, et Lyonne à sa consideration, et qu'enfin il luy seroit bien moings avantageux que ces 3 derniers feussent encor dans le Conseil, qu'il supplioit S.A.R. de faire reflexion là dessus; et apres quelques contestations ilz se separerent; et S.A.R. estant allé au Palais Royal, y confera à 10 heures du soir avec M. de Chasteauneuf sur ce subject, pour tascher de l'accommoder avec M. le Prince, qui vouloit avoir part à son restablissement; mais M. de Chasteauneuf ne luy en vouloit point avoir aucune obligation, et quoy que M. de Croysy Fouquet aye esté 2 ou 3 fois à Montrouge pour l'y persuader, il n'a jamais voulu faire autre reponse, sinon que la Reyne ayant souhaitté qu'il revient dans le ministere, il n'en vouloit avoir autre obligation qu'à elle. Despuis, M. le Coadjuteur a eut de fort longues conferences là dessus avec S.A.R. sans avoir peu achever cette affaire, parce que M. le Prince a tousjours continué ses effortz aupres de Sadite A. pour l'empescher.

Le xi du courant M. de Vendosme arriva icy et feut veoir M. le duc d'Orleans, entre les mains duquel il mit tous ses interestz touchant le mariage de M. de Mercoeur, et l'asseura qu'il feroit tout ce que S.A.R. desireroit en cette affaire.

Le 12 au matin le Parlement s'assembla. S.A.R. et M. le Prince ne s'y trouverent pas. On n'y parla que de la mauvaise administration des finances, et l'on reprocha au Surintendant, qui y estoit present, que M. de Chasteauneuf avoit fait encherir de 600 mille livres la ferme des entrées de Paris, et que cepandant, despuis que celuy cy n'estoit plus dans le Conseil, il avoit donné aux fermiers desdites entrées une remise de 750 mille livres, qui tomboint en pure perte au /460v/ Roy. Il se deffendit le mieux qu'il peut, ayant dit que les fermiers ne pouvoint pas emprunter de l'argent pour faire des avances si on ne leur fait quelques remises. L'on passa plus avant dans cette matiere, et l'on commencea d'y desliberer; mais on n'acheva pas, et l'assemblée feut remise à jeudy prochain, auquel jour S.A.R. et M. le Prince s'y trouverent pour desliberer sur le mariage de M. de Mercoeur.

L'apresdisnée du mesme jour M. le duc d'Orleans estant allé au Palais Royal, fit declaration à la Reyne que si elle ne faisoit tenir les Estatz Generaux dans Paris, il seroit obligé de faire tous ses effortz, avec M. le Prince et la noblesse, pour les y faire assembler, parce que personne ne se trouveroit en liberté de suffrage à Tours ny allieurs. Sa M. dit qu'elle les avoit convoqué à Tours et qu'elle ne souffriroit pas qu'ilz ce [se] tiensent dans Paris; et apres quelques parolles qu'il y eut là dessus, il en sortit mal satisfait. Ensuitte Sa M. luy envoya raison de 3 choses sur lesquelle elle le pria de luy rendre une response presise. La premiere estoit s'il aprouvoit que les trouppes de M. le Prince n'allassent point joindre l'armée et obeir au mareschal d'Aumont; la 2, s'il aprouvoit que M. le Prince eut fait entrer 800 Espagnolz dans Stenay; et la 3, s'il aprouvoit que M. de Boutteville fit fortiffier Bellegarde sans aucung ordre du Roy, offrant à S.A.R. qu'en cas qu'elle voulu luy faire faire raison sur ces 3 chefz, d'approuver generallement tout ce qu'elle jugeroit à propos, tant pour le changement du Conseil que pour la tenue des Estatz Generaux, et mesmes d'abandonner entierement les interests du cardinal Mazarin. On dit que ce feut M. le Coadjuteur qui fit ces 3 propositions à S.A.R., qui a pris le temps pour y respondre, jusques à ce qu'elle se seroit esclairsie de la verité des deux dernieres; et despuis, elle a eu des fort longues conferences avec M. le Prince. Pour revenir à ces 3 propositions, vous scaves que la premiere est certain, la 3e est aussy, et voicy ce qu'il y a de la seconde. Les 400 Espagnolz que Mme de Longueville et M. de Turenne avoint fait entrer dans la ville de Stenay pendant la detention de MM. les princes ne sont pas encor sortis. Leurs chefs ont faict des recreues, en sorte que leur nombre est augmenté jusques à 800, qui sont entrés dans la ville. La garnison de la citadelle dit qu'elle ne s'en est point aperceue, et M. le Prince dit qu'il n'a aucune part à cette action et qu'on ne peut pas aussy chasser les Espagnolz de là, jusques à ce que le temps porté par le traitté que M. de Turenne a faict avec eux soit expiré.

Le soir du mesme jour S.A.R. resolut d'aller le lendemain à Limours pour en revenir demain au soir, mais un mal de dens le surprint la nuict et luy a empesché ce voyage.

Le 13 on eut advis que Mme de Servien estoit malade à l'extremitté en son comté de La Roche Aubiert en Anjou. On dit que c'est de desplaisir de la disgrace de son mary. M. de Lyonne est encor à 7 ou 8 lieues d'icy à cause des couches de sa femme, et M. Le Tellier à Chaville, d'où il vient quelquefois à Paris incognito, et il ce [se] parle de le restablir.

Le mesme jour M. le Prince ayant esté averty que le mareschal d'Hocqincourt, qui estoit party d'icy le xi pour s'en retourner, avoit emporté ordre du Roy de detacher 4 mille chevaux de l'armée pour aller charger les trouppes de M. le Prince à Marle en cas qu'elles ne /461/ vouleussent pas joindre le mareschal d'Aumont; et apres avoir esté sommés derechef, envoya d'abord le comte de Colligny à Marle pour avertir les chefs de se tenir sur leurs gardes et de s'avancer du costé de Stenay pour s'y refugier en cas de besoing. Le bruit a couru que M. d'Hocquincourt a ramené la Mancini à Peronne, mais quelques avis de Champagne portent qu'elle est à Sedan.

L'affaire de la marquise de Verveins n'est q'une extravagance, et il ne s'est pas trouvé qu'elle eut fait enterrer personne dans sa cave, comme disoit la servante qui se precipitta la semaine passée d'une fenestre en bas.

Le 15 à midy la Reyne ayant envoyé prier M. le duc d'Orleans d'aller au Conseil l'apresdisnée, il s'en excusa sur son indisposition; et le soir on remarqua que S.A.R. s'estant allé promener au Cours, y rencontra Sa M., qui l'ayant prié d'entrer dans son carrosse où le Roy estoit aussy, Sadite A. s'en excusa d'abord; mais elle en feut tant pressée qu'elle y entra et conduisit Leurs M. au Palais Royal, où elle prit congé sur l'escalier sans vouloir monter, disant qu'elle se trouvoit mal. M. de Beaufort revient hier d'Anet.

La semaine passée on accorda la neutralité à la ville de Neufchastel [Neufchâteau] en Lorraine en faveur de la princesse de Phalsebourg, qui y va demeurer; mais la garnison y doit encor demeurer un mois pour se faire payer des contributions qui luy sont deues avant que sortir. Il n'y a point encor nouvelles que le mareschal de Seneterre aye prit Chasti [Châtel] sur Moselle. L'armée du mareschal d'Aumont ne fait rien; elle est tousjours à Arleux.

Le mareschal d'Hocquincourt revient hier au soir et est allé ce matin asseurer S.A.R. qu'il n'avoit emporté aucung ordre contre les trouppes de M. le Prince.

On escrit de Bruxelles du 12 que la peste y est en plus de 20 maisons, et qu'à cause de cela l'Archiduc en devoit sortir au premier jour; que son armée estoit de 14 mille hommes campée entre Valentiennes et St Amant; que 4 vaisseaux hollandois avoint desbarqué à Ostende 2000 Napolitains qu'on mettoit dans les garnisons; et qu'il y avoit avis que l'armée du duc de Neubourg avoit defait celle de l'eslecteur de Brandebourg.

Il n'est pas vray que Mme de Servien soit morte, mais elle a esté malade à l'extremitté.

Le 15 du courant, au matin, aussytost que S.A.R. eut fait ses devotions, le mareschal de Villeroy et ensuitte M. le Chancellier et quelques autres l'allerent prier d'aller au Palais Royal, ce qu'elle fit le soir du mesme jour; mais elle y feut peu de temps et n'y parla point d'affaires

Le 16 Mme de Turenne arriva icy et feut veoir la Reyne, qui luy fit donner le tabouret, non comme mareschalle mais comme princesse estrangere, qui est la qualité que son mary prent, mesprisant celle de mareschal de France.

Le mesme jour le Roy commanda luy mesmes à ses gendarmes de se trouver à Orleans le premier de septembre pour l'accompagner aux Estatz Generaux à Tours; neamoings /461v/ M. le duc d'Orleans s'opiniastre encor pour les faire tenir dans Paris, et l'on remarque qu'il a mandé toutte la compagnie de ses gardes.

Hier au matin le Parlement estant assemblé et M. le Prince s'y estant trouvé, l'on continua la desliberation qui avoit esté commencée dans la precedente assemblée touchant la remise de 750 mille livres faitte aux fermiers des entrées par le Surintendant des Finances; mais peu apres qu'on eut commencé, M. Saintot, maistre des ceremonies, y arriva et porta ordre au Parlement d'aller trouver Leurs M. La deputation ce [se] fit aussytost pour aller au Palais Royal, où M. le duc d'Orleans, qui sçavoit dès avant hier ce qu'on y devoit faire, s'y trouva à xi heures, n'ayant pas esté au Parlement à cause qu'il sçavoit bien que l'assemblée y seroit rompue. Avant que MM. les deputtés y feussent arrivés, S.A.R. leut un escrit ou memoire que la Reyne avoit fait dresser contenant un desnombrement de touttes les actions qu'on peut avoir pour suspectes dans la conduitte presente de M. le Prince; et l'on remarqua que Sadite A. print une plume et effaça de sa main deux articles de ce memoire (sçavoir, la surprise qu'on a voulu faire au Havre, et les placardz affichés dans Paris), apres avoir remonstré à la Reyne que l'on ne pouvoit pas justement accuser M. le Prince de la surprise du Havre puisque les complices qu'on y a executté ne l'ont pas accusé, ny des placardz puisqu'il n'y a aucune preuve contre luy. Pour le reste, S.A.R. n'y toucha point; et ensuitte MM. du Parlement y estant arrivés, M. de Brienne leur leut ce memoire en presence de Leurs M. et de S.A.R.. Je ne refait point recit de ce qu'il contient, parce qu'il est imprimé. M. le prince de Conty y estoit present, et apres que lecture en feut faitte, il dit en presence des depputtés que son frere se justiffieroit bien aysement de touttes ces accusations, et le memoire feut mis entre les mains du Premier President, signé par M. du Plessis Guenegaud, secretaire d'Estat.

L'apresdisnée, S.A.R. se trouva encore au Palais Royal, et en sa presence le mesme escrit feut leu à la Chambre des comptes et à la Cour des aydes, qui y allerent l'une apres l'autre; et ensuitte [à] MM. de l'Hostel de Ville et aux six corps des marchandz, toutes ces compagnies ayant esté mandées aussy bien que le Parlement; et on leur donna aussy une copie à chascune, comme l'on a fait au Grand Conseil, qui n'y est allé que ce matin.

Le soir, S.A.R. estant de retour au palais d'Orleans, M. le Prince y alla avec MM. de Beaufort, de Nemours, et le president Violle, et il y feut tenu une secrette conference de deux heures sans qu'on n'aye peu penettrer s'ilz y ont resolu quelque chose; mais on a remarqué que S.A.R. ne prent point de party dans cette division, afin d'en demeurer mediatrice. Elle est neamoings dans une grande inquietude de ne pouvoir pas trouver moyen de faire cesser les deffiances qui sont entre la Reyne et M. le Prince.

/462/ Le changement du Conseil est remis à la Majoritté. MM. de Chasteauneuf, le Premier President, et le Coadjuteur ne laissent pas de conseiller la Reyne. L'on asseure que c'est pour leur conseil qu'elle manda hier le Parlement, et que le dernier a dressé l'escrit contre M. le Prince. On asseure encor qu'à leur persuasion Sa M. s'est entierement detaschée des interestz du cardinal Mazarin, et que mesmes elle luy a envoyé ordre de partir de Broel [Brühl] et de s'en aller par l'Allemagne en Italie, les ungs veulent à Turin, les autres à Modene.

Ce matin le Parlement ayant continué l'assemblée, M. le Prince s'y est trouvé et a dit qu'il estoit venu là pour se justiffier de tout le contenu en l'escrit fait contre luy et donné hier à la Compagnie au Palais Royal; mais qu'il souhaittoit de le faire en presence de M. le duc d'Orleans, qui estoit tesmoing de sa conduitte et qui avoit cognoissance de la sinceritté de ses intentions, et qui [qu'il] prioit l'assemblée de vouloir depputter à S.A.R. pour la supplier de vouloir prendre sa place; sur quoy on luy a deputté MM. Doujat et Menardeau, auxquelz elle a respondu qu'elle estoit bien marrie de ce que son indisposition l'empescheut d'y aller aujourd'huy, mais que si elle se portoit mieux ce soir, elle envoyeroit avertir la Compagnie qu'elle s'y trouveroit demain. Cepandant on a achevé la desliberation de la ferme des entrées de Paris, et il a esté arresté que l'on nommeroit des commissaires pour ouyr les parties. L'on a remarqué en passant qu'il n'y avoit, dans toutte nostre histoire, que deux autres exemples de semblables escritz envoyés au Parlement, dont deux esclesiastiques ont esté les autheurs: le premier, en 1562, contre le prince de Condé, bisayeul de celuy d'à present, qui estoit chef des Huguenotz, fait par le cardinal de Lorraine; et le 2, en 1617, contre les princes dans Soissons, fait par le cardinal de Richelieu, qui estoit alors evesque de Luçon et secretaire d'Estat; sur lesquelz 2 escritz le Parlement ne voulu point desliberer parce qu'ilz estoint informes et que l'on ne sçavoit quel nom on leur devoit donner. Pendant l'assemblée, un nommé Rigaud, commissaire de la marine et serviteur du cardinal Mazarin, s'estant passionné dans la salle du Palais à parler en faveur de son maistre, et ayant mesmes dit tout haut que M. le Prince estoit la cause de tous ces desordres que nous voyons à present, et qu'il le faudroit jetter dans la riviere avec une pierre au col, y a esté fort maltraitté et ensuitte mené en prison dans la Conciergerie avec un de ses compagnons.

/464/ De Paris le 25 aoust 1651

Le 18 du courant un courrier envoyé par la deputation de Catalougne arriva icy et porta nouvelles du 6 du courant que l'armée espagnolle s'estoit avancée jusques à un quart de lieue pres de Barcelonne; que M. de Marchin estoit campé avec 4 mille fantassins et 1000 chevaux soubz les murailles de la ville pour la deffendre; qu'il n'y avoit plus de peste du tout, et que le comte d'Isle tenoit tousjours la campagne avec sa cavalerie; que le marquis de Mortare, qui commande l'armée d'Espagne, ayant fait publier une amnistie generalle à toutte la Catalougne sans aucune exception, le Conseil de Cent avoit envoyé par toutte la province des personnes affectionnés à la France pour exhorter le peuple à prendre les armes et ne se fier point à cette amnistie, leur representant la tirannie et la cruauté avec laquelle les Napolitains ont esté traittés; que le Conseil de Cent ayant desliberé sur la demande d'ung viceroy, avoit resolu de demander M. de Marchin, sans dire pro interin, et c'est pour ce subject qu'ilz ont envoyé ce courrier; et qu'on y avoit remarqué que dans cette desliberation Don Joseph Marguerit avoit voulu traverser cette eslection, disant que, par leur traitté avec le feu Roy, il feut arresté qu'on ne leur donneroit q'ung François pour viceroy, et que M. de Marchin estoit estranger, ne pouvant pas avoir cette dignitté; à quoy il luy feut respondu qu'on avoit bien receu le cardinal de Ste Cecille, et qu'on avoit eu le loisir de prouver l'affection de M. de Marchin par les grandz services qu'il avoit rendu à la province. Ainsy l'affaire passat en sa faveur, et l'ambassadeur de Catalougne la poursuit icy, afin de s'en retourner aussytost que le different de M. le Prince sera accommodé. Le mesme jour que ce courrier arriva icy, le president de Maisons envoya par la poste une lettre de change de 50 mille livres à Narbonne pour estre deslivré à M. de Marchin, auquel il promet d'en envoyer autant à la fin de ce mois. Despuis il y a eu advis de ce pays là que les ennemis avoint pris à composition le petit fort du Cap del Rio, scitué à une lieue et demy de Barcelonne; que M. de Marchin avoit fait entrer dans ladite ville 4000 fantassins et 500 chevaux françois, avec 800 Suisses; que son regiment d'infanterie y estoit arrivé fort de 750 hommes; que quelques compagnies de soldatz françois ayant saccagé St André [San Andres del Palomar] et autres villages des environs de Barcelonne, M. de Marchin en avoit fait passer 15 par les armes pour satisfaire aux grandes plaintes que les paysans en faisoint; et que le regiment de cavalerie de Baltazard avoit esté maltraitté par les ennemis dans une ambuscade où il s'estoit engagé. Il en est despuis arrivé un autre courrier du mesme pays qui porte nouvelles que, le xi du courant, les ennemis avoint attaqué le fort de Monjuif [Montjuich], scitué à une portée de mousquet de Barcelonne, mais qu'ilz avoint esté vivement repoussés, avec beaucoup de perte, par 1500 hommes que M. de Marchin y avoit jetté; et qu'ilz s'estoint retirés ensuitte. Il y a eu aussy quelq'ung des nostres qui feurent tués, entre autres le sieur Du Lac, quartier maistre general de la cavalerie, qui avoit achepté le regiment de Chaque, lequel ce courrier est venu demander pour M. de Marot, ledit mareschal de camp, qui l'a obtenu.

/464v/ Le 19 on eut advis que les Estatz du Pays Chartrain estant assemblés à Chartres pour depputer aux Estatz Generaux, les lieutenantz general, particulier, et criminel, prirent leurs places les premiers. La noblesse estant venue ensuitte, et pretendant avoir sceance devant eux, les tira par force de leurs places, ce qui les obligea de crier aux armes. Aussytost le peuple s'atrouppa et vint avec des armes à feu donner sur cette noblesse, dont il en eut 4 de tués et 15 de blessés; et l'on en mit 3 autres prisonniers, mais ilz feurent deslivrés le lendemain. Aussytost il y eut icy des plaintes de part et d'autres faittes à M. le duc d'Orleans, lequel ordonna là dessus, le 22, que l'assemblée qui ce [se] doit faire pour l'eslection des depputtés qui assisteront aux Estatz Generaux ce [se] tiendront à Boneu, où assistera pour ses [ces] 3 lieutenantz un maistre des requestes qu'on y envoyera, lequel ira ensuitte à Chartres pour informer de ce qui s'est passé dans ce different.

M. le Prince ayant supplié derechef M. le duc d'Orleans, le 18 au soir, de luy vouloir ayder à se justiffier au Parlement contre les accusations contenues aux escritz de la Reyne, en rendant tesmoignage de ce qu'il sçavoit de sa conduitte, obtient enfin apres plusieurs instances une declaration que S.A.R. promit luy envoyer sur ce subject au Parlement, ce qu'elle fit le lendemain au matin; et dans cette asseurance M. le Prince se trouva au Parlement, où il se justiffia par escrit. Sa justiffication est imprimée, aussy bien que la declaration de S.A.R., et il suffit d'en remarquer seulement un circonstance: il y eut quelques parolles entre M. le Prince et M. le Coadjuteur sur ce que le premier, se justiffiant de ce qui luy est imputté dans l'escrit de la Reyne d'avoir poursuivy avec ardeur le dernier changement fait dans le Conseil, dit qu'il n'y avoit d'autre part que l'obstacle qu'il apporta à la proposition, qui feut alors faitte par MM. de Montresor et le Coadjuteur, de faire prendre les armes à la ville de Paris, d'oster de force les sceaux de M. le Premier President, et d'aller droit au Palais Royal; à quoy M. le Coadjuteur ayant respondu que l'affaire ne s'estoit pas passée ainsy, M. le Prince repartit, "Il y a 3 tesmoings de cette action: sçavoir, M. de Beaufort, M. de Brissac, and M. de la Rochefoucaut"; mais M. le Coadjuteur ayant le premier et le dernier pour suspectz, replicqua qu'il s'en rapporteroit à S.A.R.; à quoy M. le Prince respondit, "Et moy aussy." Apres cela, l'on vint à desliberer sur l'affaire, et M. Deslandes Payen ouvrit un advis qui feut asses suivy: sçavoir, que la Reyne seroit suppliée de nommer les personnes qui luy avoint fourny ces accusations contre M. le Prince et conseillé de faire cest escrit, pour estre ouys et ensuitte estre proceddé contre eux en cas qu'ilz ne le puissent justiffier. On n'acheva pas d'opiner, et l'assemblée feut remise au 21. A la sortie on fit les cris ordinaires, et l'on continua de crier, "Au Mazarin!" à M. le Coadjuteur, qui estoit accompagné d'une vingtaine de braves, à cause que le jour precedent on luy avoit fait insulte. Estant sorty des premiers, il accourut au palais d'Orleans, où estant arrivé un demy quart d'heure devant M. le Prince, il parla à S.A.R. de ce qui s'estoit passé entre eux dans l'assemblée; et l'on remarqua que M. le Prince entrant audit palais, S.A.R. le mena dans un autre apartement pour luy faire eviter la rencontre de M. le /465/ Coadjuteur, qu'elle fit sortir par un escalier desrobé conduit par M. de Langeron.

On dit que le soir du 19 la Reyne envoya M. de Brienne vers M. le duc d'Orleans pour luy faire veoir l'ordre qu'elle vouloit envoyer au cardinal Mazarin d'aller en Italie.

Le 20, au matin, on sema des billetz dans les rues de Paris par lesquelz on accusoit M. le Coadjuteur de s'estre ligué avec Mme de Chevreuse et d'autres, pour faire revenir le cardinal Mazarin, avec quelques autres discours fort injurieux contre luy.

Le mesme jour la Reyne resolut d'envoyer ordre à M. le balif de Valençay, ambassadeur à Rome, d'y demander le jubilé au Pape, qui est fort malade.

L'apresdisnée du mesme jour, M. le duc d'Orleans, estant allé au Palais Royal, eut une longue conference avec la Reyne, dans laquelle Sa M. s'estant plainte de la declaration qu'il avoit envoyé au Parlement pour justiffier M. le Prince, et luy ayant representé qu'apres qu'il avoit rayé de sa main deux articles (sçavoir, celuy des placardz affichés dans Paris et celuy de 800 Espagnolz entrés dans Stenay), qu'il sembloit qu'il avoit approuvé le reste. Il respondit à Sa M. qu'il sçavoit bien qu'il ne disoit rien dans la declaration qui ne feut veritable, qu'il n'avoit point esté d'advis de lire ny de bailler cest escript aux compagnies souveraines, qu'il avoit esté obligé de donner cette satisfaction à M. le Prince pour l'empescher de se jetter dans des extremités qui auroint esté plus nuisibles que cela, et qu'enfin il avoit jugé à propos de luy donner ce tesmoignage de milieu qu'il conservoit dans cette conjoncture, afin d'estre tousjours d'estre [sic] mediateur de ce different, dont il proposa mesmes des moyens à Sa M., et d'accommoder en mesme temps celuy de la tenue des Estatz Generaux; mais Sa M. tesmoigna la mesme opiniastreté qu'auparavant à ne vouloir point souffrir que ce soit dans Paris, ce qui rendit leur conference infructueuse.

Le soir du mesme jour le president Le Coigneux mourut en cette ville de fievre continue, et le lendemain son filz aisné prit possession de sa charge qu'il avoit de president au mortier.

Le mesme soir M. le Prince envoya M. de Vineuil au palais d'Orleans pour dire à S.A.R. qu'il venoit d'avoir advis que le regiment des gardes avoit receu ordre de se tenir prest, on ne sçavoit à quel desseing. Aussytost elle envoya le duc d'Amville et le sieur de Sommery au Palais Royal pour sçavoir ce que c'estoit. Ilz en parlerent à la Reyne, qui respondit n'avoir donné aucung ordre et qu'elle donnoit sa parolle à M. le duc d'Orleans qu'elle n'avoit aucung desseing, ce qui luy feut en mesmes temps confiermé par M. le duc de Joyeuse. A 11 heures, le mesmes Vineuil retourna au palais d'Orleans avec un gentilhomme de M. le Prince pour confiermer qu'il y avoit quelque ordre, et qu'il l'avoit sceu de plusieurs soldatz des gardes dans le faubourg St Marcel, mais S.A.R. luy respondit qu'apres la parolle de la Reyne, il ne falloit rien craindre et ne jugea pas à propos de faire prendre les armes aux bourgeois. Demye heure apres, les gens de M. le Prince feurent aux environs de l'hostel de Condé, eveiller les bourgeois et leur dire que les gardes estoint commandées pour forcer cest hostel durant la nuict. Sur cela, quelq'ungs sortirent avec des armes, mais en petit nombre, n'ayant point d'ordre de S.A.R. ny de la Ville, et il n'y eut aucune nouveautté cette nuict là.

/465v/ Le 21, à 6 heures du matin, les officiers des gardes choisirent 40 ou 50 soldatz des melieurs et des plus affidés et les conduisirent au Palais avec leur espée seulement, pour deffendre M. le Coadjuteur en cas qu'on luy voulut faire insulte en entrant ou sortant du Parlement. (C'estoit pour ce subject qu'on leur avoit donné ordre le jour precedent de ne s'esloigner pas.) Ce prelat y arriva à 7 heures, accompagné de 50 chevaux legers ou gendarmes du roy et de quelques gentilhommes. M. le Prince y vint à 8 heures avec une suitte de plus de 500 hommes. Estant entré, quelques conseillers dirent qu'il y avoit tropt de monde dans la grande salle du Palais et qu'il pourroit arriver du desordre; à quoy M. le Prince respondit que ses gens n'en feroint point et qu'il en respondoit. L'on adjousta qu'il y avoit deux partis contraires, et que les espritz se pourroint eschauffer. M. le Coadjuteur repartit à cela que tout Paris ayant sceu les insultes qu'on luy avoit desja fait, et les menaces de le poignarder ou de luy donner un coup de pistollet dans la teste, il n'avoit pas peu empescher ses amis de le venir escorter pour le deffendre. M. le Prince dit, là dessus, qu'il avoit esté aussy obligé de se laisser escorter, puisque M. le Coadjuteur luy vouloit disputter le terrain. Pendant cette contestation il y eut des parolles picquantes entre les gens de M. le Prince et ceux de M. le Coadjuteur dans la grande salle, où le sieur de Baradas, qui commandoit ceux du dernier, ayant mis l'espée à la main, le marquis de Crevant, qui commandoit ceux du premier, tira aussy la sienne et cria, "A moy, Condé!," qui estoit son mot de guet; et l'autre ayant crié, "A moy, Nostre Dame!," qui estoit le sien, l'on vit en mesme temps 5 à 600 espées nues; mais on ne passa pas plus outre, parce que M. le Prince envoya promptement M. Payen Deslandes à M. de la Rochefoucaut pour commander aux siens de remettre leurs espées dans le fourreau, ce qu'ilz firent les ungs et les autres; et sans ce prompt remede, le carnage eut esté fort grand, parce que les marchandz avoint fermé touttes les portes de la salle, et ensuitte leurs boutiques. Le Parlement deslibera là dessus, et il y eut arrest tout d'une voix, portant que tous ceux qui estoint dans le Palais avec des armes en sortiroint presentement, avec deffenses d'y revenir avec armes, à peyne de la vie. On depputta, pour les faire sortir, MM. Deslandes et Prevost, qui en firent sortir la plus grand part; et parce que toutte la matinée estoit presque passée à cest incident, la desliberation qui avoit esté commencée le 19 sur l'escrit de la Reyne, feut remise au lendemain. A la sortie il y eut quelques parolles entre M. le duc de la Rochefoucaut et le Coadjuteur. M. de Brissac prit le party de celuy cy, mais parce qu'on se deffia d'abord qu'il y auroit duel entre eux, M. le duc d'Orleans donna ordre de l'empescher.

L'apresdisnée du mesme jour S.A.R. feut au Conseil au Palais Royal, où le Roy le caressa fort. Elle y parla à M. de Laigues du different d'entre M. le Prince et M. le Coadjuteur, pour lequel ledit sieur de Laigues monstra un fort attachement, et dit à S.A.R. que luy et ses amis le defendroint tousjours contre M. le Prince au peril de leur vie. Ce feut luy qui obligea les officiers des gardes /466/ d'aller au Palais avec les soldatz pour deffendre ce prelat, et de fait l'on remarqua à la sortie les soldatz allerent droit ches luy.

Le soir du mesme jour M. le duc d'Orleans ne jugeant pas à propos de commander les bourgeois pour garder le Palais, envoya prier M. le Coadjuteur de n'y aller pas le lendemain au matin; et de fait, il n'y feut point, ayant employé la matinée à conduire une procession d'une confrairie celebre qu'il y eut ce jour là aux Cordelliers. M. le Prince alla au Parlement avec sa suitte ordinaire, sans qu'aucung apporte des armes, entra dans le Palais, dont les avenues feurent gardées par les archers du prevost de l'Isle. La desliberation commencé le 19 y feut achevée. Il y eut arrest portant que tres humbles remonstrances seroint faittes à la Reyne sur les consequences de cette affaire, que les escritz de Sa M. luy seroint rapportés, et que M. le duc d'Orleans seroit supplié d'appuyer les remonstrances et de s'entremettre d'accommodement pour ce different. M. le Prince, revenant du Pallais, rencontra sur le Pont Neuf une compagnie des gardes qui alloit en garde au Palais Royal; et ayant passé au travers d'icelle avec sa suitte, les lacquais feurent crier à la rue Dauphine, "Aux armes! On emmene Monsieur le Prince!" Cela mit l'allarme en tout le quartier, en sorte qu'aussytost une grande foule de peuple y ayant accourut, les soldatz se rangerent en bataille et se mirent en devoir de tirer; mais quand on recognut que l'alarme estoit fausse et que M. le Prince, pour eviter cette foule, aloit passer sur le quay des Augustins, personne ne tira et chacung commencea à se retirer.

L'apresdisnée du mesme jour, 22, M. le duc d'Orleans et Madame estant allés au Palais Royal, firent instance à la Reyne de vouloir assoupir la mesintelligence qu'elle avoit avec M. le Prince, et firent si bien qu'elle tesmoigna qu'elle feroit en cela une partie de ce que S.A.R. trouveroit à propos, la priant cepandant de faire cognoistre à M. le Prince que le Roy, qui alloit estre majeur, seroit sans doute mal satisfait de sa conduitte s'il n'agissoit tout autrement qu'il ne fait.

Le 23 S.A.R. alla à Limours à 3 heures du matin, pour eviter la chaleur, et en revient le soir à 10 heures.

Sur le different qui est entre M. de la Tremouille et M. de Rohan pour la presidence des Estatz de Bretagne, il y eut arrest du Conseil d'en haut le 21 du courant qui renvoye les parties au Parlement de Rennes.

Les advis de Flandres portent que l'Archiduc estoit sorty de Bruxelles le 16 du courant à cause de la peste qui y augmentoit de jour à autre, et qu'il estoit retourné en son armée, laquelle est tousjours campée aupres de Valentiennes sans rien entreprendre non plus que la nostre, laquelle ne trouvant plus /466v/ de fourrage à Arleux, a decampé et vient à l'abbaye de Vauchelle [Vaucelles] entre Cambray et Le Castellet.

Le mareschal de la Ferté Seneterre a donné 4 assautz à la ville de Chastel sur Moselle, dont il a esté repoussé avec perte, notenment dans le dernier. On luy a tués 100 hommes et blessés autant; et les lettres qui en sont venues asseurent qu'il est au desespoir de ce q'une place si foible luy resiste si longtemps, et qu'on y a remarqué q'ung courrier du cardinal Mazarin, qui est son melieur amy, l'y estant venu trouver, y a attendu 6 jours la response d'une lettre qui [qu'il] luy avoit apporté de la part de ce cardinal; neamoings le mineur estoit attaché à la grosse tour du chasteau, et il esperoit d'estre maistre de la place dans 4 ou 5 jours.

Hier M. le duc d'Orleans feut au Palais Royal pour parler à la Reyne de l'accommodement de l'affaire de M. le Prince, mais Sa M. n'estant revenue que tard de la promenade, leur conference feut fort courte, d'autant plus que Sa M. ne voulut point ouyr parler de la demande que S.A.R. persistoit de faire que les Estatz Generaux se tinssent dans Paris. Quelq'ungs ont proposé un temperament là dessus, qui est de les faire tenir à Melun ou à Ponthoise; mais la Reyne n'en a pas parlé et veut que ce soit à Tours, disant que c'est le lieu ou S.A.R. et M. le Prince ont consenty au commencement qu'ilz feussent convoqués.

On doit demain faire les remonstrances suivant l'arrest du Parlement du 22.

Les lettres de Londres du 21 du courant viennent d'arriver et portent que le Roy y est entré d'Escosse en Angleterre avec 10 mille chevaux et sans infanterie; et qu'aussytost toutte la province de Lenclastre [Lancaster] s'estoit declairé pour luy; mais que le general major Herisson, parlementaire, le poursuivoit en queue avec 8000 hommes, et que Cromvel estoit party en diligence de St Jantton [Perth] pour le venir combattre.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653