Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/124/ De Paris le 2 aoust 1652

Le 31, à midy, M. le prince de Tarante et le comte de Rieux s’estant rencontrés dans la gallerie du palais d’Orleans, celuy cy, qui vouloit precedder le premier dans le Conseil de S.A.R., luy en parla avec beaucoup de passion; dont M. le Prince s’en estant aperceut, en avertit S.A.R., et luy fit remarquer l’importance qu’il y avoit d’eviter un malheur qui en eut peut arriver, semblable à celuy du jour precedent. Aussytost, S.A.R. obligea le comte de Rieux à luy donner sa parolle; et M. le Prince prit celle du prince de Tarante, apres luy avoir dit qu’il ne falloit plus parler de ce different, et qu’il falloit s’en tenir à ce qui avoit esté arresté le matin du jour mesme: sçavoir, q’ung chacun se mettroit où il se trouveroit. M. le Prince mesmes dit qu’il se mettroit le dernier, pour montrer le chemin aux autres; et M. le prince de Tarante estoit demeuré d’accord avec M. de Sully que le y arrivieroit, auroit la premiere place. Enfin, les parolles estant données, et S.A.R. estant retournée au bout de la gallerie, M. le comte de Rieux murmura de ce qu’on l’obligeoit à donner sa parolle sur un suject de cette nature, disant qu’il n’y avoit point de rang à regler entre M. le prince de Tarante et luy; ce qu’ayant repetté 2 ou 3 fois, celuy cy luy respondit qu’il n’y avoit rien de reiglé entre eux. M. le Prince s’estant alors adressé à M. le comte de Rieux, luy dit qu’il manquoit de respect pour S.A.R., apres la parolle qu’il luy avoit donné; à quoy ce comte ayant respondu qu’il sçavoit bien à qui il devoit du respect, M. le Prince luy dit, "Je ne veois pas que vous le sachies" (voulant dire qu’il n’en avoit point pour luy). Alors ce comte luy replicqua, "Je ne vous choisiray pas pour juge de mon affaire avec M. le prince de Tarante, à cause que vous estes pour luy." M. le Prince repartit, "Puisque vous m’obligez à vous le dire, il est vray que je suis pour luy, et c’est avec raison, parce qu’il est mon proche parant et mon amy, et que je luy ay obligation, et non point à vous." Sur quoy, ce comte ayant dit à M. le Prince qu’il ne seroit jamais son serviteur ny son amy, et qu’il se soucioit fort peu de luy, M. le Prince luy donna un soufflet. Aussytost, le comte de Rieux rendit un coup de point [poing] à M. le Prince; et luy ayant arraché ses glans [gants], tira son espée à demy; mais M. le Prince, qui n’en avoit point, luy sauta d’abord sur la garde, et le maltraitta encor d’avantage, assisté de 3 ou 4 personnes de sa suitte, entre autres le president Viole et le sieur Guitaut; mais pour eviter un plus grand malheur, on le jetta sur la terrasse qui regarde la rue Tournon, et l’on ferma la porte de la gallerie; où M. le Prince ayant surpris l’espée du baron de Migene, retourna à la porte, pour s’aller battre contre le comte de Rieux; mais le duc de Rohan se mit devant la porte, et dit à M. le /124v/ Prince, "Monseigneur, vous me pouves tuer, mais vous ne passeres point." Et S.A.R. estant survenue, fit arrester prisonnier ce comte, qui feut conduit dans la Bastille, où l’on croit qu’il demeurera longtemps.

L’armée de S.A.R. decampa de Juvisy le 21 au matin, sur l’advis qu’on eut que, le jour precedent, quelque cavalerie de la Cour estoit arrivé à Corbeil, et que toutte l’armée du mareschal de Turenne, qui n’est que de 8 mille hommes, revenoit se poster sur le passage de la Marne et de l’Oise. Estant partie de Juvisy, elle feut camper à St Cloud, où S.A.R. avoit envoyé, le matin du mesme jour, le sieur Pingaut, pour y faire rompre le pont. M. le Prince a donné commandement general de ses troupes au prince de Tarante, despuis la mort de M. de Nemours. On ne parle point de faire des nouvelles levées, sinon un regiment de cavalerie et deux compagnies d’ordonnance que Mademoiselle veut lever, ayant desja choisi le comte de Brancas pour estre maistre de camp de ce regiment, le comte d’Olach pour estre cappitaine lieutenant de ses gendarmes, et le chevalier d’Escars pour commander ses chevaux legers.

Les Espagnolz ayant passé la riviere d’Aisne à Pontavere [Pontavert], se sont avancés jusques à La Fere, en deça de Fismes; et quoy qu’on mande qu’ilz soient 12 mille chevaux et 10 mille fantassins, avec 60 mille chevaux de bagage, neamoings on croit qu’il n’y a, en tout, que 16 mille combattans. Le mareschal de Turenne se posta hier à Beaumont sur Oyse, et a fait avancer quelque cavalerie jusques à La Chevrette, et aux autres postes des environs de Paris. Le comte de Tavannes est allé ce matin à Poissy, pour s’en emparer et rompre le pont.

Le mareschal d’Aumont arriva hier, au soir, à Pontoise, où le duc de Bouillon estoit hier malade à l’extremitté, ayant receu le viatique. M. le comte de Brienne y est aussy malade, et M. de Saintot, maistre des ceremonies, mourut hier en cette ville.

Le Parlement de Rouen s’estant assemblé le 31, pour desliberer sur la veriffication d’une declaration du Roy, qui casse tout ce qui s’est fait par MM. les princes, et par le Parlement de Paris, despuis le commencement de julliet, donna arrest portant que la Compagnie s’entremettroit pour la reunion de la Maison Royale, que le Roy seroit supplié d’esloigner tous ceux qui luy donnent des pernitieux conseilz, et que les deputtés nommés pour ce subject n’en attendroint la response que 15 jours; et que cepandant, il seroit surceis à la veriffication de la declaration, et qu’il ne seroit receu aucun ordre que du Roy, conformement aux ordonnances, ce qui avoit esté mesnagé dans les /125/ espritz par M. de Longueville. La sortie, le president de Mesgrigny, fort attaché aux interestz du cardinal Mazarin, aborda le president Bigot, qui avoit ouvert l’advis de cest arrest; et fasché de ce qui [qu’il] n’avoit pas esté d’advis de veriffier cette declaration, luy dit beaucoup d’injures, le traittant de seditieux et de Cromvel; à quoy M. Bigot ayant reparty par un dementir, l’autre luy donna un soufflet. Aussytost, on les separa, et la Compagnie estant rentrée, ordonna que M. de Mesgrigny passeroit le barreau, et qu’il seroit interdit jusques à ce qu’il auroit fait satisfaction au president Bigot.

Ce matin, le Parlement s’estant assemblé icy, et S.A.R. s’y estant trouvé avec M. le Prince, il y a eu arrest portant que, sans avoir esgard aux arrestz du Conseil d’en haut, qui cassent ceux de la Compagnie et touttes les resolutions prises dans l’Hostel de Ville, ceux cy seroint executés avec lesdittes resolutions; qu’à cette fin, la taxe faitte sur les maisons de Paris sera levée, et ordre aux receveux d’apporter incessament, à l’Hostel de Ville, les deniers destinés pour le payement des rentes.

/126/ De Paris le 6 aoust 1652

Le 31 du passé, le comte de Brancas fit appeler en duel M. de Valon; mais S.A.R. en ayant eu advis, leur fit donner parolle de ne se point battre, et l’on travaille despuis à les accommoder. Le suject de leur querelle tient de ce que la charge de cappitaine lieutenant des gendarmes de S.A.R. ayant vacqué, pendant les siege d’Estampes, par la mort du marquis de la Londe, l’ung et l’autre la demanderent en mesme temps; et quoy que S.A.R. n’en ait pas encor disposé, neamoings ce comte ayant creu que M. de Valon y avoit melieure part que luy, prit occasion là dessus de le faire appeller. Les expedients qu’on a proposés pour les mettre d’accord, sont de ne la donner ny à l’ung ny à l’autre, mais de la remettre entre les mains du marquis de Genlis, qui n’en avoit receut que 10 mille escus, de 38 mille que le deffunct luy en avoit promis, à condition de rendre cette somme à la veufve; et qu’on donnera quelque autre charge à chacung d’eux. On dit que c’est pour ce suject, principalement, que Mademoiselle a donné son regiment de cavalerie au comte de Brancas.

Le mesme jour, le comte d’Olach fit aussy appeller en duel le comte de Tavanes, mais M. le Prince en ayant esté averty, prit aussy leur parole, et ilz ne se sont point battus. Leur different venoit de ce que le premier ayant envoyé quelq’ungs de ses cavaliers en party, l’autre fit arrester prisonnier le commandant de ce party, pour y avoir esté sans son ordre; et le comte d’Olach ayant dit, à celuy qui luy en porta la nouvelle, que M. de Tavanes ne luy avoit pas fait plaisir, celuy cy repartit que ce n’estoit pas aussy pour luy faire plaisir que l’autre l’avoit fait.

M. le prince de Tarante a eu non seulement la commission de general des troupes de M. le Prince, mais encor de celles de S.A.R., qui luy a promis aussy de donner l’evesché de Poictiers pour M. le comte de Laval, son frere. M. de Beaufort demeurera icy, pour faire la fonction de gouverneur de Paris. Il s’est retiré pendant deux jours dans les Chartreux, despuis la mort de M. de Nemours, pour y laisser passer un peu de desplaisir qu’il en a, qui est fort grand. Il en sortit avan[t] hyer, pour faire des visittes; et hier, au soir, il revient, pour la premiere fois despuis son combat, au palais d’Orleans, où S.A.R. l’ayant fort bien acceuilly, le mena dans son cabinet, où estoit M. le Prince, qui ne laissa pas de l’embrasser, ayant recognu qu’il n’avoit tué M. de Nemours que de la bonne sorte.

Le 2 le cardinal Mazarin acheva son traitté de l’evesché de Metz, pour lequel, et pour les abbayes de St Vincent et de St Clement que M. de Metz a dans la mesme ville, on donne à celuy cy les abbayes d’Orcan [Ourscamps], de St Taurin, et d’Evreux, et celle qu’avoit le feu sieur Vautier, premier medecin du roy; et outre cela, 30 mille escus qui luy estoint deubz pour 3 années d’arrerages d’une rente de 10 mille escus qu’il a sur les salines, de laquelle somme l’evesque de Lavaur, l’abbé de Corsan, et Collebert, son intendant, /126v/ sont cautions aupres de M. de Metz. Cest abbé, qui a esté le negotiateur de cest affaire, donne encor l’abbaye de St Simphorien à ce cardinal, qui aura, par ce moyen, tous les benifices de Metz, ayant desja celle de St Arnoul, lesquels ne montent à 300 mille livres de rente, compris le gouvernement, qu’il a aussy achepté du mareschal de Schomberg; et en cas que le duc de Lorraine ne veuille pas s’accommoder avec la Cour, au conditions du traitté de Melun, il retiendra aussy le gouvernement de Vic et Moyenvic, qui est entre les mains du Roy, par une avanture extraordinaire. Vous aves sceu qu’on avoit promis ces places à M. de Lorraine, et que Bourdonnet, qui en estoit gouverneur, ayant fait difficulté de les rendre, avoit esté arresté prisonnier à Nancy par le mareschal de Seneterre; ce qui obligea sa femme de se retirer dans le fort de Moyenvich, protestant de ne le rendre jamais qu’on n’eut mis son mary en liberté, et qu’on ne luy eut fait justice; de sorte que la Cour ne pouvant tenir parolle à M. de Lorraine, celuy cy s’arresta à Fismes, menaceant de se joindre avec l’armée d’Espagne, ainsy que rapporta Bertet [Bartet], qui en revient la semaine passée. Cepandant, il est arrivé que Bourdonnet, s’estant sauvé de Nancy le 28 du passée, s’en retourna à Moyenvich; où sa femme l’ayant receu, il maltraitta un officier, qui fit revolter la garnison contre luy dès le lendemain, 29, disant qu’il estoit du party des princes, et l’arresta encor prisonnier. Cette nouvelle estant arrivé à la Cour le 2, on en fit repartir Bartet, pour contenter M. de Lorraine; mais il n’estoit plus temps, ses trouppes estant desja joinctes à celles des Espagnolz; et ainsy cette place, qui est fort importante, est adjoustée au gouvernement de Metz, pour le cardinal Mazarin.

200 chevaux de MM. les princes firent une course, la nuict du premier au 2 de ce mois, jusques au faubourg de Pontoise, qui est deça l’Oise, lequel avoit esté abandonné par les Suisses. Le comte de Tavanes a fait rompre 3 arches du pont de Poissy.

Le mareschal d’Aumont estant arrivé à la Cour, M. de Turenne y alla aussy, soubz pretexte de veoir M. de Bouillon, son frere, dans sa maladie, mais en effect, parce qu’il est mescontent de ce qu’on avoit mandé le premier, et qu’il ne veut point de compagnon dans le commandement de son armée, n’ayant peu s’accorder avec le mareschal de Seneterre, qui est demeuré avec ses troupes vers la riviere d’Aisne. Cepandant, l’armée de la Cour est dispersée dans les postes de Corbeil, Lagny, et autres entre Paris et Pontoise. Celle de MM. les princes est tousjours à St Cloud.

M. de Bouillon a esté deux jours sans parler, et sans avoir cognoissance, en sorte qu’on le croyoit mort; mais la nuict du 3 au 4, il eut une crise, qui a laissé quelques esperance de le veoir rechaper. On asseure que M. le Bouillon la March /127/ est mort en sa maison de Picardie. M. de Brienne est aussy malade à l’extremitté à Pontoise, où l’on a donné la survivance de sa charge à son filz, qui n’est agé que de 16 ans. Les maladies regnent fort à la Cour et à Paris.

La Cour resolut, la semaine passée, d’aller à Amiens, mais les habitans de cette ville resoleurent de prier le Roy de n’y mener point le cardinal Mazarin, outre qu’il ne vit point de moyen de pouvoir accommoder le duc de Chaunes, qui en est gouverneur, avec M. d’Elbeuf. Ensuitte, l’on parla d’aller à Beauvais, où la mesme resolution ayant esté prise par les habitans, leurs deputtés ont despuis esté arresté à Pontoise, pour servir d’ostage, et pour obliger ceux de Beauvais de se resoudre d’y recevoir la Cour, sans aucune condition.

Le cardinal Mazarin ayant fait resoudre, la semaine passée, dans le Conseil d’en haut, que le Parlement de Paris seroit transferé à Mantes, celuy de Rouen, auquel la declaration en avoit esté adressée, a surcis à y desliberer, jusques à ce que les deputtés qu’il a envoyé à la Cour ayent esté ouys. En mesme temps, M. le Garde des Sceaux dit qu’il avoit ordre du Roy de leur mander qu’ilz quittassent Mantes, et allassent à Vernon, tenir leurs sceances, attendu que le Roy vouloit establir un parlement à Mantes; à quoy ilz firent response qu’ilz estoint aussy antient conseillers du Roy que ceux du Parlement, qu’ilz ne luy cedderoint en rien, et qu’ilz ne desempareroint point de Mantes. Ilz envoyerent leur advocat et procureur general porter cette response à la Cour, qui despuis leur a permis d’y demeurer, et a envoyé icy la declaration du Roy par laquelle le Parlement de Paris est transferé à Pontoise, où l’ouverture s’en doit faire aujourd’huy par les presidens Le Bailleul, de Novion, et Le Coigneux, et par quelques conseillers mazarins qui sont avec le Procureur General.

L’on continua, hier l’apresdisnée, la vente des statues, bustz qui sont avec le Procureur General.

Les Espagnolz ne sont pas encor venus plus avant qu’à Fere, 22 lieues d’icy, parce qu’ilz veulent obliger S.A.R. à traitter avec eux; ce qu’elle ne veut pas faire, voulant demeurer tousjours en estat de faire la paix quand l’occasion se presentera; mais M. le Prince escrivit, avant hier, une lettre sur ce suject au comte de Fuelsendaigne, qui pourra les faire avancer.

Avant hier, au soir, 14 hommes masqués feurent ches M. Forcoal, greffier du Conseil et l’ung des fermiers des aydes, et y prirent environ 500 mille livres d’argent comptant qu’ilz trouverent; et parce qu’on a creu que c’estoit une piece que la Cour faisoit faire, on le mit hier en prison, luy et ses commis. Le Parlement s’est assemblé ce matin pour ce suject, et pour fronder sa translation. S.A.R. et M. le Prince s’y sont trouvés; et Becheferd, substitut du Procureur General, y ayant porté et escrivit à MM. du Grand Conseil /127v/ la desliberation qui contient cette translation, avec une lettre de cachet, a requis qu’on y desliberat; sur quoy, la Compagnie l’a reprimendé d’avoir fait cette requisition, qu’il n’avoit pas deu faire; et l’on a arresté qu’on ne recevroit aucune declaration ny lettre de la part de la Cour, tandis que le cardinal Mazarin y seroit; ainsy ny l’une ny l’autre n’ont esté ouvertes. Quant à l’affaire Forcoal, elle a esté remise à demain.

/128/ De Paris du 9 aoust 1652

Le sieur Bartet ayant esté renvoyé au duc de Lorraine, pour luy offrir Vic et Moyenvich, en cas qu’il voulut suivre les propositions qui avoint esté arrestées avec luy, respondit qu’il estoit engagé de nouveau avec les Espagnolz, de ne faire aucung traitté sans eux, et luy adjousta qu’il s’entremettroit, si la Cour vouloit, pour faire la paix entre les deux coronnes; et sur cette proposition, on luy renvoya Bartet, pour accepter la paix, puisque les Espagnolz s’y montroint portés par le refus que S.A.R. faisoit de s’engager avec eux en particulier, et pour leur dire que si l’Archiduc et le comte de Fuelsendaigne avoint pouvoir du roy d’Espagne de faire la paix, l’on estoit prest d’envoyer, pour cest effect, des plenipotentiaires au lieu dont on conviendroit. Ce pourparer fit convenir d’une treve de 4 jours entre les armées, apres laquelle les Espagnolz estantz demeurés d’accord de traitter, ont repassé la riviere d’Aisne, et se sont retirés au dela.

M. de Bouillon se porte un peu mieux, mais il n’est pas hors de danger, et l’on a fort peu d’esperance qu’il en rechappe, non plus que M. le comte de Brienne, qui est abandonné des medecins.

S.A.R., M. le Prince, et toutte leur cour, ont pris le deuil de M. de Nemours.

M. de Guyse n’est pas encor en liberté, et n’est pas venu plus proche qu’à St Sbastien, où il est despuis qu’on l’attendoit à Bourg. Il est neamoings vray que le roy d’Espagne a escrit à M. le Prince qu’il le luy mettroit entre les mains, mais il y a encor quelque obstacle incognu à sa liberté.

Les rentiers de l’Hostel de Ville ayant eu advis qu’il y avoit une fort notable somme d’argent provenant des aydes, chez M. Forcoal, qui en est fermier, la firent saisir le 3 de ce mois, et la mirent à la garde de quelques archers. Le lendemain, M. Forcoal, maistre des requestes, filz de celuy cy, y alla avec 40 hommes, la pluspart masqués, lesquelz apres avoir fort maltraittés ces archers (dont l’ung en est mort despuis), enleva tous les registres et papiers du bureau, et tout l’argent qui ce [se] trouva dans les coffres, qui n’estoit que de 180 mille livres; sur quoy, le 5, les rentiers s’estant saisis de la personne de M. Forcoal filz, le mirent prisonnier, avec les commis de son pere, dans l’Hostel de Ville, où ilz sont encor.

Le 7 le Parlement s’assembla, mais S.A.R. ne s’y trouva pas, ny M. le Prince, et l’on ne touscha point à l’affaire de M. Forcoal, laquelle feut remise au lendemain. L’on arresta seulement qu’il seroit escrit à tous les presidentz et conseillers qui sont à la Cour, de revenir.

Le mesme jour, ce [se] fit l’ouverture du nouveau parlement à Pontoise, où se trouverent le Premier President, les presidentz de Novion et Le Coigneux, M. Menardeau, les presidentz Perraut et de Bragelonne, MM. Le Fevre pere et filz, Mandat, Tibeuf, Tambonneau, de Seve, Bernay, l’abbé de Ste Croix, et 4 maistres des requestes. Pour des conseillers honnoraires, /128v/ il y avoit les mareschaux de l’Hospital et de Villeroy, l’evesque de Noyon, et Champlastreaux. Les presidentz de Bailleul et de Mesmes, ayant esté invités de s’y trouver, s’en excuserent, le premier soubz pretexte de maladie, et l’autre sur ce que tous ses biens sont aupres de Paris. Le Roy n’y entra pas, parce que pas un de ceux qui y estoint n’avoint la robe rouge. Le greffier Radigues s’estant trouvé à Pontoise pour des affaires particulieres, y feut retenu de force, pour y faire sa charge. On y veriffia la declaration de la translation du Parlement à Pontoise, en consequence de laquelle il feut enjoint, conformement à icelle, à tous les officiers du Parlement de Paris, à peyne d’estre declarés criminelz de leze majesté, et supression de leurs charges, de se rendre là dimanche prochain.

Hier le Parlement, s’estant assemblé pour l’affaire de M. Forcoal, ordonna qu’il en seroit informé, et cepandant, qu’ilz demeureroint prisonniers dans l’Hostel de Ville; que le sieur Manevillette, receveur du clergé, seroit contraint de payer ce qu’il doit aux rentiers de la Ville, dont les presentz seroint payés presentement; et quant aux absens, que le fonz en demeureroit dans les coffres de l’Hostel de Ville, jusques à ce qu’on eut examiné les causes de leur absence, et à cest effect on nomma des commissaires.

Ce matin, S.A.R. et M. le Prince se sont trouvés à l’assemblée du Parlement, où les eschevins ayant esté mandés, pour rendre conte du suject pour lequel ilz n’avoint pas fait payer aux rentiers 50 mille escus qu’ilz avoint fait saisir entre les mains des fermiers des gabelles, ilz s’en sont justiffiés; apres quoy, il a esté ordonné que cette somme leur seroit distribuée lundy prochain, et qu’il seroit mis garnison dans les bureaux, pour empescher l’evenement [l’enlevement] des deniers. Ensuitte, l’on a parlé de la desliberation du Parlement, contre lequel on a fort exageré, et l’on a traitté ceux qui le composent de faux freres, traistres, interessés, etc. l’on a cassé tout ce qu’ilz ont fait, avec deffences à tous officiers, greffiers, huissiers, advocatz, et procureurs d’y aller, ny d’y faire aucune fonction, et aux parties d’y playder; et l’assemblée remise à lundy, pour procedder contre ces personnes, en cas qu’ilz ne soint pas revenus entre cy, et ce jour là. L’on a aussytost envoyé apposer le scellé dans leurs maisons, afin qu’ilz ne puissent point enlever les proces qu’ilz ont à juger.

Quelques particuliers ont fait un prest de 40 mille livres à S.A.R., qui les fit deslivrer, avant hier, aux munitionnaires de son armée. M. de Valois est malade.

Cette apresdisnée, M. de Beaufort a esté receu gouverneur de Paris à l’Hostel de Ville, où il a commencé d’en faire la fonction.

/130/ De Paris du 13 aoust 1652

On escrit d’Angers que le mareschal de la Mesleraye y arriva le mesme jour, avec 2 mille hommes de guerre, qui gardent la ville; dont il a fait sortir tous ceux qui [qu’il] soubsçonne du party de MM. les princes et de M. de Rohan, apres en avoir fait maltraitter la pluspart.

Le 8 le Parlement de Pontoise enregistra une declaration qui revoque celle qui avoit esté faitte contre MM. les princes de Condé et de Conty, et contre Mme de Longueville, et donné une amnestie generalle de tout le passé. Ce mesme parlement y devoit, hier, faire ses remonstrances contre le cardinal Mazarin, qui promet de partir vendredy prochain, apres s’estre justiffié, pour aller achever le traitté avec le duc de Lorraine, dont il dit que touttes les conditions sont reiglées, et que ce duc luy doit donner retraitte dans son pays, quoy qu’on croit plustost qu’il ira à Metz, et quoy que Bertet [Bartet] soit retourné, despuis le 8, aupres de ce duc, neamoings on ne croit pas qu’il y aye aucune chose arresté avec luy.

Le 9, au soir, le duc de Bouillon mourut à Pontoise, où M. de Brienne est encor fort malade; et comme l’on n’espere point qu’il en eschappe, l’on a promit sa charge de secretaire d’Estat à M. de Nouveau, qui en doit donner 800 mille livres, dont on tirera la recompense qu’il plairra au cardinal Mazarin pour le filz de M. de Brienne, qui en a la survivance.

Despuis le 10, S.A.R. a demeuré au lict, malade d’affliction de la mort de M. de Valois, dont M. le duc Damville le vient consoler de la part de Leurs M. Ce petit prince sera enterré à St Denys.

Le x, au matin, M. de la Boulaye, l’ung des cappitaines des gardes du duc de Lorraine, arriva icy, et raporta à S.A.R. que l’armée de son maistre estoit vers Retel, et celles des Espagnolz vers La Capelle. Il confierma que le comte de Fuelsendaigne estoit fort malade, et que le marquis de Molenghien, lieutenant general de ce comte, estoit mort; que ce comte et M. de Lorraine estoint tousjours dans les mesmes sentimentz, de donner à S.A.R. tout le secours possible; mais que le premier ne pouvant conduire icy toutte son armée, à cause de sa maladie, avoit resolu de luy envoyer 4000 hommes, en attendant qu’il soit en estat de luy en fournir d’avantage, lesquelz sont attendus, avec 2 mille hommes que M. le Prince a levé en Liege, et doivent venir soubz la conduitte du duc de Lorraine; mais celuy cy pretend que M. le Prince se resolue, par ce moyen, à mettre Clermont entre les mains de S.A.R., pour luy estre rendus à la paix, ce qui a fasché Sadite A., qui n’a pas encor renvoyé ce cappitaine des gardes.

Le mesme jour, un trompette du roy vient porter à S.A.R. une declaration, par laquelle Sa M. fait deffenses fort rigoureuses, à touttes personnes, de vendre ny achepter aucung meubles, statues, et bustes du palais Mazarin.

Les advis de Bourdeaux portent que les eaux s’estant escoulées, le comte d’Harcourt avoit remis ses troupes dans les tranchées de Villeneufve d’Agenois, lesquelles /130v/ il faisoit raccommoder; et que cepandant MM. de Marchin et Baltazard avoint secourus la place, y ayant fait entrer heureusement 200 chevaux, avec des munitions de guerre.

Quelques officiers des trouppes de M. le Prince n’estant pas bien avec M. le prince de Tarente, et ne luy voulant pas obeir, prirent avant hier leur congé. Ce sont, entre autres, le baron de Lanque et le sieur de Villardz. Neamongs, on croit que le premier luy auroit obei, si M. le Prince luy eut voulu donner la qualité de lieutenant general. Le comte de Tavanes n’a pas encor demandé congé, mais il fait aussy difficulté d’obeir à M. le prince de Tarante.

L’armée de la Cour s’est aproché vers Gonnesse [Gonesse] et aux environs, où elle a fait ses ravages ordinaires. Elle pilla, avant hier, la maison du president de Nesmond.

Hier, au matin, le Parlement estant assemblé, l’on envoya des deputtés à S.A.R. pour la consoler de la mort de M. de Valois; et ensuitte, l’on commencea la desliberation contre les personnes qui composent le Parlement de Pontoise, sur laquelle il y eut divers advis; mais il n’y eut pas asses de temps pour achever, et l’on la remit à aujourd’huy.

Ce matin cette desliberation a esté achevée, et M. le Prince s’y est trouvé, comme il avoit fait hier, sans S.A.R., qui est encor au lict malade des gouttes. Il a esté arresté que ceux du pretendu Parlement de Pontoise seroint avertis de revenir dans 8 jours à Paris, apres lequel temps, faute d’obeir, ilz seroint privés de leurs charges, et qu’on mettroit d’autres personnes en leurs places.
Hier, au soir, S.A.R. fit mettre en prison dans la Bastille un gentilhomme nommé La Guette, creature du mareschal de la Mesleraye, pour des intrigues qu’il menoit icy en faveur du cardinal Mazarin.

La Chambre des comptes de Paris a receu, ce matin, un ordre fort precis de la Cour, de sortir d’icy et d’aller à Beauvais, à quoy l’on ne croit pas qu’elle obeisse.

Quelques soldatz de M. le Prince ayant volé, la semaine passée, quantité de marchandises qui venoint à Paris, estimées 100 mille escus, tous les marchandz en ont fait si grand bruit que M. le Prince s’est veu obligé de faire prendre deux de ces soldatz, et de faire rendre touttes les marchandises qui se sont trouvées en nature, un tiers desquelles s’est trouvé perdu.

/132/ De Paris le 16 aoust 1652

La semaine passée, S.A.R. ayant accordé au sieur de Pradines, lieutenant de ses gardes du corps, une commission pour s’aller emparer de la ville de Gergeau [Jargeau], il alla avec le comte de Valancé, le sieur des Barreaux, beaufrere du president Viole, et une vingtaine d’autres gentilzhommes; y estant arrivés, demanda à parler aux eschevins, de la part de S.A.R.; leur ayant presenté une lettre d’elle, entra dans l’Hostel de Ville, où il exposa sa commission de gouverneur, qui depossedoit le sieur Bertaut de ce gouvernement, et ordonnoit qu’on y fit une assemblée generalle des habitans. Mais le party de Bertaud s’estant trouvé le plus fort, celuy cy, apres avoir faict fermer les portes de la ville, arresta prisonnier le sieur Pradines, avec les sieurs de Barreaux, du Clos, et autres, estants hors la ville; et aussytost, on envoya donner advis au comte de Palluau, qui est encor au siege de Mourron, lequel luy envoya une escorte pour conduire ces 3 prisonniers à Viarzon [Vierzon], où ils sont encores.

Le duc de Vendosme est soubz le fort de La Pré, avec une flotte de 36 vaisseaux de guerre, en presence de celle du comte d’Oignon, qui est au Chef du Bois, et en a 40. M. du Plessis Belliere tient tousjours investy Brouage par terre.

L’armée de MM. les princes est tousjours dans ses postes de St Cloud et de Surenne [Suresnes]; celle de la Cour est tousjours aupres de Gonnesse [Gonesse].

Nonobstant les deffences de la Cour, qui feurent envoyées le xi à S.A.R., l’on n’a pas laissé de continuer la vente des statues et bustes qui ce [se] sont trouvé dans le palais Mazarin.

L’arrest que le Parlement donna icy, le 13, feut prononcé en ses [ces] termes: "Ce jour, la cour, touttes les Chambres assemblées, a arresté que l’arrest du 9 de ce mois sera executté selon sa forme et teneur, faict iteratives deffenses d’y contrevenir, et que ceux qui ont tenu et tiennent, soubz le pretendu tiltre de parlement, leur assemblée audit lieu de Pontoise, et qui l’y tiendront à l’advenir, demeureront interditz de l’exercice de leurs charges, et seront rayés du tableau et des registres du Parlement, sans qu’ilz puissent estre restablis, ny leurs resignataires receus esdites charges à l’advenir, sauf si, dans huitaine, ilz n’abandonnent ladite commission, qui escherra au 20 de ce mois, et ne viennent en ladite cour, rendre raison de ce qui aura esté par eux faict; auquel cas sera, sur ce, desliberé de nouveau, touttes les Chambres assemblées; à cette fin leur sera envoyé le present arrest, incessament, à la diligence du substitud du Procureur General du roy."

Le corps de M. de Bouillon a esté porté à Evreux, dont le comté est une des terres qu’on luy avoit donné, en eschange de Sedan, dont le traitté a esté veriffié au Parlement et à la Chambre des comptes de Normandie.

Le cappitaine des gardes du duc de Lorraine est encor icy, attendant sa response.

/132v/ Le bruit a continué, toutte cette semaine, que le cardinal Mazarin doit partir demain, pour se retirer hors du rouyaume. Les advis de Pontoise l’asseurent ainsy, et portent qu’il s’en va demeurer à Bouillon, où à Dinan en Liege, en bonne esperance de revenir bientost. Le Parlement de Pontoise fit ses remonstrances le 2, sur son esloignement, ausquelles le Roy leur donna sa response par escrit le 12, qui contenoit en substance un esloge des grandz services de ce cardinal, de son desinteressement, et de son innocence; et que Sa M. voulant y apporter tous les remedes possibles aux maux que souffrent ses subjectz, et considerer les supplications respectueuses de son parlement; et qu’il n’a point proposé cest esloignement pour se mesler du changement des ministres d’Estat, ny pour presser Sa M. d’aucune chose prejudiciable à son authorité, mais seulement pour luy descouvrir le remede qu’ilz ont jugé necessaire, pour guerir la maladie de l’Estat; et qu’encores que la premiere espreuve que Sa M. a faict du mesme remede, n’ayt produit aucung bon effect, elle veut neamoings le tenter une 2e fois, pour la satisfaction de ses fidelz serviteurs; et que s’asseurant que sondit parlement, ayant ses intentions droittes, s’en serviroit plus utilement que par les passé, pour desabuser ceux qui, par foiblesse, sont tombés dans l’erreur, et pour chastier ceux qui persisteront dans leurs rebellions, elle a voulu avoir esgard aux instances pressantes et reiterées que le cardinal Mazarin luy a faict despuis longtemps, de luy permettre de se retirer; et qu’ainsy elle consent d’estre privée d’un ministre qui l’a tousjours servie avec beaucoup de passion et de fidelitté.

On asseure que le president de Novion, devant que s’engager à ce pretendu parlement, avoit tiré parolle de la Reyne et du cardinal Mazarin, que cest esloignement seroit accordé; et que, despuis, celuy cy s’est bien repenty d’avoir donné parolle de s’en aller. La Cour doit aussy partir de Pontoise, pour le conduire jusques à Compiegne, d’où il prendra une escorte, pour le mener jusques à Sedan ou à Bouillon; et aussytost qu’on sçaura qu’il y sera arrivé, le mesme Parlement de Pontoise donnera un arrest de justiffication en sa faveur, apres quoy il doit revenir en peu de temps à Metz, estant certain qu’il a achevé son traitté avec M. de Metz pour cest evesché, et qu’il a envoyé un courrier expres à Rome, pour en solliciter les bulles, n’y voulant pas aller qu’il ne les ayt. Il a fait expedier le brevet de nomination de l’evesché de Poictiers pour le cardinal Anthoine Barberin, et celuy de Perigueux pour l’abbé Jachinthe.

Le duc d’Amville s’en retourna à Pontoise hier. Il avoit apporté, arrivant icy, une lettre du Roy à S.A.R., à laquelle Sa M. mandoit qu’il permettoit au cardinal Mazarin de se retirer, et que pour l’accommodement entier de touttes choses, elle desiroit s’en tenir à ce qui avoit esté arresté dernierement à St Denys.

Les lettres de Pontoise portent que le despart de la Cour et du cardinal Mazarin est remis à lundy prochain, et que plusieurs personnes ne peuvent croire que ce cardinal s’en aille jusques /133/ à ce qu’ilz le verront partir.

Les deux eschevins qui ont esté eleus cette apresdisnée, sont les sieurs Horry et Gervais, lesquelz ont esté ensuitte menés par M. de Beaufort au palais d’Orleans, où ilz ont presté le serment entre les mains de S.A.R. M. de Broussel est aussy continué pour provost des marchandz.

/134/ De Paris le 20 aoust 1652

Le Parlement de Thoulouse, qui avoit tesmoigné, jusques icy, tant d’affection à S.A.R., a donné arrest par lequel il fait deffenses d’obeir à d’autres ordres qu’à ceux de la Cour, et de le recognoistre en qualité de lieutenant general de Sa M. La peste est fort eschauffée dans cette ville là. Le comte de Bioiules y a fait quelques levées, en vertu des commissions du Roy, pour s’opposer à celles que font les comtes d’Aubigeoux et de Roure pour S.A.R.; mais il n’y avance pas grand chose, quoy que la Cour luy aye envoyé la commission d’y faire toutte la fonction de gouverneur de la province. Les termes de l’arrest de ce parlement, sont qu’il fait deffenses à touttes personnes de recognoistre S.A.R. pour lieutenant general du Roy, ny de luy obeir en cette qualité; et que cependant, Sa M. seroit suppliée d’esloigner le cardinal Mazarin, conformement aux declarations et arrestz precedentz.

Les Huguenots continuent les fortiffications de Montauban, nonobstant l’opposition des Catholiques et la lettre de cachet du Roy, qui en fait deffenses; laquelle ilz pretendent avoir esté obtenue, par surprise, par M. de la Vrilliere, qui est leur ennemy.

L’on confierme de Bourdeaux que Villeneufve d’Agenois a esté secourue non par MM. de Marchin et Baltazard, mais par un frere de M. de Theobon, qui est entré avec 150 maistres, sans en perdre un seul; et despuis, il y a eu plusieurs sorties, dans lesquelles les asseigeans ont perdu beaucoup de soldatz. Le comte d’Harcourt ne laisse pas de s’opiniastrer à ce siege, pour avoir un pretexte de demeurer en ce pays là, et d’y retenir ses troupes, nonobstant les ordres que la Cour luy a souvent reiterés, de les envoyer icy, et d’y venir luy mesmes; à quoy il ne veut point obeir, de peur de n’y estre pas en seurté, à cause de l’intrigue qu’il a eu avec Charlevoix, pour l’affaire de Brissac; à quoy l’on adjouste qu’il y a eu un combat naval à l’embouscheure de la Garonne, entres les vaisseaux du duc de Vendosme, et ceux du baron de Batteville et du comte d’Augnon, mais on ne sçait pas encor les particularités, quoy qu’on asseure que les premiers ont eu l’advantage, en ayant coulé à fondz 4 de ceux cy.

Le siege de Montauban s’advance si fort, que les lettres de Bourges en asseurent desja la prise. Neamoings, M. le Prince a eu nouvelle qu’il n’est pas encor pris, mais seulement fort pressé, les mines estant prestes à jouer sur les deux bastions, et il n’y a pas d’aparence de le pouvoir secourir, quoy que les trouppes du comte de Palluau soint si fort diminuées qu’il n’y a plus que 1800 hommes; mais on leve, partout en Berry, Bourbonnois, et Bourgoigne, par le moyen des tailles, que les gens de guerre font payer avec des violences extraordinaires, desquelles la Cour receut 500 mille livres la semaine passée. Touttes ces troupes ont ordre de venir joindre promptement celles de la Cour, où M. d’Espernon envoye 10 compagnies d’infanterie du regiment de Navarre, lesquelles sont arrivées à Sens, et font nombre de /134v/ 250 hommes. Ce duc augmente son regiment d’infanterie de 10 compagnies. M. de Candale s’en revient d’Auvergne à la Cour. On dit que c’est pour conclurre son mariage avec la seconde niepce du cardinal Mazarin.

M. le Chancelier ayant receu, il y a 4 jours, une lettre de cachet portant ordre expres de ses rendre aupres de la personne du Roy, a depuis demandé un passeport à S.A.R., pour y aller; mais elle n’a pas voulu luy accorder, et plusieurs croyent qu’il a esté bien ayse qu’elle luy aye refusé.

S.A.R. estant à peu pres guerie de ses gouttes, commencea hier à se lever du lict. Le corps du petit duc de Valois est encor dans le palais d’Orleans, en attendant qu’on envoye à la Cour M. de Sainctot, frere du deffunct, dont il a la charge de maistre des ceremonies, pour faire celles qu’on a accoustumé de faire aux enterrementz des princes de la Maison Royalle.

Le Parlement de Pontoise veriffia, le 17, une declaration du Roy, portant interdiction de tous les officiers de ceux de Paris qui n’ont pas voulu aller à Pontoise, et confiscations de leurs biens. Neamoings, deux conseillers de ceux qui estoint allé, en son [sont] revenus, despuis qu’ilz ont sceu l’arrest que le Parlement de Paris donna contre eux le 13 de ce mois. Despuis, le cardinal Mazarin a donné à M. de Beaumont, maistre d’hostel du roy, la confiscation de tous les biens du president de Maisons, qui se mocque de ce proceddé.

La Cour, ayant sceu que M. le Chancellier avoit accepté les sceaux de la main de S.A.R., et qu’il se devoit servir des petitz sceaux, envoya ordre à M. de Laffemas, qui l’avoit en garde, comme le plus antien des maistres des requestes qui sont à Paris, de les envoyer à Pontoise, ce qu’il fit; et S.A.R. les luy ayant envoyé demander, il respondit qui [qu’il] n’en avoit pas la clef; et ensuitte il a esté obligé de declarer qu’il les avoit envoyé à la Cour, apres des ordres fort pressés qu’il en avoit receus, dont on a fait des grandes plaintes contre luy; et ce matin le Parlement, assemblé sur ce subject, a donné arrest portant qu’il remettrait les sceaux dans 3 jours, à faute de quoy l’on y pourvoyeroit.

La Cour partit, hier au matin, de Pontoise, et feut coucher à Liancourt, d’où elle va à Compiegne sans le cardinal Mazarin, lequel partit aussy hier, au matin, de Pontoise, avec une escorte de 500 chevaux, et feut coucher au Tillet [Thillay], une lieue au dela Gonnesse, d’où il va droit à Chasteau Thierry, et de là à Bouillon et à Dinan. Il mene M. de Servient avec luy, se faisant fort de faire la paix avec les Espagnolz, par l’entremise du duc de Lorraine, et d’avoir ensuitte bon marché de MM. les princes, lesquelz attendent la face que doivent prendre les affaires dans /135/ ce changement, à cause de la parolle qu’ilz ont donné, de poser les armes aussytost que le cardinal Mazarin sera hors de France, et ne demandent q’une asseurance qu’il ne reviendra point. Cepandant, la Cour ne leur a fait aucune proposition d’accommodement, esperant qu’apres l’esloignement de ce cardinal, le peuple les abandonnera. Ilz ont eu advis, ce matin, qu’elle doit envoyer icy demain un heraut d’armes, qui doit publier certains ordres dans les rues de Paris, sans s’adresser ny à S.A.R. ny au Parlement ny à l’Hostel de Ville.

M. de Berlize, introducteur des ambassadeurs, arriva hier icy, pour porter l’ordre à tous les ambassadeurs et residentz, d’aller trouver la Cour à Senlis.

M. le Prince ayant eu advis, avant hier, que le marquis de Persan, qui commande dans Mourron, avoit esté obligé de capituler, et s’obliger à rendre la place au comte de Palluau, s’il n’estoit secouru dans le dernier de ce mois, fit partir, hier au soir, 5 à 600 chevaux de St Cloud, pour l’aller secourir; lesquelz y vont en si grande diligence qu’on fait estat qu’ilz passeront, cette nuict, la Loire vers Briare, où le comte de Coligny les doit attendre, avec tout ce qu’il aura pu ramasser de ses amis dans ce pays là.

Le president Le Bailleul est mort cette nuict, et son filz a esté receu ce matin au Parlement, en sa place de president au mortier.

/136/ De Paris le 23 aoust 1652

Lors que la Cour envoya au Parlement de Tholouse la declaration du Roy, et l’arrest qui casse la lieutenance generale de S.A.R., elle y envoya aussy en mesme temps, au Premier President, la survivance de sa charge pour son filz, et une 20e de brevetz de conseiller d’Estat à autant de conseillers de ce parlement là, avec des pensions dont les assignations de la premiere année leur ont esté données sur les plus clairs deniers que le Roy tire de ce pays là. Cest interest les persuada si bien, qu’ilz donnerent l’arrest que vous aves sceu contre S.A.R.

Il n’y a pas encor des nouvelles que les 500 chevaux que M. le Prince a envoyé de St Cloud, au secours de Mourron, soubz la conduitte du sieur de Briole, mareschal de camp, ayent passé la Loire; et le vicomte de Mombas partit, le 20 au soir, de Corbeil, avec 6 à 700 chevaux, pour les poursuivre et les combattre, partout où il pourra les attraper. Le colonnel Baltazard vient aussy de Guyenne, avec 500 chevaux, pour tenter le secours de cette place, pour lequel les gentilshommes de la province ont encor ramassés quelques trouppes, lesquelles vraysemblablement pourront reussir dans cette entreprise, si elles y arrivent à temps.

Quoy que despuis le despart de la Cour et du cardinal Mazarin, le bruit aye couru qu’il y a quelque traitté secret entre elle et MM. les princes, neamoings il ne paroit pas seulement qu’on aye faict icy, ny escoutté de part ny d’autre, aucune proposition; et cela ne ce [se] dit que par conjecture, et parce que la Cour espere que le peuple les abandonnera, apres que le cardinal Mazarin sera hors de France. Ilz ont prevenu le coup par la declaration qu’ilz firent, dont il sera parlé cy apres.

Les trouppes de la Cour decamperent hier, au matin, du Tillet [Thillay], au dela de Gonnesse [Gonesse], et feurent camper à Lagny, où elles ont passé la Marne, pour prendre leur marche vers la Bourgoigne, apres avoir ravagé tous les environs de Paris, et mis contribution generalle sur touttes les denrées qui venoint à Paris. Celles de S.A.R. sont encor à St Cloud et à Surenne [Suresnes].

Le 21 le marquis de la Boulaye revient d’aupres le duc de Lorraine, où il estoit allé pour amener icy les 2 mille hommes que M. le Prince a levés en Liege, lesquelz il a laissé encor vers Rhetel, avec les 4 mille autres que le comte de Fuelsendaigne avoit donné, soubz le nom du duc de Vittemberg. Il rapporte que 500 chevaux de M. le Prince avoint pillé quelques villages dans la Champagne; et quoy qu’on dise qu’ilz vont tenter le passage de la Seine et de la Loire, pour aller au secours de Mouron, cela n’est pas moings incertain que difficile. Deux jours devant le retour de ce marquis, M. le Prince avoit envoyé le marquis de Gersé au duc de Lorraine.

/136v/ Hier, au matin, le Parlement estant assemblé, S.A.R. et M. le Prince y renouvelerent la declaration qu’ilz y avoint faitte auparavant, de vouloir poser les armes quand le cardinal Mazarin seroit hors du rouyaume, sans esperance de retour; ce qu’ilz protesterent d’executter, incontinent apres qu’ilz auroint advis certain qu’il seroit hors des terres et places de l’obeissance du Roy, puisque c’estoit le seul motif qui leur avoit mis les armes à la main, pourveu qu’il pleut à Sa M. de donner une amnistie generalle, d’esloigner les troupes des environs de Paris, de donner des routes aux estrangers qui ont servy contre le cardinal Mazarin pour s’en retourner en seurté, de retirer celles qui sont en Guyenne, de reunir les officiers du Parlement qui sont à Pontoise avec ceux de Paris; à quoy S.A.R. promit de contribuer de tout son possible, et de restablir les choses en mesme estat qu’elles estoint avant les presens mouvementz, protestant au surplus d’estre tous disposés d’envoyer expres à Sa M., pour luy faire entendre les mesmes choses avec respect, et de se conformer, en cette affaire, au sentiment de la Compagnie; laquelle ayant desliberé là dessus, a ordonné que le Roy sera remertié par deputtés d’icelle, de ce qu’il luy a pleu accorder l’esloignement du cardinal Mazarin, que les compagnies souveraines et corps de cette ville seront averties de faire mesme deputation, et que S.A.R. et M. le Prince seroint aussy remertiés de leur bonté, et priés de continuer leur bienveuilleance, et d’envoyer au plus tost à Sa M., pour paraschever ce qui est necessaire pour le bien et repos de l’Estat; et à cette fin demeurera leur declaration enregistré au greffe de la Cour.

En sortant, S.A.R. et M. le Prince feurent à la Chambre des comptes et à la Cour des aydes; où ayant faict la mesme declaration, ces compagnies y prirent à peu pres les mesmes resolutions que le Parlement. L’apresdisnée, ilz feurent à l’Hostel de Ville, où ayant faict pareille declaration, il y feut resolu la mesme chose; et ce matin, les deputtés des 6 corps de marchandz ont esté en remertier S.A.R., et l’on[t] prié de faire en sorte que les trouppes feussent esloignées des environs de Paris, à cause du dommage qu’elles y font; à quoy elle leur a respondu qu’elle y contribueroit en tout ce qui dependroit d’elle, mais qu’ilz voyoint bien qui [qu’il] ne tenoit qu’à la Cour de donner la paix.

S.A.R. ayant resolu, hier au soir, d’envoyer à la Cour le mareschal d’Estampes /137/ et M. Goulas de sa part, et M. le Prince le comte de Fiesque, pour y donner part de la declaration qu’ilz avoint faitte aux Compagnies, ilz envoyerent un courrier à Compiegne pour demander leur passeport, lequelz ilz attendent pour partir.

/138/ De Paris du 27 aoust 1652

Les 500 chevaux que M. le Prince a envoyés au secours de Mourront, ont passé la Loire à Pontz [Pont-Canal?], d’où ilz se devoint trouver avant hier, à un certain rendevous avec d’autres gens que les amis de M. le Prince ont levés en Berry, pour aller attaquer les lignes du comte de Palluau. Il n’y a point de nouvelles que les troupes qui les suivoint, par ordre de la Cour, commandées par le sieur de Beauveau et non par le vicomte de Mombas, ayent encor passé la Loire.

Le courrier que S.A.R. avoit envoyé à la Cour, en revient le 25, sans apporter les passeportz qu’elle avoit envoyé demander par le mareschal d’Estampes, pour M. Goulas et pour M. le comte de Fiesque, la Cour n’ayant pas voulu les accorder. Elle accorda seulement au Parlement de Pontoise une declaration du Roy, portant amnistie generalle de tout ce qui c’est [s’est] passé jusques icy dans Paris, sans parler ny de reunir les officiers de ce pretendu parlement avec ceux de Paris, ny de recevoir aucune deputation, ny de donner aucune route aux troupes estrangeres.

La Cour, partant de Pontoise, y laissa le regiment de la marine, pour y garder le Parlement; mais plusieurs ont creu que c’estoit plustost pour empescher qu’il n’en revient aucung à Paris, que pour la conservation de leurs personnes. Despuis qu’elle est arrivée à Compiegne, le Conseil d’Estat s’y est tousjours tenu ches M. le Garde des Sceaux. Elle y est fort petite, et l’on remarque que le cardinal Mazarin a plus de suitte dans son voyage que Leurs M. MM. de la Vrillere et Le Tellier, l’ayant accompagné jusques à Meaux, y prirent congé de luy le 23, et allerent trouver la Cour à Compiegne, où la Reyne veut prendre les bains pendant quelques jours. On asseure que le Cardinal, avant que partir de Pontoise, se fit donner un arrest de justiffication par ce pretendu parlement. Il fit accorder l’evesché de Tulle à l’abbé de Guron, et tous les autres benefices vacantz à diverses personnes de ceux qu’il estoit obligé de recompenser. Il ne paroit point qu’il aye fait aucung concordat avec M. de Metz, s’estant demis de son evesché purement et simplement, entre les mains du Roy. Le cardinal Mazarin s’est demis de la mesme façon des abbayes d’Orcan [Ourscamps] et de St Thaurin [Saint-Taurin], lesquelles Sa M. a données ensuitte à M. de Metz, et l’evesché de Metz au cardinal Mazarin, qui se vente d’y aller, aussytost que le chapitre l’y appellera. Il dit aussy qu’il s’est retiré contre la volonté de Leurs M., qui l’ont obligé, en luy donnant congé, de leur donner sa parolle de revenir au plus tost; et qu’il ne seroit jamais party, s’il n’avoit veu le Roy en estat d’estre desormais le maistre absolu. Il ne va pas plus loing que Bouillon, et fait estat de revenir pour assister les Estatz Generaux, qui /138v/ sont de nouveau convoqués à Tours au mois de novembre. Cepandant, il ne presse pas son voyage, n’estant party de Meaux qu’avant hier, pour aller à Chasteau Thierry, où il demeurera jusques à ce qu’il aye nouvelle du duc de Lorraine; auquel il a renvoyé Bartet pour obtenir de luy un passeport, à cause que ses troupes, jointes à celles du duc de Vittemberg, et aux 2000 hommes que M. le Prince a levés en Liege, ont passé le Marne à La Chaussée, proche Vitry, et ravagent toutte la Champagne, que pour establir, avec luy, les moyens d’un traitté avec les Espagnolz, par son entreprise; car on ne croit pas que ce duc se veuille aboucher avec luy; et pour tascher de l’engager à empescher que ce secours de Vittemberg ne vienne à MM. les princes, avec lesquelz ce duc ne laisse pas, neamoings, de traitter aussy bien, et en mesme temps, avec ce cardinal; lequel feut obligé le 24, à donner passeport à un gentilhomme dudit Duc, qui passa dans Meaux et arriva icy avant hier, pour des negotiations particulieres qu’on n’a encor peu penetrer. Il fit, pourtant, tout son possible pour persuader ce gentilhomme de ne venir point à Paris, jusques à ce qu’il aura nouvelles de son maistre; mais n’ayant peu rien obtenir sur son esprit, il feut contraint de luy donner ce passeport, de crainte que ce duc ne fit le mesme refus à Bartet.

Le 23 la Chambre des comptes de Paris, les 2 semestres assemblés, deslibera sur l’ordre qu’elle avoit receu de la Cour, de se transferer à Beauvais, et resolu d’envoyer au Roy une deputation de 4 presidentz, et 10 maistres des comptes, pour luy faire tres humbles remonstrances sur ce suject, et luy representer le peril dans lequel seroint les registres de la Compagnie, qu’il faudroit transporter, et l’interest qu’il y a de les conserver comme un tresort des plus pretieux de l’Estat, supplier Sa M. de dispenser cette compagnie d’y aller, s’il ce [se] peut, protestant neamoings d’estre preste à obeir, si Sa M. juge qu’il estoit absoluement necessaire pour le bien de ses affaires.

Le comte d’Harcourt est party de Guyenne incognito, luy 6e, pour se retirer dans Brisac [Brissac], et a pris, pour cest effect, son chemin par les montagnes d’Auvergne, pour passer dans la Franche Comté; 3 ou 4 jours apres son despart, il a escrit aux officiers de son armée, qui est demeurée en Guyenne, fort diminuée, ayant plusieurs fois advis certain qu’on ne l’avoit si souvant mandé que pour l’arrester, ayant desja escript aux officiers de servir le Roy avec le mesme zele et fidelité qu’ilz avoint /139/ fait jusques à present, exhortant ses officiers de continuer leur service à Sa M. avec la mesme affection; ce qui n’empescha pas qu’on ne croye qui [qu’il] sera bientots en estat d’estre recognu souverain d’Alsace.

Ce matin, le Parlement estant assemblé, S.A.R., qui s’y est trouvé avec M. le Prince, y a fait lecture de la lettre qu’elle avoit receue, avant hier, de M. le duc d’Amville, qui luy mandoit le refus que la Cour avoit fait des passeportz pour le mareschal d’Estampes, etc. Elle a remonstré qu’elle ne pouvoit croire qu’on eut representé au Roy les choses comme elles sont, et qu’elle estoit d’advis d’y renvoyer, pour les luy faire reentendre, et luy donner à cognoistre la sincertié de leur proceddé, ce que la Compagnie a aprouvé; et l’assemblée a esté remise à vendredy prochain, dans lequel temps le courrier que S.A.R. y renvoya, sera revenu, et l’on desliberera sur l’accord, ou refus entier, des passeportz.

/140/ De Paris le 30 aoust 1652

La Chambre des comptes de Paris, ayant donné l’arrest que vous aves sceu, envoya un huissier à Compiegne, pour demander des passeportz pour les deputtés qu’elle y vouloit envoyer; mais cest huissier en est revenu sans rien apporter, la Cour les ayant refusé.

Les advis de Guyenne confierment le despart du comte d’Harcourt pour Brisac [Brissac], et adjoustent que M. le prince de Conty ayant faict commencer quelques fortz de l’isle de Cazau [Cazeau], pour y donner retraitte aux troupes auxiliaires d’Espagne, les Bourdelois avoint faict une assemblée de Ville sur ce suject, dans laquelle ilz avoint resolu d’envoyer, comme ilz firent, des deputtés dans cette isle, pour y visitter les fortiffications, lesquelles ilz firent desmolir sur le champ. M. le Prince a envoyé à M. de Theobon une commission de lieutenant general de son armée en Guyenne, à la consideration de ce qu’il avoit si bien deffendu Villeneufve d’Agenois, aux habitans de laquelle il avoit escript une lettre fort civile sur ce suject.

L’on a envoyé de la Cour la commission au marquis de la Force, pour commander en Guyenne, en la place du comte d’Harcourt. On asseure que le mareschal de Schomberg, qui est arrivé despuis peu en son gouvernement de Metz, Toul, et Verdun, a surpris le fort de Moyenvic, que le sieur de Bourdonné, qui en est gouverneur, tenoit encor, nonobstant le bruit qui a couru de sa seconde prison.

Suivant la resolution prise le 27 au Parlement, S.A.R. renvoya le mesme jour, au soir, un courrier à Compiegne avec une lettre du Roy, par laquelle elle luy representoit les choses de la façon qu’elles sont. Ce courrier n’en est revenu que ce matin, et a apporté la response du Roy, qui luy mande qu’il est tout persuadé des bonnes intentions qu’elle a pour son service, et pour la paix, mais qu’il sçait bien qu’elle est obsedée par des espritz factieux, qui troublent son Estat; qu’ainsy, il ne peut pas luy envoyer des passeportz pour les deputtés qu’elle luy veut envoyer; mais que si elle veut aller elle mesme à Compiegne, elle y sera la bienvenue. Le Parlement se doit assembler demain, au matin, pour desliberer là dessus.

Le gentilhomme qui est arrivé icy le 25, de la part du duc de Lorraine, nommé Chauville, feut renvoyé le lendemain, avec les responses de S.A.R. et de M. le Prince; mais ayant esté rencontré sur le chemin de St Denys, par une partie du regiment de Charnen, Allemand, qui sert dans les troupes de M. le Prince, feut pris et despouillé tout nud, nonobstant qu’il leur eut monstré les passeportz qu’il avoit, tant de la Cour que de S.A.R. et de M. le Prince, et les despesches de Leurs A. adressées au duc de Lorraine; en suitte de quoy, ilz l’emmenerent; et l’ayant gardé 24 /140v/ heures, il feurent recontrés par un autre party du mareschal de Seneterre, qui les defit et en prit 17 prisonniers; entre les mains desquelz estoit Chauville, qui feut aussytost mené à ce mareschal, lesquel ne voulut pas luy donner passeport, pour poursuivre son voyage, à cause que le duc de Lorraine avoit refusé de revenir s’aboucher avec le cardinal Mazarin à Chateau Tierry; mais il luy donna un trompette, pour le reconduire à Paris, où il arriva hier avec touttes ses depesches, ausquelles ce mareschal n’avoit pas voulu toucher.

L’armée de MM. les princes a decampé, ajourd’huy, des postes de St Cloud et de Surenne [Suresnes], où elle estoit si diminuée qu’il n’y a pas 2000 hommes, et s’est allé posté à Charanton, où l’on a fait conduire le pont de batteaux, pour la faire passer de l’autre costé de la Seine, et la refugier de nouveau dans les fauxbourgs St Victor et St Marcel de Paris, en cas qu’elle y feut obligée par celle de la Cour, qui est encor en Brie, sans avancer ny reculer, et qui n’est plus que de 5000 hommes. Le principal quartier du mareschal de Turenne est à Ste Mesmes, et celuy du mareschal de Seneterre à Messy sur Marne, proche Lagny.

Celles des ducs de Lorraine et de Vittemberg est vers Sezanne en Brie, selon le raport que nous fait le sieur de la Boulaye, cappitaine des gardes de ce duc, et Du Bois, son intendant, arrivés tous deux icy aujourd’huy, lesquelz ont raporté que leur maistre, ayant refusé de s’aboucher avec le cardinal Mazarin, luy accorda seulement une escorte d’une 20e de ses gardes, commandés par le sieur d’Agicourt, qui en est aussy cappitaine. Le cardinal Mazarin ayant obtenu ce passeport et cest escorte, arriva le 20 à Reins [Reims], où il receut 2 courriers, par lesquelz le Roy, la Reyne, et M. le duc d’Anjou luy escrivoint, et luy envoyoint les lettres que S.A.R. avoit escrittes au duc Damville, pour obtenir un passeport. Ce cardinal s’est fort servy de ces lettres, pour se faire valoir, desquelles il a donné plusieurs copies, et publie partout qu’il reviendroit dans un mois. Il avoit envoyé le duc de Jouyeuse au duc de Lorraine, pour le persuader de s’aboucher avec luy; mais celuy cy n’a point voulu entendre, ce qui obligea ce cardinal de partir de Reins le 28, pour aller coucher à Retel, et le lendemain à Sedan.

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Fronde 1653