Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/245/ De Paris du premier aoust 1653

L’advis qu’on avoit escrit de Guyenne, de l’evasion de Marchin et de Baltazard, s’est trouvé faux, aussy bien que quelques autres, qui ont esté contreditz par des lettres de bonne main; qui portent que l’armée navale d’Espagne n’estoit partie de St Sbastien que pour amuser les espritz, en attendant l’arrivée de 8 ou 10 fregattes qu’on esquipoit en Angleterre, aux despens de M. le Prince ou des Espagnolz; estant certain que les Anglois ne sont pas engagés à leur fournir aucung secours, mais leur ont permis seulement d’esquiper des vaisseaux à leurs despens; et neamoings on nommoit cela le secours d’Angleterre; et le bruit, qui s’en estoit respendu partout, portoit coup, et faisoit impression sur les espritz.

Le comte de Laugnac arriva icy le 29, venant de Bourdeaux, et apporta nouvelles que la treve ayant esté accordé aux Bourdelois pour 3 jours, les deputtés de tous les Corps de Ville avoint esté envoyés à MM. de Vendosme et de Candale, au nombre de 12.

Il n’est pas vray que M. d’Angoulesme aye encor donné sa demission du gouvernement de Provence, quoy que tout Paris l’aye creu, par la disposition qu’on y avoit veu; mais il ne tient qu’à luy payer, en argent comptant, les 400 mille livres qu’on luy a promis.

M. le Prince et les Espagnolz estant allés camper à Fontsorne [Fonsommes] et Fervac, les nostres decamperent de St Algi, et feurent se poster à Riblemont [Ribemont], 2 lieues de là, pour pouvoir mieux observer la contenance des ennemis, qui sont en tout 23 mille hommes. La nuict du 26 au 27, le mareschal de Seneterre estant allé à St Quentin, vit tous les quartiers de M. le Prince, et aprit qu’il ne commandoit que 8 mille hommes, qui sont entierement à sa disposition, mais que le comte de Fuelsendaigne commandoit au reste; lequel se fait prier quand il faut s’advancer, ce qui fait pester et jurer M. le Prince. Les troupes lorraines sont commandées par le chevalier de Guyse.

Le Roy, estant retourné en son armée, feut en personne, l’apresdisnée du 27, recognoistre les troupes des gardes avancées, qui n’estoint qu’à la portée du mousquet de celle des ennemis. Le mesme jour, on mit 1500 chevaux dans St Quentin, pour leur couper les vivres, et les obliger par ce moyen à quitter leurs postes; et la nuict de ce jour là, l’on prit une compagnie de 40 Croattes de M. le Prince.

Le 30, le Roy partit du camp, et feut coucher à Soissons, où la Reyne luy avoit envoyé des relais le jour precedent; avec lequel Sa M. et S.E. arriverent icy, hier au soir, et aprirent en arrivant, par le sieur de la Roche St Chamaran, qui venoit de Bourdeaux, que le prince de Conty y avoit quitté /245v/ l’escharpe rouge, et prit la blanche; que Baltazar avoit fait son accomodement, par lequel il avoit rendu à M. de Candale la ville de Tartas, et quelques autres places de petite importance, et pris party dans l’armée du Roy, où il avoit mené un regiment de cavalerie, et un d’infanterie, faisant en tout 5 à 600 hommes; et que le general Marchin demandoit permission de se retirer en Liege, qu’on fait icy beaucoup de difficulté de luy accorder; et l’on parle seulement d’accorder l’amnistie aux Bourdelois, sans autre condition.

M. de Manicamp est encor dans sa maison, proche de La Fere. Il a esté obligé à donner 50 mille livres à la vefve du maire de cette ville là, mais il ce [se] confierme qu’avant son traitté, il avoit refusé, de M. le Prince et des Espagnolz, 100 mille escus, et les gouvernementz du Catelet et de La Capelle.

M. de Mondeja a decouvert une conspiration qui ce [se] tramoit dans le gouvernement d’Arras, pour se rendre aux Espagnolz, et y a fait arrester un nepveu de feu M. de la Tour, qui en estoit gouverneur, et un eschevin de la ville, avec sa fille, qui sont accusés d’en estre les autheurs.
Les comediens italiens, nouvellement venus en cette Cour, commencerent, hier au soir, de jouer à l’arrivée du Roy, dans la petite galerie du jardin du Louvre.

L’evesque de Rennes, ayant esté ce matin, de la part du Roy, à l’assemblée qui ce [se] fait en Sorbonne tous les premiers jours du mois, y a fait recevoir et enregistrer la bulle du Pape qui condemne les 5 propositions des Janssenistes.

M. d’Elbeuf estant allé à Amiens ces jours passés, M. de Chaunes, qui est tousjours en mesintelligence avec luy, ne voulut point faire tirer le canon de la citadelle à son entrée, dont le premier tesmoigna du mescontentement, et y changea des capitaines et autres officiers de la ville, jusques au nombre de 30.

/246/ De Paris du 8 aoust 1653

Le sieur de Gourville apporta la premiere nouvelle de la capitulation de Bourdeaux; et plusieurs ont creu que M. le prince de Conty, Mme la Princesse, Mme de Longueville avoint fait, par son entremise, leur traitté particulier, à l’insceu des Bourdelois; mais on n’en peut rien dire que par conjecture. Despuis, on a eu, par divers courriers, la nouvelle de la conclusion de la paix, en la maniere que vous verres par la lettre cy jointe. L’on y adjouste seulement que M. le prince de Conty s’est obligé de faire rendre au Roy sa place de Damvilliers, en Champagne; mais comme les autres advis de ce traitté semblent tropt avantageux pour le princes, et pour les Bourdelois, à cause qu’on pretend qu’ilz ne peuvoint recevoir aucung secours, l’on accuse MM. de Vendosme et de Candale de tropt d’indulgence et de facilité.

M. le duc d’Amville ne doit partir que demain pour Blois, où Mademoiselle doit estre de retour aujourd’huy. Leurs A. doivent venir à Orleans le 15 de ce mois.

Le 6 de ce mois, les Jesuistes firent jouer, par leurs escoliers, une tragedie dans leur college de Clermont, où se trouverent le Roy, la Reyne, Monsieur, M. le Cardinal, et ses niepces, avec nombre de personnes de condition.

Les advis de Catalougne portent que M. du Plessis Belliere ayant assiegé 4 mille Espagnolz dans les faubourgs de Geronne [Gerona], ceux cy avoint trouvé moyen d’en sortir, et s’estoint postés sur une montagne qui est entre Geronne et Palances, où il les a encor investis, en sorte qu’ilz ne peuvent sortir; et que le mareschal d’Hocquincour, ayant apris cette nouvelle, en arrivant à Narbonne, y estoit allé en poste, pour avoir la gloire de prendre ces 4 mille Espagnolz prisonniers.

Le comte de Fuelsendagne, ayant sceu que le Roy estoit party de son armée, pour s’en revenir, s’est resolu de faire avancer la sienne dans la Picardie, avec celle de M. le Prince, qui l’en sollicitte puissenment; et pour cest effect, ilz firent conjoinctement passer la riviere à leurs troupes à Fonssonne [Fonsomme], lesquelles ont [on] fait monter à 28 mille hommes, dont une partie vont camper à demy lieue de Noyon, et l’autre marche droit à Roye, que M. le Prince assiegea le 4, et la prit le lendemain à discretion, les habitans luy ayant promis 100 mille livres, pour se racheter du pillage, dont luy en paye une partie comptant, et on luy donne des ostages pour le reste. Tous les gentilhommes qui s’y estoint retirés feurent faitz prisonniers de guerre, et tous les grains et vins feurent mis à discretion. Il fit aussy contribuer 20 mille livres aux habitans de Mondidier [Montdidier], pour s’exempter d’estre pillés.

Dès la premiere journée de la marche des ennemis, les mareschaux de Turenne et de /246v/ Seneterre decamperent de Riblemont [Ribemont]; et ayant fait marcher leur armée le long de la riviere d’Oyse, feurent camper à Farny [Fargniers], entre La Fere et Chauny; où ayant apris que M. le Prince vouloit assieger Compiegne ou Noyon, ilz jetterent 4 regimentz de cavalerie dans Compiegne, et quelque infanterie dans Noyon, au moyen de quoy ilz mirent ces 2 places à couvert. Cepandant M. le Prince decampa, le 5, d’aupres de Noyon dans la [blank], d’où les coureurs sont venus faire ravage, jusques aux portes de Creil, 13 lieues d’icy; mais on y envoya hier dix compagnies du regiment des gardes, pour deffendre les passages de la riviere d’Oise; et M. de Turenne, qui a esté joint par 2000 chevaux allemans, lesquelz luy ont esté menés despuis 8 jours, demande permission de livrer batailles aux ennemis; ce que toutte son armée souhaitte fort. Il est fasché contre M. de Bridieu, gouverneur de Guyse, qui luy a refusé 2 pieces de canon qu’il luy demandoit.

Les lettres d’Amiens, d’hier, ne portent autre chose, sinon que les ennemis n’avoint point fait de siege, qu’ilz font mine de vouloir s’avancer deça, et que M. d’Elbeuf est allé à Arras, pour executter un desseing d’entrer en Flandres, conjoinctement avec les gouverneurs de la frontiere, pour y ravager le pays, comme font les ennemis en Picardie; mais plusieurs de ces gouverneurs ne peuvent pas se resoudre de luy obeir.

De Bourdeaux du 30 julliet

La paix est enfin conclue hier, et signée de MM. de Vendosme et de Candale, sur la parolle desquelz elle doit estre executtée. Ilz doivent entrer demain, tous deux, dans cette ville, avec leurs domestiques et gardes, en attendant la ratiffication des articles accordés, et la resolution de 4 qui sont demeuré indecis, et qui ont esté renvoyés au Roy pour les resoudre. Le premier est le restablissement du Parlement de cette ville; la 2, la supression de la Cour des aydes; la 3, la demolition du Fort de Cesard. Je ne sçay pas encor le 4e, mais ces messieurs en ont fait esperer une favorable response. M. le prince de Conty et les princesses ont tesmoigné estre fort faschés, de ce qu’on n’a pas surcis cette execution, jusques à ce que la ratification et response feussent venus de la Cour. Ilz doivent sortir de cette ville demain matin. M. le prince de Conty s’en va en Languedoch, à Pesenas [Pézenas], en une maison qui est à luy de feu M. de Montmorency. Sa premiere journée est à Cadillac, où il fera quelque sejour, en attendant que son esquipage soit prest, et que la ratification de la Cour soit arrivée. Mme la Princesse et M. le duc d’Anguien s’en vont à Lesparre, /247/ maison de M. d’Espernon, en attendant leur passeport de la Cour, pour aller trouver M. le Prince en Flandres, où M. de Marsin s’en va aussy par mer. Mme de Longueville s’en va à Passac [Plassac], maison de M. d’Espernon, et de là à Montreuil Bellay, proche Saumur. Leurs troupes ont obtenu des routes, pour aller joindre M. le Prince, à la reserve de celles de Baltazard, lequel ayant eu une recompense de 20 mille escus de Mme la Princesse, à prendre sur ses fermiers, a fait son accommodement, et s’en va en Catalougne.

L’armée navalle d’Espagne est dans la riviere, à une lieue [sic] nommé Paulac [Pauillac], où elle attend les dix vaisseaux anglois, pris à louage. On dit qu’elle est resolue de tenir M. de Vendosme enfermé, et d’empescher qu’il ne viennent icy des vaisseaux d’aucung endroit. Les princes et princesses ont fait icy beaucoup de debtes, et ont engagé toutte leur vaiselle d’argent, de sorte que leur esquipage est fort chetif.

/248/ De Paris le 13 aoust 1653

L’on a envoyé le sieur de Courville vers M. le prince de Conty, pour prendre les ordres qu’il a promis d’envoyer au marquis de Sillery, de remettre la place de Damvilliers entre les mains du Roy; mais comme l’on doute que ce marquis y veuille obeir, on parle de luy envoyer l’amnistie avec les prouvisions de ce gouvernement, afin qu’il tienne desormais la place pour le Roy; et Mme de Puisieux s’employe fort pour cette affaire, laquelle a esté proposée par M. le Premier President. L’on a aussy envoyé à Bourdeaux la ratification du traitté de paix, avec la decision de 4 articles qui estoint demeurés indecis, lesquelz ont [on] dit avoir esté resolus au desir des Bourdelois.

M. le duc d’Amville partit, le x au matin, pour Blois, où l’on dit qu’il est allé de son chef, pour visitter Leurs A.R., sans avoir eu aucung ordre de la Cour. M. d’Ambrun vient à Orleans, pour y passer avec elles la feste de l’Assomption, et de là, s’en revenir icy. L’on dit qu’on a resolu au Conseil d’accorder les prouvisions du gouvernement d’Amiens à M. le duc de Chaunes.

Le 9 M. de Boutteville, estant party du camp de M. le Prince avec 500 chevaux, feut veoir Mme de Chastillon, sa soeur, à Merlou [Mello?], 12 lieues d’icy, ce qui donna l’alarme à toutte cette contrée là; mais il s’en retourna le lendemain. Cette dame avoit escrit au Roy, pour le prier de souffrir qu’elle se retirat icy, dans un couvent, à cause de la proximitté de M. le Prince; mais il luy refusa absoluement cette permission, disant qu’elle avoit asses d’amis dans cette armée pour ne rien craindre.

Sur l’advis qu’on a eu, que M. le Prince avoit donné ordre à faire faire un pont sur la Somme, à Bray, et qu’il avoit desseing d’assieger Corbie, l’on a jetté du monde dans cette place, sufisenment pour la conserver; et cest advis feut hier confiermé par l’advis d’un courrier du mareschal de Turenne, qui raporta que celuy cy et la [sic] mareschal [sic] de la Ferté, ayant sceu que M. le Prince estoit decampé de Roye, estoint partis de Noyon sans bagage, et estoint allés passer à Ham, pour empescher la jonction de 4 mille chevaux espagnolz qui viennent soubz la conduitte du prince de Ligne, pour facilitter la prise du passage que M. de Turenne veut prendre sur cette riviere. Vous aures sceu que M. le Prince a fait piller la petite ville de Nesle; mais il n’est pas vray qu’il aye fait contribuer, à ceux de Roye, tout ce que l’on dit. Il ne s’est passé aucune chose entre les 2 armées que de legeres escarmouches, dans lesquelles il s’est fait quelques prisonniers de part et d’autres. Le mareschal de Seneterre y ayant pensé estre pris le 5, dans un bois où plusieurs de ses gardes et leur cappitaine feurent pris, ce mareschal s’estant sauvé par la vitesse de son cheval. L’on confierme que M. le Prince a enmené prisonnier le /248v/ gouverneur de Roye, et toutte la noblesse qui y estoit, avec 1000 chevaux qu’il y a trouvé, de tous les bestiaux, bledz, et autres prouvisions. Nos generaux firent faire des feux de joye, le 8 au soir, dans leur armée, pour la redition de Bourdeaux.

La semaine passée, le Parlement veriffia un nouveau edit, par lequel le Roy deffent touttes sortes de duel, avec plus de rigueur qui [qu’ilz] n’ont esté deffendus jusques icy; et pour mieux les empescher, MM. les mareschaux de France, comme juges des querelles et differentz de la noblesse, nommeront un gentilhomme dans chasque baillage de France, qui aura pouvoir de faire prendre tout ceux qui feront ou recevront des appelz, et de faire confisquer leurs biens; et comme Sa M. veut absoluement que cest edit soit executté rigoureusement, l’on a remarqué qu’elle a dit que les premiers qui y contreviendront seront perdus, sans remission; et qu’elle souhaittoit que quelq’ung y contrevient, afin qu’elle peut faire paroistre la fermetté de sa resolution sur ce subject. Outre cela, Sa M. engage tous ceux de sa maison à signer un escrit, par lequel ilz renoncent à touttes sortes de duelz, et promettent, lors qu’ilz auront quelque different, de s’adresser à MM. les mareschaux de France, pour en tirer raison, et leur en demander justice. Cette affaire a esté poursuivie despuis longtemps, avec beaucoup de zele, par M. de la Motte Fenelon, lieutenant du roy dans la Marche, lequel y travaille encor; et M. l’archevesque de Reins [Reims] doit presenter cest escrit à M. le Cardinal, et le prier d’employer son authorité, pour le faire signer par tous les gentilhommes qui suivent la Cour. L’on en doit envoyer autant à touttes les provinces, afin que les gouverneurs le fassent signer aussy par les provinciaux.

De Paris du 15 aoust

M. le duc d’Espernon estant arrivé icy, il y a 8 jours, et s’estant trouvé indisposé, en sorte qu’il ne pouvoit aller au Louvre, M. le Cardinal le feut visitter.

Leurs A.R. sont arrivées à Orleans, pour y passer ces 3 festes; et l’archevesque d’Ambrun y est revenu avec elles, pour s’en revenir icy.

Les lettres de Bourdeaux, du 7, portent que MM. de Vendosme et de Candale y estoint encor; et qu’ayant recognu la fidelité des bourgeois, ilz y avoit fait sortir quelques troupes qu’ilz y avoint fait entrer avec eux; que le premier se disposoit à aller combattre l’armée navale d’Espagne, qui estoit à une lieue au dessoubz de Blaye, et dans laquelle Mme la Princesse et le petit duc d’Anguien estoint arrivés, avec le general Marchin et le comte de Maure; et qu’on y attendoit encor, avec impatience, la ratification de la paix, et la decision des 4 articles qu’on avoit renvoyés au Roy, lesquelz on dit /249/ avoir esté resolus icy, au contentement des Bourdelois; mais on dit aussy que les fortifications de Bourdeaux seront razées, et que le Chasteau Trompette sera restably. Cette ratification, et les articles, ont esté renvoyés par le sieur de Courville, qui partit hier d’icy, tant pour ce subject que pour aller trouver M. le prince de Conty, pour l’affaire de Danvilliers, qui vous a esté escrit par le dernier ordinaire. Ce prince persiste à demander permission de se retirer en sa maison de La Grange, pres Pezenas; mais le Roy veut qu’il se retire à Chasteaurous [Châteauroux] en Berry, ou à Bourgueuil en Touraine, qui est une abbaye qu’il veut avoir de M. le ballif de Valencé, pour laquelle il luy offre 6000 livres de rente plus qu’elle ne vaut.

Les mareschaux de Turenne et de Seneterre, ayant sceu que le comte de Migne, Flamand, avoit assemblé 4 à 5000 hommes aupres de Valentiennes, pour mener un grand convoy, et quantité de pionniers, à M. le Prince, attendirent que celuy cy ayant passé Roye, où il laissa pour gouverneur le colonnel Reveles, Flamand, avec 4 ou 500 hommes, comme il fit au commencement de cette semaine; et aussytost qu’ilz eurent apris ce decampement à Ham, pour empescher la jonction de ce comte, M. de Turenne s’advancea au dessus de Peronne, et M. de Seneterre se posta au deça, pour observer les desseings de M. le Prince; lequel ayant fait faire deux pontz de batteaux sur cette riviere, l’ung à Bary [Bray?] et l’autre à Couzay [Cerisy?], y fit passer une partie de son armée au dela; et l’autre demeura au deça, faisant tousjours mine de vouloir assieger Corbie.

L’on a envoyé des routes à une partie des troupes qui sont en Guyenne, pour venir joindre M. de Turenne. On parle de donner le gouvernement de Guyenne à M. le duc d’Anjou, et la lieutenance generale à M. d’Estrades. Il ce [se] confierme que la charge de grand maistre de la maison du roy est donné à M. le prince Thomas, qui l’a acceptée. Le gouvernement de Toul est donné au frere du marquis de Feuquieres, à la sollicitation du mareschal de Granmont, quoy que le mareschal de Seneterre y pretendit. Mme la duchesse de la Trimouille arriva hier en cette ville. Le Roy s’en va divertir ce soir à Versailles, à la chasse, accompagné de S.E., et y passera ces festes.

Les lettres d’Amiens, dattées d’hier, portent que toutte l’armée des ennemis acheva de passer la Somme à Cerizi, le 23, sur 3 pontz de bateaux que M. le Prince y avoit fait faire, et qu’elle fait, au dela de cette riviere, les mesmes ravages qu’elle avoit en deça, ayant bruslé entierement la petite ville d’Anere [Anire], sans en espargner l’esglise, en vengeance de ce que M. le duc d’Elbeuf a bruslé Raisouil, en Flandres. Ce prince la fait marcher vers Bapaume, ce qui a fait craindre qu’il vouleu assieger Dourlens, où l’on a jetté la cavalerie qui estoit dans Corbie.

/249v/ De Bourdeaux le 4 aoust 1653

Sabmedy dernier, les princes et princesses quitterent cette ville, et se partagerent, pour prendre diverses routtes. Leur separation a esté avec grande aigreur et ressentiment contre M. le prince de Conty. Les princesses luy ont reproché d’avoir fait sa paix à leur insceu, et trahy leur interest, et de M. le Prince, son frere, particulierement Mme de Longueville, laquelle s’emporta grandement. Elle luy dit qu’il estoit indigne du nom qu’il portoit, et d’avoir un tel frere; que sans luy, les bourgeois n’eussent jamais entrepris ce qu’ilz avoint fait; qu’au premier soublevement, la pluralité des advis de leur conseil alloit à faire main basse, et à faire un exemple; à quoy M. le prince de Conty s’estoit opposé, et le chevalier Tandia [Todias], jurat; et enfin, qu’il estoit l’autheur de tout ce qui s’estoit passé dans la ville et du costé de M. de Candale, pensant se mettre à couvert, envers Monseigneur son frere, de sa trahison; qu’il avoit ruiné sa maison, à la veille de la pouvoir relever plus grande qu’elle n’avoit encor esté. Il est vray qu’au premier soublevement, l’advis alloit à faire main basse, et d’en faire pendre une trentaine aux fenestres. Il leur a resté un tres grand repentir, de ne l’avoir pas fait. MM. de Vendosme et de Candale entrerent hier dans la ville, tous deux à costé l’ung de l’autre, et leurs gardes marchantz pareillement. Ilz feurent, avec grand cortege des officiers de l’armée, droit à l’esglise St André, faire chanter un Te Deum. Le Pere Ithier y prescha un sommaire des choses passées. Ensuitte, chacung desdits seigneurs se retirerent dans leurs maisons, qui leur avoit esté preparées; et le soir ilz feurent souper à la Bourse, où les bourgeois leur avoint fait preparer le souper. L’armée navale est tousjours en riviere. On dit qu’elle attend un grand secours des Anglois, et que Mme la Princesse, Monsieur son filz, et Marchin ne partiront pas de l’armée navalle cy tost. Hier, M. de Vendosme dit qu’il s’alloit embarquer pour combattre, et qu’il luy restoit du desplaisir de rencontrer Mme la Princesse, luy ayant esté dit qu’elle s’aloit mettre dans ladite armée. Les villes de Bergerac et Ste Foy ont fait icy leur composition despuis hier. Il n’y a que Perigueux et Villeneufve qui tiennent encor.

De Lisle le 9 aout

Le duc d’Elbeuf estant venu du costé d’Hesdin, avec environ 1500 hommes, apres avoir joint partie des garnisons de Bethune, et autres voisines, passa hier Lille, pilla Merveille [Merville], d’où il est allé vers Belueil [Bailleul], à laquelle ville il a fait mettre le feu, apres l’avoir pillé, avec 2 villages voisins; d’où l’on dit qu’il va vers La Bassée avec son butin, ce qui a donné l’alarme à toutte la Flandres. Le comte de Bassigny, qui estoit à Merveille avec 3 regimentz, /250/ ne se voyant pas asses fort pour luy disputter le passage, s’est venu vers St Venant et Aire. Aujourd’huy sont passés, par cette ville, 3 regimentz irlandois qui vont joindre ce comte Migne, qui est avec environ 6000 hommes, aupres de Valentiennes. L’Archiduc devoit partir hier de Bruxelles, pour se mettre en campagne; mais ses medecins l’ont obligé à differer son despart pour quelques jours.

/252/ De Paris du 26 aoust 1653

Vous aures secu que, le 20 de ce mois, M. le Cardinal traitta fort magnifiquement à disner, dans son palais, le Roy, la Reyne, Monsieur, la reyne d’Angleterre, le duc de Glocester, et les principaux de ces deux cours. Il y avoit 3 tables, traittés esgalement à 5 services. La premiere estoit celle des reynes, où celle d’Angleterre feut assise au premier bout. La premiere y prit neamoings la place d’honneur, c’est à dire la premiere du costé de main droitte, n’ayant personne devant elle. A son costé estoit la princesse Elizabeth d’Angleterre, et vis à vis d’elle, le duc de Glocester. Apres elle estoit assis Monsieur. Les dames d’honneur et d’atour de la reyne d’Angleterre estoint au dessoubz du duc de Glocester, et ensuitte Mmes de Sencée et de Souvré; et au dessus de Monsieur estoit la Princesse palatine et les duchesses de Chevreuse et de Chaune, la mere. La 2e table estoit celle du Roy, où estoit M. le Cardinal, avec les principaux des 2 cours de France et d’Angleterre; et la 3e, ceux qui n’avoint peu tenir à la 2e.

Le 23, M. le duc d’Amville revient d’Orleans, d’où l’archevesque d’Ambrun estoit revenu 7 ou 8 jours auparavant. Leurs A.R. estoint parties le 22, pour aller coucher à Clery, et de là, le lendemain, à Blois. Leurs espritz ne paroissent point du tout disposés à revenir à la Cour, ny mesmes à assister au sacre du Roy, auquel on croit, icy, que M. le prince de Conty assistera, estant fort bien en Cour. Mademoiselle partit d’Orleans le 20, pour s’en retourner à St Fargeau, où elle a enmené le petit Louyson, qu’elle veut faire instruire et eslever.

Le mesme jour, tous les evesques qui sont à Paris s’assemblerent aux Augustins, pour desliberer sur le suject de le edit des duelz que le Roy fit veriffier, il y a 15 jours, au Parlement; et deputerent l’archevesque d’Ambrun, pour en faire la harangue de remertiement au Roy.

On dit que M. le prince de Conty, allant de Bourdeaux à Pesenas [Pézenas], a passé par Tholouse, où le Parlement ne l’a point visitté, quoy qu’il eut prit l’amnistie; mais cela n’est pas certain.

Il y a advis que quelques vaisseaux que le mareschal de la Mesleraye avoit envoyé en course, ont pris, à la veue de Cadis [Cadiz], 5 grandz gallions d’Espagne qui venoint des Indes, estimés à plus de 3 millions; et l’on veut icy qu’ilz soint desja arrivés au Fort Louys en Bretagne.

/252v/ Les Anglois et Holandois veulent, les ungs et les autres, avoir l’advantage dans leur dernier combat; mais la verité est qu’ilz se sont fort bien deffendu, et les ungs et les autres; et que la perte sembleroit asses esgale, si les derniers n’avoint perdu l’admiral Tromp, estant certain qu’il n’y a point de vaisseaux pres tous ceux qui ont esté perdus, ayant esté bruslés ou coulés à fond, et qu’il y a eu grand nombre de tués ou blessés des 2 costés.

L’on attribue au chevalier de Guyse la rupture du desseing que M. le Prince avoit fait, d’assieger Guyse.

M. le Prince ayant decampé de Riblemont [Ribemont], feut se poster à Vermont [Vermand], proche St Quentin, est est encor de ce costé là, sans avoir fait aucune entreprise, ne s’estant encor passé que des legeres escarmouches entre les 2 armées, quoy qu’elles soint tousjours en presence l’une de l’autre. M. le Prince y a eu une petite conference avec le mareschal de Seneterre, laquelle n’a produit aucung effect. On dit que le Prince envoye une petite partie de son armée à l’Archiduc, pour assieger La Bassée, qu’on ne peut prendre que par famine; et que les habitans de Lisle [Lille] font la pluspart de la despense de ce siege. L’on doit achever, aujourd’huy, le traitté du duc de Chaunes pour le gouvernement d’Amiens, et l’on donne 100 mille escus pour la recompense à M. de Bar pour celuy de Dourlens, qu’on donne à ce duc.

L’abbé de Palluau ayant esté restably dans la charge de maistre de chambre de M. le Cardinal, l’on a donné à M. de Marsac, qui en faisoit la fonction, le gouvernement de Vincennes. Celuy de la Bastille a esté aussy donné à M. de la Bachelerie, gentilhomme de S.E. et parent du mareschal de l’Hospital, en attendant q’on luy donne celuy de l’isle de Ré, qu’on luy avoit fait esperer.

Les lettres de Bourdeaux, du 18, portent que MM. de Vendosme et de Candale y avoint fait arrester prisonnier, et conduire dans la citadelle de Bourg, le sieur d’Espagnet, conseiller au Parlement, à cause d’entretenir encor des intelligences avec Mme la Princesse, et les autres du conseil de M. le Prince qui estoit dans l’armée navale d’Espagne, laquelle estoit tousjours au mesme poste; et qu’on avoit fait sortir de la ville les mal intentionnés au service du Roy, qui estoit trouvés monter au nombre de 60.

L’on a promis aux Bourdelois de laisser les fortifications de Bourdeaux /253/ en l’estat qu’elles sont, de faire desmolir le Fort de Cesard, et laisser le reste des choses en l’estat qu’elles feurent arrestées par le traitté precedent; mais c’est à condition que le Chasteau Trompette sera restably, laquelle condition neamoings ilz n’ont pas encor acceptée; mais comme MM. de Vendosme et de Candale les traittent fort doucement, l’on croit qu’ilz accepteront ce party.

L’ambassadeur de Portugal est attendu icy, de jour à autre; et l’on continue d’asseurer qu’il a plain pouvoir de traitter une ligue offensive et deffensive, moyenant laquelle son maistre doit fournir au Roy 3 ou 4 millions.

Leurs M. doivent partir, pour lundy prochain, pour Compiegne, où le Conseil ne suit point.

Finis
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