Montpellier, archives of the School of Medicine, Vol. IX, 206
Rome, ce 14 Decembre 1686
M. Bayle, j'ay receu vos excuses,
et j'ay bien voulu vous temoigner par la presente que j'en suis
satisfaite. Je sçay bon gré au zele de celuy qui vous a donné occasion
de m'escrire, car je suis ravie de vous connoistre. Vous tesmoignés tant
de respect et d'affection pour moi, que je vous pardonne de bon coeur,
et sçachez que rien ne m'avoit chocqué, que ce reste de
protestantisme dont vous m'accusiez. C'est sur ce sujet que j'ay
beaucoup de délicatesse, parce qu'on ne peut m'en soupçonner sans
offencer ma gloire et m'outrager sensiblement, mesme vous feriez bien
d'instruire le public de votre erreur et de vous repentir. C'est ce qui
vous reste faire pour meriter que je sois entierement satisfaicte de
vous. Pour la lettre, que vous m'avez envoyée, elle est de moy sans
doute, et puisque vous dites qu'elle est imprimée, vous me ferez plaisir
de m'en envoyer des exemplaires. Comme je crains rien en France, je ne
crains aussi rien à Rome. Mon bien, mon sang et ma vie mesme sont
dévoués au service de l'Eglise, mais je ne flatte personne, et je ne
diray jamais que la verité. Je suis obligée à ceux qui ont voulu publier
ma lettre, car je ne deguise pas mes sentiments. Ils sont grace à Dieu
trop nobles et trop dignes pour estre desavouées. Toutefois il n'est pas
vray que cette lettre est escrite à aucun de mes ministres, comme j'ay
des envieux et des ennemis, j'ay aussi des amis et des Serviteurs
par toute la terre. et J'en ay peut estre en France,
mesme à la cour, autant qu'un lieu du monde. Voila la pure verité, c'est
sur quoy vous pouvez vous reglez. Mais vous ne serez pas quitte à si bon
marché que vous le croyez; je veux vous imposer une penitance, qui est
qu'à l'avenir vous preniez la peine de m'envoyer des livres de tout ce
qu'il y aura de curieux en Latin et en français, Espagnol et italien, et
en quelque matiere et science que ce soit, pourveu qu'ils soyent dignes
d'estre veus; je n'excepte pas mesme les Romans ny les Satires, et
surtout s'il y a des ouvrages de chimie, je vous prie de m'en faire part
au plustost, N'oubliez pas aussi de m'envoyer vostre journal. Je
fourniray la depense que vous ferez, il suffit que vous m'en envoyez le
compte. Ce sera me rendre le plus agreable et important service que je
puisse recevoir. Dieu vous prospere.
C A