Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/141/ De Paris ce 3 decembre 1649

L'on dit que le principal subject de la disgrace de Mme de Beauvais (qui s'est retiré en sa maison de Gentilly, demy lieue d'icy) vient de ce qu'elle avoit laissé par mesgarde tomber dans la chambre de la Reyne une billiet que le marquis de Jersé luy avoit escript, dans lequel il marquoit qu'il estoit amoureux passionné de la Reyne; ce que Sa M. trouva aussy ridicule à l'esgard de Mme de Beauvais, qui ce [se] trouvoit chargée de ce billiet, qu'à l'esgard de ce marquis; lequel ayant esté aperceu le 26 du passé par la Reyne en sortant de la messe du Palais Royal, Sa M. le raillia asses plaisanment, luy ayant dit qu'elle n'auroit pas creu meriter un galland comme luy, à quoy celuy cy respondit qu'il n'avoit pas eu une pensée si ridicule. Sa M. luy reparty qu'elle ne s'estonnoit pas fort de cette folie, puisqu'elle luy estoit hereditaire, son grandpere ayant fait des pareilles extravagances, et luy dit qu'il se retira et que si on avoit mettre en prison, qu'il faudroit que ce feut dans les Petites Maisons. Le soir du mesme jour il receut ordre de se retirer et eut en mesme temps recours à la protection de M. le Prince, qui estant alors sur le point de s'aller divertir à St Maur avec une douzaine de personnes de condition, y amena ce marquis et luy promit qu'à son retour il intercedderoit pour luy aupres de la Reyne. S.A. estant arrivée à St Maur, ces messieurs s'y firent une comedie ou plustost une farce sur le subject de la disgrace de ce marquis, les ungs ayant fait des vers qui [qu'ilz] mesuroient avec un compas, et les autres des railleries en proze. Au retour de S.A. (qui fait maintenant tout ce qu'elle veut à la Cour, M. le Cardinal n'ozant plus s'opposer à ses volontés), pria la Reyne de vouloir pardonner à la folie de M. de Jersey et fit un accommodement; mais il n'a pas encor veu Sa M. On croit que celuy de Mme de Beauvais ce [se] fera dans peu de temps, et l'on remarque que l'on n'a pas mis encor personne dans sa charge.

Le comte d'Olonne survient à St. Maur pendant le divertissement de ces messieurs, y estant allé pour prier M. le Prince de le vouloir appuyer dans la pretention qu'il avoit à la charge de cappitaine de chevaux legers du roy en cas que le mareschal de Schomberg (qui estoit alors fort malade) mourut. Quant il falut partir pour s'en revenir, il se trouva que les deux carrosses de M. le Prince estoit plains et qu'il faloit qu'il y en eut ung qui s'en revient à cheval par un temps de pluye. Sur cela S.A. proposa au comte de Lone [Olonne] et au sieur de Chambon [Chamboy?] de tirer au sort à qui entreroit dans le carrosse. Celuy cy tira et gaigna, mais ce comte ne voulut point tirer, et comme il est de la Maison de la Trimouille, il dit qu'il meritoit aussytost q'ung autre d'entrer dans le carrosse de S.A., et en disant cela se jetta dans l'ung des carrosses. M. le Prince ayant dit au marquis de Duras qu'il ne devoit pas souffrir que ce comte s'y jetta, ce marquis l'en voulut /141v/ faire sortir de force, ce qui obligea ce comte à le prendre aux cheveux et à tascher de l'en faire sortir luy mesme; en sorte que se tenant l'ung et l'autre, M. de Duras donna un coup de point sur l'oil du comte de Lone; et M. le Prince y ayant accouru pour les separer, luy donna encor un souflet, dont ce comte enragé monta à cheval et s'en vient au galop par un autre chemin. Estant arrivé, il envoya aussytost appeller en duel M. de Duras, dont M. le Prince estant adverty envoya querir ce comte; luy ayant demandé pardon du soufflet qu'il luy avoit donné, tira parolle de luy et de M. Duras qu'ilz ne se battroint point, mais ce comte dit maintenant qu'il n'est pas satisfait à l'esgard de M. de Duras.

L'on avoit promis au baron de Dannevoux pour recompense du gouvernement de Danviliers [Damvillers], qu'on a donné au prince de Marsillac, la charge de premier d'hostel de M. le duc d'Anjou; mais au lieu de celle là, on luy a donné celle de cappitaine des Suisses de ce prince avec permission d'en vendre la lieutenance et les autres charges qui en dependent. Les principaux officiers de sa maison sont le sieur Jachois; le marquis de Gersé a eu la charge de capitaine des gardes; le commandeur de Jars, celle de premier escuyer; M. de Castelle [Castelnau] Mauvisiere celle de maistre de la garderobbe; et le filz de M. de Bautru celle de chancellier.

Le 28 du passé à midy M. du Plessis Belliere, gouverneur de La Bassée, se battit contre le sieur de la Bretesche, nepveu du commandeur de Montecler et lieutenant colonel de son regiment, sur ce que celuy cy se plaignant de ce que le premier avoit parlé au desadvantage dudit regiment, l'envoya appeller. Despuis, la parolle donnée, M. de Plessis Belliere alla trouver son ennemy dans l'esglise des Capuchins des Marestz; et l'ayant fait entrer dans son carrosse, ilz feurent avec leurs secondz descendre devant le calvaire, où ayant mis l'espée à la main, ledit sieur du Plessis feut blessé de deux coups, l'ung à l'espaule et l'autre au bras, ce qui l'obligea de prendre son espée de l'autre main, d'où elle luy eschapa; et estant tombé à terre, il feut desarmé. Son second ayant rompu l'espée de celuy qui servoit la Bretesche, ilz en vindrent aux mains, et celuy cy des morceaux de son espée blessa son compagnon de deux coups, l'ung dans la cuisse et l'autre dans le dos; dont MM. les mareschaux de France et officiers d'armée ont /142/ fait grand bruit contre la Bretesche, à qui l'on fait le proces pour avoir osé attaquer pour un semblable subject un lieutenant general qui avoit droit de leur commander et se faire obeir.

M. de Longueville ce [se] tient puis quelque temps à Chaliot [Chaillot] dans la maison de M. de Bassompierre, dont l'on dit qu'il ne vouloit point revenir jusques à ce qu'on luy enovye le brevet du gouvernement du Pont de l'Arche, que M. le Cardinal luy a promis solennellement et qu'on differe à luy tenir, sur ce qui [qu'il] ne ce [se] presente point d'occasion de recompenser M. de Beaumont, à qui il appartient. Le mescontentement de M. de Vendosme ne paroit point encor, et l'on croit que c'est peu de chose, mais M. de Mercure ne se prepare pas pour aller en Catalougne.

Le traitté des charges du gouvernement d'Auvergne avec celuy de Picardie n'est pas encor conclut, parce que M. d'Elboeuf veut que M. le Cardinal luy paye en argent comptant les 100 mille escus de retour qu'il luy promet.

La semaine passée on donna arrest au Conseil d'en haut portant que des conseillers du Parlement de Paris seroint deputtés pour aller faire payer la taille dans les provinces. Cest arrest feut apporté à la Grand' Chambre pour y estre esmologué, comme il feut; mais les maistres des requestes s'y sont opposés directement, pretendant que les commissions n'apartiennent qu'à eux et que les conseillers du Parlement n'y ont aucung droict. A cela MM. des Enquestes disent qu'estant porté par la declaration que les tresoriers de France et les esleus feront leurs charges, le Parlement ne doit pas accepter les commissions qui y contreviennent, outre que plusieurs croyent qu'on ce [se] veut servir de ce moyen pour les rendre odieux au peuple. Ainsy l'on estime qu'ilz n'aprouveront point cette esmologation et parlent de s'assembler tant sur cela que pour les contraventions qui ont esté faittes à la declaration.

Avant hyer au matin M. le Premier President ayant commencé à parler de donner arrest pour deffendre aux rentiers de la Ville de continuer leur assemblée, M. Laisné dit qu'il estoit chargé d'une requeste pour eux, laquelle il leut tout haut et dit qu'il faloit auparavant faire droit sur ceste requeste, ce qui ferma la bouche au Premier President, l'opinion de M. Laisné ayant esté suivie de toutte la Compagnie.

On a mis en prison dans la Conciergerie du Palais un Cordelier et un Jacobin accusés de fausse monnoye. Il y en a un qui a trouvé le secret de faire de l'or que les orfevres ne peuvent pas distinguer d'avec le bon.

/143/ Hyer M. le Prince se fit adjuger dans le Conseil des finances qui se tient ches M. d'Hemery (qui se porte mieux) le duché de Bourbonnois en eschange de celuy d'Albret, qu'on donne au duc de Bouillon pour celuy d'Auvergne afin de satisfaire au traitté de Sedan. L'on tient hyer et avant hyer conseil sur les affaires de Bourdeaux, où l'on dit qu'on a envoyé un courrier portant ordre au mareschal du Plessis d'y faire la paix à quelque prix que ce feut.

Il y a advis que le comte d'Oignon est party de Brouage pour aller au secours de M. d'Espernon avec sept vaisseaux et 4 brulotz.

L'on envoye 1400 mille livres au trouppes d'Erlach pour les licentier.

L'on dit que le comte de St Aignan a presté le serment pour la charge de premier gentilhomme de la chambre du Roy, laquelle il a achepté 560 mille livres de M. de Liancour, dont on dit que la Reyne et M. le Cardinal en ont donné une bonne partie.

Ce matin il y a eu arrest à la Grand' Chambre sur la requeste du Prevost des Marchandz portant deffenses aux rentiers de la Ville de Paris de s'assembler.

Le bled est ramandé de 5 à 6 livres par septier.

De Bourdeaux le 25 novembre 1649

Le 21 du courant sur la minuit M. de Sauveboeuf partit de St Machaire avec 800 chevaux et feut faire une course du costé d'Agen, d'où il passa aux villes de Marmande, La Reolle et Montsegeur [Monségur], où partout on luy a ouvert les portes, dont les clefz luy feurent offertes avec un secours tel quel ilz luy pourroint fournir pour luy ayder à battre Cadillac. En allant il recontra quelques compagnies de chevaux legers qui feurent defaittes en partie et le reste mis en fuitte, et mesmes M. d'Espernon, qui se sauva luy cinquiesme. Il auroit esté pris si M. Decasiguan ne se feut avancé tropt tost pour le recognoistre. Ce duc a appellé tous ses amis qu'il avoit dans la province pour le secourir, et ainsy il a maintenant 2000 chevaux mais fort peu d'infanterie.

M. de Sauveboeuf a receut un renfort de 200 chevaux qui luy sont venus du Lymosin, et le 22 arriverent icy 400 fuseliers à 8 heures du soir du Pareage de Perigueux, lesequelz en arrivant firent une fort belle descharge à l'entrée de la ville. Il y en a 7 ou 800 encor en chemin pour joindre avec ceux cy.

/143v/ Le comte d'Oignon est prest de se mettre en mer pour venir secourir M. d'Espernon avec 5 vaisseaux de guerre qu'ilz ont esquippé pour cest effect, 2 brulotz, et quelques chaloupes. Il a si bien fait qu'il tire de nostre party nostre admiral Treillebois. Apres luy avoir escrip 2 ou 3 fois, il luy a envoyé faire un commandement de se retirer dans 8 jours ches luy à peyne de la vie, confiscation de ses biens, et desmolition de ses maisons, et le mesme commandement a esté fait en mesme temps à tous les autres qui sont du gouvernement de Brouage qui ont pris party avec nous; en suitte de quoy cest admiral est sorty de son vaisseau incognito soubz pretexte d'aller prendre des eaux dans les isles de Cognac, dont il est party de nuict pour se retirer ches luy. Son filz, qui est vice admiral, avoit enmené son vaisseau à Mortagne pour y prendre des vivres et de là se mettre en mer pour aller pyratter; mais il a esté surpris par d'[autres] conseillers du Parlement qui avoint esté depputtés promptement à cette fin aussytost qu'on sceut icy la retraitte de son pere, lesquelz l'ont enmené icy au conseil de guerre, où on le retient pour le rendre responsable des actions de son pere, de la perte des matelotz qui se sont retirés avec luy, et d'une bonne partie de l'esquipage d'ung vaisseau qui estoit commandé par le cappitaine Thibaud, lequel est aussy retiré avec un nomme La Calanie, lieutenant d'ung autre vaisseau. Le jeune Treillebois dit pour excuse que son pere ne luy a pas communiqué son desseing, et qu'il ne pouvoit pas desobeir au comte d'Oignon à moings de perdre tous ses biens; mais que pour luy, qu'il vouloit mourir au service du Parlement et de la ville de Bourdeaux, et qu'il n'estoit allé à Martigny [Mortagne?] que pour achepter du pain, n'en pouvant avoir icy pour de l'argent. Nos vaisseaux ce [se] sont maintenant retirés au Bec d'Ambes.

Suivant ce qui avoit esté resolu au Parlement le 22 de ce mois, que les articles de paix proposés par le mareschal du Plessis seroint communiqués à la Ville, on s'assembla avant hyer dans la ville, où les 230 principaux bourgeois de Bourdeaux feurent appelés au son de la grande cloche pour desliberer sur lesdites propositions. Le menu peuple environnant le lieu de l'assemblée disant hautement qu'ilz ne vouloint point d'esloignement mais changement de gouverneur de la province, il y eut deux opinions /144/ differentes: les uns se vouloint tenir à la desliberation du Parlement, qui estoit l'esloignement du gouverneur en attendant qu'on peut obtenir le changement, et les autres au contraire vouloint le changement pure et simple. Le dernier advis feut beaucoup plus fort que l'autre et passa, en sorte qu'il feut arresté qu'on ne feroit point de paix jusques à ce qu'on l'eut obtenue avec la desmolition du Chasteau Trompette, laquelle cepandant seroit continuée incessament et avec plus de diligence qu'auparavant; que tous bourgeois et habitans de la ville presteroint un nouveau serment d'union tres presise sans ambiguitté, et que tous ceux qui ne voudroint pas suivre ce sentiment seroint obligés de le declarer, et enfin qu'on ne feroit aucung traitté sans le consentement de nos generaulx et du Parlement de Paris, qui est en quelque sorte uny avec le nostre. Ceste deliberation feut hyer porté au Parlement par des deputtés de la Ville et feut confiermée. En mesme temps il feut arresté que les mesmes deputtés qui avoint desja conferé avec le mareschal du Plessis, y retourneroint pour luy apporter ceste desliberation et l'advertir qu'il n'est pas en seurté à Lormont, le peuple murmurant fort contre luy.

/145/ De Bourdeaux le 29 novembre 1649

Les juratz ayant voulu aller à Lormond pour porter au mareschal du Plessis la desliberation qui avoit esté prise à l'assemblée de l'Hostel de Ville le 24 de ce mois, les commissaires du Parlement s'en excuserent et le Parlement deslibera là dessus que MM. du Saut et de la Vie, advocats generaulx, iroint trouver ce mareschal pour luy faire entendre que s'il n'accordoit les deux articles plus importantz, qui sont le change de M. d'Espernon et le rasement du Chasteau Trompette, que le Corps de Ville et le Parlement seroint obligés de discontinuer le traitté qu'ilz avoint commencé avec luy.

M. le mareschal ayant ouy ces propositions, tesmoigna estre esmeu par la responce qu'il fit à ces deputtés, leur ayant dit qu'ilz venoit luy donner son congé, lequel il avoit à demander au Roy voyant leur obstination à la guerre, qu'il ne pouvoit leur accorder ces articles comme il leur avoit declairé aux precedentes conferences, mais puisqu'ilz estoint dans cette resolution de ne vouloir point de paix qu'à ces conditions, qu'il leur declairoit de la part du Roy et selon son pouvoir qu'ilz estoint criminelz de leze majesté et perturbateurs du repos public puisqu'ilz ne vouloint point desarmer, et que M. d'Espernon n'avoit rien fait que par ordre du Roy; à quoy il adjousta qu'ilz vouloint maintenant faire la guerre à Sa M., qui n'avoit point aprehendé les armes de l'Empereur ny du roy d'Espagne, et que Bourdeaux seul vouloit perseverer dans sa rebellion. Sur cela il s'addressa à M. du Saut, qui luy avoit apporté la parole comme plus antien, et luy dit qu'il s'estonnoit fort que ledit sieur du Saut, estant homme du Roy et ayant blanchy dans l'experience des affaires, vient porter des parolles de rupture de paix à une personne qui venoit de la part de son maistre; qu'il ne croyoit pas qu'il eut cest ordre du Parlement; et que pour estre creu il devoit apporter le registre.

M. du Saut repartit hardiment, et neanmoings avec respect à M. le Mareschal, qu'il avoit veu le miserable estat auquel M. d'Espernon avoit reduit la province et la grande aversion que tous les peuples ont contre luy; qu'il croyoit dignement servir le Roy son maistre en le suppliant de pourveoir à un si grand desordre; et qu'il estoit evident que Sa M. n'y seroit jamais bien servie tandis que M. d'Espernon exerceroit la charge de gouverneur; que les desordres y continueroint tousjours; qu'il estoit bien estrange que l'on fit aprouver par Sa M. tout ce qui avoit esté entrepris contre son authorité; et que /145v/ n'en estant pas instruitte, on la vouloit rendre fautrice de tant de maux. M. le Mareschal persista dans sa premiere response et lesdits sieurs deputtés se retirerent aussy malsatisfaitz de luy qu'il estoit d'eux. Il a demandé ce matin une galiotte pour le conduire à Blaye, laquelle on luy a accordé. Lesdits deputtés ayant fait leur raport de tout, on a remis à y desliberer l'apresdisnée.

M. de Sauveboeuf est icy depuis le 25 au soir pour conferer avec le Parlement des choses importantes et recevoir ses ordres. Il doibt partir ce soir pour retourner à l'armée, qui est encor vers La Reole.

L'armée navale du comte d'Oignon n'est point encor entrée dans la riviere. On esperoit que MM. du Parlement de Paris s'interesseroint pour nous, comme ilz avoint fait esperer par leurs lettres, mais ce retardement qu'ilz y apportent nous est fort prejuditiable. D'ailleurs il[z] ne prennent pas garde que nostre cause est la leur.

/147/ De Paris le 10 decembre 1649

Vous aves sceu que dans l'assemblée des docteurs tenue en Sorbonne, le premier docteur, M. de Hallier, ayant esté esleu scindic, les Janssenistes, qui avoint donné leur voix au curé de St André des Ardz, firent leurs protestations contre ceste eslection fondées sur ce que les Molinistes, pour avoir plus de voix, y avoint appellés quantité de moynes, quoy que l'on n'y peut admettre que deux de chasque ordre, et sur ce que M. du Hallier est archediacre de St Malo, qui est un benefice qui oblige à residence; et de plus l'on l'accuse d'avoir apreuvé un livre censuré par la Faculté, lequel traitte du pouvoir que les papes peuvent avoir sur les roys. Les Janssenistes obteindrent là dessus un arrest du Parlement portant deffenses à M. du Hallier de faire la fonction de scindic jusques à ce qu'il en feut autrement ordoné. Cest arrest feut signiffié l'assemblée du premier novembre, mais les docteurs ne laisserent pas de confiermer cette eslection et d'apreuver ce qui avoit esté fait au mois precedent, ce qui obligea derechef les Janssenistes de protester et de representer au Parlement l'infraction de l'arrest. Sur cela M. le Premier President envoya querir M. le Penitentier, avec 5 autres docteurs, et leur dit qu'il falloit qu'ilz accommodassent eux mesmes cest affaire sans le faire esclatter d'avantage, ce que ceux cy proposerent à l'assemblée du premier du courant; mais ne pouvant pas s'accorder, on prit un autre expedient, qui feut que M. du Hallier nommeroit 3 docteurs de son party, les Janssenistes 3 du leur, et la Faculté 3 autres de ceux qui sont indifferentez, pour trouver les moyens de terminer l'affaire à l'aimable dans une assemblée extraordinaire qui se tiendra demain ou lundy.

Le 2 du courant les rentiers de la Ville ayant presenté requeste au Parlement par laquelle ilz demandoint que leurs assemblées et eslections qu'ilz ont faitte du 18 scindicz, dont six sont Frondeurs du Parlement, feussent authorisés. La Grand' Chambre ne respondit rien à cette requeste. Sur cela MM. des Enquestes, à la priere desdits scindicz, resoleurent de se trouver aux assemblées qu'on avoit proposé de tenir sur cest affaire ches M. le Premier President, et suivant cela on afficha aux coings des rues un avertissement à ceux qui ont interests aux rentes de l'Hostel de Ville de se trouver le 4 de ce mois ches ledit sieur President, pour aviser aux moyens d'estre payé à l'advenir suivant les propositions qui en seroint faittes. Ledit jour 4 au matin le Procureur General ayant remonstré à la Grand' Chambre le tort que ce scindicat et ces assemblées pourroint faire aux affaires du Roy à cause du grand nombre de personnes qui s'y trouvent d'ordinaire, et que cela pourroit encor faire naistre des nouvelles brouilleries dans Paris, il y eut arrest portant cassation du scindicat, et que l'arrest donné par la Chambre des vacations au mois de septembre dernier, qui deffend ces assemblées, seroit executté; dont MM. des Enquestes estant avertis, il feut resolu dans touttes les chambres que le scindicat seroit maintenu, qu'il ne pourroit estre cassé que par deliberation de tout le Parlement assemblé, et que les deputtés des Enquestes iroint l'apresdisnée ches le Premier President pour luy annoncer leur desliberation; ce que celuy cy ayant sceu, fit trouver ches luy le Prevost des /147v/ Marchandz et les eschevins. Les deputtés des Enquestes s'y trouverent aussy, avec 4 à 500 rentiers dont ont [on] fit entrer dans l'assemblée six des principaux, lesquelz declairerent qu'ilz demandoint l'execution de la declaration du Roy et des arrestz du Parlement donnés en leur faveur et la confiermation du scindicat. Le Premier President promit aux deputtés des Enquestes d'en parler le 7 dans la Grand' Chambre, sans faire autre response; ce qui ne satisfit point les rentiers, qui firent grand bruit, tant contre luy que contre le Prevost des Marchandz et contre les payeurs des rentes, menacerent et mesmes pousserent fort rudement le president Le Coigneux, qui avoit voulu leur remonstrer qui [qu'ilz] se devoint comporter doucement dans cest affaire et la laisser accommoder à l'amiable, et luy reprocherent qu'il en parloit bien à son ayse, puisque soubs main on luy payoit entierement 4 quarters de ses rentes. L'on cria pas [par?] plusieurs fois tout haut, "A lundy l'assemblée à l'Hostel de Ville, nonobstant l'arrest." Le Prevost des Marchandz ne se voyant pas en seurté sortit incognito par une porte de derriere, quoy qu'il y eut dans la basse cour du Premier President plus de cent archers, et autant de soldatz aux avenues de sa maison, ce qu'on y avoit fait venir pour empescher le desordre en cas qu'il en arrivat; sur quoy M. Cormuel, beaufrere de M. le mareschal du Plessis, et M. Jolly, conseiller au Chastellet, parlerent avec grande hardiesse au Premier President, luy ayant dit qu'il estoit bien estrange qu'on ne peut pas venir avec liberté ches luy dans une assemblée où chacung devoit dire librement ses sentimentz et qu'il sembloit leur vouloir interdire leurs suffrages par la force. Le soir du mesme jour 4, quantité d'archers guetterent l'ung de leurs scindics nommé M. de Couttures autour de sa maison pour le mettre en prison, sans neamoings en pouvoir venir à bout, parce qu'il en feut averty; et M. de Beaufort, qu'il affectionne beaucoup, en fit plainte à M. le duc d'Orleans et fit du bruit là dessus. Cette affaire feut cause que S.A.R. n'alla pas ce jour là en sa maison de Limours, où il avoit resolu d'aller passer deux ou 3 jours, et son esquipage estoit pour partir lors qu'il prit la resolution de n'y aller point. Le 5 il y eut encor des billetz affichés aux coings des rues pour semondre les rentiers de se trouver à l'assemblée de l'Hostel de Ville, laquelle s'y tient le 6. Il y feut resolu qu'ilz presenteroint le lendemain une requeste au Parlement, comme ilz firent, par laquelle ilz se plaignoint principalement de ce qu'on avoit voulu faire affront à de Couttures, leur scindic, et demandoint permission d'en faire informer et publier monitoire contre ceux qui l'avoint voulu arrester; que cepandant les rentiers feussent mis soubz la protection du Parlement. La Grande Chambre ordonna que cette requeste seroit monstrée au Procureur General, et l'on n'y a faict encor autre chose.

On croit que l'arrest de la Grand' Chambre donné pour envoyer des conseillers du Parlement /148/ dans les provinces afin d'y faire payer la taille, n'aura pas lieu à cause de l'opposition des maistres des Requestes et de la pluspart de ceux des Enquestes. Au lieu de cela l'on parle de tirer 3 chambre de la Cour des aydes, composée chacune d'un president et 7 conseillers, pour aller tenir une espece de Grandz Jours à Soissons, à Bloys, et à Moulins, afin de restablir dans les provinces l'authorité du Roy en ce qui concerne les aydes, tailles, et gabelles.

Le 5 du courant le comte de St Aignan commenca à servir la charge de premier gentilhomme de la chambre du roy, laquelle il n'a achepté que 540 mille livres, dont la Reyne et M. le Cardinal luy donnent 100 mille livres.

On dit que S.A.R. avoit bien consenty que le duché de Bourbonnois feut adjugé à M. le Prince, mais despuis il y a des oppositions touttes prestes, lors que cest affaire sera porté au Parlement. Le duché d'Albret, qui est destiné pour M. de Bouillon, luy est donné en souverainetté.

Quant aux villes de Stenay, Clermont, et Jametz, qui sont donnés à M. le Prince en tiltre de souverainetté, le duc François, frere du du[c] de Lorraine, y a formé son opposition au Parlement, tant pour luy que pour ses enfans, qu'il pretend y avoir tout droict comme heritiers presomptifz du duché de Lorraine, du chef de leur mere, qui estoit soeur de Mme la duchesse de Lorraine, qui est icy. Ceste opposition est receue au Parlement, quoy que le Procureur General aye fait difficulté de la recevoir au commencement.

M. d'Hemery commenceant à se bien porter, le Conseil des finances se tiendra dores en avant ches M. d'Avaux, qui n'est allé le tenir ches luy qu'à cause de sa maladie.

M. l'abbé de la Riviere a receu le consentement de l'archevesque de Reins pour la coadjutorie de cest archevesché, au moyen d'une abbaye qu'il resigne à l'abbé de Sillery, nepveu de cest archevesque, laquelle celuy cy rendra lors que le premier luy fera donner un evesché, luy ayant promis le premier vaquant.

Le regiment de Navarre ayant eu son departement dans la ville de Melun pour y passer, il feut receu sur la fin de la semaine passée; mais estant ensuitte venu un autre ordre d'y demeurer, les habitans commencerent d'en murmurer et de prendre les armes pour chasser ce regiment. Le presidial de ladite ville et les principaux bourgeois ayant veu ce second ordre, resoleurent d'y obeir; mais ilz ne feurent pas les maistres du peuple, qui vouloit que les soldatz logeassent dans les faubourgs et les officiers dans la ville. Sur cette contestation on abbattit les herses des portes et l'on tua un cappitaine et quelques soldatz, les autres s'estantz sauvés en desordre dans les villages d'alentour, où ilz font tous les ravages possibles. Les pliantes en sont venues à la Cour, et l'on y a envoyé des commissaires pour en informer.

/148v/ On a aussy licentié quelques compagnies des Suisses, entre autres deux qui estoint dans Dunquerche et qu'on avoit peyne d'en faire sortir. On avoit encor licentié le regiment d'infanterie du comte de Paluau, mais il l'a faict restablir.

M de la Vie, advocat general du Parlement de Bourdeaux, arriva icy le 7 et rendit conte à la Cour de tout ce qui s'estoit passé avec le mareschal du Plessis. Le chevalier de la Valette partit d'icy le 3 pour y aller commander les trouppes de M. d'Espernon. MM. des Enquestes avoint parlé de s'assembler pour cest affaire, mais la Grand' Chambre ne l'a pas voulu à cause qu'on a promis de ne s'assembler plus de l'année 1649, outre la disposition qu'elle veoit à l'accommodement.

Le chevalier de Douville a faict une prise sur la Mer Mediterranée d'un vaisseau espagnolz que quelques Italiens pretendent leur apartenir, plein de piastres et de marchandises, le tout estimé à plus de 400 mille livres, mais il y a esté tué. M. le Cardinal, qui a les droitz du roy des prises qui se font sur la mer, a proffité en celle cy de plus de 80 mille escus pour sa part.

Avant hyer au matin le Roy et M. le duc d'Anjou receurent le sacrement de confiermation, qui leur feut administré par l'evesque de Meaux, premier aumosnier de Sa M., quoy que M. l'archevesque de Paris et le Coadjuteur feussent tous deux en cette ville; mais à la Cour le grand aumosnier est l'evesque du roy, et le premier aumosnier en l'abscence du grand.

Le mareschal de Brezé arriva icy la semaine passée. Depuis on dit que le petit duc d'Anguyen a eut a survivance du gouvernement de la senechaussée et du chasteau de Saumur, qui apartient à ce mareschal et est estimé plus de 20 mille livres de rente.

On dit aussy qu'on a deslivré au duc de Longueville des assignations pour 200 mille livres qu'on donne à M. de Beaumont pour le recompenser du gouvernement du Pont de l'Arche, promis à ce duc.

L'on a volé la nuict passée la vaiselle d'argent du prince de Conty dans l'hostel de Condé.

/149/ De Bourdeaux le 2 decembre 1649

La nouvelle que l'on publioit que M. de Sauveboeuf estoit allé vers Agen, Marmande, La Reolle, et que des villes luy avoint ouvert les portes, ce [se] trouve fausse, et de touttes les circonstances que l'on en disoit, il n'y a autre chose de veritable sinon que ce general ayant eu advis que M. d'Espernon avoit retiré la garnison de La Reolle, partit avec 800 chevaux pour aller s'en emparer, sachant bien que les bourgeois de ladite ville estoint disposés à luy ouvrir les portes; mais il y arriva un peu tropt tard, M. de Biron y estant entré demy heure auparavant avec 500 chevaux. En revenant il descouvrit quelque cavalerie commandée par M. d'Espernon, qu'il poursuivit 3 lieues durant sans la pouvoir attraper. Il doibt partir aujourd'huy d'icy pour retourner à l'armée avec 5 à 600 hommes qui estoint venus du Pareage de Perigord, lesquelz serviront à remplacer, au lieu de 4 ou 500 qui se sont desbandés despuis que nostre armée se refraichissoit à St Macaire. On attend les troupes que les marquis d'Aubeterre et d'Hautefort doivent amener de Perigord.

M. d'Espernon n'a que 4 à 500 chevaux de trouppes soudoyés et 800 fantassins.

On continue à lever icy les droitz du Roy, et l'on a envoyé en Holande pour emprunter de l'argent sur quelques offres de nos marchandz pour survenir aux frais de la guerre.

On nous a escript de La Rochelle que le comte d'Oignon s'estoit mis en mer avec 7 vaisseaux, 3 brulotz, et quelques chaloupes; mais parce que l'Isle de Ré s'estoit soublevé il y a quelque temps, ne voulant payer aucung droit nouveau sur le scel et sur le vin que conformement à la declaration du mois d'octobre de l'année derniere, et qu'elle avoit tué une partie des gens que ce comte y avoit envoyé pour faire la levée de ces droitz, il y mouilla et fit mettre pied à terre à 800 hommes pour chastier les habitans de cette isle; sur quoy ceux cy voyant que le canon les pourroit fort incommoder dans St Martin, l'ont abandonné et se sont retirés à Ars, qui est à l'autre bout de l'isle, au nombre de 1500, lesquelz s'y estant retranchés, et pour cest effect ont couppé une digue, resolus de s'y bien deffendre, ce qui fait croire que ce comte ne viendra pas nous veoir cy [sy] tost.

On travaille tousjours à la desmolition du chasteau, les galeries duquel ne sont plus que de la hauteur de la muraille de la ville. L'on doit mettre le feu dans 2 jours à ii fourneaux que l'on fait dans une tour pour le mettre à bas.

On n'a point retenu le filz de Treillebois, mais on ne parle point de luy continuer son employ.
M. le mareschal du Plessis se retira de Lormond à Blaye le 30 du passé apres la declaration qu'on luy avoit faitte de la repture, et y attend son congé de la Cour. Le Parlement ayant desliberé sur la response que ce mareschal avoit faitte à nos deputtés, a resolu que M. de la Vie seroit envoyé à la Cour pour rendre conte des choses comme elles ce [se] sont passées en cette derniere conference et pour faire instance avec les autres depputtés du Parlement, /149v/ qui sont à Paris pour obtenir le changement de M. d'Espernon et la desmolition du Chasteau Trompette. A cette fin ledit sieur de la Vie partira demain en poste et doibt avec les autres deputtés prier le Parlement de Paris de continuer sa bonne volonté au nostre et de l'assister de sa protection pour seurté des conditions de l'accommodement qui sera proposé en cas qu'ilz en puissent venir à bout.

Aussytost apres cette declaration de la rupture, nostre archevesque envoya demander un passeport au Parlement, disant qu'il estoit indisposé et obligé d'aller prendre l'air de la campagne. Par mesme moyen il fit entendre qu'il voudroit estre asses heureux pour pouvoir servir le Parlement et la Ville en taschant de renouer le traitté, et que si on luy donnoit cognoissance, il s'y employeroit fort volontiers, nonobstant son indisposition. Sur cela le Parlement ordonna qu'il seroit remertié et qu'on luy diroit simplement, sans luy faire autre priere, que le Parlement agreeroit fort son entremise pour renouer ce qui a esté rompu sur les deux articles, et en mesme temps luy envoya son passeport, suivant lequel il partit et est maintenant à Blaye.

Le nouveau regiment de Bourdeaux qu'on leve icy ne sera que de mil hommes choisis, et demeurera icy pour la deffense de la ville, dont l'on travaille à reparer les murailles et à faire que chasque maison aye prouvision de bled pour 3 mois à cause des menaces qu'on nous fait d'une ruyne entiere, le peuple estant resolu de perir avec honneur, s'il faut perir, plustost que de souffir les maux dont on les menace.

La disette des bledz n'est pas icy telle qu'on avoit voulu faire accroire, et il en vient de divers endroitz nonobstant les empeschementz de M. d'Espernon; lequel ayant mis une bonne garnison dans le bourg de Paillet, scitué sur le bord de la Garonne au dessoubz de Cadillac, pour empescher la descente des bateaux, un de nos cappitaines nommé Morpin y a mis pied à terre et a forcé cette garnison, gaigné tous les retranchementz, et bruslé le lieu où estoit le corps de garde et rompu les barricades, de sorte que la garnison ayant pris la fuitte, il est demeuré le maistre du bourg.

De Blaye le 3 decembre

Les Bourdelois declarerent hyer hautement à M. le mareschal du Plessis qui [qu'ilz] se porteroint à touttes extremittés, et qu'il n'y avoit rien qui [qu'ilz] ne tentassent pour se maintenir, quand ilz devroint se donner au Turc. Le chef de leur conseil de guerre, archi-Frondeur nommé de Bland, dont le filz, qui estoit conseiller, feut tué à l'occasion de Libourne, s'est meslé cette fois de l'accommodement. Il vient hier icy avec M. l'archevesque de Bourdeaux de la part du Parlement pour porter les conditions de l'accommodement; que l'on n'insistoit plus sur le changement du gouverneur de la province pourveu qu'il /150/ pleut à M. le Mareschal de luy promettre son esloignement et le rasement du Chasteau Trompette soubz le bon plaisir du Roy; et que pour cest effect M. de la Vie, advocat general, qui estoit l'ung des deputtés, iroit en diligence à la Cour en demander l'aveu de Sa M.; et cepandant qu'on accorderoit une treve pour 10 ou 12 jours durant lesquelz on donneroit à vivre à Bourdeaux. M. le Mareschal leur tesmoigna beaucoup de satisfaction de les veoir dans l'intention de pacifier la province en se relaschant de leur demande pour le changement de gouverneur, mais il leur dit qu'il ne pouvoit accorder la promesse qu'ilz vouloint exiger pour luy, et encor moins la treve aux conditions qu'ilz proposoint, veu qu'elle leur seroit plus utile qu'à Sa M., sur quoy ilz ont resolu d'envoyer à la Cour M. de la Vie, qui est porteur de celle cy.

Nous venons d'avoir advis de La Rochelle, confiermé par quelques autres chargés de 2000 hommes de pied, dont il en doibt descharger une partie dans le Medoc, et en prendre 1400 qui sont arrivés à Xaintes; c'est à dire que le chemin des provisions et des bledz, particulierement du costé d'en bas, leur est fermé, et M. d'Espernon leur bousche celuy d'en haut, de sorte qu'on espere que dans 15 jours il n'y aura plus de bled dans Bourdeaux, le plat pays des environs n'en ayant point porté cest année.

/151/ De Paris le 14 decembre 1649

Le xi du courant M. Joly, conseiller au Chastelet et scindic des rentiers, estant allé veoir le president Charretton, 4 ou 5 cavaliers bien montés l'aperceurent comme il en sortoit, et l'ung d'eux s'avancea à touttes bride; et en passant devant la portiere du carrosse tira son pistolet sur ledit sieur Joly, qui estoit dedans seul, et l'attaignit un peu au bras, mais les balles ne firent q'une esgratigneure. En mesme temps l'assasin prit la fuitte au galop du costé de Ste Geneviefve, et ses compagnons l'ung deça, l'autre delà. Le president Charretton ayant esté adverty qu'on le guettoit et qu'on avoit pris M. Jolly pour luy, sortit aussytost; et apres avoir veu celuy cy dans cest estat, accourut en diligence au Palais, en disant qu'il faloit prendre les armes et fermer les boutiques. Il feut dans touttes les chambres des Enquestes, et avec un visage tout en feu dit qu'il n'estoit plus question de parler d'affaires particulieres et qu'il faloit promptement songer à la seurté du Parlement; qu'on l'avoit voulu assasiner, et qu'on avoit pris M. Joly pour luy. MM. des Enquestes le suiverent d'abord pour la pluspart dans la Grande Chambre, où le president Charretton ayant faict sa plainte, feut mis soubz la protection du Parlement; en suitte de quoy on opina sur ce qu'on devroit faire pour l'assasinat, et l'on remarqua que M. de Broussel feut d'advis de fermer touttes les portes de la ville afin d'empescher que l'assasin n'en sortit, mais son advis ne feut pas suivy; et il feut resolu seulement qu'il en seroit informé, et MM. Doujat et de Champrond feurent deputtés pour se transporter l'apresdisnée sur le lieu où le coup avoit esté faict; et cepandant le marquis de la Boulaye s'estant trouvé au Palais et ayant parlé au president Charretton comme il arrivoit, feut aux environs du Palais, le pistolet à la main, criant aux armes et qu'on ferma les boutiques; ce que les bourgeois ne vouleurent pas faire, mais quelq'ungs en fort petit nombre sortirent avec des armes et la pluspart des autres accoureurent dans les marchés, où tout le pain feut aussytost enlevé. Enfin ce marquis feut accompagné par ceux qui luy avoint obei ches M. le Coadjuteur, qui ne feut pas content de sa visitte. De là il feut veoir M. Joly, qui est aussy logé dans le cloistre Nostre Dame, et s'en retourna ches luy l'apresdisnée à cheval, accompagné de 12 cavaliers. Son action l'a fort noircy à la Cour, et tout Paris croit que c'est une piece que les Frondeurs ont fait expres pour faire soulever le peuple et trouver moyen de perdre M. le Cardinal; en quoy n'ayant peu reeussir, l'on commence à se moquer d'eux, et tout le monde dit que la Fronderie est à bas.

L'on remarqua que le matin du mesme jour la Cour estoit fort alarmée au Palais Royal à la premiere nouvelle qu'on y en receut, mais elle s'asseurat tout à fait lors qu'elle aprit que les bourgeois avoint refusé au marquis de la Boulaye de prendre les armes; et sur cela la Reyne feut entendre la messe en l'esglise Nostre Dame, où elle feut menée par M. le Prince. A son retour le Prevost des Marchandz et les echevins feurent au Palais Royal pour l'asseurer de la fidelité de la ville de Paris et que les bourgeois n'avoint aucune part à la sedition qu'on avoit voulu exciter, ce qui satisfit beaucoup Sa M. L'apresdisnée MM. Doujat et Champront firent les informations de ce qui s'estoit passé /151v/ le matin lors que le coup de pistolet feut donné, et visitter M. Joly pour veoir sa blessure, dont l'apareil feut levé en leur presence par les chirurgiens et medecins du Parlement, et l'on vit son bras noir et enflé au lieu où estoit la contusion, apres quoy l'on visitta son carrosse, où l'on remarqua les trous que les balles y avoint fait.

Le soir du mesme jour, sur les 8 à 9, 8 cavaliers s'estant posté dans la place Dauphine, les bourgeois s'en aperceurent et leur envoyerent demander ce qu'ilz faisoint là et quel estoit leur desseing, à quoy ilz respondirent brusquement de quoy on se soucioit, et ne vouleurent dire autre chose. Sur cela les bourgeois y renvoyerent pour sommer ces cavaliers de leur dire s'ilz estoint là de la part du Roy ou de personne d'authorité, leur promettant qu'en ce cas ilz ne s'en formaliseroint pas d'avantage; à quoy ces cavaliers ayant fait la mesme responce, on leur declaira que si ilz ne se retiroint, on alloint tirer sur eux. Il y en eut un sur cela qui tira son pistolet en l'air, ce qui obligea les bourgeois à sonner la clochette et à sortir en armes, mais les cavaliers ne les attendirent pas, ayant pris la fuitte sur le Pont Neuf, où M. Vialar, escuyer de M. le Prince, estant passé au mesme instant dans un carrosse de S.A., ilz s'avancerent à la portiere pour recognoistre qui estoit dedans, et ayans tiré le rideau dirent que celuy qui [qu'ilz] cherchoint n'y estoit pas; et neamoings ilz tirerent 10 ou 12 coups de pistolet sur le carrosse du comte de Duras, qui suivoit celuy de M. Vialar, dans lequel il n'y avoit que des lacquais, dont il en eut un de ce comte qui feut blessé. Aussytost on envoya advertir de cecy M. le Prince, qui estoit à l'hostel de Longueville, d'où S.A. feut au Palais Royal; et ayant resolu de coucher, comme elle fit, ches le baigneur Preudhomme, elle envoya son carrosse à son hostel avec ses gens de la mesme façon que si elle y eusse esté, mais personne ne parut plus. Elle avoit esté advertie auparavant par un bourgeois qu'il y avoit conspiration contre sa personne et qu'elle se gardat bien de passer de nuict sur le Pont Neuf. Quelq'ungs croyent neamoing que c'est une piece faitte à plaisir, aussy bien que celle des Frondeurs.

La mesme nuict quelques batteaux du port St Paul s'estant destachés, heurterent contre les pilliers du Pont Marie et du Pont Nostre Dame, et les batteliers s'en estant aperceux crierent aux armes, et quantité de personnes sortirent armés, croyant qu'on eut voulu detascher tous les bateaux et couler à fond tous ceux qui estoint chargés de bled et de vin; mais l'on feut appaisé lors qu'on recognut que les bateaux qui estoint detaschés estoint tout vuides.

Le 12 M. le duc d'Orleans, qui estoit allé le matin du jour precedent à Limours, en revient apres deux courriers qui luy feurent envoyés, et l'ont tient conseil l'apresdisnée au Palais Royal, où il feut resolu qu'on envoyeroit une lettre de cachet le lendemain au Parlement; où S.A.R. et M. le Prince entrerent hier au matin, accompagnés des ducs de Vendosme, d'Elboeuf, de Mercoeur, de Bouillon, de St Simon, et quelques autres, en presence desquelz la lettre de cachet feut leue et enregistrée; en suitte de quoy S.A.R. fit un discours fort ajusté par lequel il representa les mesmes choses qui sont contenues dans la lettre de cachet, qui a esté imprimée; et il feut arresté que l'on informeroit contre /152/ ceux qui avoint voulu exciter la rumeur le xi de ce mois, que celuy qui avoit tiré le coup de pistolet sur M. Joly seroit pris au corps, et que son proces luy seroit fait et parfait, qu'à faute d'estre trouvé il seroit crié à son de trompe à 3 briefz jours.

Le Parlement s'est encor assemblé ce matin, et M. le duc d'Orleans s'y est trouvé derechef avec M. le Prince et les mesmes ducs et pairs qui s'y trouverent hyer. M. de Mercoeur y a voulu precedder M. d'Elbeuf, mais il a esté arresté sur le champ que M. d'Elbeuf auroit sa seance devant luy. L'on a leu dans l'assemblée trois informations qui avoint esté faittes, l'une par les deputtés du Parlement, l'autre par le Lieutenant Civil, et la 3 par le Lieutenant Criminel, sur lesquelles on a decretté prise de corps contre le marquis de la Boulaye et contre les sieurs Germain, advocat en Parlement, Lanau, et autres quidans vestus de noir et de gris avec des manteaux rouges et gris. M. le Prince en aussy fait informer de l'attentat qu'on a voulu commettre en sa personne et a fait ouyr pour cest effect plusieurs bourgeois de la place Dauphine dont il n'y a pas ung qui aye accusé le marquis de la Boulaye, qu'on soubsçonne estre l'autheur de cette action.

Les deputtés de Bourdeaux pretendoint d'estre ouys au Parlement hyer et aujourd'huy, mais la presence de S.A.R. et de M. le Prince les a empeschés de s'y presenter.

Hyer tous les colonelz des quartiers feurent mandés à l'Hostel de Ville, où ilz receurent ordre de ne laisser point tendre les chaisnes ny prendre les armes sans ordre expres de la Ville, afin que l'authorité du Roy ne feut point blessée et que l'on peut mieux pourveoir à la seurté des bourgeois.

Le sieur Gargot, cappitaine d'ung vaisseau du comte d'Oignon, a pris nagueres deux vaisseaux holandois vers St Luc, chargés de marchandises qui venoint d'Espagne apartenant à des marchandz du Havre et de St Malo, lesquelz avec les Holandois en ont fait des grandes plaintes à la Cour, le commerce estant libre en se servant des vaisseaux holandois. Outre ces plaintes les six corps des marchandz de Paris reclamerent le xi de ce mois ces deux vaisseaux, et avant hyer l'affaire feut proposée au Conseil et la Reyne promit de les faire rendre.

Hyer M. de Bouillon La Marck, capitaine de cent Suisses du roy et beaupere du marquis de la Boulaye, supplia la Reyne de vouloir pardonner à ce marquis la faute qu'il avoit fait de s'estre laissé emporter d'ung zele indiscret pour MM. du Parlement; à quoy Sa M. luy respondit que c'estoit un affaire de tropt grande consequence et qu'il faloit laisser faire le cours de la justice, qui en estoit desja saisie. En mesme temps M. de Beaufort mena ce marquis ches M. le Prince pour se justiffier du soubçon qu'on avoit qu'il eut eu dessein d'attentir à la vie de S.A., laquelle respondit à M. de Beaufort qu'elle ne songeoit point que ce feut plustost ce marquis q'ung autre et qu'elle ne craignoit personne, mais qu'elle ne pouvoit pas veoir M. de la Boulaye, qui estoit en disgrace à la Cour pour avoir voulu esmouvoir une sedition dans Paris.

/152v/ De Bourdeaux le 6 decembre 1649

Le 3 du courant M. de la Vie estant party d'icy pour aller à la Cour, M. de Blanc Mauvaisin, conseiller, feut avec luy jusques à Blaye pour conferer encor une fois avec le mareschal du Plessis, d'où ledit sieur de Blanc revient hyer et rapporta que ce mareschal luy avoit proposé d'arrester une suspension d'armes pandant laquelle, à l'exemple de celle qu'on fit à Paris lors du traitté de Ruel [Reuil], on fourniroit à la ville de Bourdeaux mille septiers de bled par jour; mais on a jugé que cette trefve seroit d'une tres dangereuse consequence pour nous. C'est pourquoy on l'a rejettée, parce que, Dieu mercy, nous n'avons point manque de vivres quand il n'en viendroit point de 4 mois d'icy, quoy que quelq'ungs mal affectionnés ayent escript le contraire. Ce n'est pas que tout le monde ne souhaitte la paix, pourveu qu'elle soit asseurée.

Le mesme jour 3, M. de Sauvebeuf ayant desiré qu'on tient assemblée dans l'Hostel de Ville pour y desliberer sur les affaires de la guerre, la bourgeoisie s'y assembla en grand nombre et chacung fit un nouveau serment d'union. Il y feut resolu ensuitte qu'on feroit payer tous les arrerages des taxes, mais volontairement et sans aucune violence. C'est un fondz d'environ 300 mille escus, lesquelz sont suffisans pour soubtenir longtemps les despenses de la guerre avec ce qu'on retire du convoy, ce qui feut generalement approuvé, et l'on l'executte de bonne foy.

Le 4 on eut nouvelle de St Macaire qu'il y avoit eu combat entre le bourg de Cauderoe [Caudrot] et celuy de Gironde, situés proche la ville de La Reole, dans lequel 500 chevaux ennemis avoint esté mis en desroutte par nostre cavalerie commandée par le marquis de Theobon, en sorte qu'apres qu'elle en eut tué environ 150, le reste feut contraint de se jetter dans la riviere du Drot [Dropt] pour se sauver à la nage, où plusieurs se sont noyés et leurs armes et chevaux ont esté pris par les nostres.

On dit qu'il n'y a plus de garnison dans la ville de Bazas, et que les villes d'Agen et de Monsegur ont refusé de recevoir la garnison que M. d'Espernon leur vouloit donner; ainsy il n'y a garnison le long de la riviere du costé d'en haut que dans les villes de Marmande et La Reole.

Le comte d'Oignon est entré dans la riviere avec 9 vaisseaux et quelques brulotz et s'est avancé jusques au Bec d'Ambes, où nostre armée navale s'estant recontrée, il y a eu combat la nuict passée, lequel dure encor à present. On n'en sçait pas l'evenement, mais on nous dit q'ung de nos vaisseaux et deux de l'ennemy ont eschoué. On vient d'y envoyer presentement six brulotz avec des chaloupes chargées de soldatz et commandées par M. de la Mothe Guyonnet, qui est homme de resolution. M. de Sauvebeuf s'estoit offert pour conduire ce secours, mais nos habitans l'ont prié de n'aller point exposer à un si grand peril sa personne. Il a donné ordre qu'on se met icy soubz les armes, ce qu'on a fait; cepandant tout le monde est icy en prieres.

/153/ J'oubliois à vous marquer que le comte d'Oignon a escritt une lettre au Parlement par laquelle il declare que si la ville de Bourdeaux est dans l'obeissance qu'elle doit au Roy, il n'a point d'intention de venger la querelle de M. d'Espernon et offre d'escrire en Cour et s'entremettre à faire la paix.

Le Parlement luy a envoyé un gentilhomme avec response à sa civilité, l'asseurant que jamais le Parlement et la ville de Bourdeaux n'ont eu que des sentimentz de respect et d'obeissance pour Leurs M., estant bien marris que la violence de M. d'Espernon les eut porté à prendre les armes et à repousser la force par la force. Ce gentilhomme n'est pas encor de retour. C'est un homme fort intelligent et qui s'aquittera bien de cette commission.

/155/  Du 17 decembre 1649 de Paris

Les deputtés de Bourdeaux pretendoint d'estre ouys au Parlement dans les assemblées qui s'y sont tenues, mais la presence de M. le duc d'Orleans et M. le Prince leur empescha de donner audiance. Le 15 ilz feurent trouver S.A.R. et luy rendirent une lettre du Parlement de Bourdeaux apres la lecture de laquelle Sadite A.R. s'enferma avec eux pendant une demy heure dans son cabinet, et à la sortie l'on remarqua qu'elle dit que l'affaire de Bourdeaux seroit bientost accommodé.

Le 13 M. de Champlatreux, colonel de quartier de l'Isle du Palais, commanda à tous les cappitaines et officiers de son quartier de se trouver ches le Premier President, son pere, qui les acceuilly avec des caresses extraordinaires et les embrassa tous; apres quoy ledit sieur de Champlatreux leur ordonna de ne laisser point tendre les chaisnes ny prendre les armes sans son ordre, afin que l'authorité du Roy ne feut point blessée et que l'on peut mieux pourveoir à la seurté des bourgeois. En mesme temps tous les officiers des autres quartiers feurent mandés à l'Hostel de Ville. Le 14 il feurent au Palais Royal et asseurerent à la Reyne qu'ilz tiendroint la main à ce qu'ilz ne ce [se] passa rien contre l'authorité du Roy, dont Sa M. leur tesmoigna estre bien satisfaitte et les renvoya à M. le duc d'Orleans, leur ayant faict cognoistre qu'elle desiroit qu'ilz ne fissent rien sans prendre ordre de luy. Suivant cela lesdits colonnelz feurent mandés le 15 au Palais Royal par le duc de Montbazon, où S.A. les carressa fort et leur dit que la Reyne estoit fort satisfaicte de la conduitte et bon ordre qu'ilz observoint, et qu'elle les avoit recognus si fidelles à son service qu'elle avoit resolus de les prier de faire eux mesmes la justice contre ceux qui avoint escité la rumeur, et qu'elle ne vouloit point employer des soldatz pour se saisir des coulpables, mais qu'elle leur en vouloit donner la commission. Ilz respondirent à cela qu'ilz tiendroint tousjour la main à ce que les ordres du Roy feussent observés exactement, et qu'ilz prendroint ordre de S.A.R. pour tout ce qu'ilz auroint à faire; sur quoy elle les pria de porter une liste des noms et demeures de tous les officiers des quartiers à M. de Fromont, secretaire de ses commandementz, ce qu'ilz ont fait.

La nuict du 14 au 15 on cria aux armes dans la rue St Michel le Comte et vers l'Eschelle du Temple; et quoy que ce feut sans aucung subject, neamoings quantité de bourgeois sortirent armés, mais il n'y arriva aucune nouveauté.

/155v/ Le 15, par ordre du Parlement, le Prevost de l'Isle envoya ses archers au nombre d'environ 200 au Palais, où ilz demeurerent postés jusques à la sortie de messieurs. On n'en sçait pas le vray subject, mais la plus commune opinion est que le Premier President apprehendoit pour sa personne, ayant est[é] adverty qu'il y avoit conspiration contre luy.

Ce matin MM. des Enquestes ont demandé l'assemblée à la Grand' Chambre pour ouyr les deputtés de Bourdeaux et regler l'affaire des rantiers de la Ville, à quoy le Premier President a respondu qu'il en parleroit demain.

Le secretaire du comte Pigneranda arriva icy il y a 5 ou 6 jours, ayant passé à Peronne sans passeport à cause qu'il dit avoir ordre [de] son maistre de venir trouver M. Contarini, mediateur de la paix generale, avec lequel il a conferé et ensuitte a demandé un passeport pour aller en Espagne, ce qu'on luy a accordé et il partit avant hyer pour y aller; mais on luy bailla un courrier du cabinet du Roy pour l'accompagner jusques à ce qu'il sera hors de France. Cela a faict naistre un bruit que la paix generale est fort avancé, mais presque personne n'en croit rien.

Le different qui estoit en Sorbonne entre les Janssenistes et les Molinistes est accommodé, et M. du Hallier demeure scindic à condition qu'il desadvouera par acte public l'aprobation qu'il avoit donné au livre de Cornelius à Lapide touchant l'authorité que les papes pretendent avoir sur les roys.
On asseure que le marquis de la Boulaye est allé vers Bourdeaux et qu'il a esté recognu par delà Orleans courant la poste à six chevaux.

De Bourdeaux le 9 decembre 1649

Le 5 du courant le comte d'Oignon s'estant avancé au Bec d'Ambes avec son armée navale composée de 2 grandz galions et autres moindres vaisseaux, 2 fregattes, 4 brulotz, 4 chaloupes, et 3 barques, commencea à tirer sur la nostre, qui l'y attendoit, composée de 7 vaisseaux, 4 galaires, 15 galiottes, et quelques brulotz et chaloupes. Il y eut grand nombre de coup de canon tirés de part et d'autres, jusques à ce que les brouilliards et la nuict les separerent. Le lendemain il se trouva que le comte d'Oignon avoit perdu l'ung de ses plus braves capitaines nommé Montreche, qui estoit garde des costes; qu'il y avoit 3 vaisseaux eschoués, sçavoir un des nostres monté de 13 pieces de canon /156/ de fer que nos gens abandonnerent sur le sable, et les 2 autres des ennemis, tous deux fort beaux, l'ung nommé Jules et l'autre La Lune, contre lesquelz les nostres ayant envoyé 5 brulotz pour y mettre le feu, ceux qui conduisoint ceste entrepreise n'y peurent pas reculler et au contraire s'estant eschoués par le sable, ilz se bruslerent d'eux mesmes tous cinq à la veue des deux armées; mais nous avons encor, Dieu mercy, bon nombre qui pourront faire plus d'effect. Sur cela M. le comte d'Oignon fit mettre quantité de soldatz sur ces deux vaisseaux eschoués pour les deffendre, pandant qu'il a envoyé querir des batteaux à Libourne, à Bourg, et à Blaye pour mettre lesdits vaisseaux hors du sable. Nous ne sommes faschés que ce comte se soit si fort avancés parce que nous esperons que son armée ce [se] destruira d'elle mesme.

Les vaisseaux marchandz qui estoint dans ce port ce [se] sont retirés vers Ste Croix, mais on en esquipera plusieurs pour renforcer nostre armée. Cepandant despuis le commencement du combat on n'a point ouvert icy les boutiques, et tous nos habitans ont demeuré en armes et bien resolus de se deffendre.

M. de Sauveboeuf est retenu en cest ville à la priere de nos habitans. Il travaille avec grand soin à tout ce qui nous est necessaire, et notament à mettre nostre port en estat de deffense en cas que les ennemis eussent de faire avancer leurs vaisseaux pour battre la ville.

Nostre archevesque a escript au president de la Tresme qu'il estoit demeuré à Blaye pour negotier la paix apres du mareschal du Plessis, si le Parlement et la Ville treuvent bon qu'il s'y employe.

/157/  De Paris le 24 decembre 1649

L'on ne parle icy maintenant que de la suitte de ce qui se passa le xi de ce mois. L'on veut à la Cour que ce soit une conspiration faicte contre l'Estat par les Frondeurs, et ceux cy veulent au contraire que ce soit M. de Champlatreux qui fit tirer le coup de pistolet à M. Joly, à cause qu'ilz s'estoint picqués ensemble dans l'assemblée des rentiers qui ce [se] tient le 4 de ce mois ches le Premier President; et M. Joly pretend justiffier que le valet de chambre de M. de Champlatreux estoit en la compagnie de celuy qui tira le coup de pistolet et que celuy cy estoit monté sur un cheval qui apartenoit à M. de Champlastreux.

C'est ce qui obligea M. Joly de presenter requeste à la Grand' Chambre le 18 de ce mois, par laquelle il exposoit que l'assasinat qu'on avoit voulu commettre en sa personne 8 jours auparavant n'estoit pas un crime d'Estat, et n'ayant rien de commung avec l'action de ceux qu'on pretendoit avoir voulu exciter la rumeur dans Paris, ne requeroit pas d'estre jugé, chambres assemblées. C'est pourquoy il demandoit que son affaire feut renvoyé à la Tournelle et qu'on luy permet de faire informer par addition contre son assasin et ses complices, se faisant fort d'en tirer des plus grandes lumieres que les deputtés qui en ont faict les informations, et d'en descouvrir les autheurs et fauteurs. Sur cela il feut dit qu'on en parleroit en la premiere assemblée du Parlement et que la Grand' Chambre n'y pouvoit rien resoudre seule, puisque tout le Parlement assemblé en avoit pris la cognoissance.

Le mesme jour 18, M. de Vendosme, estant au Palais Royal, dit à M. le Cardinal qu'il avoit fait enfin resoudre M. de Beaufort, son filz, à le venir saluer; à quoy S.E., qui croyoit la Fronderie abbatue, luy respondit qu'on parleroit de cela apres la decision de l'affaire qui est maintenant au Parlement.

Le 19 M. le Prince feut au palais d'Orleans avec le duc de St Simon et les deputtés de Bourdeaux, qui eurent une asses longue conference avec S.A.R., sans y pouvoir rien conclurre pour leur accommodement.

Le 20 au matin il y eut assemblée au Parlement, où M. le duc d'Orleans et M. le Prince s'y trouverent avec les mesmes ducs et pairs qui avoint assisté aux assemblées de la semaine passée. M. de Beaufort et M. le Coadjuteur, qui avoint recognus qu'on cherchoit le moyen de les comprendre dans l'affaire du marquis de la Boulaye, se trouverent à cette assemblée; dans laquelle M. le Coadjuteur entrant, dit qu'il estoit venu avec M. de Beaufort parce qu'ilz avoint esté advertis que dans cette affaire on parloit d'eux d'une façon qui sentoit sa maniere de proscription. Les places estant prises, M. le Premier President parla de veoir les informations qui avoint esté faittes le xi de ce mois, mais les Frondeurs demanderent en mesme temps qu'on fit droit auparavant sur la requeste de M. Joly, qui avoit esté renvoyé à l'assemblée. Le Premier President ayant alors voulu eluder cette requeste, en disant que les commissaires du Parlement en avoint faict des /157v/ informations asses amples, tous les Frondeurs se leverent en criant que c'estoit un desny de justice. Sur cela le Premier President recognoissant que leurs brigues estoint plus fortes que celles de la Cour, commencea à songer d'empescher qu'on n'y prit aucune resolution, en employant tout le temps à contester. Pour cest effect il s'advisa de dire au president Charretton qu'il n'y pouvoit pas assister, ce qui obligea celuy cy de demander d'estre deschargé de la plainte qu'il avoit fait au Parlement lors que le coup de pistolet feut tiré sur M. Joly, attendu qu'il estoit maintenant informé qu'on n'avoit pas pris M. Joly pour luy, et d'estre receu à dire son advis dans le jugement de cest affaire; sur quoy l'on opina, et pour emplooyer du temps on conta touttes les voix quoy qu'il n'y eut que 7 pour le president Charreton, tous les autres ayant esté d'advis que ce president ayant faict sa plainte en son propre et privé nom, c'estoit [s'estoit] rendu partie, et par consequent il n'en pouvoit pas estre juge. Apres cela M. Coulon dit que les deputtés de Bourdeaux estoint à la porte de la chambre qui demandoint d'estre ouys, et remonstra la justice qu'il y avoit de les entendre sans les faire tarder d'avantage. M. le duc d'Orleans ayant respondu à cela que l'affaire de Bourdeaux estoit accommodé, ce Frondeur signalé luy repartit qu'il avoit tousjours creu qu'il ne sortoit rien que des oracles de la bouche de S.A.R., mais qu'il le supplioit de luy pardonner s'il estoit obligé de luy dire que les deputtés de Bourdeaux venoint de l'asseurer qu'il n'y avoit rien d'accommodé; à quoy elle repliqua qu'on n'avoit point traitté avec eux, parce qu'ilz n'ont point de plein pouvoir, mais qu'on avoit envoyé au mareschal du Plessis une declaration des volontés du Roy pour la faire accepter aux Bourdelois; ainsy ilz ne feurent point ouys. Il feut dit ensuitte que n'ayant pas eu asses de temps pour lire les informations, l'assemblée seroit continuée le 22. A la sortie du Palais, M. de Beaufort feut disner chez M. le Coadjuteur avec 7 ou 8 autres Frondeurs.

Le matin du mesme jour on mit en prison dans la Conciergerie du Palais un nommé Rocquemont, qui estoit lieutenant du marquis de la Boulaye pendant la guerre de Paris; lequel ayant presenté requeste pour estre mis en liberté, il feut dit qu'il seroit interrogé auparavant, et il est encor en prison.
Les ordinaires de Bourdeaux qui devoint arriver icy cette semaine ayant esté pris par les troupes de M. d'Espernon, l'on n'a eu aucunes lettres de Bourdeaux; mais l'on a sceu par autre voye que le comte d'Oignon ayant desbarqué 3 à 400 hommes à Lormont avec 2 pieces de canon pour s'y retrancher, M. de Sauvebeuf s'y estoit avancé avec 200 fuseliers portant chacung son fantassin en crouppe, et avoit donné sur cette infanterie desbarquée; mais ayant esté repoussé par deux fois, il envoya querir en diligence du secours à Bourdeaux; ce que ce comte ayant sceu fit encor desbarquer 5 à 600 hommes; mais le secours de M. de Sauveboeuf estant venu, donna si vertement sur les trouppes de ce comte qu'elles feurent obligées de se rembarquer en confusion /158/ apres un combat asses opiniastré dans lequel il demeura 3 ou 400 hommes du comte d'Oignon, tant de tués que de noyés en voulant s'embarquer à la nage, entre lesquelz il y a quelques officiers de remarque; et les deux pieces de canon qui avoint esté desbarquées demeurerent aux Bourdelois. Ce comte mesmes y a esté blessé à la joue et son lieutenant à l'espaule.

Despuis ceette nouvelle on travaille icy à l'accommodement de l'affaire de Bourdeaux avec d'autant plus de raison qu'on a sceu certainement que les Bourdelois ont refusé non seulement le secours que les estrangers leur ont offert, mais encor un party d'Huguenotz de France qui leur a esté offert par M. de la Force. Cest accommodement feut fort advancé le 2i dans le Palais Royal, où le Conseil dura despuis deux heures apres midy jusques à 10 heures du soir, et à la sortie l'on publia que tout estoit accommodé et qu'on avoit accordé aux Bourdelois à peu pres tout ce qu'ilz avoint demandé. Les articles qu'on en dit sont: qu'il y aura amnistie generale de tout le passé; que le Chasteau Trompette demeurera en l'estat qu'il est à present, c'est à dire tout desmoly du costé de la ville, à la reserve d'ung logement où le Roy mettra un exempt des gardes jusques à la majorité, sans aucune garnison; que la citadelle de Libourne sera rasée; que la Cour des aydes de Guyenne sera renvoyée à Agen jusques à ce qu'on aye desliberé si l'on la suprimera; que l'imposition de 6 livres par tonneau de vin qui sort de Bourdeaux sera revoque. Quand au changement de M. d'Espernon, l'on asseure que, par un article secret, il est arresté qu'il sera mandé en Cour, où il sera retenu deux ans sans pouvoir retourner en Guyenne, et que cepandant il demeurera gouverneur; à quoy on adjouste qu'il doit desarmer le premier, à condition qu'en mesme temps les Bourdelois donneront des ostages au mareschal du Plessis pour asseurance qu'ilz desarmeront; mais il restoit encor quelque difficulté qu'on dit avoir esté accommodée hyer au soir, et que la declaration en a esté envoyée ce matin au mareschal du Plessis, qui est encor à Blaye, pour la faire accepter aux Bourdelois.

M. le duc d'Orleans et M. le Prince entrerent au Parlement devant jour à la clarté des flambeaux avec M. le prince de Conty et plus grandz nombres de ducs et pairs qu'au precedents assemblées. M. de Beaufort ne manqua pas de s'y trouver, et quoy que la Reyne eut envoyé dès le soir du jour precedent un gentilhomme à M. l'archevesque de Paris pour le prier d'y assister, afin d'empescher M. le Coadjuteur d'y estre, ne pouvant entrer que l'ung en l'abscence de l'autre; neamoings celuy cy ne manqua pas de s'y trouver, M. l'Archevesque s'en estant excusé sur son indisposition à cause (dit-on) qu'il est mescontent de ce qu'on fit nagueres sans sa permission administrer au Roy le sacrement de confiermation par M. l'evesque de Meaux. Les sceances estant prises, on voulu parler de la requeste de M. Joly, mais M. le president de Mesmes dit qu'il faloit auparavant parler de l'affaire qui concernoit l'Estat et les personnes royales; et en mesmes temps l'on apportat les informations qui avoint esté faittes, la lecture desquelles dura 5 heures; et apres l'on appella MM. les /158v/ Gens du roy, qui estant entrés y donnerent leur conclusions portant decret d'adjournement personnel contre le president Charretton et contre M. Joly, et que M. de Beaufort, M. le Coadjuteur, et M. de Broussel seroint assignés pour estre ouys sur ce qui est dit contre eux. Il y avoit encor decret de prise de corps contre la Boulaye, de Cottures et sa femme, de Blot, de Martineaux, de Portail avocat au Parlement, Germain, et quelques autres. Les 3 principaux tesmoings qui deposent dans l'information se nomment Pichon, Charbonniere, et Le Bearnois, qu'on tient estre tous gens de neant et qui ont tous trois une lettre de cachet du Roy par laquelle ilz ont permission d'entrer dans touttes sortes de compagnies pour y parler d'affaire d'Estat pour et contre, sans qu'ilz en puissent estre en aucune façon recherchés. Ce qu'ilz disent contre M. de Broussel n'est autre chose sinon que le marquis de la Boulaye feut deux fois ches luy le xi decembre, apres avoir voulu esmouvoir la sedition; et ce qu'ilz disent contre M. Joly est qu'il a dit à des personnes qu'il faloit se defaire de M. le Prince et du Premier President. Estant question d'opiner, M. le Premier President dit qu'il faloit donc que M. de Beaufort, M. le Coadjuteur, et M. de Broussel se retirassent, ne pouvant pas estre juges dans ceste affaire, dans laquelle ilz estoint compris, ce qui les obligea de se lever pour sortir entierement; mais comme ilz s'en alloint, M. Coulon courut apres eux et les retient, en sorte qu'ilz demeurerent hors du barreau, disant qu'ilz ne devoint pas sortir jusques à ce qu'on eut opiné sur cela. En mesme temps M. de Broussel se leva et dit que puisqu'on recusoit M. de Beaufort et M. le Coadjuteur, qu'on devoit aussy à plus forte raison recuser M. le Prince et M. le prince de Conty, qui estoint parties dans ceste affaire, et M. le Premier President aussy, puisqu'on accusoit M. de Champlastreux, son filz, d'avoir voulu faire assasiner M. Joly, outre qu'il estoit leur partie secrette et leur ennemy particulier; sur quoy il y eut de si grandes contestations qu'on feut opiner jusques à 4 heures apres midy, que les advis feurent reduitz à deux: l'ung de 87 voix, qui alloint à ce que M. de Beaufort, M. le Coadjuteur, et M. de Broussel passasent le barreau apres avoir fait declaration sur ce qui estoit contenu dans les informations, et que le Parlement y deslibereroit; et l'autre de cent voix, qui portoint qui [qu'ilz] substiendroint de l'assemblée, ce qui feut ainsy arresté. MM. de Vendosme, de Mercoeur, et d'Elbeuf ne vouleurent pas opiner. M. de Beaufort et M. le Coadjuteur sortirent alors avec M. de Broussel, avec permissions de donner leurs recusations contre qui bon leur sembleroit. Sur cela l'assemblée feut remise au lendemain.

Le soir du mesme jour M. de Beaufort et M. le Coadjuteur feurent au palais d'Orleans pour se justiffier à S.A.R. de tout ce dont ilz estoint accusés dans les informations, et la prierent à croire que c'estoint des calomnies qu'on leur avoit imposé par de faux tesmoings qu'on avoit corrompu pour les perdre. Sadite A. leur fit bon visage et eut une asses longue conference avec eux, apres quoy l'on remarqua que M. de Beaufort dit à Sadite A. que M. le Premier President avoit eu la malice de /159/ s'en prendre à son honneur et de le pousser jusques au bout, mais qu'il les feroit bien desnicher de son coing. Ce feurent ses propres termes.

Hyer au matin S.A.R. et M. le Prince n'entrerent point au Parlement, mais M. de Beaufort et M. le Coadjuteur s'y trouverent; et ce dernier, quoy qu'evesque, et en ceste qualité justitiable d'evesque seulement, se despouilla en cette occasion par actes expres des privileges que son caractere luy donnnoit, et se soubmet absouluement à la justice du Parlement, disant qu'il estoit prest de se rendre prisonnier si on le trouvoit à propos. Sur cela M. de Beaufort reprocha au Premier President qui [qu'il] luy avoit sauvé 4 fois la vie au peril de la sienne; et que neamoings, sans aucune consideration de ce bon office, il le vouloit maintenant perdre d'honneur. M. le Coadjuteur luy reprocha qu'il prostituoit les interestz de tous ses confreres à l'injustice pour des esperances qu'on luy donnoit de benefice et d'autres biens qui pouvoint manquer, et que c'estoit une chose bien honteuse à luy, qui estoit le chef d'ung si auguste corps et qui ne devoit donner que des bons exemples à la Compagnie. M. de Broussel et quantité d'autres conseillers luy firent des semblables reproches, avec des paroles fort injurieuses de traistre, de fourbe, etc., jusques à le menacer de le faire sortir de force ou de gré; et il n'y s'y passa autre chose sinon que le Premier President jura qu'il n'avoit point veu les informations devant la lecture qui s'en fit le 22, et n'avoit eu aucune cognoissance des conclusions des Gens du roy. Sur cela l'assemblée feut remise à ce matin, quoy que ce soit un jour extraordinaire.

Ce matin M. le duc d'Orleans et M. le Prince sont entrés au Parlement dès 7 heures du matin, et en mesme temps il y a eu grand nombre de gentilhommes et autres personnes avec leurs espées dans la grande sale du Palais, comme il y en avoit eu avant hier au mesmes. M. de Beaufort et M. le Coadjuteur s'y sont aussy treuvés; et les sceances estant prises, le Premier President a dit à M. de Beaufort, à M. le Coadjuteur, et à M. de Broussel qu'ilz sçavoint bien ce qui avoit esté arrest avant hier, voulant dire qu'ilz se retirassent; à quoy M. de Broussel a respondu qu'il avoit une requeste à presenter par laquelle il recusoit M. le Premier President, M. de Champlastreux, et leurs parens au degré de l'ordonnance. Le Premier President repartit qu'il n'estoit dans ceste affaire ny partie, ny accusateur, ny accusé, mais qu'il demandoit auparavant communication de cette requeste; à quoy M. de Broussel ayant replicqué qu'estant du corps du Parlement, il n'estoit pas obligé de le communiquer et qu'il esperoit qu'outre M. le Premier President et ses parens, M. le Prince avoit tropt de generosité pour vouloir estre juge de son affaire propre. Sur cela /159v/ M. de Beaufort, M. le Coadjuteur, et M. de Broussel se sont retirés, et M. le Prince s'estant levé pour le mesme effect, le president de Mesmes l'a retenu, disant qu'il n'estoit pas obligé à moings qu'il y eut requeste. Apres cela M. de Broussel est revenu avec une requeste de recusation qu'il a donné, et M. Loisel en a en mesme temps presenté une autre au nom de Maistre Joly, par lesquelles il recusoit le Premier President, lequel s'est retiré là dessus avec M. de Champlastreux et le president Molé; et l'on en est venu aux opinions, qui ont esté reduittes à trois: la premiere, maneat; la seconde, obstineat; la 3, in religione, c'est à dire qu'il demeurera juge en s'en remettant à sa conscience. La parole en est demeuré à M. Quatresous, n'ayant esté rien resolus, et l'assemblée remise à mercredy prochain. A la sortie l'on a remarqué que M. de Beaufort a esté fort caressé du peuple, et quelques ungs ont mesmes crié "Vive M. de Beaufort!"

On escript de Thoulouse du 15 de ce mois que le Parlement s'y assembloit tous les jours à l'instance du president de Langoyran, deputté de celuy de Bourdeaux, qui y sollicitoit l'union des deux parlements, laquelle devoit estre arrestée le lendemain 15, et l'on y voyoit les espritz fort disposés.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653