Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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Volume 1

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/516/ De Paris le premier decembre 1651

Le comte Pagani feut interrogé plusieurs fois, la semaine passée, et nia tout, mesmes d'avoir esté dans l'hostel de Condé et d'avoir parlé à M. de Vineuil, qui luy feut confronté, aussy bien que l'abbé Pericard; mais parce qu'il se couppa en plusieurs responses de son interrogatoire, l'on croit qu'on luy donnera la question, et qu'il sera convaincu des crimes dont il est accusé.

Le 25 du passé le duc d'Orleans ayant recognu que la brigue du Premier President estoit la plus forte dans le Parlement, envoya un courrier à la Cour pour porter à M. de Verderonne ordre de demander au Conseil 2 choses: la premiere, une lettre de cachet du Roy addressante au Parlement, portant injonction de surceoir pour 15 jours la veriffication de la declaration donnée contre M. le Prince (et l'on asseure qu'autrement S.A.R. a resolu de ne se plus mesler de l'accommodement); et la seconde, l'aprobation de la Cour que M. de Chavigny soit employé avec elle et les autres personnes nommées pour travailler à cest accommodement, lesquelles S.A.R. manda le 27 dans son palais; et leur ayant fait entendre qu'il estoit temps qu'elle renvoyat M. de Vineuil à M. le Prince, et qu'il falloit luy donner une instruction des principaux moyens d'entrer en traitté, cette instruction feut faitte le mesme jour ches M. le duc d'Amville, où S.A.R. mena tous ses adjointz, et escrivit une lettre à M. le Prince, par laquelle elle luy manda qu'elle a fait jusques icy tout ce qu'elle a peu pour ses interestz, et empesché de tout son possible la veriffication de la declaration donnée contre luy; qu'elle ne sçauroit plus l'empescher; et qu'elle espere qui [qu'il] se portera volontiers à l'accommodement, puisqu'apres que cette declaration sera veriffiée, il l'aura [il aura] tous les peuples à dos, qui seront persuadés qu'il aura refusé la paix; que cela luy apporteroit un tres notable prejudice; qu'elle se verroit mesmes, apres cela, obligée de se separer de ses interestz; et qu'elle a recognu que les personnes nommées par le Roy pour travailler avec elle à cest accommodement estoint fort zellés pour le bien de la paix, et ne devoint point estre suspectes. Cette lettre feut mise le 28 au matin, avec l'instruction, entre les mains de M. de Vineuil, qui partit le jour mesme pour aller trouver M. le Prince; cepandant, parce que l'assemblée du Parlement avoit esté remise au 28, S.A.R. y envoya M. de Choisy, son chancellier, pour dire qu'elle ne s'y pouvoit pas trouver, estant empeschée en des affaires importantes. M. de Choisy y estant arrivé et ayant fait sa commission, l'assemblée feut remise à aujourd'huy pour desliberer sur la declaration. Le Parlement s'assembla encor le 19 pour la mercuriale, et depputta vers S.A.R. MM. Doujat et Menardeau, pour la prier de se trouver ce matin à l'assemblée. S.A.R. leur respondit qu'elle s'y trouveroit, que la Reyne n'estoit pas si aigrie contre M. le Prince, et qu'elle esperoit qu'on envoyeroit bientost de la Cour la surseance de 15 jours pour la veriffication de la declaration.

On parle à marier le duc d'Iorch avec Mlle de Longueville, et il est certain que le traitté en est si avant que la reyne d'Angleterre a envoyé un expres à la Cour pour en avoir l'aprobation, et que Milord Montaigu, qui despuis longtemps s'est maintenu en faveur aupres de la Reyne et du cardinal Mazarin, est aussy allé en Cour de la part de la reyne d'Angleterre pour negotier ce consentement, dont l'importance est asses grande pour y faire trouver beaucoup /516v/ de difficulté, à cause qu'il y va de l'interest de l'Estat. On dit que la Reyne a remis cest affaire à M. le duc d'Orleans, mais cela n'est plus certain, non plus que le bruit qui court que le duc d'Iorch aye desseing de se rendre Catholique, aussy bien que le Milord Germain. Quant au mariage du roy d'Angleterre avec Mademoiselle, dont on aussy parle, il n'y a rien de fait.

La mareschalle de Guebriant estant revenue de Brissach [Breisach], est allé en Cour pour rendre conte de sa negotiation, et qu'on asseure n'avoir pas reeussy, M. de Charlevoix luy ayant respondu qu'il remettroit cette place entre les mains du Roy lors qu'il auroit 23 ans, et qu'il seroit absolu; en sorte que les intrigues de la Cour ne puissent pas le mettre en danger de perdre une place de cette importance, ou l'obliger de la mettre entre les mains de personnes qui vont s'en servir pour donner jalousie à Sa M., à laquelle cepandant il fait des grandes protestations de fidelitté.

M. le comte d'Harcourt a fait prendre possession du gouvernement d'Alsace et de celuy de Philisbourg, que M. de la Claverie a remis entre les mains du comte de Servy, qui a esté envoyé par ce comte en qualité de lieutenant.

Les derniers advis de Liege portent que le cardinal Mazarin estoit encor dans le chasteau de Dinan [Dinant], où plusieurs gouverneurs des places frontieres de Picardie et Champagne l'envoyent visitter; et quoy que le bruit court qu'il est arrivé à Sedan, neamoings il n'y a aucung advis certain. Il escrivit, la semaine passée, une lettre à M. le comte de Brienne, remplie de nouvelles plaintes de ce qu'on ne le rappela pas, luy qui a rendu plus de service à l'Estat que jamais aucung ministre n'a fait, et qui luy est encor si necessaire. Il se plaint aussy, dans cette lettre, du proceddé de Mme d'Aigullion, de ce qu'elle a abandonné ses interests apres l'obligation qu'elle luy a.

On confierme de Bruxelles que le comte de Tavanes en partit le 18 pour aller en Luxembourg, apres avoir receu des ministres d'Espagne beaucoup d'argent pour l'entretien des troupes de M. le Prince; mais qu'on n'a pas encor peu penettré si ce comte a quelque traitté avec le duc de Lorraine. Le comte de Fuelsendagne estoit allé en Anvers, pour y faire quelque party de deniers avec les marchandz.

Le prince de Ligne et le duc de Vertemberg se sont un peu retirés au delà de Noyon, pour se renforcer et prendre 2 pieces de canon, et apres, revenir plus avant pour faire contribuer le pays; mais le mareschal d'Hocquincourt ramasse la noblesse de Picardie, et tire tout ce qu'il peut des garnisons d'Arras, de La Bassée, de Bapaume, etc., pour s'y opposer. L'armée du mareschal d'Aumont is encor au delà de Calais.

Les valetz du major de Damvilliers et du sieur du Fay, lieutenant des gardes de M. le prince de Conty, prisonniers dans la Bastille, ayant deposé que leurs maistres s'estoint postés de nuict, 3 ou 4 fois, avec quelques cavaliers aux environs de l'hostel de Chevreuse, et au terrain de Nostre Dame, pour quelques desseing particulier qu'on ne peut croire autre que d'assasiner M. le Coadjuteur; et ayant accusé un gentilhomme de M. le Prince nommé Cornille d'avoir guetté Mme d'Aigullion à mesme fin, il y a decret contre ce dernier, qu'on cherche partout pour le prendre avant que porter plus avant le proces.

/517/ On mande de Nantes que l'evesque de Rennes avoit fait son rapport aux Estatz de ce qu'il avoit obtenu à la Cour; que son discours avoit esté fort picquant contre le Parlement; que les Estatz offroint desja 800 mille livres au Roy de don gratuit, sans comprendre les 100 mille livres qu'ilz ont envoyé à Sa M.; et qu'on croyoit qu'ilz en donneroint d'avantage. Sur cela, les 2 semestres du Parlement de Rennes s'estoint assemblés pour y desliberer, et voyant qu'ilz n'estoint pas en estat de se roidir presentement contre les Estatz, on resolu de laisser les affaires en l'estat qu'elles sont, et d'attendre une melieure conjoncture pour leur faire teste.

Le comte de Paluau a prit le dernier moulin de Mourron, dans lequel il y avoit une garnison de 40 hommes commandés par le lieutenant du marquis de Persan, lesquelz se sont si bien deffendus qu'ilz ont tués presques 200 hommes de ce comte, mais ce lieutenant y a esté tué.

On escrit de Montauban, du 24 du passé, que Marchin avoit fait embarquer ses trouppes sur la Garonne à Moissac, pour les faire descendre à Bourdeaux et aller joindre M. le Prince; qu'il avoit pris auparavant, aupres de Cahors, 49 muletz chargés de marchandises pour Thoulouse; qu'il avoit laissé seulement 300 cavaliers de Baltazard à Beaumont de Lomagne, avec le sieur Guyonnet, pour y continuer la levée des tailles et des decimes; que M. de Theobon y levoit un regiment de cavalerie et d'infanterie pour M. le Prince; que le mareschal de la Force est fort malade à La Force; et que M. de St Luc avoit receu une commission de lieutenant du comte d'Harcourt, et un autre pour lever un regiment d'infanterie avec des assignations pour en prendre le fondz dans les receptes de la generalité de Montauban.

De Bourdeaux on escrit que M. le prince de Conty, Mme la Princesse, et Mme de Longueville y estoit encor, avec peu d'argent; qu'ilz menageoint les espritz des Bourdelois, qui sont fort las de M. le Prince; qu'il n'y a plus que 10 conseillers du Parlement qui tiennent ferme dans ses interestz; que cela avoit paru principalement en la proposition que M. le prince de Conty y avoit faitte, de faire prester 100 mille escus à Monsieur son frere, laquelle a esté rejettée par les chambres assemblées; q'une partie des conseilliers qui s'estoint retirés en leurs maisons estoint retournés à Bourdeaux; qu'ilz estoint mesmes en quelque disposition de se declarer contre M. le Prince, duquel on travailliot à desunir les autres; que les vaisseaux espagnolz estoint partis de Talmont, et qu'on croyoit qu'ilz estoint allés vers La Rochelle.

Despuis la levée du siege de Cognac, M. le Prince ayant rassemblé ses trouppes à Xaintes, s'en alla à Pontz [Pons], et de là s'est allé emparer du poste de Tonné Charante, où il a fait construire un pont de bateau pour aller tascher de secourir une des tours de La Rochelle, nommé la tour St Nicolas, laquelle resiste encor au baron d'Estissac; et à mesme temps le comte d'Augnion, qui s'est saisy de touttes les barques de la coste, y a fait marcher de l'infanterie pour la secourir par mer. Sur cela, le comte d'Harcour /517v/ ayant esté joint, le 25 du passé, par les trouppes de Castelnau Mauvissiere aupres de St Jehan d'Angely, s'est avancé avec mille chevaux et autant de fantassins vers La Rochelle, apres avoir donné ordre pour y faire marcher le reste de son armée, laquelle arriva le 25 à Surgeres, 5 lieues de La Rochelle. Elle n'est en tout que de 6000 hommes, et celle de M. le Prince de pareil nombre, sans y comprendre les troupes du comte d'Augnon et celles de Marchin, qui peuvent avoir mille hommes chacung. Le comte d'Harcourt a envoyé quelques compagnies de Suisses, avec quelque noblesse, dans l'isle de Ré, sur l'advis qu'il a eu que les vaisseaux espagnolz y alloint pour s'en emparer.

Le Roy ayant luy mesmes donné ordre à tous les gentilhommes qui suivoint la Cour d'aller joindre son armée, il en estoit party 80 volontaires fort lestes, soubz le commandement du prince d'Harcourt; lesquelz ayant rencontré les troupes de M. le Prince le 26, n'avoint pas encor peu passer; se voyant tropt foibles [ils] s'estoint retirés pour aller chercher un autre chemin. Sa M. avoit voulu aller se promener pour quelques jours à Richelieu, sans la Reyne et le Conseil; mais elle a quitté ce desseing, voyant que la Reyne ne l'aprouvoit pas, et qu'elle luy avoit representé que ceux qui luy avoint persuadé ce voyage songeoint à le perdre; et qu'enfin, s'il y alloit, elle le suivroit partout.

Ce matin le Parlement estant assemblé, M. le duc d'Orleans y estant, on a leu une lettre que la Reyne avoit escritte à M. le duc d'Amville et au mareschal de l'Hospital conjoinctement, par laquelle elle leur mandoit que M. de Verderonne l'avoit prié, de la part de S.A.R., de donner une surseance de 15 jours pour la veriffication de la declaration du Roy contre M. le Prince; mais qu'elle ne le pouvoit pas accorder pour raisons tres importantes qu'elle feroit sçavoir à Sadite A; et que cepandant, elle entendoit que la declaration feut veriffiée sans aucung delay; et l'on a remarqué que cette lettre estoit signée de la main de la Reyne. Ensuitte on a leu une lettre de cachet du Roy adressée au Parlement, par laquelle Sa M. luy ordonnoit de veriffier cette declaration touttes choses cessantes, sans plus differer; sur quoy S.A.R. a dit qu'elle ne pouvoit pas comprendre le proceddé de la Reyne, et avant que desliberer sur la declaration, il estoit à propos de veoir les raisons qu'elle avoit de refuser le peu de temps qu'on luy demandoit avec tant de justice et pour le bien de la paix. Il y a eu beaucoup de contestation là dessus, pendant lesquelles MM. les Gens du roy ont demandé que les informations faittes il y a long temps contre le cardinal Mazarin, feussent raportées; mais on a remis cette affaire apres la declaration, et l'on croit que ces messieurs n'ont fait cette demande que pour detromper les espritz, qui estoint persuadés du retour de ce cardinal; et enfin, apres les contestations, le Premier President a fait /518/ lire la declaration. S.A.R. ayant remarqué ces motz: "de l'avis de la Reyne, de nostre Conseil, et des princes et seigneurs estantz aupres de nostre personne," a dit qu'il n'y avoit point de prince aupres du Roy qui peut donner son advis là dessus, si ce n'est que M. de Mercoeur y feut, lequel est suspect en cela; et à la fin de la lecture, elle a encore dit qu'il y avoit beaucoup à redire dans cette declaration; et sur cela, l'heure ayant sonné, l'assemblée a esté remise à demain pour y desliberer.

Le courrier que S.A.R. avoit envoyé à M. de Verderonne est arrivé ce soir et luy a rendu une lettre de la Reyne, dont on ne sçait pas encor le contenu. On sçait seulement que Sa M. refuse le delay de 15 jours pour la veriffication de la declaration.

/520/ De Paris le 15 decembre 1651

Le 8 du courant, quelques personnes peu affectionnés à M. de Beaufort ayant fait courir le bruit que c'estoit luy qui avoit fait assembler la canaille qui alla le 6 ches le Premier President, et que M. le duc d'Orleans l'avoit dit à quelq'ungs, il en feut fort en peyne, et envoya un gentilhomme à S.A.R. pour la supplier de detromper les espritz de ce bruit; à quoy elle respondit qu'elle n'en avoit jamais parlé, et qui [qu'il] dementiroit publiquement tous ceux qui en parleroint; et enfin, il ce [se] trouva que ce bruit avoit esté forgé sur ce que S.A.R., parlant des bourgeois qui estoint venus la trouver ledit jour 6, avoit dit qu'elle y en avoit recognu quelq'ungs de ceux qui crioit le plus du temps que M. de Beaufort avoit tout le credit parmy eux.

Le 9, au matin, M. le duc d'Orleans s'estant arrivé à l'assemblée du Parlement, le Premier President dit que puisqu'on estoit assemblé pour desliberer sur les moyens d'empescher le retour du cardinal Mazarin, qui causoit tant de troubles et de murmures dans tous les espritz, il falloit faire lire les informations qui avoint esté faittes contre luy; et M. de Broussel en ayant voulu parler, S.A.R. dit que comme ces informations n'estoint que des bagatelles et qu'elles feroint perdre du temps, elle n'estoit pas d'advis qu'on s'y amusat à present, mais bien qu'on desliberat aux moyens d'empescher son retour; qu'on decrettat contre les gouverneurs des places frontieres et autres qui ont commerce avec luy, nonobstant les arrestz du Parlement; et qu'on informat contre ceux qui luy ont envoyé de l'argent pour lever des gens de guerre, comme il fait. Sur cela, l'on arresta de prendre les conclusions de MM. les Gens du roy, qui feurent appellés à cette fin, et apres sortirent pour y desliberer. Pendant ce temps, M. le Premier President ayant pris occasion de parler de la rumeur qui s'estoit faitte ches luy le 6, S.A.R. en fit un recit à la Compagnie conforme à ce que vous en aves sceu, et l'on remarqua qu'alors qu'il parla de medaille, tout le monde se prit à rire, et que le Premier President tesmoigna se soucier fort peu de ce qu'on luy donnoit ce soubriquet. Le president Molé prit occasion d'en accuser le nommé Lanneau, qui a tousjours esté protegé par M. de Beaufort, et dit qu'il y avoit eu desja decret contre luy, mais qu'il avoit obtenu pendant les vacations un arrest de deffenses, ce qui feut contredit par le president de Maisons, qui presidoit alors à la Chambre des vacations; et dans cette contestation, les registres ayant esté apportés, il ce [se] trouva qu'il n'y avoit eu ny decret ny arrest de deffenses. MM. les Gens du roy estant revenus, M. Talon, advocat general, fit un fort beau discours dans lequel il n'espargna point le cardinal Mazarin, et conclut à ce qu'on fit une deputation celebre au Roy pour l'informer de ce qui ce [se] passe sur la frontiere pour y faciliter le retour de ce cardinal, supplier Sa M. de vouloir confiermer sa parolle royalle de ne rappeller jamais ce cardinal et, attendu sa qualité, de vouloir informer le Pape et tous les potentatz de la Chrestienté des raisons pour lesquelles Sa M. l'a exclus de ses conseilz et obligé de se retirer; et que cepandant il feut informé contre ceux qui ont contrevenus aux arrestz donnés sur cette matiere. Aussytost plusieurs demanderent que ces conclusions feussent données par escrit, afin qu'on n'en peut pas changer les termes, et qu'on instruisit le proces contre les nommés Bartet, Brachet, et Ciron, ce qui feut accordé; mais /520v/ ilz n'adjousterent que ces motz aux conclusions: "Sans deroger aux precedentes conclusions données sur cette matiere." Apres cela, l'heure sonna, et l'assemblée feut remise au lundy.

Vous aures sceu que le prince palatin Edouard est allé despuis peu à Charleville. On croit que c'est pour faciliter la correspondance du cardinal Mazarin avec la Princesse sa femme. Il a emporté une commission pour commander les troupes du Roy de ce costé là, encores qu'il n'y en aye point; mais le marquis de Noirmoustier, comme gouverneur du Mont Olimpe, a declaré qu'il ne souffrira jamais que ce prince y donne aucung ordre.

Il y a advis de Londres que le colonel Roquelly, qui estoit pour M. le Prince, en est party avec quelques officiers anglois pour l'aller trouver, lesquelz se font fortz d'emmener jusques à 10 mille hommes à M. le Prince, pourveu qu'il donne de l'argent pour faire la levée; et que c'est tout ce que ce colonel a peut obtenir du Parlement d'Angleterre, lequel n'ayant point voulu donner d'autre secours, M. le Prince avoit mandé à ce colonel de luy envoyer seulement des bons officiers, et qu'il trouveroit asses de soldatz en France.

Le x, M. le duc d'Orleans n'ayant receu aucune response de ce qu'il avoit escrit à M. le Prince par le sieur Vineuil, luy renvoya M. de Gaucourt, pour le presser d'accepter de bonne heure l'accommodement qu'on luy offre; à quoy l'on croit qu'il y aura peyne à se resoudre, si les avis de Bourdeaux du 4 sont veritables. Ilz portent que M. Laisné y estoit de retour d'Espagne, d'où il avoit apporté la ratiffication du traitté fait par M. le Prince, tant avec l'Archiduc qu'avec le baron de Batteville; et qu'outre cela, le roy d'Espagne s'estoit obligé de luy fournir 1200 mille escus tous les ans, tant pour luy que pour M. le prince de Conty, Mme de Longueville, et d'autres de son party, et pour l'entretien de son armée, moyenant quoy M. le Prince s'estoit obligé de ne mettre point les armes bas, et ne se separer en aucune façon des interestz du roy d'Espagne jusques à la paix generalle.

Le mesme jour tous les bourgeois de Paris receurent ordre à l'Hostel de Ville de tenir les armes prestes, en cas de besoing, pour les prendre au premier coup de tambour. Le subject de cest ordre feut parce qu'on avoit resolu de prendre le bourgeois qui fit la harangue à S.A.R., lequel se nomme Mailliard, et l'on n'aprehendoit que cette capture causat de la rumeur; mais on le prit la nuict suivante dans son logis, et on le conduit dans la Bastille. On luy trouva un poignard sur sa table, et une requeste qu'il avoit dressé pour demander une descharge des impositions, et des billetz qui avoint esté semés pour faire assembler le peuple devant le palais d'Orleans le jour qui [qu'il] y fit sa harangue. On luy fait le proces, et les passionnés pour le Premier President veulent qu'il soit pendu; mais S.A.R. a dit au president de Maisons, qui est un de ses juges, que si Mailliard n'estoit coupable d'autre chose que de la harangue qu'il luy avoit faitte, il ne l'estoit point du tout, et a tesmoigné avoir beaucoup de compassion de luy.

Le marquis de la Vieuville ayant voulu detourner le fondz du marc d'or qui est affecté pour les pensions des chevalliers de l'Ordre, ceux cy s'assemblerent le soir du mesme jour ches M. le duc d'Orleans, pour aviser d'empescher qu'on ne touchat à ce fondz.

Le xi un courrier arriva icy, venant de la Cour, et porta nouvelles de [la] defaitte de 500 chevaux de M. le Prince aupres de Tonné Charante; mais les advis qui en sont venus despuis /521/ portent que ce n'a esté q'une escarmouche arrivée entre quelques trouppes du comte d'Harcourt et 3 regimentz de cavalerie de M. le Prince: sçavoir, celuy du comte d'Augnion, dont le commandant nommé Du Pair y a esté tué, celuy du duc de Richelieu, et du marquis de Jersey; que le premier s'y estoit fort bien deffendu, mais que le dernier ayant lasché pied, y avoit perdu seulement une vingtaine de cavaliers et 50 prisonniers faitz par le comte d'Harcourt; et qu'ensuitte, la nuict les ayant separés, et M. le Prince s'estant retirés dans Tonné Charante, en fit saulter la tour en l'air pour rendre ce poste inutile; et l'ayant abandonné le lendemain au matin, fit rompre le pont de batteaux qu'il avoit fait construire, et prit le chemin de Xaintes, où il est à present; cepandant le comte d'Harcourt s'empara de ce poste et y fit restablir le pont de bateaux, mais il n'eut pas asses tost fait poursuivre M. le Prince, auquel il avoit auparavant offert de donner bataille, mais celuy cy ne jugea pas à propos de l'accepter, ses troupes n'estant pas encor aguerries, quoy qu'elles soint plus fortes en nombre, celles de ce comte n'estant que de 6 à 7000 hommes en tout, et les autres de 8000 fantassins et 3500 chevaux; qu'il y eu quelque division entre le prince de Tarante et le duc de la Rochefoucaut pour le commandement, et quoy que M. le Prince les aye accommodés, neamoings il est encor resté beaucoup de jalousie entre eux. Les vaisseaux espagnolz ont esté si maltraittés du mauvais temps que, de 16 qu'il y en avoit à Talmond, 4 y ont esté mis hors de service, et 5 autres qui en estoint partis pour le desseing de surprendre l'isle de Ré, ont eschoués dans celle d'Oleron, leurs mastz ayant esté rompus par la tempeste.

M. de Verderonne revient hier de la Cour, d'où il ne porte autre nouvelle, sinon que Leurs M. parloint de s'avancer jusques à Angoulesme, esperant que M. le Prince ne pourroit pas subsister longtemps dans Xaintes, faute de vivres; mais cette incommodité est esgalle de part et d'autre.

Leurs M. ont donné au comte d'Harcourt le domaine de La Rochelle, qui vaut plus de 80 mille livres.

Il n'est point venu de nouvelles de Bourdeaux despuis le 4. Elle n'adjoustent autre chose aux advis de la Cour, sinon que M. de Marchin en estoit party le 3 pour aller joindre M. le Prince, et que M. le prince de Conty et Mme de Longueville estoint en quelque disposition de retourner à la Cour dans le mois qui leur est accordé, pourveu qu'ilz y trouvent leurs seurtés; mais on ne croit pas que cela ce [se] puisse effectuer.

Le Estatz de Bretagne ont encor augmenté de 100 mille livres de don gratuit, lequel sera de 1400 mille livres. L'on a envoyé des lettres de cachet du Roy au duc de Rohan, portant ordre à luy de sortir de Rennes, où le mareschal de la Mesleraye estoit attendu le 12, MM du Parlement s'estant assemblés pour faire une seconde deputation à la Cour sur ce subject; et ce duc s'y attendoit, mais il a falut qu'il en soit party sans recevoir cette satisfaction.

Il ne s'est encor fait aucune ouverture des Estatz Generaux, parce que la moitié des deputtés n'y sont pas encor arrivés.

Le mareschal d'Aumont ayant sceu le desseing des ennemis d'entrer en Picardie et Champagne, /521v/ a retenu les trouppes de M. le duc d'Orleans pour s'y opposer, n'en ayant presque plus d'autres à cause qu'il a tout envoyé à la Cour; dont les officiers, qui estoint icy au nombre de 60, s'estantz plaintz à S.A.R., elle les fit partir hier au matin, et leur donna une lettre qu'elle escrivit à ce mareschal, par laquelle elle luy mande que s'il est question de chasser les ennemis, elle a donné ordre à ses troupes d'y aller promptement soubz sa conduitte, sinon qu'elle entend qu'elles aillent dans les quartiers d'hyvaert qui leur sont assignés.

Les advis de Flandres portent que les trouppes du marquis Sfrondati passerent à Lisle [Lille] le 9 du courant, pour aller joindre d'autres troupes de l'Archiduc, au nombre de 8000 hommes, qui ont desseing de venir prendre leurs quartiers d'hyvert dans le Bassigny, et elle devoint à cette fin entrer par Estreupont [Etréaupont] le 13.

Le cardinal Mazarin leve effectivement des troupes en Liege et sur la frontiere, et les paye fort bien. Son desseing est tousjours d'entrer en France avec 4000 hommes qu'il commandoit en qualité de generalissime, et le mareschal d'Hocquincourt, son lieutenant general, si l'arrest que le Parlement donnat avant hier ne rompt son desseing.

M. Le Tellier est mandé à la Cour, où il se dispose d'aller bientost, quoy qu'il die que la crainte qu'il a du cardinal Mazarin l'empesche de se pouvoir resoudre d'y aller.

M. le duc d'Orleans s'estant trouvé indisposé de la goutte aux bras, n'a pas peut se trouver le xi à l'assemblée du Parlement, laquelle il fit remettre au 13, auquel jour il s'y trouva; et on la commencea par la lecture de l'interrogatoire qui feut faitte il y a quelque temps des sieurs Bratet [Bartet] et Brachet et Ciron, apres quoy l'on n'en [l'on en] vint aux opinions; dont la pluspart allantz à suivre les conclusions données le 9 par les Gens du roy, S.A.R. dit qu'elle estoit d'advis qu'on y adjoustat que Sa M. seroit supplié d'esloigner d'aupres d'elle tous ceux qui auroint commerce avec le cardinal Mazarin despuis son esloignement. M. de Machaut opinant et representant que le subject des desordres venoit en partie des intrigues et cabales qui s'estoint faittes pour obtenir les dignittés eminentes, M. le Coadjuteur se leva pour interrompre; mais la Compagnie ne l'ayant pas trouvé à propos, Machaud luy respondit que puisqu'il prenoit cela pour luy, il soubtenoit que les intrigues qu'il avoit menées pour se faire nommer au cardinalat estoint cause de la pluspart des desordres que nous voyons. M. le Coadjuteur le traita de ridicule, et il ce [se] leva là dessus au grand murmure qui estouffa ce discours. M. Durand feut d'abord d'advis de condemner dès à present le cardinal Mazarin à estre pendu et estranglé; mais apres, il revient à l'opinion de M. de Pontcarré, qui alloit à mettre sa teste à prix à 50 mille escus, qui seront pris sur l'Hostel de Ville de Paris. Sur cela, l'on fit sortir les conseillers d'Eglise, comme ne pouvant pas assister à une condennation de mort; mais cest advis n'ayant pas eu assez de suitte, il feut dit qu'en cas que le cardinal Mazarin contrevient encor à l'arrest du Parlement qu'on alloit donner, sa teste seroit mise à prix. Apres cela, ces messieurs rentrerent; et M. Prevost, l'ung d'iceux, s'estant plaint de ce que M. Durand, qui n'est receu conseiller que despuis peu, avoit osé ouvrir un tel advis, MM. des Enquestes luy repartirent avec asses de bruit que sa voix ne devoit pas moings estre libre que s'il estoit des plus antiens. Enfin, les opinions estant collegiées, on donna arrest, qui est imprimé. Ensuitte l'on deputta le president de Bellievre et MM. Meusnier et Sainctot de la Grande Chambre pour aller en Cour. MM. des Enquestes en ont deputté aujourd'huy 2 autres. Il feut aussy arresté in mente curiae que ces depputtés, apres avoir fait les suplications du Roy portées par l'arrest, prieroint Sa M. de vouloir faire la paix avec M. le Prince, et de vouloir revenir à Paris le plus tost qu'elle pourra, et representeront à la Reyne et aux ministres du Conseil l'importance du prompt retour de Sa M.

/524/ De Paris le 22 decembre 1651

Les ordinaires des provinces estant arrivés tropt tard, la semaine passée, à cause des inondations qui ont esté grandes partout, il en falut remettre les nouvelles à celle icy. Ce qu'on eut de plus considerable de Bourdeaux feut que le marquis de Bourdeille aloit joindre M. le Prince avec 250 chevaux, et qu'on ne sçavoit encor quel party prenoit le vicomte d'Arpajou, qui tient des agens à la Cour et aupres de M. le Prince.

De Thoulouse on mandoit que les Estatz de Languedoch s'estant enfin resolus de demander la paix au Parlement, y avoit envoyé un deputté expres, et que sur cela il c'estoit [s'estoit] fait une deputation de 6 personnes de chasque costé.

De Montauban on mande, du 6, qu'il y avoit encor 300 chevaux de M. de Montespan à Grenade et à Moissac, avec lesquelz le sieur Guyonnet continuoit à faire payer les tailles et contributions, jusques à un quart de lieue de Thoulouse, nonobstant les arrestz qui ont esté donnés contre luy; que les regimentz de Champagne et de Lorraine, qui ce [se] sont restablis en ce pays là, avoint esté envoyé par M. de St Luc à Moissac pour s'en emparer; et qu'ilz avoint fait contribuer la ville de Montpesac [Montpezat] 4 ou 5000 livres, pour avoir receu les troupes de M. le Prince; qu'on y attendoit M. de St André Mombrun avec les troupes de Piedmont; et que M. de St Luc y avoit levé de fort bonne infanterie et de fort chetive cavalerie.

De Cahors on escrit du 7 que les communes s'y estant assemblées sur l'advis qu'elles avoint eu qu'il y avoit des troupes de M. le Prince à 4 lieues de là, y avoint surpris de nuict 400 chevaux, dont elles avoint tués 50 et fait le reste prisonniers.

Le commandeur du chasteau d'Herisson ayant offert de le rendre, moyenant une composition honneste, le comte de St Geran la luy a refusé, ce qui a obligé le premier à luy declarer qu'il y vouloit perir, quoy que sa garnison ne soit que de 28 hommes, avec lesquelz il pretend de se deffendre encor plus d'ung mois. Despuis la prise des moulins, le comte de Palluau ne fait point d'autre progres que de faire contribuer et piller la campagne aux environs de Mourron, où il a laissé entrer un convoy de 30 beufz et 50 couchons. Il a surpris une lettre que le marquis de Persan escrivoit à M. le Prince, par laquelle il luy mandoit qu'il ne se mit point en payne de Mourron, que de 3 mois il n'auroit besoing d'aucune chose, et que s'il n'estoit assiegé par une plus brave homme que le seigneur Palluau, il luy asseuroit la place pour 3 ans.

On escrit de Nantes du 12 que le vieux duc de Brissac y estant mort, les Estatz avoint resolu de luy faire faire un service solemnel en l'esglise de St Pierre; qu'ilz devoint finir leur assemblée le 13; et qu'ilz avoint depputté l'evesque de Rennes, le marquis de Laumarie, et le senechal de Nantes pour aller porter leurs cahiers en Cour; qu'ilz avoint nommé 11 personnes de chasque ordre pour la deputation aux Estatz Generaux, sçavoir: pour le clergé, les evesques de Nantes, St Brieu, St Malo, Treguier, Vannes, et Leon; et 5 du /524v/ second ordre pour la noblesse, le marquis de Coaquin, qui y doit porter la parolle, et dix autres qui avoint tiré au sort pour leur rang; que touttes les deputations y avoint esté faittes suivant les intentions du mareschal de la Mesleraye; que le don gratuit qu'on avoit fait à la Reyne estoit de 50 mille livres, et celuy de ce mareschal de pareille somme, outre 3000 qu'on donne à son secretaire, celuy du grand prevost de la province 8000, et celuy du marquis de la Moussaye, qui a presidé pour la noblesse, de 20 mille livres, au moyen de quoy il s'est desparty des deputations, tant des cayers que des Estatz Generaux; et que M. de Vendosme en estoit party tres mal satisfait des Estatz, qui ne luy ont voulu accorder que 500 mille escus de ce qu'il pretendoit des dommagementz des maisons qui luy feurent rasées du temps du cardinal Richelieu, et encores estoit-ce avec des conditions qui ne luy plaisoint pas, ce qu'il l'avoit [ce qui l'avoit] obligé de refuser cette somme.

Le 15 du courant M. Le Tellier partit de sa maison de Chaville pour aller en Cour, suivant l'ordre qu'il en avoit.

La Cour n'ayant pas aprouvé que M. de Chavigny feut employé à la negotation de M. le Prince, M. le duc d'Orleans envoya ordre à M. de Verderonne de proposer le mareschal d'Estampes, qui souettoit d'y estre employé. Celuy cy ayant esté aprouvé, M. de Verderonne en apporta la nouvelle à S.A.R., et ce mareschal partit d'icy à cette fin le 20, pour aller en Cour, d'où il ira trouver M. le Prince; cepandant le duc d'Amville et le sieur de Sommery partirent d'icy le 18, pour aller disposer Leurs M. à l'accommodement. Pour cest effect, S.A.R. leur donna une lettre qu'elle escrivit à la Reyne, par laquelle elle luy mandoit aussy que le cardinal Mazarin estant sur le point de retourner en France, tout le monde estoit en alarme; qu'elle supplioit Sa M. de considerer que ce retour ne pouvoit apporter q'ung estrange desordre dans le Rouyaume; et qu'elle croyoit qu'elle avoit tropt d'affection pour le bien de l'Estat pour ne faire pas cesser les aprehension que chacung en concevoit. Enfin, S.A.R. luy faisoit cognoistre qu'elle seroit obligée de s'opposer au retour du Cardinal. Elle escrivit en mesme temps une autre lettre à M. le Prince, laquelle elle donna au mareschal d'Estampes, par laquelle elle l'exhorta à la paix et luy declaroit derechef que s'il ne l'acceptoit, elle seroit contrainte de se detacher entiererment de ses interestz.

Sur a fin de la semaine passée, le bruit courut que le Premier President, le marquis de la Vieuville, M. du Plessis Guenegaud avoint receu un courrier de la Cour qui leur avoit apporté un ordre d'aller trouver Leurs M., ce qui donna encor plus de creance au retour du cardinal Mazarin. Soit que ce bruit feut faux, ou qu'ilz ayent trouvé que cest ordre feut d'une tropt dangeureuse consequence, ilz ne parlent pas d'y aller encor, quoy que les plus esclairés l'ayent creu.

/525/ Le Conseil ayant voulu creer 4 nouveaux officiers de l'ordre du St Esprit (sçavoir, un chancellier, un prevost, un tresorier, et un secretaire, dont on trouve 4 personnes qui en donnent chacung 200 mille livres), ceux qui possedent ces charges, et les chevaliers mesmes de l'Ordre, s'y sont opposés et resoleurent, sur la fin de la semaine passée, de faire une deputaiton sur ce subject à M. le duc d'Orleans. Le marquis de la Vieuville s'estant voulu servir de cette occasion pour veoir S.A.R., et tascher de se mettre bien avec elle par cette ouverture, se fit depputter avec le mareschal de Schomberg, et fit dire cette nouvelle à S.A.R., laquelle dit que puisque l'on l'avoit deputté, elle ne trouveroit point à redire qu'il vient ches elle, qu'elle ne vouloit pas empescher la liberté des suffrages d'une si celebre compagnie. Sur cela, il alla le 17, au matin, avec ce mareschal et les officiers de l'Ordre, au palais d'Orleans; où celuy cy ayant porté la parolle et prié S.A.R., au nom de tout l'Ordre, de vouloir empescher ce nouveau establissement, elle respondit qu'elle s'y opposeroit de tout son possible. Apres cela, ce marquis, ayant fait une profonde reverence à S.A.R., voulu luy faire un compliment. Elle l'interrompit d'abord, et luy dit qu'elle ne le souffroit là, et ne le voyoit que comme chevalier de l'Ordre, et non en autre qualité, afin qu'il n'en pretendit point cause d'ignorance; et en mesme temps elle luy tourna le dos et le laissa là, de sorte qu'il s'en retourna fort camus.

Le mesme jour, 17, au matin, le Premier President envoya à M. le duc d'Orleans une lettre qu'il avoit receu du duc d'Elbeuf d'Amyens du 14, par laquelle il luy mandoit que le sieur de Navailles l'estoit venu trouver à Amiens, et luy avoit apporté une lettre du cardinal Mazarin, qui luy escrivoit que la grande affection qu'il avoit tousjours eu pour le service du Roy, et le besoing que Sa M. a de troupes, l'avoint obligé d'employer tout son credit et ses amis pour luy faire un secours considerable; qu'à cette fin il avoit levé 6 mille hommes, qui estoint toutz prests; qu'il avoit premedité de se mettre à la teste de ce secours, pour l'emmener à Sa M.; que plusieurs de ses amis le luy conseilleoint ainsy, et d'autres l'en dissuadoint; et qu'il prioit ce duc de luy en mander son sentiment. Celuy cy dit, par sa lettre, qu'il luy fit response qu'il ne pouvoit conseiller S.E. d'entrer dans le rouyaume; que les peuples, les villes, et les parlements estoint partout contre elle; et qu'elle n'y pourroit trouver seurté en quelque lieu que ce feut.

Le soir du mesme jour la nouvelle arriva que, le 12 de ce mois, le comte de Quinçay, souffrant ou faisant piller une maison de Rouvile, gouverneur d'Ardres, laquelle est scitué proche de cette ville là, celuy cy y accourut; et s'estant fort plaint à ce comte de ce proceddé, il luy respondit qu'il ne pouvoit estre maistre de ses trouppes. M. de Rouville voyant qu'il n'en pouvoit tirer d'autre raison, luy dit qu'il sçavoit bien les moyens de les renger à leur devoir; et estant retourné sur ses pas en son gouvernement d'Ardres, en fit sortir 100 chevaux et 100 fantassins, avec lesquelz il feut retrouver, dans sa maison, les troupes du comte de Quinçay, lesquelles il fit si bien charger qu'il en tailla en pieces le pluspart; à quoy ce comte estant survenu, et ayant fait grand bruit contre luy de ce qu'il traittoit les /525v/ trouppes du Roy comme ennemis, il luy repartit qu'il n'estoit pas encor satisfait, et qu'il le vouloit veoir l'espée à la main. Aussytost ce comte l'ayant prit au mot, M. de Rouville tira aussy son espée et en porta un coup dans le ventre de ce comte, dont il mourut 2 jours apres.

On mande d'Amiens que les gouverneurs des places frontieres de Picardie s'estoint assemblés plusieurs fois pour desliberer sur le retour du Cardinal; et notament à Peronne, où l'on avoit remarqué qu'il n'y eut que M. de Bar, gouverneur de Dourlans, qui dit hautement qu'il estoit tropt serviteur du Roy pour consentir à une telle resolution qui mettroit, sans doute, l'Estat en combustion, et que tous les autres avoint esté d'advis de favoriser en tout ce qu'ilz pourroit le retour de ce cardinal, au devant duquel le mareschal d'Hocqincourt est allé avec un esquipage fort leste et une grande suitte, accompagné de MM. de Navailles, Broglio, et Manicamp, à qui ce cardinal a promis le baston de mareschal de France.

On escrit de Sedan que nonobstant le bruit qui a couru de l'entrée du cardinal Mazarin, il est encor à Dinan [Dinant] à cause du desbordement des eaux; que sa cour y est fort grosse; que tous les gouverneurs des places frontieres de Picardie et Champagne l'ont esté visitter, et le mareschal de Grançay; et que plus de mille autres gentilhommes particuliers y ont aussy esté; qu'il continue puissenment ses levées; qu'il a desja 6000 hommes; qu'il en veut avoit 8000, ayant receu de l'argent de France pour cela; et qu'il leur avoit assigné le rendévous à Reins [Reims] au 24, quoy que d'autres lettres portent que c'est à Montcornet.

Le 14 M. le duc d'Orleans receut la response de la lettre qu'il avoit escritte la semaine passée au mareschal d'Aumont, qui prie S.A.R. de luy vouloir laisser ses trouppes encor pour quelque temps, afin de les opposer à l'entrée que les ennemis veulent faire., Cepandant, on dit qu'il a donné ordre à tous les passages d'empescher touttes sortes de trouppes de passer, et a fait venir 5 regimentz d'autres trouppes pour retenir celles icy de force ou de gré; mais l'on asseure, nonobstant cela, [que] S.A.R. n'a pas laissé de leur envoyer ordre de venir en deça, pour les employer contre celles du cardinal Mazarin, d'autant plus que les advis de Flandres portent que touttes les trouppes des Espagnolz sont en quartier d'hyver, et notanment celles du prince de Ligne et du duc de Vertemberg, qui se sont retournés, ne pouvant plus faire de course en Picardie, et hyvernent dans les comtés de Flandres et d'Hainault. Les mesmes advis adjoustent qu'on y avoit changé la resolution que le Conseil de l'Archiduc avoit prise, d'envoyer en Bourgoigne les trouppes d'Estevan de Gamarre, celles du comte de Tavanes, et 4 mille Lorrains qui sont encor engagés au service d'Espagne, faisant en tout pres de 10 mille hommes; et qu'on les avoit contremandé à cause de la difficulté qu'on avoit trouvé à les y faire subcister; et que leurs quartiers leur ont esté donnés aux environs de Namur et entre Sambre et la Meuse, en sorte que le pays de Liege sera incommodé. Le feu a recommencé à Bruxelles dans plus de cent maisons.

/526/ Les depputés des Estatz Generaux qui sont à Tours ont envoyé un courrier, qui arriva le 15 au matin, pour representer à M. le duc d'Orleans qu'ilz perdent le temps et se consomment en fra[is], en attendant ceux qui ne sont pas encor venus, et le prient de vouloir escrire à la Reyne, pour la supplier de vouloir faire commencer l'assemblée, ce que S.A.R. fit par la voye de M. d'Amville.

Le mesme jour 17, pendant que la Grande Chambre, l'Edit, et la Tournelle estant assemblées pour desliberer le prix des monnoyes, auquel ilz ne jugerent pas à propos de touscher, estant necessaire qu'on y pourveut par une declaration du Roy, MM. des Enquestes feurent à la Grande Chambre, et demanderent communication de la lettre que M. le Premier President avoit receu du cardinal Mazarin, et qu'on s'assembla pour desliberer sur ce subject. Le Premier President respondit à cela qu'il avoit envoyé cette lettre à la Cour; et ayant dit ce qu'elle contenoit, promit l'assemblée pour le 20. Cepandant, le 19 on depputta MM. Doujat et Menardeau vers M. le duc d'Orleans pour le prier de s'y trouver, ce qui [qu'il] promit de faire; et les autres deputtés qui estoint nommés pour aller en Cour, touchant l'arrest du 13 donné sur cette matiere, resoleurent de differer leur despart jusques à nouveau ordre.

Le 20 S.A.R. s'estant trouvée à l'assemblée du Parlement, on y leue la lettre que le Premier President avoit receue de M. d'Elbeuf, de laquelle il n'avoit envoyé q'une copie à la Cour, quoy qu'il eut dit deux jours auparavant qu'il avoit envoyé l'original. MM. les Gens du roy y donnerent leurs conclusions, lesquelles feurent suivies de mot à mot, et y firent l'arrest cy joint [the arrêt is missing]. Ce qui ce [se] passa de remarquable pendant la desliberation feut le discours que S.A.R. fit, lequel feut admiré de toutte la Compagnie, à laquelle elle representat en fort beaux termes les devoirs des roys envers leurs subjectz, le danger et inconvenient qu'il y avoit de mettre la conduitte de l'Estat entre les mains des favorys, contre lesquelz elle declama fort; et adjousta que quoy qu'elle eut des sentimentz tres sinceres pour le service du Roy, et plus d'interest q'ung favory à la conservation de l'Estat, neamoings le Roy ne devoit pas luy en confier à elle mesme l'administration entiere. Elle parla ensuitte des pratiques qui c'estoint [s'estoint] faitte par les gouverneurs des frontieres pour le retour du cardinal Mazarin, de l'argent qu'on luy avoit envoyé pour faire des levées à cette fin; blasma fort le mareschal d'Hocquincourt d'avoir des pensées si bases que d'obeir à un proscrit, et d'avoir eu intelligence avec le gouverneur de Cambray pour achepter des chevaux en Flandres pour le Cardinal; et fit remarquer que c'estoit une chose bien estrange que la Cour permit touttes choses à ce cardinal, qui est avec les ennemis de l'Estat, et que neamoings on eut declaré M. le Prince criminel de leze majesté pour avoir traitté avec eux, quoy qu'il eut tort en cela. Enfin, apres avoir remonstré qu'il estoit constant que le cardinal Mazarin avoit un desseing formé d'entrer, elle dit qu'il seroit à propos d'adjouster aux conclusions de MM. les Gens du roy quelque moyen plus fort de l'empescher; et feut d'advis non de mettre sa teste à prix, ne voulant pas introduire une si pernitieuse coustume en France, /526v/ mais bien d'ordonner une somme de 50 mille escus pour ceux qui pourroint se saisir de sa personne et l'emmener dans la Conciergerie; et cette somme ce [se] pourra prendre sur les revenus de ses benefices, preferablement à ses creantiers. On fit grand bruit des commissions qu'on luy avoit envoyé pour faire les levées, et ce celles de generalissime; mais le Premier President declara qu'il n'en avoit scellé aucune et tesmoigna, aussy bien que le mareschal de l'Hospital, qu'il n'estoit pas d'advis de ce retour. M. de Machaut, le president de Novion, et quelques autres parlerent fort contre M. le Coadjuteur, et attribuerent les causes des desordres à l'ambition qu'il a pour la dignité qu'il recherche; mais parce qu'ilz ne le nommerent point, il ne leur fit point de response, afin de ne se point commettre avec eux; et M. de Chisay Bitaut, au contraire, parla fort en faveur de ce prelat, et deffendit tres bien sa cause. Il y en eut 40 qui feurent d'advis de mettre sa teste à pris, puisqu'il y en avoit des exemples; mais l'opinion de MM. les Gens du roy feut la plus forte.

Les advis qu'on a eu cette semaine de la Cour portent que MM. de Chasteauneuf, Villeroy, et l'evesque de Rodès n'estant pas regardés de bon oeil, à cause qu'ilz ne pouvoint approuver le retour du cardinal Mazarin, estoint en disposition de demander leur congé pour se retirer; que M. de Brienne ayant voulu faire difficulté de signer la commission de generalissime des armées du roy pour le cardinal Mazarin, le Roy l'en avoit reprimendé et la luy avoit fait signer par commandement absolu; que ce feut en suitte de cela qu'on manda M. Le Tellier; que despuis l'escarmouche de Tonné Charante, il ne s'est rien fait entre les deux armées, lesquelles sont proche l'une de l'autre, la riviere de Charante entre deux. On escript seulement du camp de M. le Prince que M. de Cugnac, filz de M. de la Force, en estoit party avec le colonnel Roquely, pour aller soudoyer 6000 hommes in Angleterre; qu'on luy avoit, à cette fin, donné de l'argent que M. Lesné avoit apporté d'Espagne; que M. de Nemours se devoit embarquer bientost sur un vaisseau espagnol, accompagné de 5 autres, pour aller à Ostende, d'où il ira commander, en qualité de general, les troupes de M. le Prince qu'ilz [qui] sont en Flandres, soubz la conduitte du comte de Tavanes, et pour y en lever d'autres.

On escrit de Bourdeaux du 14 que le Parlement y estoit fort divisé sur ce q'une partie des conseillers vouloint faire rendre conte au president Daffis et autres de l'administration, qu'ilz avoint eue des deniers publicqs; que M. le prince de Conty faisoit son possible pour les accommoder; et que M. de la Force avoit assiegé une maison de M. de Sauveboeuf en Perigord.

On mande de Tholouse du 13 que l'accommodement du Parlement avec les Estatz s'acheminoit fort par l'entremise du comte d'Aubigeoux.

/527/ De Montauban on escrit, du 19, que le jour precedent M. de St Luc en estoit sorty avec 1200 habitans et 200 chevaux pour s'aller emparer de Moissac, comme il fit sans resistance et y fit 120 prisonniers. Il avoit commandé, pour cette execution, le regiment de Champagne, qui est à Montpesat [Montpezat]; mais les officiers ne luy ayant pas voulu obeir, il ne peut poursuivre le dessaing qu'il avoit, de pousser les troupes de M. le Prince jusques à Agen.

Hier, au matin, M. de Valon, mareschal de camp, partit d'icy par ordre de M. le duc d'Orleans, pour aller à l'armée de mareschal d'Aumont, commander en corps separé les troupes de S.A.R. et les conduire dans leurs quartiers d'hyvert; et l'on asseure qu'en cas que ce mareschal les veuille retenir, elles se separeront par force.

Le marquis de la Vieuville ayant voulu retrancher un quartier des gages des tresoriers de France, ceux cy firent hier une deputation à M. le duc d'Orleans, et le prierent de les vouloir proteger et empescher qu'on ne leur fit ce tort; à quoy S.A.R. leur respondit que si elle leur pouvoit rendre quelque bon office en leur particulier, elle le feroit tres volontiers, mais qu'elle n'avoit plus de voix dans le Conseil, et ne se mesloit plus du gouvernement de l'Estat; qu'elle voyoit avec regret le tort qu'on leur faisont, sans y pouvoir apporter aucung remedde, et veritablement elle croyoit qu'on vouloit encor envoyer ce tiers de leurs gages au cardinal Mazarin, comme on luy avoit envoyé 800 mille livres cette semaine.

La nouvelle est venue aujourd'huy de la prise du chasteau d'Herisson à composition.

/528/ De Paris le 29 decembre 1651

Le mareschal d'Aumont fit marcher, dès le commencement de la semaine passée, 100 cornettes de cavalerie, qui font 2000 chevaux, pour aller joindre le comte d'Harcourt, qui les attend au commencement du mois prochain. Elles vont par la Normandie, par le Perche, et par Tours.

Le Parlement de Rouen a donné un arrest conforme à celuy de Paris du 13, contre le cardinal Mazarin, adjoustant seulement que le Roy sera supplié de luy envoyer à Rouen une declaration sur ce subject, semblable à celle que Sa M. a donné au Parlement de Paris apres que ce cardinal feut esloigné.

Le 23 du courant le Premier President, ayant receu un second ordre de partir pour aller à la Cour, s'y disposa dès le mesme jour; mais tout Paris s'en estant allarmé, et ne doutant plus apres cela du retour du cardinal Mazarin, S.A.R. luy fit tesmoigner par M. de Beaufort qu'elle n'estoit pas d'advis qu'il partit cy tost [si tôt]; et M. de Champlastreux ayant pris occasion là dessus d'aller au palais d'Orleans, où elle luy dit qu'elle alloit despescher un courrier à la Cour pour representer les suittes dangereuses que ce despart menaceoit, ce qui obligea le Premier President à le remettre jusques à nouvel ordre; cepandant quelques conseillers proposerent, le mesme jour, à M. le duc d'Orleans de faire assembler le Parlement le 24, quoy que dimanche, pour desliberer sur ce subject et sur quelques advis particuliers qu'il y avoit de la Cour: qu'on avoit resolu de mander le Parlement à Poictiers pour faire le proces à M. le Prince, et en cas de refus, en establir un nouveau à Tours, et cepandant de mander le Grand Conseil; mais S.A.R. estant un peu incommodée de la goutte, et voyant que le Premier President sembloit estre bien ayse de trouver occasion de differer son despart, jugea aussy à propos de differer l'assemblée jusques à ce que on veut [voit?] plus clair dans les affaires. Les depputtés qui devoint aller en Cour et sur la frontiere remirent aussy leur despart; et ces derniers, pour ne s'engager pas tropt avant, resoleurent de n'aller pas plus loing qu'à Amyens et à Reins.

Le mesme jour, 23, au soir, M. le duc d'Orleans envoya un courrier à la Cour avec une lettre qu'il escrivit au Roy, par laquelle il representoit à Sa M. que tout Paris commenceoit à s'allarmer de ce qu'elle avoit mandé le Conseil; que si M. le Premier President sortiroit de Paris, les rentiers de la Ville ne ce [se] payeroint plus; qu'il en pourroit naistre des inconvenientz tres prejudiciable au service de Sa M.; et que cette raison l'avoit obligé de retarder le despart du Conseil jusques au retour de ce courrier. On dit mesmes qu'il manda, par ce moyen, ordre au mareschal d'Estampes, qui devoit y arriver le 24, de declarer nettement à la Reyne qu'il seroit obligé de se mettre en estat de chasser le cardinal Mazarin hors du rouyaume s'il y entroit.

Les advis de la Cour du 23 portent que la Reyne avoit dit tout haut que puisque le Roy desiroit que le cardinal Mazarin revient, elle le vouloit aussy, et qu'il falloit que le Roy feut maistre puisqu'il est majeur; que M. de Chasteauneuf luy ayant derechef representé le malheur que ce retour menaceoit, avoit esté secondé par quantité d'autres personnes jusques à M. de Brienne, qui avoit fort surpris la Reyne par la priere qui [qu'il] luy avoit faitte de permettre de se retirer si le cardinal Mazarin venoit, disant qu'il ne pouvoit souffrir qu'on luy imputat d'avoir eu part à l'execution d'ung desseing qui ne menaceoit rien moings que la perte infallible de l'Estat, et qu'on esperoit que des raisons si pressantes, et le nombre de ceux qui s'opposoint à ce retour, l'emporteroint sur ceux qui le souhaittent, et feroint contremander ce cardinal; que M. le Prince avoit decampé de la bergerie pres de Tonné Charante et avoit porté le gros de son /528v/ armée à Marenne, proche Xaintes, soubz le commandement de M. de Marchin, et une partie dans Xaintes mesmes; et qu'il en estoit party pour aller à Bourdeaux tacher de reunir le Parlement, qui est en grande division, la petite Fronde s'i oppiniastrant à tousjours faire rendre conte à la grande. Despuis, il y a des lettres de la Cour du 26, qui portent que M. de Chasteauneuf y estoit malade d'ung desvoyement; que la Cour avoit differé pour quelques jours le voyage d'Angoulesme qu'elle avoit resolu de faire; et qu'on y attendoit le cardinal Mazarin, quoy qui [qu'il] en deut arriver, les resolutions en ayant esté confiermées nonobstant touttes les raisons qu'on y avoit peu alleguer pour le faire contremander.

Le 25 S.A.R. receut nouvelle que M. de Nemours estoit arrivé en Flandres et qu'il y avoit apporté un pouvoir de M. le Prince pour conclurre un traitté qui estoit desja commencé avec le duc de Lorraine, auquel M. le Prince offre de cedder les places de Stenay, Clermont, et Jametz, pourvu qu'il luy baille 4000 hommes de pied et 800 chevaux et 500 mille escus pour faire autres levées, que tout cela ne devoit point recevoir de difficulté puisque les choses y avoint esté desja disposées; et que touttes les troupes doivent estre commandées par M. de Nemours, en qualité de general, et par le comte de Tavanes en qualité de lieutenant general.

Le mesme jour, au matin, un courrier arriva icy, qui apporta une lettre de cachet du Roy adressée au Parlement, par laquelle Sa M. mandoit qu'ayant sceu le subject pour lequel on luy envoyoit des depputtés, elle avoit jugé à propos de mander qu'il n'estoit pas besoing qu'ilz se missent en chemin pour cela, puisqu'elle entendoit que sa declaration concernant le cardinal Mazarin feut executtée; et parce qu'on envoyoit des effectz tout contraires, plusieurs conseillers du Parlement avoit proposé de s'assembler extraordinairement là dessus le 26; mais M. le duc d'Orleans, estant malade des gouttes, fit remettre l'assemblée à aujourd'huy, parce qu'il vouloit attendre le retour du courrier qu'il avoit envoyé à la Cour le 23 au soir.

Ledit jour on eut nouvelle que la ville de Troye [Troyes] avoit receu ordre de la Cour de recevoir les trouppes du cardinal Mazarin, mais que les habitans n'y estant pas fort disposés, et que le sieur de Ste Maure, qui estoit gouverneur de Jametz, y ayant voulu faire des levées pour joindre le Cardinal, on ne l'avoit pas voulu souffrir.

Il n'est pas vray que le cardinal Mazarin aye eu aucunes troupes de l'eslecteur de Brandebourg, ny du duc de Neubourg. Touttes celles qui ont esté levées par les gouverneurs des places frontieres de Picardie et de Champagne ne ce [se] montent pas plus de 4 mille hommes , la pluspart cavalerie. Il a fait achepter quantité de taffetas vert dans Paris et Amyens, tous les officers de son armée ayant receu ordre de prendre les escharpes vertes. Les mesmes gouverneurs firent encor grande desbauche avec M. d'Elbeuf dans Amiens, la semaine passée, en resjouissances de ce retour; auquel les choses estant touttes disposées, le Cardinal partit de Dinan [Dinant] le 18, fort accompagné; et arriva à Bouillon le mesme jour au soir, ayant marché 15 heures de suitte, à cause qu'il n'avoit point de passeport des Espagnolz que pour sa personne et pour sa maison, le gouverneur de Charlemont luy en ayant refusé pour ceux qui l'alloint visitter à Dinan, et en ayant mesmes fait charger quelq'ungs par sa garnison; ce qui feut confiermé le mesme jour, 25, par une lettre que S.A.R. receut de Ham du 23, par laquelle on mandoit /529/ que le mareschal d'Hocquincourt, Broglio, Navailles, et Manicamp en estoint partis pour l'aller trouver à Sedan le 24, et le mener de là à Rhetel, où il faisoit cuire 16000 rations de pain; que son desseing estoit de prendre Mouzon en passant, et en rendre le gouvernement au comte de Grandpré, qui s'estoit engagé avec luy à cette condition; et que M. Faber, gouverneur de Sedan, qui a levé un regiment de cavalerie pour le Cardinal, devoit partir le 23 avec la melieure partie de sa garnison, pour l'aller recevoir à Bouillon et le conduire à Sedan.

Les trouppes de M. le duc d'Orleans s'estant destachées de l'armée du mareschal d'Aumont, ses 3 regimentz d'infanterie, qui font 2500 hommes, arriverent le 25, au soir, aux environs de Meaux, et despuis ce [se] sont dispersées aux environs de Paris; et la cavalerie, qui fait 8 à 900 hommes, demeura à Roye, où elle attend les ordres de S.A.R., qui a aussy mandé en diligence toutte sa compagnie des gardes du corps.

Le mesme jour, 25, S.A.R. receut la response de M. le Prince à la lettre qu'elle luy avoit escritte par le sieur de Vineuil, laquelle luy feut rendue par M. de Machaut, conseiller du Parlement. Elle est imprimée.

Ledit jour un courrier de M. le Coadjuteur revient de Rome, et luy porta nouvelles que l'abbé Charrier ayant pressé le Pape de luy declarer s'il feroit la promotion annuel, Sa Sainteté [luy] avoit respondu qui [qu'il] ne luy pouvoit pas dire le temps auquel il la feroit, pour des considerations tres particulieres.

M. d'Estrade, gouverneur de Duncherque, s'en vient à Paris pour des affaires particulieres; et en son abscence, M. de Vitermont, cappitaine aux gardes, doit commander dans cette place, laquelle a esté offerte en engagement aux Holandois pour 3 ou 4 millions de livres, mais ilz ne l'ont pas voulu accepter, afin de ne desobliger point les Espagnolz.

Le 26, au matin, M. le Premier President receut nouvel ordre par courrier expres de partir, touttes choses cessantes, pour aller à la Cour avec le Conseil. Le mareschal de l'Hospital, M. du Plessis Guenegaud, et M. de Sainctot s'estant trouvés ches luy lors que cet ordre arriva, il les pria de l'aller faire veoir à S.A.R., ce qu'ilz firent; et elle leur dit que cela n'empescheoit pas qu'elle n'en feut d'advis que M. le Premier President remit son despart jusques à l'arrivée du courrier qu'elle avoit envoyé à la Cour, puisqu'il estoit attandu dans le 28; et que la consequence de cest affaire meritoit bien, pour le moings, un retardement de 2 jours; mais l'ordre estoit si pressés que le Premier President resolut, avec M. de la Vieuville et M. du Plessis Guenegaud, de partir dès le lendemain au matin, ce qu'ilz firent, nonobstant la crainte qu'ilz avoint d'estre arrestés par le peuple. Ce feut le subject pour lequel le marquis de la Vieuville partit dès 5 heures du matin avec M. Jeannin Castille, tresorier de l'Espargne, et tous les autres financiers, exceptés M. d'Aligre, qui est demeuré icy en qualité de directeur.

L'apresdisnée du 26 M. le duc d'Orleans manda les prevots des marchandz et eschevins de Paris, lesqu[els] estant venus, S.A.R. leur dit qu'elle les avoit mandé pour leur donner advis qu'ilz songeasse[nt] aux rentes de la Ville; que le Conseil partoit le lendemain pour s'en aller avec ceux qui ont l'administration des finances; et que l'affection qu'elle avoit pour la ville de Paris l'avoit /529v/ obligée de songer à leurs interestz; dont ilz le remertierent fort, et luy dirent que M. de la Vieuville leur avoit promis fort solennellement qui [qu'il] ne toucheroit point du fondz destiné pour les rentes, et qu'il en auroit un soing tres particulier, quoy qu'absent.

Le 27 l'on eut advis de Bourdeaux que les Espagnolz avoint mis M. de Guyse en liberté, sur sa parolle et sur celle de M. le Prince, et qu'il y estoit attendu pour y servir en qualité de lieutenant general de S.A., laquelle a confirmé cette nouvelle par une lettre qu'elle a escrit au president Perrot. Quelq'ungs veuillent que ce duc doivent aller en Provence pour y fortiffier le party de M. le Prince.

La Princesse palatine est partie d'icy pour aller à Reins [Reims], mener ses 2 filles en religion, et de là à la Cour, où elle dit estre mandée; mais on croit qu'elle fait ce chemin plustost pour s'aboucher avec le cardinal Mazarin que pour autres subject. Mme de Chevreuse s'est aussy absentée de Paris, où elle ne se voyoit plus en seurté despuis la resolution du retour de ce cardinal. M. Le Tellier ne devoit arriver qu'avant hier à Poictiers.

Hier S.A.R. ayant eu advis qu'on faisoit dans Paris 400 manteaux et autant de bonnets à la polonnoise pour les carrabins du cardinal Mazarin, les fit aussytost saisir et enlever, et s'y en trouva 304 casaques et autant de bonnets, la moitié de drap vert doublé de rouge, et l'autre moitié rouge doublé de vert, garny d'ung passement d'argent faux, menagerie ordinaire de ce cardinal.

Le courrier que S.A.R. avoit envoyé en Cour revient hier au soir, à 10 heures, sans luy apporter aucune satisfaction touchant ce qu'elle avoit demandé à la Reyne, luy ayant tout reffusé; et M. de Sommery, qui y estoit aussy de la part de S.A.R., est attendu aujourd'huy. Le mareschal d'Estampes se disposoit à s'en revenir.

Ce matin S.A.R., quoy que indisposée de la goutte, c'est [s'est] fait porter en siege à l'assemblée du Parlement; où le president de Bailleul ayant commencé à parler de desliberer d'empescher le retour du cardinal Mazarin, S.A.R. a fait un beau discours par lequel, apres s'estre fort plainte des intrigues qui ce [se] continuent à la Cour pour ce retour fatal, et du peu de satisfaction qu'il y avoit trouvé dans des demandes si justes et si necessaires au bien de l'Estat, a dit qu'il y avoit advis que ce cardinal estoit arrivé le jour de Noel à Sedan, où il avoit esté conduit par M. Faber et par le chevalier de Montaigue, gouverneur de Rocroy, et par le sieur d'Aulnis, intendant de justice en Champagne; apres quoy elle a declairé que dans cette malheureuse conjoncture, elle avoit creu estre obligée offrir à la Compagnie ses troupes, son credit, et son bien, ses amis et sa personne propre; qu'elle estoit preste d'aller s'exposer pour remedier au mal si pressant. Ensuitte on a leu une lettre de cachet du Roy qui contremande les depputtés du Parlement, apres laquelle MM. les Gens du roy ayant donné des conclusions presque conformes au dernier arrest, le president Molé a ouvert un advis qui a esté suivy presque tout d'une voix, suivant lequel il a esté ordonné que les declarations et arrestz precedentz seroint executtés, et /530/ parce que le cardinal Mazarin [... here a portion of the line was cut off in the binding process ...] leze majesté, enjoint à touttes personnes de luy courir sus, de rompre les ponts et passages, et le mener mort ou vif dans la Conciergerie, ses benefices declarés vacans et impetrables; et ordonné que celuy ou ceux qui le pourront tuer ou mener vif, soit François ou estranger, seront recompensés de 150 mille livres, qui sera prise incessament de la vente de sa bibliotheque et de ses autres biens; et en cas qu'on n'en puisse trouver asses pour faire cette somme, que ce qui y manquera sera pris sur les biens des personnes qui ont eu commerce avec luy despuis son esloignement, et la somme entiere mise promptement en despost entre les mains d'ung bourgeois saluable; que celuy ou ceux qui le tueront ou meneront sont absous, dès à present, de tous crimes qu'ilz pourroint avoir commis, excepté celuy de leze majesté au premier chef; et qu'en cas qu'ilz viennent à perir dans cette execution, cette somme de 150 mille livres sera donnée entirement à leurs heritiers; ordonné encore que S.A.R. sera supplié de joindre ses forces à celles du Roy pour l'execution de cest arrest, et d'envoyer à cette fin ses troupes sur les passages des rivieres où ledit Mazarin pourroit passer; et en outre, de faire tout ce qu'elle jugera convenable pour son expulsion, qui est remise à sa prudence et bonne conduitte; enjoint à tous presidens et conseillers de cette compagnie de desemparer, à peyne de perte de leurs charges; ordonné que les rentes de la Ville seront payées comme cy devant, que les fermiers, receveurs, et payeurs y seront contraintz par corps, et deffenses aussy à eux de desemparer sur peyne de la vie; et que les depputtés du Parlement partiront incessanment pour aller representer, au Roy seul, le motif de cest arrest et des precedentz donné sur cette matiere

[End of ms. fr. 25025]

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Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653