Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/180/ De Paris du 3 decembre 1652

Le marquis de la Vieuville ayant traitté de l’abbaye de St. Martin de Lymoges, qui vaut 18 mille livres de rente, pour son filz, a fait aprouver son traitté par Zungo Ondedei, qu’on asseure avoir fait cette affaire à l’insceu du cardinal Mazarin, son maistre; et que celuy cy en tesmoigne d’estre fasché, à cause qu’il avoit promis solennellement cette abbaye au mareschal d’Hocquincourt. Neamoings, on a peyne de croire que ce cardinal n’en aye rien sceu, puisque M. le la Vieuville n’en a le brevet qu’apres avoir fait faire demission à son fils, d’un prieuré de 4 mille livres de rente qu’il avoit, en faveur d’Ondedei, outre quelque pension dont il a laissé charger cette abbaye.

Il y a nouvelles certaines de la mort de l’evesque d’Amiens, qui estoit frere de M. de Caumartin, conseiller au Parlement; mais le duc de Chaunes n’est pas encor mort, quoy qu’il aye peu d’esperance de sa guerison.

M. de Chasteauneuf est encor à Leuville, où la Reyne luy a permis de demeurer encor quelques jours, pour se faire medicamenter.

Le marquis de Richelieu, ayant veu M. de la Mesleraye en Bretagne, en est party pour s’en
aller en Italie; et quoy que la Reyne porte fort les interestz de Mme de Beauvais, neamoings, le 30, elle ne laissa pas de parler du mariage de ce marquis à Mme d’Aigullion, l’ayant rencontré aux Carmelites, où Sa M. protesta derechef qu’elle n’en avoit rien sceu, jusques à ce que l’affaire feut faitte, mais que comme elle s’est faitte dans la maison du Roy, on luy avoit conseillé de prendre interest, et remonstré qu’il y alloit de son authorité; à quoy Mme d’Aigullion luy respondit que comme Mme de Beauvais estoit fort bien aupres de Sa M., elle trouveroit facilement des personnes pour faire valoir sa cause, mais que si Sa M. en prenoit l’advis des personnes desinteressés, on luy diroit tout le contraire; et apres avoir justiffié l’impuissance où elle estoit, de faire revenir son nepveu, la Reyne luy promit de laisser agir la justice.

L’on parla 2 ou 3 fois, la semaine passée, au Conseil, de deliberer si on devoit rapeller les conseillers exilés; et despuis, l’on a fait entendre, à leurs amis, qu’il falloit qu’ilz eussent recours au cardinal Mazarin, moyenant quoy ilz ne pouvoint pas manquer d’estre restablis.

On escrit de Montauban, du 22 du passé, que M. du Plessis Belliere y avoit passé le 19, avec la melieure partie de l’armée du Guyenne, s’en allant en diligence en Rossillon [Roussillon], et faisant tous les desordres imaginables; qu’en mesme temps, M. Marchin, apres avoir manqué la surprise de Cadillac, aussy bien que celle de Blaye, s’estoit avancé jusques à Nerac, sans en avoir peu estre empesché par M. de Sauvebeuf, qui est resté en ce pay là, avec mille chevaux seulement; mais que celuy cy attendoit la jonction du comte de Mereville, qui venoit du comté de Foix, avec 1500 des deserteurs de la Catalougne; que le marquis de St Luc avoit receu une declaration qu’on luy avoit envoyé de la Cour, portant translation du Parlement de /180v/ Bourdeaux à Agen, mais qu’il ne pouvoit le faire executter, le Parlement l’ayant rebutté, et ayant fait son ouverture à Bourdeaux, quoy qu’il ne feut pas encor d’accord avec l’Ormée; que M. de Candale avoit esté attendu à Montauban, mais qu’on n’y sçavoit pas encor des nouvelles, et qu’on croyoit que la Cour avoit changé de resolution de l’envoyer en ce pays là.

M. de Beaufort est allé, ces jours passés, de Chenonceau à Blois, pour visitter S.A.R., et apres s’en est retourné. L’on asseure que M. de Vendosme luy a mandé qu’il escrivit à la Cour, ce qu’il a refusé de faire.

Vous aves sceu que le baron d’Alais a esté nagueres sur le point de surprendre M. de St Aunais, et que mesmes il luy prit quelques soldatz prisonniers, qui [qu’il] conduisit à Narbonne. Despuis, on y a fait pendre 4 ou 5 prisonniers; ce qui a obligé St Aunais de mander à MM. de Narbonne qu’il useroit de reprisailles sur eux, et qu’il en feroit pendre autant qu’il pourroit faire attraper, qui seroint habitantz de Narbonne.

Il ce [se] trouve un arrest du Conseil, anterieur en datte à celuy de la Cour des aydes, qui deffent de lever la nouvelle imposition de 58 sols et demy, par muid de vin qui entre à Paris. M. de Martineau, l’ung des conseillers du Parlement, le estant aussy conseiller de Ville, la Ville a fait, despuis 8 jours, des grandes instances à la Cour pour le faire rappeller; et M. le Garde des Sceaux, s’en voyant pressé, fit expedier une lettre de credit, par laquelle le Roy luy ordonne de revenir, faire la fonction de sa charge; mais il a fait response qu’il ne pouvoit point revenir, que ces confreres en feussent rappellés, aussy bien que luy.

La Princesse palatine, qui est toujours des plus avant dans l’intrigue, ayant obtenu du Roy un don de 100 mille livres, pour les prendre sur les plus clairs deniers de l’Espargne, presenta, la semaine passée, ce don à la Chambre des comptes; mais la Chambre ordonna que la veriffication en seroit surcise, jusques à la paix generalle.

Le bruit a fort couru que le mareschal de Granmont devoit estre employé pour aller porter M. le Prince à s’accommoder, mais on n’y a pas songé à la Cour.

Le cardinal Mazarin partit de Chalons, le 20 du passé, pour aller à l’armée, apres avoir accommodé, en quelque façon, le different qui estoit entre M. d’Elbeuf et M. de Turenne pour le commandement, ce qui avoit obligé celuy cy à demander son congé. Ilz marcherent ensemble, avec toutte l’armée, qu’on fait monter à 14 mille hommes, vers celle de M. le Prince, qui s’est posté aux environs de Commercy, apres avoir pris voye [?: written-over]. Celuy cy ayant apris cette aproche, et que le cardinal Mazarin avoit encor mandé le mareschal de Seneterre, afin de donner bataille, les ordres luy en ayant esté envoyés de la Cour, manda au comte de Fuelsendaigne de le venir joindre, avec touttes ses troupes, se promettant, moyenant cela, le gain de la bataille; mais ce comte luy fit response qui [qu’il] ne pouvoit pas hazarder si legerement les forces /181/ du roy d’Espagne, ce qui rend M. le Prince tropt foible pour pouvoir consentir à la bataille, n’ayant que 9000 hommes, la pluspart cavalerie.

Les princesses de Carignan et Palatine doivent partir d’icy demain, pour aller au devant du cardinal Mazarin, qui est attendu dimanche ou lundy prochain. On parle de marier l’archevesque de Reins [Reims] avec Mlle de Longueville.

M. de Bourdeaux, maistre des requestes, filz de l’intendant des finances, est party ce matin, pour aller en embassade en Angleterre. On croit que c’est pour y recognoistre la Republique, ce qui a obligé le filz de l’ambassadeur d’Holande de partir d’icy en poste, sans passeport, pour en aller donner advis à MM. des Estatz.

On parle d’envoyer le mareschal de Grancey en Piedmont, pour y commander l’armée.

M. de la Rochefoucaut estant arrivé à Chalons, en mesme temps que le cardinal Mazarin, envoya un gentilhomme à celuy cy, pour sçavoir s’il l’auroit agreable qu’il luy allat faire la reverence, devant que partir pour aller trouver M. le Prince; à quoy il respondit, apres avoir un peu songé, qu’il remertioit M. de la Rochefoucaut de sa civilitté, et qu’il ne croyoit pas qu’il feut à propos qu’il le vit. Ce cardinal a laissé ses niepces, qu’il avoit mené de Sedan avec luy, à Chalons, chez M. de Vaubecour, qui en est gouverneur.

/182/ De Paris du 6 decembre 1652

Le 3 du courant, le sieur de Valavoir arriva icy, venant de Champagne; et raporta que M. de Turenne estoit à Vaucouleur le 30 du passé, avec son armée forte de 5 mille chevaux et 6 mille hommes de pied, marchant vers celle de M. le Prince, qui estoit à 4 lieues de là, avec 7000 chevaux et 3000 fantassins. Le cardinal Mazarin estoit encor à St Dizier, avec 2000 hommes qui le devoint escorter dans l’armée, où il avoit envoyé, de Vitry, 12500 rations de pain; et pretendoit d’obliger M. le Prince de se mettre à couvert de la Meuse, le long de laquelle il veut laisser M. de Turenne, avec un corps de 800 hommes, pour l’empescher de la repasser, et cepandant reprendre Bar, Rhetel, et Chasteau Portien, devant que revenir à la Cour. Despuis, on a eu nouvelle que M. le Prince, ayant grossy la garnison de Ste Menehoud, a passé la Meuse et s’est mis à couvert, ce qui a obligé M. de Turenne d’assieger Bar le Duc. Le comte de Fuelsendaigne est retourné en Flandres, avec 4 mille hommes, et a laissé son reste à M. le Prince, qui peut avoir en tout 12 mille hommes.

Le mesme jour, M. de Bourdeaux, maistre des requestes, partit d’icy pour aller en Angleterre. On asseure que sa commission est de demander, au nom du Roy, la restitution des vaisseaux qui feurent pris aupres de Calais, lors que M. de Vendosme alloit tenter le secours de Duncherque, moyenant quoy il paroistra en qualité d’ambassadeur, et recognoistra la Republique.

Le mesme jour, M. de Guyse envoya un sien gentilhomme, nommé des Essartz, au cardinal Mazarin, pour le complimenter.

Les mareschaux de l’Hospital et du Plessis ayant representé aux deputtés des Suisses qu’ilz devoint, à cette conjoncture, tesmoigner qu’ilz sçavent s’accommoder à la necessité des affaires du Roy, autant qu’ilz ont sceu monstrer de valeur et de fidelité à son service, les ont portés à un accommodement qui c’est [s’est] proposé: sçavoir, que l’on leur donnera, dans les 5 premiers mois de l’année prochaine, 500 mille livres qui leurs sont deutz de la presente année, suivant le traitté cy devant fait avec les ambassadeurs des cantons, dont on leur a remonstré que leur payement n’avoit esté interrompu que par la guerre civile; et cepandant, on leur doit livrer une contrainte pour les 160 tant de mille livres qui leur sont deutz de reste de l’année 1650, suivant ce mesme traitté, par les fermiers des entrées; et quant aux 2 millions 400 mille livres qui leur sont deutz de leur premier conte, on leur promet de les leur payer dans 5 années.

Le 4 MM. des Enquestes feurent à la Grande Chambre, pour demander l’assemblée du Parlement, afin de desliberer sur les moyens d’obtenir le rappel des conseillers exilés; à quoy M. le Garde des Sceaux leur respondit qu’il l’assembleroit [qu’il assembleroit] la Tournelle et l’Edit, avec la Grande Chambre, pour resoudre s’ilz s’assembleroint ou non, et qu’il leur en rendroit response demain.
/182v/ Mme d’Orleans recouvre sa santé peu à peu, mais elle a encor la poitrine un peu enflée, et repose fort peu la nuict; neamoings, comme elle n’a plus de fievre, elle ne laisse pas de manger de la viande solide. La Reyne la visitta le 2.

Hier, au matin, le Roy envoya à S.A.R. un gentilhomme servant, nommé Marigat, pour se conjouir avec elle de la convalescence de Madame.

Il s’est parlé de marier M. d’Aumale, archevesque de Reins [Reims], avec Mlle de Longueville, mais ce n’a esté q’ung bruit, estant certain qu’il n’y en a aucune proposition faitte, de part ny d’autre, et que ce prince a des pensées touttes contraires, voulant garder ses benefices, et aspirant au cardinalat.

Les lettres de Bourdeaux, du 28, portent que le Parlement s’y estant assemblé apres son ouverture, pour desliberer sur l’estat present des affaires, il y eut un advis suivy d’une bonne partie du corps, qui estoit de supplier M. le Prince de donner la paix; mais cela feut destourné par la faction de M. le prince de Conty, qui proposa de chercher les moyens de restablir l’authorité du Parlement, et de s’accommoder avec l’Ormée; et ce dernier advis ayant passé, ce prince se fit deputter, avec quelques conseillers, pour travailler à cest accommodement, qui estoit encor neamoings fort difficile. Il y eut aussy assemblée dans l’Hostel de Ville, où l’on resolut de renouveler l’union, et de la signer, ce que M. le prince de Conty fit le premier; et cependant, le baron de Batteville s’estant presenté à Bourdeaux, pour y entrer avec quelques officiers de son armée navale, l’Ormée le chassa, disant qu’elle sçauroit bien se deffendre elle mesme, et qu’elle n’avoit pas besoing des Espagnolz. M. de Marchin estoit au Mas d’Agenois, sans rien entreprendre, et M. de Sauvebeuf de l’autre costé de la Garonne. Il ne s’y parloit plus d’aller raser Cadillac.

On escrit de Narbonne que le mareschal de la Motte a posté des troupes sur les avenues de Locatte [Leucate], et qui [qu’il] la tient comme bloquée, en attendant la jonction des troupes de M. de M. du Plessis Belliere, avec lesquelles il pretent l’assieger.

/184/ De Paris le x decembre 1652

Vous aures sceu que M. de Guyse, peu de jours apres son arrivée à Paris, voulut espouser Mlle de Pons; mais celle cy ne le voulut pas, disant qu’il estoit necessaire auparavant de faire vuider l’opposition de [que] Mme la comtesse de Bossu y feroit; à quoy M. de Guyse trouvant de l’impossiblité, à moings que d’estre entierement appuyé de la Cour, a fait proposer à Mme [sic] de Pons que puisqu’il n’y avoit point de moyen d’en venir à bout, il vouloit la marier à un nommé M. de Malicorne, filz de feu M. Tessier, maistre des comptes, qui la recherche aussy despuis longtemps, et luy faire un present de 50 mille escus. Despuis, on a dit qu’il a fait demander en mariage une des niepces du cardinal Mazarin, mais il le nie. Il est neamoings vray qu’il a fait [dire] à la comtesse de Bossu que si elle vouloit se rendre religieuse, il luy feroit donner une des melieures abbayes en France; et que celle cy a respondu que si M. de Guyse se vouloit faire prebstre, elle se rendroit volontiers religieuse.

Le 5 du courant, M. de Chasteauneuf revient à Montrouge, par permission de la Reyne, à cause qu’il estoit effectivement malade; et M. Vallot, premier medecin du roy, l’ayant esté veoir, le fit saigner 2 fois dans la journée du 6. Les mareschaux de Villeroy et de l’Hospital eurent mesmes permission de l’aller visitter.

Le 7, au matin, M. le Garde des Sceaux ayant assemblé la Grande Chambre, la Tournelle, et l’Edit, pour desliberer si l’on devoit accorder l’assemblée à MM. des Enquestes, fit resoudre, pour prevenir ceux cy, qu’on feroit tres humbles remonstrances au Roy, pour le retour des conseillers exilés, et que MM. les Gens du roy iroint, dès l’apresdisnée, au Louvre, demander audiance pour cest effect. Pendant cette assemblée, la vefve d’ung nommé Daremond, chauffe cire de la petite chancellerie, lequel feut tué d’ung coup de pistollet le 6, à 7 heures du soir, en passant sur le pont Nostre Dame, vint avec une requeste par laquelle elle demandoit justice contre M. de Bretonvilliers, le conseiller, disant qu’elle ne pouvoit accuser que luy, pour estre l’autheur de cest assasinat, puisque son mary n’avoit d’autre ennemy que luy, et que ce ne pouvoit estre q’une suitte de proces criminel qu’il avoit contre M. de Bretonvilliers, pour les coups de bastons qui [qu’il] luy avoit fait donner; sur quoy, il feut permis à cette vefve d’informer, et cependant deffenses au sieur Bretonvilliers, et à tous ses domestiques, de sortir de Paris, à peyne de conviction du fait dont on l’accuse.

Le 8 le colonnel Rochby, Anglois, qui s’estoit donné à M. le Prince, feut mis dans la Bastille, accusé d’avoir voulu livrer La Bassée aux Espagnolz lors qu’il [lors qu’il y] estoit en garnison, devant cette derniere guerre.

Le mesme jour, Mme d’Orleans se releva de ses couches, et les ceremonies en ont esté faittes par M. l’archevesque de Tours. Elle restablit sa santé peu à peu, et fait estat d’aller à Blois vers le 8 du mois prochain.

Mademoiselle partit de St Fargeau, le 3 du courant, pour aller à Sully, visitter Mme la duchesse /184v/ de Sully, et de là elle devoit aller passer 4 ou 5 jours à Blois, pres S.A.R.

L'affaire des Suisses n'est pas encor conclue, mais elle ne tient qu'au plus ou au moings sur les de comptes [sic].

Les lettres de Ste Menehoud, du 2, portent que l'armée de M. le Prince passa la Meuse le 30, proche Verdun, où le cardinal Mazarin coucha, la nuict de ce jour là, dans la citadelle; que M. le Prince avoit jetté toutte son infanterie dans Chasteau Portien, Rhetel, Ste Menehoud, Bar le Duc, Ligny, Commercy, & Voye; qu'il fit entrer 500 hommes, le premier du courant, dans Ste Menehoud, avec force munition, outre 13 à 1400 qui [qui y] estoint desja; et qu'on travailloit tous les jours à fortiffier cette place, et que Bar n'estoit pas encor assiegé. D'autres lettres, du 5, portent que l'on preparoit, à Chalons, les choses necessaires pour le siege de Ste Menehoud, on la devoit investir le 7; que M. de Seneterre a pris Voye, Ligny, et Commercy; que Le Broutet, maistre de camp du regiment de Navarre, avoit esté fort blessé à l'attaque de Ligny; et que ce mareschal alloit assieger Bar le Duc, qui capituloit avant hier, à ce que dit un courrier qui en revient hier, au soir. Le cardinal Mazarin estoit à Verdun, fort bien avec M. de Feuquieres, qui en est gouverneur; auquel on asseure qu'il a donné un brevet de duc et pair, ce qui l'a mis entierement dans les interestz de la Cour, au lieu qu'auparavant il sembloit fort pancher du costé de M. le Prince.

Il y a advis de Languedoch que M. de St Aunais ayant mis un commandant espagnol dans son chsteau de Haucoul, la garnison a poignardé ce commandant, et s'est declairé pour le Roy.
Le nouveau nonce, M. Corsini, est encor retenu à Marseille par M. de Mercoeur, qui l'empesche de passer outre, suivant les ordres du Roy.

Les lettres de Bourdeaux portent que M. le prince de Conty ayant descouvert une grande conspiration qui s'y estoit faitte contre luy, fit prendre, et conduire ches luy, un des principaux complices, nommé Le Roux, recepveur des tailles; auquel il promit, foy de prince, de pardonner, pourveu qu'il luy declarat tous les autres, avec touttes les circonstances de l'affaire, le menaceant autrement de le faire mourir; ce qui l'obligea d'en reveler le secret, et de dire, entre autres choses, qu'il estoit vray qu'il s'estoit chargé de distribuer quelque argent parmy le peuple, pour exciter une sedition contre ce prince, à quoy il avoit creu, avec les autres, trouver d'autant plus de facilité que la pluspart des Bourdelois se lassent d'une si longue guerre; que sur cela ce prince ayant pardonné celuy cy, estoit allé au Parlement, demander justice contre les autheurs de cet attentat, dont il en accusa hautement le principal, qui est un nommé Maffiot, conseiller, sans nommer les autres, et dit que Le Roux luy avoit confessé qu'on le vouloit tuer, luy /185/ et Mme de Longueville, et se saisir de Mme la Princesse et du petit duc d’Anguien; sur quoy le Parlement desliberoit encor lors que l’ordinaire en partit; et que M. Marchin avoit reprit Casteljaloux, à la barbe de M. de Sauvebeuf.

Un gentilhomme de S.A.R., arrivé icy hier, au soir, raporta que Mademoiselle estoit arrivé à Blois. On asseure que M. de Chaunes est mort, et qu’on cache sa mort pour les interestz de sa Maison.

MM. des Enquestes attendent, aujourd’huy, la response des exilés; et l’on croit que le Roy entrera cette semaine au Parlement, pour y faire veriffier quantité d’editz nouveau. Ces messieurs demandent à present l’assemblée pour l’affaire des rentes de la Ville, dont le payement avoit commencé par demy semaine, a desja cessé. Le cardinal Mazarin est allé de Verdun à Ruvigny.

/186/ De Paris le 12 decembre 1652

Mme la comtesse de Bossu feut veoir, il y a 7 ou 8 jours, la Reyne, qui luy fit donner le tabouret, comme duchesse de Guyse, et luy dit qu’il ne s’estoit point encor parlé de son affaire, pour certaines considerations, mais qu’il s’en parleroit bientost, et qu’on en feroit tout ce qui ce [se] pourroit pour elle.

Le 8 du courant, Mme la marquise de Montauzier arriva icy, pour demander un brevet de duc et pair pour son mary, et 100 mille escus de recompense pour son gouvernement de Xaintonge et Angoumois, dont le cardinal Mazarin veut faire une creature.

Mademoiselle ayant demeuré 4 ou 5 jours à Blois, est retournée à St Fargeau. Elle s’est enfin resolue de mander au comtes d’Olach et d’Escars, de quitter M. le Prince et de revenir avec leur trouppes, et leur a envoyé pour cest effect un expres.

Le 9, MM. de Valon et de Jouy, qui sont à S.A.R., feurent au Louvre saluer le Roy, et Sa M. envoya hier le duc d’Amville à Blois, accompagné de M. Goulas. On croit que c’est pour persuader S.A.R. de revenir à la Cour, à quoy elle ne paroit encor nullement disposée.

Le xi, au soir, le mareschal de Grammont porta au Roy la nouvelle que St Aunais avoit traitté avec le mareschal de la Motte, qui luy a donné sa foy de luy faire accorder l’amnistie, et de le faire maintenir dans son gouvernement de Leucate [Leocate], dont il a chassé les trouppes qu’il y avoit mises, et en a receu d’autres que ce mareschal luy a donné. Cette nouvelle estant certaine, l’on mit hier ses enfans en liberté. Les lettres de Bourdeaux, du 5, confierment la conspiration que vous aves sceue, et portent que l’execution s’en devoit commencer par un cappitaine nommé Magdelaine, que M. de Marchin avoit mis pour commandant dans Casteljalous. Ce cappitaine s’estoit chargé de se deffaire de M. le prince de Conty et de MM. de Marchin et de Baltazard; et pour cest effect il avoit prié ce prince de venir disner ches luy, avec les deux autres, et avoit engagé quelques personnes qui luy estoit affidées, d’assister à l’execution de ce dessaing, entre autres un sergent de sa compagnie; lequel, tousché de quelques remordz, alla declarer ce secret à M. de Marchin, le jour que l’affaire ce [se] devoit executter, à 8 heures du matin, ce qui obligea celuy cy d’aller d’abord ches ce cappitaine, qu’il trouva couché avec une femme; et dès qu’il l’aperceut, luy tira un coup de pistollet dans l’estomach et luy en ayant voulu tirer un autre, cette femme le receut dans la cuisse, s’estant mise devant luy. Ce cappitaine vescut encor 7 ou 8 heures, pendant lequel temps il avoua tout le dessaing, et dit qu’en mesmes temps on devoit exciter sedition dans Bourdeaux, pour s’y asseurer de Mme la Princesse, Mme de Longueville, et du petit duc d’Anguien; dont M. de Marchin donna promptement advis à M. le prince de Conty, lequel ayant fait les plaintes que vous aves sceu au Parlement, le conseiller Massiot, qu’il accusa comme principal autheur de cest attentat, luy respondit qu’il n’avoit jamais conspiré contre des personnes dont la conservation estoit si chere, mais qu’il estoit vray qu’il avoit fait tous ses effortz pour prendre les principaux autheurs de l’Ormée, qu’il avoit creu que l’honneur et l’interest du Parlement l’y devoit obliger, et que toutte la /186v/ Compagnie s’y devoit employer à exterminer cette faction. Les contestations feurent si grandes là dessus, et le Parlement s’y trouva si divisé, que despuis le matin jusques à la nuict, on ne peut rien desliberer, et il falut se separer sans rien faire. On pria seulement M. le prince de Conty de ramener Massiot en seurté, dans sa maison; ce que [ce] prince ayant promis, le fit mettre dans son carrosse, et luy dit que, pour estre plus en seurté, il seroit mieux à l’Hostel de Ville, de peur que l’Ormée n’allat assieger sa maison. Neamoings, ses confreres s’estant plaintz de cette action, comme s’il eut [s’il l’eut] voulu mettre en prison, il l’allat tirer le lendemain, au matin, et le ramena au Palais, où l’on ne prent encor aucune resolution, à cause qu’il n’y s’y trouva que 12 conseillers de reste, n’ayant osé s’y trouver, crainte d’insulte de l’Ormée. A mesme temps, il ce [se] fit une assemblée des notables des bourgeois de la ville, où ceux cy signerent une nouvelle union avec ce prince; mais l’Ormée estant survenue là dessus, et ayant fait grand bruit, ilz ne vouleurent jamais s’unir avec elle; et cest affaire y estoit encor dans la mesme confusion, lors que l’ordinaire en est party. Cepandant, M. de Marchin avoit repris Le Mas d’Agenois, d’où l’on mande que le duc de Candale estoit arrivé à Montauban, dont les lettres ne sont pas encor venues.

Il ne ce [se] confierme point que Bar le Duc aye capitulé, mais la ville basse est prise; le reste se deffendoit encor le 8. Le chasteau de Ligny se deffent aussy. M. de Champlastreux faisoit preparer, à Chalon, les choses necessaires pour le siege de Ste Menehoud, mais on a peyne à croire que l’on puisse assieger une place comme celle là, qu’on fortiffie tous les jours; et la garnison est forte de 2000 hommes, et a des vivres pour longtemps; neamoings, on envoya, avant hier, 48 mille livres au cardinal Mazarin, pour ce dessaing. Le duc de Vittemberg, qui estoit aupres de M. le Prince, est mort de maladie.

L’on croit que le cardinal Mazarin ne reviendra point à Paris que S.A.R. n’y revienne; mais apres qu’il aura pris tout ce qu’il pourra reprendre sur le Prince, il reviendra à Pontoise, où l’on a fait commandement aux habitans, à son de trompe, de tenir les maisons nettes, et aussy les rues.
L’affaire des Suisses traisne fort en longueur, principalement à cause qu’il n’y a point d’argent pour leur donner presentement. Le bruit continue fort que l’on doit faire excercer la surintendance à M. de Servient, conjoinctement avec le marquis de la Vieuville.

MM. des Enquestes n’ont point encor eu de response, touchant le retour des conseillers exilés; quelq’ungs la demanderent à M. le Garde des Sceaux, au Palais, mais il leur respondit qu’il falloit un peu de patiance. Cepandant, les espritz de la Grand’ Chambre, l’Edit, et la Tournelle ont esté mesnagés, de telle sorte qu’il ne s’y trouve point de president, ny conseillers, qui veuille estre deputté, pour aller faire les remonstrances qui ont esté resolues sur ce subject. Les Enquestes demandent à present l’assemblée, pour desliberer sur l’affaire des rentes de la Ville.

/187/ De Paris le 17 decembre 1652

La Reyne s’est entierement declairée pour Mme de Beauvais, dans l’affaire du mariage du marquis de Richelieu, et Mme d’Aigullion ne paroit plus à la Cour. Le duc de Richelieu, qui est icy despuis 10 ou 12 jours, fait fort sa cour, ayant accepté l’amnistie, pour se prevaloir de cette occasion. Il joue souvent avec le Roy, et luy a gaigné 1400 pistolles au jeu despuis 3 ou 4 jours; mais l’on a remarqué que Madame sa femme, ayant esté veoir la Reyne, n’a point eu le tabouret. Le mareschal de la Mesleraye a tesmoigné d’estre mal satisfait, de ce qu’on ne point fait d’estat de sa recommendation en faveur de Mme d’Aigullion, luy qui croit avoir asses rendu de services pour estre consideré dans un affaire de cette nature; mais il est encor plus mal satisfait de ce que le Conseil a accordé au duc de Vendosme un arrest, portant que ce mareschal ne pourroit faire aucunes levées de gens de guerre de la marine en Bretagne, sans prendre l’attache de ce duc, comme admiral, lequel partit hier, pour aller en Bretagne, faire achever l’armement naval qui [qu’il] fait faire à Brest, pour aller assieger Brouage.

On dit au Louvre que M. le duc Damville n’a esté envoyé à Blois, que parce qu’il avoit esté mandé par S.A.R., qui luy avoit escrit une lettre, par laquelle elle luy mandoit que le prince de Marcillac avoit passé par là, et luy avoit parlé, de la part de M. le Prince; mais qu’il pouvoit asseurer Leurs M. qu’elle ne feroit jamais rien contre le service du Roy.

Les 2 principaux articles du traitté de St Aunais sont que le mareschal de la Motte luy donnera bonne et seure escorte, pour faire sçavoir son traitté au roy d’Espagne, et pour luy renvoyer les 40 mille piastres qu’il en avoit receu; et que ce mareschal luy fera donner 200 mille livres, pour l’indemnité de son gouvernement de Leaucate [Leucate], moyenant quoy il le mettra entre les mains de telle personne qu’il plairra au Roy. Cepandant, il s’y tiendra jusques à ce qu’il aura receu cette somme, laquelle l’archevesque de Narbonne se fait fort de luy faire avancer par les Estatz de Languedoch.

Les lettres de Bourdeaux, du 9, portent que M. le prince de Conty tenoit tousjours prisonnier, dans l’Hostel de Ville, le conseiller Massiot, auquel il pretend faire faire le proces; ce qui avoit obligé tous les autres conseillers, à la reserve de 12 qui sont dans les interestz de ce prince, de ne vouloir plus entrer au Parlement, et de demander des passeportz pour se retirer, lesquelz ce prince leur avoit accordé; et ilz estoint tous sortis de Bourdeaux, avec d’autres des principaux de leur party qui avoint esté chassés comme suspectz; et qu’ensuitte, ce prince, pour y demeurer le maistre, avoit obligé les principaux bourgeois, qui s’assembloint à la Bourse, d’entrer dans ses interestz, et de renouveller l’union avec luy; et que M. de Marchin avoit assiegé Marmande.

Le 14 l’audiance feut donné dans le Louvre aux deputtés du Parlement, qui prent les remonstrances pour le rappel des exilés, à quoy le Roy leur fit cette response: "J’ay entendu vos prieres. Je les ay exilé pour le bien de mon Estat. Je n’en veux plus ouyr parler."

/187v/ Le cardinal Mazarin a offert à M. Faber un baston de mareschal de France, et la surintendance des finances, pourveu qu’il luy voulu cedder la place de Sedan; mais celuy cy a mieux aymé la garder, avec l’esperance du baton, qu’il croit ne luy pouvoir pas manquer, que d’accepter la surintendance, en donnant sa place. Un autre courrier, arrivé le 15, a rapporté que le cardinal Mazarin, ayant esté de Chalons à Vaubecourt, y avoit couché la nuict du 12 au 13, et en estoit party le lendemain avec 7 à 800 chevaux, pour aller joindre [le mareschal?] de Turenne; que M. le Prince s’estoit retiré; que la ville haute et chasteau de Bar [le Duc] se deffendoit encor; que neamoings, la garnison avoit voulu sortir à composition, mais que le mareschal de Turenne ne l’ayant voulu recevoir que prisonnier de guerre, elle s’estoit resolue de s’opiniastrer à la deffence, jusques au bout; que Ste Menehoud n’estoit point encor investy; et que l’armée estoit de 16000 hommes. Despuis, lettres sont venues de l’ordinaire de Champagne, du 13, qui portent que le chasteau de Ligny se deffent encor, aussy bien que le chasteau et la ville haute de Bar, que le cardinal Mazarin avoit fait assieger, contre le sentiment du mareschal de Turenne, et mesmes sans canon au commencement; mais que la resistance qu’on [qu’ont] fait ces deux places, l’ont obligé d’en faire conduire 3 pieces devant chacune; que M. le Prince estoit retourné à Stenay, pour joindre les troupes du comte de Fuelsendaigne, qui venoit de Verveins en Champagne; et confierment que le baron du Tot, lieutenant general, a esté tué à l’attaque de Bar, avec quantité d’autres officiers et soldatz.

La flotte qui partit d’Holande au commencement de ce mois, ayant rencontré celle des Anglois dans la Manche d’Angleterre, il y eut grand combat entre elles, dans lequel la premiere a eu l’avantage, mais on ne sçait pas encor les particularités.

MM. des Enquestes entrent tous les jours dans leurs chambres, sans travailler aux affaires des particuliers, et tesmoignent tousjours leur aigreur contre ceux qui ont tenu le Parlement à Ponthoise; ce qui ce [se] remarqua encor hier, en la 4e des Enquestes, où M. Dorat estant entré le dernier, et voyant qu’il faisoit le nombre complet pour travailler, ceux de cette chambre qui avoint esté à Pontoise vouleurent commencer à juger des proces, ce qui l’obligea de sortir, et ainsy qu’ilz ne peurent rien faire.

On dit que le duc d’Amville a ordre de proposer à S.A.R. que, si elle veut revenir à la Cour, on ostera les sceaux au Premier President, et la surintendance au marquis de la Vieuville, afin qu’elle ne repugne à entrer dans le Conseil.

M. le duc d’Anjou doit entrer, cette semaine, à la Chambre des comptes, pour y faire veriffier quelques editz, entre autres celuy qui doit revoquer ou changer l’article de la declaration de 1648, qui parle des comptantz de l’Espargne, dont la restrinction estoit faitte à 3 millions, pour les despences secrettes, lesquelles ce [se] montent plus haut cette année, à cause des remises qu’on a fait, pour avoir de l’argent dans le fort des troubles. On les veut faire passer plus haut cette année. On envoya hier un expres à M. le Prince, pour luy declarer que le terme qui luy a esté donné par la declaration veriffié contre luy, estant passé, le Roy alloit faire proceder aux rasementz de ses maisons, et degradation de ses bois, s’il n’entroit dans son devoir. L’on a obligé tous ceux qui avoint accepté des meubles du cardinal Mazarin, que le Parlement fit vendre apres avoir mis sa teste à pris, de les raporter dans son palais, sans les rembourser; et quelq’ungs ont presenté requeste au Parlement, pour demander leur remboursement.

/188/ De Paris du 20 decembre 1652

Les lettres de Bourdeaux, du 12, portent que les placardz qu’on avoit affichés contre l’honneur de M. le prince de Conty et de Mme de Longueville, y avoint esté bruslés publiquement de la main du bourreau, avec d’autres de mesme trempe que l’on y avoit affichés ensuitte; que M. le prince de Conty estant allé à l’assemblée de l’Ormée, on luy presentat un rameau d’orme, qu’il receut comme un present fort agreable, et dit à la Compagnie qui [qu’il] se declaroit Ormiste de bon coeur, et qu’il feroit tout ce qu’elle voudroit, pourveu qu’elle voulut faire aussy tout ce qu’il desiroit, ce qui feut promis et signé respectivement. M. de Candale estoit arrivé entre Casteljaloux et Le Mas d’Agenois, et y avoit joint les troupes de Folleville et de Sauvebeuf, ce qui empeschoit les progres de Marchin, quoy que celuy cy eut tiré tout ce qu’il avoit peu des garnisons des lieux qui tiennent pour M. le Prince, mais que ses agens faisoint difficulté de le recevoir, à cause que le baron de Batteville en vouloit retenir la moitié, et qu’ilz en avoint envoyé faire des plaintes en Espagne, et demander qu’il feut revoqué; cepandant, il estoit sur le point d’envoyer des vaisseaux à St Sbastien, pour les radouber.

Les derniers advis de Champagne sont que M. le Prince estoit retourné avec ses troupes à Stenay, pendant que le cardinal Mazarin et le mareschal de Turenne estoint dans des grandes contestations dans le conseil de guerre, sur la maniere dont on s’y devoit prendre pour l’attaquer; qu’on avoit levé le siege du chasteau de Ligny, pour envoyer les 3 pieces de canon qui le battoint, devant Bar, qui se deffendoit encor, et qui avoit soubtenu 3 assautz, au dernier desquelz 150 soldatz du regiment de Navarre, et 3 capitaines, feuent tués. Le mareschal de Seneterre estoit au lict estropié d’une cheute; et les choses y sont si mal conduittes, que si le cardinal Mazarin n’y estoit en personne, l’on croiroit qu’il y auroit intelligence avec M. le Prince, et qu’il n’y avoit plus d’aparence de pouvoir assieger Retel ny Ste Menehoud, à cause du degast que M. le Prince a fait aux environs, afin que l’armée n’y puisse pas trouver de quoy subsister.

Le 17 le Conseil donna arrest, portant injonction à la Chambre des comptes d’enregistrer la nouvelle declaration du Roy, qui leve la modification que la Chambre avoit passé sur la declaration d’octobre 1648, à peyne de rebellion et desobeissance et d’interdiction. Cest arrest feut signiffié, le 18 au matin, par un huissier de la chaisne, au procureur general de la Chambre, lequel en avertit aussytost la Compagnie, qui se disposa à y respondre à l’arrivée de M. le duc d’Anjou. Ce prince y arriva sur les 9 heures, accompagné des mareschaux de Villeroy et du Plessis, et MM. de la Poterie et du Mirosmenil, conseillers d’Estat, et y dit, avec autant de bonne grace et de hardiesse qu’on pouvoit esperer d’un prince de son age, que le Roy l’avoit envoyé là, pour faire lire à la Compagnie une declaration qui contenoit ses volontés sur les fait des comptantz, laquelle il desiroit estre enregistrée; que le sieur de la Poterie /188v/ expliqueroit le reste des intentions de Sa M. Sur quoy, celuy cy dit qu’on ne pouvoit asses s’estonner que des simples arrestantz d’estatz osoint contester l’authorité de leur souverain, et empescher qu’il ne peut pas disposer de ses finances, selon le besoing de ses affaires; que si les comptantz avoint esté reglés par la declaration de 1648, ce n’avoit esté que par violence, pendant une Minorité qui avoit esté attaquée par la rebellion et l’audace de ceux qui devoint donner le premier exemple de soubmission à leur maistre; qu’à present Sa M. estant majeure, en vouloit user autrement, et selon son bon plaisir, sans qu’il y eut personne qui osat trouver à redire; et que si la Compagnie s’y opposoit, il avoit charge du Roy de luy dire qu’elle encourroit les crimes de rebellion et de desobeissance, et qu’elle seroit interditte. Cette belle harangue feut receue avec beaucoup de murmure, et le Procureur General ayant prit la parolle avec vigueur, releva l’honneur de la Compagnie, disant qu’elle devoit estre traittée plus doucement, et enfin conclut à faire tres humbles remonstrances sur l’importance du fait. Le president Larcher en fit de mesmes, et apres avoir renvoyé au sieur de la Poterie les injures, dit que le Roy desadvoueroit, un jour, les violences qu’on luy faisoit faire aux compagnies souveraines, et fit remarquer les grandz abus qui ce [se] commettoint par ces comptant, que despuis l’année 1637 jusques en 1648, ont monté à 530 millions, et despuis jusques à 50 millions par an; que c’estoit un moyen pour couvrir les voleries de ceux qui ont le maniement des finances et des partisans; et que la Chambre se reservoit encor d’en faire des remonstrances, en temps et lieu. Mais comme il cognut qu’il faloit laisser faire ce coup d’authorité, il laissa prononcer l’enregistrement de cette declaration par le sieur de la Poterie, et y fit adjouster ces motz, "Par desliberation de la Compagnie, par tres expres commandement du Roy, porté par M. le duc d’Anjou, son frere."

M. des Essars, qui avoit esté envoyé par M. de Guyse au cardinal Mazarin, en est revenu fort satisfait du bon acceuil que ce cardinal luy a fait, et l’on asseure que celuy cy a promis à M. de Guyse, de faire tout ce qu’il [qui] seroit en son pouvoir, pour luy, dans l’affaire de son mariage avec la comtesse de Bossu.

M. le cardinal de Retz ayant resolu de prescher, le jour de Noel, à St Germain de l’Auxerrois, qui est la parroisse du Louvre, le Roy luy manda, hier au matin, qu’il seroit bien ayse de le veoir auparavant; et parce qu’il sçavoit bien qu’on le tenoit pour suspect à la Cour, et qu’on l’accusoit de cabaler dans Paris, pour les Esquestes et les rentiers, il balancea d’abord à la resolution qu’il devoit prendre, et quelq’ungs luy conseillerent de n’aller point au Louvre; mais il ne laissa pas d’y aller, et se trouva à la messe du Roy, à la sortie de laquelle M. de Villequier, cappitaine des gardes du corps du roy, l’arresta prisonnier, entre midy et une heure, et le retient dans le Louvre jusques à 3 heures apres midy, qu’on le fit passer par la Grande Gallerie du Louvre, et sortir par le pavillon des Tuilleries, d’où on le conduisit dans le chasteau de Vincennes, escorté de 4 compagnies des gardes des gendarmes et chevaux legers du roy. /189/ MM. les curés de Paris s’estant assemblés là dessus, sur les 4 heures, resoleurent d’aller trouver M. l’Archevesque, son oncle, pour s’en condouloir avec luy, et recevoir ses ordres; et y ayant trouvé le chapitre de Nostre Dame, il y feut arresté qu’on exposeroit, dans touttes les parrroisses, le St Sacrement pour ce subject, et de retourner tous en corps, trouver ce matin l’Archevesque, pour l’accompagner au Louvre; où il est allé à xi heures, avec une suitte de cent carrosses, qui ont passé le long du pont Nostre Dame, par les rues St Denys et St Honnoré, et y estant arrivé, et attendu plus d’une heure l’audiance; pendant lequel temps, M. Le Tellier l’ayant rencontré, luy dit qu’il s’estonnoit de ce qu’ilz venoint en corps, sans avoir auparavant demandé audiance, et que neamoings, il alloit veoir si on la leur voudroit donner. Peu apres, l’on le fit entrer dans la chambre de la Reyne, où il a demandé au Roy, au nom de tout le clergé de Paris, la liberté de son neveu, pour faire la fonction de sa charge, à laquelle il ne pouvoit pas vacquer, à cause de son age caduc et de son indisposition; à quoy M. le Chancellier a respondu que le Roy, portant le nom de Tres Chrestien, avoit tousjours beaucoup de reverence et d’estime pour les esclesisastiques, et principalement pour ceux qui occupoint les premieres dignités de l’Esglise, tant qu’ilz s’employoint aux fonctions de leur charges; mais que quant ilz quitteroint l’autel, pour se mesler des affaires qui n’estoint pas de leur fait, et pour brouiller l’Estat, Sa M. useroit du pouvoir temporel que Dieu luy a donné, contre ceux qui troubloint la tranquilité publique, dont eux mesmes n’estoint pas exemptz, puisqu’ilz estoint ses subjects; que Sa M. croit que les prieres et le voeux qu’ilz faisoint pour la prosperité de sa personne et de son Estat, avoit fait que Dieu luy avoit inspiré cette resolution, de s’asseurer de la personne de M. le cardinal de Retz; qu’elle ne laissoit pas d’avoir agreable les instances que leur zele et leur pieté les avoit incités de faire; apres quoy, Leurs M. ont mené M. l’Archevesque dans le cabinet, luy en particulier. Cette apresdisnée, la Sorbonne et l’Universitté s’estant assemblés sur ce mesme suject, ont resolu d’aller demain au Louvre, demander la liberté de ce cardinal. On asseure que le duc de Brissac, qui estoit fort son amy, est party pour aller en Bretagne. La Cour a envoyé, dès hier, un gentilhomme à Blois, pour informer S.A.R. de cette detention.

On a remarqué que M. le cardinal de Retz a esté arresté sans visa ni pareatis; que si S.E. eut esté à Lyon, où l’on se picque fort des formalités, elle n’auroit point esté detenue prisonniere qu’avec pareatis, à la charge de l’opposition sans destraction.

/190/ du 31 decembre 1652

La semaine passée, le clergé fit sonner les cloches, pour s’assembler, avec les habitans, pour deputter à Sa M. pour luy demander la liberté du cardinal de Retz, lequel est tousjours dans le Bois de Vincennes, d’où l’on parle de le transporter dans peu de jours.

La maladie de M. de Chasteauneuf continue tousjours. Il envoya icy, vers Sa M., le 29, ce qui n’a pas empesché que Sa M. ne luy aye fait iteratif commandement de se retirer à Bourges, et a envoyé un gentilhomme expres pour l’y conduire.

Le 29, M. Talon, advocat general, mourut icy; et le lendemain, son filz, advocat du roy au Chastellet, feut prendre possession de la charge de son pere au Parlement, dont il avoit la survivance.

Le marquis de la Vieuville est malade à l’extremitté, d’une fluxion sur la poitrine, et l’on dit que l’on doit donner la surintendance des finances à MM. Servien et Seneterre.

Le Roy a envoyé en Provence une amnistie generalle, pour tout ce qui c’estoit [s’estoit] passé pendant ces troubles, à la reserve des meurtres et incendies.

Les derniers advis de Bourdeaux portent que M. de Candale, ayant ramassé touttes ses trouppes, estoit aussy fort que M. de Marchin, et qu’il prent son chemin vers Monsegueur [Monségur], où sont les troupes du party contraire. On adjouste que le baron de Batteville a levé l’encre avec ses vaisseaux, pour se retirer à St Sbastien, soit afin de les radouber et y changer les Irlandois, que pour eviter le choc de l’armée navalle du Roy, laquelle arriva le 17 à La Rochelle, pour se rendre dans la riviere de Garonne. On tient l’accommodement du comte d’Augnon achevé, ou du moings fort avancé.

Apres la prise de Bar, M. de Turenne a marché avec ses troupes vers Ste Menehoud, en desseing de l’assieger. Toutte la cavalerie est à cest effect passé à 3 ou 4 lieues autour de cette place, afin d’empescher le secours; mais comme la garnison a bruslé tous les villages, et consommé tous les fourrages, 3 lieues à la ronde, on est obligé d’en faire venir de Chalons, où M. de Champlastreux travaille despuis longtemps, à faire foncer des quantités de foin dans des tonneaux, pour porter au camp. Ceux de Vitry contribuent fort, aussy, à ce siege, à la sollicitation de S.E., laquelle, dans l’esperance de se rendre bientost maistresse de cette place, fait estat de ne revenir point icy, qu’elle n’aye remis toutte la Champagne au mesme estat qu’elle estoit avant ces derniers troubles.
Mme de Chanlon, femme de l’escuyer de M. le Prince, a receu ordre de se retirer, comme aussy Mme de Chevigny, parente du cardinal de Retz, Celle cy, neamoings, a obtenu, par l’entremise de ses amis, quelques jours pour donner ordre à ses affaires.

/190v/ Le duc d’Amville, qui estoit allé trouver S.A.R. par ordre de la Cour, pour tascher de l’obliger à revenir, doit arriver aujourd’huy icy. On ne sçait pas encor ce qu’il aura apporté.

Hier, la Cour des aydes veriffia la declaration pour l’imposition de 59 solz pour l’entrée de chasque muid de vin. Ce matin, le Roy estant allé au Parlement, apres les discours ordinaire du Chancellier, Premier President, et Advocat General, on y a veriffiée 13 editz, entre autres pour de 1200 mille livres de couppe de bois d’haute futaye; pour le restablissement des officiers quatriennaux; pour la suppression de la chambre de justice; pour la creation d’ung juré vendeur de marée dans les portz; et pour la creation d’ung exempt et d’ung archer dans chasque mareschaussé, pour 700 mille livres d’augmentation de gages; et pour prendre le revenu d’une année du domaine aliené.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653