Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/169/ De Paris le 18 febvrier 1650

Le Parlement de Thoulouse a donné quelques arrestz en execution de la declaration du mois d'octobre 1648 et ordonné qu'on fera proces verbal de touttes les despences que les gens de guerre font dans le ressort de tout ce parlement, pour estre rabatues sur les levées des tailles, ce qui faict bruit icy, et l'on envoye le comte d'Aubijoux, qui est fort acredité, pour apaiser les Frondeurs. Cepandant le Conseil d'en haut a cassé tous ces arrestz.

Le 13 du courant M. le Coadjuteur ayant receu une lettre sans seing par laquelle on luy donnoit advis que M. le Prince avoit corrompu quelq'ungs de ceux qui le gardent, afin de se faire enlever, et qu'il y avoit pour cest effect quantité de cavalerie autour du Bois de Vincennes, s'en alla aussytost apporter cest lettre à M. le duc d'Orleans, lequel y envoya en mesme temps une vintaine de ses gardes du corps commandées par M. de St Quentin, lieutenant de Duncherque; lequel y estant arrivé, on luy dit qu'on n'avoit veu paroistre personne ny ouy parler d'aucun desseing, ce qui les obligea de revenir sans s'en mettre davantage en peyne. Cela ne laisse pas d'embarrasser M. de Bar, qui a esté despuis dans des grandes deffiances, et l'on remarque que M. le president Perraut l'ayant prié la semaine passée de luy prester 300 pistolles, il les luy refusa, disant q'ung prisonnier n'avoit point à faire d'argent; dont M. le Prince estant averty, en fit des grandz reproches audit sieur de Bar, luy disant qu'il ne devoit pas craindre qu'on corrompit personne avec si peu d'argent; à quoy celuy cy repartit que s'il sçavoit qu'aucung de ceux qui sont là dedans eut la moindre pensée de se laisser corrompre, qu'il le poignarderoit aussytost en presence de S.A.; laquelle repliqua là dessus, en presence d'une douzaine de ses gardes, qu'elle avoit 100 mille pistolles à donner à ceux qui la voudroint faire sauver, et qu'elle vouloit estre reputée pour la plus lasche de touttes les personnes du monde si elle ne leur tenoit sa parolle aussytost apres qu'elle seroit en liberté; ce qui mit M. de Bar en des grandes inquietudes, et ce d'autant plus que M. le Prince se plait à luy faire des semblables pieces, promettant des charges aux ungs, des grosses sommes d'argent aux autres, et tantost disant qu'il veut que tous les benefices qui vacqueront dans sa nomination ou de son frere soint donnés à ceux qui le gardent.

Le mesme jour un courrier envoyé par le marquis de la Ferté Imbaut passant icy, allant à la cour, et rendit en passant des lettres de ce marquis à M. le duc d'Orleans, par lesquelles il luy mandoit que le regiment de Coligny et de quelques autres troupes, faisant en tout le nombre de 7 à 800 hommes, avoint passé l'Allier; et que sur cest advis il avoit mandé le regiment de Grammont pour en venir joindre deux autres qu'il a, afin d'empescher ses [ces] /169v/ troupes de passer la Loire; et quant au regiment de Beins et aux 4 compagnies du regiment d'Anguien qui s'estoint assemblés en Lymosin pour passer, tous les soldatz s'en estoint dispersés deça et delà, et que le rendevous de ceux qui estoint passés n'estoit plus à Bellegarde mais bien à Stenay, où ilz s'acheminoint et cepandant faisoint tous les desordres imaginables par où ilz passoint.

Le 14 au matin deux courriers arriverent au palais d'Orleans presque en mesme temps. Le premier, qui estoit envoyé par le marquis de la Ferté Seneterre, raporta que ce marquis avoit surpris la ville de Clermont, qui estoit, comme vous sçaves, à M. le Prince despuis qu'il en fit recompenser ce marquis, à qui elle apartenoit auparavant, et qui en toucha 50 mille escus d'argent comptant. Cette entreprise luy reeussit par le moyen du cappitaine Des Portes, avec qui il avoit intelligence à cause qu'il estoit dans la mesme charge lors que ce marquis en estoit gouverneur. Celuy ci donna à ce cappitaine 20 mille escus, au moyen desquelz il gaigna quelques ungs des officiers, qui firent revolter la garnison et ouvrirent les portes à ce marquis; lequel, en s'en retournant, defit deux compagnies du regiment des gardes et une de chevaux legers de MM. les prince de Condé et de Conty, et fit prisonnier le sieur de Beaujeu et quelques officiers qui les commandoint. Le marquis de la Moussaye, qui estoit dans cette place, ayant pressenty cette surprise, se sauva de bonne heure dans Stenay. Ce courrier adjousta à cela que le general Rose aprochoit avec son corps d'armée et que les trouppes alemands le devoint joindre. L'autre, qui estoit envoyé par M. de Mazan, lieutenant du roy qui commande dans la ville de Mouzon, apporta une lettre de ce lieutenant à S.A.R. par laquelle il luy mandoit qu'il avoit advis certain que le mareschal de Turenne, qui n'attendoit que la jonction du duc de Vittemberg avec 1500 hommes pour venir assieger cette place, de laquelle le comte de Grandpré, qui en est gouvereur, en est sorty, n'ayant peu obliger les habitans ny la garnison de suivre le party de M. le Prince, et estoit allé trouver le mareschal de Turenne, avec qui on asseure qui [qu'il] s'est accommodé, en sorte qu'ilz ont resolu ensemble de l'assieger. C'est pourquoy ce lieutenant supplioit S.A.R. de luy procurer un prompte secours, disant qu'il ne pouvoit resister, la place n'estant pas forte, et ne pouvant bien ce [se] fier aux officiers de ce comte qui sont en garnison. Despuis il n'est point venu de nouvelles que cette place ayant [sic] esté assiegée, mais on eut advis hier de Sedan du 14 que ce mareschal avoit surpris d'assaut la petite ville de Beaumont proche Mouzon, dont le siege sera facilité par ce moyen, et qu'il attendoit encor à cette fin la jonction des trouppes du duc de Vittemberg et celles qui ce [se] sont ramassés en Bourgoigne, apres quoy il esperoit d'avoir plus de 6000 hommes. Cepandant il n'a d'autres places que Stenay.

/170/ Le mesme jour M. de Vendy, gouverneur de Jametz, partit de Rouen pour aller à Danvilliers y porter 12 mille escus à la garnison, en consideration du service qu'elle a rendu au Roy en luy conservant cette place. Il y a apporté aussy des lettres de noblesse pour les sergens et caporaux qui la firent revolter contre le chevalier de la Rochefoucaut; et parce que cette soldatesque avoit demandé à la Reyne qu'on luy permit de choisir un gouverneur, Sa M. luy a donné le choix de M. de Vendy ou de M. de la Becherelle, qui estoit autresfois lieutenant de cette place, auquel le gouvernement de Jametz est promis en cas que cette garnison choisisse M. de Vendy.

L'on asseure que l'on a renvoyé de nouveau à Bruxelles pour proposer un accommodement au duc de Lorraine. Les dernieres propositions qui luy en ont esté faittes estoint de luy rendre toutte la Lorraine comme il la possedoit avant la guerre, avec la ville de Nancy en l'estat quelle est maintenant, à condition que cette place demeureroit entre les mains de M. le duc d'Orleans, jusques à ce que la paix seroit faittes avec l'Espagnol, et que cepandant il l'assisteroit [il assisteroit] la France contre eux, mais il n'a jamais voulu ouyr parler de cette derniere clause.

Le duc de Bouillon traitte, et l'on espere qu'il paroistra bientost à la Cour. Il ne se trouve neamoings personne qui sache où il est. Le bruit de ville veut seulement qu'il soit à Paris enfermé dans quelque couvent, mais il est certain que Mme d'Esguillon negotie son accommodement avec Mme de Bouillon suivant les ordres qu'elle en a dit la Reyne, et cette affaire seroit desja faitte n'estoit qu'on veut obliger M. de Bouillon de faire aussy revenir M. de Turenne, ce que l'on pretend qu'il peut faire facilement; et neamoings Mme de Bouillon soubtient qu'il n'y peut rien, et qui [qu'il] n'a eu aucune communication avec luy despuis la prise de MM. les princes. Cepandant elle est tousjours gardée par M. de Carnavalet et par une douzaine des gardes du corps du roy, et l'on asseure que M. de Bouillon est à Turenne.

Le bruit a couru cette semaine que le mareschal de Brezé estoit mort dans le chasteau de Saumur, dont il est gouverneur, mais cela n'est pas encor bien certain. Le duc de Rochefoucaut est mort en Angoumois. Le prince de Marcillac, son filz, a escrit, de ce pays là, à la Reyne, l'asseurant de sa fidelité au service du Roy et s'excusant de pouvoir cy tost revenir à la Cour à cause des affaires que la mort de son pere luy a laissé sur les bras, mais il promet de revenir dans peu de temps.

Quant aux affaires de Normandie, vous aures sceu que M. de Plessis Belliere a eu le gouvernement de Dieppe, au moyen de quoy l'on a donné celuy de La Bassée, qui luy apartenoit, au comte Broglio, mareschal de camp italien. L'on ne sçait encor /170v/ aucune nouvelle certain de Mme de Longueville. Les ungs disent qu'elle est passée en Flandres et que pour cest effect elle s'estoit embarquée à Tancarville; les autres veulent qu'elle soit encor en Normandie. La Cour a eu grand peyne à obliger M. de Richelieu à venir à Rouen trouver Leurs M. L'Abbé son frere estoit allé et venu 2 ou 3 fois de Rouen au Havre inutillement, pour le persuader d'obeir à la lettre de cachet qu'il luy avoit apporté, par laquelle Sa M. luy ordonnoit de venir en tel estat qu'il feut, à peyne d'estre declaré criminel de leze majesté; mais enfin M. le Cardinal, apres s'estre rendu caution aupres de la Reyne de la fidelité de ce duc, afin que cependant l'authorité du Roy feut mise à couvert, luy envoya l'abbé Euzenat, qui estoit autrefois intendant de la maison de Mme d'Aigullion et qui l'est à present de celle de S.E. Cest abbé estant arrivé au Havre et voyant qu'il n'y avoit pas moyen d'obliger ce duc à venir à la Cour, à moings d'y faire consentir sa femme, qui l'en empeschoit, prevoyant la rupture de son mariage, luy donna parolle de la part de la Reyne et de M. le Cardinal que son mariage seroit confiermé et qu'elle auroit le tabouret au cercle de Sa M.; apres quoy ce duc partit du Havre avec l'abbé Euzenat et arriva le soir du 13 à Rouen, où il salua Leurs M. le lendemain au matin; cepandant sa femme demeura dans Le Havre afin de tirer asseurance de la parolle qu'on luy avoit donné de la confiermation de son mariage avant que sortir de là. L'arrivée de ce duc resjouissoit toutte la Cour, laquelle n'estoit plus retenue à Rouen que par l'importance de cest affaire. Le 15 l'abbé de Richelieu retourna au Havre avec des ordres fort precis de la Reyne et mesmes du duc de Richelieu à Madame sa femme de venir, à quoy elle se vit obligée d'obeir et arriva à Rouen le 16 à 8 heures du soir. A mesme temps elle feut presentée à la Reyne par la comtesse de Brienne, et l'on remarqua que faisant son compliment elle dit qu'elle estoit venue asseurer Sa M. de sa fidelité et affection à son service, dont M. et Mme de Brienne seroint ses cautions. Sa M. la receut fort bien et luy dit qu'elle avoit tousjours fait grand estime d'elle, mais afin de n'estre pas obligée de luy donner le tabouret comme on luy avoit promis, la Reyne luy parla debout tant qu'elle feut dans sa chambre; et quoy que l'on luy aye faict esperer la confiermation de son mariage, neamoings on croit qu'il sera rompu. Quant au gouvernement du Havre, l'on a promis à Mme d'Aigullion de le luy conserver, et cepandant on y laisse le lieutenant qu'elle avoit nommé, Ste More.

/171/ M. de Matignon, lieutenant du gouvernement de Normandie, arriva aussy à Rouen presque en mesme temps que le duc de Richelieu et y fit apporter les clefz des places qui [qu'il] tenoit en Basse Normandie, sçavoir Cherbourg, Granville, et St Lo, dont la premiere a esté donnée à M. de Gouville, la 2e au sieur Du Hamel, et la 3e est demeurée audit sieur de Matignon, qui en est seigneur avec sa lieutenance dans la province; mais c'est à condition qu'il reviendra à Paris avec la Cour, à la suitte de laquelle le marquis de Beuvron a aussy ordre de se tenir. L'on parle de donner son gouvernement du Vieux Palais de Rouen au sieur de Fourilles, cappitaine aux gardes, à condition qu'il baillera sa compagnie pour 50 mille livres, et autres 50 mille livres que le Roy promettra luy rendre en cas qu'il vient à sortir de cette place. L'on n'a pas encor disposé du gouvernement du Pont de l'Arche, et l'on croit que l'on acceptera l'offre de 50 mille escus que la ville de Rouen, tant pour elle que pour Paris, faict afin d'en obtenir la desmolition.

Le comte d'Harcourt estoit attendu avant hyer à Rouen pour prester le serment pour le gouvernement de Normandie, qu'on luy a donné par commission. Leurs M. en doivent partir demain pour revenir à Paris, et cepandant on a fait partir 24 compagnies des gardes pour les faire avancer en Bourgoigne.
La reyne d'Angleterre doibt aller la semaine prochaine à Pontoise pour y recevoir le Roy son filz, lequel s'en vient passer icy pour aller en Holande.

M. le comte de Bregy arriva avant hyer icy revenant de son ambassade de Pologne. Il doibt s'en retourner bientost en Suede pour y excercer la charge que la Reyne de Suede luy a donné de cappitaine de ses gardes du corps.

Deux courriers venantz de Provence passarent hier icy allant à la Cour, l'ung pour demander de quoy faire subsister la chiourme des galeres qui sont revenues des isles à Marseille, quoy que la peste n'aye pas encor entierement cessé, les cappitaines l'ayant envoyé pour dire qu'ilz ne la pouvoint faire subsister que jusques au retour de ce courrier à leurs despens; l'autre pour apporter des plaintes de la province contre le comte d'Aletz et demander le deslogement des troupes qui sont venues de Piedmont pour y prendre des quartiers d'hyvert, ausquelles on a refusé les portes de Frejus et de Tourves à cause qu'elles y estoint entrées sans l'attachement du procureur du pays, suivant la coustume.

/173/  De Paris le 25 febvrier 1650

M. le Prince fit la semaine passée une procuration generale pour l'administration de tous ses biens au president de Nesmond. L'on remarqua que le notaire l'ayant dressé sans y faire aucune exception, S.A. y adjousta de sa main que c'estoit à condition que ce president ne pourroit du tout se mesler d'aucunes affaires qu'elle a contre Mme d'Esgullion, ny de l'opposition formée par le prince François de Lorraine et autres à la verification du don qui luy a esté faict de la principauté de Stenay, Clermont, et Jametz, desquelles choses elle se reserve la disposition.

Les conseillers du nouveau semestre de Rouen, qui feut cassé lors qu'on fit la paix avec Paris et Normandie, ont trouvé un fondz sur lequel ilz ont supplié le Roy de vouloir assigner leur remboursement, ce qui leur a esté accordé; et à cette fin Sa M. a faict une declaration portant alienation des terres vaines et vagues, bois aboutis et abougris, de cette province là jusques à la concurrence de 2 millions, dont la moitié viendra dans les coffres du Roy et le surplus sera employé pour ledit remboursement de messieurs du nouveau semestre et des grandz maistres et controlleurs generaulx des eaux et forestz de nouvelle creation, laquelle declaration le Parlement de Rouen donna parolle à Leurs M. de veriffier.

Le 16 du courant le comte d'Harcour estant arrivé à Rouen, la Reyne envoya au Parlement, qui estoit assemblé, les lettres patentes qu'elle avoit donné à ce comte pour le gouvernement de Normandie; mais elles feurent refusées tout d'une voix, sur ce qu'elles portoint en terms expres que c'estoit en consideration des services qu'il avoit rendu à l'Estat, et notanment l'année passée pandant les troubles qui estoint excités dans cette province là, ces messieurs ayant creu que cette denomination les rendoit criminelz pour les desordres passés; mais le lendemain les lettres patentes ayant esté changées et ces termes ayant esté retranchés, le Parlement les veriffia conformement aux volontés de Leurs M., quoy que l'on remarqua qu'il y eut asses de contestation lors qu'on opina là dessus, s'estant trouvé 25 voix qui alloint ne recevoir ce comte que comme lieutenant de ce gouvernement soubz le petit comte de Dunois, lequel en ayant la survivance, l'on consideroit qu'il en devoit estre le maistre, et qu'on ne le luy pouvoit oster sans luy faire le proces.

Quelques depputtés de MM. de la Religion P.R. s'estanz presentés à Rouen pour y saluer Leurs M., feurent refusés, leur ayant esté dit que ce n'estoit point l'ordre de venir en corps separé et que cela n'avoit point encor esté praticqué.

Le 17 le president de Novion ayant eu nouvelle que l'evesque de Beauvais, son oncle, estoit malade à l'extremité, s'en alla à Rouen expres pour demander la confiermation de la coadjutorie de cest evesché et les autres benefices de son oncle qu'on luy avoit promis, dont il eut d'asses bonnes parolles de M. le Cardinal; mais despuis on a sceu que son oncle se porte mieux.

/173v/ Le 19 le sieur Froment, majeur de Danvilliers, arriva aussy à Rouen, où il estoit envoyé de la part du marquis de la Ferté Seneterre, lequel il avoit laissé dans la ville de Clermont et ses trouppes aux environs au nombre de 1400 chevaux et 1200 fantassins, lesquelz se disposoint pour aller prendre quelque poste avantageux afin d'empescher la jonction de celles qu'amenent de Bourgoigne les comtes de Tavanes, de Coligny, de Chastelus, et de Lanques, avec celles de M. de Turenne. Despuis l'on a sceu par un autre courrier que M. de la Ferté Seneterre ayant apris que ce mareschal assembloit ses troupes au poste de Beaumont, qu'il a prit, y avoit envoyé M. de Tot, mareschal de camp, avec quelque infanterie et le general major Schutz avec 1000 chevaux, lesquelz ayant surpris le regiment du passage en deffirent la pluspart et une 30e des gardes de M. de Turenne.

Le mesme jour on eut nouvelle de Bourdeaux du 14 que le duc de Bouillon estant arrivé quelques jours auparavant à Turenne, avoit eu conference particuliere avec le marquis de la Force dans le chasteau de Lanquais en Perigord, scitué sur la riviere de Dordogne, ce qui faisoit soubçonner de quelque grand desseing, d'autant plus que le marquis de Theobon faisoit quelque levée soubz main en Perigord et qu'on croyoit qu'il seroit lieutenant de ce duc; mais despuis on a eu advis du contraire par les lettres du 17, ce duc ayant faict une declaration par devant le lieutenant de la ville de Thulle [Tulle], par laquelle il promet de ne prendre aucung interest dans l'affaire de MM. les princes et de ne faire aucune chose contre le service du Roy; laquelle declaration il a envoyé icy pour estre enregistrée au greffe du Parlement, où le prince de Marcillac en a envoyé autant, afin de ne point encourir les peynes portées par la derniere declaration du Roy. Par les mesmes lettres du 17 on a sceu que MM. de Bordeaux ont faict partir leurs depputtés pour venir faire des remonstrances contre le duc d'Espernon sur l'inexecution de la paix. L'on avoit eu advis de Lymoges la semaine passée que M. Foulé, intendant des finances, qui leve les tailles à main armée dans le Lymosin, ayant pris prisonnier un gentilhomme fort accredité dans cette province là, qui l'avoit voulu empescher de lever la taille de cette façon en quelqeus endroitz, les amis de ce gentilhomme s'estant assemblés en grand nombre, y ayant ramassés pres de 4 mille paisans, avoint assiegé cet intendant dans la ville de Tulle; mais despuis on a eu nouvele que ceste rumeur s'estoit appaisée et qu'il avoit rendu le prisonnier.

Le 20 le marquis de Crenan, capitaine des gardes du prince de Conty, feut arresté /174/ prisonnier en cette ville et mis dans la Bastille. Il est accusé d'avoir levé icy quelques officiers de guerre soubz main, et l'on asseure qu'il vouloit donner 1500 pistolles à ceux qui l'arresterent pour le faire sauver.

Le mesme jour la Cour partit de Rouen à 10 heures du matin et passa au Pont de l'Arche, où le Roy restablit luy mesmes le sieur de Beaumont, qui en estoit gouverneur devant M. de Longueville. Leurs M. feurent coucher ce jour là à Galion [Gaillon], le lendemain à Mantes, et arriverent icy le 22 au soir; estant arrivées, les niepces de M. le Cardinal quitterent l'apartement qu'elles avoint au palais d'Orleans et retournerent au Palais Royal.

M. Drouet n'a point voulu accepter le gouvernement de Caen aux conditions qu'on le luy vouloit donner. Le sieur de Roncherolles le demande et y a bonne part.

L'on n'a point envoyé d'autre personne pour commander dans le Havre de Grace que le sieur de Ste Maure, qui en estoit lieutenant, lequel y retourna de Rouen apres que Mme de Richelieu feut arrivé à la Cour; et quoy qu'elle eut fait deffense à la garnison de luy laisser rentrer, neamoings lors qu'elle vit qu'elle ne le pouvoit point empescher, elle envoya un lacquais en grande diligence au Havre pour dire qu'on luy ouvrit les portes. Cette place demeure en la disposition de Mme d'Aigullion.

M. et Mme de Richelieu ont suivy la Cour avec l'Abbé leur frere. Ilz avoint loué une maison garnie proche le Palais Royal, mais le marquis de Roquelaure leur a presté la sienne en attendant qu'ilz en ayent meublé une, en quoy l'on croit qu'ilz auront de la peyne, parce que Mme d'Aigullion ne leur laisse toucher aucung revenu. Celle cy a commencé les procedures pour faire casser le mariage, faisant informer contre le sieur Des Marais, secretaire du duc de Richelieu, qui l'a faict. Elle a decouvert une faussetté qui a esté faicte à une procuration qui a esté donné à M. l'official de Rouen pour obtenir la dispense de la publication des bans. Cette procuration est faicte au nom de Mme d'Auroy, mere du duc de Richelieu, de laquelle le seing a esté contrefaict, et la faussetté paroit en ce que Des Marais, qui l'a dressé, ne sachant pas le nom propre de cette dame, la nomme Dorothée de Guemaduc, au lieu qu'elle se nomme Françoise; et celle cy voulant contribuer à faire casser ce mariage, a envoyé pour cest effect une procuration à Mme d'Aigullion, laquelle en a receu aussy une autre de M. le cardinal de Lyon, qui luy escript en ces termes: "Madame ma niepce, je vous envoye ma procuration pour poursuivre la cassation du mariage que mon petit nepveu le duc de Richelieu a faict clandestinement avec Mme de Pons, mais je doute /174v/ fort que vous ayes un desseing formé de le faire casser; neamoings j'espere que cognoissant l'importance de cest affaire et l'interest que vous y avez, vous vous y resoudres facilement."

Mme de Longueville estant sortie de Dieppe, a demeuré en Normandie pandant 8 jours incognita en divers endroictz, sans qu'on aye peu descouvrir où elle estoit, quelque diligence qu'ayent peu faire les deux compagnies de chevaux legers que la Reyne avoit envoyé pour la chercher dans le lieu où on la croyoit; apres quoy elle s'est embarquée à la rade du Havre de Grace. L'on ne sçait encor où elle est allée.

L'evesque de Lysieux, frere de M. de Matignon, receut ordre à Rouen la semaine passée de se retirer à Lyon, la Cour estant mescontente de luy. On dit aussy qu'il y a quelques conseillers à Rouen qui ont receut pareil ordre, mais cela n'est pas asseuré.

Le 21 on eut advis de Lorraine que le general Roose estoit encor vers Treves, et que M. Hervart n'avoit encor peu rien faire aupres des trouppes allemandes, lesquelles il veut obliger à faire un nouveau traitté avec le Roy avant que leur bailler de l'argent; mais elles ne veulent point traitter du tout qu'on ne leur aye auparavent donné les 600 mille livres qu'on leur promet, et ilz sont bien resolus de ne point servir à moings de cela. Despuis on a sceu que de 1300 chevaux que le general major Schutz avoit mené à M. de la Ferté Seneterre, il y en a eu 500 qui sont retournés au quartier d'hyvert, n'ayant pas receu ce qu'on leur avoit faict esperer.

Le 22 on eut advis certain de Bruxelles que le duc de Lorraine considerant l'interest que toutte la Maison doibt prendre à la detention de MM. les princes, a promis de ne bailler aucung secours d'hommes ny argent directement ny indirectement au mareschal de Turenne ny à aucung de son party. Le bruit a fort couru cette semaine que les ennemis avoint surpris le fort de Linck et investy Graveline, mais on sceut par un courrier qui arriva le 22 qu'ilz n'avoint fait ny l'ung ny l'autre; que veritablement ilz avoint tiré tout ce qu'ilz avoint peu de leurs garnisons pour faire un corps d'armée considerable afin de surprendre Duncherque, où ilz estoint allées pour cest effect au nombre de 8 mille; mais estant arrivés soubz le canon de cette place, ilz ne peurent executter leurs desseings à cause que les vaisseaux qu'ilz faisoint venir d'Ostende à cette fin ne s'y trouverent pas à l'heure donnée, qui estoit une heure apres minuict, /175/ de sorte que le jour estant venu, la garnison descouvrit les ennemis, les canona fort, et fit une sortie dans laquelle elle en tua plus de cent et prit une partie de leur bagage, notanment les charrettes qui estoint chargées de picqs, pelles, pioches, marteaux, et autres instrumentz à faire des surprises.

Le mesme jour 23 on eut advis de Toulouse que le Parlement y avoit donné un arrest par lequel il cassoit une ordonnance que M. d'Espernon avoit donné pour exiger 200 mille livres dans l'estendue de son gouvernement pour se rembourser, comme on dit, des frais qu'il a fait à la guerre de Bourdeaux: et enjoint de courir sus à touttes personnes qui voudroint exiger cette somme en vertue de cette ordonnance, laquelle ayant esté authorisée par le seneschal d'Auch, il y eut arrest d'adjournement personnel contre le juge mage de cette senechaussée.

Hyer on eut nouvelle de Bourgoigne que le duc de Vandosme estoit arrivé à Dijon et qu'il y avoit esté fort bien receu; qu'ensuitte ayant faict mine de vouloir assieger le chasteau de cette ville là, il en avoit aussytost receu les clefs de la main du sieur Comeau, qui y commandoit, Bussiere n'y estant plus, et qu'il avoit receu pour cest effect 10 mille livres que ce duc attendoit des nouvelles du sieur de St Micaud, qui commande dans Bellegarde, auquel il avoit envoyé faire des propositions qu'il avoit escoutées, de sorte qu'on esperoit qu'il rendroit cette place sans se laisser assieger. Cepandant il exige des contributions dans tous les villages de 6 lieues à la ronde par le moyen de 4 à 500 chevaux qu'il a, lesquelz font des courses jusques à une lieue de Dijon. M. de Vandosme se dispose pour aller à Aussone [Auxonne] et à St Jehan de Laune [Saint-Jean-de-Losne], qui semblent n'estre pas entierement dans l'obeissance du Roy. Les comtes de Tavannes, Coligny, Chastelus, et Lanques estoint retournés dans la Bourgoigne, n'ayant peu passer pour joindre M. de Turenne. Ilz ont environ mille chevaux qui font des desordres horribles partout où ilz passent.

La nouvelle qu'on eut la semaine passée de la mort du mareschal de Brezé s'est trouvée veritable. Le prince de Tarente l'ayant sceu, fit demander le gouvernement de Saumur vacquant par la mort de ce mareschal pour le duc de la Tremouille, son pere, mais ce feut à condition que si le comte de Servien y pretendoit et en faisoit la demande, ce prince se departiroit de la sienne et suplioit en ce cas M. le Cardinal de n'y faire aucune consideration. Ce comte ayant en mesme temps demandé ce gouvernement, en tira d'asses bonne /175v/ parolles de S.E., mais on ne laissa pas d'en disposer en faveur de M. de Guitaud; et en mesme temps on parla de donner celuy de Brissac, qu'on luy avoit promis, à M. de Tilladet, gouverneur de Bapaume, à la sollicitation de M. Le Tellier, son beaufrere, et celuy de Bapaume à M. de Navailles, mareschal de camp; mais le bruit ayant couru despuis de la mort de M. de Malici, gouverneur de Pignerol, on parla de donner ce gouvernement à M. de Tilladet et de disposer autrement de celuy de Brissac; mais les lettres patentes n'ont point encor esté expediées pour aucungs de ces gouvernementz, et quelq'uns asseurent que M. le duc d'Orleans a tesmoigné quelque froideur à M. le Cardinal à cause qu'il en avoit disposé sans luy en parler.
Le marquis de la Boulaye arriva icy avant hyer au soir revenant de Bruxelles. L'on asseure qu'il a son abolition ou du moings parolle de seurté.

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