Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/3/ De Paris le premier janvier, 1649

Le 24 du passé M. le Prince s'en alla à St Maur, où l'on croyoit qu'il passeroit les festes, mais il en revient le 26, auquel jour la Reyne vistat M. le duc d'Orleans, qui est encor malade des gouttes. MM. du Parlement menacent tout de bon de recommencer leurs assemblées et de porter les affaires plus avant que par le passé, et l'on veut que cela aye obligé la Cour de resoudre à sortir une seconde fois de Paris et s'en aller à Dijon, mais on continue aussy d'asseurer que S.A.R. n'y veut pas consentir. M. le Prince l'a visitté trois fois ceste semaine et MM. le mareschal d'Estrées et de Seneterre le voyent presque tous les jours.

Le bruit s'estant respandu partout Paris il y a 3 semaines que l'on avoit resolu de faire entrer en cette ville la veille de Noël les gens de guerre qui sont icy autour, le menu peuple en estoit si persuadé que dans les esglises il n'y a parut cette année à la messe de minuit la moitié des personnes qu'on y veoit les autres années. Il arrivat un accident dans l'esglise St Sauveur qui y donnat une telle espouvante qu'on s'imaginat d'abord veoir les effectz du bruit qui avoit couru. Quelques filouz qui tiroint la layne dans les rues voisines, estantz aperceus par les archetz du guet, feurent poursuivis dans ceste esglise, où ilz se vouleurent sauver, l'espée à la main, et se deffendantz feurent enfermés, les archers ayant fermé la porte en entrant. Ceste nouveauté surpris tellement tous ceux qui estoint dans l'esglise qu'ils sauterent d'abord par dessus le balustre pour entrer dans le coeur, et les prestres qui chantoint matines quitterent tout pour songer à se sauver, mais ilz les reprirent peu apres, les vouleurs estant pris et la verité de l'action estant sceue.

Le lendemain au matin, jour de Noël, la Reyne estant allé faire des devotions à St Eustache, sa parroisse, et le Roy l'y ayant accompagné, les gardes se posterent à touttes les portes. M. le Cardinal s'y rendit apres, accompagné de 24 gardes et de plus de 30 autres personnes, /3v/ et entrat par la petite porte de l'horloge. Aussytost qu'il feut dans l'esglise les gardes fermerent touttes les portes. [Here follows a portion of a line, crossed out, which reads "M. le Cardinal s'y rendit apres", showing that the scribe either was copying an original draft, or else what instructed to eliminate a dictated phrase] et l'on ne laissat entrer personne dans l'esglise jusques à ce qu'il en feut sorti. Il entendit une messe qui estoit toutte preste et apres se retirat, et l'on laissat entrer tout le monde; cepandant on remarquat que ceux qui attendoint aux portes durant la messe firent assez de bruit et parlerent avec grande liberté, mais la devotion de ce jour leur donnat assez de retenue pour ne porter l'affaire plus avant. L'apresdinée il arrivat un grand bruit dans la mesme esglise pour quelque different particulier pandant que le sermon se disoit, ce qui durat si longtemps que le predicateur feut constraint de sortir de sa chaise sans pouvoir achever son sermon.

Le 27 M. le procureur general du Parlement fit publier monitoire dans les parroisses de Paris pour informer contre les partisans Cathelan, Tabouret, et Le Fevre, suivant l'arrest du 19 du passé.
Le 28 on tient conseil au Palais Royal et l'on y resoulut de mander le Parlement par depputtés, comme l'on fit, pour le lendemain au matin. Le mesme jour au soir il y eut (ce dit-on) 30 ou 40 conseillers qui s'assemblarent au Palais nonobstant la feste et resouleurent d'aller en corps au Palais Royal et de proposer l'assemblée, qui se devoit tenir le 24, des compagnies souveraines.
Le 29 au matin, comme ilz se disposoint de partir pour aller trouver la Reyne, l'on les contremandat jusques au 30, mais ilz s'en excuserent pour ce [coup?], disant qu'ilz ne pouvoint differer leur assemblée. Sur cela l'on asseure qu'ilz receurent ordre de ne s'assembler à payne de desobeissance.

Le mesme jour les 2 semestres des Comptes s'assemblarent pour la verification d'une déclaration du Roy qu'on leur avoit envoyé par laquelle Sa M. veut que le traicté faict par Bonneau et Marin sur les tailles soit appreuvé et que touttes personnes tant nobles que returiers puissent estre receus à prester de l'argent au Roy au denier dix, mais ilz n'y resolurent rien, ayant remis leur assemblée au 2 de se [ce] mois. /4/

Le 30 MM. du Parlement s'assemblarent puis 7 heurs du matin jusque midy sonné (car M. le Premier President ayant voulu sortir à 10 heurs, on luy declarat que s'il sortait on commettroit un autre en sa place) quelqu'[ngs] vouleurent parler premierement des contraventions à la déclaration du 28 octobre dernier, mais on leur dit qu'il y avoit des affaires plus importantz à decider, et sur cela on proposat de renouveler l'union des Compagnies et les faire dereschef assembler en la salle St Louis pour y faire des nouvelles propositions sur l'estat present des affaires; et cette opinion feut suivie au commencement de cent voix, mais 2 autres advis differentz la firent changer, dont l'ung stoit de deffendre à touttes personnes sur peyne de la vie de faire aucung party sur les tailles, et l'autre d'envoyer MM. les Gens du roy à la Chambre des comptes pour la prier d'envoyer des depputtés au Parlement afin de conferer avec eux sur la nouvelle déclaration qu'on y avoit envoyé pour veriffier. Se [Ce] dernier advis feut suivy et executté et cepandant l'assemblée remis au lendemain.

Hier au matin, le Parlement estant assemblé, M. le president d'Aubery et 4 maitres des comptes, depputtés de leur chambres, se trouverent à l'assemblée à 10 heures, comme MM. du Parlement estoint levés, et prirent leur place au dessus de celle du doyen, où se mettent ordinairement les premiers presidentz des autres parlements. M. le Premier President les ayant premierement remertiés au nom de la Compagnie, leur dit qu'on les avoit priés de vouloir conferer avec le Parlement touchant la nouvelle declaration qu'on leur avoit envoyé avant que procedder à sa veriffication; à quoy M. le president Taubery respondit qu'il n'avoit point sceu qu'il y eut aucune déclaration à veriffier dans la Chambre des comptes et qu'on n'en avoit point encor veu sur le bureau. M. le Premier President luy repartit qu'elle estoit imprimée et le pressat fort de declarer l'intention de la Chambre là dessus, ce qu'il ne voulut point faire. L'on luy proposat d'envoyer des depputtés à la salle St Louis pour en conferer, sur quoy le demandat de quelle façon et tesmoignat qu'en se [ce] cas la Chambre pretendoit qu'ilz feussent esgaux en nombre à ceux du Parlement. Enfin se [ce] president dit que les 2 semestres s'assembleroint pour cest effect et qu'ils envoyeroint dire leurs intentions au Parlement le 2 de [se] ce mois. /4v/

[Un] imprimeur de cette ville feut hier condenné à estre banny pour avoir imprimé une requette deffamatoire contre M. le Cardinal.

M. le coadjuteur de Paris a formé opposition à la veriffication de la declaration envoyé à la Chambre des comptes, pretandant qu'on ne peut prester de l'argent au denier dix sans introduire une usure manifeste.

Mme la duchesse de Lorraine a formé opposition à la veriffication du don qui a esté faict à M. le Prince des terres de Clermont, Jametz, et Stenay en tiltre de principauté.

M. le duc de Longueville s'en alla la semaine passé à Reins veoir l'abesse de St Pré, sa fille naturelle. Se [Ce] voyage a donné subject à quelq'uns de croire qu'il alloit à Mesieres pour s'aboucher avec le comte de Pigneranda, et que M. d'Avaux s'y devoit aussi treuver. Le bruit en a mesme fort courut, et l'on dit que la resolution en avoit esté prise, mais cela ne s'est pas treuvé vray, M. d'Avaux n'estant pas sorty de Paris.

M. le mareschal de Turenne a escript une lettre à M. le Cardinal par laquelle il le prie de vouloir donner satisfaction au duc de Bouillon, son frère.

On dit qu'il y a mesintelligence entre M. le Cardinal et M. de la Mesleray sur ce que celuy ayant faict adjuger la ferme des aydes à M. Le Fevre, partisan, à l'extinction de la chandelle, le premier l'a faict bailler à un autre, qui en donner beaucoup moings, ce qui a obligé ce mareschal d'escrire une longue lettre à M. le Cardinal (ne pouvant l'aller treuver à cause de ses gouttes) par laquelle il luy represente le tort qu'il faict par se moyen aux affaires du Roy et à se [ce] partisan, auquel on dit qu'il a conseillé de presenter requeste au Conseil pour demander d'estre maintenu, luy promettant d'appuyer son affaire et de s'addresser au Parlement si on ne luy faisoit raison. On asseure que M. le mareschal de Villeroy a esté faict ministre d'Estat.

Cette semaine il a esté résolu au Conseil d'en haut de faire servir la charge de capitaine des gardes du corps du roy pandant se [ce] quartier à M. le comte de Noailles en la place du marquis de Chandenier, et /5/ quelques ungs veulent mesmes qu'on aye cassé les 3 cappitaines des gardes qui sont en desgrace.

Le 24 on receut 5 cappitaines aux gardes en la place de ceux qui sont mortz en la bataille de Lentz.
M. de Saugeon, prisonnier d'Estat à Lyon, fut mis en liberté ses [ces] jours passés à condition de se retirer en sa maison en Poictou. Il se defait de sa charge de cappitaine aux gardes.

M. de Castelnau Mauvisiere, gouverneur de Brest, est sur son despart, ayant eu commission pour aller commander un camp volant de 61 hommes pour s'opposer à quelques trouppes du duc Charles qui ont parut sur la frontière de Champagne entre [contre] lesqueles on a cepandant envoyé les regimentz de Conty, d'Anguien, et autres qui ont leur quartier de se [ce] costé là.

Il y a eu grand bruit à Rouen la semaine passée. Les bourgeois y ont pris les armes pour en chasser le regiment de M. le duc d'Orleans qui y estoit logé, à cause des desordres que les soldatz commettoint. Le procureur general de se [ce] parlement dit à M. le marquis de Vardes, qui commande au regiment, qu'on luy aprendoit son mestier, surquoy celui cy leva la main pour donner un soufflet au procureur general, mais le respect de la robbe le retient. Il y a ici un conseiller de Rouen qu en est venu faire ses plainctes, mais on y envoye M. de Besançon, commissaire general des armées, pour accommoder cest affaire.

M. le mareschal de l'Hospital s'en va tenir les Estats en Bretagne, et M. le come de Roure en Languedoch à Montpellier.

M. Nicolai, premier president des Comptes, a refusé ces jours passés un abbaye de 16 m. livres de rente dont M. le Cardinal luy envoyat le brevet.

 /7/ De Paris le 8 janvier 1649

Le premier du courant M. Thuboeuf retirat de la Chambre des comptes la declaration qu'on y avoit envoyé pour veriffier.

Le 2 le Parlement s'assemblat et attendoit la response de la Chambre des comptes, dont le greffier luy apportat à dix heures sur le point que Messieurs se levoint et leur dict qu'on avoit retiré la declaration qui avoit esté envoyé à ladite chambre. Le 3 le Roy et M. le duc d'Anjou feurent visitter M. le duc d'Orleans, qui estoit encor malade des gouttes.

Le 4 la Reyne feut veoir S.A.R. accompagnée de M. le Prince et de M. le Cardinal, qui estoint tous deux dans la carrosse de Sa M. L'on remarquat que S.E. n'estoit suivie d'aucungs de ses domestiques et que son carrosse n'arrivat au palais d'Orleans, qu'ung quart d'heure apres avec ses gens. M. le Chancellier et M. d'Avaux s'y trouverent, et l'on tient conseil dans le cabinet de S.A.R., qui estoit dans son lict. Apres cela la Reyne se retirat entre 6 et 7 heures du soir, et M. le Prince et M. le Cardinal se mirent dans un carrosse comme ilz avoient faict en venant.

Le 5, veille des Roys, à 10 heures du soir les cappitaines du regiment des gardes et des gendarmes et chevaux legers du roy receurent ordre d'amener leur soldatz tout doucement au Cours de la reyne sans tambour ny trompette, ce qu'ilz firent, et tout y estoit presque rangé en bataille à minuit. A trois heures du matin le Roy et la Reyne, M. le duc d'Anjou, et M. le Cardinal sortirent par la petite porte du jardin, où il y avoit 3 carrosses qui attendoint, et s'en allarent au Cours. En mesmes temps on envoya advertir M. le duc d'Orleans et M. le Prince, ensuitte Mademoiselle et Mesdames les princesses de Condé qu'on les attendoit au Cours. S.A.R. se levat aussytost et se preparat pour partir. L'on remarquat qu'en descendant l'escalier de son palais, il estoit soubtenu de deux de ses gentilhommes soubz les bras et qu'il sortit avec des si grandes tenderesses que son visage en estoit pasle, qui feut suivy d'une grosse sueur. Madame, ayant receu ordre de Monsieur de partir, s'y resolut apres beaucoup de larmes et partit à 7 heures avec les petites princesses ses filles. Elle sortit par la porte du jardin de son palais et s'en allat droit à St Clou /7v/ où elle passat la Saine. Mesdames les princesses de Condé se treuverent au Cours un peu devant cinq heures. Mademoiselle, ayant receu l'ordre de la Reyne et de Monsieur son père, obeit avec asses de repugnance, se rendit aux Cours entre cinq et six heures, où estant elle entrat dans le carrosse de la Reyne. Enfin Leurs M. ayant demeurés dans le Cours plus de deux heures en attendant les ungs et les autres, partirent pour St Germain.

A sept heures du matin MM. de la Ville receurent une lettre de cachet par laquelle le Roy leur mandoit qu'il avoit esté obligé de partir de Paris pour ne demeurer exposé aux pernicieux desseigns d'aucungs des officiers du Parlement, lesquels ayant intelligence avec les ennemis de l'Estat, non contantz d'avoir attenté contre son authorité, se portoint encor à conspirer de se saisir de sa personne, et leur recommendoit d'empescher qu'il n'arrivat aucung desordre, promettant de donner tous bons et favorables traictementz aux bourgeois.

A 8 heures tout le pain qui estoit dans le marché estoit desja enlevé. M. Giraut, introducteur des ambassadeurs, feut avant hier au matin au logis de tous les ambassadeurs et residantz des princes estrangers pour les advertir de s'en aller à St Germain s'ilz vouloint suivre la Cour et qu'on leur donneroit des logementz.

M. le coadjuteur de Paris receut aussy en mesme temps une lettre de cachet portant ordre d'aller à St Germain, à quoy voulant obeir l'on empeschat, et les orangeres [harengères?] l'aresterent hier au matin, disant qu'elles avoient besoing de ses benedictions.

Le mesme jour à 8 et 9 heures du matin l'on pillat dans la rue neuf de St Honoré et vers le bout des Thuilleries quelques carrosses et chariotz chargés de bagage, entre autres celuy de Bonneau, partisan, où il y avoit quelque vaiselle d'argent et quelques sacs d'argent monnoyé.

MM. de Ville envoyerent en mesme temps aux quarteniers et dizainiers de commander chacung d'eux en son quartier qu'on tient les armes prestes pour aller faire garde aux portes. Quelques conseillers au Parlement estant allés chez M. le Premier President, l'on resolut de s'assembler extraordinairement /8/ nonobstant la feste et d'envoyer promptement advertir les autres de s'y treuver, comme l'on fit, de sorte qu'à dix heures il y eut 50 à 60 conseillers assemblés dans le Palais, où il en vient d'autres ensuitte. Les eschevins y apporterent la lettre de cachet qu'ilz avoient receu et dirent qu'ilz avoint commandé qu'on tient les armes prestes pour faire garde aux portes et qu'ilz venoint recevoir les ordres du Parlement afin de pourveoir à la seureté de la ville. Sur cela il feut ordonné qu'on feroit garde jour et nuict, deffenses à touttes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soient, d'enlever aucunes armes ny bagages, et à tous les collonelz et cappitaines d'en laisser sortir, enjoint aux officiers du Chastelet de tenir la main à la police et à tous gouverneurs des villes et places de 20 lieues à la ronde, cappitaines, magistratz, et autres de laisser passer les vivres qui viendroint à Paris, avec deffense de recepvoir aucune garnison ny logement de guerre et ordre d'escorter ceux qui en apporteront, à peyne d'en respondre en leurs noms.

Cepandant on depputtat 4 conseillers pour aller au Palais Royal et aux environs pour informer et faire proces verbail de l'enlevement du Roy, ce qu'ils firent. A 4 heures du soir les chaisnes feurent tendues dans touttes les advenues, et l'on y mit des corps de garde, principalement à touttes les portes, lesquelz y passarent la nuict et y sont encores.

Le mesme jour, Leurs M. et tous les princes et princesses coucherent dans des lictz empruntés. M. le duc de Mombason, gouverneur de Paris, lequel estoit en sa maison de Rochefort, arrivat icy hier au matin et treuvat qu'on avoit donné des si bons ordres à son abscence qu'on n'avoit laissé sortir personne, chevaux, bagage, ny armes.

Hier au matin le Prevost des Marchands receu une lettre de cachet du Roy portant ordre de luy envoyer son bagage qui estoit dans le Palais Royal; à quoy obeissant, il le fit charger sur 30 ou 40 charrettes, lesquelles estantz sorties du palais, escortées de deux eschevins, feurent jusques à la porte St Honnoré sans treuver de resistance, mais estant arrivées jusques /8v/ aux corps de garde qui est aux portes, les eschevins ne feurent pas les maistres, et le menu peuple s'y estant ramassés en grand nombre ne voulut point laisser passer aucung des chariotz, lesquelz feurent obligés de s'en aller descharger au Louvre.

Le Parlement receut aussy une lettre de cachet portant ordre d'aller à Montargis, la Chambre des comptes une autre portant ordre d'aller à Poitiers, le Grand Conseil une autre pour aller à Mantes, et la Cour des aydes une pour aller à Orleans. Le Grand Conseil resoulut d'obeir et de partir pour cest effect dans 8 jours, mais les autres cours souveraine n'y ont pas encor desliberé. MM. du Parlement demeurarent assemblés jusques à plus de 2 heures apres midy. Ils ouvrirent plusieurs advis, entre autres cluy d'ordonner l'execution de la'rrest de 1617 ouvert par M. le president de Nouvion, mais il ne feut suivy que de 12 voix. Enfin apres avoir bien examiné la lettre de cachet envoyée le jour précedent à MM. de la Ville, il y eut arrest portant que MM. les Gens du roy partiroint incontinent pour St Germain, comme ils firent, prier Sa M. de revenir en ceste ville et de vouloir nommer tous ceux qui ont conspiré contre son authorité et sa personne, afin qu'on leur fit le proces, et que les cours souveraines seroint invitées et priées de se treuver se [ce] matin à la chambre St Louys pour y desliberer sur la police et sureté publique. La Chambre des comptes resoulut aussy d'envoyer des depputtés à la Reyne pour l'asseurer de leur service et la prier de revenir à Paris.

MM. les Gens du oy estant arrivés à St Germain, on ne les voulut pas veoir et on les menaceat s'ilz ne se retiroint, de sorte qu'ilz feurent contraintz de s'en revenir sur leurs pas. Monsieur fit advancer une partie du regiment des gardes à Nanterrre et l'on commandat d'autres trouppes pour venir à Aubervilliers, à Charanton, et en d'autres lieux, ce qui a faict croire qu'on avoit resoulu d'assieger Paris; et les bouchers estant allés à Poissy pour achepter du betail, sont revenus sans en amener, en ayant esté empeschés, outre qu'il y a eu arrest /9/ du Conseil portant deffenses aux marchandz forains de rien vendre à ceux de Paris jusques à ce qu'il en faut autrement ordonné, lequel arrest feut publié à son de trompe dans Poissy.

Se [Ce] matin le Parlement, touttes les chambres assemblées, sur le rapport faict par les Gens du roy du reffus qu'il [qui] leur a esté faict d'estre ouys à St Germain, et comme ilz ont treuvé à leur retour la ville de Paris bloquée et les passages des vivres bouchés, a declaré le nommé Julles Mazarin comme perturbateur du repos public et principal autheur des desordres de l'Estat, criminel de leze majesté au premier chef, enjoint à luy de vuider la Cour dans aujourd'huy et de sortir du royaume dans 8 jours, et à faute de se [ce] faire permis aux communeautés des villes et bourgades luy courir dessus, ses biens confisqués au Roy, et ses benefices impetrables; que tres humbles remonstrances seront faictes par escript au Roy sur la desolation generalle de l'Estat et malversation commise par ledit Julles Mazarin despuis six ans; qu'il sera incessament proceddé à la levée des gens de guerre suffisans tant pour la seureté de la ville de Paris que pour l'ouverture et liberté du passage des vivres; et que pour cest effect 4 conseillers de la Grande Chambre assisteront incessament à l'Hostel de Ville pour en faire la fonction conjointement avec le Prevost des Marchandz et du Procureur du Roy; et pour cest effect l'on a depputté MM. de Brousel, Menardeau L'aisné, et Deslandes Payen.

L'on dict qu'on a arresté une trefve pour six mois avec le roy d'Espagne.

/9v/ Les estandartz de la ville de Paris portent une estoile d'or en champ d'azur avec ceste devise, Regem quaerimus.

Ceux de M. de la Motte Houdancourt portent un Hercule gaulois qui assome un Polifeme avec ses [ces] motz, Nullam habet ultio legem.

Ceux de M. de Bouillon, une espée entourée de deux rameaux d'oliviers avec ceste devise, Dabit ultio pacem.

Ceux de Monseigneur le prince de Conty portent un Phaeton renversé de son char avec ses [ces] motz, Meritas dabis improbe poenas.

/11/ du 12 janvier 1649

M. le duc d'Elboeuf retournat de St Germain à Paris le 7 de se [ce] mois avec deux de ses enfans, et comme plusieurs seigneurs recogneurent l'union generale de tous les corps bourgeois et artisans, et que l'arrest du Parlement contre le cardinal Mazarin avoit esté donné, et qu'il portoit qu'il seroit levé des gens de guerre, ledit sieur d'Elbeuf et Messieurs ses enfans s'offrirent de servir le Roy et l'Estat.

Le sabmedy MM. du Parlement assemblés resoulurent de commencer à faire un fondz, et pour cest effect Messieurs les conseillers, qui estoint entrés dans iceluy par la fenestre pour estre paisible possesseur, offrirent 3 cent mille livres, qui feurent acceptées et l'apresdinée comptés ches M. Le Prevost, conseiller en la Grand' Chambre. MM. du Parlement resoulurent que les presidentz et conseillers feroient conter dans lundy vii cent mille livres, ce qui a esté executté et receu dès le dimanche, de sorte que ce premier million faict par MM. du Parlement, MM. des Comptes et Cour des aydes resoulurent; sçavoir la Chambre de donner 400 mille livres et la Cour des aydes 300 mille livres, et outre ces 1700 [700] mille livres l'on eut parolle, à ce que l'on dit, de certaines personnes de faire présentement quatre million 300 mille livres pour faire les vi millions de livres. Ce fondz asseuré, le Parlement s'assemblat dimanche au matin et firent prester le serment à M. d'Elboeuf de general de l'armée et receurent le serment d'environ 20 seigneurs ou gentilhommes pour commander les trouppes. La nouvelle de l'arrest du Parlement contre le Cardinal ayant esté sceue le mesme jour à St Germain, et qu'il y avoit plusieurs princes, seigneurs, et gens de condition qui s'offroint, M. le Prince de Conty, le duc de Longueville (la femme duquel estoit demeuré à Paris fort grosse) s'evaderent de St Germain, et estant arrivés à la porte St Honnoré sur les 2 heures du matin du dimanche, donnerent l'alarme, en sorte qu'en un instant l'on y envoyat mille hommes; et comme l'on eut adverty à l'Hostel de Ville de leur arrivée, l'on fit assembler MM. de Ville, qui, en ayant adverty le Parlement, envoyerent dès les 7 heures MM. les president de Novion, du Blanmenil, de Broussel, et 12 conseillers en divers carrosses pour sçavoir l'intention dudit seigneur, qui feurent conduitz par une compagnie de bourgeois dans l'hostel de Longueville.

/11v/ Le Parlement s'estant assemblés de relevée, le prince de Conty y entrat sans M. de Longueville (qui, n'estant pas receu pair, n'a point de seance dans iceluy). Ledit prince declarat que luy et ledit seigneur de Longueville s'estoient retirés de la Cour et qu'ilz venoient pour asseurer MM. de Parlement et la Ville, capitale du rouyaume, qu'ils vouloient servir le Roy et l'Estat. Et ledit sieur Prince s'estant offert en particulier de servir le Parlement et le peuple de Paris, M. le Premier President, qui va de bon de pied pour le service du Roy et de l'Estat, remertiat de bonne sorte ledit sieur Prince; apres quoy M. d'Elboeuf parlat de l'honneur qu'on luy avoit faict, s'estant offert le premier, de la lieutenance generalle et qu'il n'estimoit pas que l'on voulut changer de resolution. Alors tous MM. du Parlement du mesme voix l'asseurerent que l'on ne le changeroit point.

Le lundy au matin le Parlement s'estant assemblés et ayant treuvé expediant de donner sceance à M. de Longueville au dessus du doyen du Parlement, le prince de Conty et le duc d'Elboeuf s'y treuverent, domme la duchesse de Longueville avec M. [sic] ses enfans, M. de Bouillon, Madame sa femme, et quatre beaux filz entrerent dans l'assemblée avec Mr. de la Mothe, en laquelle il feut resoulut que le prince de Conty seroit generalissime de l'armée auquel MM. de Bouillon et de la Mothe seroint donnés pour conseil, que le duc d'Elboeuf seroit lieutenant general dudit prince et commanderoit l'armée. M. de Longueville declairat que pour ne donner aucune jalousie il ne vouloit accepter aucung commandement, qu'il serviroit dans le conseil pres du prince de Conty, et pour asseurance de sa foy qu'il donnoit de servir le Roy et l'Estat, il donnoit pour garges et asseurance de sa fidelité Madame sa femme et ses enfans, laquelle et eux ont esté logés dans l'Hostel de Ville de Paris et y a couché dès la nuit passée.

Le uc de Bouillon ayant voulu donner sa femme et enfans pour asseurance de sa fidelité, l'on luy respondit que l'on se fioit à sa parolle; apres quoy tous ses [ces] seigneurs prestarent au Parlement le serment de servir le Roy et l'Estat. Ensuitte le Marquis de Narmoustier la Boulaye, de Lambert, /12/ de Treville prestarent le serment, et autres hautz officiers de l'armée, laquelle, à se [ce] que l'on dit, doibt estre de xx mille hommes de pied et x mille chevaux. Ceux qui sont locataires des portes cocheres doibvent fournir un homme à cheval armé ou cl livres en argent. Tous les locataires de maison à porte non cochere un homme de pied ou 30 livres. L'on ne sçauroit croire comme l'on va à la foule porter son argent. Ceste relevée on a faict desja monstre de 4 mille chevaux armés, et de personnes bien choisies, car tous les jours il s'en présente des gens de mestier. Les macquinons firent offre dimanche dernier de bailler mille chevaux, desquelz ilz ne demandoient le payement qu'apres la guerre finie, et ayant esté acceptés et receu leur seurtés, ils ont executtés leur offre.

Le Roy, la Reyne, le duc d'Orleans, le prince de Condé, et le Cardinal estant à St Germain, ayant sceu ce qui s'estoit passé au Parlement, tiendrent conseil, donnarent le gouvernement de Champagne au duc de Nemours, celuy de Normandie au duc de Mercoeur, lequel, à se [ce] que l'on disoit se [ce] matin, ne l'avoit voulu accepter. Et on dit que l'on attend pour demain M. de Beaufort dans Paris avec 5 cent gentilhommes de Vendosme.

M. le Prince avoit son poste pour le blocus de Paris à Charanton, qu'il a quitté ceste nuict pour se rendre à St Denys, que l'on veut fortiffier. M. d'Eriac est à Aubervilliers avec xii cent chevaux allemantz. Le comte d'Harcourt est au Bourget, retranché avec ii mille hommes du regiment des gardes pour empescher le passage de pain à Gonesse. Le mareschal de Granmont avec une partie des gardes est de costé d'Iebry [Ivry?], les gendarmes du duc d'Orleans et autres cavalerie à St Clou. Le mareschal du Plessis est avec de la cavalerie à Charronne. Le chemin d'Orleans et de Rouen n'est pas encor fermé, ny du costé de Beausse, d'où il est arrivé xii cent charrettes chargés de bled et de farine, et on croit que M. de Beaufort venant à Paris doibt escorter force vivres.

SSe [Ce] matin le Parlement s'est assemblé, où l'on a composé le conseil de guerre, auquel l'on a mis le president de Mesmes et quelques conseillers. M. le president Le Coigneux et de Longueil, conseiller à la Grand' Chambre, ont esté nommés pour dresser les remonstrances ou manifestes. Dans l'assemblée de se [ce] matin, en laquelle tous lesdits princes et seigneurs ont assisté, l'on a resoulu de /12v/ battre la bataille à coup de canon, ce que l'on a commencé d'executter avec 4 pieces de batterie de la grande allée de l'Arsenat, dans laquelle on a desja monté 12 gros canons de batterie, dont les affutz ont esté tirés de la gallerie qui est à l'entrée de la Bastille. L'on a reglé le settier du menu bled à 10 livres celuy du froment à xv livres.

L'on dit que demain les princes et le Parlement doibvent donner arrest contre ceux qui ont tiré le Roy de Paris, qui portera que s'ilz ne le ramenent dans la ville dans tel temps que l'on proceddera extraordinairement contre eux. MM. du Conseil, maitres des requestes, Grand Conseil, ny autres officiers de la cour ne sortiront de Paris.

/13/ De Paris le 15 janvier 1649

Le 9 du courant au matin M. Sanguin, maistre d'hostel du roy, apportat icy une lettre de cachet addressée à la Ville, par laquelle la Reyne mandoit que si le peuple vouloit chasser le Parlement, elle reviendroit le lendemain avec le Roy. Le Parlement estant advertis de ceste lettre firent grand bruict contre le Prevost des Marchandz et parlerent de le destituer; mais M. le Premier President parlat fort en sa faveur et M. le president de Novion se rendit caution pour luy. M. le duc de Monbason se treuva à l'assemblée et confiermat l'union et bonne intelligence de la Ville avec le Parlement, qui dès lors se rendit le maistre de l'Hostel de Ville. Sur le point que Messieurs se levoint, un grand bruit feut respandu dans le Palais que tout estoit perdu et que M. de la Ville trahissoient le Parlement, et quelq'ungs crierent, "Aux armes, tout est perdu, nous sommes trahis," ce que donnat l'espouvante à tous les marchandz du Palais, qui commencerent à fermer leurs boutiques. Mais cela feut aussytost appaisé par la sortie de M. de Montbason et de quelques conseillers qui asseurerent les espritz du peuple, disantz qui [qu'il] ne faloit pas s'estonner de ses [ces] bruitz parce qu'il y avoit 500 trahistres qui estoient gagés pour les exciter. M. de Payen des Landes estant sorty sur cela, quelq'ungs crierent, alors qu'il estoit dans la basse court du Palais, que c'estoit le Prevost des Marchandz, que c'estoit un traistre, et qu'il le faloit assommer. Cette alarme le mit en grand danger, quantité de personnes ayant couru sur luy, mais ayant esté recognu l'on luy fit excuse. Il alla droict à l'Hostel de Ville, où il amenat le marquis de la Boulaye, qui s'estoit offert au Parlement pour commander ses trouppes, et on luy donnat commission pour lever mille chevaux.

Tant à l'arrest de se [ce] jour là, il porte que la taxe faicte lors de la prise de Corbie sera suivie, et que chacung des habitans de la ville et faubourgs de Paris payera le double de la taxe qui feut alors imposée, laquelle a esté despuis reglée à 50 escus sur chasque proprietaire du locataire de maison où il y a porte cochere et dix escus chacung des autres habitans; et parce que les nouveaux conseillers creés en 1635 offrirent 100 mil escus pour estre receus dans les mesmes droictz et avantages que les antiens, il feut ordonné qu'ils seroint receus à condition de payer ceste somme dans deux jours, comme ilz firent; qu'il seroit faict emprunt de 450 mille livres; sçavoir par les presidents et conseillers de la Grande Chambre, /13v/ 50 mille livres, et pareille somme par chacune des 5 chambres des Enquestes, autant par les deux chambres des Requestes, et 100 mille livres par les maistres des requestes, le tout pour estre employé à lever des gens de guerre.

Le mesme jour on eut icy advis que l'on avoit resoulu à St Germain d'assieger Paris et que pour cest effect l'on avoit disposé les quartiers à chasque corps d'armée; sçavoir, celuy de M. le duc d'Orleans à M. de la Ferté Imbaud et visité seulement de temps en temps par S.A.R., celuy de M. le Prince à Charenton, celuy du comte d'Arcourt au Bourg la Reyne, et celuy de mareschal du Plessis à St Denys; et qu'on avoit donné une monstre aux trouppes qu'on avoit faict venir à se [ce] desseing et promis aux soldatz le pillage des faubourgs de Paris et des maisons des conseillers.

M. le duc d'Elbeuf s'offrit le mesme jour au Parlement pour commander les trouppes; et aussytost qu'il se feut declaré, le duc de Bouillon et mareschal de la Mothe s'offrirent de mesmes.

La nuict du 9 au 10 le prince de Conty et le duc de Longueville arriverent en ceste ville, venant de St Germain, et s'offrirent en mesme temps au Parlement pour commander en qualité de généraulx les trouppes qu'on avoit resoulut de lever. M. d'Elbeuf, qui s'estoit offert le premier, avoit desja eu parolle, et le duc de Bouillon et mareschal de la Mothe, qui s'estoient offertz ensuitte, ne pouvoint estre refusés à cause de l'experience qu'ilz ont au faict de la guerre. D'allieurs il y avoit encor de la difficulté à mettre d'accord le duc de Longueville avec le duc d'Elbeuf, qui ne se vouloint rien cedder l'ung à l'autre, soit pour le commandement soit pour le rang dans le Palais et allieurs, ce qui n'embarra[ssa] pas peu le Parlement, qui cherchoint à les contenter tous; mais afin d'avoir plus de temps pour treuver les expedientz necessaires dans ceste conjoncture, la desliberation de cest affaire fut remise au lendemain. Cepandant il y eut arrest portant qu'il seroit informé contre ceux qui avoint publié qu'il y avoit division entre le Parlement et officiers de ville, pour faire naistre des rumeurs parmy le peuple et les desunir d'avec le Parlement; enjoint au Prevost des Marchands et eschevins de continuer dans l'exercise de leurs charges, et leurs familles et biens mis soubz la protection du Parlement, avec deffenses à touttes personnes de leur faire aucung tort à peyne de la vie.

/14/ Le xi le Parlement s'estant assemblés, ceux qui s'estoint offerts pour commander s'y treuverent. M. d'Elbeuf ayant disputté le rang à M. de Longueville, l'affaire feut accommodé en sorte que celuy cy prit sa place au dessoubz M. le prince de Conty et le premier aux bancs des ducs et pairs de l'autre costé. MM. de Bouillon et de la Mothe n'y prirent point de places mais dirent seulement le subject qui les obligeoit à prendre les armes; sçavoir, pour seconder la justice du Parlement contre l'injustice d'ung ministre estranger, duquel ils se declarerent ennemis sans autre motif que le service du Roy. Enfin M. le prince de Conty y feut receu generalissime des armées du roy soubs l'authorité souveraine du Parlement (et se [ce] sont les propres termes de l'arrest). MM. d'Elbeuf, de Bouillon, et de la Mothe furent receus généraux à condition qu'ils commanderoint alternativement, un jour l'ung, ung jour l'autre; sçavoir M. d'Elboeuf le premier jour, M. de Bouillon le second, et M. de la Mothe le 3e, et que le prince d'Arcourt (qui feut aussy receu lieutenant general) commanderoit en l'abscence de son pere.

M. de Longueville, qui dès l'entrée s'estoit desparty de l'employ de general afin de n'avoir rien à desmesler avec M. d'Elbeuf, feut declairé gouverneur de touttes les provinces du rouyaume soubs l'authorité du Parlement et commandement du prince de Conty, aupres duquel il feut arresté qu'il demeureroit dans l'Hostel de Ville pour l'assister de conseil. Sur cela ce duc offrit ses services au Parlement et promit d'asseurer des places de son gouvernement de Normandie. Pour cest effect il donnat Madame sa femme et le petit comte de Dunois, son filz, en ostage et les mit dans l'Hostel de Ville. M. de Bouillon en fit de mesmes et donnat 4 de ses enfans, qui y sont aussy logés.
Il feut ensuitte arresté que le marquis de la Boulaye, qui avoit esté le premier à offrir son service au Parlement, commanderait l'artillerie et un camp volant de mille chevaux. Il les a desja levé, dont il fit reveue le mesme jour au soir dans la Place Royalle.

M. le prince de Marsillac, les marquis de Noirmonstier et de Clanleu feurent aussy declairés lieutenantz généraux; sçavoir, le premier de M. d'Elbeuf, le second de M. de la Mothe, et le 3e le duc de Bouillon. M. le duc de Brissac, le vieux marquis d'Aubeterre, et M. d'Estissac obtiendrent commission pour lever à chacung un regiment de cavalerie.

Le mesme jour on fit publier à son de trompe un arrest portant ordre à tous les /14v/ proprietaires et locataires des maisons de Paris de fermer tout incontinent les soupiraux des caves, à cause d'ung advis qu'on avoit eu qu'on avoit faict desseing d'y jetter des feus d'artifice pour mettre le feu en divers endroitz de Paris. L'on mit en prison en la Conciergerie du Palais un homme accusé d'avoir esté corrompu pour executter se [ce] desseing. En mesme temps l'on a publié un autre portant que celuy du 8 seroit executté; deffenses à tous cappitaines et soldatz d'aprocher à 20 lieues près de Paris; enjoint à ceux qui sont advancés de se retirer dans les garnisons des villes frontieres; et à cause de ce, permis aux habitans de s'armer contre eux, sonner le tocsein, et les chasser; deffenses à tous cappitaines et gouverneurs de laisser sortir de leur places aucungs soldatz, canons, ny munitions à peyne d'en respondre de leurs vies et biens.

Touttes ses [ces] receptions de generaux ayant esté sceues à St Germain, on resoulut d'oster à ceux qui avoint quitteé la Cour, les gouvernementz qu'ilz ont; pour cest effect le gouvernement de Champagne, qui est au prince de Conty, feut donné au duc de Nemours, qui ne l'a pas voulu accepter; celuy de Normandie à M. de Mercoeur, qui ne l'a non plus accepté, et celuy de Poictou du prince de Marsillac à M. de Paluau, qui l'a accepté. Celuy de Picardie, qui est à M. d'Elbeuf, n'est pas encor donné. On ne croit pas que ses [ces] nouveaux gouverneurs se puissent faire recevoir dans ses [ces] provinces, dont quelqu'unes sont soulevées et offrent assistance au Parlement.

M. le Prince, qui estoit alors à Charanton avec quelques trouppes, quittat se [ce] poste le mesme jour et les envoyat à St Denys, apres avoir esté six pieces de canon du chasteau du Bois de Vincennes, lesquelles sont demeurées en chemin, embourbées. Ses [Ces] ordres estant donnés, il retourna à St Germain, où l'on remarquat que depuis 5 ou 6 jours on a mitz un corps de garde derriere le chasteau neuf de St Germain, dans lequel est logé le duc d'Orleans et toutte sa famille, et un autre à l'entrée du pont du Pec, ce qui a faict croire que l'on a eu crainte que S.A.R. ne s'en vient.
Un cappitaine commandant le corps de garde du Pec deschira le mesme jour un passeport signé de S.A.R. qu'on avoit donné à un lacquais pour venir icy, ce qui a faict grand bruict, et le cappitaine s'est sauvé pour eviter d'estre mal traicté, et il feut dict que personne ne viendroit sans avoir /15/ passeport du cardinal Mazarin. Le baron des Houches, cappitaine des Suisses de S.A.R., a esté arresté prisonnier pour avoir voulu [le] persuader de s'en revenir.

Le mesme jour au soir le baron de Roquetaillade, le sieur de St Olives, le marquis de Jonzac, et quelques autres ayant faict la desbauche dans un cabaret du faubourg St Germain, vouleurent forcer le corps de garde de ceste porte pour entrer dans la ville et y tuerent deux hommes, mais les 2 premiers y feurent tués et le reste fort maltraictés et menés en prison au nombre de sept.

Ledit jour on eut icy advis que M. le Vidame ayant voulu faire sortir d'Amiens quelques pieces de canon et munitions, les bourgeois s'y estoient opposés et l'avoint empeschés.
Le 12 au matin le Parlement donnat arrest portant qu'on feroit des retranchemen[ts] autour des faubourgs de Paris.

Le mesme jour le bagage du Roy partit d'icy apres qu'on en eut faict inventaire. On laissat aussy partir en mesme temps les officiers qui sont en quartier, lesquels feurent escortés par un president et deux conseillers du Parlement jusques au delà du Roule. Celuy de M. le duc d'Orleans et de Madame partit le 13 au soir avec leurs officiers de la mesme façon que celuy du Roy, et celuy de Madamoiselle le 14e.

Le mesme jour le Parlement ayant faict sommer M. du Tremblay de rendre la Bastille, celui cy le refusa à M. d'Elbeuf, qui y entrat pour cest effect; surquoy il feut resoulu au matin de l'assieger, comme l'on fit l'apresdinée, apres luy avoir declaré que s'il tiroit sur la ville on ne luy donneroit point de quartier et qu'il se contentat de se deffendre par l'endroit où il seroit attaqué. Le marquis de la Boulaye plantat une batterie dans le jardin de l'Arcenal et commenceat à battre la place, en sorte que le 13 au matin il y avoit bresche qui obligeat le gouverneur à capituler. Il promit de la rendre s'il n'estoit secouru dans midy du mesme jour, et suivant cela il sortit à bonne composition à une heure avec 40 ou 50 hommes et sortirent ta[m]bour battant, enseigne desployée, et bale en bouche etc. Le Parlement mit le gouvernement à la disposition du prince de Conty, qui le donnat hier à M. de Brousel, dont le filz, qui a esté enseigne au regiment des gardes, /15v/ fut faict le mesme jour lieutenant du gouvernement.

La reyne d'Angleterre ayant demandé ou qu'on luy baillat de l'argent ou un passeport pour en aller demander à St Germain, on arrestat aussy hier dans l'assemblée du Parlement qu'on luy donneroit 20 mille livres tous les mois et que dans le jour ceste somme luy seroit deslivrée pour le mois qui court.

Quelques trouppes de celles qui suivent le ministere du cardinal Mazarin sont passées à St Denys, qu'on faict fortiffier. On y attend le reste de celles qui sont mandées pour s'opposer au desseing du Parlement, lesquelles on faict monter à 14 mille hommes.

L'on a desja levé icy 10 à 12 mille hommes, avec lesquelz on parloit desja de se mettre en campagne, mais M. de Boullon a dict qu'il n'estoit pas encor temps et qu'il falloit auparavant faire exercer un peu les nouveaux soldatz. Ainsy l'on a resoulu que pour leur donner un peu d'exercice M. d'Elbeuf commenceroit à faire une sortie pour faire venir les vivres. On continue tousjours à faire bonne garde à touttes les portes de la ville et avenues des fauxbourgs, où l'on a faict quantité de barricades. Tous les habitans y vont, chacung à leur tour, en si grand nombre qu'on veoit des compagnies composées de 8 à 900 hommes, et l'on remarque que le seul regiment du collonel des Halles est composé de pres de 30 hundred [sic] hommes.

M. de Beaufort arrivat icy avant hier apres midy accompagné d'ung homme seul. Il se treuvat hier au matin au Palais et demandat à se justifier contre le nommé Julles Mazarin. MM. du Parlement ordonnarent que le Procureur General donneroit ses conclusions dans cest affaire, qui doibt juger se [ce] matin et le duc absous et receu duc et pair.

Hier au matin on envoyat querir d'icy les pieces de canon qui ont esté tirés du Bois de Vincennes, qui sont demeurées embourbées en chemin. Il y eut aussy hier 40 ou 50 charrettes chargées de pain de Gonnesse qui arriverent icy.

/16/ Le Parlement a donné le palais du cardinal Mazarin à M. de la Mothe, qui y loge à present.
L'on commençat hier à faire inventaire de tout ce qui est dans se [ce] palais et dans l'appartement qu'il avoit au Palais Royal. Ses nieces sont parties de St Germain pour se retirer, les ungs disent au Havre, les autres à Sedan.

Le Conseil d'en haut a donné arrest à St Germain portant cassation de celuy du Parlement donné le 8 du courant contre se [ce] cardinal, auquel on a faict deffense de desemparer d'aupres du Roy.
On publiat hier l'ordre et reglement que doibvent tenir les gens de guerre, par lequel on oblige chasque soldat à prester serment pour servir trois mois et deffend à tous cappitaines de donner congé à aucung desdits soldatz qu'apres lesdits 3 mois.

La riviere de Seine est tellement grossie puis 3 jours qu'on ne l'a jamais veu si grosse; elle a emporté le moulin de la Greve et le bout de pont des Tuilleries du costé du faubourg St Germain et amené une prodigieuse quantité de bois.

Il y eut encor hier arrest au Parlement portant que tous les biens et revenus du cardinal Mazarin seroint sequestrés. M. le mareschal de l'Hospital et M. de Vittry revindrent hier de St Germain.
On travaille au manifeste du Parlement.

/17/ Union jurée et signée à Paris par les Princes, Seigneurs, Cours Souveraines, Corps de Ville et Bourgeois de Paris le 17 janvier 1649.

"N'ayantz eu autre intention que celle de conserver l'Estat et authorité royalle dans le lustre et l'esclat que tous fidelles subjectz les doivent maintenir, et cognu que la mauvaise administration du cardinal Mazarin, marquée par une infinité d'actions injustes et violentes en causeroit indubitablement la ruyne, la dissipation, et l'abaissement, principalement dans l'opression notoirement entreprise contre les cours souveraines, la dignité des loix despuis si longtemps establies dans se [ce] rouyaume, nous avons promis et juré sur les saintz Evangiles d'ung commung consentement que pour le soubstenir nous employerons librement et franchement nos biens et nos vies; et pour se se [ce] subject nous voulons estre tenus, ou ceux de nous qui contreviendront à la parolle qu'ilz en ont si solennellement données, pour gens sans foy et sans honneur s'il arrive qu'en general ou en particulier il s'en rencontre aucung capable de se relascher, accepter nulles offres, ny conditions sans exceptions, sans que le cardinal Mazarin n'aie esté chassé du rouyaume comme perturbateur du repos public, ainsy qu'il a esté declaré par arrest du Parlement en datte du viii janvier 1649, chacung de nous restably dans ses biens, charges, et honneurs, et tous les subjectz du Roy asseurés cntre les violences exercées durant son ministere, la grandeur de l'Estat et service de Sa M. consideré comme il est requis et que le devoir de nostre naissance nous y oblige; et dans se [ce] desseing qui doibt estre signalement appreuvé, estant appuyé sur de si legitimes fondementz, nous nous promettons reciproquement aussy que pour quelque cause, consideration, ou pretexte que se [ce] soit d'interest ou d'avantage particulier, lors que les choses viendront à un accommodement de ne nous desunir jamais les ungs des autres et de ne point traicter /17v/ separement mais tous ensemble; en foy de quoy nous avons respectueusement signés le present escript, duquel nous protestons de ne nous point des partir et d'observer inviolablement tout ce qu'il contient; et qu'en cas que ledit cardinal Mazarin se retire du rouyaume pour n'y plus rentrer, ou qu'il aye receu le chastiement que meritent ses crimes, nous nous engageons à toutte l'obeissance que doibvent des fideles subjectz à ce qu'ilz sont obligés en honneur et en conscience d'apporter du leur pour s'opposer aux estranger, ennemis de l'Estat, afin de pouvoir parvenir à une paix glorieuse à la Majesté royalle et advantageuse à la France; et pour l'execution des conditions susdites concernantz nos interestz et nos pretentions, nous promettons dès à present de nous en remettre absoluement aux advis de MM. du Parlement de Paris."

/19/ [Hand # 3 ] De Paris le 22 janvier 1649

Le marquis de Vitry, estant arrivé icy le 14 du courant, offrit au Parlement ses services et ceux du regiment de la reyne qu'il commande, dont environ 200 soldatz estant venus avec luy prirent party sous le ministere du Parlement.

Les 1000 chevaux que le marquis de la Boulaye devoit commander ont esté reduits à 400, et il a esté arresté dans le conseil de guerre que chaque compagnie tant de cavalerie que d'infanterie seroit composée seulement de 50 hommes complets.

Le bruit de l'arrivée du mareschal de l'Hospital ne se trouve pas vray, ny celuy de la prison du baron des Ousches.

Le 15 M. de Cohon, cy devant evesque de Dol, confident du cardinal Mazarin, fut arresté prisonnier en cette ville et mis dans le couvent des peres de l'Oratoire.

Le mesme jour le marquis de la Boulaye fit une sortie avec 400 chevaux et fut jusqu'à Linas, à 4 lieues d'icy, où quelques officiers du party contraire arrestoient les vivres qu'on vouloit amener à Paris: lesquels ayant esté avertis de son approche se sauverent, de sorte qu'il s'en revint avec 12 ou 15 Suisses ou Allamans qu'il avoit faits prisonniers.

Ledit jour les deputez du Parlement de Provence protesterent que leur province se conformeroit tousjours aux volontez du Parlement de Paris.

Le 16 on mit des barrieres à toutes les portes de la ville.

Ledit jour on sceut icy qu'à St Germain on avoit donné arrest du Conseil d'en haut par lequel on avoit declaré tous les presidens et conseillers du Parlement criminels de leze majesté, et qu'on y avoit ensuitte arresté de convoquer les Estats Generaux du royaume pour le 15 mars prochain à Orleans, où le cardinal Mazarin pretend se justiffier; ceux qui porterent cette nouvelle adjustoient qu'on disoit à St Germain que la paix estoit conclue avec le duc de Lorraine.

Le sieur de Poix, officier du regiment de Navarre, ayant levé une compagnie de cavalerie pour le Parlement, sortit le mesme jour avec ses soldats dans le fauxbourg St Antoine; où estant arrivé il les voulut obliger d'aller trouver M. le Prince, qui les picqua si fort qu'ils lameiner [l'amenerent] eux mesmes prisonnier dans la Bastille, où estant il s'avisa de faire beaucoup d'extravagances afin qu'on le prit pour un fol. Le Prevost de l'Isle, qui avoit cautionné pour luy, fut aussy mis en prison en mesme temps, mais on dit que ce ne fut pas tant pour ce qu'il estoit caution du premier, comme pour avoir voulu ramasser quantité de canaille afin d'exiter quelque desordre notable dans Paris. Ce jour là M. d'Estouteville, capitaine aux gardes, fut aussy mis prisonnier dans la Bastille, dont il sortit deux jours apres à condition qu'il se tiendroit dans Paris.

Le mesme jour il fut resoulu qu'on s'assemblaroit par deputez chez M. le Premier President à fin d'examiner les moyens qui avoient esté proposez dans la salle de St Louis d'avoir de l'argent pour les necessitez presentes; et parce qu'on avoit parlé d'arrester tous les deniers du Roy tant dans les provinces qu'à Paris et de s'en servir, il fut dit que les autres compagnies souveraines qui y sont interessez seroient aussy priez d'envoyer leurs deputez pour en conferer. On resolut aussy de faire une lettre circulaire pour envoyer à tous les parlemens de France et une autre pour les autres villes et villages du royaume.

Ledit jour M. le duc d'Orleans fut visiter le poste de St Cloud accompagné de M. le Prince.
Le 17 les deputez des compagnies se trouverent chez M. le Premier President, où furent proposez divers moyens d'avoir de l'argent: entre autres de taxer à de grosses sommes tous ceux qui se sont enrichis des deniers publics. Ensuitte il fut parlé d'arrester tous les revenues du Roy, à quoy la Chambre des comptes et Cour des aides voulurent consentir, // (26) et celle cy offrit mesme de donner arrest pour cet effet; mais M. le Premier President dit qu'il falloit auparavant que le Parlement deliberast là dessus.

Le mesme jour M. le mareschal de la Motte s'alla saisir de la butte de Montmartre, où il amena des ingenieurs pour designer quelques fortifications qu'on y devoit faire, dont le mareschal du Plessis Praslin (qui est à St Denis avec 4000 fantassins et 1000 chevaux) ayant eu avis, y envoya la nuit du 18 au 19 un party de cavalerie, lequel n'y ayant trouvé personne qui garda ce poste, s'en retourna apres y avoir pillé quelques maisons, mais on a jugé qu'il n'estoit pas necessaire de fortifier ce peste.

Le 18 on leut dans l'assemblée du Parlement les deux lettres circulaires qu'on avoit resoulut d'envoyer, l'une aux autres parlemens et l'autre aux villes et bourgs du royaume, par lesquelles on les convie de seconder les bonnes intentions du Parlement pour le service du Roy contre les pernicieux desseins du cardinal Mazarin. M. de Beaufort fut en mesme temps recu duc et pair; il doit commander la cavalerie en qualité de colonel general. M. le duc de Chevreuse se trouva à l'assemblée et y offrit ses services. M. le coadjuteur de Paris y fut aussy receu conseiller honnoraire et y prit seance comme representant M. l'Archevesque, sont oncle, sans neantmoins tirer à consequen[ce]. Il a levé un regiment de cavalerie et fait mettre au milieu de ses drappeaux In corda inimicorum regis; il y a d'autres drappeaux où l'on a mis pour devise, Senatus populusque parisiensis, et à d'autres, Salus populy suprema lex esto.

Le mesme jour quelques trouppes du party Mazarin se presenterent devant Meudon pour y loger, mais les habitans, assistez de plusieurs paysans des villages voisins qui y avoient refugié leur bestial, se deffenderent jusqu'au 19 au soir, que les premiers entrerent par force; et apres avoir pillé tout hormis le chasteau, n'ayant pas eu le loisir, ils abandonnerent le village et se retirerent avec le bestial qu'on y avoit refugié; ils y perdirent quelques soldats et quelques officiers y furent blessez.
Ledit jour M. le bailly de Valencey fut arresté prisonnier, voulant sortir de Paris.
Le 19 il y eut arrest au Parlement portant que tous les deniers publics deus par les comptables et fermiers, tant de Paris que des autres du ressort de ce Parlement, seront saisis et mis dans les coffres de l'Hostel de Ville.

Le Parlement, ayant eu avis qu'il y avoit des armes chez Mme d'Aiguillon pour armer 500 hommes, y envoya le mesme jour le bailly du fauxbourg St Germain, qui les enleva toutes; mais il ne s'y en trouva qu'environ 300, qui estoient celles qui avoient servy aux gardes du feu cardinal de Richelieu.
Ledit jour on apprit icy qu'à St Germain on avoit roué en effigie M. du Tremblay pour avoir rendu le chasteau de la Bastille et declaré luy et sa posterité roturiers.

Le mesme jour on delivra à l'Hostel du Ville des commissions et de l'argent pour la levée de 28 regimens d'infanterie de 500 hommes chacun, chaque compagnie ayant esté reiglée à 50 hommes; ainsy il y aura bientost 14 mille fantassins qui, avec les 6000 chevaux qu'on a desja levez, se mettront en campagne en attendant qu'il y ait de l'argent pour en lever d'autres.

Le prince d'Arcourt est lieutenant general du duc d'Elbeuf, son pere; le marquis de Clanleu n'est que mareschal de camp. Le prince de Marsillac est lieutenant general de M. le duc de Bouillon.

Le Parlement de Rouen a envoyé des deputez à St Germain pour offrir /19v/ ses services au Roy et à la Cour, et les officiers de la generalité de cette ville là y ont envoyé tous les deniers publics qui estoient entre les mains des fermiers et comptables, qu'on dit se monter à 400 mille escuz. L'ancien semestre y a consenty à cause d'une declaration du Roy qu'on luy a envoyée portant revocation du nouveau semestre. M. du Plessis Bançon [Besançon], qui a negocié cette affaire aupres des anciens presidens et conseillers, a en mesme temps gaigné le fils du marquis de Beuvron, gouverneur du Vieux Palais [de Rouen], en luy en promettant la survivance, de sorte que ce jeune marquis a laissez entrer M. de St Luc avec quantité de soldats dans ledit palais, où il tient pour le party Mazarin; sur cela le gouvernement de Normandie, qui avoit esté refusé par M. le duc de Mercoeur, a esté donné à M. le comte d'Arcourt, qui partit le 18e de St Germain pour en aller prendre possession et promettre à cette province de grands avantages de la part de la Reyne et de sa cour. Cette nouvelle ayant esté sceue icy, M. le duc de Longueville partit la nuit du 18 au 19 pour aller asseurer cette province là dans le party du Parlement et fut escorté par 400 chevaux jusqu'à 7 ou 8 lieues d'icy, d'où il poursuivit son chemin avec 50 chevaux seulement, et s'en alla droit à Dieppe, où il doit faire des levées pour aller à Rouen y faire declarer la ville entierement; et M. de Matignon y travaille desja puissamment, de sorte qu'on croit qu'en peu de jours toute le Normandie sera declarée pour ce duc. Pour ce qui est du comte d'Arcourt, lors qu'il se presenta pour entrer dans Rouen le peuple y fit grand bruit et prit les armes, et le Parlement deputa deux conseillers pour le prier de n'entrer point jusqu'à ce qu'on auroit deliberé si l'on le devoit recevoir, de sorte qu'il fut obligé de coucher hors la ville dans la Chartreuse. Le lendemain, le Parlement s'y estant assemblé, il y eut quantité de peuple qui fit grand bruit dans le Palais, menaçant le premier president et ceux qui seroient pour le party Mazarin de les tuer; enfin il y eut arrest portant que M. le comte d'Arcourt seroit prié de se retirer, et le premier president estant sorty dans la salle du Palais pour dire ce qui avoit esté ordonné, le peuple qui s'y estoit ramassé fit quantité de cris de "Vive le Roy!"

M. l'evesque de Meaux, frere de M. le Chancelier, avoit attiré la ville de Meaux au party Mazarin; mais le marquis de Vitry, qui en est gouverneur, l'a asseurée pour le Parlement et a donné des gardes à cet evesque pour s'asseurer de sa personne.

Le 20 ordonna des gardes à Mme la comtesse d'Arcour, ayant apris qu'elle faisoit son possible pour se sauver.

Le mesme jour il y eut deux arrests du Parlement, l'un portant deffenses sur peine de la vie à toutes personnes de se desguiser pour sortir de Paris, et l'autre portant deffenses à tous soldats de commettre aucun desordre ny faire aucun tort dans la campagne sur peine de la vie.
Hier il fut resolu au Parlement qu'on emprunteroit au nom de la Compagnie autant d'argent qu'il s'en pourroit trouver.

/20v/ Aujourd'huy le Parlement a deputé deux conseillers de chaque chambre pour deliberer sur les passeport qu'on demande pour sortir.

Les deputez des compagnies souveraines s'assemblent tous les jours dans la salle de St Louis, où l'on fait quantité de propositions pour les affaires presentes, et le Parlement y delibere ensuitte.
Le bruit court icy que la Cour quitte St Germain pour aller à Chartres, où la Reyne veut aller accomplir un voeu.

L'armée qui suit le party Mazarin n'est encore que de 7 à 8000 hommes, dispersée en divers endroitz autour de Paris. Le gouverneur d'Arras, ayant receu ordre d'envoyer une bonne partie de sa garnison, l'a refusé, disant qu'il ne pouvoit envoyer personne à moins d'abandon[ner] sa place aux ennemis. M. le mareschal de Ransau en a fait de mesme et s'est excusé de venir luy mesme sur son indisposition.

On fit hier sortir 7 pieces de canon du chasteau du Bois de Vincennes.

Il y a trois jours aujourd'huy que le pain est cher et rare dans Paris, à cause que les trouppes qui sont sur les avenues empeschent en divers endroits le passage des vivres, mais hier au soir la cavalerie du Parlement fit une sortie et rendit quelques chemins un peu plus libres.
La ville d'Orleans n'a pas voulu souffrir que le marquis de Sourdiz, son gouverneur, ait fait aucune levée pour le party Mazarin et y a pris les armes pour empescher le passage aux trouppes qui sont en quartiers dans le Limosin et delà la Loire.

L'on remarque que les desordres d'Angleterre ont commancé de la mesme que ceux que nous voyons maintenant icy et que le roy d'Angleterre sortit de Londres le 5 janvier, 1640, et aussytost qu'il fut arrivé à Hamptoncour, la Tamise se deborda si fort qu'on ne l'avoit jamais veue si grosse, ayant noyé et emmené grande quantité de maisons de Londres. Dieu veuille que la suitte de nos divisions ne corresponde pas à celles d'Angleterre comme fait le commancement.

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