Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/161/ De Paris le 21 janvier 1650

Le 13 du courant l'ambassadeur de Catalougne arriva icy pour demander un viceroy et de l'argent, comme vous aves sceu par le rapport qu'en fit M. de Marcilly. Le mesme jour M. de Mercoeur fit partir ses gardes pour aller en ce pays là.

Le 15 la Cour des aydes veriffia une declaration du Roy portant que dans les provinces du ressort qui seroint esloignées de Paris de plus de 20 lieues, il y ira des commissaires de la Compagnie pour recognoistre par pourvision des taxes des taillables qui auront esté faict d'office, lesquelz se pourront assembler pour juger en dernier ressort des crimes commis au faict des gabelles seulement, et cela jusques à la St Martin prochain, et seront lesdits commissaires nommés par ladite compagnie.

La mesme Cour des aydes rendit arrest la semaine passée portant deffenses à ces commissaires depputtés pour assister au nouveau bail des gabelles, de rien faire qu'à condition que les fermiers s'obligeront absoluement au payement des rentes, gaiges, et autres charges desdites gabelles, sans pouvoir pretendre de non jouyssance ou autrement, ce qui ne pleut pas au Conseil.

Le mesme jour 15 M. le duc d'Orleans, estant indisposé, ne se trouva point à l'assemblée du Parlement, mais MM. les princes de Condé et de Conty y feurent avec les ducs et pairs. On commencea par la lecture d'une nouvelle requeste de Belot, par laquelle il demandoit les mesmes choses que par les precedentes, mais on n'y fit point droit. Ensuitte l'on parla du bruit que les lacquais font dans le Palais, sur ce que les cleers les chassent de la grande salle. Jusques là M. le Prince ayant demandé un des siens, les clers ne le vouleurent jamais laisser enterer dans ladite sale jusques à ce qu'il eut laissé son espée dehors, et donnerent des coups de bastons à un autre de ceux de S.A.; neamoings il n'y eut point d'arrest là dessus. Puis M. de Champrond continua la lecture d'ung extrait qu'il avoit faict des informations, pandant laquelle il ne se passa rien de considerable sinon que ledit sieur de Champrond venant à remarquer que Canto[n] et Pichon deposent qu'ilz ont entendu M. le president Carretton crier aux armes, sortant de la Grand' Chambre du Palais. M. Coulon dit tout haut que cela seroit bon si ceux qui le deposent n'estoint point de tesmoings erigés en tiltre d'office. Apres cela M. de /161v/ Novion ayant suplié M. de Champrond d'abreger l'affaire, ilz se picquerent un peu ensemble, ce qui donna subject à celuy cy de tesmoigner qu'il ne croyoit pas que l'assasinat de Joly feut autre chose q'une piece faitte à desseing, et dans cette contestation l'assemblée finit.

Le 17 au matin M. le Prince estant allé au palais d'Orleans au lever de S.A.R., l'accompagna au Palais avec les ducs et pairs; et Sadite A.R. y estant arrivée, entra dans la Ste Chapelle, où le president Le Coigneux estant venu pour la recevoir suivant la coustume, luy parla en particulier avec le president de Bellievre; et sur cela elle se trouva mal, son visage ayant parut asses blesme, ce qui l'obligea de dire à ce president qu'elle ne pouvoit point assister à l'assemblée et qu'on ne laissa pas de travailler sans elle; sur quoy MM. les princes dirent aussy qu'ilz ne la vouloint point abandonner, et s'en allerent avec elle; et le president Le Coigneux estant retourné à la Grande Chambre, où MM. des Enquestes avoint desja pris leurs places, avertit la Compagnie de l'indisposition de M. le duc d'Orleans qui avoit obligé MM. les princes à s'en retourner avec luy, n'ayant pas voulu l'abandonner; de sorte qu'il n'y eut que les ducs de Luynes et de St Simon qui y assistarent avec le mareschal de l'Hospital. L'on commencea par la lecture d'une request du Procureur General, par laquelle il demandoit qu'il luy feut permis d'informer contre Joly, et que Belot feut transferé dans la Conciergerie et interrogé avec des Martineaux. Quelques ungs se plaignirent d'abord de ce qu'il n'avant pas apporté luy mesme sa requeste, laquelle il avoit donné à M. de Champrond, et de ce qu'elle n'estoit signée que de luy et non des advocats generaulx; mais ayant esté appaisés, le raporteur commencea d'opiner et conclud conformement à ce qui estoit porté par la requeste; en quoy il feut suivy de tous, jusques à ce que M. Ferrand ouvrit un autre advis, qui estoit de joindre la requeste au proces et d'executter l'arrest donné aux precedentes assemblées, par lequel il est ordonné que l'on jugeroit MM. de Beaufort, le Coadjuteur, et Broussel et Charreton avant touttes choses. Tous les autres feurent de l'advis du raporteur, jusques à ce que M. Le Fevre ouvrit un 3 avis et voulut qu'on permit d'informer contre Joly, et que Belot et des Martineaux /162/ feussent interrogés, mais le tout sans prolongation, et que soit que l'interrogation et les informations feussent achevées ou non, l'on commenceroit aujourd'huy à juger ces messieurs. Ensuitte M. Laisné, ayant appuyé le second advis, feut suivy de plusieurs autres jusques au nombre de 74, les ungs fondés sur le long temps qu'on tenoit ces messieurs accusés, les autres sur ce qu'il n'estoit pas raisonnable de faire subir l'interrogatoire à un homme avant qu'on juge s'il y a des charges contre luy, attendu qu'il pourroit par l'artifice d'ung interrogateur et peut estre par la foiblesse s'engager dans les faictz dont il seroit innocent. D'autres se fondoint sur ce que n'ayant esté desliberés sur les requestes que ces messieurs avoint presentée pour leur descharges, il ne faloit aussy desliberer sur celle du Procureur General afin que tout feut esgal; et d'autres que ce seroit remettre l'affaire bien loing et n'executter pas le dernier arrest parce que le Procureur General pourroit tousjours demander permission et faire interroger quelq'ung, qu'il pourroit faire emprisonner en vertu du decret donné contre des Martineaux, noir, gris, et rouges, qui envelopent tout le genre humain. Le 3 feut suivy de 32 voix et feut des mesmes raisons, ausquelles on adjousta, pour fortiffier l'interrogatoire, qu'on admettoit que Belot et des Martineaux ayant esté emprisonnés par ordre du Roy, l'on ne pouvoit pas les eslargir dans les formes sans les interroger. Le premier avis, qui feut de 57 voix, estant appuyés des raisons du 3, jointes à quelques autres particulieres et à l'interest que MM. de Beaufort, le Coadjuteur, Broussel, et Charretton y devoint prendre afin que leur innocence parut plus evidente, il y eut encor quelques avis particulieres mais peu considerables; de sorte que tous ceux du premier ayant passés du costé du 3, avec quelques autres qu'on avoit oublié, et ainsy se trouva de 94 voix et le second de 79, et ainsy il feut arresté qu'on interrogeroit Belot et des Martineaux et qu'on feroit entendre de nouveau des tesmoings contre Joly sanes [sans] que cela peut retarder le jugement de l'affaire de ces 4 messieurs, auquel on commenceroit à travailler le lendemain.

L'apres disnée du mesme jour MM. de Beaufort et le Coadjuteur visitterent M. le duc d'Orleans, qui les acceuilly fort bien. Peu apres le mareschal d'Estrées et M. de Senetterre y feurent aussy et confererent longtemps avec l'abbé de la Riviere. Le soir M. le Teillier y feut encores une bonne heure enfermé avec S.A.R. et cest abbé; mais s'il est vray que c'estoit pour l'obliger d'entrer le /162v/ lendemain au matin au Parlement. Ilz n'obtiendrent rien, Sadite A. ayant resolu de ce [se] faire saigner, comme elle fit, et envoya M. de Fromont au Palais pour en donner advis à l'assemblée. M. le Prince ne voulut pas non plus s'y trouver, et il n'y eut que les ducs de Luynes et de St Simon qui y assisterent. MM. des Enquestes estantz entrés dans la Grande Chambre, M. le Premier President leur dit que M. le duc d'Orleans ne pouvant pas venir ce jour là, à cause de son indisposition, avoit envoyé avertir la Compagnie de continuer, mais que le respect qu'on luy devoit meritoit bien qu'on luy fit compliment et qu'on prit sa commodité. Ces messieurs ayant sceu que M. Fromont avoit parlé seulement à M. Baron, conseiller, le presserent de dire ce que mandoit S.A.R., à quoy il respondit qu'elle avoit mandé qu'estant indisposé, elle ne pouvoit pas venir, et que les medecins l'avoit advertie que sa maladie dureroit 8 ou 10 jours, pandant lesquelz il seroit obligé de prendre quelques remedes. C'est pourquoy il prioit la Compagnie de continuer et de faire ce qu'elle jugeroit à propos. M. le Premier President et M. de Mesmes ayant dit là dessus qu'il faloit deputter quelq'ung pour sçavoir sa resolution, M. de Novion s'offrit d'y aller en mesme temps et de rendre response à la Compagnie sur les 10 heures, afin de desliberer ensuitte ce qui [qu'il y] auroit à faire; dont l'assemblée ayant demeurée d'accord, il partit sur l'heure mesme avec MM. Meusnier et Ferrand pour aller au palais d'Orleans; d'où estant de retour un peu apres 10 heures, il rapporta qu'apres avoir tesmoigné à M. le duc d'Orleans le desplaisir que la Compagnie avoit de son indisposition, et l'avoir supplié de declarer s'il desiroit qu'on continuat en son absence, qu'il respondit qu'estant malade pour 8 jours, la Compagnie pourroit faire ce qu'elle jugeroit à propos pour rendre justice et qu'elle pouvoit continuer; à quoy ledit sieur de Novion adjousta que cest response ne luy semblant pas asses precise, il pria encor S.A.R. de luy dire si elle desiroit qu'on passat outre, et qu'elle respondit qu'elle le souhaittoit ainsy; sur quoy ayant esté dit qu'il faloit opiner là dessus, M. de Novion dit que puisque l'on y vouloit opiner, il ne craindroit point de dire qu'il falloit continuer, veu que M. le duc d'Orleans avoit tesmoigné le desirer. Apres cela l'on collegea les voix, lesquelles alloint à 3 oppinions principales: la premiere, qui estoit de M. le Rapporteur, à ce qu'on attendit quelque temps la commodité de S.A.R.; la 2e, de M. Ferrand, à ce qu'on la priat de le trouver bon qu'on continua le lendemain; et la troisiesme, /163/ [Hand #6:] de M. Le Febvre, à ce qu'on atendit la resolution et que cepandant toute procedures cessassent contre ces messieurs, attendus l'arrest du jour precedant, qui portoit qu'on travailleroit ce jour là au jugement de l'affaire de M. de Beaufort, le Coadjuteur, Broussel, et Charetton, soit que l'interogatoire de Belot et de Martineaux fut fait ou non. Il y eut encor quelques autre avis particulier mais qui n'estoient differend qu'en la maniere de faire le compliment, de sorte que tous sanz colligié, le[s] voix demeurent d'accord que le mesme deputé retourneroit [à] M. le duc d'Orleans pour le prier de trouver bon qu'on continuast le lendemain toute choses cessant, et qu'on donneroit avis à M. le Prince. Le soir du mesme jour MM. le prince de Condé et de Conty, le duc de Longueville furent aresté dans la Pallais Royal et conduict dans le chateau de Vincenne. Voicy comment la Reine, pour leur oster le sujest de se formalizer de ce qu'on estoit obligé de commander pour cest office le[s] gens d'arme et chevaux legers du roy, dict audit le Prince qu'on avoit descouvert que des Coutures (qui est l'un de[s] principaux qui s'y interesse dans l'affaire pour laquelle le Parlement s'assemble) devoit se sauver par la porte de Richelieu et que M. de Beaufort le devoit faire escortter par quelque cavallerie qu'il avoit ramassé, mais qu'on n'avoit [on avoit] commandé le[s] gens d'arme et chevaux leger du roy pour le prendre, lequel on fict trouver à 4 heures precisse apres midy dans le Marché aux Chevaux; à laquel ordre les trois princes s'estant trouvé dans le Pallaiz Royal pour y assister au Conseil, entre[ent] dans la chambre où on le tien d'ordinaire, et y ayant trouvé M. le Cardinal et M. le Chanselier seul, qui divisoint ensemble, entrerent en discours avec eux. Peu apres M. l'abbé de la Riviere y estant arivé, M. le Prince se plaign[oit] à luy du procedé de M. le duc d'Orleans et de ce qui [qu'il] favorisoit les Frondeurs; à quoy cest abbé ayant voluz respondre qu'il n'estoit pas le maistre de S.A.R., M. le Prince le maltraicta fort de parole et fict son possible pour l'intimider, ce qui l'obliga à sortir de ladite chambre de Conseille, d'où M. le Cardinal sorti aussitost peu apres pour aller dans l'apartement de la Reyne; et il n'y eust que M. le Chanselier qui y demeura avec les 3 princes dans cest temps là, c'est à dire à 5 heures 3 cart. M. le Cardinal ayant esté adverty que tout estoit prest /163v/ pour executer le dessin qui avoit esté prist, dict à M. de Comminge, lieutenant des gardes de la Reine, qu'il estoit temps de faire ce que la Reine avoit commandé; dont M. de Guittaud, capitaine de la mesme garde, estant adverty, commanda à M. de Crecy, qui en est enseigne, d'arrester M. de Longueville en mesme temps que M. de Comminge arresteroit M. le prince de Conty, et luy M. le Prince. Sur cela il entrerent tous 3, et M. de Guittaud dict à M. le Prince qu'il estoit mary d'avoir ordre du Roy de l'arrester et se saisir de sa personne, mais qu'il estoit obligé d'obeir à Sa M. MM. de Comminge et de Crecy en dirent autant à M. le prince de Conty et au duc de Longueville en presence de M. le Chanselier, qui M. le Prince pria d'aller dire à la Reyne qu'il la supplioit tres humblement de luy permettre de luy dire 4 ou 5 parolles; ce que M. le Chanselier fict d'abord et luy revint dire que la Reyne estoit sur son lict qui repossoit et qui [qu'il] n'y avoit pas moyens de parler à elle. M. de Servient estant dans ce temps là, M. le Prince le pria d'allé dire à M. le Cardinal qu'il le supplioit de souffrir qu'il luy dict deux motz. M. de Servien y ayant accouru, vient promptement luy dire que la Reyne avoit deffendu à S.E. de luy parler. Enfin MM. de Guittaud, Comminges, et Crecy font descendre ce 3 princes par l'escalier derobbé qui est au bout de la gallerye et qui sort du costé du jardin, par où il le font passer chacuns dans une chaise; et estant sorty par la porte de derier, du costé du Pallais Mazarin, le fond [font] entrer dans un carosse à six chevaux quy les attendoient là, escorté par le[s] gens d'armes du roy, à la costé desquelles estoit le conte de Miaussens, leur capitaine, et par les chevaux leger, qui attendent dans le Marché aux Chevaux et qui y acoururent à mesme temps, ayant attendut le coups de pistollet qui feut tiré pour signal, et environ 200 autre chevaux. Il sortirent par la porte de Richelieu et passer au dessoub de Montmartre, mais sy vitte que le carosse versa au milieux du chemin, ce qu'il [qui] les amusa un peut; et pandant qu'on le relevoit, l'on remarqua que M. le Prince dict au conte de Miaussens que s'il estoit son amy, que c'estoit une belle occasion pour ce luy tesmogner, volant dire qu'il le pouvoit faire sauver; et que ce conte luy reparty qu'il estoit bien son serviteur, mais qu'il de[voit] /164/ fidelité au Roy. Le carosse estant relevé, poursuivit leur chemain jusque à ce qu'estant dans le chateau, la pluspart de la compagnie s'en revient au galop pour en apporter la nouvelle, laquelle ne fut sceu dans le Pallais Royal qu'apres leur retour sur les 6 heures et demie. L'on envoya un inconnu au president Perault, intendant des affaires et favoryt de M. le Prince, pour luy dire que S.A. le demandoit. Aussy tost il monte en carosse pour l'aller trouver, mais estant arivé sur le Pont Neuf, il y feut arresté par le chevalier du guet, qu'il [qui] l'emmena dans son logis, où il coucha; et le lendemain l'on le conduict dans le chateau de Meulan. En mesme temps le bruict s'estant rependu partout toute Paris que c'estoit M. de Beaufort qu'on avoit arresté, la populase prit les armes partout, et la rue en estant remply, l'on arrest le carrosse qui passe, l'on maltraitte et menace tout ceux qui sont dedans, jusque à ce que M. de Beaufort, qui durant tout cecy estoit au palais d'Orleans aupres de S.A.R., sort à cheval avec 7 ou 8 chevaux seulement, lequel furent grossie de plus de cinquante. Aussy tost qu'il fut à la porte Dauphine, il se va monstrer. Il se va monstrer partout pour desabuser le peuple de ceste crainct, et l'ayant recognu, l'estoundit "Vive le Roy et M. de Beaufort!" et enfin revin 3 heures apres dans le mesme pallais, escorté par plus de deux mil hommes, qui fit le mesme cry devant la porte Louy, qu'il y entra, dont une party y attenderent encore pres de deux heures pour l'escorter à son logis. Pandant M. le duc d'Orleans ayant mandé tous les colonelz, il se vient trouver comme leur chef. Il se tient fort bien et leur commande d'enpesher qu'on ne prent les armes et empesher le rumeur s'il en arive. Il promettent d'obeir à ses ordres; et M. le Prince n'estant pas moing ahy [haï] que M. de Beaufort en est aymé, chacun se resjouy qu'on en auroit faict en plusieur endroict de feux de joye si le colonel ne l'eussent empeshé; et ainsy tout demeura dans le calme. Le Prevost de Marchand, qui en est encore fort ahy [haï], estant arrivé au pallais d'Orleans un peu apres le retour /164v/ du duc de Beaufort, fut recognu de quelqu'un de ce[ux] qui attendoint ce duc à la porte dudit pallais, lesquelz resolurent de le massacrer; mais en ayant esté adverty, sorty par la porte des escurye à la derobbé et s'en alla par un autre chemin

MM. de Bouteville et Vireville [?] furent au mesme palais et demanda pardons, protection à S.A.R., quy les envoya à la Reine. Le premier s'en porta à faire des reclamations pour la detentions de M. le Prince, quy a dict que c'estoit des violanse bien injuste d'arrester un premier prince du sangt qui avoit sauvert l'Estat tant de fois; à quoy M. de Laigu ayant faict quelque reparty qui luy deplust, M. Bouteville le querellera et il commancer [ils commencerent] à sortir tout deux pour se battre, dont Mlle de Chevreuse, qui estoit dans la chambre de Madame, estant averty par le rapport qu'on en fict audit, courut vit apres luy toute seule et ayant attrappé M. de Laigu sur le grand escallier, l'emmena elle mesme devant S.A.R., qui luy dict de n'en sortir point.

Quant à ce qui passa ensuitte au Pallais Royal, ce qu'il y a plus de remarquable fut que M. de Villequier se plaignit de ce qu'on ne l'avoit poinct employé en cest occasione. La Reyne ayant esté adverty de la rumeur populaire, envoya deux personnes pour chercher M. de Beafort afin qu'il s'allast monstrer. Elle blasma fort l'humeur et ce proceddé de M. le Prince, ayant dict mesme que depuis peult il s'estoit rendu insolent en plusieures rencontres. Le mareschal de Grammon se diffiant qu'on le tiendroit pour suspect à cause de la bonne intelligence qu'il avoit avec M. le Prince, fut trouver la Reine et M. le Cardinal et leur descouvrirent 4 autres intrigues et de S.A.R., apres s'estre excusé le mieux qu'il peult et de n'en n'avoir [n'en avoir] pas adverty plutost S.A. qui en demeura satisfaict, et ce mareschal a depuis couché dans le Pallais Royal pour estre plus en seuretez. Le Premier President feut aussy au Pallais Royal, où il declara à la Reine qu'il n'avoit suivi le sentiment de M. le Prince qu'en tant qu'il croyoit qu'il alloit de droict chemin dans le service du Roy et la supplia de croire q'il n'avoit jamais eu d'autre pensez, dont la Reine fut contente et luy command de faire juger promptement l'affaire de /165/ [hand #1 returns] de [sic] Beaufort, le Coadjuteur, et Broussel, à quoy il respondit que ceste nouvelle conjoncture de la prison de M. le Prince serviroit beaucoup à leur justiffication. Sur cela la Reyne, apres avoir loué le Premier President des services qu'il avoit rendu à l'Estat, et dit au Roy qu'il l'embrassat, ce que Sa M. fit, plusieurs autres personnes de qualité se sentant aussy suspectz à la Cour par l'intelligence qu'ilz avoit avec M. le Prince, s'en allerent pandant la nuict, entre autres le prince de Marcillac, le duc de Bouillon, les mareschal de Brezé, la Motte, et de Thurenne, les marquis de la Moussaye, de Fortz, de Matignon, de Beuvron, et les chevaliers de Riviere, de Granmont, Chambon, et quelques autres. L'on croit que le duc de Bouillon, le mareschal de Turenne, et le marquis de la Moussaye se sont allés jetter dans les places de Stenay, Clermont, et Jametz, et que les trouppes allemandes qui ont leurs quartiers d'hyvert en Lorraine les y doivent venir trouver; mais hyer la Reyne ayant envoyé dire à Mme de Bouillon que le duc son mary pouvoit revenir avec le mareschal de Turenne et qu'elle leur promettoit touttes seurté, à quoy cette duchesse fit response qu'elle attendoit son mary et qu'elle esperoit qu'il reviendroit.

Mme et Mlle de Longueville partirent d'icy avec le petit comte de Dunois apres minuict à cheval et trouverent MM. de Matignon et de Beuvron, de Fort, Chambon, et autres qui les attendoint avec 30 ou 40 chevaux hors la ville pour les escorter. Despuis l'on a eu advis qu'elles se sont jettées dans le Vieux Palais de Rouen avec le marquis de Beuvron, qui en est gouverneur; et d'autres asseurent qu'elles sont à Dieppe.

Le 19 du matin Mme la Princesse douairiere eut ordre par 3 fois de se retirer. Elle ne voulut faire aucune response aux deux premieres fois, mais à la 3e elle envoya demander à la Reyne 3 jours pour y disposer ses affaires; ce que Sa M. luy accorda et luy donna le choix de se retirer ou à Chantilly, ou à telle autre de ses maisons qu'elle voudroit. Pendant elle fit enlever le petit duc d'Anguien, on ne sçait où elle l'a envoyé. Elle a despuis esté visittée de tous les grandz de la Cour et doit partir demain au matin pour se retirer à Chantilly avec Mme la Princesse, sa belle fille, /165v/ ayant pour cest effect touttes deux fait partir leur train aujourd'huy.

M. de Barre commande la garnison du Bois de Vincennes, laquelle a esté renforcée de 3 compagnies. Le mareschal de Ransau en est sorty ce matin, ayant esté mis en liberté.
L'on licentie les regimentz des 3 princes arrestés avec toutte leur gendarmerie, cavalerie legere, et gardes. Touttes leurs trouppes se montoint à 10 [mil?] hommes.

On dit que M. de Beaufort est accommodé avec M. le Cardinal. Il le doibt saluer aussy tost qu'il sera absous au Parlement, et qu'ensuitte le mariage de M. de Mercoeur se doibt faire avec la niepce de M. le Cardinal, et celuy de M. de Beaufort avec Mlle de Chevreuse, mais ce sont des bruitz de ville.
Le mesme jour MM. du Parlement estant assemblés, le mareschal de l'Hospital porta une lettre de creance par laquelle il advertissoit ces messieurs de suivre les ordres que ce mareschal leur diroit. Apres la lecture de cette lettre, ce mareschal dit que Sa M. voulant advertir la Compagnie des raisons qu'il avoit [qui l'avoit] obligé de faire arrester M. le Prince, lequel vouloit qu'on luy envoyat des depputtés. On leut ensuitte les interrogations de des Martineaux et Belot, dont le premier charge seulement M. de la Boulaye et dit qu'il estoit le xi au soir dans la place Dauphine avec mauvais desseings, et le 2 nie tout. Puis on leut les conclusions du Procureur General contre MM. de Beaufort, Coadjuteur, Broussel, et Charreton, lesquelz ont donné lieu à M. de Chanrond de vouloir repetter les informations; où ayant esté interrompu, il dit si l'on vouloit qu'il ne liroit point leur charges mais seulement leurs descharges. Il conclut ensuitte qu'il n'y avoit point lieu de donner decret contre MM. de Beaufort, Coadjuteur, et Broussel, lesquelz il croyoit innocentz, mais que pour leur descharge il treuvoit à propos qu'ilz reprissent leur places, et qu'ilz advertissent la Compagnie, teste couverte, de ce qui s'estoit passé dans les conferences où ilz ce [se] sont trouvés; sur quoy plusieurs ayant dit qu'ilz ne parloit point de M. Charretton, il respondit qu'il n'avoit pas encor peu resumer /166/ les charges qui sont contre celuy cy, ce qui feut cause que l'on remit au lendemain à juger ces 4 messieurs.

L'apres disnée les deputtés du Parlement au nombre de 30 ou 40 feurent au Palais Royal, où la Reyne leur dit qu'elle leur envoyeroit le lendemain les raisons et motifz de la prison de M. le Prince, et adjousta qu'elle estoit tousjours dans la resolution de faire executter punctuellement la declaration faitte avec eux.

Hyer MM. de Luynes et de l'Hospital se trouverent au Parlement, où M. le Premier President ayant fait raport de ce qui s'estoit passé à la deputation du jour precedent, M. de Chanront reprit les charges qui sont contre M. Charretton et conclut à le descharger entierement, en faisant une declaration de ce qu'il sçavoit estre arrivé dans les assemblées des rentiers devant la sedition, laquelle il feroit apres avoir pris sa place, teste couverte, comme les 3 autres messieurs. M. Doujat, apres avoir fort declamé contre ces porteurs de lettres de cachet, conclut la mesme chose à l'esgard de M. Charretton, parce qu'il est un peu plus chargé; et à l'esgard des 3 autres à estre renvoyé sans faire aucune declaration. M. Crespin feut d'advis de les renvoyer aussy à condition qu'ilz se deporteroint de l'action qu'ilz pourroint intenter contre leurs accusateurs. D'autres les vouloint renvoyer tous 4 sans declaration. M. Ferrand fit un fort joly discours par lequel il remonstra qu'on devoit terminer cest affaire tout à la fois, et qu'il avoit ouy dire que Solon, dans une affaire pareille à celle cy, avoit souhaitté que les loix dormissent, le jour auquel une sedition estoit arrivée, et qu'ainsy il seroit à desirer que les loix dormissent le xi decembre, et que l'on ne parla ny de l'assasinat de Joly, qu'il croyoit veritable, ny du desordre qui estoit ensuitte arrivé; que pour ses [ces] 4 messieurs, il faloit les renvoyer absoluement, attendu qu'il n'y avoit de charges contre eux; et quant aux tesmoins, ilz y n'adjousteroint point de foy quand ilz en diroint 4 fois davantage que pour les autres, et notanment M. de la Boulaye. Il se souvenoit que du temps du roy Henry IV, un gentilhomme ayant esté condenné à mort pour avoir assasiné un prevost des mareschaux, avoit obtenu sa grace du roy, laquelle luy feut apportée lors qu'il sortit de la Conciergerie pour estre conduit au suplice, où il arriva une /166v/ chose remarquable: qu'ayant esté remis en prison pour estre absous le lendemain, ses cheveux luy blanchirent entierement dans cette nuit là, bien qu'il feut d'ung poil noir; et quelq'uns ayant remonstré à Sa M. qu'il ne meritoit point de grace, elle leur dit, "Ventre saint Gris, que voules vous que je fasce! Je ne sçaurois veoir mourir un homme que j'ay veu sans [cent] fois exposer sa vie pour sauver la mienne"; ainsy que M. de la Boulaye ayant exposé cent fois la sienne pandant nos derniers troubles pour conserver celle de tout Paris, il n'estoit pas juste d'oublier cy [sy] tost ses services; et conclut qu'il estoit à propos d'envoyer querir les Gens du roy pour faire en sorte qu'ilz obtinssent du Roy une amnistie de tout ce qui s'estoit passé le xi decembre, en consideration de la fidelité que Sa M. avoit recognu dans Paris ce jour là. Quelques autres feurent partagés, et M. Menardeau, apres avoir un peu blasmé la tropt grande chaleur du president Charreton, conclut à ce qu'il fit sa declaration derriere le barreau et les 3 autres dans leur places. M. Coquelay fit encore ensuitte un fort joly discours qui commencea par ce lieu commung que les desseings des hommes ne reeusisoint pas tous les jours selon qu'il se persuadoint; ainsy comme on pouvoit veoir en l'affaire presente; puis il remarqua que les antiens Sifforiens trouvoint tousjours quelques presage des grandes seditions qui arrivent dans les estats et que comme ceux qui habitent sur les costes prevoyent l'orage par le cry de certains oyseaux, ainsy que les cris des rentiers estoint des presages des tumultes qu'on a voulu despuis excitter; mais que si un Roman disoit autres fois en faveur de sa republique que les dieux s'opiniastroint à la conserver, Pertinax deorum indulgenties, nous pouvions le dire avec plus de raison de nous, etc; et ensuitte estant venus au fondz et ne trouvant point ces messieurs chargés, il tesmoigna qu'il estoit en peyne des termes dont on se devoit servir pour les renvoyer, que la diversitté des advis de messieurs le faisoint souvenir d'une histoire qui est dans Servius, commentateur de Virgille, où un pere ayant recontré son enfant q'ung serpent avoit entortillé pour le devorer, /167/ se trouva bien empesché à diriger son coup pour esgorger ce monstre sans blesser ny mesme affleurer son enfant; ainsy que ces 3 messieurs s'estant trouvés envelopés dans les plis d'une sedition, il estoit empesché à estouffer ce monstre sans les endommager; apres quoy il conclut comme le rapporteur, et M. Gontier à estre renvoyé sans declaration. Puis M. Viole ayant commencé à parler, MM. les Gens du roy entrerent, et M. Talon dit qu'il venoit de recevoir un pacquet de la part du Roy dans lequel il y avoit 3 lettres: l'une adressante au Parlement, l'autre à M. le Premier President, et la 3e à luy, par laquelle le Roy luy commandoit de presenter incontinent la lettre du Parlement, qu'il mit entre les mains de M. de Chanrompt, qu'il l'a [qui la] leut tout haut. Elle contenoit les raisons pour lesquelles le Roy a fait emprisonner M. le Prince, et feut enregistrée. A la sortie un homme feut asses hardy pour tirer le Premier President par la manche et luy dire ces motz, "Monsieur, vous aves perdu vostre proces. Nargues pour vous et pour Champlastreux."

Ce matin les sceances estant prises, M. Viole a continué le discours qu'il avoit commencé et a esté d'advis que les conclusions des Gens du roy feussent suprimées, en quoy quelq'ungs l'on [l'ont] suivy. Il y a eu quantité d'autres advis differentz, mais qui tous abouttissoint à chercher des termes pour justiffier l'innocence de ces messieurs le plus advantageusement que faire ce [se] pourra. Quant aux tesmoings qui ce [se] treuvent chargés des lettres de cachet, messieurs ont tous declamés contre eux et estimé ce proceddé tout nouveau et tres dangereux. Quelq'ungs decernent prise de corps contre eux, d'autres concluent à ce que leurs depositions soint declairés nulles, et d'autres mesmes les rendent complices de la sedition, attendu que c'est un bonnettier qui a donné advis de l'assemblée de la place Daufine et non point eux, quoy qu'ilz feussent presentz. Enfin M. Quatresoulz ayant fort declamé contre eux et contre le raillerie dont ilz sont commis, la parolle en est demeuré à M. Le Coq, lequel resonnant sur leurs depositions a remarqué que n'estant point en forme d'interrogatoire mais plustost un discours poly, il y auroit subject de croire qu'elles auroint esté données par escript, /167v/ si on ne cognoissoit la prudence de MM. les raporteurs; ce qui obligea M. de Chanront de dire que veritablement s'estant presentés pour estre interrogés, l'ung d'eux avoit tiré de sa poche un escript que contenoit sa deposition, lequel il luy avoit fait incontinent reserrer; sur quoy plusieurs ont dit qu'il devoit le prendre et le paraffer; mais il adjouste que ces tesmoings ayant insisté qu'on luy permit du moings d'avoir un billet entre ces [ses] mains afin de ne se tromper point dans les dattes et les personnes, il en tira un de sa poche où estoint marqués les temps et les noms de ceux dont il vouloit parler. Sur cela l'heure a sonné et on a remis à achever demain au matin.

Mme d'Orleans est grosse de 2 mois.

Le Roy s'en va à Normandie pour ce [se] faire rendre les places que le duc de Longueville y tient, lesquelles sont touttes fort bien munies, et les gouverneurs semblent estre resoulus de s'y deffendre.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653