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Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/348/ De Paris le 6 janvier 1651

Sur l'advis qu'on a eu que le Parlement de Bourdeaux avoit envoyé deux [?] commissaires à Agen pour faire le proces à un lieutenant des gardes de M. d'Espernon et à 6 de ses gardes, qu'on y a mis en prison, l'on y a envoyé un huissier de la chaisne avec un arrest du Conseil qui evoque cest affaire et deffend à tous autres juges d'en prendre cognoissance, et ordonne à M. de St Luc, lieutenant du roy en Guyenne, d'y tenir la main et de faire transferer les prisonniers à Blaye jusques à ce qu'il en soit autrement ordonné. Les deputtés de Bourdeaux receurent la semaine passée des lettres de leur parlement pour celuy de Paris, lesquelles ilz n'ont pas encor rendues, en ayant esté empeschés par M. le duc d'Orleans, qui leur a promis qu'aussytost que la Reyne se porteroit bien, il leur feroit donner contentement sur les instances qu'ilz font pour la nomination d'ung nouveau gouverneur. Le duc de Bouillon, qui est tousjours dans sa vicomté de Turenne, a escrit une lettre au Parlement de Bourdeaux qu'encor que Madame sa femme vient à Paris, où elle arriva le 29 du passé, neamoings il seroit tousjours prest à les servir lors que l'occasion s'en presenteroit. Il se confierme que le marquis de Lusignan est allé en Espagne, ce qui a donné subject au Parlement de Bourdeaux d'ordonner, à la requisition du Procureur General, qu'il seroit informé contre luy et contre les marquis de Sillery et le comte de Cugnac, petit filz du mareschal de la Force, qui sont aussy passés en Espagne.

Le 30 du passé l'Assemblée du clergé desliberant si elle devoit donner au Roy, les 7 provinces qui avoint esté d'advis de donner resoleurent de le faire, et les 6 autres resoleurent le contraire, les deux restantes estant caduques. Ainsy l'affaire demeurant dans ceste desunion, les 7 provinces ne laisserent d'octroyer 600 mille livres, dont la Cour n'est pas contente.

Le 31 au soir M. le Cardinal arriva icy en triomphe, M. le comte d'Harcour luy ayant esté au devant à cheval avec les mareschaux de Schomberg, de l'Hospital, de Villeroy, du Plessis, le duc de Chevreuse, et tous les amis de S.E., accompagnés des gendarmes et chevaux legers du roy et de la reyne. L'escorte qui l'avoit conduit de Rheins icy, mena en mesme temps au Bois de Vincennes Don Estevan de Gamara, Boutteville, et 10 autres des principaux prisonniers de la batailles, y compris le marquis de Jersey.

La semaine passée la Reyne ayant resolu de faire 3 mareschaux de France, sçavoir MM. de Villecquier, de la Ferté Seneterre, et d'Hoquincourt, M. le duc d'Orleans la pria de se souvenir de la promesse qu'elle luy avoit tousjours faitte de donner le premier baston à M. de la Ferté Imbaut, comme plus antien mareschal de camp, et resolut de ne consentir que les 3 premiers fussent promeus à cette dignité à moings que celuy fut compris le premier; ce qui fit grand bruit pendant 3 jours, sçavoir despuis le 29 du passé jusques au 2 du courant, S.A.R. n'ayant point sorty de son palais durant ces 3 jours là.

Le 31 S.A.R., estant arrivée, envoya sçavoir au palais d'Orleans si Son A. auroit agreable qu'elle l'allat visitter, à quoy elle respondit froidement qu'elle n'en prit point la peyne. Ainsy S.E. ne la vit point jusques au 2, que Sadite A. fut au Palais Royal apres /348v/ qu'on luy eut faict esperer de luy donner contentement sur l'affaire de M. de la Ferté Imbaut dans 2 jours. M. le Cardinal luy fit la reverence, mais quoy que ce fut avec des soubmissions extraordinaires, elle le receut asses froidement et ne voulut point souper ches luy, où le festin estoit preparé et où les beaux joueurs avoint esté appellés pour le divertir. On pressa fort S.A.R. de ne donner plus de protection à MM. de Beaufort et le Coadjuteur, mais ce fut inutilement. Les raisons furent qu'elle ne voyoit point que ces messieurs eussent aucung mauvais desseing contre l'Estat; qu'elle les croyoit bons serviteurs du Roy; et qu'il n'estoit pas juste qu'on fit perir ou que l'on maltraittat des personnes de leur consideration pour une querelle particuliere qu'ilz avoint avec M. le Cardinal, dans laquelle il estoit plus à propos de chercher des moyens d'accommodement que d'aigrir l'affaire davantage; dont ilz feurent le lendemain remercier S.A.R. et ne veulent point ouyr parler d'accommodement avec S.E.

M. de Belloy, nagueres lieutenant des gardes du corps de M. le duc d'Orleans, a achepté de La Frette la charge de cappitaine des mesmes gardes, dont le vicomte d'Ostel, qui en est aussy cappitaine et qui l'avoit voulu achepter de M. de la Frette pour reunir les deux semestres en un, fut fort fasché et s'en plaignit à S.A.R., luy disant qu'il inferoit de là qu'elle estoit lassée de ses services; à quoy elle respondit qu'il luy en devoit avoir parlé avant qu'elle donnat parolle à Belloy de le recevoir, mais il ne servira que 3 mois, le viconte d'Ostel ayant voulu servir ce quartier, estant à present plus antien cappitaine que luy.

MM. Baltasar et d'Ormesson, maistres des requestes, ayant esté commis par M. le Garde des Sceaux pour instruire et faire le proces au sieur de La Cour Chevalier, conseiller de la chancellerie, le voulurent interroger avant qu'on le conduisit dans la Bastille, mais il n'a pas voulu leur respondre; sur quoy ilz le menacerent de luy faire le proces comme à un muet; neamoings il continue dans sa declinatoire, disant qu'estant secretaire du roy il n'avoit point d'autres juges que le Parlement, auquel sa femme presenta le 30 une requeste; sur laquelle il fut ordonné que ces deux commissaires seroint cités au Parlement pour rendre conte de leur procedures contre ledit La Cour dans ce jour là; ce que n'ayant pas fait, le Parlement decretta le 31 adjournement personnel contre eux.

On escrit de Tholouse que le Parlement y a cassé un arrest du Conseil par lequel les sieurs de Savaillan, lieutenant de la citadelle de Leytoure, et Lucas, lieutenant criminel dans Leytoure, estoint relevés et absous de la condennation de mort dudit parlement; et a ordonné que celui de Paris seroit prié de concourir avec luy pour obtenir ce qu'il demande à la Cour touchant cette affaire.

Les Estatz de Languedoch ne sont pas encor levés, ne voulant pas donner les 600 mille livres qu'ilz ont accordé au Roy qu'on ne leur aye promis que toutte la province seroit deschargé des quartiers d'hivert et qu'on leur tiendroit conte de cette somme.

/349/ Le marquis de Persan est fort mescontent de ce qu'on n'a pas voulu restablir les cappitaines de son regiment selon le traitté fait entre luy et le feu sieur d'Alvimar de la par[t] du Roy, M. le Cardinal n'ayant pas voulu deposseder ceux à qu'il [à qui il] avoit donné ces compagnies; ce qui oblige ce marquis à menacer de retourner dans Mourron.

Le 3 on eut advis que les troupes qui avoint joint le marquis de la Ferté Seneterre avoint assiegé Bar le Duc, dont la garnison lorraine de 200 capitula en mesme temps, sans attendre que le canon y feut arrivé, et en sortit. Ensuitte les mesmes troupes ont pris le chasteau d'Espinal de la mesme façon.

 Le comte de Ligniville, general des Lorrains, est mort des blesseures qu'il a receues en la bataille. Le prince de Ligne, prisonnier despuis la bataille de Lens, a esté mis en liberté à la recommendation de Mme de Chevreuse, à laquelle il a fait un present de 30 mille escus.

Le 4 un president au mortier, 2 conseillers de la Grande Chambre, et un de chasque chambre des Enquestes feurent deputtés, suivant l'arrest du 30, vers S.A.R. pour la prier d'appuyer de son authorité les remonstrances du Parlement sur la liberté de MM. les princes. Elle leur fit response qu'elle entroit dans tous leurs sentimenntz, mais qu'elle n'estimoit pas qu'il feut encor temps de parler de la liberté de MM. les princes. Le Parlement n'a pas eu encor audiance de la Reyne, qui a respondu aux Gens du roy qu'elle ne se portoit pas asses bien pour les entendre. Sa M. a trouvé fort mauvais que le Parlement aye souffert que l'arrest du 30 feut imprimé.

M. de Mercoeur arriva le 4, et on remarqua que sa premiere visitte, apres avoir salué la Reyne, feut ches les niepces de M. le Cardinal, et ensuitte ches S.E. Il n'a point encor veu M. de Beaufort. L'on a mandé M. de Vendosme, et l'on croit que c'est pour accommoder ces deux freres et pour conclurre le mariage du premier avec Mlle Mancini. MM. les Cathalans sont malsatisfaitz de luy, pretendant qu'il a receu 12000 livres despuis qu'il est en Catalougne, et qu'il ne paroit point qu'il en aye tant receu. Il est fort malaisé de contenter ces messieurs. Ilz ont escrit icy au mareschal de la Mothe en particulier, le priant d'aller en ce pays là, l'asseurant qu'il seroit bien receu.

Le 31 du passé le recteur de l'Universitté feut trouver MM. les Gens du roy pour les avertir qu'au prejudice des libertés de l'Eglise gallicane, il se publioit un bref de l'Inquisition de Rome donné contre le cathechisme de grace fait par les Janssenistes; dont ces messieurs l'ayant remertié, en firent raport le 2 du courant au Parlement, requerant qu'il feut faict deffenses de le publier et d'y avoir esgard, attendu qu'il n'avoit point esté veriffié au Parlement comme c'est l'ordre; et il y eut arrest portant deffenses aux archevesques, evesques, et autres de recevoir aucung /349v/ bref de Rome qui n'ay esté veriffié en Parlement, faute de quoy on n'y aura point d'esgard.

Hier le Roy ayant envoyé prier M. le duc d'Orleans d'aller souper avec luy, S.A.R. promit d'y aller; et ensuitte on luy dit que ce seroit dans l'apartement de M. le Cardinal, où elle ne laissa pas de se trouver, ayant desja promis au Roy, qui le voyant arriver, le receut avec grand acceuil et le pria instanment de souffir que M. de Villequier feut nommé mareschal de France devant M. de la Ferté Imbaud; ce que S.A.R. ne peut luy refuser, apres avoir parlé à celuy cy, qui y consentit dans cette conjoncture, d'autant plus qu'on luy avoit fait entendre que cette querelle seroit cause qu'on n'en feroit qu'à la majoritté du Roy, auquel temps, peut estre, sa pretention ne treuveroit pas l'appuy et la faveur qu'elle trouvoit à present. Ainsy cette difficulté estant vuidée, Sa M. nomma les nouveaux mareschaux de France: sçavoir, M. de Villequier le premier, M. de la Ferté Imbaud le second, M. de la Ferté Seneterre le 3e, et M. d'Hocqincourt le 4e; et parce que le comte de Grandecy, qui pretend aussy au baston, ne se voyant pas asses fort pour l'obtenir, estoit party d'icy le 31 en poste, faisant semblant d'aller au devant de S.E., et s'estoit jetté dans son gouvernement de Gravelines y faire le mescontent, on luy a envoyé un courrier pour luy dire qu'il vint chercher icy le baston de mareschal de France; mais on ne sçait pas s'il s'y fiera; et afin qu'il aye moings de subject d'en faire difficulté, on a envoyé un autre courrier à M. de la Ferté Seneterre afin qu'il vient aussy recevoir le sien.

/350/ le 13 janvier 1651

M. Ferrand, qui a l'administration des biens de M. le Prince, ayant fait un voyage au Havre despuis la mort de Mme la Princesse [douairiere], en revient la semaine passée et apporta nouvelle que M. le Prince avoit approuvé d'abord tout ce qui est contenu dans le testament et codicille de Mme la Princesse, mesmes les legs qu'elle a fait à Mme de Chastillon, quoy que par son contrat de mariage elle avoit renoncé à touttes ses pretentions sur les biens de la maison de Montmorency et a escrit de sa main son aprobation par apostille aux marges du testament et codicille; et a donné ordre à M. Ferrand et à l'intendant de Mme la Princesse de travailler au partage de ce bien; et en cas qu'il arrive des contestations, il en a remis le jugement au president de Nesmond, et a retenu tous les officiers de la defuncte jusques à ce que le partage soit faict, voulant apres retenir ceux qui luy seront propres et recompenser les autres. Il s'occuppe à lire l'histoire, aussy bien que messieurs ses freres.

Le 5 du courant le Roy ayant nommé les 4 mareschaux de France, on commencea à soupper ches M. le Cardinal, où plusieurs beurent extraordinairement, entre autres le chevalier de Guyse et le duc d'Amville, qui feut roy de la feve. Ilz y tiendrent quantité de discours de mespris contre les Frondeurs, qui souperent ce soir là ches M. de Beaufort et y parlerent avec la mesme liberté contre les Mazarins.

M. de Villequier ayant voulu se faire nommer le mareschal d'Aumont, le marquis de ce nom, qui est son aisné, s'y est opposé et a eu grosses parolles avec luy, qu'ilz ont esté prestz à se battre. M. de la Ferté Imbaud se faict nommer le mareschal d'Estampes. Il n'y a point encor de nouvelles du comte de Grancey, quoy qu'on die qu'on luy a envoyé des ostages pour sa seurté.

Il y a eu disputte entre MM. du Plessis Guenegaud et Le Tellier sur les pretentions qu'ilz avoint tous deux d'expedier les lettres patentes à ces nouveaux mareschaux. Ce premier pretendoit estre en droit de les expedier, tant à cause qu'il est en mois qu'ayant les affaires de la maison du roy; mais le dernier a eu plus de faveur que luy et l'a emporté, ayant fondé ses pretentions sur ce que ce sont des charges de guerre.

Le mesme jour le Parlement estant assemblé, le marquis de la Mesleraye y fit enregistrer ses prouvisions de grand maistre de l'artillerie de France, et M. d'Irval y feut receut en la charge de president au mortier vacante par la mort du president de Mesmes. Ensuitte le president de Novion y fit son rapport de la response que S.A.R. luy avoit faitte lors que luy et les autres deputtés du Parlement l'avoint prié d'appuyer de son authorité les remonstrances du Parlement, et dit qu'elle luy avoit representé qu'il n'estoit pas encor temps de parler de la liberté de MM. les princes, attendu que le mareschal de Turenne avoit encor les armes à la main et des plans de retraitte; sur quoy MM. les Gens du roy dirent qu'ilz avoint esté au Palais Royal demander audiance à la Reyne, que Sa M. leur avoit fait dire qu'elle ne se portoit pas asses bien pour les entendre, qu'elle avoit encor deux medecines /350v/ à prendre auparavant; apres quoy on leur donna ordre d'y retourner, comme ilz firent, mais on les remit au 12.

Le mesme jour l'Assemblée du clergé receut une lettre de cachet du Roy portant ordre de ne se separer point jusques à ce qu'elle octroye ce qu'elle doit donner à Sa M.; sur quoy l'evesque d'Auxerre fit son raport à la mesme assemblée de l'offre de 600 mille livres qu'elle accordoit au Roy, laquelle a esté acceptée par la Reyne aux conditions qu'elle est octroyé. On croit que les 6 provinces qui ne vouloint rien donner consentiront à cet octroy, qui doit estre employé au sacre du Roy, qu'on parle d'aller faire dans le 15 de fevrier prochain à Reins.

L'archevesque de Rouen receut la semaine passée une lettre de cachet portant ordre de remettre son concile à un autre temps; à quoy n'ayant voulu s'arrester, le Parlement de Rouen donna un arrest portant deffense à luy de tenir ce concile; dont l'Assemblée du clergé ayant eu advis avant hier, resolut que sans avoir esgard à cet arrest, il seroit escrit à cet archevesque pour le prier de ne differer point ce concile, et à tous les evesque et autres esclesiastiques de la province de s'y trouver au jour indit.

L'archevesque de Tours est aussy dans la pensée d'en faire tenir un dans sa province.
Le mesme jour 7 M. Cupit, nommé à l'evesché de Dol et cy devant evesque de Leon, fut dans l'Assemblée du clergé sur ce qu'il avoit apris qu'elle se plaignoit de ce qu'il s'ingeroit encores pour les fonctions episcopales de l'evesché de Leon, et que le Pape ne l'avoit peu deposseder; sur quoy l'Assemblée desliberant, arresta qu'elle escrivit au esclesiastiques de Leon de ne le recognoistre en aucune façon; et en cas qu'il continuat dans ses interprises, qu'on escriroit une lettre circulaire à tous les evesques de France pour les prier de n'avoir aucune communion avec luy.

Le 8 l'evesque de Beauvais feut sacré par l'archevesque de Reins à St Magloire. L'evesque d'Avranches a voulu traitter de l'evesché de Metz, mais il n'y a encor rien de fait. Il a receut recompense du sien, dont M. de Boisleve, conseiller au Parlement, luy a donné 14 mille livres de rente en benefices.

M. d'Elbene, antien evesque d'Alby, mourut en cette ville le 9 au soir et feut enterré le xi au Temple.
Le sieur Sillon, secretaire de M. le Cardinal, fait imprimer un livre qu'il a fait du ministere, par lequel il veut faire veoir que les roys peuvent agrandir leurs sujetz tant qu'il leur plait, et que la gloire des belles actions qui ont esté faittes par MM. les princes et autres chefs d'armée despuis la Regence est deue aux sages conseilz de S.E.; cepandant on fait lire avec grand soings ce beau livre au Roy.

Le marquis d'Asserat ayant achepté l'année derniere le gouvernement de Guerand en Bretagne, et s'estant fait recevoir par M. le Garde des Sceaux, M. le mareschal /351/ de la Mesleraye a obtenu un ordre du Conseil à ce marquis d'apporter icy les prouvisions, à cause qu'il n'avoit pas pris attache de luy comme lieutenant en Bretagne; mais ce marquis a assemblé tous ses amis en Bretagne et s'est bandé contre ce mareschal, ne voulant pas obeir à cet ordre.

M. du Prefontaine, frere de M. Le Roy, premier commis de M. le Tellier, a achepté de M. Larcher la charge de secretaire de Mademoiselle. On dit qu'elle veut faire le mariage de M. Saujon l'aisné avec Mlle de Fouquesolles, comme elle a fait celuy de Mlle de Saujon la jeune avec le marquis de Rivaux.
On parle de faire revenir M. le Chancellier pour tenir le Conseil de finances, les financiers ne pouvant s'accorder avec M. le Garde des Sceaux, qu'on tasche de faire consentir à ce rappel.

On envoye en Dauphiné les ordres pour faire desloger touttes les trouppes, cette province là s'estant obligé de donner 400 mille livres pour les arrerages des tailles des années 1648, 49, 50, que pour s'exempter cette année des gens de guerre.

Les soldatz du regiment des gardes n'ayant pas encor esté payés, continuent à voler sur les chemins aux environs de Paris en plain jour, prenant tout ce qu'ilz peuvent aux paysans qui apportent des prouvisions à Paris, ayant mesmes volé la semaine passée le coche de Bassou en Bourgoigne qui vient par eau; ce qui donna subject le 9 à MM. des Enquestes de s'assembler au cabinet de la premiere, où ilz resoleurent de demander le lendemain l'assemblée du Parlement, comme ilz firent; mais le Premier President respondit à cela que le mareschal de Granmont (qui arriva icy le 7) avoit promis d'y remedier. Ces messieurs demandent d'estre admis par depputtés à touttes les assemblées de l'Hostel de Ville et d'y avoir voix dans touttes les desliberations.

Les habitans d'Amiens ayant esleu un maire et des eschevins conformement aux privileges qui leur feurent accordés par un edit du roy Henry 4 en l'année 1597, le duc de Chaunes, qui en est gouverneur, en a nommé d'autres à sa devotion en vertu d'ung arrest du Conseil; sur quoy les premiers luy ayant voulu remonstrer que c'estoit contre leurs privileges, il les a traitté de seditieux et n'a point voulu entendre leur raisons; ce qui les a obligé de se pourveoir au Parlement, où la cause ayant esté plaidée avant hier. Il feut ordonné que ledit edit d'Henry 4 seroit executté et que l'assemblée des eschevins en charge et des conseillers se feroit en la maniere accoustumé, conformement à cet edit, pour l'eslection des eschevins; et que le duc de Chaunes seroit cité au Parlement pour respondre aux conclusions que le Procureur General a prises contre luy.

Les lettres de Bourdeaux portent que le lieutenant des gardes de M. d'Espernon /351v/ n'ayant pas voulu respondre aux commissaires du Parlement de Bourdeaux, que l'on les menaceat de leur donner la question et de luy nommer un tuteur pour luy faire son proces. Ilz l'ont condemné, avec les 6 gardes qui estoint avec luy, à faire amande honnorable dans Agen, à une amande de 1000 livres, et les ont bannis du ressort de la seneschaussée à perpetuitté, ce qui a esté aussytost executté; duquel jugement le peuple n'estant pas content, on a esté contraint, pour empescher qu'on ne les maltraitta, de les faire sortir dans les carrosses des commissaires du Parlement, qui sont de retour à Bourdeaux, où l'on travaille a radouber les vaisseaux, on ne sçait pas à quel desseing.

Hier les 2 commissaires deputtés par M. le Garde des Sceaux pour faire le proces au sieur La Cour Chevalier menerent dans la Bastille plusieurs tesmoings pour les luy confronter, mais il persiste toujours à ne leur vouloir pas respondre. On le menace de luy faire le proces comme à un muet, mais on ne croit pas que le Conseil l'entreprenne, à cause que le Parlement s'en est reservé la cognoissance et l'a interditte à ces deux commissaires.

MM. des Enquestes voyant les remises que la reyne fait de donner audiance aux deputtés du Parlement, feurent à la Grand' Chambre demander l'assemblée; sur quoy il leur feut dit que MM. les Gens du roy retourneroint ce matin, comme ilz ont fait, au Palais Royal, et que si Sa M. ne la leur accordoit, on s'assembleroit.

On confierme de Bruxelles que le duc de Lorraine s'est accommodé avec l'evesque de Liege, moyenant 20 mille risdalles qu'il doit recevoir des Liegeois. Le langrave de Darmstat estoit de retour en Holande, où il estoit allé pour les interestz de la religion de Malte, demander la jouyssance du bailliage d'Utret [Utrecht] et la commanderie d'Harlen [Haarlem], sans y avoir obtenu aucune chose; mais il menace d'user de reprisaille sur les Holandois qui trafiquent en Levant. Le comte de Ligniville n'est pas mort, et l'on espere qu'il pourra guerir de ses blessures.

M. de Vendosme arriva icy avant hier. M. de Mercoeur s'est fort plaint à luy de ce qu'il avoit consenty que M. de Beaufort feut receut dans la survivance de l'admirauté, qui luy a esté promise en faveur de son mariage avec la Manciny, à laquelle il fait l'amour avec grandissime soing. Cepandant il n'a point encor veu son frere despuis son retour.

M. le Cardinal se plaint des gouttes depuis 5 ou 6 jours; et comme il n'a pas encor, puis son retour de Champagne, visitté M. le duc d'Orleans, on croit qu'il est plus malade de deffiance que d'autre chose, à cause que S.A.R. continue sa protection aux Frondeurs. On fait preparer Monceau et St Germain, et le bruit est fort grand que la Reyne (qui n'est pas encor guerie) /352/ a fait desseing d'aller à l'une ou à l'autre de ses [ces] maisons pour y prendre l'air, et qu'elle presse fort S.A.R. pour y consentir et suivre la Cour, sans qu'elle puisse en cela rien obtenir sur son esprit, S.A.R. ne voulant point sortir de Paris.

On parle de mettre Mme de Seguirant, femme d'ung president de la Chambre des comptes de Provence, en la place de Mme de Beauvais, premiere femme de chambre de la reyne, laquelle on recompensera.

Mademoiselle traitta hier à souper Monsieur son pere et Madame, et apres leur donna le bal.
Aujourd'huy la Cour d'ung costé et les Frondeurs de l'autre semblent faire deux partis, dont S.A.R. est comme l'arbitre, et c'est à qui l'aura de son costé. La maladie de la Reyne n'est pas toutte passée. On parle du voyage de St Germain et de Monceaux pour luy faire prendre l'air, mais les ungs disent que c'est pour esloigner le Roy de Paris et que le favory n'est pas bien en seurté. Le Parlement presse son audience sur son arrest pour la liberté des princes. Jusques icy on a eludé cest affaire par des remises pretextées de ce que Sa M. n'estoit pas en estat d'entendre parler d'affaires; mais apres tout, il faut parler. Voicy une crise. Le Parlement presse, et l'on dit q'au lieu de response, le Roy sortira de Paris. MM. de Beaufort et le Coadjuteur sont tousjours fort bien aupres de S.A.R. Il faut qu'avant le jour de la Purification on voye quelque resolution de part et d'autre. Vous estes des subtilz et des prudents; devinés du future, si vous pouvés, principalement en France, où la conduitte des affaires et les evenementz des choses sont des esceuilz de toutte la prudence et politique. Il y a 2 jours que S.E. pressant S.A.R. d'abandonner les Frondeurs, S.A.R. le rebutta, luy dit qu'il ne vouloit pas qu'on luy parlat plus de cela, qu'il cognoissoit bien les bons serviteurs du Roy; et l'on tient que la Reyne en fit des grandes plaintes, et dè[s] de soir là plusieurs grandz tournoint desja le dos à ce favory. Cette jalousie et petit mescontentement continue encor. De ce feu il peut naistre d'estincelles. On va et vient. Il y a des emissaires /352v/ masles et femelles de touttes partz; tout sexe est employé envers tout sexe. On avoit promis à Leurs A.R. qu'on feroit l'accord du duc de Lorraine. Cela avoit remué les espritz. On avoit veu, on avoit parlé, on avoit souppé et fait les Roys ensemble. Aujourd'huy tout est rompu. La puissance de la Cour ne veut pas que cette puissance de Luxembourg croisse. Les quartiers d'hiver de S.A.R. sont en Auvergne et Languedoch, afin qu'elle n'aye point de trouppes pres d'elle; et on compte pres de 26 regimentz, tant d'infanterie que cavalerie, à S.E., qui sont proches de la Cour, qui sont à luy ou à ses creatures. On commence à remarquer que touttes les melieurs places sont entre ses mains ou des siens: Brest, Caen, Dieppe, Havre, Graveline, La Fere, Sedan, Brizac [Brisach], Bellegarde, Pignerol, Toulon, Perpignan. On commence à ouvrir des grands yeux sur touttes ses [ces] choses.

/354/ De Paris le 20 janvier 1651

M. Foullé, intendant des finances, ayant faict une exacte recherche de la vie de tous ceux qui ont deposé contre luy sur les violences qu'il a commise en Limosin, a trouvé de quoy les engager en des grandz proces et leur donner beaucoup de peynes, et a fait si bien qui [qu'il] les a obligés d'aller dire à M. de Broussel qu'ilz se retractoint de ce qu'ilz avoint dit contre M. Foulé; à quoy M. Broussel a respondu que le Parlement estoit saisy de cette affaire et qu'il en ordonneroit ce qu'il trouveroit juste.

Mme la duchesse de Bouillon n'estant venue à la Cour que pour poursuivre l'effet de ce qui feut promis au Duc son mary par la paix de Bourdeaux, il en feut parlé le 16 au Conseil, où M. le Garde des Sceaux dit franchement à la Reyne qu'elle ne devoit jmais rien promettre qu'elle ne tient religieusement, et qu'elle estoit obligée de donner à M. de Bouillon ce qu'elle luy avoit promis. Il feut resolu qu'on luy donneroit satisfaction pour son traitté de Sedan, et qu'il auroit 40 mille escus de rente en fondz de terre en France. Pour cest effect on mit en ligne de conte le comté d'Auvergne, le duché de Chasteau Thierry, et la baronnie de La Tour, qui luy avoint esté accordés auparavant; et l'on y adjousta le duché d'Albret pour achever ceste satisfaction, à quoy l'on croit que M. le Prince consentira facilement, en luy donnant le domaine de Bourbonnois ou autre recompense, puisqu'il y consentoit devant sa detention et mesmes la demandoit. Outre cela on luy donner[a] une certain somme d'argent pour le non jouissance de ce bien despuis son traitté.

Les provisions de mareschal de France ayant esté expediées pour le comte de Grancey la semaine passée par M. de Plessis Guenegaud, qui a aussy expedié celles des autres contre les pretentions de M. Le Tellier, feurent deslivrées le 16; et ce comte les ayant receus dans Gravelines avec des seurtés pour sa personne, se disposa d'abord de venir à la Cour; où estant arrivé hier au soir, il en presta le serment entre les mains du Roy. Le bruit est fort grand que M. le Cardinal, qui luy avoit promis le baston, luy avoit conseillé de s'aller jetter dans Gravelines, mais il estoit party d'icy pour cest effect devant l'arrivée de S.E. Il se faict nommé le mareschal de Grancey, n'ayant pas voulu prendre le nom de sa Maison, qui est Mesdavid, comme les autres; mais quelq'ungs asseurent qu'encor que sa Maison aye pris ce nom despuis longtemps, neamoings il ne l'a pas eu que par alliance.

MM. les Gens du roy estant retournés le 13 au Palais Royal afin de demander audiance pour les deputtés du Parlement qui doivent faire les remonstrances sur la liberté de MM. les princes, la Reyne leur promit que ce seroit aujourd'huy sans plus de remise. MM. des Enquestes ne laisserent pas de demander, le 16, l'assemblée des chambres pour desliberer sur les desordres qui commettent les soldatz des gardes aux environs de Paris; à quoy le Premier President respondit qu'il falloit attendre que la Reyne eut donné audiance aux depputtés, et qu'apres on s'assembleroit sur le tout. Mais, mesme jour, on donna une montre et demy aux regimens des gardes, qui despuis se retient un peu.

/354v/ Les cours souveraines ont à present si peu d'esgard aux arrestz du Conseil qu'elle ne s'y arrestent point du tout. On en a veu despuis peu plusieurs exemples, et celuy du Parlement de Tholouse est remarqué par dessus les autres, ayant icy envoyé des depputtés pour avoir ordonné ce que vous aves sceu sur l'affaire de Savaillan, pour demander l'union et la bonne correspondance de celuy de Paris touchant l'execution de la declaration d'octobre 1648.

On dit que le Premier President a tesmoigné souhaitter qu'on creat une 5e charge de secretaire d'Estat pour M. de Champlastreux, son filz, ce qui ne seroit pas une nouveauté, puisqu'il y en avoit 6 au temps d'Henry second; à quoy l'on adjouste que M. de Nouveau offre une grande somme d'argent de la 6e.

M. de la Barde, ambassadeur de France en Suisse, a envoyé icy son secretaire pour representer au Conseil que les Suisses ne veulent point renouveller leur alliance avec la France qu'on ne leur paye auparavant 6 millions qui leur sont deubtz.

Les grandes pluyes ont fait tellement desborder la riviere de Seine qu'il ne s'en faut pas un pied qu'elle ne soit aussy grosse qu'elle feut il y a deux ans. Ce desbordement a innondé une partie de Paris et a fait abismer le derriere de 6 maisons du Pont aux Changes et emporté tout le coing des deux arches, ce qui a obligé tous les marchandz qui estoint logés sur ce pont d'en sortir avec leurs marchandises.

Les deffiances de M. le Cardinal continuent et il n'a point encor sorty du Palais Royal despuis son retour de Champagne. Le bruit est fort grand que M. de Mercoeur ayant fait des grandes instances à M. d'Orleans à ce qu'il voulut consentir qu'il espousat Mlle Manciny, S.A.R. le luy a refusé absolouement, disant que cela mettroit une division irreconciliable dans sa maison, Mme de Vendosme n'y estant nullement porté et M. de Beaufort encores moings, lequel n'a point veu son frere despuis son retour de Catalougne.

Il s'est parlé jusques icy de la sortie de la Cour hors de Paris et du refus que S.A.R. y a faict d'y consentir; mais on asseure maintenant qu'il a esté arresté qu'on ne sortiroit pas plus tost que vers le 15 de mars, auquel temps on ira faire le sacre du Roy à Rheins. Si la Cour eut sorty, M. le Garde des Sceaux auroit suivy avec le Conseil des parties, et M. le Chancellier seroit renvenu à Paris pour y tenir celuy des finances. Cepandant on dit que l'affaire de la liberté de MM. les princes ayant esté mises en desliberation au Conseil, lors qu'il a falut resoudre quelle response on feroit au Parlement,

 S.A.R. a declaré qu'elle estoit d'advis qu'on les mit en liberté pour couper court à tous les desordres intestins, apres qu'on auroit pris les precautions necessaires et les seurtés pour ceux qui en souhaitteroint en leur particulier, disant qu'elle n'en avoit pas besoing pour soy. L'on remarque que les amis de MM. les princes sollicitent tousjours M. de Beaufort, qui leur promet ouvertement de les servir de tout son pouvoir.

/355/ On dit que M. le Cardinal a traitté avec M. de Beringhan de la charge de premier escuyer du roy pour le petit Mancini, son nepveu, et qu'il luy en donne 400 mille livres et luy promet de luy procurer quelque charge de la coronne.

S.E. a esté conseillée d'obliger M. le duc d'Orleans et tous les ministres d'Estat à donner leur avis par escrit dans touttes les desliberations importantes du Conseil, afin de faire veoir, lors qu'il arrivera quelque changement, qu'on n'en attribuera pas la faute à sa mauvaise conduitte, d'envoyer les avis à tous les parlements de France pour sa justiffication. Pour cet effect on asseure que la Reyne a commencé d'obliger S.A.R. et les autres à escrire leurs advis.

L'Assemblée du clergé travaille à l'imposition de 600 mille livres qu'elle a octroyé au Roy et demande un arrest du Conseil sans avoir esgard à l'arrest du Parlement de Rouen, qui le luy deffend; ce qu'on croit que le Conseil ne pourra pas refuser. La mesme Assemblée estant allée avant hier au Palais Royal pour avoir son audiance de congé de la Reyne, M. le Cardinal se mit à leur teste.

 L'archevesque d'Ambrun y porta la parolle et apres avoir representé qu'ilz n'avoint pas peu octroyer plus de 600 mille livres, fit ses remonstrances sur ce que les Huguenotz de Nismes ont entrepris contre l'Evesque sur la liberté de M. le prince de Conty; à quoy la Reyne, qui estoit au lit, respondit qu'elle avoit creu qu'ilz auroint mieux consideré qu'ilz n'avoint fait les necessités de l'Estat, et qu'ilz auroint fait un octroy beaucoup plus grand; et quant aux remonstrances, les troubles de l'Estat avoint empesché de remedier à l'affaire de Nismes; et que pour celle du prince de Conty, elle considereroit particulierement leurs recommendations aussytost que les affaires du Roy permettroint qu'on songeat à leur liberté.

Le marquis de Richelieu se battit en duel avant hier contre le filz du comte de Tonnerre, qui feut blessé à la main apres que le premier l'eut mis hors du combat par deux fois; et ensuitte en estant venus aux prises, on les separa et on les fit embrasser.

Le fort que le Roy a fait battir dans le jardin du Palais Royal feut hier attaqué et deffendu par le mareschal de Villeroy; mais il y arriva un accident qui troubla et fit cesser tout le divertissement, le marquis de Richelieu y ayant receu un coup de mousquet qui luy gasta le visage, quoy qu'il n'estoit chargés que de poudre. Peu apres, le Roy l'envoyer visitter par le mareschal de Schomberg.
On asseure qu'on a resolu de mettre en liberté le marquis de Jersey soubz la caution du mareschal de la Mesleraye, et qu'il doit se retirer à Nantes.

/355v/ Les cappitaines des vieux corps de l'armée se sont opposés au restablissement de ceux du regiment de Persan, qui s'estoint retirés dans Mourron; ce qui donne un beau suject à M. le Cardinal de leur refuser l'execution du traitté que feu M. d'Alvimar avoit fait avec eux de la part du Roy.
Les avis de Flandres portent que le mareschal de Turenne est tousjours à Arlon au Luxembourg, où il ramasse des trouppes pour fortiffier son corps d'armée et y attend le comte de Fuelsendagne; que le comte de Ligniville se porte mieux; et que le prince de Ligne cherche de l'argent pour achever de payer sa rançon à Mme de Chevreuse.

M. de Saintot, maistre des ceremonies, ayant esté ce matin au Palais pour avertir les deputtés du Parlement que la Reyne leur donneroit audiance aujourd'huy à 3 heures, ilz se sont rendus au Palais Royal, où le Premier President a fait une tres belle harangue par laquelle il a fait veoir en termes tres pressans qu'il estoit necessaire de mettre MM. les princes en liberté. La Reyne leur a fait response qu'elle en communiqueroit à son conseil, et apres les envoyer[oit] querir pour leur dire la response.

De Londres du 12 janvier 1651

Le secretaire que le president de Grignon avoit laissé icy lors qu'il s'en retourna, ayant fait dire la messe dans son logis en cette ville (ce qui ne se permet qu'aux ministres publicqs), l'on y envoya quelques officiers et soldatz pour y prendre le prebstre et les Anglois qui y assistoint; à quoy ce secretaire ayant d'abord fait quelques resistances, les soldatz le pousserent et prirent plus de 200 personnes de condition qui y estoint, mais le prebstre trouva moyen d'eschapper. Sur cela le Conseil d'Estat envoya dire à ce secretaire qu'il est marry qu'on luy eut rendu ce desplaisir, mais qu'il devoit l'avoir preveu luy mesmes puisqu['il] n'estoit pas personne publique, et que pour eviter des semblables inconvenie[nts] il falloit qu'il sortit d'Angleterre dans 10 jours. Il fit instance pour en obtenir davantage, afin qu'il en donnat advis à son maistre, ce qu'on ne voulut point accorder.

Dans l'audiance publique que l'ambasadeur d'Espagne eut du Parlement il y a 8 jours, l'on rem[arqua] que lors qu'il entrat, tout le Parlement se levat pour le saluer; et apres chacung s'estant assis, il fit sa harangue en espagnol, dans laquelle, apres plusieurs protestations du desir que le Roy son maistre avoit d'entretenir bonne correspondance avec la Republique, il esperoit aussy qu'elle auroit esgard tres particulier aux instances qu'il luy feroit, à quoy l'orateur luy respondit que le Parlement lui feroit responce. Le roy d'Espagne a deffendu en mesme /356/ temps au prince Robert et autres royallistes d'entrer dans aucungs de ses portz, permis à tous parlementaires d'y poursuivre leurs ennemis, fait deslivrer à nostre admiral 3 vaisseaux de ce prince qu'il avoit fait saisir, et commandé à l'ambassadeur du roy d'Angleterre de sortir d'Espagne. L'ambassadeur de Portugal attend son audiance. Celuy d'Espagne l'empesche si bien, par ses brigues et celles des Holandois, qu'il n'a passé que d'une voix dans le Parlement qu'il seroit receu en cette ville.

/357/ De Paris le 25 janvier 1651

Le 20 du courant le marquis de Chandenier, cappitaine des gardes du corps du roy, receut ordre de se retirer de la Cour dans 24 heures et d'aller en sa maison en Auvergne. Ce feut M. de Plessis Guenegaud qui luy porta cest ordre dans la sale des gardes du Palais Royal, où il laissa le baston de commandement, que le Roy fit prendre au mareschal d'Aumont, les deux autres capitaines ne l'ayant pas voulu recevoir. Comme ilz ont despuis tesmoigné à ce marquis le suject de sa disgrace, de ce qu'il visittoit despuis peu M. le Coadjuteur, son parent, auquel l'on asseure qu'il avoit promis de se mettre entierement dans les interestz de la Fronde, et qu'estant fort bien dans l'esprit de la Reyne, sa faveur donna jalousie à M. le Cardinal; à quoy ce marquis adjouste que le vray subject vient de ce que le mareschal d'Aumont l'ayant prié de luy prester son baston de commandement pour 5 ou 6 jours, il le luy refusa, disant que si la Reyne avoit quelque chose à luy commander, il l'executeroit aussy bien q'un autre; ce qui a fait croire qu'il y avoit desseing d'arrester quelq'ung dans le Palais Royal. Ce marquis n'est pas encor sorty de Paris. On dit que les Frondeurs l'en dissuadent, mais il doit partir dans 3 ou 4 jours; cepandant toutte la noblesse qui est à Paris a esté le visitter pour se condouloir de sa disgrace. L'on blasme le mareschal d'Aumont d'avoir accepté le baston de commandement de son confrere.

La harangue que le Premier President fit le mesme jour au Palais Royal a fait grand bruit; aussy feut-elle en des termes si hardis que toutte la Cour en feut surprise, et despuis on a creu que le Premier President est entierement dans les interestz de MM. les princes. L'on remarque qu'apres que les deputtés feurent sortis de la chambre de la Reyne, Sa M. dit à M. le Garde des Sceaux que cette harangue estoit bien impertinente et qu'elle avoit esté deux ou 3 fois preste de l'interrompre, en ce qu'il s'estoit servy des motz de "politique estrangere" et de "conseilz pernitieux," et de "fatalle journée," parlant du jour que les princes feurent arrestés, et avoit representé que leur innocence paroissoit dans la lettre de cachet envoyée au Parlement sur leur detention, puisqu'on n'y remarquoit que des soubçons qui devoint estre ombragés par tant de batailles gagnées par M. le Prince et par les services qu'il a rendus à l'Estat; que toutte la France s'en sentoit touchée et en demandoit justice; que tous les desordres qu'on a despuis veu dans l'Estat ne proceddoint que de cette detention; que les ennemis estoint venus au milieu de la France; que le feu estoit encore pour ce subject allumé dans l'Estat; que tous les parlementz estoint sur le point de s'unir; et que les pierres mesmes s'esleveroint contre tous ceux qui voudroint s'opposer à la liberté de MM. les princes.

Le 21 le Premier President ayant sceu que M. le Garde des Sceaux avoit donné la commission pour juger l'affaire du sieur La Cour Chevalier à 3 maistres des requestes de chasque semestre et à 3 conseillers d'Estat, qui faisoint en tout le nombre de 15 juges, /357v/ on envoya advertir la Tournelle et l'Edit et les Enquestes de venir prendre leurs places dans la Grand' Chambre; où estant assemblées, il desduisit cette affaire avec beaucoup d'aigreur contre M. le Garde des Sceaux, estant, comme on dit, fasché contre luy de quelques parolles qu'on luy avoit rapportées avoir esté dittes contre luy par M. le Garde des Sceaux, qui luy a despuis fait cognoistre que c'estoit un faux rapport. Il dit que celuy cy avoit estably une chambre de justice pour juger cette affaire et qu'il estoit necessaire d'empescher cette entreprise contre l'authorité du Parlement. MM. les Gens du roy y conclurent à faire des remonstrances là dessus, et leur avis feut suivy de 4 maistres des requestes qui y assistoint, et presque de touttes les autres voix; mais M. le Premier President les fit tous changer d'advis apres avoir desduit le droit attribué aux maistres des requestes par l'ordonnance de Blois, qui porte qui [qu'ilz] ne pourront executter aucune commission si elle n'est enregistrée au Parlement; et exagera fort sur cest establissement et les suittes dangereuses de cette nouvelle chambre, disant que le general ny le particulier ne pouvoit esperer aucune seurté à l'advenir; et feut d'advis que deffenses feussent faittes aux maistres des requestes de passer outre et de tenir cette chambre de justice, à peyne d'interdiction, d'estre privés de tous honneurs et prerogatives, et de respondre l'evenement en leur propres et privés noms, eux et leurs posterités. Cest advis feut suivy de tous ces [ses] pointz, et en mesme temps ont [on] fit partir des huissiers, qui allerent signiffier cest arrest à tous les maistres des requestes et au gouverneur de la Bastille. La matinée ayant esté employée à cette affaire, l'assemblée feut remise au 23.

Le marquis de Coaquin, gouverneur de St Malo, arriva icy la semaine passée pour les interestz du marquis d'Asserat, son amy, et sollicitte fort Mme de Chevreuse et M. le Garde des Sceaux de faire maintenir M. d'Asserat dans le gouvernement de Guerande, dans lequel il feut receu par leur faveur, et empescher qu'on ne l'obligeat à rapporter icy ses prouvisions.

Le baron d'Auteuil, cognu pour homme tres sçavant, principalement dans l'histoire et les genealogies, autheur de l'histoire des ministres d'Estat, a esté choisy pour estre gouverneur du duc d'Anguien.

M. de Beaurepaire, beaufrere de M. de Bar, a donné 10 mille escus de recompense au lieutenant de Dourlans, où il commande à present. M. de Bar a esté fait despuis peu lieutenant general des armées du roy en Normandie, affin d'est en posture d'avoir bientost le baston de mareschal de France que M. le Cardinal promit à plusieurs personnes, notenment à M. de Beringhan, pour la charge de premier escuier qu'il veut mettre entre les mains du petit Manciny. S.E. promet aussy à quantité de personnes l'ordre du St Esprit, et on asseure qu'aussytost apres le sacre, le Roy fera une promotion de chevaliers.

Le mesme jour 21 Don Joseph de Pinos, ambassadeur de Catalougne, arriva icy pour /358/ solliciter un prompt secours et porta nouvelles que les paysans de Catalougne avoint deschassé les regimentz de Coeuvres et de Don Joseph de Marguerit et se sont retirés dans le Roussillon.

Le fort du Palais Royal n'estant soubtenu que par des clayes et les fossés estant pleins d'eau, s'est presque tout ruiné. L'on ne croit pas qu'il soit restably à cause que cela feroit naistre tropt de querelles. Ce feut le marquis d'Alluye qui tira le coup de mousquet dans le visage du marquis de Richelieu.

Le 23 MM. du clergé s'assemblerent extraordinairement pour desliberer ce qu'ilz auroint à faire sur un libelle qu'on a fait imprimer contre eux, par lequel on fait veoir que le Roy a tout pouvoir et authorité d'imposer sur le temporel de l'estat esclesiastique pour le soulagement de la noblesse et Tiers Estat. Ilz censeurerent d'abord ce libelle et resoleurent de faire des remonstrances à la Reyne là dessus, tant contre l'imprimeur que contre un nommé Paumier, ce nom ce [se] trouvant dans ce libelle comme si c'estoit l'autheur, en attendant qu'on puisse avoir des plus grandes lumieres du veritable autheur, qu'on dit estre un nommé La Miltiere.

Le duc de Richelieu s'est emparé de la baronnie de Saujon, qui est annexée au duché de ce nom, et en perceoit le revenu. Il est à present avec sa femme.

Le mesme jour le Parlement estant assemblé, le Premier President fit son rapport de ce qui s'estoit passé le 20 au Palais Royal; apres quoy MM. les Gens du roy ayant dit qu'ilz avoint esté avertis que la Reyne avoit promis de donner sa responce aux remonstrances, laquelle on leur fit esperer dans aujourd'huy; et l'advocat general Talon, qui y porta la parolle, y fit une fort belle harangue par laquelle, apres avoir desduit l'affaire du sieur La Cour Chevalier, il fit veoir par plusieurs exemples de l'histoire que les commissions extraordinaires avoint tousjours causé des grandz desordres en France; à quoy la Reyne leur respondit que le Roy se reservoit la cognoissance de cette affaire, dans laquelle neamoings Sa M. adjousta qu'elle feroit bien poursuivre l'instruction du proces, mais qu'on ne passeroit pas outre plus tost que dans 15 jours, afin que cepandant on trouvat moyen d'accommodement entre le Conseil et le Parlement; et à cette fin on leur propose une conference de certain nombre de conseillers, avec autant de maistres des requestes, pour discutter à qui apartiendroit le jugement de cette affaire; dont ces messieurs firent leur rapport à l'assemblée du Parlement le 25, qui arresta là dessus qu'ilz retourneroint au Palais Royal pour supplier la Reyne d'empescher que les maistres des requestes ne travaillassent à l'instruction de ce proces et pour solliciter la response aux remonstrances sur la liberté des princes; et l'assemblée remise à aujourd'huy.

Le 24 on eut advis de Champagne que le mareschal de Seneterre continuant la reprise des places que le comte de Ligniville avoit prise en Lorraine, avoit /358v/ pris Mirecourt à discretion et avoit envoyé à Langres 200 prisonniers qu'il y avoit fait, parmy lesquelz il y avoit 30 officiers, ce qui a obligé la garnison du chasteau d'Aigremont d'abandonner la place, dont le sieur d'Yves, qui commande la milice de Langres, s'est emparé et fait travailler à la desmolir.

Le mesme jour le prince de Tarente s'en alla au devant de sa femme, qui vient d'Allemagne et est attendu icy.

Le lieutenant des gardes de M. d'Espernon et les six gardes qui avoint esté condemnés despuis peu dans Agen, sont icy pour se faire relever de ce jugement et faire casser au Conseil tout ce qui avoit esté faict à Agen contre eux. M. d'Espernon doit arriver icy aujourd'huy, M. le Cardinal l'ayant mandé à cause qu'on ne peut plus differer d'accorder aux depputtés de Bourdeaux la nomination d'ung nouveau gouverneur de Guyenne.

Le 25 le marquis de Rivaux espousa Mlle de Saugeon. Le mesme jour M. de Carnavalet, lieutenant des gardes du corps du roy, feut mis hors de la Bastille.

On commence à s'allarmer fort dans Berry et le Bourbonnois de ce que quantité de gens de guerre abordent journellement à Mourron, dont la garnison est forte despuis peu.

La Chambre des comptes feut hier par deputtés aux Palais Royal pour y faire des remonstrances sur la detention du president Perrot et demande sa liberté, à quoy la Reyne leur dit qu'elle rendroit response au bref et la plus favorable que les affaires du Roy le pourront permettre.

Ce matin les Enquestes estant allés dans la Grande Chambre par deputtés pour sçavoir pourquoy on ne tenoit pas l'assemblée qui avoit esté resolue, le Premier President leur a respondu qu'il n'estoit pas necessaire de s'assembler à cause que la Reyne avoit promis de leur rendre response lundy prochain à 3 heures apres midy; sur quoy ilz ont insisté à la demander, disant qu'il estoit à propos de depputter vers M. le duc d'Orleans pour le supplier de faire en sorte que la response de la Reyne feut favorable; à quoy il a replicqué que cela n'estoit pas necessaire et qu'on s'assembleroit lundy pour y desliberer.

Le marquis d'Ormond, qui estoit viceroy en Irlande, est arrivé à Caen en Normandie.

Les Estatz de Languedoch sont levés despuis le 19 du courant, apres avoir ordonné que les communeautés de la province seroint remboursées des foules des gens de guerre sur les 600 mille livres qu'ilz ont octroyés au Roy; et que dans les cayers qui seroint apportés à Sa M., elle seroit supplié de vouloir convoquer les Estatz Generaux du rouyaume pour pourvoir aux desordres de l'Estat.

/359/ Les advis de Flandres portent que le comte de Fuelsendagne estoit party de Bruxelles pour s'aller aboucher avec le mareschal de Turenne à Arlon, et que de là il devoit passer à Stenay pour y conferer avec Mme de Longueville sur les desseings de la campagne prochaine. Le duc de Lorraine estoit aussy party de Bruxelles pour aller veoir M. de Turenne.

Le riviere de Seine continua si fort à croistre le 21, qu'elle feut plus grosse qu'elle n'estoit il y a 2 ans, et jamais on ne l'avoit veue si haute; mais elle a beaucoup despuis decreu. Elle avoit innondé tous les lieux qui estoint voisins et fait des grandz ravages, ayant emmené des bateaux de bois et de bled et quelques maisons voisines du Petit Chastelet, où il y a eu beaucoup de personnes noyées. M. le Coadjuteur a esté contraint d'abandonner son logis, qui estoit tout plein d'eau, et d'aller loger ches le marquis de Noirmonstier. La Loire a fait aussy des grandz ravages.

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