Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

Contents

Volume 1

Panat

Orest's Pages

Patricia's Musings

Marc-Antoine

Charpentier

Musical Rhetoric

Transcribed Sources


 

The Fronde Newsletters for 1652:

January 1652

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653

/Ms. fr. 25026, fol.1/

Relation de ce qui s'est passé en France depuis le 5 janvier 1652 jusqu'au 26 aoust 1653

/2/ De Paris le 5 janvier 1652

Les advis de Catalougne, du 15 du passé, portent que le mareschal de la Mothe estant arrivé 4 jours auparavant, le chancellier de la province, un juge du Conseil royal, et le tresorier l'estoint allé trouver, pour luy prester serment de fidelité qu'on a accoustumé de prester à chasque viceroy en entrant dans le gouvernement; q'ung courrier de ce mareschal ayant voulu entrer par mer dans Barcelonne, avoit esté pris par les Espagnolz, mais qu'ensuitte un des cappitaines y estoit entré heureusement, [et] y avoit fait enregistrer la commission de viceroy. Plusieurs gentilhommes de l'Ampurdan et de Roussillon et des montaignes de Vatis ayant esté gaignés par les Espagnolz, les François en avoint fait emprisonner une partie, et avoint donné bon ordre à asseurer les biens maritimes de ce costé là; q'une barque longue entroit souvent, chargé de vivres, dans le port de Barcelonne, du costé de Maucray; que les habitans estantz tous munis de bled, on avoit laissé à chacung une certaine quantité, et prit le reste pour employer publiquement; qu'on avoit ordonné que chacung pourroit cuire et vendre du pain, qui ne laisse pas d'estre asses cher, quoy qu'il y aye encor du bled pour plus de 4 mois; que les Espagnolz avoint pris à composition le chasteau de St Boy, proche Barcelonne; que leur circonvalation estoit presque achevée; et qu'ilz ne tiroint plus tant de coups de canon sur la ville, à cause du peu d'effect qu'il faisoit.

L'arrest donné le 29 contre le cardinal Mazarin ne parut que le 31. Les presidentz au mortier estant assemblés ensuitte ches M. Le Bailleul, y adoucirent quelques termes qui leur sembloit tropt rudes, sans neamoings changer le sens: entre autres, en l'article du Roy l'on avoit prononcé que S.A.R. sera priée de joindre ses forces à celles du Roy; et l'on remarqua dans l'assemblée qu'elle demanda l'explication de cest article, et que l'on luy respondit tout d'une voix que l'on la prioit de faire tout ce qu'elle jugeroit à propos pour empescher l'entrée de Mazarin; que dans les formes ordinaires on ne pourroit pas incerer ces termes dans l'arrest. L'on avoit aussy adjousté des deffenses à tous presidentz et conseillers de desemparer, à peyne de perte de leurs charges, et ordonné que les rentes seroint payées comme cy devant, et cetera; mais on n'a pas jugé à propos de publier ces derniers articles: ains seulement les laisser sur les registres comme un retentum in mente curiae.

Le 30 il y eut assemblée à l'Hostel de Ville dans laquelle on fit deffenses tres expresses aux payeurs et receveurs des rentes de desemparer, conformement à ce qui avoit esté ordonné au Parlement.

Le mesme jour le duc d'Orleans envoya un autre courrier à la Cour, pour porter ordre au mareschal d'Estampes de revenir. M. de Sommery en revient le 31, sans y avoir receu aucune satisfaction pour S.A.R., et n'en rapporte autre nouvelle, sinon que l'on y attendoit le cardinal Mazarin et que la Cour estoit toutte disposée à l'y recevoir.

Le 31 le president de Bellievre et les autres depputtés du Parlement partirent pour aller en Cour.

Le mesme jour M. le duc d'Orleans manda MM. les tresoriers de France pour aviser /2v/ avec eux aux moyens de faire subcister les troupes, en leur donnant des estappes afin qu'ilz fascent moings de desordres. L'argent qui sera employé pour cela sera pris des receptes generalles. S.A.R. les fait touttes avancer à Nemours, qui est leur rendévous, où son regiment d'infanterie est arrivé en attendant les autres. Celuy de Languedoch, aussy d'infanterie, qui estoit vers Meaux et vers Mantes, a receu le mesme ordre et doivent marcher aujourd'huy, afin de s'aller poster sur les passages des rivieres d'Ionne [Yonne] et de Loire. Les comtes de Mare et d'Iolacte, Allemandz, s'estant declarés pour S.A.R., sont venus joindre ses troupes avec leurs regimentz de cavalerie, qui font plus de 350 maistres. Le comte de St Geran, gouverneur de Bourbonnois, s'est aussy declaré pour elle, et luy a offert 3 ou 400 hommes qu'il a tout prest, et quantité de personnes de condition luy ont offert service. Cette semaine elle a envoyé, despuis 8 jours, plus de 30 courriers en divers lieux, et notanment sur les passages et sur les routes que doit tenir le cardinal Mazarin; lequel ayant sejourné despuis le 24 du passé à Sedan, avec ses niepces, en partit le 30 pour aller à Rhetel, où il feut si picqué de ce qu'on ne luy fit point d'entrée, qu'il envoya querir le maire et les eschevins et leur tesmoigna avec beaucoup d'aigreur le ressentiment qu'il en avoit, jusques à leur dire qu'il estoit en estat de leur faire du bien et du mal autant qu'il voudroit, et qu'ilz avoint fort mal apris leur devoir. Il en partit le lendemain avec 500 chevaux et envoya ordre à ses troupes, qui estoint dispersées vers Fismes et vers Soissons, au nombre d'environ 4 mille hommes et 4 pieces de canon, de se rendre à Espernay [Epernay], où il arriva le mesme jour et coucha encor là. Il alla hier avec sa cavalerie passer la Seine à Mery, où il devoit coucher. Le sieur de Ste Maure, qui est à luy, s'est emparé de ce passage puis quelques jours. On croit qu'il yra passer l'Yonne à Joigny, et la Loire à la Charité, mais M. de Langeron, qui est gouverneur de ce dernier passage, s'y est jetté dedans avec les chevaux legers du duc de Valois, qu'il commande, quoy que le bruit coure que le comte de Palluau s'en soit emparé avec 500 chevaux. Le mareschal d'Hocquincourt, qui commande l'escorte du Cardinal, ne le doit conduire qu'au delà la riviere de Loire, où ce comte le doit recevoir avec ses troupes et le conduire à la Cour. Ce mareschal doit demeurer, avec ses 4 mille hommes, entre les rivieres de Saine et de Loire, pour s'opposer au desseins des trouppes de S.A.R., qui a eu advis que les ordres de la Cour telz [?]. Ce cardinal n'a pas passé à Rheins, parce que cette ville là ayant envoyé icy au mareschal de l'Hospital la lettre de cachet du Roy qu'elle avoit receue, portant ordre de luy obeir et de le recevoir avec tous les honneurs deubz au dignitté et au rang qu'il avoit eu jusques icy dans l'Estat, ce mareschal avoit respondu à ceux qui avoint apporté cette lettre, qu'elle ne suffisoit pas pour un tel ordre, et qu'il en falloit ung qui feut scellé du grand sceau. /3/ L'archevesque de Rheins, qui y estoit allé la semaine passée, revient hier au matin et dit qu'il y avoit trouvé tous les espritz disposés à refuser les portes au Cardinal.

Le 2 du courant le Parlement s'estant assemblé, et M. le duc d'Orleans cy [s'y] estant trouvé, S.A.R. dit qu'elle avoit eu la confiermation de l'entrée du cardinal Mazarin, qui s'en venoit avec les gouverneurs de la frontieres et les troupes qu'ilz avoint levés; qu'elle avoit donné ordre à ses troupes de s'advancer vers les passages des rivieres, pour luy coupper chemin; mais qu'elle n'avoit que 2400 fantassins et 500 chevaux, qui ne pouvoint pas suffire pour occuper tous les passages; qu'elle estimoit qu'il seroit à propos d'arrester les deniers qui ce [se] trouvent dans les receptes et dans les parties casuelles, afin que le Cardinal ne peut pas s'en ayder pour son dessain contre Paris; mais ceux du Parlement qui sont pour la Cour (et notanment les presidentz de Novion et de Longueil, qui sont pour la Cour) rejetterent ces propositions, aussy bien que S.A.R. y fit de contremander les depputtés qui sont allés en Cour, jusques à ce qu'on trouva seurté pour eux, estant fort à craindre qu'on les y retienne pour la seurté du cardinal Mazarin. Enfin, il n'y feut resolut autre chose, sinon qu'il seroit envoyé à tous les autres parlementz coppie collationnée de la declaration du Roy donné pour l'exclusion du cardinal Mazarin, avec tous les arrestz donnés ensuitte, afin qu'ilz vissent le motif de celuy du 29 du passé, et qu'ilz seroint conviés d'en donner un semblable, et d'envoyer aussy des depputtés en Cour pour le mesme subject; apres quoy on depputta MM. Doujat et Portal pour aller faire procedder à la vente de la bibliotecque de ce cardinal, qui feut hier commencé et qui a esté continué ce jourd'huy en detail. Plusieurs conseillers se plaignerent fort de ce qu'on avoit changé les termes de l'arrest du 29, mais MM. les presidentz au mortier s'en deffendirent, faisant veoir qu'ilz n'en avoint pas changé la substance, et qu'ilz n'en avoint rien diminués, puisque les articles qu'ilz en avoint retranchés estoint demeurés sur le registre comme un retentam en mento curiae. Il y eut, encore ce matin, assemblée, mais on n'y a rien fait que recevoir un nouveau conseiller.

Les advis de Flandres portent qu'il y avoit grande division entre le comte de Fuelsendagne et le comte de Schauenborg, favory de l'Archiduc, et que la peste estoit encor en plus de 50 maisons à Bruxelles.

Le chevalier de la Vieuville, qui leve puis peu un regiment de cavalerie, a resigné ses benefices à son petit frere, moyenant une bonne pension, qui s'est resjouis et a pris la qualité de comte. Il a obtenu de S.A.R. la permission de resigner un prioré de 6000 livres de rentes qu'il avoit, depandant de son domaine de Chartres.

Le duc de Rohan s'estant declairé pour M. le Prince, s'est emparé du Pont de Cé /3v/ sur la Loire, qui est un poste fort conciderable.

Les advis de la Cour de cette semaine portent que les petitz officiers du Roy murmuroint fort de ce qu'on y attendoit le cardinal Mazarin, contre lequel ilz vomissent des invectives continuelles, jusques dans la chambre et le cabinet du Roy; que MM. de Chasteauneuf et de Villeroy y avoint demandé leur congé pour se retirer, mais qu'on les avoit remis; et que les bourgeois de Poictiers ne faignoint point de dire tout haut qu'ilz avoint des chaisnes aussy bien qu'à Paris, et qu'ilz sçavoint bien les tendre si le cardinal Mazarin y venoit; mais l'on croit que la Cour n'y sera pas longtemps, et qu'au lieu d'aller à Angoulesme, elle viendra recevoir ce cardinal à Tours, où il s'est fait une assemblée de Ville pour desliberer si on recevroit le cardinal Mazarin, en cas qu'il y vient, et on a resolu de ne le recevoir point s'il n'y entroit avec le Roy, et non autrement.

M. le Prince ayant sceu que le comte d'Harcourt attendoit la jonction de la cavalerie que le mareschal d'Aumont luy a envoyé, laquelle est de 1800 hommes et le doit avoir joint aujourd'huy, a passé la Charante en deça, tirant du costé de St Jehan d'Angely, en intention d'attirer ce comte au combat avant la jonction de cette cavalerie, qui pourroit grossir son armée jusques au nombre de 8000 hommes, et M. le Prince en a plus de 10 mille. Ce comte a aussy decampé de Tonné Charante, et s'est allé poster aux environs de St Jehan d'Angely, où M. le Prince luy a defai[t] un party de 300 hommes, dont la nouvelle vient hier et a esté confirmée aujourd'huy.

Les advis de Bourdeaux du 25 portent que M. de Nemours y estoit arrivé le 18 et estoit party le 21, pour passer en Flandres avec la flotte des vins qui s'en retournoit en Holande, et avec 6 vaisseaux espagnolz qu'on luy donnoit; que M. le Prince n'y estoit pas encor allé accommoder les divisions qui sont entre la grande et petite Fronde, outre un troisiesme party qui est pour le Roy; que M. le prince de Conty , Mme de Longueville, et M. de la Rochefoucaut s'en alloint à Agen pour retenir les espritz, qui estoint en grande partie disposés à retourner dans le party du Roy, par la crainte qu'ilz avoint de l'aproche des troupes du marquis de St Luc, qui est avancé de ce costé là avec 2 mille hommes qu'il a, ausquelles les trouppes du marquis de Montespan ne pouvoint pas resister.

L'accommodement des Estatz de Languedoch avec le Parlement de Thoulouse s'avance fort.

/4/ De Paris le 12 janvier 1652

Le 5 du courant M. le duc d'Orleans donna à souper à M. de Beaufort, à MM. de Savigny, de Bonnelle, St Pavin, Gargant, et autres qui jouent ordinairement avec luy, et M. de Bonnelle feut le roy de la feve; et le 6 Madame donna à souper à Mademoiselle, Mlle de Guyse, et 7 autres dames, dont la marquise de Maulny feut reyne. Ensuitte il y eut bal, où le roy d'Angleterre et le duc d'Iorch s'y trouverent, et Madame y dansa, fort contre sa coustume.

Le 6 un gentilhomme incounu ayant porté chez l'abbé de Bellesbat un pacquet qui s'adressoit à M. Goulas, cest abbé le luy alla rendre l'apresdisnée, et il ce [se] trouva qu'il venoit de la part du cardinal Mazarin, qui escrivoit à S.A.R. et à M. Goulas, lequel il prioit de rendre à S.A.R. la lettre qu'il luy escrivoit sur le subject de son retour, dattée de Bouillon du 23 du passé, laquelle estoit plaine de respectz et de soubmissions, et contenoit en substance: qu'il estoit bien malheureux d'avoir encouru la disgrace de S.A.R.; qu'il avoit tousjours eu grand zele pour son service; que ses ennemis luy avoint rendu des mauvais offices aupres d'elle; que le proces qu'on luy faisoit au Parlement estoit plain d'injustice; qu'il estoit prest de se justiffier de touttes ses actions; que son honneur et l'affection qu'il avoit pour le service du Roy, en recognoissance des bienfaitz qu'il en avoit receu, l'ayant obligé d'employer son credit et ses amis pour faire un secours considerable à Sa M., dans le grand besoing qu'il en a; qu'il le luy alloit offrir, suppliant S.A.R. de le vouloir agreer, et protestant qu'il ne retourne point à la Cour pour se mesler davantage d'affaires d'Estat; que si Sa M. l'en vouloit charger, il la supplieroit de l'en vouloir dispanser; qu'il esperoit que S.A.R. cognoistroit mieux à l'advenir ses bonnes intentions; qu'il luy envoyoit une copie de la lettre qu'il escrivoit au Roy sur ce subject, afin qu'elle cognut qu'il ne vouloit rien faire sans son aprobation et sa participation; ce qui n'a fait aucung effect sur l'esprit de S.A.R.. L'on a imprimé une lettre supposée pour celle cy.

Il a escrit une sur le mesme subject à Mme d'Orleans, laquelle il avoit adressée au Pere Doduc, Cordelier, son confesseur, qui est mort il y a pres d'ung an.

Le Prevost des Marchandz receut en mesme temps une autre lettre de ce cardinal, contenant qu'il avoit tousjours eu une affection particuliere pour la ville de Paris; que si elle avoit prit des mauvaises impressions de ce qu'on l'avoit assiegé, cela n'avoit esté que par des conseilz violentz de ceux qui ont aujourd'huy les armes en main contre le Roy, en rejettant la faute sur M. le Prince; et qu'il le prioit d'asseurer les partisans qu'il feroit tous ses effortz et employeroit tout son credit aupres du Roy, pour faire revenir la Cour dans Paris et pour faire la paix generalle.

Le 7 un gentilhomme que S.A.R. avoit envoyé au comte de St Geran et sur les passages des rivieres de Loire et d'Allier, en revient et confierme que ce comte s'estant declaré pour S.A.R., avoit posté ses troupes sur les passages de l'Allier, et notanment à Vichy, dont il a fait rompre le pont et conduire tous les batteaux à Moulins, afin qu'il ne s'en trouvat point pour /4v/ passer ce cardinal; que M. de Langeron estoit dans la ville de La Charité avec 150 hommes, pour luy empescher le passage et faire rompre le pont aussytost que ce cardinal en aprocheroint; que le comte de Bussy Rabutin est dans Nevers pour le mesme subject, et y est le maistre des habitans; que tous les autres passages de la Loire sont aussy bien gardés par les trouppes de S.A.R., à la reserve de Desise [Decize], où elle envoya le lendemain le sieur de Granry, cappitaine des gardes de la porte, pour parler au gouverneur de ce lieu là, et manda au marquis de Sourdis qui [qu'il] s'allat saisir de Gien et Gergeau [Jargeau].

Le 8 on eut advis que le cardinal Mazarin ayant sejourné quelques jours à Mery sur Seine, estoit venu coucher le 7 à Nogent, sur la mesme riviere, et qu'il cherchoit un passage sur celle d'Yonne; que son visage estoit fort deffiguré; que son nepveu estoit avec luy, et que ses niepces estoint demeurées à Sedan; et qu'il avoit 4 à 5 mille hommes qui [qu'il] faisoit vivre comme des Capucins, afin de ne laisser point de mauvais odeur de luy dans les lieux où il passoit. Sur cest advis, S.A.R. donna ordre à tous les chefz de ses trouppes qui estoint icy, de partir promptement; et M. de Beaufort, qui les doit commander, se dispose aussy pour y aller.

Le mesme jour le mareschal d'Estampes revient de la Cour, d'où il n'apporta aucune satisfaction sur ce qu'il avoit demandé à la Reyne de la part de S.A.R.. On le pressa fort d'aller trouver M. le Prince, pour luy parler d'accommodement; mais il s'en excusa sur ce que son ordre estoit de n'y aller point si la Reyne ne contremandoit le cardinal Mazarin, et si elle ne le vouloit esloigner de bonne foy; ce qu'elle luy avoit desja reffusé, quelques raisons qu'il luy eut peu faire entendre pour l'en persuader, et le Roy aussy, qui la renvoya à la Reyne lors qu'il luy en parla. Les nouvelles qu'il en apporta sont que le Conseil y estoit attendu le 6; que la Cour parloit de partir de Poictiers, mais qu'on ne sçavoit quand ny où elle iroit, quelq'ungs estiment qu'elle ira au devant du cardinal Mazarin; qu'il est vray que M. le Prince avoit eu quelque petit avantage, mais que ce n'estoit que de 100 ou 120 chevaux, qui estoint tombés dans une embuscade dressée par le colonel Baltazard, qui prit aussy un valet de chambre du comte d'Harcourt, qui avoit un manteau de son maistre avec l'ordre du St Esprit, que M. le Prince luy renvoya avec le valet de chambre.

Le mesme jour 8, M. l'archevesque de Paris fit publier, dans touttes les paroisses de son diocese, la censure qu'il a faitte d'ung livre intitulé Le Jansenisme confondu fait par le Pere Brisacier, Jesuiste, avec deffense à touttes personnes de le lire, soubz peyne d'excommunication, et beaucoup de reproches contre son autheur.

Les advis On escrit de Bourdeaux du premier du courant que M. le prince de Conty en estoit party avec MM. de la Rochefoucaut et de Chouppes [et de] St Martin, pour aller à Agen tascher d'y retenir les espritz dans le party de M. le Prince; qu'il avoit esté fort bien receu par les habitans; et qu'ilz avoint obtenu de luy qu'on ne leur donneroit point de garnison.

/5/ Mlle de Longueville partit d'icy dès le 4 du courant, pour aller trouver Monsieur son pere, qui commenceoit d'assembler de la noblesse de Normandie, et sollicittoit fort le Parlement de Rouen de donner son arrest semblable à celuy de Paris du 29 du passé contre le cardinal Mazarin. S.A.R. escrivit, dès le 3, à ce parlement là sur le mesme subject, et y envoya M. de Sommery. Les chambres s'y assemblerent le 8 sur ce suject, et ayant leu les lettres de S.A.R. et du Parlement de Paris, en remirent la desliberation au 10, auquel jour une lettre de cachet du Roy y estoit arrivée, portant deffenses de s'assembler ny desliberer sur ce subject, jusques à ce que les deputtés du Parlement de Paris eussent esté ouys, et que M. le Garde des Sceaux feut arrivé à la Cour pour en faire desliberer par le Conseil. Ilz la remirent encore à aujourd'huy.

Le Parlement de Dijon a donné, sur cette matiere, un arrest pareil à celuy de Paris.

La ville d'Estampes a emprunté 12 mille livres, qu'elle a fait deslivrer à S.A.R. pour la subsistance de ses trouppes, à condition qu'elles en deslogeroint et que cette somme luy seroit rabattue sur les tailles.

Le 9, au matin, un valet de chambre de M. le Prince estant arrivé icy, apporta une lettre de son maistre à M. le duc d'Orleans, auquel il mande qu'il a apris le retour du cardinal Mazarin en France; qu'il n'a pas besoing d'autre justiffication de ses armes; et que comme il a tousjours veu S.A.R. portée d'ung grand zele d'empescher le retour d'une personne si contraire au bien de l'Estat, qu'il estoit obligé de luy offrir tout ce qui depend de luy, pour contribuer aux bonnes intentions de S.A.R. et à l'effect d'ung ouvrage si digne d'elle.

Le mesme jour, sur la requeste d'un nommé Vialet, la Grande Chambre donna un arrest portant qu'on recevroit les encheres qui ce [se] faisoint de la bibliotecque du cardinal Mazarin en gros, pour en estre fait rapport au Parlement; et que cepandant la vente en destail seroit surcisz, à cause qu'on pretendoit que les livres s'en debitoint à tropt bon marché. MM. des Enquestes ayant trouvé à redire que MM. de la Grande Chambre eussent donné cest arrest sans les y appeller, allarent le lendemain au matin encor dans celle cy, pour en tirer raison; où n'estant arrivés que fort tard, MM. les presidentz au mortier vouleurent sortir sans rien desliberer, à cause que 10 heures avoint sonné; ce qui fit fort crier les Enquestes, dont quelq'uns les appellerent Mazarins, et mesmes les empescherent par force de sortir, s'estant emparés du passage et ayant empesché qu'ilz ne sautassent par dessus les ban[c]s, jusques à les pousser rudement; en sorte que le president Novion et M. Sevin, qui s'estoint levé les premiers, firent des plaintes de ces violences et notenment le derner, qui avoit esté frappé par M. de Pontcarré, qui soutient neamoings de n'avoir fait aucune violence que de l'empescher de sortir. Enfin, la rumeur ayant esté appaisée, il feut arresté qu'on s'assembleroit le lendemain, et que le /5v/ raport seroit fait de touttes les encheres de cette biblioteque, tant en gros qu'en destail, pour estre ordonné ce que de raison. Un heure auparavant, la Grande Chambre avoit donné arrest pour le reglement des monnoyes, par lequel les louys d'or feurent mis à 11 livres 10 sols, les pistolles à 11 livres 6 sols, et les louys d'argent à 3 livres 8, jusques à ce qu'il en feut autrement ordonné, et cepandant deffenses de les mettre à plus haut pris.

Le mesme jour Mme de Chevreuse revient du Pont aux Dames, où elle estoit allé prendre possession de cette abbaye, qui a esté donnée à sa fille.

M. d'Espernon ayant envoyé un officier dans une de ses terres nommée Montfort, partit d'icy afin d'y lever 50 soldatz pour mettre en garnison dans le chasteau de Dijon; et cest officier les ayant levé, les voulu mener dans Paris le x, pour les habiller et armer; mais estant entré dans le faubourg St Germain, le peuple se soublevat contre luy et le maltraitta fort, et l'eut deschiré n'eut esté l'adresse d'ung commissaire du Chastellet, qui l'alla prendre par le collet, disant qu'il l'alloit mettre en prison apres l'avoir mené à M. le duc d'Orleans, comme il fit, accompagné de quantité de peuple; et S.A.R. l'ayant interrogé et veu sa commission qu'il avoit de M. d'Espernon, luy dit qu'il se retirat, et que le traittement qu'on luy avoit fait luy estoit bien deubt; et parce que le peuple l'attendoit encor à la porte du palais d'Orleans, on le fit sauver par la porte du jardin, apres l'avoir osté à des lacquais qui le maltraittoint aussy beaucoup.

Hier, au matin, M. le duc d'Orleans s'estant trouvé à l'assemblée du Parlement, l'on deslibera sur la vente de la biblioteque; et M. Portail, l'ung des commissaires depputtés pour la vendre, se plaignit fort de ce q'ung nommé Vialet, qui a esté cler de M. Menardeau, l'ayant voulu achepter en gros, et en ayant d'abord offert 45 mille livres et fait despuis, tous les jours, des nouvelles offres, il n'avoit pas jugé à propos de consentir qu'elles feussent receues, tant parce qu'il avoit creu qu'elle se vendroit plus en destail qu'en gros, et aussy qu'il n'en faisoit aucune offre raisonnable; que ce Vialet, en hayne de ce refus, avoit presenté avant hier une requeste fort injurieuse contre luy sur ce subject, et qu'il en demandoit reparation. Plusieurs vouleurent decretter contre luy, mais cela ne passa pas; et l'on opina seulement sur la maniere de vendre cette bibliotecque, laquelle il feut arresté qu'on vendroit en destail. Ensuitte on leut une lettre de M. le Prince qui avoit esté apportée par un courrier expres, avec une requeste par laquelle il feut arresté qu'on vendroit en destail apres avoir remonstré que le retour du cardinal Mazarin en France justiffioit asses sa conduitte et le suject qu'il avoit eu de prendre les armes, il demandoit d'estre deschargé du contenu de la declaration du Roy que ce cardinal a fait /6/ donner contre luy, jusques à ce que celuy cy seroit chassé entierement hors de France. L'on parla aussy, en mesme temps, de desliberer sur les moyens d'executter les arrestz donnés contre ce cardinal, et de faire des levées à cette fin, et trouver de l'argent pour la subsistance des trouppes qui seroint employées; mais parce qu'il estoit desja tard pour commencer cette desliberation, lors qu'on estoit sur le point de la remettre à aujourd'huy, un cappitaine du regiment de Languedoch entra dans l'assemblée, et dit qu'ayant esté commandé pour garder le passage de Pons [Pont] sur Yonne, il s'y estoit jetté dedans avec 50 soldatz, et avoit fait rompre le pont; que des trouppes du mareschal d'Hocquincourt s'y estant presentées avec un ordre du Roy pour y passer, il leur avoit respondu qu'il avoit tous les respectz du monde pour Sa M., mais que le cardinal Mazarin estant avec elles, et cest ordre estant contre la declaration de Sa M., il ne les pouvoit pas laisser passer; que sur cela, ces trouppes ayant assiegé cette bicoque, il s'y estoit deffendu 24 heures, jusques à ce que n'ayant plus ny poudre ny plomb, et les habitans estant contre luy à cause qu'il ne pouvoit pas faire vivre ses soldatz avec toutte la discipline qu'il eut souhaitté, il feut obligé de se rendre avant hier à composition, par laquelle il luy feut permis de sortir avec ses soldatz, vie sauve, et de venir trouver S.A.R.; que pour cest effect on luy donna un passeport; et qu'estant sur le point de partir, il apprit, le 9 au matin, que ce mareschal ayant envoyé quelques cavaliers à la descouvert, ceux cy avoint rencontré, proche de Sens, MM. de Chisay Bitaut et du Coudray Gignieres, commissaires du Parlement qui, suivant l'arrest, estoint allé faire rompre les pontz et soulever les communes pour empescher le passage de ce cardinal; et qu'ayant fait une descharge sur eux, M. du Coudray y avoit esté tué, avec quelques autres, et M. de Gisay Bitaut fait prisonnier avec le reste; qu'avant que partir, on luy permit de dire un mot au dernier, qui avoit esté mené à Pons, et qui le chargeat de dire à S.A.R. et au Parlement qu'il estoit prisonnier et qu'il croyoit que son compagnon estoit mort. La Compagnie fit grand bruit de cela, et l'on parla d'abord de prendre des resolutions estranges là dessus; et afin de desliberer là dessus, ces messieurs entrerent dans la beuvette pour manger un morceau et commencer ensuitte de desliberer, tant sur cela que sur la requeste de M. le Prince. L'opinion des Gens du roy feut de decretter contre le mareschal d'Hocquincourt et d'informer du fait, et de surceoir l'execution de la declaration donnée contre M. le Prince jusques a retour des deputtés qui sont en Cour, auquel on envoyeroit la lettre et la requeste de Monsseigneur le Prince pour la presenter au Roy. Plusieurs opinerent à surceoir l'execution de cette declaration jusques à ce que le cardinal Mazarin soit hors de France, et prendre tout l'argent qui ce [se] trouveroit de reste dans /6v/ les receptes generalles, apres que les rentes de la Ville de Paris et les gages des officiers des cours souveraines seroint payées; mais la desliberation ne peut estre achevée, quoy qu'on n'en sortit qu'à 4 heures apres midy, et feut remise à aujourd'huy.

Le Parlement de Bretagne, les 2 semestres assemblés, a interdit l'entrée dans leur assemblée à l'evesque de Rennes, et ordonné qu'il viendra derriere le barreau pour recevoir la correction fraternelle qu'il merite, d'avoir calomnié le Parlement aupres du Roy et dans les Estatz; et fait deffenses à M. de la Mesleraye de prendre qualité de duc et de fortiffier Blavet sans commission du Roy veriffiée en Parlement.

D'autres advis de Bourdeaux portent que le procureur general du Parlement y ayant receut une declaration du Roy pour la presenter à la Compagnie, avoit esté attaqué par le peuple en plaine rue, allant au Palais, et qu'on luy avoit osté de force cette declaration à son clerc, qu'il [qui] la portoit, et qu'on l'avoit deschirée et mis en mille mourceaux. On croit qu'elle transferoit le Parlement à Lymoges, et l'interdisoit faute d'y obeir; et que le comte d'Augnion, ayant pris 5 vaisseaux marchandz chargés de marchandises, les avoit esquippés en guerre [et] s'estoit allé investir par mer La Rochelle, avec 5 ou 6 autres vaisseaux qu'il avoit, et y attendoit M. le Prince par terre.

On mande de la Cour, du 7, que M. le Prince estoit party de son camp avec 3 mille chevaux, disant qu'il alloit au devant du cardinal Mazarin; et que neamoings on croyoit qu'il estoit allé vers La Rochelle; que le Conseil estant arrivé à Poictiers, le Premier President y avoit parlé avec grande vigueur à la Reyne contre le cardinal Mazarin.

M. de Gaucourt arriva hier icy, au matin, de la part de M. le Prince.

Le cardinal Mazarin a couché deux nuictz à Pons sur Yonne, sçavoir celle du 9 et celle du x. Il y avoit 3 mille chevaux, 600 dragons, et 900 fantassins, avec 2 pieces de canon de 6 livre la balle, et deux de deux livres.

Le matin Mme la comtesse d'Harcourt estant partie pour s'en aller, a esté arrestée par des bourgeois vers la porte St Victor, et menée dans l'Hostel de Ville, où M. de Beaufort l'est allé prendre 2 heures apres, et l'a ramené ches elle pour y demeurer sur sa parolle. On a esté chercher les enfans de M. d'Hocquincourt au college, pour les faire servir d'ostage pour la seurté de M. Bitaut, mais ilz en estoint desja partis.

Le comte de Tavanes a mandé à S.A.R. qu'il estoit prest de luy amener 5 mille hommes /7/ où il n'y avoit pas un Espagnol, mais tous Lorrains, Allemandz, de ses trouppes.

Ce matin l'assemblée du Parlement ayant continué, l'on y a fait lecture d'une lettre que M. du Coudray Gignieres a escrit à la Compagnie, dattée de Sens du 10, par laquelle il manda qu'en revenant de Pons sur Yonne avec M. Bitaut, ilz avoint esté attaqués par 8 cavaliers, contre lesquelz ilz s'estoint deffendus, et avoint tué le major du comte Broglio d'ung coup de mousquetton; qu'il avoit eu son cheval tué soubz luy, et qu'ensuitte il avoit trouvé moyen de se sauver à Sens, avec son valet de chambre, qui a esté fort blessé; et qui [qu'il] ne sçavoit ce qui estoit devenu M. Bitaut. Ensuitte le president de Novion a dit qu'il y avoit des personnes qui venoint veoir les desliberations et alloint apres dans la salle, publier ce qui s'y estoit passé; et que hier, en sortant, on l'avoit menacé d'ung poignard, le faisant passer pour un Mazarin, ce qui a obligé S.A.R. de faire sortir ses gens; et apres, l'on a continué la desliberation d'hier, et ordonné que les arrestz precedentz seroint executtés à l'esgard du mareschal d'Hocquincourt et des autres qui sont à la suitte du cardinal Mazarin, et que la declaration contre M. le Prince demeurera surcise jusques à ce que celles contre le cardinal Mazarin soint executtées; et quant aux moyens d'avoir de l'argent et de faire des levées, l'on a remis le tout à la prudence de S.A.R., et à sa disposition toutte entiere, sans prononcer là dessus.

Avant hier M. le duc d'Orleans ayant mandé son chancellier, son surintendant, ses tresoriers, et ses secretaires, leur commanda de luy chercher promptement 50 mille escus en leur nom, et leur dit qu'ilz pouvoint reprendre cette somme sur ses biens à l'advenir. Aussytost ilz se mirent en devoir de la trouver, et l'apporterent, dès hier au soir, à S.A.R. pour l'employer aux choses les plus necessaires pour s'opposer au passage du cardinal Mazarin.

/8/ De Paris le 19 janvier 1652

M. le duc d'Orleans ayant emprunté la somme que vous aves sceu, ce [se] fit deslivrer de la semaine passée 12 mille escus à M. de Beaufort, pour se mettre en estat d'aller commander ses trouppes. Il leve une compagnie de cent gardes qui est presque faitte et se prepare de partir.

Le 13 le Parlement de Rouen donna un arrest presque semblable à celuy de Paris du 29 du passé contre le cardinal Mazarin; excepté qu'il ne mit pas sa teste à prix, parce qu'il avoit receu une lettre de cachet par laquelle le Roy luy deffendoit de s'assembler et desliberer sur cette matiere, jusques à ce que les deputtés de celuy de Paris eussent esté ouys, et que Sa M. luy auroit fait entendre ses intentions. Il a ordonné qu'il seroit envoyé des deputtés au Parlement de Paris, pour sçavoir quelle response auront eu ceux qui sont à la Cour, et pour supplier S.A.R. de vouloir continuer ses soings contre [sic] l'expulsion du cardinal Mazarin.

Le 14 la nouvelle vint que le Parlement de Thoulouse, sans attendre l'advis de l'arrest de celuy de Paris du 29 du passé contre le cardinal Mazarin, en a donné ung par lequel il ordonne que la declaration donnée contre luy sera executtée, que les communes s'assembleront pour luy courre sus, à luy et sa suitte, deffenses à touttes personnes de le recevoir ny luy administrer vivres, ordonné que Sa M. sera suppliée d'esloigner aupres d'elle tous ceux qui sont attachés d'interest dans le party du Cardinal, et que S.A.R. sera suppliée de vouloir continuer ses soings pour l'accommodement de M. le Prince.

Le mesme jour on eut advis de Montauban que M. de St Luc y estoit retourné despuis; que M. le prince de Conty a esté bien receu dans Agen, et que le vicomte d'Arpajoux fait unir ses troupes prestes pour la Cour, dans les interestz de laquelle il s'est mis apres une asseurance qu'on luy a donné d'ung baston de mareschal de France.

S.A.R. travaille fort aux moyens d'avoir de l'argent pour faire des levées. Elle manda, le mesme jour, les fermiers des gabelles et leur dit qu'il faloit qu'ilz luy en trouvassent, et qu'elle vouloit prendre sur eux le fondz des rentes sur l'Hostel de Ville qui apartient à ceux qui sont dans le party du cardinal Mazarin, et que tous les autres feussent payés. Ilz luy promirent de luy faire un fondz considerable, mais il ne peut pas estre fait d'ung mois. Elle obligea aussy le tresorier des parties casuelles de s'engager de luy fournyr quelque somme, et le receveur general d'Orleans luy en promit pour faire subsister sa compagnie des gardes, et pour quelques autres despenses de sa maison. Il y a plusieurs bourgeois à Paris qui se montrent fort zelés pour contribuer, mais le nombre est plus grand de ceux qui ne veuillent rien bailer de bon gré.

Le 15 un trompette que S.A.R. avoit envoyé au mareschal d'Hocquincourt, qu'il relaschat M. de Chisay Bitaut, revient et rapporta que le cardinal Mazarin avoit tenu conseil là dessus /8v/ avec ce mareschal et les gouverneurs des places frontieres de Picardie et Champagne qui sont à sa suitte; qu'ilz avoint resolus de le retenir et de l'emmener, et luy avoint ainsy fait leur declaration, adjoustantz qu'ilz voudroint tenir de mesmes M. de Coudray; que c'estoit des parlementaires d'Angleterre, des seditieux, et des rebelles, et qu'il estoit honteux à S.A.R. de se faire chef de telles gens; à quoy le trompette dit qu'il avoit respondu qu'il estoit bien plus honteux à un mareschal de France de s'estre fait le support d'ung estranger condemné par tant d'arrestz et declarations; que neamoings on traittoit fort bien M. de Bitaud, quoy qu'il n'eut pas voulu veoir ce cardinal.

Le 16 le Parlement s'estant assemblé pour desliberer sur ce qu'avoit rapporté ce trompette, S.A.R. en fit recit; et il feut ordonné que ce mareschal et sa posterité seroint responsable de la personne de M. Bitaut; que S.A.R. seroit priée de luy renvoyer le trompette pour luy porter cest arrest et luy redemander ledit sieur de Bitaut; et qu'on escriroit à tous les parlements pour les informer du traittement qui estoit fait à cest officier, et aux depputtés qui sont à la Cour, pour leur donner ordre de s'en plaindre au Roy.

Le mesme jour, un courrier de M. le Prince arriva icy et rapporta beaucoup de nouvelles à S.A.R., mais on ne les croit pas touttes. Il dit que l'armée de M. le Prince estoit de 6000 fantassins et 4 mille chevaux effectifs; que S.A. avoit receu 400 mille escus d'Espagne; et que les soldatz de celle du comte d'Harcourt l'ayant sceu, se disbandoint fort et venoint prendre party dans celle de M. le Prince, laquelle est comme en quartier d'hyvert, partie à Xaintes et partie à Pons; que M. de Guyse y estoit attendu le 23 avec 3 mille Espagnolz (mais les lettres d'Espagne n'en font aucune mention); et que les 4000 Anglois avoint aussy fait descente à Bourdeaux. Il est vray qu'il est arrivé 50 officiers anglois conduitz par le colonel Roquely, mais on ne croit pas qu'il y soit arrivé des soldatz, parce que le parlement d'Angleterre a jusques icy respondu au colonnel qui en faisoit la demande, qui [qu'il] ne vouloit point desobliger le Roy, que tout ce qu'il pouvoit faire pour M. le Prince estoit de permettre de faire des levées en Angleterre en payant, et qu'on ne refuseroit point la mesme permission au Roy s'il la demandoit. Quelq'ungs neamoings tiennent cette nouvelle pour certaine, fondés sur ce que les Anglois ne faisoint cette response que pour ne donner point de subject au Roy de secourir l'isle de Jersay, et qu'ilz ne s'en soutient plus à present qu'ilz l'ont toutte conquise. Ce courrier adjouste qu'en passant à la Cour incognito, il aprit que la Reyne avoit fait deffenses, sur peyne de la vie, de laisser parler aucung courrier au Roy, et que les logementz du cardinal Mazarin et de ceux de sa suitte y estoint marqués et preparés.

Le mesme jour on eut advis que le marquis de Vrilles s'estoit emparé du pon[t] de Digoin sur la Loire, et que le duc de Candale y alloit avec quelque cavalerie /9/ pour recevoir le cardinal Mazarin et le conduire par l'Auvergne à la Cour, mais il ne tient pas ce chemin. Il y a sejourné dans Pons sur Yonne jusques au ___ [sic], pendant lequel temps il a fait faire 15 mille pains de brasse, fait faire grande quantité d'eschelles dans un village voisin, et grande quantité de flambeaux pour marcher la nuict, lesquelz ont esté faitz dans la ville de Sens, qui luy a envoyé faire compliment et luy a envoyé fournir 20 mille pains de munitions. Ses partisans ont despuis fait partir tous les jours d'icy plusieurs courriers pour l'aller trouver à l'arrivée, desquelz il a tenu conseil 5 ou 6 fois par jour. Il a bonne prouvision de lettres de cachet du Roy en blanc, pour se faire recevoir dans tous les lieux où il veut passer. Il en a envoyé une à cette fin à Montargis, mais on luy fit response qu'il ne se donnat pas la peyne d'y venir, et qu'on ne pouvoit pas contrevenir aux declarations du Roy, qui doivent estre plus considerées que les lettres de cachet.

Devant son despart de Pons, le mareschal d'Hocquincourt feut à Sens avec 50 de ses gardes, et y chercha de maison en maison M. du Coudray Gignieres, les habitans le luy ayant permis; mais il ne le trouva pas, parce q'ung de ses amis, qui en avoit esté adverty, l'avoit fait sauver un peu devant que ce mareschal y arrivat, et l'avoit conduit à un chasteau qui est à 2 lieues de là, où il est encor, en attendant l'occasion de pouvoir revenir en seuretté.

Quatre compagnies du regiment de Languedoch s'estant logées despuis 5 ou 6 jours, en vertu d'ung antien ordre du Roy, à St Jullien du Saut, qui est une terre apartenant à l'archevesque de Sens, scitué à 2 lieues de la mesme ville, ce prelat assemblat 4 à 500 fuseliers pour les en faire deloger par force; et s'estant luy mesmes avec cette suitte, declara au capitaine qui commandoit ces 4 compagnies que s'il n'en sortoit sur l'heure mesme, il les tailleroit en pieces. Ce capitaine, qui ne se voyoit pas asses fort pour luy resister, n'ayant que 150 soldatz, luy respondit qu'il estoit prest de partir, mais qu'il le prioit de luy faire donner seurté pour s'en aller toutte la nuict par eau; et pour cest effect luy donna un gentilhomme, avec une lettre qu'il escrivit sur le subject au maire de Sens. Sur cela, ce capitaine ayant fait embarquer ses trouppes avec son esquipage sur 4 bateaux, s'avancea par terre avec ce gentilhomme, et arriva de bonne heure à Sens; où ses [ces] batteaux passant soubz le pont à 7 heures du soir, quelq'ungs s'escrierent qu'il y avoit plus de 6 mille hommes qui venoint pour surprendre la ville. Aussytost, tous les habitans s'estant allarmés, prirent les armes, et ayant fait plusieurs descharges sur ses [ces] bateaux, tuerent quantité de soldatz; et les batteliers qui les conduisoint s'estant sauvés à la nage, les bateaux ne peurent aller à bord qu'à un quart de lieue de là; où ayant esté poursuivis, il y en eut encor plus de 50 tués au desbarquement, en sorte qu'il ne s'en sauva qu'environ 60. /9v/ Leur cappitaine s'en estant plaint le lendemain au matin au maire, et en ayant voulu faire du bruit dans la ville, feut fort maltraitté à coups de halebarde, et chassé de cette façon. Il en vient faire sa plainte à S.A.R., qui s'en vengera certainement, aussy bien que contre la ville de Gien, laquelle, nonobstant l'obligation recente qu'elle luy a, de l'avoir fait descharger cette année des logementz des gens de guerre, et quoy qu'elle soit de son apanage d'Orleans, n'a pas laissé de mespriser les ordres que palais d'Orleans luy avoit envoyés, de recevoir son regiment d'infanterie pour empescher que le cardinal Mazarin n'y passat. Ce regiment s'y estant presenté pour entrer, on luy ferma les portes, et il ne laissa pas de se loger dans le faubourg qui est en delà de la riviere, au bout du pont; mais dans ce temps là, le sieur de Rasle, qui estoit arrivé avec un ordre du Roy d'y recevoir le cardinal Mazarin, et ayant exhorté publiquement les habitans d'obeir à Sa M. et de luy estre fidelles, ilz se laisserent persuader d'obeir à cest ordre, quelques raisons contraires qui leur peut alleguer le marquis de Sourdis, qui estoit entré avec celuy de S.A.R. Ilz declarerent donc, à ceux cy, qu'ilz vouloint plutost obeir à Sa M., et luy dirent qu'il se retirat, et qu'il ne faisoit pas bon là pour luy. Ilz ne vouleurent pas mesmes souffir qu'il allat delà le pont pour parler à M. de Sommery, qui commande ce regiment, auquel ilz mandarent en mesme temps que s'il ne se retiroit, ilz seroint obligés de le charger; mais il se mocqua d'eux; et il n'y eut que ce marquis qui se retirat et, ayant passé la riviere en batteau, conferat avec luy et envoya icy en diligence un capitaine de ce regiment, pour avertir S.A.R., qui leur a mandé qu'ilz abandonnassent ce poste, afin de ne s'exposer point à estre chargés en mesme temps et par l'armée du cardinal Mazarin et par les habitans de cette ville là; outre qu'ilz avoint eu advis que le comte de Palluau y estoit attendu avec 300 chevaux, pour y recevoir ce cardinal; lequel estant party de Pons le 14, marcha à Courtenay, d'où il alla le 15 à Chastillon, où ayant passé la riviere de Loing le 16, il en partit le 17 au soir, et marcha toutte la nuict à Gien, où il passa hier au soir la Loire.

Hier, au matin, M. de Ruvigny arriva icy de la part du Roy et de la Reyne, sur le retour de ce cardinal, pour tascher d'adoucir M. le duc d'Orleans; et à cette fin il apporta des lettres de Leurs M. et de M. le duc d'Anjou à S.A.R., lesquelles continrent que le cardinal Mazarin ayant fait instance pour se justiffier de tout ce que ses ennemis luy avoint imputé, le Roy ne luy avoit peu refuser cette justice, non plus que le secours considerable des troubles qu'il luy menoit et qu'il avoit faitte à ses despens; que veritablement Sa M. sçavoit bien que S.A.R. n'estoit pas de cest advis, mais que la necessité presente de l'Estat l'y avoit obligée, et qu'elle n'avoit pas jugé à propos d'en avertir plus tost S.A.R., ayant creu qu'elle /10/ voudroit s'y opposer; que Sa M. la prioit de l'agreer et de licentier ses nouvelles troupes, si elle en avoit levés, et envoyer les autres dans les quartiers d'hyvert qui leur estoint assignés; et que si elle vouloit venir à Poictiers, elle y seroit receue dans le rang que sa naissance luy donne. S.A.R. ayant leu ces lettres, M. de Ruvigny commencea à debiter des raisons pour l'exhorter de se conformer aux intentions du Roy; mais elle l'interrompit, et apres luy avoit dit qu'elle ne pouvoit point faire de response asses respectueuse à Leurs M. sur ce subject, elle le pria de les asseurer qu'elle ne s'eloigneroit jamais du respect qu'elle leur doit, mais qu'elle estoit resolue de perir avec M. le Prince, M. de Lorraine, et tous ses amis, plustost que souffir q'ung estranger, proscrit par tant d'actes de justice, leur vient faire la loy; que touttes les raisons du monde ne le feroint jamais demordre de cette resolution; et que s'il n'estoit venu que pour cela, sa negotiation estoit achevée; de sorte que Ruvigny voyant qu'il ne pouvoit faire autre chose, prit congé de S.A.R. dès hier au soir, et s'en est retourné dès aujourd'huy.

Les nouvelles qu'il avoit apportées estoint que le 13, les deputtés du Parlement de Paris ayant eu audiance sur le subject de l'arrest donné le 29 du passé contre le cardinal Mazarin, la response leur feut faitte par le Premier President, comme garde des sceaux: qui feut que le cardinal Mazarin ayant tesmoigné au Roy souhaitter avec passion de se purger des calomnies que ses ennemis luy avoint imposé, et se justiffier devant des juges qu'il plairroit à Sa M., elle luy avoit permis, en consideration de ses bons services, outre qu'il avoit fait beaucoup de troupes à ses despens, et que de plus le Roy ayant besoin de son conseil, et s'estant tousjours bien trouvés de ceux qu'ilz luy avoint donnés, il estoit encor bien ayse de s'en servir; à quoy il adjousta qu'ayant tousjours recognu le Parlement de Paris entierement zelé pour le bien et le service de l'Estat, il ne pouvoit s'empescher d'improuver la precipitation avec laquelle il avoit donné ce dernier arrest, qui estoit contre la volonté et les intentions du Roy; sur quoy les deputtés se disposoint à partir pour s'en revenir. Le 13 un courrier du comte d'Harcourt arriva à Poictiers, deux heures devant le despart de Ruvigny, et porta nouvelle que ce comte ayant eu advis qu'il y avoit quelques regimentz de cavalerie de M. le Prince asses escarté, mais couverts de la petite riviere [la Seugne] de Pons, les envoya attaquer par 4 autres, commandés par le sieur de Bougy, mareschal de camp; lequel ayant passé cette petite riviere sur un pont qu'il avoit fait faire la nuict, surprit les regimentz de Condé et d'Albret, et les defit entierement; apres quoy, ayant attaqué ceux de Duras et de la Force, il en defit encor une partie, et poursuivit le reste durant une demie lieue; mais ayant esté adverty que M. le Prince les alloit secourir, il repassa la riviere, et son pont feut rompu devant que S.A. y feut arrivé, laquelle y perdit 300 hommes, tant tués ou prisonniers, entre lesquelz il y a 25 officiers. Un courrier qui en est venu ce matin, dit qu'il n'y en a pas tant, et les moings passionnés en rabattent la moitié. Il rapporte aussy que, le 14, /10v/ le feu ayant pris dans la chambre du Roy, mit l'allarme dans toutte la Cour, mais il n'y fit point de mal, ayant esté bientost esteint; qu'on avoit resolut de donner un arrest du Conseil qui casseroit celuy du Parlement de Paris du 29 du passé; et que M. le Prince avoit mis la ville de Bourbourg sur Dordogne entre les mains des Espagnolz.

Les Estatz de Languedoch sont enfin d'accord avec le Parlement de Thoulouse.

Le mareschal de la Motte arriva a Geronne le 27 du passé, avec sa compagnie des gardes seulement, et s'avancea le 29 à Hostach, 5 lieues de Barcelonne, s'attendant les trouppes de M. St André Mombrun, qui estoint encor en Languedoc; cepandant, le baron d'Alais y avoit pris un convoy des ennemis de 50 muletz et 100 chevaux chargés.

Le duc de Nemours est arrivé icy ce matin, apres avoir essuyé des grandz dangers. Il s'estoit embarqué à Bourdeaux le 17 du passé, pour passer en Flandres, mais il se trouva si mal sur la mer qui [qu'il] feut contraint de se desbarquer avec le marquis de Sillery, le comte de Chavaignac, et un autre, lesquelz ont passé incognus par le Rouergue, par le Gevaudan, et par l'Auvergne, sur des chevaux qu'ilz avoint acheptés; s'estant arrivés, le 16 de ce mois, à Briare, y vouleurent prendre la poste pour venir icy, n'ayant pas encor sceu que le cardinal Mazarin feut entré en France, et se separerent en sorte que ce duc, qui passoit pour valet de chambre de Chavaignac, tenoit un chemin et le marquis de Sillery un autre. Estant arrivés tous en mesme temps, en un bourg nommé Ousson, 2 lieues en deça de Briare, on demanda à Chavagnac qu'il [qui il] estoit et d'où il venoit. Il desguisa son nom et dit qu'il venoit de Lyon; et ayant refusé de parler au comte de Bourlemont, qui y estoit avec quelque cavalerie du cardinal Mazarin, on le voulut arrester; mais il trouva moyen de s'eschapper avec les autres, qui rebrousserent chemin, se voyant poursuivis par cette cavalerie, feurent contraintz de passer le canal de Briare à la nage, sur les chevaux de poste qu'ilz avoint; et s'estant separés, MM. de Nemours et Chavaignac arriverent avant hier, au soir, à Chastillon sur Loing, où ilz entrerent par une porte en mesme temps que l'arriere garde du cardinal Mazarin en sortoit par l'autre; et de là, estant arrivés hier au soir à Corbeil, s'embarquerent sur la Seine et se sont venus toutte la nuict. Le marquis de Sillery, qui avoit pris le chemin d'Orleans, est aussy arrivé ce matin. Ilz partirent, dans 2 ou 3 jours, pour poursuivre leur voyage en Flandres.

/11/ pour y recevoir le C [the rest of the side is blank, which suggests that these words should be disregarded]

/12/ De Paris du 26 janvier 1652

Vous aves sceu que M. de Sommery ayant proposé, de la part de M. le duc d'Orleans à M. le duc de Longueville, de s'unir avec luy pour l'expulsion du cardinal Mazarin, il tesmoigna de n'en estre pas fort esloigné, à certain conditions; pour la division desquelles S.A.R. ayant resolut, la semaine passée, de traitter avec luy, renvoya à Rouen M. de Sommery, qui y feut accompagné par M. de Gaucourt, comme ayant charge de M. le Prince, et par M. de St Ibar, qui estoit employé icy pour les affaires de M. de Longueville, lequel n'ayant peu demeurer d'accord avec eux de ces conditions, ne voulut pas signer le traitté d'union; mais S.A.R. y a envoyé, et l'on croit qu'il le signera; cepandant, on asseure qu'il a envoyé son secretaire au cardinal Mazarin pour le complimenter.

S.A.R. ayant trouvé de fondz pour un million de livres, l'on a proposé à quelques personnes des plus acredittés de Paris que si elle vouloint avancer cette somme, on leur mettroit le fondz entre leurs mains avec une remise, et que 7 ou 8 personnes de condition leur en seront caution; mais ilz ne peuvent pas se resoudre à s'y engager. S.A.R. a resolu cepandant de faire des recreues pour ses troupes, dont le nombre sera par ce moyen augmenté jusques à 6000 hommes.

On escrit de Montauban que le prince de Conty estoit encor à Agen; que M. de Choupes, un de ses lieutenants generaux, estoit allé du costé de Cahors avec quelques troupes, qui avoint pillé plusieurs maisons de gentilshommes; et que M. de St Luc s'y estant acheminé avec sa cavalerie, et leur ayant pris quelques officiers, avoit esté envelopé par Choupes et obligé de se retirer à Moneur, où il est assiegé sans esperance d'en pouvoir eschaper, d'autant plus que M. de Castelnau, petit filz de M. de la Force, s'avanceoit avec son regiment et 4 pieces de canon, pour joindre Choupes.

Le cardinal Mazarin estant arrivé à Gien la nuict du 17, s'y reposa le 18 et en partit le 19 avec 3 mille chevaux, pour aller en Cour. Son armée, qui faisoit le nombre de 6 mille hommes effectifs, y compris le regiment royal et ceux de Clairé et de Richelieu, feut divisé en deux corps egaux, dont l'ung le suivit à petites journées, pour aller joindre le comte d'Harcourt, et l'autre a marché vers Mourron pour le forcer, en quoy le comte de Palluau ce [se] promet reussir, à cause que cette place est fort pressée.

Le 19 un courrier arriva icy, venant de Poictiers, et porta l'ordre aux maistres des requestes d'aller en Cour, à quoy quelq'ungs ont desja obei, d'autres se disposent à partir, et d'autres s'en dispensent. Ce courrier porta nouvelle que le Conseil d'en haut avoit donné un arrest qui casse celuy du Parlement de Paris donné contre le cardinal Mazarin, et ordonne que ce cardinal seroit receu à se justiffier. Le president de Bellievre et les autres deputtés qui estoint allés en Cour en reviendrent le 12 [?].

Le mesme jour, 21, M. de Chavigny receut une lettre de cachet par laquelle il estoit mandé en Cour, mais on ne croit qu'il y alle, n'y estant aucunement disposée.

La ville de Gien ayant envoyé icy 2 deputtés à M. le Chancellier, sçavoir le president de l'eslection et le prevost des mareschaux, pour remontrer les raisons qui avoint obligé cette ville là à recevoir le cardinal Mazarin, S.A.R. les fit arrester et mettre en prison dans la Conciergerie du Palais, où ils sont encores.

/12v/ Le 22 on eut advis de Bourdeaux, du 15, que le Parlement s'y estant assemblé le xi, et M. le prince de Conty, qui estoit revenu d'Agen, s'y estant trouvé avec M. de la Rochefoucaut, l'on y deslibera sur la duplicata de la declaration qui avoit esté deschirée auparavant par le peuple, laquelle transferoit le Parlement, et en cas de refus l'interdisoit. Le president de Pommiers dit qu'avant qu'opiner, il faloit faire faire raison à M. le Procureur General de l'affront qui luy avoit esté fait en luy ostant cette declaration; mais M. de Blange Mauvisin ayant remonstré l'importance qu'il y avoit de ne pas touscher si tost à cette corde, il feut arresté qu'on feroit tres humbles remonstrances au Roy de suprimer cette declaration, d'esloigner ceux qui donnoint ces pernitieux conseilz, et que cepandant les officiers du Parlement feroint leurs charges. Le mesme parlement a donné un arrest pareil à celuy du Parlement de Paris du 29 du passé, contre le cardinal Mazarin. Le mesme advis adjouste que le marquis de Bordeille branloit fort au manche, et sembloit vouloir quitter le party de M. le Prince; que M. de Sauvebeuf estant mescontent de la Cour, s'estoit retiré ches luy; et qu'on avoit advis de Dacqs [Dax] que le marquis de Poyanne y avoit defait 3 compagnies de cavalerie de M. le Prince, qui levoint les tailles en ces quartiers là, ayant esté surprises à Castillon et dans la maison du baron de Batoigne.

Le mesme jour un courrier de M. le Prince arriva icy, et porta nouvelle que M. le Prince avoit eu tout l'avantage du combat fait par M. de Bougy, auquel il avoit tué 60 hommes et pris 80 prisonniers, entre lesquelz est le marquis d'Alaigre; mais comme ces nouvelles sont aussy passionnées que celles qui viennent de la Cour, l'on ne peut sçavoir au vray qui a eu l'avantage.

Le 23, au matin, un autre courrier venu de Poictiers apporta une relation seule de beaucoup d'avantage, remporté par le comte d'Harcourt sur M. le Prince, laquelle le mareschal de l'Hospital et M. de Sainctot eurent si grand soing de publier dans Paris, que cest empressement la rendit d'abord suspecte; et chacung croit que seroit leur faire grace que de croire à la moitié de ce qu'elle contenoit, dont la substance estoit que le comte d'Harcourt ayant attaqué Barbizieux, qui est un lieu ouvert de tous costés, le marquis de Levy, qui y estoit en garnison pour M. le Prince, s'estoit rendus le lendemain prisonnier de guerre avec 400 fantassins et 50 chevaux; que ce comte avoit defait à St Anthonin [Saint-Antonin-d'Artiguelonge] 5 regimentz de M. le Prince; que la dame [sic] de Jonsac [Jonzac] ayant armé les habitans du lieu, avoit defait une garnison de 400 hommes que M. le Prince y avoit mis; et que le chevalier d'Albret en avoit fait de mesmes de celle de Pons, et s'estoit emparé du chasteau; et qu'enfin M. le Prince s'estoit retiré à Bourg sur la Dordogne, d'où l'on attend les nouvelles, afin de pouvoir cognoistre ce qui en est.

Le mesme jour un gentilhomme du duc de Rohan estant arrivé icy, porta nouvelle à S.A.R. que ce duc s'estoit declairé pour elle, et luy envoyoit offir ses services.

/13/ Vous aures sceu que le proces qui estoit entre le duc de Bouillon et M. de Bouillon la Marckz, pour la pretention que celuy cy avoit sur Sedan, feut vuidée la semaine passée par accommodement, qui feut que le premier donneroit à l'autre 20 mille livres d'argent comptant, et 16 mille livres de rente en fondz de terres de celles que le Roy luy a baillé par son traitté, aussytost qu'il en aura la possession paisible. En suitte de cest accord, ce duc ayant presenté requeste au Parlement pour y faire homologuer le traitté qu'il a fait avec le Roy, contenant l'eschange de la souverainetté de Sedan avec les terres que vous sçavez qu'on luy a donné en France, la Grand' Chambre, l'Edit, et la Tournelle s'assemblerent le 23 au matin pour cela; mais il s'y trouva deux fortes opositions: la premiere, des Estatz Generaux, qui deputterent à cette fin le marquis de Vignacourt et le comte de Bury; et la seconde, de MM les ducs et pairs, qui deputerent pour le mesme effect le duc de Brissac. Tous ces deputtés presenterent requeste le mesme jour à ce parlement, par laquelle ilz demandoint que la qualité de prince souverain qui est donné par le Roy à M. de Bouillon par ce traitté, soit rayée, attendu que c'est contre les loix fondamentales de l'Estat. Ces requestes feurent receues, et cepandant surcis à l'homologuement du traitté.

Le 24, au matin, le Parlement s'estant assemblé, et M. le duc d'Orleans s'y estant trouvé avec MM. de Beaufort, de Brissac, de l'Hospital, et le Coadjuteur, le president de Bellievre fit recit de la remonstrance qu'il avoit fait au Roy, en consequence du dernier arrest donné contre le cardinal Mazarin, et la response qu'il [qui] luy avoit esté faitte, Sa M. presente, par le Garde des Sceaux, laquelle est imprimée. Ensuitte, on leut une lettre de M. du Coudray Gignier, deputté de la Compagnie, par laquelle il mandoit que le mareschal d'Hocquincourt ayant menacé de siege la ville de Sens si elle ne le luy mettoit entre les mains, il avoit esté obligé de se retirer dans les chasteau de ____ [sic]; apres quoy l'on fit lecture d'ung arrest du Parlement de Bretagne, accompagné d'une lettre du mesme corps sur le suject des violences qu'ilz pretendoint avoir receues du mareschal de la Mesleraye, lequel de force à voulu prendre sceance dans leur compagnie en qualité de duc et pair, estant pour cest effect entré dans la Grande Chambre avec sa compagnie des gardes; et que ces messieurs n'ayant peu souffrir cette insolence, et s'estant levés, il avoit fait loger des troupes dans des maisons de quelques conseillers à la campagne; sur quoy ces messieurs avoint donné arrest par lequel ilz demandoint jonction avec le Parlement de Paris, pour obliger ce mareschal à leur en faire satisfaction, et qu'il ne puisse estre receu duc et pair qu'il ne l'aye fait auparavant. Apres cela, 2 autres lettres feurent leues, l'une du Parlement de Rouen sur le suject de l'arrest qu'il donna la semaine passé contre le cardinal Mazarin, et l'autre du Parlement de Thoulouse, qui mandoit qu'il avoit donné un arrest tout semblable à celuy de Paris, et mis la teste du cardinal Mazarin à prix. MM. les Gens du roy ayant esté ouys là dessus, donnerent leurs conclusions, qui /13v/ estoint de faire remonstrance au Roy par escrit, pour le supplier de faire executter la declaration contre le cardinal Mazarin; et quant à l'affaire du Parlement de Bretagne, de faire enregistrement de la lettre et de son arrest, pour servir d'opposition en cas que le mareschal de la Mesleraye voulut se faire recevoir duc et pair; apres quoy, l'heure ayant sonné, S.A.R. dit qu'il falloit remettre la desliberation au lendemain, comme l'on fit. L'on peut remarquer en passant que, le 20, un advocat nommé Feramus, et 2 ou 3 autres fort zelés pour le cardinal Mazarin, ayant voulu parler dans la sale du Palais contre la conduitte de S.A.R., y feurent fort maltraittés et en danger d'estre assommés par ceux qui les entendoint, quoy que ce ne feussent pas des personnes qui eussent aucung attachement aupres de S.A.R.

Le soir du mesme jour, 24, le comte de Fiesque, qui arriva icy le jour precedent de la part de M. le Prince, ayant tesmoigné à S.A.R. que ce prince souhaittoit fort à s'unir avec elle pour l'expulsion du cardinal Mazarin et pour la paix generalle, suivant la proposition qui luy en avoit esté faitte par M. de Fontrailles, S.A.R. signa le traitté d'union avec luy et avec le duc de Lorraine, pour lequel Mme d'Orleans le signa aussy, comme en ayant receu la procuration, et le comte le signa pour M. le Prince, duquel il en avoit aussy apporté la procuration. Ilz s'obligent par cette union à ne faire point d'accord l'ung sans l'autre.

Le soir du mesme jour, tous les ambassadeurs et residentz qui sont icy pour les princes estrangers feurent semons de la part du Roy d'aller à Poictiers.

Hier, au matin, le Parlement estant assemblé, S.A.R. y exagera fort sur l'ignorence et la mauvaise conduitte du cardinal Mazarin, et remonstra que despuis qu'il estoit entré dans le ministere, il avoit fait plus de ducs et pairs et mareschaux de France que des roys n'en avoint fait en deux siecles entiers. Il y eut 10 ou 12 conseillers qui traverserent fort les propositions qui s'y firent pour trouver les moyens de chasser ce cardinal, notanment MM. Cevin et Menardeau; et le mareschal d'Estampes ayant proposé de donner un arrest d'union du Parlement avec S.A.R., ilz s'en deffendirent si bien, avec beaucoup d'autres, que cest advis n'eut point de suitte, non plus que celuy de M. de Pontcarré, qui alloit à faire executter le cardinal Mazarin en effigie; mais cela n'empescha pas qu'on ne prit des resolutions qui donnerent asses de satisfaction à S.A.R. Il feut ordonné qu'il seroit fait des remonstrances au Roy, par escrit seulement, pour le supplier de vouloir renvoyer le cardinal Mazarin hors du royaume; que cependant les declarations et arrestz donnés contre luy seroint executtés, et notanment celuy du 29 du passé (cette circonstance y ayant esté adjoustée par l'advis de M. de Broussel), et S.A.R. priée de continuer ses soings pour cest effect; qu'aucung duc et pair ou officier de la /14/ coronne ne pourroit estre receu jusques à ce que le cardinal Mazarin soit tout à fait hors du royaume; qu'on envoyeroit un courrier au Premier President, Garde des sceaux de France, pour le prier de faire instance au Roy pour la liberté de M. Bitaut; qu'on escriroit à tous les autres parlements, pour leur donner advis de cest arrest et les invitter d'en donner un semblable; et que le mareschal de la Mesleraye ne pourroit estre receu duc et pair jusques à ce qu'il auroit fait satisfaction au Parlement de Bretagne.

Hier S.A.R. receut une lettre de M. le Prince, dattée de Bourg du 20e, par laquelle il luy mandoit qu'il alloit recevoir quelques troupes que le marquis de Bordeille luy menoit; et despuis l'on a sceu, par l'ordinaire de Bourdeaux, qu'il est vray que Barbesieux a esté pris de la façon qu'on avoit sceu, mais que le marquis de Levy n'y avoit pas 200 hommes; que Pons est aussy prit par le chevalier d'Albret à composition, sans que M. le Prince y aye rien perdu, non plus qu'à Jonsac, dont la garnison a esté seulement chassée apres la retraitte de S.A., qui a esté surpris par le comte d'Harcourt, ayant creu qui [qu'il] s'amuseroit au siege de Barbesieux; que veritablement, dans cette surprise elle avoit perdu 300 hommes tant tués que prisonniers, et que la perte en auroit esté plus grande sans la conduitte du colonnel Baltazard, qui fit merveille en cette action; et cette nouvelle estant arrivée à Bourdeaux, M. le prince de Conty en estoit party, fort accompagnés, avec quantité de barques et de galiottes, pour recevoir M. le Prince en cas qu'il feut poursuivy par terre plus avant. Il n'est pas vray qu'il aye mis Bourg entre les mains des Espagnolz.

M. de Nemours est encor icy et n'atend que la nouvelle du comte de Tavanes dans la frontiere, pour aller commander ses troupes, qu'on asseure estre plus de 3 mille hommes, et l'on a advis qu'il estoit, il y a 4 jours, aupres de Cambray; cepandant le marquis de Sillery partit d'icy dès la semaine passée, pour l'aller trouver et pour aller faire quelque negotiation particuliere avec l'Archiduc à Bruxelles, où le sieur de St Romain, qui est par mer, sera desja arrivé.

Il y a 3 regimentz de cavalerie qui ont quitté le mareschal d'Aumont et viennent joindre les troupes de S.A.R. Ilz arriverent hier aupres de Mante [Mantes], dont les habitans ont envoyé ce matin des deputtés à S.A.R., pour la supplier d'empescher que les trois regimentz ne passassent que l'ung apres l'autre dans leur ville, afin qu'ilz n'y puissent point faire des desordres. Ce sont les regimentz de St Metiere, de Ravenele, et du nepveu du feu mareschal de Ransau, qui font ensemble 500 maistres fort braves, mais qui ravagent partout où ilz passent.

L'on a remarqué que les trouppes de cardinal Mazarin ont vescus avec asses de discipline despuis Sedan jusques à Pons sur Yonne, où elles ont si bien commencé à faire des desordres, qu'elles en ont despuis tous les jours inventé des nouveaux partout où elles ont passé. Le Cardinal a laissé dans Gien un tesmoignage de son avarice, n'ayant payé que 12 /14v/ pistolles pour la despense que luy et sa maison y avoit faitte pendant qu'il y a demeuré, laquelle ce [se] montoit à plus de 25.

S.A.R. travaille ce soir à faire un Conseil d'Estat et des finances, dont M. de Chavigny sera le chef. Elle a trouvé des moyens d'avoir de l'argent, dont elle veut que tout l'employ ce [se] fasse par les ordres du Conseil. On luy fait esperer 7 à 800 mille livres dans demain.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653