Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/53/  De Paris le 2 julliet 1649

Les 4 nouveaux intendans des finances ayant baillé chacung 200 mille livres pour commission et outre cela faict un prest de 40 mille livres chacung, dont ilz se rembourseront par leurs mains sur les departementz qui leur ont esté donnés, feurent receus et commencerent d'entrer au Conseil de direction, qui se tient icy la semaine passée ches M. le Chancellier. Despuis on a parlé à la Cour de creer deux nouveaux grandz maistres de garderobbe du roy, dont le marquis de Gamache en sera ung, et 4 maistres des requestes de l'Ordre du St Esprit. On espere de tirer de ceux icy un million, et des premiers 7 à 800 mille livres.

Le 26 du passé on eut 4 nouvelles remarquables d'Amiens: la premiere, que l'ambassadeur de Mantoue y avoit donné avis à Leurs M. de la conclusion du mariage du duc son maistre avec la seur de l'Imperatrice, fille de l'archiduchesse d'Inspruch, ce qui avoit fort estonné toutte la Cour, qui n'avoit pas encor ouy parler que cest affaire ce [se] traittat; la seconde, qu'on y avoit offert 500 mille livres à M. de Liancourt de sa charge de premier gentilhomme du roy pour le petit Manciny, nepveu de M. le Cardinal, mais qu'il en vouloit 530 mille livres; 3e, qu'on avoit envoyé des billetz par tous les convenz pour faire prier Dieu pour l'heureux succes de deux affaires de la derniere importance (ce sont les propres termes du billet), on croit que l'une de ces affaires est la paix, mais on n'a pas encor penetré l'autre; et la 4e que le comte d'Harcourt avoit investy Cambray la nuit du 23 au 24 avec 4000 chevaux et mille mousquetaires, que pour la grande estendue des environs et des passages qu'ilz avoint à garder on ne peut empescher les ennemis de jetter 12 ou 14 cent hommes où il n'y avoit que 4 à 500.

Le 24 on eut advis que l'evesque de Rhodes [Rodez], precepteur du Roy, avoit eu permission de venir à Paris pour 2 mois afin de s'y faire traitter d'un rheumatisme dont il est indisposé, et que cepandant l'abbé Brisacier devoit faire la fonction de precepteur aupres de S. M. Cest evesque est venu pour cest effet en ceste ville.

Le 28 Mme de la Trimouille arriva icy venant de Bretagne. Elle s'en va à la Cour suivant l'ordre qu'elle avoit receu par lettre de cachet. 

/53v/ Le 29 M. le prince de Conty revient d'Amiens asses mal satisfaict, d'où il est allé pour moyenner l'accomodement du duc de Beaufort avec le duc de Candale. Ce prince, voyant que M. le Cardinal n'estoit pas content de veoir qu'il soubstenoit l'action du duc de Beaufort, ne vouloit point visitter S.E.; mais l'ayant rencontré à la promenade sans l'y chercher, luy declara hautement qu'il estoit amy et serviteur de M. de Beaufort et qu'il le serviroit partout contre tous ceux qui ne seroint pas ses amis; de sorte que cest affaire n'est pas encor accommodée. Cepandant M. le Prince a envoyé offrir son service au duc de Candale contre le duc de Beaufort. Le mesme jour M. Foucault, conseiller du Parlement, voulant entrer dans le Jardin des Thuilleries accompagné d'ung autre conseiller, M. de Bonnel, filz de feu M. de Bullion, s'y rencontra en mesme temps pour y entrer avec M. de Monlouet, son frere, qui [est] escuyer de la grande escuirie; lesquelz ayant poussé rudement M. Foucault afin d'entrer les premiers, celuy cy poussa encor plus rudement M. de Bonnel, qui ayant appellé des pages et valetz de pied de la grande escuirie, fit for[t] mal traitter à coups de plat d'espée ce conseiller, lequel en a faict faire amples informations; et le Parlement, qui s'interesse tout en cest affaire, menace de Bonnel d'une rigoureuse condemnation. Celuy cy se ressentoit encor de ce que l'année passée, ayant voulu prendre sa sceance au Parlement en qualité de conseiller honoraire, on la luy refusa, et M. Foucault feut un de ceux qui feut d'advis de le faire sortir de la Grande Chambre.

Le mesme jour on eut advis de Bourgoigne que M. le Prince, estant arrivé à Dijon le 17, entra au Parlement le 21, où il fit un discours fort eloquent et judicieux, apres lequel il presenta à MM. du Parlement quelques privileges que le Roy leur a accordé pour recompense de leurs services, entre autres leur portion du sel, et le tiltre de noble qu'ilz n'avoint pas encor obtenu comme les autres parlements, tant pour eux que pour leurs femmes et enfans, et à la province de Bourgoigne une descharge de 80 mille livres sur le taillon; qu'apres cela S.A. en estoit partie pour aller à Bourg tenir les Estatz de Bresse; et qu'en passant à Auxonne elle y avoit tenu sur les fondz de baptesme un enfant de M. du Plessis Bezançon, qui en est gouverneur.

En mesme temps on eut nouvelle de Provence que le combat d'entre les trouppes /54/ du comte d'Alais et celles du comte de Carces n'avoit pas esté si grand que l'on avoit fait, ny si advantageux pour le premier; mais les relations qu'on a imprimé à Aix et à Marseille, où est le comte d'Alais, en parlent si differenment qu'on ne peut cognoistre la verité. Apres ce combat le Parlement de Provence envoya le scindicq d'Aix à Montpelier pour prier les Estatz de Lanquedoch de ne laisser passer aucune trouppe pour aller joindre celles du comte d'Alais et de charger les depputtés qu'ilz avoint envoyé à la Cour de remonstrer à la Reyne que les violences de ce comte ont forcé les Provenceaux à prendre les armes et qu'ilz ne se departiront point du service du Roy quoy qu'il puisse arriver, ce que lesdits estatz ont faict; mais la Cour l'ayant sceu, envoya ordre le 28 par lettre de cachet à M. d'Estampes, qui avoit esté depputté pour aller accommoder ce different de la part de Leurs M., de partir promptement pour cest effect, à quoy il obeit le 30 et partit avec M. de Megriny, premier president de Provence, qui estoit icy despuis le commencement des troubles. Lesdits depputtés de Languedoch arriverent icy des le 27 et y sont encores.

Le mesme jour le Prevost des Marchandz et eschevins de Paris receurent une lettre du Roy qu'on a imprimé, portant que les Espagnolz ayant refusé d'entendre à la paix, dont l'ouverture leur a esté faitte par le nonce du Pape et l'ambassadeur de Venise, soubz l'esperance de veoir recommencer les mouvementz de France et d'en proffitter, Sa M. avoit faict assieger la ville de Cambray, dont elle eur avoit voulu donner advis afin q'ilz le communiquassent à ses subjectz et qu'ilz tinssent la main à ce que les lilbelles qu'on imprime icy tous les jours ne fassent aucune impression dans l'esprit des peuples au prejudice des bonnes intentions de Leurs M.

Le 30 on eut advis d'Amiens que M. le duc d'Orleans en estoit party pour retourner à Compiegne, d'où il est venu aujourd'huy en ceste ville. On asseure qu'il est icy pour accommoder le different des ducs de Beaufort et de Candale et pour veoir ce que veulent les depputtés des Estatz de Languedoch.

Le mesme jour on apprit que M. de Cominges, lieutenant des gardes de la reyne, envoyé à Bourdeaux pour quelques affaires de la province de Guyenne, estoit arrivé à Cadillac, où ayant conferé avec le duc d'Espernon, celuy cy n'avoit pas jugé à propos qu'il allat à Bourdeaux executter sa commission jusques à nouvel ordre de la Cour, où il espescha un courrier à ceste fin.

/54v/ Hyer on eu[t ]nouvelles d'Amyens que le comte d'Harcourt faisoit travailler si diligenment aux lignes de circonvallation que nonobstant l'estendue qu'elles ont de plus de 4 lieues, ilz esperoint qu'elles seroint achevées dans la journée d'hyer; qu'il y faisoit travailler les cavaliers et qu'il obligeoit mesmes les vivandiers d'y travailler gratis; et que d'allieurs M. Gamin, intendant de justice dans l'armée, y faisoit travailler les paisans des environs de Peronne et de St Quentin en leur donnant 5 sols par jour et le pain de munition. Ce comte a plus de 25 mille combattans, avec lesquelz il promet de prendre cest place dans six semaines, pourveu qu'on luy tienna la parolle qu'on a donné qu'il ne manqueroit d'aucunes choses necessaires. Il a fait quelques prisonniers de la garnison, lesquelz luy ont dit qu'elle n'est pas forte de plus de 2000 hommes, et l'on croit qu'il y manque des munitions de guerre. L'archiduc Leopold est vers Douay avec [son] armée, qui n'est que 15000 hommes. Il fit mine le 29 de vouloir investir Arras, ce qui obligea M. de la Tour, qui en est gouverneur, de faire sonner la trompette et battre le tambour pour se mettre en deffense; mais sa garnison, qui n'a point receu d'argent despuis 15 mois, refusa de prendre les armes, dont le sieur de Beaupré, premier ayde major d'Arras, ayant esté donner advis à la Cour, on luy promit aussytost d'y envoyer de l'argent, comme on a fait, aussy bien qu'au comte d'Harcourt 700 mille livres. Cepandant on y envoye le vidame d'Amyens avec son camp volant de 2000 hommes.

Les Suisses, sur la parolle de M. le mareschal de Schomberg, voyant qu'on travailleoit tout de bon à les contenter, ont repris les armes partout. Ilz doivent recevoir demain 150 mille livres qu'on leur a assigné sur les entrées, aydes de Paris. On leur doit donner des bonnes assignations pour le reste des 14 monstres qu'on leur doit, à cause que le dernier payement du traitté des liardz n'expire que dans 3 ans.

Leurs M. doivent partir ce soir d'Amyens pour retourner à Compiegne, où elles pourront arriver demain au soir. On asseure qu'il n'y a plus aucune difficulté pour le mariage du duc de Mercoeur avec la niepce de M. le Cardinal et qui [qu'il] se consommera bientost.

/55/ [On] dit aussy que le Premier President a enfin obligé Mme de Chevreuse de se resoudre de se retirer à Dampierre, afin que la Reyne n'en eut pas le dementy, et qui [qu'il] luy a fait esperer qu'on la rappelleroit bientost apres qu'elle y sera allée.

Les lettres de Donquerque arrivées aujourd'huy portent que le comte de Palluau est campé entre Furnees et Donquerque avec son corps d'armée, qui est de 1400 fantassins et 500 chevaux et doibt estre grossy jusques au nombre de six mille hommes.

/56/ De Paris le 9 julliet 1649

Le 2 de ce mois la Cour partit d'Amiens pour retourner à Compiegne, où M. le Cardinal fut coucher, estant party le premier; et Leurs M., qui ne partirent que deux heures apres luy, furent coucher à Mondidier et n'arriverent à Compiegne que le 3e. Avant le despart, des officiers de la maison du roy y firent du bruit asses pendant 3 jours contre le tresorier, qui estoit absent; mais il[z] furent contraintz, apres avoir bien crié, de partir sans avoir de l'argent.

Le nonce du Pape et l'ambassadeur de Venise, qui avoint esté priés avec des grandes instances par la Reyne et par M. le Cardinal de s'entremettre avec grande chaleur envers les Espagnolz pour les faire condescendre à une paix ou tresve, demeurerent à Amiens pour y attendre le retour du secretaire qu'ilz avoint envoyé pour cest effect à Bruxelles, lequel ilz attendoint dès le 28 du passé; mais le Espagnolz se retenoint encor, par maxime sans doubte, afin de faire veoir qu'ilz ne sont pas en estat de se presser pour cela.

Le 4 on eut advis de Compiegne qu'on y travailloit à faire la maison de M. le duc d'Anjou, dont les plus importantes charges, comme sont celles de chancellier, de surintendant des finances, de secretaire des commandements, de premier gentilhomme de la chambre, premier aumosnier, premier escuyer, premier maistre d'hostel, etc, sont en partie données par M. le Cardinal, qui en faict des creatures, et d'atures baillées en payement à ceux à qu'il est deubt par le Roy. Touttes les charges subalternes sont en la dispostion du mareschal du Plessis Praslin, mais on les vend touttes.

Le 5 au matin les despputtés des Estatz de Languedoch furent veoir M. le duc d'Orleans, qui estoit arrivé icy le 2e, et luy rendirent conte de leur commission par la bouche de l'evesque d'Alby, qui luy parla de touttes ces choses en particulier à l'oreille, apres quoy ilz s'en allerent à Compiegne. Ilz avoint visitté M. de la Riviere le soir du jour precedent, ce qui fait croire qu'ilz ne parleront point contre luy à la Cour, bien qu'ilz en ayent ordre des Estatz.

En mesme temps, les ducs de Beaufort, de Retz, et de Brissac, le comte de Fiesque, le marquis de la Boulaye, et quelques autres arriverent au palais d'Orleans, où S.A.R. tira d'eux la parole de l'accommodement avec le duc de Candale, le marquis de Jersey, et les autres interessés dans la querelle /56v/ arrivées entre eux aux Thuilleries. Apres cela S.A.[R.] partit pour aller à Limours, d'où elle revient le lendemain 6.

Le mesme jour 5, Mme de Chevreuse partit d'icy pour s'en aller à Dampierre, où ayant demeuré quelques jours, la Reyne la doit mander à la Cour, son accommodement estant fait de la sorte. Mme de La Trimouille arrivat ce jour là à Compiegne.

Ledit jour on aprit par un courrier envoyé à S.A.R. que l'archiduc Leopold, s'estant presenté avec 14 mille hommes devant les lignes de Cambray, le 3 du courant au matin fit ranger le gros de son armée en bataille contre l'ung des deux postes gardés par les Allemans, et cepandant envoya attaquer en mesme temps le quartier de M. de Villequier et celuy de M. de la Ferté Imbaut pour les amuser. Les Allemans, voyant que les ennemis attaquoint un de leurs postes, desgarnerent l'autre pour deffendre celuy qu'on attaquoit, dont l'Archiduc ayant eu advis fit aussytost entrer dans Cambray 2000 chevaux, avec chacung leur fantassin en crouppe, par le poste que les Allemans avoint desgarny, apres quoy il se retira. Le comte d'Harcourt, perdant esperance de pouvoir venir à bout de ceste entreprise, leva le siege pour s'en revenir vers la frontiere, mais comme il y avoit environ 60 pieces de canon, il ne put faire si diligenment sa retraitte avec un si grand attirail, qu'il ne fut obligé d'en laisser quelques pieces. En sortant de là il fut loger avec son armée à Crev[e]coeur sur l'Escaut, 4 lieues en deça de Cambray, digne logement d'ung chef qui venoit de manquer son entreprise; neantmoings en n'en attribue point la faute à sa conduicte, car le siege estoit en bon ordre, mais on croit que les Allemans nous ont vendus en ceste occasion, et il y en a mesmes qui veulent que l'Archiduc leur a donné une grosse somme d'argent pour cela. Ilz estoint commandés par le colonel Ohem en l'absence d'Erlac, qui estoit allé aux eaux de Spa. L'on avoit promis à M. d'Hoquincourt de luy donner le gouvernement de Cambray pour celuy de Peronne, qu'il avoit promis par ce moyen à M. le Cardinal, lequel vouloit faire sa creature de M. d'Hoquincourt en le faisant outre cela mareschal de France ou duc et pair. 

/57/ M. le coadjuteur de Paris, qui n'avoit point encor veu la Cour despuis la sortie du Roy, s'en alla à Compiegne avec le duc de Retz, son frere, suivant la parolle qu'il en avoit donné deux jours auparavant à M. le duc d'Orleans, qui l'en avoit prié, mais il declara à S.A.R. qui [qu'il] ne visitteroit point M. le Cardinal et ne voulut point partir qu'à ceste condition.

Le 7 le duc de Montbason, accompagné du Prevost des Marchandz et des eschevins de Paris, visitta S.A.R. qui estoit venue de Limours le soir du jour precedent, et la pria de vouloir employer son credit pour obtenir le retour du Roy en ceste ville. Apres eux vient le Procureur du roy au Chastelet, lequel au nom de tous les corps de mestier de ceste ville fit la mesme priere, qui luy promit, comme elle avoit fait aux autres, d'y faire son possible; et de fait la Cour a resoulu de venir icy dans peu de jours, ayant recognu que les affaires du Roy pourroint deperir entierement si ce retour estoit differé davantage, et que c'est le seul moyen de mettre le calme dans les provinces, qui n'auroint pas pris les armes si Sa M. fut revenue icy apres la paix faitte, et auroint payé les tailles et gabelles à l'accoustumée, ce qu'elles n'ont pas fait. Le suject qui avoit icy amené M. le duc d'Orleans estoit pour y disposer les affaires au retour de la Cour et pour demander à la Ville de Paris quelque somme considerable pour seconder l'entreprise de Cambray, afin d'obliger les ennemis à faire la paix; mais les affaires ayant manqué, il n'a rien demandé et s'est contenté de faire l'accommodement particulier de M. de Beaufort avec la Cour, l'on ne sçait pas bien encor à quelle condition; mais on dit que celuy cy se doit retirer à Anet, qui appartient à M. de Vendosme, ou, comme veulent quelq'ungs, à Villiers Coteretz, d'où il doit estre rappellé dans peu de jours. Ainsy l'on croit que Leurs M. pourront estre icy dans la fin de la semaine prochaine, mais elles irent bientost apres passer le reste de l'esté à Fontainebleau.

Le mariage du duc de Mercoeur avec la niepce de M. le Cardinal est conclu asseurement et se doit consommer dans peu de temps. S.E. se va fortiffier par ceste alliance contre ses plus puissantz /57v/ ennemis, et espere de se remettre dans l'amitié des peuples en leur faisant donner la paix, à quoy il travaille puissanment.

On asseure que la Reyne a mandé ordre à M. le Prince de venir en diligence à la Cour. Il a levé 4000 hommes en Bourgoigne et en Bresse pour envoyer en Provence au comte d'Alais, mais on croit qu'ilz n'iront pas si S.A. ne revient à la Cour, parce que son mescontentement fait craindre qu'il ne prenne le party du Parlement d'Aix, afin de se remettre par là dans l'affection des peuples.

Les lettres de Provence arrivées le mesme jour portoint que le Parlement d'Aix faisoit convertir en monnoye la vaiselle d'argent de tous les aysés afin d'en lever des troupes, et qu'on y fondoit les cloches pour y faire du canon à cause du refus fait par le comte d'Alais de se remettre de leurs defferentz à l'arbitrage des depputtés des Estatz de Languedoch, quoy que ledit Parlement eut offert aux depputtés qui luy avoit esté envoyé à ceste fin, de bailler s'il estoit besoing des blans signés que les mediateurs auroint remply de tout ce qu'ilz auroint jugé à propos; à quoy l'on adjoustoit que MM. d'Aix avoint fait ensuitte raser tous les chasteaux et forteresses qui estoint autour de leur ville afin que le comte d'Alais ne s'en emparast, et que cepandant il y avoit suspension d'armes jusques à ce qu'ilz auroint nouvelles de la Cour touchant leurs affaires.

Hyer le comte d'Aubigeoux, gouverneur de Montpelier, arriva icy et s'en alla à la Cour. Il dit en passant que le Languedoch estoit prest à remuer et mesmes à se joindre aux Provenceaux si l'on ne donnoit promptement satisfaction aux Estatz, lesquelz ont cepandant cassé le edit de Beziers de l'année 1622.

Quelques troupes passant à la ville de la Charité sur Loire y avoint voulu loger et faire desordre à leur ordinaire, à quoy M. Payen Deslandes, conseiller, qui en a le prieuré, s'estant voulu opposer, y a couru grand risque de la vie. M. le duc d'Orleans s'en retourna hyer à la Cour, d'où M. le Coadjuteur revint hyer au soir.

/58/  De Paris le 16 julliet 1649

Le 8 du courant M. le coadjuteur de Paris estant arrivé à Compiegne à 10 heures du matin, entra dans l'apartement de la Reyne, qui en fut avertie, comme elle entendoit messe, pandant laquelle M. de Vendosme le fut entretenir. Apres la messe ce prelat fit la reverence au Roy et à la Reyne, à laquelle s'estant bien justiffié de son proceddé dans les derniers troubles, il luy tient un discours de 3 quartz d'heure, par lequel il fit veoir à Sa M. que tous les desordres passés n'estoint arrivés que pour les interestz de 7 ou 8 personnes, et luy descouvrit en mesme temps beaucoup de petites intrigues de Cour qui luy estoint inconnues et qui avoint causé tout le mal qui estoit arrivé; apres quoy il prit congé et s'en alla disner ches M. de Servient, où ayant apris que M. le Cardinal devoit venir, il fit promptement mettre ses chevaux à son carrosse afin de n'estre pas obligé de saluer S.E. et s'en revient icy sans la veoir. Cepandant la Reyne tesmoigna estre fort satisfaitte de ce qu'il luy avoit dit et chargea M. de Vendosme de l'en asseurer.

Le mesme jour on apprit icy que le secretaire qui avoit esté envoyé à Bruxelles par le nonce du Pape et par l'embassadeur de Venise en estoit revenu et avoit porté nouvelle que les Espagnolz sont demeurés d'accord de travailler à la paix, et qu'à cette fin le comte de Pigneranda avoit promis d'aller à St Quentin, qui [qu'ilz] ont aprouvé pour estre le lieu du traicté. M. le Cardinal est sur son despart pour y aller, voulant faire la paix luy mesme afin de ce [se] remettre par ce moyen dans l'amitié des peuples.

Le 9 le duc de Brissac, le comte de Mata, les sieurs de Fontrailles et de Baschaumont, filz du president Le Coigneux, et quelques autres, ayant fait desbauche en ceste ville au marais du Temple, furent ches le conseiller Coulon et, ne l'ayant pas trouvé dans son logis, y rompirent quantité de vitres et firent d'autres desordres. Estantz sortis de là, ilz firent plusieurs extravagances, entre autres: ayantz aperceus deux valetz de pied du Roy, il les appelerent pour leur parler, leur baillerent quantité de niazardes; dont ceux cy s'estantz picqués, voulant mettre l'espée à la main, ces messieurs les maltraitterent fort à coup de baston et de plat d'espée, et M. de Fontrailles eut bien la hardiesse, /58v/ en les frappans, de leur dire qu'ilz portassent cela à leur maistre, et mesmes de repeter à chasque coup qu'il leur donnoit ces motz, "Voila pour le Roy, voila pour Mazarin, et voila pour la Mazarine," avec d'autres discours de cette nature; dont ces valetz de pied ayant faict leur plainte, on en fit en mesme temps de informations, sur lesquelles il y eut decret de prise de corps. Dès le lendemains ilz s'accommoderent avec ces deux valetz de pied, ausquelz ilz donnerent 200 pistolles et cepandant firent faire des informations contre eux en recriminant par devant le prevost de l'Isle, lequel ayant decretté adjournement personnel contre les valetz de pied, ilz comparurent par devant luy et confesserent d'avoir attaqué ces messieurs avant que ceux cy les eussent frappés, et adjousterent beaucoup d'autres choses suivant la leçon qu'on leur en avoit donné. Les informations que le Lieutenant Criminel a fait de ceste action sont pleines de choses si extravagantes qu'on veoit aysement que le vin leur avoit esté l'usage de la raison. Cette affaire a fait grand bruit à la Cour, et l'on a remarqué que la Reyne la prit fort à coeur et en est grandement irrittée.

Le marquis de Chandenier, cappitaine des gardes du corps du Roy, relegué en sa terre de Chandenier en Poictou, obtient ces jours passés un arrest du Conseil par lequel il luy est permis de faire desmolir un temple que les Huguenotz ont dans le mesme lieu, surquoy ceux cy ont envoyé des depputtés qui furent presentés la semaine passée par le mareschal de Turenne à M. le Chancellier, auquel ilz donnerent des cahyers en forme de remonstrance, par lesquelz ilz demandent le restablissement de ce temple et que le edit de Nantes fait en leur faveur soit executté en tous ses pointz, à cause qu'il y a beaucoup de contraventions. Cest affaire faict aussy grand bruit et l'on n'y a encor rien resoulu.

Le 10 on eut advis de Bourgoigne que M. le Prince estoit retourné de Bourg en Bresse à Dijon, d'où il devoit partir le 13 pour revenir à la Cour. Le mareschal de Turenne luy doit aller au devant à Vallery.
Le xi Mme la duchesse de Chastillon accoucha d'ung filz en cette ville.

/59/ Le mesme jour les depputtés que le Parlement de Bourdeaux envoyoit à la Cour pour y faire des remonstrances contre le duc d'Espernon estant arrivé à Senlis, y receurent une lettre de cachet du Roy portant ordre de demeurer là, et en mesme temps la ville receut aussy ordre de ne les laisser point sortir, et y sont encor. Un jurat, depputté de la ville de Bourdeaux, qui est icy, dit avoir obtenu une declaration du Roy contenant trois principaux chefz: le premier est une abolition generalle de tout le passé; le second, que Sa M., recognoissant la fidelité de ladite ville, ordonne que la citadelle de Libourne sera desmolie; et le 3 est une revocation d'une imposition qu'on y payoit de six livres pour l'entrée de chasque tonneau de vin outre l'antien droict, lequel ce [se] payera tousjours. Ce depputté a envoyé cette declaration à Bordeaux et est demeuré icy pour y obtenir encor une diminution des tailles, qu'on luy fait esperer. Cepandant le Parlement de Bourdeaux fronde plus que jamais, quoy que desuny avec le peuple, et a prié le marquis de la Force de prendre le commandement de ses troupes, dont neantmoings celuy cy s'est excusé, et a escript au duc d'Espernon une lettre par laquelle il le prie de vouloir faire retirer ses trouppes.

Le 12 les depputtés du Parlement d'Aix arriverent à Compiegne, où ilz presenterent les remonstrances par escript que ledit Parlement faict au Roy, par lesquelles il est representé par quantité de raisons que leur division n'est q'une querelle particuliere qu'ilz pretendent avoir esté suscittée mal à propos par le comte d'Alais, et qu'elle ne touche en aucune façon l'authorité du Roy, adjoustans au bas une protestation de leur obeissance et fidelité. Cepandant les Estatz de Languedoch, qu'on confierme avoir cassé le edit de Beziers, leur ont promis de les assister contre ce comte.

Le Parlement de Thoulouse continue sa fronderie, ayant donné plusieurs arrestz portant deffenses aux intendantz de justice de faire aucune fonction de leurs charges ny executter aucune commission dans la province, si elle n'est auparavant veriffiée audit parlement, à peyne d'estre declairé perturbateur du repos public, et à tous officiers ou habitans des villes communeautés du ressort de les recognoistre, loger, ny leur fournir /59v/ aucungs vivres. Le 30 du passé le mesme parlement, qui pretend que la mesme province de Languedoch soit deschargée du quint des tailles suivant la declaration du mois d'octobre dernier, aussy bien que les autres, donna un autre arrest portant que tres humbles remonstrances seroint faictes au Roy pour revoquer la commission envoyée à la generalité de Montauban pour y imposer 3 millions 200 mille livres pour les tailles de cette année, et ordonner que cette generalité ne payera que deux millions deux cent cinquante mille livres suivant l'antienne taxe.

Le roy d'Angleterre, apres avoir demeuré 7 ou 8 jours à Bruxelles, où il a esté fort bien receu comme dans touttes les autres villes de Flandres, dans lesquelles il a esté deffrayé et a este escorté jusques au deça de Chambray par l'Archiduc, qui luy a donné, outre ce beau carrosse que vous aves sceu, des lettres de change pour y recevoir 20 mille escus dans Paris; et le duc de Lorraine luy a offert d'aller en personne avec ses trouppes ayder à la restablir en Angleterre et outre cela à luy prester 3 millions de livres, dont il luy a promis de ne luy en demander rien s'il veut espouser sa fille qu'il a eu de Mme de Cantecroix. Ce duc l'a accompagné jusques à deux lieues pres de Peronne, où Sa Majesté Britannique fut receu le x par le duc de Vendosme, qu'on y avoit envoyé à cette fin avec des carrosses du Roy. Sadicte Majesté Britannique estant arrivée le 12 à Mouchy, 3 lieues de Compiegne, le commandeur de Souvray luy traitta à souper, et le lendemain 13 elle arriva à Compiegne, où on luy fit un beau festin en grande ceremonie. On luy donna le haut bout à la table. Le Roy se mist à son costé droit et la Reyne au costé gauche; M. le duc d'Anjou estoit assis immediatement apres le Roy, et M. le duc d'Orleans apres la Reyne. Mme d'Orleans estoit apres M. le duc d'Anjou, et Mademoiselle au pres de Monsieur son pere. Il n'y avoit point d'autre personne à cette table. Mme la princesse de Carginan, sachant qu'elle n'y seroit pas priée, ny les princesses ses enfans, partit de Compiegne la nuit du 12 au 13 pour s'en venir icy, où elle arriva hyer. Apres disner le Roy et la Reyne /60/ et toutte la Cour accompagnerent le roy d'Angleterre jusqu'à un lieu nommé le Puy [Puits] du Roy, scitué à une lieue de Compiegne dans la forest, où, apres avoir mis pied à terre et admiré la beauté du lieu, Sa Majesté B[ritannique] prit congé de Leurs M. et baisa touttes les filles de la Reyne at de Madame, et s'en alla coucher à Gentilly, où il ne fut point traitté, Mme la Princesse douairiere, à qui ce lieu appartient, n'en ayant point esté advertie et ayant supposé que Leurs M. la voudroint deffrayer partout et la faire servir par leurs officiers. Le 14 il arriva à St Germain où la reyne d'Angleterre et le duc d'Yorch [York] l'attendoint.

Ceux qui sont venus de Flandres à la suitte de ce roy rapporterent que c'est le duc de Lorraine qui a voulu, contre l'advis de tout le conseil de guerre de l'Archiduc, entreprendre de jetter du secours dans Cambray, soutenant qu'il en avoit ordre du roy d'Espagne; et que le comte de Fuelsandagne s'oppiniastrant à n'y point aller, ce duc luy rompit sa canne en plein conseil et, ayant fait resoudre cette entreprise, s'avancea avec ses troupes et prit la vedette allemand qui estoit le plus avancé, auquel il promit cent pistolles pour luy faire dire toutte la disposition du siege, dont ce soldat l'instruisit fort bien; et ainsy, apres deux ou 3 fauces attaques, il fit entrer le secours par l'endroit que les Allemans avoint desgarny.

Les officiers de l'armée allemande ayant sceu qu'on leur attribuoit la faute, ont envoyé un depputté à la Cour pour supplier la Reyne d'en faire informer, de les faire payer suivant le traitté fait avec eux par M. de Choisy, chancellier de M. de duc d'Orleans, et de leur donner le mareschal de Turenne pour les commander: à quoy ce depputté ne voyant aucune disposition, principalement pour leur envoyer M. de Turenne, qui n'obeiroit pas au comte d'Harcour, s'en est retourné et les Allemandz ont menacé de n'obeir à autre qu'à ce mareschal.

Nostre armée est vers Cateau Cambresis, où elle se dispose à faire quelque autre entreprise; cepandant les ennemis nous ont surpris /60v/ un petit convoy de 300 muletz chargés de vivres que nos munitionnaires conduisoint dans La Bassée.

Hyer M. le duc d'Orleans partit de Compiegne pour aller coucher à Villiers Cotretz, d'où il se devoit rendre aujourd'huy à Nanteuil, qui appartient à M. de Schomberg, et y faire executter l'accommodement de M. de Beaufort avec le duc de Candale, le marquis de Gersé, et les autres compris dans la querelle des Thuilleries; et à cette fin le duc de Beaufort partit hyer au soir d'icy pour se trouver avec plus de 300 de ses amis, entre lesquelz est M. de Fontrailles, bien qu'il y aye decret contre luy; et suivant ce qui fut ordonné par S.A.R., ce duc doibt dire au duc de Candalle qu'il est marry de ce qui est arrivé aux Thuilleries, et qui [qu'il] n'y estoit point allé pour luy faire aucung desplaisir, et apres doibt dire la mesme chose au marquis de Gersé; et qu'encor qu'il fut fasché de ce discours que ce marquis avoit tenu de luy, que neamoings il n'avoit point la pensée de faire traitter de la sorte un gentilhomme comme luy, et qui [qu'il] desadvoue ses domestiques et autres qui l'ont maltraitté et promet ou de les luy envoyer pour luy en faire satisfaction ou de les chasser. Quant aux autres, il leur dira à chacung et en particulier la mesme chose qu'au duc de Candalle et apres s'en reviendra icy, où il est attendu ce soir avec sa compagnie.

On envoye des huissiers de la chasine à Bourdeaux, à Thoulouze, et à Aix pour y interdire quelques conseillers de chacung de ses [ces] 3 parlements, mais on aprend presentement qu'il y a du bruit à Bourdeaux nouvellement exitté, dont l'on attend les circonstances.

On parle tousjours du retour du Roy en cette ville, mais on croit que ce ne sera pas cy tost et que M. le Cardinal voudroit estre revenu de St Quentin auparavant avec la conclusion de la paix, à laquelle les espritz des Espagnolz ne sont pas disposés.

/62/ De Paris le 23 juillet 1649

Le 16 du courant le duc de Beaufort arriva à Nanteuil accompagné du grand nombre de ses amis, qui ne vouleurent pas souffrir qu'il les deffrayat. M. le duc d'Orleans, ayant sceu avant qu'y arriver que ce duc amenoit avec luy le comte de Mata et le sieur de Fontrailles, luy envoya M. l'abbé de la Riviere pour luy dire qu'il ne pouvoit pas veoir ces deux derniers puis qu'ilz sont non seulement en disgrace à la Cour pour avoir battu les valetz de pied du roy, mais encor repputtés pour criminelz, y ayant decret contre eux; de sorte qu'il falut qu'ilz ce [se] retirassent, et de ceste bande il n'y demeura que le duc de Brissac, que S.A.R. n'avoit pas refusé de veoir, à cause qu'il n'est nommé dans le decret ny dans les informations que soubz le nom d'un quidam; cepandant le duc de Beaufort pesta grandement contre le mareschal d'Estrée, son oncle, qui luy avoit faict esperer que M. le duc d'Orleans ne laisseroit pas de veoir ces messieurs. Apres cela S.A.R. y arriva, et tous les interessés dans la querelle des Thuilleries estant assemblés, M. de Fromont, secretaire des commandementz de Sadite Altesse., leut tout haut ce qu'elle avoit ordonné pour l'accommodement de ce different, lequel portoit entre autres choses en termes expres que le duc de Beaufort estoit marry de ce que l'on avoit maltraicté le marquis de Jersey aux Thuilleries et luy en demandoit pardon, apres quoy ilz s'embrasserent tous, et le duc de Candale s'en vient à Paris avec le duc de Beaufort. Les autres s'en retournerent à Compiegne avec S.A.R. Quant à l'accommodement de ce duc avec la Cour, il n'est pas encor faict, mais on luy propose de luy donner le gouvernement d'Amboise, qui est à sa biensceance à cause du voisinage du Vendosmois, avec pouvoir de le faire fortiffier en cas qu'on le voulut rechercher pour le passé; mais il a reffusé et despuis on luy a offert le gouvernement de La Fere en Picardie. On ne sçait s'il acceptera. Le 19 il traitta magnifiquement tous ceux qui l'avoint accompagné à Nanteuil et leur fit grand chere. Les 24 violons de la musique du roy y jouerent tant que le festin dura. Le duc de Brissac presenta requeste au Parlement la semaine passée pour demander la cassation des procedures faictes contre luy par le Lieutenant Criminel touchant le mauvais /62v/ traittement qui a esté faict aux valetz de pied du roy, à cause que comme duc et pair de France, le Parlement est seul son juge; mais le Premier President rebutta ceste requeste, disant qu'il faloit accommoder cest affaire. Despuis ce duc s'est faict interroger par devant M. Musnier, conseiller à la Grand' Chambre.

Les six corps des marchandz s'opposerent la semaine passée à la veriffication du traitté des liardz à cause du prejudice que ceste nouvelle monnoye apporteroit au commerce par la facilité qu'il y avoit à la contrefaire; et quoy qu'ilz n'eussent pas de bonnes parolles du Premier President, neamoings on ne croit pas que ce traitté passe.

Le mesme jour on envoya un huissier de la chasine à Bourdeaux pour en transferer le Parlement à Perigueux. De là cest huissier doibt passer à Thoulouze pour y signiffier un arrest du Conseil qui casse tous ceux que le Parlement y a donné sur les affaires qui concernent l'authorité du Roy, avec injonction de les oster des registres; à faute de quoy Sa M. interdit ce parlement là. Un autre huissier fut aussy envoyé le mesme jour en Provence pour y interdire quelques conseillers du Parlement d'Aix.

Le 17 on eut advis de Catteau Cambresis que le comte de Broglie, mareschal de camp, se faisant fort de la faveur qu'il a aupres de M. le Cardinal, avoit trouvé à redire à la conduitte du comte d'Harcour dans l'armée, mais que celuy cy l'avoit bien gourmandé là dessus; qu'on y avoit receu le petit marquis de la Mesleray, grand maistre de l'artillerie, à la teste de l'armée avec grand esclat, ayant faict descharger le canon et la mousquetaire par 5 fois à sa reception; et que l'armée des ennemis estoit en aussy mauvais estat pour le moings que la nostre.

Le 18 on eut advis de Compiegne que le commandeur de Jarres avoit faict venir une dispense de Rome pour se marier avec Mlle de Guerchy; et que M. le Camus, controlleur general, ne faisoit plus aucune fonction de sa charge, laquelle est à present exercée par les intendans des finances.
Le 19 les maistres des requestes casserent les 30 advocatz au Conseil de nouvelle creation.
Le mesme jour le duc de Bouillon et le mareschal de Turenne partirent d'icy pour aller au devant de M. le Prince, qui est à Vallery; et leur carrosse ayant versé proche Lagny, ilz feurent tous deux blessés legerement, l'ung à la test et l'autre au bras.

/63/ Le 20 la Grand' Chambre, l'Edit, et la Tournelle du Parlement s'estant assemblés, jugerent deux proces criminelz d'Estat. Le premier fut celuy de la vefve Musnier et de ses enfans qui, pour avoir imprimé un libelle diffamatoire contre la Reyne intitulé "La Verité cachée," furent condennés aux galleres et la mere à assister à la prononciation de leur arrest. L'autre fut celuy de l'imprimeur Morlot, qui est un viellart de 70 ans, lequel fut condenné à estre pendu apres avoir faict amande honnorable devant l'esglise Nostre Dame, et son garçon à l'assister au supplice et estre fustigé au pied de la potence comme criminel de leze majesté, pour avoir aussy imprimé plusieurs libelles diffamatoires contre l'honneur de la Reyne, entre autres un intitulé "la Custode de la Reyne." L'on remarqua qu'en mesme temps les presidens au mortier proposerent au Premier President d'envoyer prier M. le Chancellier de leur faire expedier leur grace, ayant jugé à propos d'en user ainsy pour le service du Roy, à cause de l'aparence qu'il y avoit que le peuple en deut murmurer, ce qu'on dit que M. le Premier President promit de faire et neamoings il ne fit point. Sur cela les autres presidentz se retirerent sans signer l'arrest, qui le fut apres par le Premier President seul, en presence du Procureur General, auquel il donna ordre de disposer les affaires à l'execution pour l'apresdisnée, ce qu'il fit, mais le peuple voyant la potence dressée à la Greve, commença de s'attrouper vers le Palais, dont le Premier President ayant esté adverty, dit qu'il n'y avoit rien à craindre. Sur les 5 à 6 heures du soir l'on prononça l'arrest aux criminelz dans la cour du Palais, d'où estant sortis pour estre conduitz au supplice, Morlot commença à crier au peuple que l'on l'alloit faire mourir injustement et qu'il n'avoit rien imprimé que contre Mazarin. L'on avoit desja commencé à jetter des pierres sur les archers qui les conduisoint, lesquelz n'estoint que 12 pour tout, avec un exempt; mais aussytost qu'on entendit ce discours, on cria, "Sauve! Sauve!" et l'on redoubla les coups de pierre sur les archers, en sorte qu'on les obligea de s'enfuir bien viste, apres y avoir estés la pluspart blessés et y avoir laissés leurs chevaux et armes. Le bourreau prit aussy la fuitte et abandonna la charrette, qui fut en mesme temps /63v/ jettée dans la riviere, et le cheval prit. Ainsy les imprimeurs furent mis en liberté. Apres cela ceste canaille ramassée, qui estoit pour la pluspart laquais, batteliers, ou crocheteurs, fut à la Greve et abatit la potence, qui fut aussy jettée dans la riviere. Le Prevost des Marchandz, ayant voulu menacer ces seditieux d'une fenestre de l'Hostel de Ville, ilz luy jetterent quantité de pierres et rompirent touttes les vitres de la face de cest hostel qui regarde sur la place de Greve, apres quoy ilz accoururent à son logis, menaceant de le piller et y mettre le feu; mais son filz, le maistre des requestes, sortit avec une hallebarde, assisté d'asses bon nombre de personnes; et le mareschal de la Mothe, qui jouoit dans une maison voisine, y accourut aussytost, l'espée à la main, et les fit retirer, de sorte qu'il n'y eut que quelques vitres cassées. Touttes ces circonstances, notamment le proceddé du Premier President, font croire à tout Paris qu'on avoit premedité d'exiter ceste rumeur pour sauver ces criminelz, et tout le monde veut que M. le Cardinal en soit le seul autheur pour avoir un pretexte specieux de retenir les imprimeurs ny leur fournir aucung vivres. M. Le Nain, conseiller, fut commis pour informer contre les autheurs de ce desordre, mais l'huissier qui en publia cest arrest à son de trompe dans les carrefours fut chassé à coups de pierres en divers endroitz.

Le mesme jour on eut nouvelles de Bretagne que les Estatz y avoint accordé 1700 mille livres au Roy et que le 14 on avoit tranché la teste marquis de Bussy et à sa fille dans Rennes par arrest du Parlement, la fille ayant esté convaincue d'avoir fait tuer son mary à l'induction[?] de la mere.

De Bourdeaux on mandoit du 15 que le Parlement y avoit interdit le Premier President et six conseillers suspectz, lesquelz n'entroint plus dans les assemblées pour les affaires publiques, qui se faisoint deux fois en semaine; et que les /64/ bourgeois s'y devoint assembler le mesme jour dans l'Hostel de Ville pour desliberer s'ilz devoint prendre l'abolition et s'ilz devoint appreuver la deputation du jurat qui est venu à la Cour pour la demander; et que le duc d'Espernon avoit fait revenir les regimentz de Crequy, de la Marine, d'Anjou, et de Guyenne, et avoit renforcé les garnisons de Libourne et des autres places voisines de Bourdeaux.

Le 21 on eut advis de Thoulouse que le Parlement y a donné arrest portant deffenses au sieur d'Aussone, premier president de la Cour des aydes, d'executter certaines commissions qu'il a de faire lever les tailles des années 47 et 48, et a depputté un conseiller pour aller executter cest arrest à Rodès [Rodez] et faire emprisonner le President en cas qu'il n'y voulut pas obeir. Les Estatz de Languedoch ont envoyé des depputtés à ce parlement pour le remertier des soings qu'il prent des interestz de la province et luy protester affection et bonne correspondance.

Les affaires de Provence estoint encores en mesme estat en attendant des nouvelles des depputtés qui sont en Cour. Le comte d'Alais estoit sorty de Marseille pour aller à Thoulon et avoit envoyé quelque cavalerie à Tres [Trets], dont les habitans s'estanz soulevés en avoint tués 35 ou 40 dans le Bas Languedoch et notanment à Nismes. On fait ouvertement des levées pour le secours du Parlement d'Aix.

Hyer à 5 heures du matin M. le Cardinal partit de Compiegne accompagnés des ducs de Vendosme et de Mercoeur, de MM. d'Avaux, Servient, et Le Tellier, et quelques autres pour aller sur la frontiere, où l'on dit qu'il ce [se] doibt aboucher avec le comte de Pigneranda en pleine campagne pour y conclurre le traitté de paix, et prit à cette fin quantité de charpentiers pour y faire des logementz. Quelq'ungs asseurent le contraire, disans que les Espagnolz ne veulent point la paix et que S.E. n'est allée là que pour quelques affaires de guerre fort importantes; d'autres adjoustent que les Espagnolz ayant refusé de traitter avec M. le Cardinal, on avoit proposé à M. le duc d'Orleans de s'y trouver, ce que S.A.R. n'a point voulu faire à moings que l'Archiduc s'y trouva aussy, lequel n'a point d'ordre d'Espagne pour cela. L'affaire est demeuré là. /64v/ Sadite Altesse partit aussy hier de Compiegne avec Madame et Mademoiselle pour aller passer 8 jours en sa maison de Villiers Cottretz. Le mareschal de Schomberg partit hyer au matin d'icy pour aller à la Cour. M. le Prince est attendu icy lundy prochain pour aller aussy à la Cour. S.A. a esté priée d'aller commander l'armée, dans laquelle le comte d'Harcour a peu de credit, et principallement avec les Allemans. Les dernieres nouvelles de Catteau Cambresis portoint que l'armée en estoit partie, ayant pris pour 7 jours de vivres. On ne sçait où elle est allée. Le marquis Sfrondati estoit le 19 à Eiterre [Estaires] avec un corps d'armée considerable, qui fut renforcé d'une partie des garnisons d'Ayre, St Omer, Nieuport, Dixmude, et autres, pour assieger quelq'unes de nos places, et l'on aprehendoit pour La Motte aux Bois.

Copie de l'accommodement de M. le duc de Beaufort etc. et MM. le duc de Candale et marquis de Gersey, le 16 julliet 1649 Gaston de France, oncle du Roy, duc d'Orleans

Apres avoir esté particulierement informé de ce qui s'est passé au jardin de Renard au Thuilleries entre le duc de Beaufort, avec lequel estoit le mareschal de la Mothe, les ducs de Brissac et de Retz, les comtes de Fiesque et de Castre, les sieurs de Fontrailles, Chavagnac, St Germain d'Achon, de Communi, Montcaurel et plusieurs autres gentilhommes: et le duc de Candale, les sieurs commandeur de Souvré, et de Jars, de Boutteville, de St Megrin, de Gersé, du Fretoy, de Ruvigny, de Ruvoy [?], de Vineul, et de Remainville, et sur ce que le sieur de Beaufort nous a declairé n'avoir eu aucune intention de fascher ny offencer en quelque maniere que ce fut ledit duc de Candale ny aucung de sa compagnie, fors et excepté ledit sieur de Gersé à cause des discours plains de mespris et offenses qu'on luy avoit rapporté qu'il avoit tenu de luy en diverses compagnies tant à Paris qu'à Compiegne; adjoustant mesmes ledit sieur de Beaufort qu'il s'en estoit faict entendre en quelque sorte en adressant sa parolle audit duc de Candale, estant tres marry qu'il ne s'en soit pas davantage explicqué, et à present tesmoignant beaucoup de regret que la colere l'aye porté à des actions aussy violentes que peu considerées /65/ et executtées avec advantage d'ung grand nombre de personnes qui estoint avec luy, ce qui avoit empesché que sur le champ les offenses n'avoint repoussés l'injure comme de gens de leur qualité et de coeur auroint fait, ainsy que despuis ilz se sont mis en devoir d'en tirer raison; des quelles actions ledit sieur de Beaufort les prie de remettre le subject des plainctes qu'ilz en pourroint avoir et d'en vouloir perdre le souvenir et proteste que si pareille rencontre luy estoit arrivé, il se contenteroit d'une semblable satisfaction.

Et pour ce qui regarde l'offense receue par ledit sieur de Gersey, ledit duc de Beaufort declaire que ce qui s'est passé a esté contre son ordre et intention, estant bien esloigné de la pensée mesme de faire ainsy maltraitter un gentilhomme; qu'il ne laisse pas pourtant l'oppinion qu'on en pourroit avoir de prier ledit sieur de Gersey de vouloir oublier, remettre, et luy pardonner ladite offense; s'obligeant, au cas qu'elle luy aye esté faicte par des gens portans ses livrées, de les envoyer audit sieur de Gersey pour en tirer toutte la satisfaction et reparation qu'il voudra; et où il se trouveroit que ce fut par des gentilhommes ses domestiques, de nous les envoyer pour en ordonner la satisfaction, telle qu'il nous plairra.

Et bien que dans la satisfaction generale nous jugeons que celle de du Fretoy ce [se] trouve comprise touttefois, pour ce qu'il se pourroit plaindre qu'on luy auroit arraché l'espée des mains, ledit duc de Beaufort declare que ce qui a esté faict n'estoit que pour empescher des plus grand inconvenientz et non pas pour luy faire aucung injure, qui parut dès lors luy ayant renvoyé son espée avec plusieurs excuses, qu'il luy reitere encor et le prie de croire qu'il seroit marry d'avoir faict un action qui l'empescha de la tenir pour son amy comme il le conjure de vouloir estre le sien.

Et pour ce qui regarde l'offense pretendue faicte par ledit sieur de Comuny audit sieur de Candale, que l'on dict avoir alongé quelque estocade qui ont mesme atteint ses chausses dans ceste confusion et ambarras, nous en estant soigneusement informé, ledit sieur Communi nous a declaré que cela n'estoint point et qu'il seroit tres marry d'avoir faict un action qui peut /65v/ offenser une personne de sa qualité qu'il respecte, ayant l'honneur de nous estre si proche.

Nous, consideré tout ce que dessus et particulierement les satisfactions susdites, jugeons qu'il n'en peut rien demeurer sur le coeur audit duc de Candale et autres susnommés qui les puisse obliger à aucung ressentiment ny qui les empesche de vivre et demeurer bons amis, ce que nous leur commandons de faire; et le present accord s'estendra et servira pour tout ceux qui se sont trouvés dans ladite action, quoy qu'ilz ne soint pas cy nommés et presentz.

/67/  De Paris le 30 julliet 1649


Le 23 du courant Mme de Chevreuse, voyant qu'on ne la repelloit point à la Cour, revient au soir de Dampierre en ceste ville.

Le mesme jour tous les quarteniers, dizainiers, et autres officiers s'assemblerent pour desliberer sur les moyens d'empescher à l'advenir qu'on ne fit sauver les criminelz, et resoulurent d'envoyer des depputtés à la Reyne pour l'asseurer de la fidelité et obeissance des bourgeois de Paris et qu'ilz n'avoint eu aucune part à la rumeur qui avoit esté faicte pour sauver l'imprimeur Morlot, laquelle ne fut faicte que par des gens de neant et sans aveu. Il y eut en mesme temps different entre les 3 chambres du Parlement qui avoint jugé cest imprimeur et les Enquestes, ceux cy pretendans devoir estre appellés aux assemblées qui se font pour juger les crimes de leze majesté.
Le 25 on publia monitoire dans touttes les parroisses de Paris pour descouvrir l'autheur de ceste rumeur.

Le mesme jour M. de Leon Bruslard, doyen des conseillers d'Estat, mourut subitement sans avoir le temps de se confesser. Il avoit des benefices pour 30 mille livres de rente, dont il en avoit resigné les melieurs à l'abbé de Genlis, son neveu. Il a laissé plus de 500 mille escus d'autre.
Le mesme jour au soir l'ambassadeur de Venise fit feu de joye devant son hostel pour la victoire gaignée par les Venitiens sur les Turcs.

Le 26 on eut aussy avis de Compiegne que le roy d'Angleterre faisoit des grandes instances pour espouser Mademoiselle, qui n'en veut point ouyr parler.

Le 27 à 7 heures du matin on fit faire amande honnorable à ceux qui ont imprimé le libelle de "La Verité cachée," mais ce ne fut que dans la Grande Chambre du Parlement, afin qu'il n'en arriva point de desordre. Apres cela l'on brusla au bas de l'escalier dans la cour du Palais tous les exemplaires de ce libelle qui avoint esté trouvés ches ces imprimeurs, lesquelz furent remis dans la Conciergerie pour estre envoyés aux galleres suivant leur condennation.

/66v/ Le mesme jour M. le Prince arriva en ceste ville, où il fut en mesme temps accablé de visittes, qui ont despuis continué. M. de Beaufort y fut avant hyer, et ne l'ayant pas trouvé, y retourna hyer. Ilz se caresserent fort et furent asses long temps ensembles. S.A. soupa hyer au soir ches le president Viole et doit demain aller à Compiegne où le duc de Bouillon et le mareschal de Turenne le doivent accompagner pour tirer par sa faveur leur satisfaction de la Cour, l'ung pour la recompense de la souverainetté de Sedan, et l'autre pour le gouvernement d'Auvergne, qu'on luy a promis.

Ledit jour on eut advis de Bourdeaux du 22 que les bourgeois s'estantz assemblés le 15 dans l'Hostel de Ville, y desadvouerent la depputation du jurat qui est à la Cour, en cas qu'il auroit parlé d'autres choses que des affaires particulieres des juratz; surquoy il y eut arrest au Parlement en presence de ceux cy, portant acte comme la ville de Bourdeaux n'ayant pris les armes que pour le service du Roy, n'avoit point donné charge au jurat depputté de demander abolition. L'huissier de la chaisne qu'on y a envoyé pour transferer ledit parlement à Perigueux, estoit à Cadillac aupres du duc d'Espernon, qui n'avoit pas jugé à propos qu'il executtat encor de quelques jours sa commission.

De Thoulouze on mandoit du 21 que le 17 l'evesque d'Uses avec le sieur de la Forest et les consulz de Lavaur et de Castelnaudary, depputtés des Estatz de Languedoch, le premier pour le clergé, le second pour la noblesse, et les deux autres pour le Tiers Estat, y eurent sceance au Parlement en un banc separé à la premiere cinture et y feurent receus fort honnorablement, ledit sieur de la Forest y estant mesmes entré l'espée au costé. On fit sortir tous les escouttans des tabouretz à la lanterne, afin que le secret de leurs propositions ne fut sceu. Cest evesque y parla une heure fort eloquenment pour faire valoir sa deputation et asseurer le Parlement de l'union de la province, dont il feut remertié en termes generaux par le Premier President, mais on ne marque pas s'il y eut arrest d'union avec les Estatz, comme l'on croit. Le lendemain 18 les mesmes depputtés y furent regalés dans l'Hostel de Ville d'une belle /67/ collation et du present quel'on fait ordinairement aux gouverneurs de la province, dont le lieutenant envoya le 21 un courrier audit Parlement pour demander un passeport pour les trouppes levées dans le Bas Languedoch qu'on vouloit envoyer à M[M]. d'Aix; surquoy le Parlement s'assembla; et l'ordinaire estant party là dessus, l'on n'a pas encor sceu la resolution, mais parce que l'on a trouvé moyen de desunir le Bas Languedoch d'avec la Provence, l'on croyoit que ces troupes estoint destinées plustost pour le comte d'Alais que pour les Provenceaux. Cepandant on escript de ce pays là que le comtat d'Avignon s'est declairé pour ceux cy et que le cardinal Bichy leur ayant donné quelque secours, le comte d'Alais luy avoit fait piller et mettre le feu à une de ses maisons, mais on ne fait point mention qu'il y eut d'autre entreprise.

De Rodès [Rodez] on mande que le sieur d'Aussonne, premier president de la Cour des aydes de Cahors, y estant arrivé pour faire lever les restes des tailles des années 47 et 48, avoit desiré de se faire assister de quelque noblesse, mais que les consulz l'avoint asseuré qu'il y pouvoit demeurer en seurté nonobstant l'arrivée du sieur Cambon, conseiller depputtée du Parlement de Thoulouze, pour empescher ceste levée des tailles remise par la declaration du mois d'octobre dernier; et que le premier consul ayant esté mandé par ce depputté, fit difficulté d'obeir à l'arrest de Thoulouse, ce qui obligea ce depputté de faire sig,ortirle et decret d'adjournement personnel au consul, à quoy ceux cy ne vouleurent pas obeir. On ne sçait encor quelle suitte aura eu ceste querelle.

De Bretagne on escript que les Estatz y avoint finis à Vannes le 24, apres avoir accordé au Roy 1700 mille livres, y compris 500 mille escus pour les avances.

Le 28 on eut advis de Compiegne que M. le Cardinal devoit estre de retour aujourd'huy de la frontiere, où il estoit allé non pour faire la paix comme l'on avoit escript, car les Espagnolz s'en mocquent, quelque mine qu'ilz fascent de la souhaitter, mais pour obliger le comte /67v/ d'Harcourt ou de reassieger Cambray (estant fort fasché de ce qu'il en avoit levé le siege, nonobstant le secours qui y estoit entré) ou d'assieger quelque autre place; mais on les a trouvées touttes en tropt bon estat pour estre attaquées, et encor pour retenir les troupes allemands qui menaceoint de quitter à cause qu'on n'avoit point donné la satisfaction au depputté qu'elles avoint envoyé à la Cour apres la levée du siege de Cambray.

Hyer le Prevost des Marchandz et les autres deputtés nommés icy a l'assemblé de MM. de Ville dès le 22 de ce mois partirent pour Compiegne. On dit que le suject qui avoit si long temps retardé leur despart estoit l'absence de M. le Cardinal, dont ilz ont voulu attendre le retour.

Nostre armée est encor à Cateau Cambresis sans avoir encor peu faire aucune entreprise.
Outre ce que vous aves veu de Bourdeaux, on a sceu despuis que le duc d'Espernon, y ayant amené l'huissier de la chaisne accompagné d'environ 200 gentilhommes, fut loger dans le Chasteau Trompette, d'où il envoya avertir les bourgeois de se trouver le lendemain à l'Hostel de Ville, où il avoit quelque chose à leur dire de la part du Roy; mais au lieu de cinq à six cens personnes qui devoint s'y trouver, il ne se trouva que cinq bourgeois seulement, sur quoy ce duc fit sortir deux pieces de canon dudit chasteau et les ayant faict conduire devant le Palais, se saisit de touttes les avenues et envoya l'huissier du Parlement pour l'interdire. Le doyen des Enquestes s'est accredité parmy le peuple, estant arrivé là dessus et ayant voulu se saisir d'ung de ceux qui gardoint les avenues du Palais, y fut maltraitté; et en mesme temps la rumeur s'esleva et le peuple commancea à se barricader et à donner sur les gens de M. d'Espernon, qui fut obligé de se mettre soubz la protection du Parlement et ensuitte de se sauver en desordre, apres qu'il y eut 40 ou 50 des siens tués sur la place.

/68/ Autres lettres de Montpelier portent que M. de Gondon y ayant fait des levées pour le Parlement de Provence sans aucune opposition, a demandé audience aux Estatz comme depputté dudit parlement, laquelle ceux cy luy ont refusé sur l'opposition de M. de Breteuil, intendant de justice, qui a representé que ce parlement estoit interdit, et par les brigues de l'archevesque de Narbonne, à qui l'on a accordé la coadjutorerie de son archevesché pour son nepveu.
/70/ Du dernier julliet 1649

Le cardinal Mazarin est allé à St Quentin pour s'aboucher avec le comte Pigneranda. Ses desseings sont expliqués diversement. Le pretexte de l'entreveue est la paix generale, ce n'est pas neanmoings la creance des speculatifs; ilz croyent qu'il a voulu veoir si l'Archiduc avoit le mesme interest que le roy d'Espagne, ou s'il en avoit d'autres, et de tascher à luy faire veoir que le roy d'Espagne estant tombé en demance et n'ayant q'une infante que les Espagnolz veulent absolument marier à un de leur nation, ne voulant point du roy d'Hongrie, traittent comme estranger la branche de la maison d'Autriche, qui est en Allemaigne; qu'il est temps qu'il pense à luy et à son establissement, et qu'avec l'appuy de la France (en espousant Mademoiselle) et le secours de l'Empereur il se doibt faire maistre des Pays Bas et estre le souverain des provinces, dont il n'est que le gouverneur. En effect le roy d'Hongrie s'en retourne de Milan en Allemagne et ne passe pas outre. Les affaires de Madrit ne luy promettent pas un heureux succes de son voyage d'Espagne. S'il y alloit, si l'Archiduc entend ces propositions, on veut faire ligue offensive et deffensive avec luy. Il prestera son armée et le duc de Lorraine la sienne, avec celle de Suede, qu'on a achepté, celle des Hessiens, qui ont donné parole, et celle des Allemans, touttes lesquelles jointes ensemble la Cour espere faire des grandes choses, ou dans cest estat, ou dehors. Aussy il est temps que les monarques s'unissent contre la constellation qui regne pour l'establissement des republiques. Le secret du siege de Cambray, comme l'on dit à la Cour, est tel: c'estoit la seule place dont l'Archiduc n'estoit pas maistre, /70v/ le roy d'Espagne ayant tousjours donné ordre qu'il n'y entrat pas le plus fort. Le Cardinal, pour l'en faire maistre, a feint le siege de ceste place, qu'il a fait investir; et sur cela l'Archiduc y a fait entrer 3000 hommes qui estoint à luy et que la necessitté presente a faict recevoir dans la place. Voilà les secretz discours de nostre Cour. Le temps nous fera veoir la verité du tout. Paris est tousjours Paris, et l'authorité royale n'y est pas encor toutte establie. On tient le Pape pour notre ennemy. Le Cardinal m'a dit qu'il s'en alloit demeurer à Rome.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653