Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/234/ A Paris le premier julliet 1653

M. de Lorraine escrivit, il y a quelques jours, icy, à Mme de Lorraine, et la convia de l’aller trouver à Cambray, luy tesmoignant desirer se remettre bien avec elle, et de donner ordre à leurs affaires; dont la Cour ayant esté avertie, le Roy y a interposé son authorité, et ne veut pas que cette princesse aille à Cambray; mais il offre telle ville de son rouyame que M. de Lorraine voudra choisir, luy ayant mesmes fait proposer Peronne, et luy ayant fait offrir touttes les seurtés qu’il pourroit souhaitter; à quoy l’on cherche maintenant des expendientz, et cette affaire est en negotiation.

M. le duc de Chaunes a enfin accepté les offres qui luy ont esté faittes, de la part de la Cour, pour le gouvernement d’Amiens, et pour la lieutenance generalle; mais on asseure qu’il ne veut point sortir de la citadelle, jusques à ce qu’il tiendra tous les effectz de ce qu’on luy a promis; et pour en prendre les seurtés, il a envoyé icy le sieur Cornillon, son lieutenant, qui est allé à St Germain.

Il y a advis de Flandres que le commandement de l’armée de M. le Prince a esté reglé: en sorte qu’apres celuy cy, tous les officiers obeiront à M. le prince de Tarante, qui n’obeira qu’à M. le Prince, et que le baron de Clinchamp n’obeira qu’à ces 2 icy, et sera obei de tous les autres lieutenantz generaux de M. le Prince.

On asseure que le Roy a accordé à Mme la Princesse la permission, et la seurté, qu’elle avoit demandée, de sortir de Bourdeaux, et de se retirer en sa maison de Maillé, en Anjou.

Le mareschal de Seneterre s’estant avancé vers Reins [Reims] avec ses troupes, pour y joindre l’armée du mareschal de Turenne, le bruit a couru qu’ilz avoint investy Rhetel; mais cela ne s’est pas confiermé par les advis qu’on en a receus.

Le mareschal d’Hocquincourt est enfin party ce matin, pour aller en Roussillon; et le mareschal de Grancey doit aussy partir bientost pour Piedmont.

Mademoiselle arriva, le 26 du passé, à Blois, où elle feut fort bien receu de Leurs A.R.

Les Jansenistes feurent hier fort surpris d’apprendre, par les lettres de Rome, que leurs propositions y avoint esté condemnées dans le consistoire.

Leurs M. feurent hier fort splendidement traittés à souper à Ruel [Rueil], où M. Tuboeuf leur avoit fait preparer un festin tres magnifique, apres lequel elles eurent le divertissement de la comedie et du bal, où ce [se] trouverent les principales dames de Paris, qui avoint esté conviées; en suitte de quoy Leurs /234v/ M. en sont parties, et arrivées icy à 2 heures apres minuit. Elles se trouveront vendredy prochain à l’Hostel de Ville, pour y veoir un beau feu d’artifice qu’on prepare dans la place de Greve, pour esteindre la memoire de celuy qu’on mit en cest hostel l’année passée, à pareil jour.

M. le Cardinal envoya, avant hier, 2 evesques en Sorbonne, pour avertir les docteurs de cette maison qu’elle s’y rendroit demain, pour la veoir; quelq’ungs asseurent qu’il pourra estre esleu proviseur.

De Bourdeaux le 23 juing 1653

Vendredy, sur les 4 heures du matin, M. de Candale arriva à la porte St Aubin de cette ville, avec une grande partie de sa cavalerie, qui portoit des gens de pied en croupe. L’on dit que son desseing estoit de se saisir de ladite porte, et de surprendre le corps de garde, par l’intelligence qu’il avoit dans la ville; ce qui avoit esté descouvert 2 ou 3 jours auparavant par M. le prince de Conty; en sorte qu’il sçavoit, à point nommé, l’heure que l’execution de cette entreprise ce [se] devoit faire; ce qui l’avoit obligé de se saisir, dès jeudy, de la personne de M. Dussaut, conseiller au Parlement, et d’ung tresorier nommé Tillot, qu’on luy avoit dit estre les chefs de cette intelligence, et de se trouver, le matin à 4 heures, hors la ville; où allant, il trouva qu’on poussoit vivement les coureurs qu’il avoit envoyé devant, pour recognoistre. Il falut, pour luy donner temps de se sauver, que son cappitaine des gardes tournat teste et soubtient le choc, pendant lequel il y eut quelques gardes blessés. Cependant, Dussaut est prisonnier dans l’Hostel de Ville. On dit qu’il n’y a point de preuve contre luy, et qu’il s’en louera avec de l’argent. Il y a un garçon nommé Chastaing, frere d’un chanoine de St André, qu’on dit estre aussy de cette intelligence. Il a esté pris, et on luy a donné la question.

M. de Candale a passé du costé de Blanquefort, et a joint les troupes de M. de Vendosme. On dit qu’il veut prendre le chasteau de Blanquefort, et de là s’en aller à La Teste de Busch, prendre les fortz qui ont esté construitz, pour apres s’en venir camper proche de cette ville. Il a fait le desgast des bledz partout où il passe. M. de Vendosme est maistre de la campagne icy, aux environs et dans le Pays d’Entre Deux Mers, et nous ne pouvons plus attendre que grande misere. Bourg est investy, et fort pressé.

Nous ne voyons point encor que l’armée navalle d’Espagne s’aproche, pour nous /235/ secourir; et tout ce que nous en avons apris est que 4 vaisseaux estant partis de St Sbastien, chargés de prouvisions, ayant esté rencontrés par ceux de M. de Vendosme, ceux cy en ont pris 3; et le 4e, dans lequel il y avoit de l’argent, est sauvé; mais aussi la fregatte nommé Le Beaufort, en les poursuivant, y a esté bruslée.

/236/ De Paris le 8 julliet 1653

Le bruit courut, la semaine passée, que le chevalier de Guyse, qui commande un petit corps d’armée de M. de Lorraine, avoit eu quelque avantage sur un party de cavalerie de l’armée du mareschal de Seneterre, mais cela ne ce [se] confierme pas.

Les estatz de la maison du petit Monsieur est presentement à la Cour des aydes, et y doit [estre] veriffié cette semaine. M. le Cardinal y est couché, en qualité de surintendant de son education, comme de celle du Roy. La charge de secretaire de ses commandementz a esté vendue, 50 mille escus, au filz du lieutenant civil de Rouen.

La semaine passée, le regiment de Rembures ayant eu ordre d’entrer dans Ardres, sur l’advis que les Espagnolz s’assembloint vers la riviere de Lys, il s’y rendit aussytost; mais y ayant voulu garder un quartier d’une porte de la ville, contre la volonté de M. de Rouville, qui en est gouverneur, l’affaire s’eschauffa de telle sorte qu’on en vient aussytost aux mains; et l’antienne garnison ayant pris les armes contre ce regiment, qui ce [se] mit en deffense, il y eut 27 officiers tués de part et d’autre, parmy lesquelz est le lieutenant du Roy. Le gouverneur y feut aussy blessé de 5 coups, dont [on] a averty le Roy, qui a envoyé M. de Fortia, maistre des requestes, pour en informer.

On escrit de Blois, du 4, que Mademoiselle y estoit encor dans le dessaing d’en partir, aussytost que la biensceance luy permettra de se separer d’avec S.A.R., pour s’en retourner à St Fargeau. Elle a resolu neamoings de donner auparavant le bal aux dames de Blois, et de faire un voyage à Champigny en Touraine, pour rentrer dans la possession de cette terre, et de la retirer des heritiers de feu le cardinal de Richelieu.

On escrit du camp de Vassigny [Wasigny], du 3, que M. de Turenne estant avancé 2 lieues au dela de Retel, y estoit venu camper, le premier du courant; avec lequel M. de Seneterre, qui n’en est esloigné que d’une lieue, vient disner le lendemain, pour conferer ensemble sur les affaires de la campagne; lesquelz ayant aussytost donné ordre à M. de Beaujeu d’aller attaquer le chasteau de Chaumont [Chaumont-Porcien?], il s’est rendu au second coup de canon. On ne sçait point encor les desseings de ses [ces] generaux, qui attendent leurs canons de Reins, M. de Turenne n’en ayant que 2 petites pieces de 68 livres.

Les deputtés des rentiers ayant sceu qu’on vouloit retrancher un demy /236v/ quartier de rente sur les aydes, s’assemblerent hier, dans le cabinet de la premiere des Enquestes, pour y demander l’assemblée du Parlement; sur quoy, quelques deputtés de Enquestes allerent trouver M. le Premier President, qui, ne leur pouvant accorder cette demande, leur promit de travailler à l’accommodement de cette affaire, et de donner satisfaction aux rentiers. Quelques jours auparavant, M. le president de Maison, s’estant plaint dans la Grande Chambre des mauvais traittementz qu’on faisoit à son frere, qui est un des exilés, demanda aussy l’assemblée du Parlement, pour le retour des exilés; mais M. le Premier President fit connoistre à la Compagnie que cela ne feroit que retarder cette affaire, laquelle il avanceoit de jour en jour, ayant desja obtenu permission pour M. de Boulz de venir faire sa charge, et liberté à quelques autres de revenir à leurs maisons proche de Paris.

Leurs M. feurent dimanche dernier aux Bernardins, à la benediction de Mlle de Chevreuse, abbesse du Pont aux Dames, où M. l’evesque de Meaux fit l’office, et l’evesque de Rennes, comme grand ausmonier, y communia la Reyne.

C’est le cousin de Bussy Lamet qui s’est jetté dans Mesieres [Mezières], où il joue le mesme personnage qu’a fait le chevalier de Chaunes à Amiens, d’où il ne sort point, attendant l’execution de son traitté.

Hier le Roy feut prendre le divertissement de la chasse à Versailles, où il est encor. [Il] retourne aujourd’huy, le desseing de son voyage de Compiegne estant rompu.

M. le Prince est enfin party de Bruxelles despuis le 2 de ce mois, pour se mettre en campagne avec 10700 chevaux et 800 fantassins.

/238/ De Paris du 13 julliet 1653

Dans l’assemblée que MM. les prelatz firent, le xi de ce mois, ches M. le Cardinal, ilz se plaignirent de ce que, dans la declaration que le Roy leur avoit envoyée, pour l’execution de la bulle du Pape qui condemne les cinq propositions, Sa M. les traittoit d’amés et feaux, pretendant qu’on y devoit mettre purement et simplement à Messieurs les archevesques et evesques, etc.; mais leur plainte demeura inutile, sur ce qu’on leur fit veoir plusieurs exemples dans lesquelz les roys les ont traittés de cette sorte despuis François Premier, qui ne les traittoit point autrement; dont ilz demeurerent d’accord, et ensuitte ilz mirent en desliberation s’ilz escriroint au Pape, au nom de tout le clergé de France, pour le remertier, pour le prier de vouloir decider la question (lesquelz sont en nombre d’environ 60), l’en remertiassent en particulier; sur quoy, il feut resolu qu’elle en seroit remertiée au nom de tout le clergé, qui luy escrit une lettre pour ce suject, et qu’ilz escriroint aussy une autre lettre circulaire dans touttes les provinces, pour y faire executter cette bulle. Ilz se rassemblent aujourd’huy ches M. le Cardinal, pour veoir si ces 2 lettres seront conceues dans les termes qu’ilz ont resolu. C’est M. de Marca, l’archevesque de Thoulouse, qui les a dressé.

Le 11, l’archevesque d’Ambrun partit d’icy, pour aller à Blois, donner part à S.A.R. de ce que, en sa consideration, le Roy a commancé de restablir quelq’ungs des exilés du Parlement; et que Sa M. a pris, sur ce subject, des resolutions qui luy pourront donner beaucoup de satisfaction.

Le mesme jour, xi, le voyage du Roy à Compiegne feut resolu; et Sa M. doit partir demain, au matin, pour aller disner à Senlis, où l’on envoye des relais, parce qu’elle veut aller coucher à Compiegne, où l’on a envoyé hier des compagnies des gardes, et le bagage est party ce matin; et comme l’on croit que ce voyage ne sera que de 12 ou 15 jours, la Reyne et Monsieur demeureront icy. M. le Cardinal y accompagnera Sa M., laquelle, comme l’on croit, ira de Compiegne à l’armée.

On dit que l’evesque de Rennes, estant à present attaché à la Cour par la charge de grand ausmonier de la reyne, traitte de son eveschée avec M. de Cohon, antien evesque de Dol, et que l’evesque de Xaintes traitte aussy l’evesché de Bayeux.

L’on asseure que les ordres du Roy feurent hier envoyés au president /238v/ de Maisons, et à ses 2 filz, d’aller à Quinper Corentin [Quimper], en Basse Bretagne, à cause que Conches est tropt pres de Paris, et qu’il pourroit facilement avoir des intelligences contre le service de Sa M.
L’on a donné au chevalier Terlon une abbaye de 4 mille livres de rente, en Languedoch.

Le bruit qui avoit couru de la prise de Libourne en Guyenne n’estoit pas vray; mais un courrier qui arriva hier, envoyé par M. de Vendosme, porta nouvelle que cette place capituloit le 9, pour se rendre; et que M. le prince de Conty avoit fait faire une assemblée de bourgeois dans Bourdeaux, où, apres avoir representé que ses ennemis avoint semé un bruit qui [qu’il] faisoit un traitté particulier avec la Cour, pour luy, Mme la Princesse, et Mme de Longueville, il leur jura et protesta qu’il n’avoit jamais eu la pensée de se desunir d’avec eux, qui [qu’il] ne les abandonneroit jamais, qu’il vouloit perir avec eux s’il faloit perir, et qu’il leur demandoit la mesme protestation de se tenir unis avec luy; ce qu’ilz promirent de faire reciproquement, en attendant le secours d’Angleterre, où l’on tient pour asseuré que Cromvel leur a accordé 8 fregattes, d’autres disent 12, lesquelles il preste aux Espagnolz, qui s’en servent pour secourir Bourdeaux.

Il y a du desordre dans La Fere, en Picardie, entre M. de Manicamp, qui est gouverneur, et le maire de la ville, lequel a esté tué par ce gouverneur; et comme celuy cy pretend d’estre fait mareschal de France des premiers, on le soubsçonne de quelque intelligence avec M. le Prince.

M. le mareschal de Turenne, ayant eu advis que les Espagnolz avoint desseing sur Rocroy, y a jetté des trouppes, et a fait marcher quantité de cavalerie de ce costé là.

On escrit de Blois que M. de Beaufort, Mme de Montbason, et le comte de Bethune y estoint venus veoir Mademoiselle, laquelle estoit sur le point d’aller en devotion à St Martin de Tours; et que, peu de jours apres qu’elle en seroit revenue, elle devoit retourner à St Fargeau; que cependant, elle estoit si mescontente de M. de Choisy, chancellier de S.A.R., qu’elle ne l’avoit point voulu veoir.

De Bourdeaux le 2 julliet

Vous aves sceu que les Espagnolz qui commandoint dans Bourg, n’ayant plus que 3 ou 400 de leurs soldatz, ausquelz ilz ne pouvoint se fier, /239/ firent leur capitulation jeudy dernier, et sortirent de la place vendredy matin, avec armes et bagages et 2 pieces de canon, pour estre conduitz à St Sbastien dans des vaisseaux que M. de Vendosme leur fournit. En mesme temps, celuy cy entra dans Bourg, ou y [il] trouva 45 pieces de canon de fonte, et quelques autres de fer, avec des armes pour armer 4 mille hommes, et des vivres pour plus de 2 mois. M. le prince de Conty est fort indigné contre celuy qui y commandoit, pour avoir rendu la place, sans luy en donner part. M. de Candale et ses troupes sont tousjours aux environs de cette ville, et font des courses jusques aux portes, pour empescher qu’on n’y apporte aucung vivres. Plusieurs croyent qu’apres la prise de Bourg, où les Espagnolz avoint fait des grandes despenses pour la fortiffier, ilz ne secourront plus cette ville, et l’on espere maintenant plus aux Anglois qu’à eux.

/240/ De Paris [blank] julliet 1653

J’avois oublié de vous dire que, dans l’assemblée que MM. les prelatz tiendrent au Louvre, dans l’apartement de M. le Cardinal, il s’y parla de resoudre qui porteroit la perte du dernier rabais des monnoyes, sur les sommes que le clergé paye à l’Hostel de Ville: si ce seroit les receveurs particuliers des provinces, qui les ont deut recevoir au mois de mars; ou le receveur general du clergé, qui les receoit en julliet; ou le Roy; ou l’Hostel de Ville. Mais ce chef demeura indecis; et l’on y remarque qu’il n’y s’y parla point de l’arrest que les Huguenotz ont obtenu au Conseil d’en haut, portant permission de restablir leurs temples dans les lieux où ilz ont esté desmolis; et neamoings, on avoit projetté d’en parler.

Ces messieurs se reassemblerent encor le 15, ches M. le Cardinal, pour examiner la lettre qu’ilz avoint resolu d’escrire au Pape, et celles qu’ilz doivent envoyer aux provinces, lesquelles l’archevesque de Thoulouse avoit dressées; mais dans ce temps qu’ilz commenceoint l’assemblée, il y arriva un accident qui la trouble. L’antien evesque de Senlis y feut surpris d’une apoplexie, de laquelle il mourut subitement, sans parler, entre les bras de quelques autres prelatz, qui le soutiendrent et l’empescherent de tomber.

Quelq’ungs ayant representé au Conseil que l’abbaye de Conches estant proche de Paris, et le president de Maisons et ses enfans pouvant avoir facilement des intelligences contre le service de Sa M., il feut resolu, le 14, de les esloigner dans les lieux separés; et mesmes les ordres du Roy feurent expediés, pour faire aller resider ce president à Cherbourg, en Basse Normandie, et son filz à Quinper Corentin [Quimper], en Basse Bretagne, laissant seulement son second filz avec Mlle de Maisons sa soeur; mais le Premier President ayant representé le mescontentement que tesmoignoint les presidentz au mortier de ce nouveau traittement, obtient, le 15, une revocation de cest ordre, et une permission à ce president de demeurer à Conches, avec ses enfans, et mesmes qu’on rappelleroit l’exempt qui les garde.

M. de Manicamp estant mescontent de n’avoir pas esté fait mareschal de France des premiers, et pretendant qu’on le luy avoit fait esperer, comme estant le plus antien mareschal de camp, a esté accusé, despuis peu, d’avoir fait son possible pour detourner M. de Chaunes, pour s’accommoder avec la Cour, à cause qu’il ne pouvoit souffrir que M. de Bar feut lieutenant du roy en Picardie, et ensuitte a esté soubsçonné d’avoir traitté avec M. le Prince; sur quoy, les ordres du Roy ayant esté envoyés aux maires et aux eschevins de La Fere, /240v/ d’empescher qu’il ne fit aucune chose contre le service du Roy, et celuy cy ayant voulu executter cest ordre, M. de Manicamp s’en offense si fort contre eux qu’il poignarda le maire. Cette nouvelle estant arrivé icy dès le 13, fit haster la resolution que le Roy avoit prise, 3 jours auparavant, d’aller à Compiegne; et, dès le mesmes jour, l’on y fit marcher quelques compagnies des gardes, avec le bagage; et Sa M. partit d’icy le x au matin, et feut coucher, le soir du mesme jour, à Compiegne, par les moyens des relais qu’elle avoit envoyé à Senlis, ayant resolu d’aller assieger La Fere, et de chastier M. de Manicamp; mais le mareschal d’Estrés, oncle de celuy cy, s’entremet pour accommoder cette affaire, et pour obtenir sa grace, en remettant cette place au Roy, qui luy en donnera, comme l’on croit, une recompense de 50 mille escus.

Le marquis de Richelieu a traitté avec le marquis de Clermont, de la charge de maistre de camp de la cavalerie legere; et n’ayant pas eu de l’argent pour la payer, ce marquis en a traitté, du despuis, avec le marquis de Nonan. Sur quoy le premier, offensé de ce que celuy cy avoit couru sur son marché, le fit appeller en duel le 16; et ilz se battirent hier, au matin. Le marquis de Richelieu y eut l’avantage, par le moyen de son second, et fit promettre au marquis de Nonan qu’il ne songeroit point à cette charge.

Le comte de Mesdavid, filz du mareschal de Grancey, fit aussy appeller en duel, il y a 2 jours, le marquis de Roquelaure, à cause du traitté de mariage qui ce [se] fait entre celuy cy et Mlle de Lude, laquelle ce comte pretend espouser; mais ce duel ayant esté sceu, on les a empesché de se battre, et l’on travaille à les accommoder. Cepandant, cette damoiselle s’est retirée dans le couvent des religieuses du Val de Grace, de crainte d’estre enlevée.

Le mareschal de Turenne, ayant eu advis que M. le Prince avoit desseing d’enter dans la Picardie, et croyant que ce feut pour venir secourir M. de Manicamp, a fait partir une bonne partie de sa cavalerie vers la frontiere de cette province, et est allé camper à Noircourt, où il attend des nouvelles de la marche des ennemis, qu’il mande estre plus fortz que luy. /241/ Le mareschal de Grancey ne partira pas encor de 8 jours, pour aller commander son armée en Piedmont, où M. de Bresy va commander la cavalerie; mais il ne partira qu’à la fin de ce mois.

/242/ De Paris du 25 julliet 1653

L’abbé de Combiac, qui est l’autheur du testament de feu Mme la princesse douairiere de Condé, en faveur de Mme de Chastillon, s’estant brouillés ces jours passés avec celle cy, et luy ayant escrit une lettre fort desobligeante, elle sceut qu’il alloit trouver Mme de Puisieux à Marines, proche Pontoise, et le fit prendre en chemin par 5 ou 6 cavaliers, qui le luy menerent à Marion [Marines], où elle est à present, malade de la petite verolle, qui luy a gasté son beau visage, et où elle luy fit promettre de luy rendre des papiers de grande importance qu’elle luy avoit donné en garde; mais il retient des lettres qu’elle avoit receues de M. le Prince, dans lesquelles on veoit touttes les intrigues qu’elle avoit menées pour le service de celuy cy. Cest abbé s’estant fait, despuis, presenter à la Reyne, a mis touttes ces lettres entre les mains de Sa M.; et luy a dit que touttes ces intrigues ce [se] conduisoint icy par un nommé Ricourse, qui faisoit les affaires de Mme de Chastillon, lequel feut arresté prisonnier le 21, et mis dans la Bastille; et parce qu’il avoit desja pris l’amnistie despuis longtemps, et qu’il ne laissoit pas de continuer à servir, en cela, M. le Prince, l’on parle de luy faire son proces bien viste, et d’en faire un exemple, le traittant comme espion.

C’est l’abbé de Melian qui se noya lundy dernier, et non le maistre des requestes, son frere.

La ville de Libourne, en Guyenne, s’est rendue au duc de Vendosme, à discretion. Le commandant, nommé Nayar, et les autres officiers de la garnison, y ont eu vie sauve, à condition de se retirer dans leurs maisons; et les soldatz, au nombre de 900, ont pris party dans l’armée de ce duc; et quant aux habitans, ilz sont renvoyés à la misericorde du Roy, qui en ordonnera ce qui luy plairra. M. de Mercoeur partit d’icy le 23, pour retourner en Provence.

L’accommodement de M. de Manicamp ce [se] fit en sorte qu’on luy accorda, pour recompense de son gouvernement de La Fare, celuy de Chaugny [Chauny] sur Oyse, un peu au dessoubz de celuy là, et 50 mille escus, qu’il receut comptant, jusques au dernier denier; apres quoy, il sortit de La Fere par une porte pendant que le Roy y entroit par l’autre, et feut prendre possession de Chauny. Sa M. estant dans La Fere, y mit pour commandant un gentilhomme de M. le Cardinal, nommé Ciron, qui est Provençal. Aussytost que le Roy y feut arrivé, il y eut grand different entre les ducs et mareschaux de /242v/ France qui sont à la suitte de Sa M., sur ce que ceux cy ayant obtenu d’elle qu’ilz seroint logés à sa suitte, preferablement aux premiers, suivant le reglement qui feut fait là dessus au dernier voyage que le Roy fit à Poictiers, à cause que Sa M. estoit censée en corps d’armée. Le duc de Roquelaure eut une autre querelle sur ce subject avec le mareschal d’Albret, mais on les empescha de se battre; et le duc d’Arpajou s’est retiré de la Cour, mescontent de cela.

Le 23, le Roy partit de La Fere, et feut coucher à Marle; d’où il alla hier, avec M. le Cardinal, veoir son armée, qui est campée à 2 lieues par dela, en un lieu nommé Henry [Houry? Hary?], proche Vervins. Sa M. doit coucher ce soir à Laon, demain à Soissons, dimanche à Nanteul, et lundy à Paris.

L’armée de M. le Prince, et celle du comte de Fuelsendagne, sont comme jointes ensemble, estant campées dans des lieux fortz proches, dont les principaux sont Herisson [Hirson?] et l’abbaye de Marolles [Maroilles?]. On ne sçait pas encor leur desseing, mais on a eu advis de Lisle, en Flandres, du 9, qu’on envoyoit de là 600 prisonniers au comte de Fuelsendagne, qui les avoit demandés à cette ville là, et que c’estoit pour entrer en France le plus avant qu’ilz pourroint. Ilz attendent 900 Irlandois, qui estoint arrivés pour les servir sur le fort de Madrich [Mardyck].

/244/ De Paris le 29 julliet 1653

Le bruit est fort grand que M. le Cardinal a traitté du gouvernement de Picardie avec M. d’Elbeuf, auquel il fait donner, en eschange, celuy de Bourgoigne, et fait rendre celuy de Guyenne à M. d’Espernon; mais l’affaire n’est pas encor faitte.

Un gentilhomme, arrivé icy avant hier, apres midy, venant de Guyenne pour demander quelque charge qui a vacqué dans l’armée de M. de Candale, duquel il a porté une lettre pour la Reyne, et une autre pour M. de la Vrilliere, a rapporté que les notables bourgeois de Bourdeaux, s’estant rendus les maistres dans leur ville et arboré l’estandar blanc, avoint envoyé 2 deputtés à MM. les generaux de l’armée du Roy, pour demander la paix; et cepandant, qu’on travailleroit au traitté, l’on donneroit des farines pour la ville, et qu’on esloigneroit les armées; que ces 2 deputtés estoint M. Salomon, qui estoit icy advocat general du Grand Conseil, et l’Advocat General de la Cour des aydes de Guyenne; que M. le prince de Conty, Mme la Princesse, Mme de Longueville, et le petit duc d’Anguien estoint logés dans l’Hostel de Ville; et que MM. de Marchin et Baltazard s’estoint evadés de Bourdeaux, sans qu’on sceut quel chemin ilz avoint pris, et qu’on disoit seulement qu’ilz estoint allés se jetter dans quelque chaloupe, vers La Teste de Busch, pour aller trouver M. le Prince. Ce courrier est allé trouver le Roy et M. le Cardinal, pour leur porter cette nouvelle, et demander la charge qu’il pretend. Le sieur de Monteson arriva hier au matin, envoyé par M. de Vendosme, et apporta les articles que les Bourdelois luy avoint fait presenter, pour sçavoir ce que le Conseil voudroit qu’il leur accordat; et quelques advis plus particuliers portent que le marquis Ste Croix, qui commande l’armée navale d’Espagne, avoit mandé à M. le prince de Conty que, n’ayant plus de retraitte en Guyenne, il ne pouvoit pas s’engager à faire entrer son armée jusques à Bourdeaux, si l’on n’y vouloit recevoir garnison espagnolle, et qu’il falloit qu’il y disposat les habitans; ce que [ce] prince n’a osé proposer, à cause que les bons bourgeois n’y estoint en aucune façon disposés, et que l’Ormée estant detruitte, il n’y avoit plus de moyen de faire prendre cette resolution. On parle desja d’envoyer M. le prince de Conty à Rome, et Mme de Longueville à Neufchastel en Suisse, et de faire venir en Cour Mme la Princesse et le petit duc d’Anguien.

L’on donne l’evesché de Laon à l’abbé d’Estrées, et le brevet en feut mis, il y a 10 ou 12 jours, en despost entre les mains de M. de Seneterre le pere, pour obliger par ce moyen le mareschal d’Estrées à faire consentir M. de Manicamp à l’accommodement qui a esté fait pour le gouvernement de La Fere. Ce dernier n’a pas encor celuy de Chauny, parce qu’il en on [sic] attend auparavant recompenser M. de Monbason, mais on le luy a promis, et ce mareschal luy en est caution.

/244v/ Le Roy, accompagné de M. le Cardinal et des mareschaux de Grammont, Villeroy, et Aumont, et autres, arriva le 24, à cheval, en son armée, qui estoit campée à St Algy [Saint-Algis], proche La Capelle. Sa M. feut disner, en arrivant, ches le mareschal de Turenne; et apres le disner, feut veoir ses [ces] 2 armées, qui estoint en bataille. Il commencea par celle de M. de Turenne, laquelle le salua de 2 descharges, tant du canon que de la mousqueterie. Ensuitte, Sa M. feut veoir celle du mareschal de Seneterre, laquelle le salua de 3 descharges. Apres cette reveue, ayant trouvé que les 2 armées ce [se] montoint à 18 mille hommes, feut souper ches M. de Seneterre, et retourna coucher ches M. de Turenne. Elle en partit le lendemain, pour s’en revenir à Paris; mais du despuis, elle est retournée en son armée, ayant sceu que M. le Prince et les Espagnolz estoint allés camper vers Le Catelet. Elle ne doit arriver icy que jeudy prochain.

M. l’archevesque de Paris est malade à l’extremitté d’une retention d’urine, en son abbaye de Pontoise.

L’archevesque d’Ambrun est encor à Blois, et attend le retour du courrier qu’il a envoyé à la Cour, par lequel il a mandé la disposition dans laquelle il avoit trouvé S.A.R., touchant son accommodement, qui semble encor fort esloigné. On mande, de là, que ce prelat luy a offert, de la part du Roy, de restablir 8 [sic] exilés au Parlement: sçavoir, MM. le president de Thou, Martinau, et Genou. M. Goulas arriva icy jeudy dernier, et s’en alla aussytost en sa maison de Ferrieres en Brie, d’où il revient hier, et repartit en mesme temps, pour retourner à Blois.

Mademoiselle est allé de Tours à Champigny, et de là à Richelieu, d’où elle est partie pour aller à Chavigny, et de là à l’Isle, qui apartient à Mme la comtesse de Frontenac. Elle a fait donner l’exploit au duc de Richelieu, pour rentrer dans sa terre de Champigny. Lors qu’on luy a representé que ce qu’on luy avoit donné en eschange valloit plus que Champigny, elle a respondu qu’elle ne pouvoit souffir la demolition d’ung lieu où estoint enterrés tous ses ancestres de la Maison de Mompensier. Elle a veu, à Tours, le petit Louyson, qu’on dit estre filz naturel de S.A.R. Elle parle de le faire instruire et eslever selon sa condition.

Avant que les 2 courriers qui ont apportés les deux derniers nouvelles de Bourdeaux feussent arrivés icy, l’on avoit envoyé un autre à MM. de Vendosme et Candale, pour leur ordonner de n’offrir plus d’amnistie aux Bourdelois, en cas qu’ilz ne l’eussent desja receus, parce qu’on est asseuré qui [qu’ilz] ne peuvent plus esperer aucung secours.

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