Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/39/  De Paris le 4 juing 1649

Le 29 du passé le comte d'Harcourt partit d'icy pour aller à l'abbaye de son filz à Rouyaumont, d'où il ira au rendévous de l'armée.

Le mesme jour le proces d'entre les ducs de Retz et de Richelieu pour la charge de general des galleres fut jugé par des advocatz du Parlement, à l'arbitrage desquelz ilz l'avoint remis, au dedit de 10 mille livres. Par ce jugement le duc de Retz fut deboutté de touttes les pretensions, tant sur la charge de general des galleres que sur le marquisat de Porteros, qui est annexé à la charge.

Le mesme jour le duc de Bouillon revient icy de Compiegne, où le contrat d'eschange n'a peu estre fait parce que c'est un affaire de tropt longue haleine; et quoy que ceste souverainette ne vaille que 100 mille livres de rente, neamoings parce qu'on luy aschepte au denier 60, et qu'on luy paye les munitions qu'il y avoit avec le nonjouyssance de ceste année, on luy doibt bailler pour tout cela 250 mille livres de rente en fondz de terre, qu'il prendra au denier 40, pourveu qu'elles soint au dessus de baronnies, et au denier 25 celles qui seront au dessoubz. Il y a des oppositions pour touttes les terres qu'on avoit destiné de luy donner de la part de ceux qui en jouyssent, lesquelz demandent d'en estre indennisés auparavant. L'opposition de Mademoiselle n'est que pour Sedan, sur lequel la maison de Mompensier (dont elle est heritiere) a des grandes pretentions à cause d'ung droict de substitution que le duc de Mompensier y avoit, dont le Roy luy demeurera garand. Elle n'a aucune terre qui releve du duché et comté d'Auvergne, car le duché de Mompensier n'en a point relevé despuis qu'il feut erigé en duché; mais la noblesse de ce pays là a envoyé des depputtés à la Cour pour s'y opposer, comme vous aves sceu. Le duc de Chaunes ne peut se resoudre d'en cedder le gouvernement au duc d'Elboeuf, à qui l'on l'a promis, et non au mareschal de Turenne, pour celuy de Picardie dont M. le Cardinal traitte. Le comté d'Evreux est la melieure piece qu'on faict esperer au duc de Bouillon, parce qu'il vaut 100 mille livres de rente; mais le Roy ne sçauroit indenniser ceux qui pretendent les terres qu'on luy doit bailler, qu'il ne luy couste pres de 8 millions.

Les depputtés des Suisses, n'ayant pas eu de response à la Cour, apres l'avoir attendue trois jours suivant leur commission reviendrent icy le mesme jour et tiendrent conseil avec ceux qui les avoint envoyés, où il fut resoulu d'envoyer ordre, comme ilz firent, à tous les Suisses qui sont dans les garnison[s] de mettre les armes bas à peyne de confiscation de tous leur[s] biens qu'ilz ont en Suisse.

/39v/ Le 30 on eut advis de Compiegne que le duc de Vandosme y avoit rapporté le contrat de mariage de son filz avec la niepce de M. le Cardinal, signé de Mme de Vandosme et non [du] duc de Beaufort, qui certainement n'a jamais voulu consentir, mais comme le consentement de celuy cy n'est pas necessaire pour la validité du mariage, on ne laissera pas de le consommer; que cependant les prouvisions de la charge de grand admiral, qui est donnée au duc de Vandosme, estoit entre les mains de M. le duc d'Orleans, qui ne les luy donnera qu'apres la consommation du mariage; et qu'on parloit encor à la Cour de donner une charge de premier gentilhomme de la chambre du roy au petit Manciny, frere de [la] niepce que le duc de Mercoeur doibt espouser. Quelques lettres venues le mesme jour portoint que M. le duc d'Orleans, y estant arrivé, proposa dans le Conseil de ramener le Roy à Paris, comme il avoit fait esperer en partant d'icy; et que M. le Prince feut de son avis que c'estoit le seul moyen de restablir le commerce et pacifier les brouilleries qui sont dans les prouvinces; mais M. le Cardinal, qui ne se treuve pas encor icy en seurté, ayant esté d'avis contraire, appuyé de celuy de la Reyne, et ainsy la proposition demeura inutille. Si cela est, je m'en rapporte; mais c'est le bruit de Paris qui adjouste que les emissaires de M. le Cardinal avoint expres apposté icy plusieurs personnes la semaine passée pour arrester les munitions qu'on prit dans l'Arcenal pour envoyer en Picardie, lesquelz on fit mener sur des charrettes par les rues jusques au devant du Louvre, et que le bruit qu'on fit pour les arrester n'a pas peut [peu] servy à S.E. pour empescher le retour du Roy.

Le mesme jour on sceut icy qu'on avoit changé le nom de cavalerie du duc de Beaufort, lequel fut retenu pour le service du Roy lors que l'armée parisienne fut licentiée et qu'on le nommoit à present "le regiment de Mercoeur," ce qui a obligé quelques officiers de le quitter.

Le mesme jour au soir passa icy un courrier envoyé à la Cour par M. de St Simon, gouverneur de Blaye, pour y apporter la nouvelle que le 26 du passé le duc [d'Espernon] ayant amassé jusques au nombre de 1500 hommes, avoit attaqué les Bourdelois devant Libourne, où le marquis de Chambret, general de ceux cy, ayant esté tué dès la premiere attaque, ce duc en avoit defait plus de 3000, dont la pluspart s'estoint noyés ayant voulu se sauver à la nage /40/ dans la riviere de Dordogne et de l'Isle. L'on dit que ceste nouvelle a obligé M. le Chancellier de mander aussytost à M. de Comminges, lieutenant des gardes de la reyne, qui estoit prest à partir d'icy pour aller porter les ordres du Roy pour faire raser la citadelle de Libourne, de ne partir point jusques à nouveau ordre de la Cour. Ceste defaitte fut confiermée par l'ordinaire de Bourdeaux, arrivé icy le 31, dont les lettres du 27 portoint à peu pres la mesme chose, mais d'une autre façon, asseurant que le marquis de Chambret y avoit esté tué par un sien garde, qui avoit esté au duc d'Espernon et qui soubz pretexte de mescontentement s'estoit mis du party des Bourdelois; qu'apres la mort de ce marquis, le desordre s'estant mis dans l'armée, il y eut environ 300 tués ou noyés, tant d'une part que d'autre, et 2 vaisseaux pris par M. d'Espernon avec 3 pieces de canon; mais que ceste nouvelle ayant esté sceue à Bourdeaux, le marquis de Donneval accourut aussytost avec le nepveu du marquis de Chambret et quelques autres gentilhommes, qui ralierent promptement les troupes et tournerent à Libourne pour y continuer le siege, bien que le duc d'Espernon y eut desja fait entrer tout ce qu'il avoit voulu d'hommes, de munitions de guerre et de bouche. Le comte de Cornusson, envoyé à la Cour par ce duc, et party de Libourne le 28, passa icy le soir du premier du courant et raconta ceste action encor d'une autre façon. Il dit que ce duc s'estant avancé vers Libourne avec 3 cent chevaux et 600 fantassins en attendant le regiment de Guyenne et de la marine pour tascher d'y jetter du secours, les Bourdelois ayant sceu son approche luy allerent au devant; mais qu'ilz y feurent repoussés si rudement qu'il en deffit plus de 3 cent, dont la pluspart ayant voulu se sauver à la nage feurent noyés, entre lesquelz il y a 2 ou 3 conseillers; que le marquis de Chambret y feut tué avec quantité d'autres; qu'il y eut plusieurs prisonniers fait par ce duc, qui se trouva souvant dans la meslée sans avoir esté blessé, et prit 3 vaisseaux avec 3 pieces de canon et tout le bagage; et que le combat avoit esté si opinaistré que, nonobstant la mort du marquis de Chambret, les Bourdelois ne s'estoint point estonnés, s'estant ralliés par trois fois et ayant mesmes fait durer le combat 2 jours entiers. Despuis l'on a fait icy courir divers bruitz dont on ne peut rien dire d'asseuré jusques au prochain ordinaire.

Le 31 on eut advis de Compiegne que M. de Choisy, chancellier de M. le duc d'Orleans, /40v/ estoit arrivé, revenant de l'armée d'Erlach, où il avoit obligé les officiers et soldatz à quitter touttes les pretentions de ce qui leur estoit deubt pour 2 millions de livres au lieu de 6 qu'ilz en pretendoint, dont ilz ont receu 400 mille livres qu'on leur a envoyé d'icy la semaine passé et asseurance du reste. On a esvalué le pillage qu'ilz on fait en Champagne à 4 millions dont on leur a fait tenir compte. Ilz sont maintenant entre Guize et St Quentin et doivent bientost entrer dans le pays ennemy.

Le premier du courant le duc de Mercoeur partit d'icy pour s'en retourner à la Cour, où il feut accompagné par le mareschal de la Motte, qui en revient le 2 au soir asses satisfait. On luy a promis 200 mille livres pour ce qui luy est deubt.

Le mesme jour à 8 heures du soir on arresta icy prisonnier un advocat du Conseil nommé Bautru, qu'on a accusé d'estre autheur de plusieurs libelles, entre autres de celuy cy qu'on intitule "Discours sur la depputation du Parlement à Monsieur le Prince." On luy fait le proces au Chastelet, mais le Parlement, qui en veut cognoistre, a ordonné qu'aujourd'huy les informations luy seroint apportées.
Le 2 on eut advis de Provence que le different d'entre le comte d'Alais et le Parlement d'Aix avoit obligé les ville de la province qui tiennent pour le Parlement à prendre les armes.

Le mesme jour l'abbé Mundin achepta icy les estoffes pour habiller la niepce de M. le Cardinal que le duc de Mercoeur doibt espouser.

Le mesme jour on eut advis de Compiegne que l'on attendoit le nepveu et les niepces de S.E. à Mouchy [Monchy], qui est une maison du gouverneur de Compiegne. La Cour avoit resoulu d'aller veoir passer les trouppes d'Erlach à Amyens, où le mariage se doibt consommer, et que le duc de Mercoeur partira bientost apres pour s'en aller en Catalougne.

Hyer le duc de Beaufort assista à la procession du St Sacrement, où il portoit le daiz du costé droit et le prince de Marsillac du gauche, ce qui fit beaucoup grossir le nombre des assistantz. L'on avoit attaché à des cierges dans le coeur de l'esglise St Eustache les armes de M. le Cardinal parmy celles du Roy et de la Reyne mais le peuple ne les y voulut pas souffrir et il falut que les prestres les ostassent pour empescher qu'on ne les deschirast.

/41/ Les Suisses avoint hyer resolus d'envoyer demander à la Cour des cautions pour ce qui leur est deubt et des passeportz pour se retirer en leur pays, mais le mareschal de Scomberg, qui les avoit fait attendre toutte la semaine, les priat d'attendre encor jusques aujourd'huy 9 heures du matin, ce qui [qu'ilz] luy accorderent; et ce matin on leur a dit que la part de la Reyne qu'on leur bailleroit 500 mille livres sur ce qui leur est deubt, dont il y auroit 150 mille livres de comptant et le reste en bonnes assignations. Ilz sont mescontentz du colonel Molondin pour avoir donné trop de cognoissance à la Cour de leurs affaires.

Ces jours passés M. [Le] Tellier, maistre des requestes, ayant traitté avec M. Le Charron de sa commission d'intendant des finances au prix de 100 mille escus, fut à Compiegne pour se faire agreer et en parla à M. le Cardinal, qui luy promit d'en parler à la Reyne, et le lendemain luy dit que Sa M. ne pouvoit pas se defaire de M. Le Charron parce qu'il servoit fort bien; mais que pour l'obliger, on luy donner[oit] une nouvelle commission d'intendant des finances pour le prix qu'il en vouloit donner à M. Le Charron; surquoy M. le Tellier prit du temps pour y penser, et despuis on a trouvé à propos, dans la necessité des affaires, de creer deux nouveaux intendantz des finances, dont M. Bordier, secretaire du Conseil, en est un, et M. Froulé, maistre des requestes, l'autre, moyenant 100 mille escus qu'ilz donnent chacung pour leur commission.

Les lettres du Dunquerche du premier du courant portent que les ennemis n'ont faict encor aucune entreprise et que le comte de Palluau, garde le costé de la mer avec 500 fantassin[s] et 800 chevaux, qui souffrent beaucoup faute de pain et d'argent.

Celles d'Amyens: que les trouppes qui estoint aux environs marchent au rendévouz et que le Cardinal traittoit du gouvernement d'Amyens moyenant 200 mille livres qu'il offroit au Vidame; et on adjouste qu'on offroit à Mme [sic] d'Hoquincour 100 mille escus et le gouvernement de Peronne.
M. le Prince arriva ce soir en ceste ville.

Ledit jour 4, les Suisses se sont restraintz à recevoir 500 mille escus de 3 millions de livres qui leur sont deubz, à condition de leur en payer comptant 150 mille livres et le reste dans la fin de ceste année, sans prejudice du surplus et des interestz; surquoy les directeurs des finances ayant receu ordre de les payer, ont mandé aujourd'huy à la Cour qu'il n'y avoit point de fondz pour cela.

/43/  De Paris le xi juing 1649

La prison de l'advocat Bautru, accusé d'avoir fait libelle contre M. le Prince intitulé "Discours sur la deputation du Parlement," a faict asses de bruit pour en remarquer les circonstances. Le 4 du courant il fut jugé au Chastelet suivant la lettre de cachet du Roy envoyé pour cest effect au Lieutenant Civil, et il fut dit qu'il seroit plus amplement informé contre luy et que cepandant il seroit eslargy des prisons à sa caution juratoire, mais le procureur du roy de ceste jurisdiction, qui avoit conclu à la mort, se rendit appellant a minima de ceste sentence au Parlement, où ceste affaire fut jugé le 9. Ledit Bautru, ayant esté interrogé dans le barreau contre l'advis du president de Maisons, qui vouloit que ce fut sur la sellette, et s'estant justiffié de n'avoir composé ny fait imprimer le libelle, la sentence fut confiermée et ordonné qu'à ceste fin il seroit eslargy à sa caution juratoire et celle de sa femme, ce qui fut ainsy executté, et il fut aussytost mis en liberté. M. le Prince avoit declairé 2 jours auparavant qu'il ne pretendoit rien contre ledit Bautru.

Le 5 le Parlement s'assembla pour recevoir un nouveau conseiller, qui est le neveu du president de Novion. M. le prince de Conty et M. de Beaufort s'y trouvarent.

Le mesme jour à 4 heures du matin quelques esveillés volerent l'argenterie et les ornementz de l'esglise St Sauver de ceste ville, mais il y en eut 5 ou 6 de pris, ausquelz on fait le proces.
Ledit jour on apprit icy que les niepces de M. le Cardinal estoint arrivées à Compiegne.

Le 6 on eut advis de Compiegne que la resolution que la Cour avoit faicte d'aller à Amyens estoit changée, et que M. le duc d'Orleans et M. le Cardinal devoint aller seulement pour veoir en quel estat est l'armée; et qu'on y parloit de faire dans ceste semaine le mariage du duc de Mercoeur, mais il y a encor quelques difficultés inconnues qui l'arreste si bien qu'on n'en a point parlé du despuis, à quoy l'on adjouste que les trouppes d'Erlach s'estoint avancées vers Cambray, à la reserve de 5 à 600 chevaux, qui estoint encor à 7 ou 8 lieues de Compiegne.

Le 7 on eut advis d'Amyens que le regiment de Navarre et les autres trouppes qu'on a fait aller au rendévous general, faisoint des grandz desordres autour d'Amyens, et que M. de Villequier n'avoit pas peut les obliger à passer la /43v/ Somme, à cause q'il n'y avoit pas de quoy les faire subsister au delà de ceste riviere, où l'on ne trouve rien, tout y estant ruyné et les Polonnois et autres y ayant demeurés 5 jours sans pain, les munitionnaires n'ayant point d'argent pour leur on fournir, ce qui auroit obligé un regiment d'Irlandois qui avoit son quartier aupres de Abbeville de quitter le service et se donner aux Espagnolz, qui les receurent dans St Omer.

Le 8 M. le Prince partit d'icy pour aller coucher à Grosbois et poursuivre son chemin le lendemain en Bourgogne, où l'on dit qu'il demeurera 2 mois et apres s'en ira en Berry. On asseure qu'il luy est deubt par le Roy plus de 12 millions de livres, et quelq'uns veulent que ceste somme luy soit assigné sur les premiers deniers qui prouviendront de la Bourgoigne. Lors qu'il prit congé à Compiegne pour s'en venir icy, la Reyne le pria de luy prester 50 mille escus, lesquelz il promit de luy envoyer d'icy, comme il a fait; mais avant que partir il dit à M. Le Teillier qu'il s'estonnoit fort de ce que la Reyne luy emprontoit cette somme, puis qu'elle sçavoit bien qu'il n'estoit pas payé d'aucune chose de ce qui luy est deubt et qu'il s'estoit grandement incommodé despuis ces desordres, que neatmoings il luy presteroit ceste somme, parce qu'il sçait bien qu'elle en avoit besoing, mais que si Sa M. luy empruntoit à l'advenir, il la prioit de s'adresser à ceux qui se sont enrichis du bien public, plustost qu'à luy. Les officiers de la bouche du roy, qui dependent de ce prince à cause de sa charge de grand maistre de France, luy declarerent avant son depart qu'ilz alloint tout quitter si on ne les payoit et qu'ilz ne pouvoint plus fournir à la despense de Sa M. mais il les pria de patienter encor quelques jours et leur promit de leur envoyer 1000 escus aussytost qu'il seroit à Paris pour passer la semaine. S.A. estant arrivée en ceste ville le 4, comme vous aves sceu, leur envoya aussytost ceste somme, qui doit durer jusques à lundy prochain, auquel jour lesdits officiers menacent de quitter si on ne les paye, et en mesme temps donna ordre pour emprunter 50 mille escus qu'il avoit promis à la Reyne, lesquelz il a treuvé nonobstant les grandes difficultés qu'on fait de prester de l'argent dans les conjonctures presentes, et les a envoyés. L'on a remarqué que S.A. a eu des longues conferences avec le Coadjuteur de Paris, et le /44/ president Charton, et quelques autres Frondeurs du Parlement, ce qui a fait croire à plusieurs que S.A. estoit mal satisfaitte de la Cour, bien qu'elle n'aye fait paroistre aucune marque dont on le puisse conjecturer. L'on a crée en tiltre d'office 16 maistres d'hostel du roy et 36 gentilhommes servantz dont les charges seront vendues.

Le mesme jour on eut advis de Compiegne que l'abbé de la Riviere y attendoit son chapeau de cardinal de jour à autre, fondé sur l'esperance que M. le Cardinal luy avoit donné qu'on alloit tenir le consistoire à Rome à l'heure que le dernier courrier en est party: mais le chapeau n'est pas encor arrivé et il y a suject de mettre ceste nouvelle en doubte, puis que tous les advis de Rome du dernier ordinaire portent que le Pape ne veut point faire de promotion tant qu'il pourra la differer, ny mesmes declarer quand il la fera, et il y a bien peu d'aparence qu'on aye despesché un courrier extraordinaire pour donner advis qu'on alloit tenir le concistoire sans le faire attendre qu'il y fut tenu, puis qu'il ne dure d'ordinaire que 2 ou 3 heures.

Le 9 le prince de Tarante, qui estoit arrivé icy 3 jours auparavant revenant d'Allemagne, s'en alla veoir la Cour à Compiegne. La Princesse sa femme l'est allée attendre en Poictou.

Le mesme jour le mareschal de Turenne se en [s'en] alla aussy à la Cour, où il est encor. Il doibt partir la semaine prochaine pour aller trouver M. le Prince en Bourgoigne.

Les lettres de Barcellonne du 26 du mois passé, arrivée[s] icy le 9, portent que le baron de Marchin, qu'on a fait mort icy ses [ces] jours passés, estoit entierement guery et qu'il se disposoit à partir pour aller faire avancer les trouppes vers la frontiere d'Arragon et de Valence.

De Thoulouze l'on confiermoit qu'il y avoit eu un arrest du Parlement portant deffenses aux depputtés des Estatz de Languedoch, qui se tiennent à Montpelier, de ne rien imposer sur la province en consequence de le edit de Beziers, et qu'elle jouyroit de ses antiens privileges.

De Province l'on mandoit que les affaires s'y aygrissoint de plus en plus entre le Parlement d'Aix et le comte d'Alais, le premier ayant cassé quelques ordonnances de celuy cy touchant les estappes, logementz de gens de /44v/ guerre, et la levée des tailles, outre leur premier different touchant le lieu de la tenue des Estatz, que ce comte avoit convoqués à Brignole contre l'arrest du Parlement, qui a ordonné qu'ilz seroint assemblés à Aix; q'une bonne partie de la noblesse estoit du party de ce comte, avec les villes de Thoulon, et Tarrascon, et Brignolles; mais que le menu peuple et les autres villes armoint en faveur du Parlement et que la ville de Marseille demeurer[oit] neutre. M. d'Estampes, conseiller d'estat, doibt partir d'icy la semaine prochaine par ordre de la Cour pour aller paciffier les desordres de ceste province là.

De Bretaigne on escrivoit du 6 que les Estatz de la province s'y devoint tenir le 8 à Vannes, où le duc de la Trimouille devoit presider pour la noblesse; et que le mareschal de la Melleraye estoit party de Nantes pour s'y trouver.

De Bourdeaux on eut advis que la ville, par l'entremise de l'Archevesque, avoit envoyé des depputtés au duc d'Espernon pour luy demander la paix contre le gré du Parlement, ce qui a esté confiermé aujourd'huy par le sieur de St Quentin; que le duc a envoyé à la Cour pour porter la nouvelle; qu'en suitte de cette depputation la paix y avoit esté faite et que ce duc estoit retourné dans Bourdeaux, où estant arrivé quelques Frondeurs du Parlement avoint voulu incitter de nouveau le peuple contre luy, mais inutilement.

Le mesme jour la Cour des aydes de Paris veriffia une nouvelle declaration du Roy portant revocation du nouveau droict de 20 sols sur chasque muid de vin, eu esgard aux remonstrances par escript que cette compagnie fit dernierement qu'elle ne pouvoit pas le veriffier dans les conjonctures presentes, et ordonna que tous les autres droitz seroint levés et perceus, comme auparavant.

L'on fait tout ce qui se peut pour contenter les Suysses. Ilz devoint hier recevoir 200 mille livres sur les aydes, et l'on leur doibt donner des assignations pour 300 mille livres payables dans peu de jours; cepandant on a eut advis que ceux qui sont dans Donquerche, voyant que M. d'Estrades, qui en est gouverneur, se deffioit d'eux et qu'il les vouloit mettre dehors, se sont mocqués de luy et sont les maistres dans cette place, où ilz font le nombre de 2500; mais hyer on leur envoya 12 mille escus pour les appaiser.

/45/ Hyer on escrivoit de Compiegne que l'on y parloit du retour de la Cour à Ruel ou à St Germain, mais on voyoit encor peu de disposition, que M. le duc d'Orleans et M. le Cardinal ne partiroint que dans 8 jours pour Amyens, où ilz seront accompagnés par le duc de Vendosme. L'on croit que ce voyage se faict non seulement pour y veoir passer les trouppes, mais encor pour achever le traitté du gouvernement particulier d'Amyens avec le Vidame, qui ne se peut resoudre à s'en defaire, bien qu'on luy offre 250 mille livres non plus que M. d'Hocquincourt de Peronne, à qui l'on offre 300 mille livres; et pour veoir de quelle façon le peuple receuvra S.E., contre laquelle il tesmoigne grande aversion; et que les trouppes d'Erlach avoint faict 3 ou 4 pons sur la riviere d'Oyse pour repasser en deça, ce qui avoit obligé la noblesse de Champagne d'envoyer des depputtés à la Cour pour declairer qu'elle seroit contrainte de faire main basse sur les gens de guerre pour arrester leurs violences, si l'on n'y mettoit ordre.

L'ordinaire d'Holande arrivé avant hyer a apporté des lettres de change pour faire mettre 200 mille livres entre les mains de M. le Cardinal, qui les a receu.

Le duc de Beaufort a fait son accommodement. Il s'en va à Compiegne la semaine prochaine.
Le comte d'Harcourt est encor à Compiegne, faute d'argent, tant pour luy que pour l'armée; les ennemis n'ont encor rien entrepris et n'ont gueres moings de disette d'argent que nous.

/46/  De Paris le 18 juing 1649

On asseure que deux depputtés de la noblesse de Naples, arrivés icy ces jours passés incognito, furent veoir M. le Prince avant son despart pour aller en Bourgoigne et luy offrirent la coronne de Naples. Il les remertia bien fort et leur respondit que dans la posture où les affaires de France estoint à present, il ne pouvoit pas accepter cest offre parce qu'on n'estoit pas en estat de leur fournir un puissant secours, mais que si elles se remmettoint bientost, comme il l'esperoit, il seroit bien ayse de faire tous ses effortz pour les servir, non pas tant pour l'interest d'avoir une coronne que pour recognoistre la faveur qu'ilz luy faisoint d'avoir jetter les yeux sur sa personne pour en faire eslection.

Le 10 du courant on resoulu au Conseil d'en haut le voyage de toutte la Cour à Amyens, et l'on fit en mesme temps partir les mareschaux des logis.

Le 12 ont [on] eut advis de Compiegne que MM. Bordier, secretaire du Conseil, et Tellier, maistre des requestes, avoint traitté des deux commissions d'intendant des finances de nouvelle creation, dont ilz donnerent 250 mille livres chacung. Despuis on en a cré[é] deux autres: sçavoir, MM. Bourdeaux, secretaire du Conseil, et Foulé, maistre des requestes, qui donnent encor chacung 250 mille livres. On parle de creer outre cela deux controlleurs generaux des finances et deux secretaires d'Estat, ausquelz l'on donnera le departement qu'ont en France MM. de Brienne et Le Tellier, qui ne se mesleront que l'ung des affaires des estrangers et l'autre de celles de la guerre purement et simplement.

Le 13 les depputtés de la noblesse d'Auvergne, qui sont venus pour s'opposer au traitté qu'on faict avec le duc de Bouillon, arriverent à Compiegne.

Le 14 les ducs de Mercoeur et de Vandosme arriverent icy, où le premier est indisposé. Le bruit de ville veut qu'ilz soint venus pour vuider avec Mme de Vendosme quelques difficultés qui restent pour le mariage du duc de Mercoeur, M. le Cardinal voulant qu'elle s'obligé pour les 100 mille escus d'argent comptant qu'il donne à sa niepce par le contrat, afin que ceste somme luy revienne en cas que son mary vient à mourir sans enfans; à quoy l'on dit que Mme de Vendosme ne peut se resoudre, disant que cela feroit tort à ses autres enfans. Mais le vray suject qui retarde ce mariage est que M. le duc d'Orleans n'y veut pas consentir ny donner les prouvisions de l'admirauté qu'il a en ses /46v/ mains, jusques à ce que le chapeau de cardinal de M. l'abbé de la Riviere soit venue, parce que celuy cy aprehende de ne l'avoir point apres que M. le Cardinal se seroit fortiffié par l'alliance et agrandissement de la maison de Vendosme; de sorte qu'il y a grande aparence que le mariage sera encor longtemps differé parce que le Pape n'est pas encor disposé à faire la promotion, suivant le dernier advis de Rome; et l'on a mandé de Compiegne que cest abbé est fort irritté contre S.E., qui luy fit esperer le chapeau toutte la semaine passée et l'appeloit mesmes par avance son "confrere." Le bruit a couru à Compiegne que M. le Cardinal devoit faire venir de Rome Mme Mancini, mere de celle que M. le duc de Mercoeur doibt espouser, et luy faire donner la charge de dame d'attour de la Reyne, dont on recompensera Mme de la Flotte; et que cepandant S.E. parloit de se demettre de sa charge de surintendant de la maison de la Reyne en faveur de Mme de Vendosme, afin de l'obliger par ce moyen à gouster le mariage. Cela ne sera pas nouveau q'une femme aye ceste charge, puisque feu Mme de Montmorency l'a eue autrefois, et Mme de Chevreuse aussy. Le duc de Beaufort soubstient toujours qu'il n'a faict aucung accommodement avec M. le Cardinal et ne parle point d'aller à la Cour.

Le 15 on eut advis de Bourdeaux que le duc d'Espernon, apres avoir esté bien receu du peuple, qu'il a desuny avec le Parlement, s'en est retourné en sa maison de Cadillac; q'ung conseiller l'ayant esté visitter n'avoit peu entrer le lendemain dans le Parlement, ses confreres luy ayant fermé les portes; et qu'on continuoit la construction de la citadelle de Libourne sans que le peuple en murmurat. La Reyne, considerant les services que ce duc a rendu à l'Estat en appaisant les desordres en Guyenne, a donné la survivance de sa charge de colonnel general de l'infanterie françoise au duc de Candale, son filz, qui en a presté le serment entre les mains du Roy afin de l'exercer à la Cour en l'abscence de son pere.

Le mesme jour on eut advis de Provence que les rumeurs y continuoint. Un particulier qui avoit achepté une charge de conseiller du semestre du Parlement d'Aix, qui a esté revoqué, ayant tué le lieutenant general de la ville de Draguignan pour un different qu'ilz avoint ensemble, le Parlement a / (13) depputté des commissaires pour aller informer de ce meu[r]tre sur les lieux; et parce que celuy qui l'a commis est protegé du comte d'Alais, il a esté ordonné que les communes s'assembleroint pour assister ces commissaires; de sorte que par ce moyen estant arrivés à Draguignan, ilz se sont trouvés fort de 1600 hommes, ce qui a obligé le comte d'Alais, qui est à Marseille, d'y envoyer des trouppes, pretendant que le Parlement a des desseings dangereux qu'il veut executter sur ce pretexte. On adjouste à cela qu'il y a quantité de vaisseaux espagnolz sur la coste de Provence qui veulent achepter du bled, ce qui a faict croire que le Parlement d'Aix avoit appellé les Espagnolz à son secours.

Le mesme jour le Roy et la Reyne partirent de Compiegne pour Amiens avec les officiers de leur maison. M. le duc d'Orleans et M. le Cardinal demeurent à Compiegne, d'où ilz ne partirent que le lendemain. Les habitans de ce lieu firent grand bruit et crierent fort apres eux à leur despart de ce qu'on n'avoit payé presque personne. On dit que le subject qui a obligé M. le Cardinal à differer son despart d'ung jour apres celuy de Leurs M. est parce que la ville d'Amyens a tesmoigné ne le vouloir point recevoir et qu'elle n'y pourra pas resister, Leurs M. y estant arrivées. Les trouppes qui sont aux environs de cette ville là ont receu ordre d'y demeurer encor 8 jours, et l'on croit que ce n'est que pour faciliter la reception de S.E., qui en a le gouvernement par la demission du Vidame, à qui l'on a donné pour recompense la survivance du gouvernement du Lyonnois, qui appartient à M. le mareschal de Villeroy, son beaupere, avec quelques sommes d'argent, dont on luy donne des assignations.

Quant au gouvernement de Peronne, il est bien vray que M. le Cardinal en a fait offrir 300 mille livres à M. d'Hoquincourt, qui sembloit mesmes le luy vouloir cedder à ce prix là, si c'eut esté en argent comptant; mais comme ce n'est qu'en promesse il s'en est excusé, et l'affaire en est demeuré là; et cepandant en luy a donné le choix ou de se tenir dans Peronne ou de s'en venir à la Cour sans crainte d'y estre tenu pour criminel ny desobeissant.

Le 16 les femmes des rentiers de l'Hostel de Ville de Paris feurent au Palais et y firent grand bruit pour obliger le Parlement à s'assembler, /47v/ pretendant qu'on avoit contrevenu à la declaration de la paix en detournant un fondz de 400 mille livres qui estoit destiné pour le payement de leur rentes; mais elles n'y avancerent rien. Elles feurent hyer continuer leur cris à l'Hostel de Ville, disantz hautement qu'on employoit leur argent à marier des marionne[ttes] venues d'Italie.

Hyer on eut advis que M. le Prince estoit arrivé à Dijon, où il avoit esté bien receu comme dans touttes les autres villes de la Bourgoigne où il a passé. Il doibt bientost partir pour aller tenir les Estatz en Bresse. Le marquis de la Moussaye luy a envoyé un plan de la ville de Stenay, d'où il est gouverneur, pour veoir quelles fortifications S.A. y voudra faire pour la rendre considerable, comme c'est son desseing.

Les depputtés des Suysses firent veoir icy il y a 3 jours au mareschal de Schomberg une lettre du gouverneur de Nieuport du 8 du courant, envoyée aux Suisses de la garnison de Duncherque, par laquelle il leur mandoit qu'il avoit ordre de l'archiduc Leopol de les asseurer que s'ilz vouloint quitter le service de la France, il leur payeroit les 13 montres qui leur sont deues sans les obliger de servir l'Espagnol, et leur bailleroit outre cela la paye de 3 ou 4 mois, qu'ilz pourroint employer à faire le voyage pour s'en retourner vers l'Allemagne avec des passeportz de l'Empereur et du roy d'Espagne, les priant pour cest effect d'envoyer leurs depputtés en quelque lieu qu'ilz voudroint. Outre cette lettre, le comte de Pigneranda en a escrit d'autres de mesme teneur dans touttes les garnisons françoises où il y a des Suisses, lesquelles ayant esté touttes portées à la Cour, le Cardinal a creu qu'elles estoint supposées, bien qu'elles soint veritables. S.E. a escrit aux directeurs des finances des lettres fort pressantes pour les satisfaire, et le mareschal de Schomberg a recut pour eux une assignation de 100 mille livres sur un traitté qui se fait sur la fabrique d'une nouvelle espece de monnoye nommée des liardz, lequel doit estre veriffié à la Cour des monnayes; et il y a des partisans qui en offrent desja 1200 mille livres apres la veriffication.

/48/ Il y a des depputtés de Grenoble arrivés à la Cour qui traittent pour la province de Dauphiné de ce qu'elle doibt au Roy et offre pour cela 2 millions 400 mille livres, ce qu'on croit qu'il sera accepté dans la necessité presente, bien que ce ne soit point la moitié de ce que cette province là doibt.
Les lettres d'Amiens dattée d'hyer portent que Leurs M. y arriverent avant hyer sur les 5 heures du soir et M. le duc d'Orleans 2 ou 3 heures apres avec M. le Cardinal, et que le Vidame n'y a point tesmoigné de mescontentement. S.A.R. et S.E. doivent aller de là jusques à Arras pour faire entrer les trouppes dans les pays ennemy, à cause de la difficulté qu'il y a de les faire avancer, n'estant pas payées.

Les ennemis n'ont encores rien entrepris, et l'on croit qu'ilz gardent leur argent pour attirer nostre armée.

Les Suisses ont enfin accordé de prendre l'affaire de 1200 mille livres cy dessus en payement de ce qui leur est deubt.

/49/  De Paris le 25 juing 1649

Le 17 du courant le Marquis de Gerjey se promenant le soir dans la grande allée des Thuileries avec 10 ou 12 de ses amis et leurs valetz, le duc de Beaufort y survient avec un conseiller du Parlement; et voyant l'allée occupée par cette trouppe sans sçavoir quelles gens s'estoint, destourna dans une autre allée pour s'entretenir avec ce conseiller et peu apres se retira. Sur cela le marquis de Gerjey se venta de luy avoir fait quitter la grande allée et se railla de luy, des generaulx de Paris, des Frondeurs, et des badaus; ce que le duc de Beaufort ayant sceu, resoulu d'abordt de le maltraitter en la premiere compagnie où il le pourroit treuver et non en particulier de crainte qu'il feut asses glorieux pour ne s'en point venter.

Le lendemain au matin ce marquis, estant retourné aux Thuilleries, dit à Renard qu'il luy fit aprester à souper pour une douzaine de ses amis qui y devoint venir avec luy à 2 pistolles par teste, et que si on luy venoit demander qui souperoit ches luy, qu'il respondit que se [ce] seroit une troupe mazarine qui auroit le bal, la comedie, et les violons.

Le duc de Beaufort en estant adverty, s'en alla le soir au Cours de la reyne accompagné des ducz de Retz et de Brissac, et du comte de Fiesque, et de 4 ou 5 autres; où estant, il envoya un lacquais incognu dans les Thuilleries avec ordre de le venir avertir lors que le marquis de Gerjey et les autres qui devoint souper seroint à table. Le lacquais ne manqua point, et aussytost M. de Beaufort sortit du Cours et s'en alla avec sa compagnie sur la terrace du bastion des Thuilleries, où il trouva à table le duc de Candale, les commandeurs de Souvrey et de Jars, les chevaliers de Grandmont et de la Valette, les marquis de St Megrin, de Ruvigny, et de Gerjey, les sieurs du Fretoy, de Bouteville, Guittant, et Bautru, ausquelz il tient d'abord quelques discours asses indifferentz et adjousta qu'on luy avoit dit qu'ilz devoint avoir des violons et qu'il estoit venu pour les leur oster, dont ilz demeurerent tous interditz. En disant cela, il prit la nappe par un bout et ses amis par l'autre et renversa par terre tous les platz qui estoint dessus; sur quoy le duc de Candale et le sieur du Fretoy ayant mitz seulz l'espée à la main, M. de Beaufort, qui n'avoit point d'espée, dit ces motz au premier: "Mon cousin, ce n'est point à vous à qui /49v/ l'on en veut, c'est à 4 coquins," en monstrant les sieurs de Gerjey, Souvré, Jars, et Bautru, "et je suis marry que vous vous soyes trouvé en une si mauvaise compagnie. C'est pourqouy je vous prie de ne prendre point cela pour vous et de remettre l'espée dans le fourreau." Cepandant celle du sieur Fretoy luy feut ostée par ces gens. En mesme temps, le mareschal de la Mothe, qui revenoit du Cours, entendant le bruit y accourut avec 30 ou 40 de ses amis et estant entré, M. de Beaufort le pria d'avoir soing de son cousin de Candale, qui n'avoit pas voulu remettre son espée, et d'empescher qu'il ne blessat personne et qu'on luy fit aucung mal. Aussytost la pluspart des autres se facherent et le sieur Bautru y laissa ses gouttes pour se cacher parmy la foule, qui feut fort grande. En peu de temps le commandeur de Souvray luy ayant voulu dire quelques parolles, le duc de Beaufort le traitta de fripon et luy dit qu'on sçavoit bien qu'il n'avoit jamais rien valu; ce qui obligea ce commander à s'enfuir comme les autres sans rien repartir. Cepandant les gens de ce duc donnerent quantité de coups de platz d'espée sur la teste et sur les espaulles du marquis de Gerjey, apres quoy M. de Beaufort, se retirant, commenda qu'on rendit touttes les espées qui avoint esté prises et envoyat au sieur du Fretoy la sienne par un gentilhomme, auquel celuy cy ayant dit qu'on luy avoit estée avec avantage, ce gentilhomme luy respondit que M. de Beaufort la luy esteroit tousjours partout et que quand le mal de coeur le tiendroit, que de 30 gentilhommes qu'il y avoit en la compagnie de ce duc, il n'y en avoit pas ung qu'il [qui] ne fut prest à luy en faire raison, et qu'il commenceroit luy mesmes la premiere proposition. Du Fretoy se retira là dessus en grondant et prit la poste avec Gerjey pour s'en aller. MM. de Candale, de St Megrin, et le petit Guitault se mirent en campagne pour faire appeller le duc de Beaufort, lequel se retirat pour aller coucher ches le baigneur Preudhome. Il y eut quantité de gentilhommes de ses amis qui, voyant qu'il ne prenoit pas le chemin de l'hostel de Vendosme, creurent qu'il se vouloit derobber pour s'aller battre et arresterent son cocher, ce qui obligea le bourgeois de le rue St Honnoré de sortir promptement en armes, croyant que ces gentilhommes eussent desseing de mailtraitter M. de Beaufort, qui sortit /50/ en mesme temps de son carrosse et empescha que le peuple ne tailla en pieces ces messieurs, asseurant que c'estoint ses amis. Ainsy les bourgeois, s'en estant desabusés, se retirerent apres luy avoir fait mille offres de services, et ces gentilhommes l'accompagnarent ches Prudhome, où il coucha.

Mme de Vendosme et M. de Mercoeur feurent apres cela ches M. le mareschal de Schomberg pour le prier d'empescher qu'il n'y eut point de combat. MM. d'Estrée et de l'Hospital s'y treuverent; et le premier, comme oncle du duc de Beaufort, fut le veoir et apres grandes contestations, n'ayant peu obtenir entierement sa parolle qu'il ne se battroit point, l'obtient seulement jusques au lendemain dix heures du matin, auquel temps M. le prince de Conty le fut visitter et obtient encores sa parolle jusques au 21, pareille heure. Cepandant le 19, dès 4 heures du matin, M. le mareschal de Schomberg envoya son cappitaine des gardes en campagne avec un exempt pour chercher le duc de Candalle et ses compagnons. Le cappitaine aprit à St Cloud qu'ilz y avoint couchés ches La Durier et qu'ilz estoint allés de bon matin vers Ruel et de là retournés à Suresne, et apres les avoir longtemps cherchés trouva ce duc avec le petit Guitaut dans le Bois de Boulougne et les laissa en la garde de l'exempt, qui feut asses advisé pour les quitter et s'en revenir, voyant qu'ilz estoint dans la resolution de se battre malgre luy, si le duc de Beaufort y feut venu; ce qui obligea M. de Schomberg d'y renvoyer son cappitaine des gardes, qui les ayant encor trouvés, ce duc refusa de luy donner sa parolle, et sa raison estoit parce qu'il avoit envoyé icy le marquis de St Megrin pour appeller le duc de Beaufort; mais ce marquis n'ayant peu l'aborder fut obligé de se contenter d'en parler au duc de Brissac et de le prier d'en faire la proposition au duc de Beaufort comme son amis, et de le servir. Le duc de Brissac respondit qu'il se tiendroit pres de M. de Beaufort pour le servir, mais qu'il ne luy en feroit pas la proposition, parce que ce n'estoit pas à luy le faire, de sorte que St Megrin n'y pouvant faire autre chose s'en retourna le 20 au soir. M. de Metz partit en mesme temps pour aller chercher le duc de Candalle, qu'il trouva à Verneuil, où celuy cy donna sa parolle qu'il ne se battroit point, voyant que M. de St Megrin /50v/ n'avoit peu rien avancer icy, et M. de Metz la porta de sa part le lendemain à 4 heures du matin au mareschal de Schomberg, à qui les ducs de Beaufort et de Candalle ont donné leurs parolles jusques à dimanche prochain. L'on a remarqué que le 19 au soir quelques 40 ou 50 chevaux parurent au Cours venant de St Cloud, ce qui fit croire que c'estoit pour morguer le duc de Beaufort et ses amis, qui s'y trouverent le lendemain au nombre de pres de 500 chevaux en intention de venir aux mains sy les autres s'y feussent presentés. Le 20 M. le Chancellier receut une lettre de cachet portant ordre de faire informer de cette action, mais on n'y a pas proceddé, et l'on asseure que cest ordre a esté revoqué. Leurs M. se sont reservés la cognoissance de cest affaire, et l'ont estée aux mareschaux de France et mise entre les mains de M. le duc d'Orleans, qui travaille à l'accommoder. Le duc de Candalle et ses compagnons ont esté mandés à la Cour pour cest effect, et M. le prince de Conty y est allé avant hyer pour ceux du duc de Beaufort. Les ducs de Vendosme et de Mercoeur y allerent aussy le mesme jour. On asseure que le mariage de celuy cy est differé jusques à ce le chapeau de M. l'abbé de la Riviere sera venu de Rome.

Le 22 on eut advis d'Amiens que le Cardinal, voyant que M. d'Hoquincourt ne voulant pas venir à la Cour, luy fit proposer la semaine passée une entreveue en quelques lieux entre Amiens et Peronne, luy offrant le petit Maciny, son nepveu, en ostage afin de luy faire veoir qu'il y alloit de bonne foy. M. d'Hoquincour respondit à cela qu'il ne songeoit pas à demander des ostages sy pretieux et qu'il prioit le Cardinal de luy envoyer pour cest effect le moindre des personnes qu'il ne voudroit pas perdre; ce qui obligea S.E. de luy envoyer M. de Lyonne, lequel estant arrivé à Peronne et ayant conferé avec M. d'Hoquincourt, qui se contenta de sa parolle, envoya un courrier à S.E. pour l'avertir que celuy cy se trouveroit le lendemain au bourg de Villiers, proche Corbie. Le Cardinal se trouva le premier au rendésvous, accompagné seulement de 50 ou 60 personnes; et M. d'Hoquincourt y arriva peu apres avec M. de /51/ Lyonne, accompagné de 150 de ses amis, ce qui estonna S.E., qui croyoit qui [qu'il] n'auroit pas tant de suitte; mais ilz se tinrent loing les ungs des autres et il n'y eut que 4 de chasque costé qui approcherent avec le Cardinal et M. d'Hoquincourt. Losqu'ilz confererent ensemble, le premier fit des grandes caresses à celuy cy et luy dit qu'il avoit recherché son amitié despuis longtemps sans l'avoir peu acquerir; qu'il avoit charge de la Reyne de l'asseurer qu'elle ne pensoit pas de luy faire une moindre recompense pour ces [ses] services que celle du baston de mareschal de France ou de duc et pair, à quoy il promit de contribuer de tout son pouvoir; et quant au gouvernement de Peronne, que s'il n'avoit pas volonté de s'en demettre entre les mains de S. M., qu'elle n'avoit pas aussy desseing de le luy oster. M. d'Hoquincourt dit à cela qu'il preferoit ses interestz propres à ceux de ses amis, qui sont le duc de Beaufort, Mme de Chevreuse, et quelques autres, et supplia le Cardinal de les contenter avant touttes choses, luy promettant de faire apres cela tout ce qu'il voudroit; a quoy S.E. luy repartit qu'il n'avoit tenu qu'à eux de s'accommoder et d'estre satisfaitz, et pria M. d'Hoquincourt d'en estre le mediateur, dont celuy cy estant demeuré d'accord, ilz se separerent. Le Cardinal s'en retourna à Amiens et M. d'Hoquincourt s'en vient icy pour en parler à ses amis et arriva le 21 en ceste ville, d'où il partit le lendemain pour s'en retourner à Peronne, n'ayant peu rien obtenir sur eux, et envoya dire à S.E. par un gentilhomme qu'il ne les avoit peu disposer à aucung accommodement avec elle. Le comte de Charrost et le vidame d'Amiens n'ont point voulu traitter de leur gouvernement, non plus que M. d'Hoquincourt; ainsy la Cour, qui d'allieurs est for[t] incommodée à Amiens, où les vivres et le fourrage sont fort chers, a resoulu de s'en retourner à Compiegne, où elle est attendue lundy prochain.

Le 21 le nonce du Pape et l'ambassadeur de Venise arriverent à Amiens en /51v/ intention de s'aller aboucher sur la frontiere avec l'Archiduc et le comte Pigneranda et y moyener une treve de 3 ans, mais que ceux cy ne la vouloint accorder que pour 3 mois, pandant lesquels ilz veulent que l'on convienne du lieu du traitté de paix qu'ilz veulent commencer tout de nouveau, sans s'arrester à aucune des choses qui ont esté projettées à Munster; et le comte d'Harcourt y arriva le mesme jour et en devoit partir bientost pour commander l'armée de Flandres.

Le 22 on eut advis de Grenoble que le Parlement y avoit donné un arrest portant que les estapes seroint payées à l'advenir sur les premiers deniers prouvenant des tailles, et que Leurs M.. seroint tres humblement suppliés d'en donner une declaration, afin que les receveurs en feussent deschargés.
Le mesme jour on eut nouvelle de Provence que le conte d'Alais ayant faict advancer 4 ou 5 cent chevaux aupres de Brignolles, le conte de Carces avoit assemblé quantité de noblesse avec des trouppes du Parlement d'Aix, qui attaquerent le 15 ceux du premier, en tuerent une vintaine, parmy lesquelz on nomme le chevalier de Monbrun et le baron des Adretz, et obligerent le reste de se retirer dans Brignolles, mais ilz en perdirent presque autant. Ledit Parlement a escript à la Cour qu'il n'avoit fait attaquer les troupes du conte d'Alais que sur la lettre que le Cardinal luy avoit escritte, par laquelle il mandoit qu'il entendoit que ce conte executta punctuellement tout ce qui estoit porté par le traitté, et qu'il n'y eut aucune trouppe qui logeat autour d'Aix ny fissent aucung desordre dans la province.

Par le mesme ordinaire on apprit que les Estatz de Languedoch assemblés à Montpelier envoyoint des depputtés à la Cour pour faire des remonstrances et demander le revocation de le edit de Beziers, que pour fronder contre l'abbé de la Riviere et demander la resitution de 400 mille livres qu'il a receu de cette province, ou qu'on tient conte de cette somme sur celles que les Estatz ce [se] resoudront de fournir au Roy, lesquelz attendront le retour de leurs depputtés avant que passer outre.
/52/ De Bretagne on eut advis que les Estatz y avoint commencé à Vannes le 15 et qu'on y avoit proposé d'accord pour le Roy deux millions 300 mille livres; que le duc de la Trimouille, qui preside pour la noblesse, avoit eu des grandes conferences avec le mareschal de la Mesleray, et qu'ilz sembloint bien unis ensemble; mais que cela n'avoit pas empesché que Mme de la Trimouille, qui estoit avec son mary, n'eut receu une lettre de cachet pour s'en aller trouver la Reyne en diligence, ce qui l'obligea de partir de Vannes le lendemain de son arrivée. On parloit diversement au subject de son despart; les ungs disoint que c'estoit qu'estant tropt frondeuse elle se seroit intriguée dans les affaires des Estatz, les autres que c'estoit pour empescher le mariage de sa fille avec le petit marquis de la Mesleraye, lequel est icy et doibt partir lundy prochain pour aller servir sa charge de grand maistre de l'artillerie en l'armée de Flandres.

M. Chenu, qui estoit resident de France en Suede, est arrivé ces jours passés à la Cour, d'où il doibt partir en peu de jours pour s'en retourner en Suede en qualité d'ambassadeur ordinaire. L'on asseure qu'il assistera au traicté de Lubec.

Les lettres d'Amyens dattées d'hyer portent que le retour de la Cour à Compiegne est differé, que l'armée decampa hyer au matin de Grandcourt, à demy lieue de Bapaume, pour aller faire quelque entreprise sur les ennemis; et que M. de Villequier avoit pour cest effect detaché quatre mille chevaux pour aller investir la place qu'on devoit attaquer; que M. le prince de Conty, les ducs de Vendosme et de Mercoeur y arriverent avant hyer au soir avec le prince de Marsillac; et qu'en mesme temps le conte de Lislebonne y arriva aussy, revenant de Montroeuil, où il n'avoit peu obtenir du prince d'Harcour, son frere, la demission de son gouvernement en faveur du Cardinal.

Le nonce du Pape et l'ambassadeur de Venise envoyerent hyer /52v/ un courrier à Bruxelles pour proposer aux ministres d'Espagne d'envoyer des depputtés en quelque ville sur la frontiere de Picardie ou de Champagne. Un courrier envoyé de Provence par le conte d'Alais arriva hyer au soir icy et porta nouvelles que ce conte avoit defait entierement le regiment du conte de Carces qui estoit fort de 1200 hommes, parmy lesquelz il y a 3 ou 4 des plus notables de la ville d'Aix.

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