Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/424/ De Paris le 2 juing 1651

La semaine passée l'ambassadeur de Catalougne fit ses protestations au Conseil contre le proceddé du Surintendant des Finances, soubtenant qu'il laissoit perdre cette province là, faute de 8000 septiers de bled qui suffiroint pour ce qui [qu'il] leur en faut et ne reviendront qu'à 80 mille livres, à raison de 10 sols le septier, qui est le prix ordinaire de ce qu'il vaut. M. de Marchin ne veut point partir pour y aller, qu'on ne luy aye auparavant payé 100 mille livres qu'on luy promet de jour à autre pour le premier mois de sa campagne.

On a fait passer 14 regimentz en Piedmont, qui font le nombre de 3 à 4000 hommes, outre les troupes du duc de Savoye.

Les autres troupes destinées pour aller en Flandres s'avancent fort peu, à cause que la frontiere estant toutte ruynée, elles attendent qu'il y aye de l'argent pour les y faire subsister, et cepandant continuent leurs desordres ordinaires, desquelz les commissaires du Parlement sont allés informer sur les lieux où elles ont passé.

Le 27 du passé Don Gabriel de Tolede partit d'icy pour Bruxelles apres [avoir fait] veoir au Conseil et aux mediateurs de la paix le plein pouvoir qui [qu'il] porte à l'Archiduc, lesquel est veritablement aussy ample qu'on le peut desirer; mais on continue d'asseurer que les Espagnolz ne veulent point commencer le traitté jusques à ce qu'on aura vuidé les 3 principaux points: sçavoir, celuy de la restitution de Lorraine; celuy de Catalougne, laquelle ilz pretendent nous faire abandonner; et celuy de Portugal, auquel ilz veulent que nous ne puissions donner aucune assistance directement ny indirectement; neamoing Don Gabriel de Tolede n'a point fait cette declaration, n'ayant, à ce qu'il dit, autre commission que celle de faire veoir le plain pouvoir qui [qu'il] porte à l'Archiduc.

Le mesme jour M. de Longueville partit d'icy pour aller en son gouvernement de Normandie, où il avoit envoyé ses enfans dès le jour auparavant, et y vouloir aussy faire aller Mme la Duchesse sa femme, mais elle n'y voulut point aller, et il y eut sur ce subject different entre eux, lequel neamoings feut accommodée avant son despart par l'entremise de M. le Prince.

Il y a 3 semaines que les officiers de la bouche du roy ayant fait grand bruit sur ce qu'ilz n'estoint pas payés de ce qu'ilz ont fourny pour la despense de bouche de la maison de Sa M., M. le Prince, comme grand maistre d'hostel, les pria à continuer à fournir encor quinze jours, leur promettant de les faire payer dans ce temps là, ce qui [qu'ilz] luy accorderent. Ce delay estant expiré, ilz feurent trouver le president de Maisons, auquel ayant parlé fort hautement, il se mocqua d'eux et les menacea; ce qui les obligea d'aller trouver M. le Prince, qui estoit avec ce president au Conseil de direction des finances qui se tenoit /424v/ ches M. le Chancellier; où s'estantz plaintz à Son A. du proceddé de ce president, elle le querella fort et luy dit que s'il ne satisfaisoit, elle trouveroit bien moyen de l'y obliger; sur quoy il feut trouver la Reyne, à laquelle il representa l'impossibilitté dans laquelle il estoit de trouver une si grosse somme, et protesta qu'il ne pouvoit donner presentement que 20 mille livres à ces officiers; laquelle Sa M. ayant mandé, leur commanda de recevoir presentement 20 livres et d'attendre pour le reste; mais ce president ne leur en a envoyé que 10 mille livres. Ilz ne les vouleurent pas recevoir; et despuis, M. le Prince leur ayant encor fait donner 8 jours pour le payement de la somme entiere, ilz les luy ont accordés, avec resolution de laisser renverser la marmitte du Roy si on ne leur donne contentement.

Quelque pourpa[r]ler qu'on aye fait la semaine passée d'accepter les propositions faittes par les partisans Doublet et Montaurron, neamoings on croit que ce n'est que pour les amuser, et qu'elles ne seront point acceptées.

Le 29 M. le duc d'Orleans s'en alla en sa maison à Limours avec Mademoiselle, le chevalier de Guyse, M. de Beaufort, et autres. Avant son despart il congedia l'exempt et les 2 gardes qui gardoint ce dernier, et leur respondit de luy par un escrit qui [qu'il] leur donna de sa main, jusques à ce jourd'huy, qu'il le leur remettra entre les mains à son retour. Le comte de Rieux ne voyant point de moyen de se pouvoir battre avec aucun des enfans de M. de Vendosme, est retourné en Bretagne, et l'affaire de ces 2 Maisons est tousjours en mesme estat, ne pouvant s'accommoder.

Le marquis de Fors, beaufrere du duc de Richelieu, ayant voulu entreprendre d'enlever Mme d'Aigullion pour l'obliger, à pris de force, à consentir au mariage de ce duc avec sa soeur, le marquis de Richelieu appella le premier en duel sur ce suject; mais ce desseing ayant esté decouvert, on leur donna des gardes. On les a despuis accommodé.

Les depputtés du clergé et ceux du Tiers Estat de la province de Bourgogne, et non ceux de la noblesse, firent leur harangue sur la fin de la semaine passée à M. d'Espernon, comme leur gouverneur nouvellement estably; et l'on remarqua qu'apres luy avoir tesmoigné la joye qu'ils recevoint du choix que la Reyne avoit fait de luy, dirent que leur province avoit receu de fort mauvais traittementz de ses gouverneurs precedentz, et qu'ilz en esperoint un melieur de luy; à quoy il respondit qu'il n'innouveroit rien dans leur province et ne leur donneroit aucung suject de mescontentement. M. de Candalle est receu conjoinctement avec luy dans ce gouvernement et dans celuy d'Aussone [Auxonne] dans la mesme province, dont on recompense M. du Plessis Besançon. Quant au chasteau de Dijon, il demeure à M. le Prince, aussy bien que Bellegarde et St Jehan de Laune [Losne], mais aussy Puymerol [Puymirol] et Guyenne demeure à M. d'Espernon jusques à ce qu'ilz ayent trouvé moyen de faire eschange.

/425/ L'Auvergne demeure entre les mains de M. de Candale jusques à ce qu'il en aye tiré la recompense qu'on luy en a promise, qui est le gouvernement du comté de Foix et environ 400 mille livres qu'on luy a assigné sur ce que le Roy tire du comté. Les Bourdelois ont fait publiquement des resjouissances extraordinaires de ce qu'on leur a donné M. le Prince pour gouverneur, lequel a retiré de M. de St Luc la commission du Roy qu'on luy avoit envoyé pour faire deputter aux Estatz Generaux du rouyaume, ayant voulu s'en charger pour y travailler lors qu'elle yra dans la province.

La division qui est en Languedoch s'eschauffe plus que jamais, et le Parlement de Tholouse y descouvre tous les jours des nouvelles impositions faitte mal à propos par les Estatz; et on y envoye M. de Seve, conseiller d'Estat, pour tascher de trouver quelque temperenment et y demeurer ensuitte pour faire la fonction des finances en la place de M. de Breteuil.

Les depputtés de Provence ont eu audiance de la Reyne, apres laquelle on leur a fait entendre qu'ilz auroint satisfaction, pourveu qu'ilz ne s'adressasent point au Parlement.

Le 30 M. le Prince alla se divertir à St Maur, d'où il revient hier au soir. Le mareschal de Turenne y alla avec luy, d'où il revient le lendemain. On asseure que, despuis, celuy cy s'est donné entierement à la Reyne.

Leurs M. allerent hier se promener à Ruel [Rueil], où Mme d'Aigullion leur donna une collation splendide.

Les Suisses ont receu une bonne partie de 600 mille livres qu'on leur avoit promis. On leur fait esperer le reste de jour à autre.

M. de Marchin part lundy prochain en poste pour Catalougne. Il doit recevoir à Lyon 100 mille livres pour une lettre de change qu'on luy a donné à veue, et 50 mille livres en Languedoch.

M. de Rouen a resigné son archevesché à l'abbé de Champvallon, son nepveu.

Le baron de Chappes, filz du mareschal d'Aumont, est malade à l'extremitté.

/426/ De Paris le 16 juin 1651 [This letter and the one that follows it are in hand # 8]

L'on a fort remarqué que M. de Longueville, avant que partir d'icy pour aller en Normandie, fit son testament, par lequel il oste la tutelle de ses enfans à Mme de Longueville et la donne à M. le Prince, qu'il institute executeur de tout ce qu'il ordonne par ce testament; et que Madame sa femme se picqua fort la semaine passée contre M. le Prince de ce qu'il soustenoit plustost M. de Longueville qu'elle, contre le sentiment de M. le prince de Conty, qui la soustient toujours fort bien; mais on asseure qu'il s'est bien remis avec elle depuis qu'elle a disposé celuy cy à reprendre ses benefices et mesme, dit on, à demander le chapeau de cardinal.

M. le duc de Bouillon poursuit au Parlement la verification de son traité, à quoy il y a quantité d'oppositions, tant de la part de ses creanciers et de M. Bouillon la Marck que de plusieurs gentilhommes qui ont de terres enclavées dans l'estendue de celles qu'on luy a données, lesquels ne veulent point relever de luy, notamment le comte de Fiesque, qui en a une qui releve du comté d'Evreux, sur quoy ce duc a obtenu de lettres de jussion au Parlement pour veriffier son traité, nonobstant toutes ces oppositions. Celle de Mademoiselle, qui a le meilleur droit sur la souverainetté de Sedan, est levée à cause que le Roy s'est obligé par son traité de la recompenser de tous les droits qu'elle y peut avoir; et depuis, la Reyne et M. le Prince ont obtenu d'elle que son opposition ne paroistroit point. Ainsy l'on ne doute point que ce duc ne vienne à bout des autres par la faveur de M. le Prince.

/426v/ Le 11 du courant M. de Chavigny traita à disner M. le duc d'Orleans et M. le Prince, lesquels on voit toujours aparemment fort bien unis. Ils doivent presenter les articles du mariage du duc d'Anguien et de Mlle de Valois à la Reyne pour les signer aussytost que S.A.R. sera guerie des gouttes dont elle est malade depuis le 12. M. le Prince doit partir peu de jours apres pour son voyage de Guyenne.

Le 12 l'advocat de M. de Vandosme, nommé Pucelle, poursuivit au Parlement son playdoyé, lequel ayant tenu toute l'audiance sans pouvoir achever, l'affaire feut remise au lendemain. Il fit merveille et s'estendit particulierement sur le reproche qu'il fit à Mme d'Elbeuf de son ingratitude envers un si bon pere qu'Henry 4, d'avoir remué les cendres d'un si grand homme dont la memoire est partout en veneration. Il acheva le 13 au matin; et ensuite l'advocat general Talon, apres avoir fait doucement remarquer l'ambition de M. d'Elbeuf, deduisit aussi parfaitement bien le droit de l'un et de l'autre; apres quoy il y eut arrest par lequel M. d'Elbeuf feut declaré non recevable en sa requeste sans despens. Leur querelle pour le point d'honneur est encor au mesme estat.

Il y a 25 ou 30 gentilhommes qui ont deja fait paroistre leur courage dans plusieurs occasions, lesquels pour empescher que les duels ne soient plus sy frequens à l'advenir, ont dressé et signé un escrit par lequel ils renoncent desormais à tous duels, declarent et promettent de s'adresser directement à MM. les mareschaux de France pour leur demander justice et se sousmettre à leur jugement dans toutes les querelles qui /427/ leur pourroint arriver, et font tous leurs efforts pour faire signer cet escript à ceux qui ont deja donné de preuves de leur courage.

Les advis de Dunkerque portent que les vaisseaux anglois qui sont à la rade de ce port là ont cru jusqu'au nombre de 25; que leur admiral ayant fait avancer une fregatte jusques dans le canal, à la portée du canon de la place, M. d'Estrades luy a mandé que s'il ne la faisoit retirer, il seroit contraint de luy tirer dessus; à quoy cet admiral a dit qu'il n'avoit aucune response à faire; et peu apres M. d'Estrades a intercepté une lettre par laquelle cet admiral mandoit aux Espagnols qu'il s'estonnoit fort que leur arrivée fut sy longtemps à s'apprester; neantmoins il n'y a point encores d'autres nouvelles de cela, sinon que le marquis Sfrondraty est parti de Merville le 9, pour marcher avec son corps d'armée à Bergue St Vinox [Winoc], qui est une des deffenses de Dunkerque.

Toutes les trouppes des ennemys font ensemble le nombre de 13 à 14 mille chevaux et 6 à 7000 hommes de pied. Leur principal quartier estoit encore, le 10 du courant, entre St Aman et Douai, le long de la riviere d'Escarpe, où la grande disete qu'ils ont de pain les ayant obligés à faire de grands ravages partout aux environs, les paysans ont tué 7 ou 8 soldats au village de Mouchat [Mouchin?], scitué à 5 lieues de Lisle sur le chemin de Vallenciene [Valenciennes]; mais ceux cy s'estans ensuite assemblées en plus grand nombre, ont mis le feu à une eglise dans laquelle les paysans s'estoient retirés, /427v/ et les ont brulés par ce moyen. Le comte de Fuensaldagne est malade à Brusselles, où l'Archiduc estoit encor le 20; et Don Gabriel de Tolede en devoit bientost partir pour revenir icy et retourner en Espagne sur le sujet des propositions de la paix.

Nostre armée est de 20 mille fantassins et 10 mille chevaux, mais la pluspart de nos trouppes ne veulent pas passer la Somme qu'on n'ayt auparavant mis en liberté tous les officiers qu'on a arresté prisonniers en vertu de l'arrest du Parlement donné il y a 3 semaines sur les desordres des gens de guerre, ayant mesme resolu d'envoyer icy des deputés pour demander que cest arrest fut revoqué; mais le mareschal d'Aumont partit d'icy le 12 pour aller tacher de les faire obeir, et l'on asseure qu'ils passerent hier la Somme, tirant du costé de Bapaume. Les munitionnaires ont commencé à leur fournir le pain, ayant receu pour cest effet, la semaine passée, 240 mille livres et cette semaine encor 70 mille livres, apres quoy ils sont party.

Les trouppes allemandes de Roze font des cruautés inouyes dans la Champagne, dont les plaintes ont enfin obligé le Conseil d'envoyer ordre à M. le marquis de Praslin d'y faire assembler ses coureurs et leur courir sus; et pour cet effet ce marquis est party de Troyes, dont il est gouverneur, avec 2000 fuseliers et 4 pieces de canon afin de les chasser entierement de la province.

/428/ Il y a grande aparance que l'affaire du Languedoc s'accommodera. M. de Seve y va bientost pour cest effet.

Les depputés de Provence n'ont encor rien obtenu touchant le changement qu'ils demandent de leur gouverneur. La Reyne a donné parolle au prince de Conti qu'il auroit le gouvernement par preference à tout autre personne si le duc d'Angolesme venoit estre obligé d'en bailler sa demission. Cette derniere circonstance fait croire que ce duc y sera maintenu tant qu'on pourra.

On parle de remettre la tenue des Estats Generaux au mois de janvier prochain et de trouver, dans ce temps là, des moyens pour ne les pas tenir.

Le 14 du courant MM. de Servien, de Lionne, et de Navaille feurent au palais d'Orleans et heurent conference particuliere avec S.A.R., à laquelle on asseure qu'ils firent instance de conssentir que Sedan fut donné à la Reyne pour son domaine, dont les lettres patentes ont despuis esté portées au Parlement pour y estre verifiées; à quoy l'on adjouste qu'ils demanderent ensuite son conssentement pour donner retraitte au cardinal Mazarin dans cette place; mais S.A.R. n'y est portée en aucune fasson; et que M. le Coadjuteur a conferé aujourd'huy asses longtemps avec elle sur ce sujet.

Le domaine du Bourbonnois que la Reyne avoit eu au commencement de sa Regence pour une partie de son douaire /428v/ ayant esté baillé depuis peu à M. le Prince en recompense du duché d'Albret, qui a esté donné au duc de Bouillon, Sa M. a pris au lieu de cela le domaine de Boulogne, Ardes, Chasteau Renaud, et Sedan, dont le don fut veriffié au Parlement le 14 avec cette clause: "neantmoins que les places demeureront au Roy, qui y mettra les gouverneurs qu'il luy plairra, et que la Reyne pourra seulement mettre des cappitaines dans les chasteaux qui en dependent," et le mot de "souverainetté" qu'on atribuoit à Sedan fut rayé; et ce fut ensuite de cette verification que MM. de Servien, Lionne, et Navailles furent au palais d'Orleans.

La Princesse palatine pretendant se faire adjuger, par la faveur de M. le Prince, tous les biens qui restent de la succession du feu duc de Nemours, desquels jouit à present le duc de Mantoue, poursuit vivement cette affaire au Parlement, laquelle s'y devoit playder ce matin; et M. le Prince s'y estoit trouvé et y avoit fait trouver MM. de Vandosme et de Beaufort pour favoriser cette princesse, mais le playdoyé a esté remis à la 15ne.

M. de Verderonne doit partir demain pour aller traiter l'eschange de M. de Guise en Espagne.

Le premier avis estant venu de la mort de l'evesque d'Ales, qu'on dit avoir esté poignardé par un de ses chanoines, /429/ l'abbé de Bazoche demande cet evesché à cause que le premier vacant luy avoit esté promis lors que S.A.R. demande celuy de Mascon pour luy.

Les vaisseaux anglois qui estoient devant Dunkerque se sont retirés.

/430/ De Paris le 23 juin 1651

Vous aures sceu que la semaine passée le Roi ayant receu une lettre du petit Mancini, neveu du cardinal Mazarin, et depuis les avis de celuy cy ayant fort exalté l'esprit et la gentillesse de ce neveu, et ne tenant d'autre discours à Sa M., l'obligerent à prier la Reyne de le faire revenir à la Cour. Sur cela M. de Nogent Bautru fut au palais d'Orleans le 14 du courant, et dit à S.A.R. que le Roi demandoit incessament le petit Mancini et qu'il esperoit bien qu'elle consentiroit à son retour et ne voudroit pas oster à Sa M. un plaisir si innocent; à quoy elle respondit que cella ne se pouvoit faire, et que tous les parlemens de France ayant donné arrest contre tous les parens et domestiques de Mazarin, on ne pouvoit faire revenir Mancini sans remettre tout l'Estat en desordre. M. de Nogent repartit là dessus que, comme c'estoit S.A.R. qui avoit fait donner ces arrests et comme les parlemens ne faisoient aujourd'huy que ce qu'elle jugeoit à propos, elle pourroit les faire revolquer avec la mesme facillité qu'elle les avoit faits donner, si le Roi pouvoit esperer cette satisfaction d'elle; mais elle luy repliqua que quand les parlemens voudroient revocquer ces arrests, elle s'i opposeroit fortement, parce que cella ne pourroit produire que des desordres plus grands dans l'Estat que ceux qu'on y a deja veux; ainsy M. de Nogent ne pust rien obtenir sur luy. Depuis, le bruit a esté fort grand que nonobstant l'opposition de S.A.R., l'on avoit resolu de faire revenir le petit Mancini à la Cour et le cardinal /430v/ Mazarin à Sedan, dont la Reine peut facillement estre la maistresse à present qu'elle en a le domaine; lequel ayant esté veriffié, comme vous aves sceu, par la Grand' Chambre seule du Parlement, celle des Enquestes s'en formiliserent fort, pretendant que dans les affaires de cette nature, la deliberation s'en doit faire par toutes les chambres assemblées, et qu'ainsi l'on doit recommencer celle cy. Pour ce sujet demanderent le 17 l'assemblée du Parlement, laquelle le Premier President promit pour le 19, mais elle fut remise au 21 parce qu'il fut dit qu'il y falloit convier S.A.R., comme on fit, et remedier auparavant aux desordres des gens de guerre; mais elle est encore indisposée de la goutte, qui l'oblige à tenir le lit. On a fort crié aussi de ce que tous les jours des courriers arrivent de Bruel [Brühl], où est le cardinal Mazarin, et vont descendre ches Mme d'Ampuse, soeur du duc de Villars.

Ce cardinal a osté l'intendance de ses affaires au sieur Eusenat et l'a donnée à sieur Collebert, parent de M. Le Tellier, ayant seulement laissé à Eusenat la fonction de son grand vicaire.

Ensuite de la surprise que le chevalier de Fresquesne voulut naugueres faire du Havre de Grace, le sieur de Siliard, qui en est lieutenant du roi, ayant fait arrester prisonnier 15 des complices, auxquels on fait à present le proces, le dessein de celluy cy se poursuit par ceux qui y etoint deja engagés; dont ce lieutenant ayant esté averti et ne pouvant pas se confier à plusieurs personnes de sa garnison, a envoyé acheter des hallebardes /431/ à Rouan et a escrit à Mme d'Aiguillon qu'il estoit necessaire qu'elle luy envoyast deux douzaines de poignards pour les donner à ceux qui n'estoient pas corrompus, afin qu'ils puissent plus facilement eviter les surprises que les autres pourroient faire dans la place mesme; à quoi elle donna ordre le 18 à un homme qui fut pris en achetant ces poignards et fut mené ches le Premier President, où estant interrogé, il dit qu'il en avoit l'ordre de Mme d'Aiguillon; laquelle en ayant esté avertie, envoya aussitost la lettre de ce lieutenant au Premier President, afin qu'il en vid le sujet; et ensuite le prisonnier ayant esté relasché, elle alla faire voir la mesme lettre à la Reyne et apres à M. le duc d'Orleans, qui n'y trouverent point à redire; mais on dit que M. le Prince y a fort trouvé à redire.

Le duc de la Rochefoucaut estant tombé malade depuis 7 ou 8 jours, l'on a remarqué que M. le Prince ne l'a pas visité. Vous aures sceu que, la semaine passée, ce duc fit recevoir son fils en survivence de son gouvernement de Poitou, n'ayant pu y faire recevoir le comte de Palluau à cause des oppositions de la noblesse de la province, ny le marquis d'Aumont, frere du mareschal de Cavour, qui en avoit aussi traité depuis avec luy, la Reyne n'ayant pas voulu aprouver ce traitter avec luy à cause qu'elle en avoit donné sa parole à ce comte.

Le bruit a fort couru qu'à Rion en Auvergne l'on avoit fait trencher la teste au chevalier de Rodes, capitaine au regiment de cavalerie de M. le Prince, pour plusieurs /431v/ extorsions dont on l'accusoit, et qu'on y avoit en mesme temps fait prendre quelques uns de ses soldats; mais cette nouvelle ne se trouve pas vraye, non plus que celle qui avoit couru la semaine passée de la mort de l'evesque d'Alets.

La Reyne a donné à l'evesque de Xaintes la cherge de premier aumosnier de M. le duc d'Anjou.

Le 21 du courant MM. les evesques qui sont en cette ville s'assemblerent dans la salle des Augustins, à l'instance de ceux de Languedoc, pour deliberer sur l'entreprise que le Parlement de Toulouse a fait contre la liberté du clergé, d'avoir decretté prise de corps contre l'archevesque de Narbonne, et sur ce que le chapitre de Rouen a declaré que la regale estoit ouverte depuis que le Roy avoit admis la resignation de l'Archevesque en faveur de son neveu et ensuite nommé de grands vicaires et autres officiers pour la conduitte du spirituel. M. le prince de Conti se trouva à cette assemblée en habit long, et declara à MM. les prelats qu'il estoit resolu de vivre desormais en ecclesiastique, les priant de le vouloir aggreger au corps du clergé. Avant son entrée ils furent avertis et furent d'abord en peyne de resoudre quelle place ils luy donneroient, ne pouvans le faire presider à cause qu'il n'en a pas le caratere, quoy que prince de sang, n'estant que tonsuré. Mais ils resolurent enfin de le mettre, comme ils firent, immediatement apres l'archevesque de Sens, qui y presidoit; et ils furent assis tous deux au bout de la /432/ table, dans des chaises pareilles. Apres que ce prince eut fait son compliment, on y parla de plusieurs choses indifferentes, sans neantmoins oppiner sur aucune, parce qu'en opinant il fallu luy donner un rang. On dit qu'il sera bientost nommé au cardinalat, et l'on croid que ce soit des preparatifs pour le faire presider aux Estats Generaux.

Pour revenir au differend des Estats de Languedoc avec le Parlement de Toulouse: celuy cy a depputé des commissaires pour faire le proces à ceux du party des Estats qui sont prisonniers, et cette affaire s'aigrit toujours fort, mais on y envoye 3 hommes de credit pour tascher de l'accommoder.

M. le Prince fait estat de partir bientost pour son voyage de Guienne. Le chevalier de Rivieres, son premier escuyer, s'est retiré d'aupres de luy.

M. de Verderonne a toutes ses despeches pour aller faire l'eschange de M. de Guise en Espagne, mais son depart est differé parce qu'il est tombé malade.

/434/ Du 30 juing 1651 [Return to the usual hand "Monsieur X" ]

Le different qui est entre les Estatz de Languedoch et le Parlement de Thoulouse est tellement aygry que le comte de Bioules, lieutenant general de la province, ayant chassé du Bas Langedoch les commissaires de ce province là qui informoint des surimpositions et malversations faittes par les premiers, ce parlement a estably une chambre ardente composée d'ung president, six conseillers, et d'un procureur general pour aller partout le Languedoch faire le proces souverainement à tous les adherans des Estatz, et cette nouvelle chambre est partie deTholouse pour aller à cette fin dans tout son ressort. La nouvelle en estant venue icy le 22, et ceux là en ayant fait leur plainte à la Reyne et à M. le duc d'Orleans comme attentat fait par ce parlement contre l'authorité du Roy, à cause que telle chambre ardante ne se peut establir sans commission expresse de Sa M., S.A.R., quoy qu'asses portée par ce parlement, s'en rapporta à ce que M. le Chancellier jugeroit à propos d'en ordonner, de sorte qu'il y eut arrest du Conseil d'en haut, le 22, portant cassation de l'arrest par lequel le Parlement de Tholouse a estably cette chambre ardante, et deffense à tous presidentz et à aucungs conseillers de faire aucune fonction ny de sortir de Tholouse pour cest effect, à peyne d'estre declaré criminel de leze majesté; et enjoint au comte de Bioules de s'opposer à touttes les entreprises que pourroint faire les officiers de cette chambre, et de se saisir de leurs personnes.

Cette querelle c'est [s'est] fort eschauffée sur ce que le judge de Montpelier y ayant voulu executter quelque arrest du Parlement de Tholouse, M. de Toiras, nepveu du mareschal de ce nom, qui avoit une autre querelle particuliere avec luy, prit occasion là dessus de luy faire donner des coups de baston et de le faire fort maltraitter, dont le premier ayant porté ses plaintes au Parlement de Tholouse, il y a eu aussytost arrest portant que les sieurs de Thoiras et de la Forest, son pere, seroint pris mortz ou vifs pour leur estre fait le proces sur les informations qui ont esté faittes de cette action; laquelle a fort contribué à l'establissement de cette chambre ardante, laquelle le Parlement fait accompagner par 400 gentilhommes de la province, chacung desquelz a levé quelques gens pour les assister, et ilz ont tenu une assemblée de noblesse pour contrequarrer celle qui est du party des Estatz, à l'assemblée desquelz ilz pretendent d'estre appellés. M. de Seve, conseiller d'Estat, partit d'icy il y a 8 jours pour aller tascher d'accommoder ce different, et despuis M. Boucherat, maistre des requestes, est party aussy pour le mesme effect.

Les amis du cardinal Mazarin ayant persuadé la Reyne de mesnager les espritz du Parlement pour trouver moyen d'y faire justiffier ce cardinal et d'en tirer un arrest d'absolution en sa faveur, il s'est fait despuis peu une brigue à cette fin dans cette compagnie, dont on asseure que les principaux Frondeurs estoint desja gaignés, et notament M. Colomb, qu'on dit avoir receu un brevet de conseiller d'Estat avec une pension dont il a esté payé par advance. Plussieurs soubsçonnoint aussy M. de Brousel de s'estre /434v/ laissés gaigner sur les promesses qu'on luy a fait de donner quelque grand employ à M. de la Louviere, son filz. L'on a remarqué deux choses sur lesquelles ce soubçon est fondé. La premiere est que M. de Broussel feut 2 ou 3 fois au Palais Royal la semaine passée, mais il est certain que la Reyne l'avoit mandé; et Sa M. luy ayant parlé des informations qu'il a faittes contre le cardinal Mazarin, il luy respondit qu'il y avoit des preuves qu'on luy avoit envoyé de l'argent puis son esloignement; à quoy Sa M. ayant reparty que cest argent dont il parloit avoit esté employé pour le service du Roy, il replicqua qu'il falloit veoir en quoy. La seconde est qu'il n'a pas encores rapporté au Parlement les informations qu'il a achevé contre le cardinal Mazarin, lesquelles le chargent puissenment, et l'occasion ne s'en est pas presentée; et que cette brigue puisse rien faire pour la justiffication de ce cardinal, puisqu'on n'a pas peu encor persuader à M. le duc d'Orleans ny à M. le Prince d'y donner leurs voix, et qu'ilz doivent aller tous deux au Parlement à la premiere assemblée afin de destruire cette brigue. MM. des Enquestes demanderent l'assemblée le xxvi, mais le Premier President l'eluda, disant qu'il avoit bonne asseurance du costé de la Reyne qu'elle ne songeoit point à faire revenir le cardinal Mazarin; et ces messieurs consentirent aysement à differer cette assemblée, parce qu'ilz attendent que S.A.R. y puisse assister. Ilz l'ont encor demandés ce matin, et le Premier President l'a promise pour demain. L'on a commencé ce matin à playder la cause de la reyne de Pologne et de la Princesse palatine contre le duc de Mantoue touchant les biens que celuy cy possedde en France. Cette affaire pourra tenir 4 ou 5 audiances, apres lequel on jugera les pointz de la preseance d'entre M. de Vendosme et M. d'Elbeuf.

Le 23 M. de Beaufort estant tombé malade de fievre continue, Monsieur son pere le fit transporter le xxv en l'hostel de Vendosme, dont l'air est plus sain; et l'on remarqua que plusieurs bourgeois l'y accompagnerent et qu'ilz l'y vont visitter en grand nombre.

Le 27 M. le Coadjuteur l'alla veoir, ce qui feut d'autant plus surprenant qu'ilz estoint extremement picqués l'un contre l'autre despuis la liberté de MM. les princes, lesquelz n'avoint peu trouver aucungs moyens de les accommoder; et c'est en quoy on loue hautement cette action si genereuse de M. le Coadjuteur. Aussytost que M. de Beaufort l'aperceut, il luy tendit les bras et s'embrasserent avec des grandes tendresses, protestant l'ung à l'autre d'oublier tout le passé et de vivre desormais dans une intelligence aussy parfaitte qu'ilz avoint fait autrefois. Le 28 on vit paroistre le pourpre sur le visage de M. de Beaufort, lequel estant fort mal, receut le St Sacrement, et M. le Coadjuteur y assista. Il se porte mieux aujourd'huy, ayant reposé quelques heures la nuict passée. M. de Nemours estoit aussy tombé malade presque en mesme temps, mais il commence à se bien porter.

Le mesme jour 28, le Roy alla visitter S.A.R. et y arriva pendant qu'on faisoit la /435/ ceremonie de batisme des petites princesses, lesquelles Sa M. caressa fort. S.A.R. commencea à sortir le 27, estant guery de ses gouttes, feut au Palais Royal remertier Leurs M. Elle est plus unie qu'elle n'a pas encor esté avec M. le Prince, et l'on remarqua qu'ilz ne font rien l'ung sans l'autre, et que celluy cy n'estoit point allé du tout au Palais Royal despuis la maladie de S.A.R., mais il y alla hier. Il s'en alla le 26 à Trie en Normandie avec Mme de Longueville, laquelle il reconcilia ave Monsieur son mary, et s'en revient avant hier, les ayant laissé là en bonne intelligence. Il presse fort son voyage de Guyenne, mais la Reyne l'a prié de le differer.

La pluspart des prelatz qui sont en cette ville consentent que le prince de Conty preside à leur assemblée.

Les partisans qui avoint proposé de restablir les finances et de faire trouver six millions de bon tous les ans au Roy sur ses revenus, touttes charges et despenses bien payées, ont fait imprimer un libelle par lequel ilz se justiffient contre les bruitz qu'on a fait courir pour les descrediter et font veoir clairement les abus et la mauvaise administration qu'on y apporte.

Sur la fin de la semaine passée M. le mareschal d'Aumont estant à Amiens, logé dans une hostellerie qui est sur la grande place, et ayant sceu que le presidial de cette ville là travailloit à faire le proces à cinq officiers de guerre qui y sont prisonniers pour les desordres commis avec leurs soldatz, envoya querir le lieutenant criminel, lequel estant arrivé dans cette hostellerie, ce mareschal le retient comme prisonnier; et l'ayant obligé par force de signer un ordre pour mettre en liberté ces cinq officiers, envoya cette ordre à la prison par son secretaire, accompagné de 2 gardes. Le geolier ayant leu l'ordre avant qu'obeir, le porta à MM. du presidial, qui estoint encor assemblés, lesquelz ayant sceu que ce mareschal avoit retenu le lieutenant criminel, firent aussy retenir son secretaire et ses deux gardes, et luy envoyerent le lieutenant general du baillage avec 4 conseillers du presidial pour luy demander pour quel subject il retenoit le lieutenant criminel et luy protester qu'ilz s'en plaindroint au Parlement de Paris; à quoy ce mareschal leur respondit qu'il ne pouvoit pas commander l'armée sans officiers, qu'il les prioit de leur rendre ceux là pour servir pandant la campagne, apres laquelle il promettoit de les leur remettre entre les mains; mais ilz ne vouleurent pas s'y fier; et cepandant l'allarme s'estant mise parmy les bourgeois, ilz commencerent à s'assembler en grand nombre dans la place publique, murmurant fort contre ce mareschal, auquel M. de Bar, gouverneur de Dourlans [Doullens], ayant fait remarquer le bruit qui s'en faisoit, l'affaire feut aussytost accommodée, en sorte que le lieutenant demeura d'accord que le jugement du proces des cinq officiers prisonniers seroit surcis pour 8 jours, pendant lesquelz ce mareschal en escriroit au Conseil, et MM. du presidial au Parlement.

/435v/ Nostre armée est tousjours viers Anire, au delà de la Somme, sans passer outre à cause qu'il y a peu d'officiers, la pluspart s'opiniastrant de ne vouloir point servir qu'on n'aye revoqué l'arrest du Parlement donné contre eux, qu'à cause du different qu'il y a entre les regimentz de S.A.R. et de MM. les princes et les petitz vieux corps, ceux cy voulant passer devant les premiers. Les ennemis sont encor à leur rendesvous le long de la riviere d'Escarpe. Ilz ont receu 2 milles Espagnolz naturelz qu'on leur a envoyé de St Sbastien, lesquelz debarquerent le 20 à Ostende.

M. de Verderonne partit enfin hier pour aller faire l'eschange de M. de Guyse.

Hier au matin M. de Mercoeur estant entré dans la chambre de la Reyne, trouva moyen de se defaire de l'exempt et des deux gardes qui le gardoit, s'estant eschappé par un escalier desrobbé et monta d'abord à cheval pour aller, comme on croit, chercher en Bretagne le comte de Rieux et se battre avec luy.

Le duc d'Iorck est icy, de retour d'Hollande.

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