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Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/382/ De Paris du 3 mars 1651

Les Suisses ayant eu, il y a 2 mois une assignation de 450 mille livres sur le partisan Tabouret et ne pouvant en tirer raison, envoyerent le 24 du passé, à 6 heures du matin, 40 mousquetaires, avec un huissier, chez luy pour enlever tous ses meubles; dont M. le president de Maisons ayant esté adverty, feut aussytost ches M. le Garde des Sceaux, qui y envoya un exempt et un huissier de la chaisne; lesquels ayant deffendu à l'huissier employé par les Suisses de passer outre, celuy cy y obeit, et estant sorty de la maison feut mené prisonnier. Le sieur de Chemeraut, gendre de Tabouret, ayant sceu que son beau pere avoit receu cet affront, accourut en furie en l'hostel de Schomberg, où les portes n'estant pas encor ouvertes, il voulut les enfoncer; et n'ayant peu parler au mareschal de ce nom, qui n'estoit pas encor levé, montat à la chambre du sieur de Montignac, son beau frere, où une fille de chambre ayant fait difficulté de le laisser entrer à cause qu'il n'estoit point levé non plus, il y entrat malgré elle, apres luy avoir donné un coup de pied; et ayant parlé à Montignac en des termes fort desobligeantz, ilz prirent rendesvous pour se battre l'apresdisnée; mais ilz en feurent empeschés par le marquis de Mony. Despuis Tabouret a esté mis en prison.

Le 25 on tient Conseil au palais d'Orleans, où l'on confierma la cassation des trouppes que vous aves sceu, à la reserve neamoings du regiment de Poictou, la Reyne n'y ayant pas voulu consentir à cause que c'est un vieux corps; mais on a cassé celuy de la Villette de cavalerie, sur pretextes des desordres qu'il commettoit partout; et l'on ordonna que les regimentz de M. de Valois et de MM. les princes, avec leur gendarmerie et cavalerie legere, seroint mis sur pieds. [et] que les contributions seroint conservées aux gouverneurs des places.

Le mesme jour Mme la duchesse d'Orleans receut une lettre du petit duc d'Anguien par laquelle il a remertioit de la liberté de Monsieur son pere et de Messieurs ses oncles. L'on doit dresser les articles du mariage de la petite Mlle de Valois avec ce prince, auquel M. le prince de Conty resigne tous ses benefices et doit espouser Mlle de Chevreuse apres Pasques.

Le marquis de Montpesat, gouverneur de Casal, estant arrivé icy il y a 15 jours pour sollicitter des munitions, vivres, et deniers pour la conservation de sa place, ayant declairé qu'il en remettoit le gouvernement entre les mains du Roy si on n'y donnoit ordre promptement, n'ayant pour la deffendre que 4 à 500 fantassins et autant de chevaux, l'on a resolut de luy donner 400 mille livres pour la munir, dont il en toucha, le 26, 50 mille livres en argent comptant et receut le 27 une assignation de 50 mille escus sur les tailles de Dauphiné et une autre de 200 mille sur le don gratuit du clergé. Outre cela on luy a promis 2500 fantassins et 500 chevaux pour fortiffier sa garnison dans la fin de ce mois.

On a envoyé 100 mille livres en Catalougne, où l'on parle d'envoyer le mareschal de la Motte. M. de Marchin est attendu icy. On luy rend le gouvernement de Bellegarde. M. de /382v/ Vendosme avoit remis sa commission de celuy de Bourgoigne entre les mains de M. le Prince dès la premiere visitte qu'il luy fit. M. de Longueville a envoyé prendre possession de son gouvernement de Normandie et des places qu'il y avoit avant sa detention. Il est malsatisfait de quantité de noblesse de ce pays là, à laquelle il donnoit pour 40 mille livres de pension, qu'il leur a osté.

Le cardinal Barberin, apres avoir demeuré 3 semaines incognito, feut la semaine passée veoir la Reyne, M. le duc d'Orleans, et MM. les princes.

Le mesme jour le sieur de Ruvigny arriva icy venant d'aupres du cardinal Mazarin et rapporta que ce cardinal estoit party de Dourlens [Doullens] le 24 en resolution de se retirer tout à fait hors du rouyaume; et qu'il avoit rencontré le sieur de Bellingant en deça de Dourlens et l'avoit averty que S.E. estoit allé coucher à Bapaume, d'où elle alla à Peronne. Ledit sieur de Ruvigny apportat une lettre à la Reyne [see below, fol. 398, appended to letter of Mar. 24] par laquelle le cardinal Mazarin luy mandoit qu'il seroit tousjours prest d'obeir à tous ses ordres, mais qu'il consideroit que les volontés de Sa M. ne pouvoint estre que forcées tandisqu'elle seroit assiegée dans le Palais Royal. L'on s'est fort plaint que despuis son despart on luy a envoyé 60 mille livres, aussy bien que 200 mille livres qu'on luy a apporté, lesquelles on luy gardoit dans le Bois de Vincennes; et M. de Beaufort en ayant esté averty auparavant que cest argent partit, en donna advis à M. d'Orleans, qui dans l'embarras des autres affaires, ayant envoyé tropt tard sur les chemins pour l'arrester sur les chemins, feut prevenu en cela.

S.E. arrivant à Peronne, M. d'Hoquincour luy feut au devant et luy fit faire une entrée aussy magnifique que si c'eut esté le Roy; et l'ayant escorté le lendemain à 3 lieues de là, elle coucha avant hier à La Fere, où M. de Manicamp le receut aussy fort bien. Elle devoit coucher la nuit passée à Retel et arriver ce jourd'huy à Sedan, où elle demeurera 8 jours que la Reyne luy a donné. L'on ne sçait encor où ce cardinal se retirera, mais on croit que ce sera à Coulougne. Rose ne l'avoit pas encor joint avant hier, mais il s'estoit avancé à cette fin pour l'escorter.

Le 27 le Parlement s'estant assemblé et M. le duc d'Orleans s'y estant trouvé avec MM. les princes, M. le Premier President dit que la Reyne n'avoit pas encor envoyé la declaration contre les estrangers parce qu'elle n'estoit pas encor reformée. Apres, on leut une lettre de cachet que le Roy avoit envoyé avec une declaration de l'innocence de MM. les princes, cette lettre portoit que Sa M. desirant faire cognoistre à tous ses subjectz l'innocence de ses cousins, les princes de Condé et de Conty et le duc de Longueville, elle envoyoit au Parlement une declaration pour la veriffier et enregistrer; sur quoy quelq'ungs ayant dit que la persecution de MM. les princes avoit esté tropt grande pour n'en point demander les dommages contre celuy qui en estoit l'autheur, il y eut divers advis; et M. le president Le Coigneux, dans un discours fort joly, rapporta un exemple de la Ste Escriture pris de l'histoire de Josué, d'ung certain soldat qui, pour avoir mis les mains sur les despouilles de la guerre que l'on destinoit de mettre en sacrifice, feut lapidé, lapidavit eum omnis Israel, et applicqua ces parolles au cardinal Mazarin qui, ayant fait mettre /383/ MM. les princes en prison, avoit mis la main par cette action sur les choses sacrées. Enfin il feut resolu qu'attendu que MM. les princes ne demandoint point de dommages et interestz par leur requeste presentée au Parlement, qu'on n'en parleroit point; et la declaration feut veriffiée purement et simplement. Il est à remarquer que sur les conclusions des Gens du roy ayant mis ces motz "Je n'empesche point pour le Roy, etc.," il fallut qu'ilz missent "Je requiers pour le Roy." Apres cela on leut une lettre du Parlement de Grenoble qui accusoit la reception de l'arrest et la lettre de celuy de Paris donnée contre le cardinal Mazarin, et promettoit de correspondre aux soings que le Parlement de Paris prenoit pour la conservation de l'Estat; sur quoy le Premier President ayant dit qu'il y en avoit une du Parlement de Bretagne à peu pres conforme à celle cy, l'advocat general Talon dit à la Compagnie que les depputtés de celuy de Bourdeaux estoint au parquet, qu'ilz desiroint d'entrer, ce qu'ilz firent; et ayant fait leur compliment par la bouche du president de Gourgues, presenterent une lettre, laquelle feut leue avec 2 arrestz qui estoint dedans, dont le premier portoit que Leurs M. seroint suppliés de donner la liberté à MM. les princes et une declaration de leur innocence, et les 2 contre le cardinal Mazarin conforme à celuy de Paris; apres quoy quelq'ungs ayant dit que la quinzaine donnée à ce cardinal estoit expirée et que neamoings il estoit encor en France, S.A.R. dit qu'il s'en alloit et qu'il estoit party de Dourlens.

Le mesme jour le conseil de Ville s'estant assemblé, il feut resolut que personne ne seroit exempt de la garde, laquelle on continue exactement; et que les quarteniers auroint les clefs, mais qu'eux ou les dizeniers, en s'en chargeant, iroint coucher aux portes.

Le mesme jour le comte d'Alais arriva en cette ville. Le prince François de Lorraine, evesque de Verdun, y arriva aussy le mesme jour et eut conference avec Mme la duchesse d'Orleans. On luy rend son evesché.

Un gentilhomme de M. de la Rochefoucaut, envoyée à Stenay depuis la sortie de MM. les princes, en est revenu puis 5 ou 6 jours et a rapporté que Mme de Longueville doit estre icy dans peu de jours, les Espagnolz ayant consenty qu'elle vient sur sa parolle; et qu'elle confereroit avant son despart avec quelque personne du Conseil d'Espagne touchant les moyens de reprendre les traittés de paix. Cepandant ilz ont demandé qu'on leur envoyat une personne de creance pour sçavoir là dessus l'intention de MM. les princes, qui ont envoyé à cette fin à Bruxelles le marquis de Sillery, lequel doit avoir veu Mme de Longueville à Stenay; à quoy l'on adjouste que les Espagnolz ne se monstrent pas esloigné d'accepter la paix aux conditions arrestées à Munster en 1647, parce qu'ayant est[é] dit alors que chacung retiendroit les places qu'il posseddoit, ce traitté leur seroit à present avantageux, ce point subsistant à cause qu'ilz ont repris despuis plusieurs places.

Le 28 on eut advis par un autre courrier que Mme de Longueville estoit partie de Stenay et qu'elle s'en venoit avec un consentement des Espagnolz à une treve de 4 ou 6 mois, pendant lesquelz on pourroit travailler à un traitté de paix, dont elle apporte aussy des propositions /383v/ fort amples; mais cette treve n'estant que pour la Flandre, Picardie, et Champagne, et l'Archiduc disant qu'il n'a point de pouvoir de la conclurre pour l'Italie et pour la Catalougne, l'on doubte qu'elle soit icy acceptée. Neamoings on fit partir d'icy dès le mesme jour M. de Croissy Marcilly pour aller traitter avec l'Archiduc sur les conventions de cette treve et sur le lieu d'ung traitté de paix.

Le mesme jour il y eut bal ches le marquis de Vitry, où l'on remarqua que le Roy (qui est nourry par les Mazarins dans la haine contre les Frondeurs) y envoya un lieutenant de ses gardes pour remarquer ceux de sa maison qui y seroint, ayant dit qu'il ne les vouloit plus veoir. L'on remarqua aussy le mesme jour que le filz du marquis de Sourdis estant allé au Palais Royal, Sa M. dit qu'elle ne le pouvoit souffrir.

La Reyne a grande peyne à se resoudre de suivre les sentimentz de MM. les princes dans ces conjonctures. Elle escrit presque tous les jours au cardinal Mazarin et fait du bien à ses creatures. Elle a donné l'evesché de Glandeves en Provence à l'abbé de Valavoir, dont son frere commandoit le regiment du cardinal Mazarin, et une abbaye à l'abbé de Paluau.

M. le duc d'Orleans ayant tesmoigné il y a 5 ou 6 jours à MM. de la noblesse qu'il desiroit qu['ilz] ne s'assemblassent plus, maintenant que les deux principaux subjectz ont cessé, qui sont la liberté de MM. les princes et l'exclusion du cardinal Mazarin, ilz le prierent de souffrir qu'ilz continuassent jusques à ce qu'ilz auroint obtenu la confiermation de leurs privileges, lesquelz consistent à faire descharger leurs fermiers des tailles et faire exempter leurs terres de logementz de guerres; sur quoy S.A.R. les ayant prié de differer jusques au premier de ce mois l'envoy de leurs lettres circulaires dans les provinces, ilz le luy accorderent; et s'estant assemblés ces jour là, resoleurent ensuitte de procedder extraordinairement contre tous les gentilhommes qui sont à Paris et qui ne se trouvent pas à leur assemblée; mais ilz ont despuis revoqué cette resolution, de crainte que ce ne soit un moyen pour les desunir. Ensuitte le comte de Montresor proposa de demander les Estatz Generaux, mais son avis ne feut pas suivy.

M. de Vendosme s'estant presenté le 28 du passé pour la 3e fois à la Chambre des comptes pour y faire enregistrer ses prouvisions de l'admirauté, elles y feurent enfin enregistrées; mais ce feut pour 9 ans seulement, à condition que tous les officiers de marine seroint nommés par le Roy.

MM. Servien et Le Tellier cherchent tous les moyens possibles pour se conserver. On croit que M. de Croisy Fouquet ou M. Le Roy, premier commis de M. Le Tellier, ont l'ung et l'autre autant de part à la charge de M. Le Tellier que le president Viole. On croit que le president de Maisons pourra se conserver dans la surintendance des finances par le moyen du mariage de M. de Boutteville avec sa fille, à laquelle il donne 600 mille livres. On parle tousjours de rappeller M. de Chavigny.

Le mesme jour le marquis de Molac Rosmadec partit d'icy avec des lettres de M. le duc d'Orleans /384/ et de M. le Prince pour le Parlement de Bretagne, par laquelle Leurs A. prient cette compagnie de donner l'arrest contre le cardinal Mazarin. Le Parlement de Dijon resiste aussy de le donner, mais celuy de Tholouse l'a donné conformement à celuy de Paris.

Le sieur de Ronserolles s'estant allé jetter dans Bellegarde, y a esté arresté par les habitans avant qu'il eut peut entrer dans le chasteau. Le marquis de Gevres se marie avec Mlle de Fontenay Mareuil.

Le premier du courant le Parlement estant assemblé et M. le duc d'Orleans s'y estant trouvé avec MM. les princes, MM. les Gens du roy y apporterent la declaration pour exclurre les estrangers du Conseil du Roy; laquelle ayant esté leue, ilz donnerent leurs conclusions par escrit en ces termes: "Je requiers pour le Roy que la declaration soit veriffiée et enregistrée purement et simplement selon la forme et teneur"; apres quoy MM. des Enquestes dirent qu'elle n'estoit pas encor conceue selon les termes des arrestz, ce qui l'a fit relire. Il n'y avoit point de preambule comme auparavant. Elle portoit seulement que le Roy, de l'advis de la Reyne regente, de M. le duc d'Orleans, de M. le Prince, et d'autres notables personnes, ordonnoit qu'aucun estranger ne pourroit desormais possedder aucun office en France ny mesmes estre admis dans les Conseilz du Roy pour quelque cause, pretexte, ou occasion que ce soit; et ne parloit point d'exclurre les cardinaux françois ny en particulier ny en general, et ceux qui ont quelque serment à d'autres princes; ce qui feut cause qu'on leut tous les arrestz et arrestés faitz despuis le depart du cardinal Mazarin; apres quoy le Premier President ayant remonstré par plusieurs raisons qu'on devoit veriffier cette declaration comme elle estoit, sans s'amuser à pointiller d'avantage là dessus, feut secondé par S.A.R., qui dit que veritablement elle auroit souhaitté qu'on eut peut mettre dans la declaration tout ce que le Parlement avoit arresté, mais qu'on y avoit travaillé jusques icy sans le pouvoir faire à cause de l'opposition du clergé, qui avoit fait des remonstrances à la Reyne sur ce subject; que mesmes le nonce du Pape avoit prié Sa M. et elle ne ne faire point ce tort à l'Esglise; qu'elle estoit d'advis de veriffier la declaration purement et simplement; sur quoy MM. des Requestes ayant fait du bruit, S.A.R. repartit que les Mazarins seroint bien ayses de commettre par ce moyen le clergé avec le Parlement. Ensuitte l'on en vient aux opinions tant sur la verification de la declaration que sur la desobeissance du cardinal Mazarin pour n'estre pas sorty du rouyaume apres la 15e portée par l'arrest donné contre luy. M. Barin, entre autres, y dit de tres belles choses, ayant remonstré que les cardinaux sont estroittement liés aux interestz du Pape par le sermon qu'ilz luy font et par leur dignitté, qui est extraordinaire en France, où ilz n'ont tenu aucun rang; et que neamoings leur ambition les porte à des vaines pretentions d'avoir le pas devant les princes; qu'encores que quelqu'ung pretendent que le Pape ne soit pas estranger, estant le pere commung, et que Rome soit patria communis, que neamoings il a esté jugé autrefois qu'il estoit estranger; et en rapporta un exemple d'ung nonce qui feut declairé tel en France; qu'il sembloit que l'usage feut introduit que dès q'ung homme est fait cardinal il doit avoir toutte l'authorité souveraine; que par les arrestz on n'a point entendu exclurre /384v/ des Conseilz les evesques, lesquelz n'avoint point eu de juste subject de s'ingerer dans cette affaire; et conclut à ce que la declaration feut renvoyé à la Reyne, laquelle seroit tres humblement suppliée de la vouloir faire corriger et renvoyer conformement non seulement aux termes des arrestz mais aux ordonnances qui excluent tous estrangers de tous offices, charges militaires, et gouvernementz; et quant au cardinal Mazarin, qu'il feut ordonné qu'il seroit pris au corps et mené mort ou vif dans la Conciergerie du Palais, et qu'on informeroit contre luy de la mauvaise administration des finances, des pirateries qu'il a fait faire, des deniers qu'il a enlevé et envoyés hors du rouyaume, et de la rupture de la paix, et contre tous ceux qui l'ont retiré despuis la quinzaine expirée. La pluspart de ceux qui opinerent feurent à peu pres du mesme advis, mais la deliberation feut remise au lendemain, n'y ayant pas asses du temps pour l'achever.

Hier M. le duc d'Orleans et MM. les princes ayant pris leurs places dans l'assemblée du Parlement, S.A.R. proposa derechef de veriffier la declaration comme elle estoit, disant qu'autrement cet affaire traineroit en longueur et que les partisans du cardinal Mazarin pourroint proffiter de ce delay; que quant à la sortie du cardinal Mazarin, la Reyne souhaittoit qu'il luy feut permis de demeurer encor 6 jours dans Sedan pour disposer ses affaires à une entiere retraitte; et qu'on ne devoit pas desdire Sa M. pour si peu de chose; apres quoy le Premier President ayant leu les ordonnances qui excluent des estrangers de tous offices, etc., l'on continua la desliberation du jour precedent, dans laquelle M. Payen Deslandes, qui le jour precedent avoit opiné à veriffier presentement la declaration et à prier M. le duc d'Orleans et M. le Prince d'empescher que les cardinaux mesmes François ne feussent admis dans les Conseilz du Roy, voyant qu'il n'avoit point du tout esté suivy changea d'advis et prit celuy de M. Barin. M. Pithou, conseiller des Enquestes, apres avoir parlé fort pertinenment de l'origine des cardinaux et prouvé par des raisons tres pressantes et des authorités bien appuyées que leur pourpre n'estoit q'une illusion, qu'ilz devoint estre au dessous des evesques, et qu'ilz estoint obligés de resider à Rome, conclut à l'advis de M. Barin. M. Dorat y parlat aussy fort eloquenment sur cette matiere, et apres s'estre aussy estendu sur la mauvaise conduitte du cardinal Mazarin, feut aussy de mesme advis. Le president Le Coigneux remonstra aussy, par des fortes raisons, que les cardinaux françois estoint censés estrangers par l'attachementz qu'ilz ont au St Pere pour le temporel mesme, et qu'estant princes de l'Esglise et eslecteurs du pape, leur principauté est estrangere. Enfin la pluspart ayant suivy l'advis de M. Barin, S.A.R. opina, et apres avoir fait un discours fort net, conclut pour le premier point, qui est l'exclusion des cardinaux, à suplier la Reyne de faire reformer la declaration et la donner conforme à l'arrest du 28 du passé, par lequel il est dit /385/ que les cardinaux mesmes François seront exclus des Conseilz du Roy; et qu'à la diligence du Procureur General il seroit informé contre le cardinal Mazarin, tant de la mauvaise administration des finances, deniers envoyés hors du rouyaume, piraterie, et rupture de la paix, que de la contravention à l'arrest du 4 dudit mois et encor pour ce dernier chef contre tous ceux qui l'avoint suivy, assisté, ou retiré despuis la 15e expirée; que MM. de Broussel et Meunier feussent commis pour travailler aux informations, et que cependant il feut arresté in mente curiae que, suivant le desir de la Reyne, l'on donneroit encor 8 jours audit Cardinal pour sortir du rouyaume, apres lesquelz on procederoit aux informations; ce qui feut ainsy arresté, la pluspart des advis estant revenus à celuy cy. A la sortie l'on cria "Point de Servient et de Tellier!" comme l'on avoit fait à l'entrée le jour precedent.

S.A.R. et MM. les princes avec MM. de Beaufort, le Coadjuteur, et autres principaux Frondeurs, feurent disner avant hier ches le president Le Coigneux, où ilz feurent magnifiquement traittés; et hier MM. les princes disnerent ches M. le Premier President, où S.A.R. et les Frondeurs ne ce [se] trouverent pas. Aujourd'huy ilz ont tous disné ches M. de la Basiniere.

Ce matin les mareschaux de Villeroy et d'Estampes ont esté receus conseillers honnoraires au Parlement.

Mme la Princesse doit partir lundy prochain de Montrond pour s'en revenir. Le duc d'Anguien demeure à Bourges pour y estudier soubz les Jesuistes.

/386/ De Paris le x mars 1651

Vous aures sceu que le duc de Richelieu s'estant retiré dans Le Havre incontinant apres son mariage, y receut des lettres de Mme de Longueville, par laquelle elle le prioit de la recevoir dans cette place; sur quoy se voyant asses empesché et en mesme temps sollicitté par sa femme de se servir de cette conjoncture pour faire approuver son mariage à la Cour, il envoya un gentilhomme à Nantes au mareschal de la Mesleraye avec une lettre par laquelle il le prioit de l'assister de son conseil et de sa bourse sur ce qu'il avoit à faire là dessus, et luy dire en amy et en bon parent s'il jugeoit qu'il feut à propos de recevoir Mme de Longueville, ou de se servir de ce rencontre pour obtenir l'aprobation de son mariage. Ce mareschal ayant receut cette lettre, l'envoya à la Reyne et retient ce gentilhomme qui la luy avoit apportée, auquel il tesmoigna grande aygreur contre ce duc d'avoir eu cette pensée. Le Cardinal escrivit aussytost au duc de Richelieu par un homme expres et luy manda que la Reyne aprouvoit son mariage, qu'il pouvoit venir en toutte seurté à la Cour, et qu'il luy promettoit solennellement qu'il y seroit bien receu, que le tabouret seroit donné à sa femme et son mariage confiermé. Ce discours l'ayant persuadé, il sortit de la citadelle du Havre et feut trouver la Cour, qui estoit à Rouen, où il feut d'abord asses bien receu et le tabouret donné à sa femme suivant la promesse qui luy avoit esté faitte; mais aussytost qu'on feut asseuré de cette place, il n'y eut plus de consideration pour ces 2 nouveaux mariées, lesquelz estant revenus de Poictou despuis la sortie de MM. les princes, Mme d'Aigullion a eu asses de credit aupres de la Reyne pour faire refuser le tabouret à Mme de Richelieu, à laquelle la contesse de Brienne la semaine passée luy feut dire que si elle alloit au Palais Royal, elle auroit l'afront de s'y veoir refuser le tabouret; ce qui picqua ce duc son mary, qui se resouvenant de la premiere cause de cette disgrace, resoulut de s'en venger contre le mareschal de la Mesleraye; et pour cest effect ce duc envoya le 4 son escuyer nommé La Fresnaye, gentilhomme breton, au marquis de la Mesleraye, luy dire qu'il le desiroit veoir l'espée à la main. Ce marquis blessa d'abord ce duc d'ung coup d'espée au bras gauche, apres lequel son espée ayant rompu, ilz en viendrent aux prises; et sur cela le second de ce marquis, nommé Beaucorps, ayant desarmé et blessé La Fresnaye, auquel il rompit l'espée, s'en alla promptement separer les autres. Despuis, le duc de Richelieu, pretendant qu'il auroit eu l'advantage si l'espée de son second n'eut esté cassée, et le marquis de la Mesleraye n'en demeurant point d'accord, leur different a esté remis entre les mains des mareschaux de France pour les accommoder.

M. de Longueville ayant envoyé dès la semaine passé les ordres du Roy en Normandie pour reprendre possession du gouvernement de cette prouvince là que d'autres places particulieres qu'il y avoit avant sa detention, le marquis de Fourilles rendit d'abord le Vieux Palais de Rouen, et le sieur de Beaumont le Pont de l'Arche; mais /386v/ M. du Plessis Belliere, gouverneur de Dieppe, et le comte de Quincé, gouverneur de Caen, ne voulant point rendre leurs places qu'on ne les eut auparavant recompensés, notament le premier, lequel estant venu icy un peu devant la detention de MM. les princes pour demander de quoy munir La Bassée qu'il avoit lors, et ne pouvant l'obtenir, en donna sa demission, pour laquelle on luy bailla une ordonnance de 30 mille escus de recompense; et parce qu'il n'y avoit point d'argent pour la luy payer, on luy bailla le gouvernement de Dieppe en attendant. Maintenant il demande les 50 mille escus avant que de remettre cette place entre les mains de M. de Longueville. Le sieur Dampierre l'ayant sommé d'obeir aux ordres, celuy qui commande en l'abscence du sieur du Plessis demanda 6 jours de delay pour l'en advertir et envoyer à la Cour, ce que Dampierre luy refusa; et les bourgeois de la ville voulant tesmoigner l'affection qu'ilz ont pour M. de Longueville, se saisirent le 5 du courant de la citadelle du Poulet, qui commande au chasteau de Dieppe, et investirent le chasteau assisté d'une compagnie de Suisses. Les bourgeois ont aussy investy le chasteau, mais l'affaire de Dieppe a esté despuis accommodé et le chasteau feut remis avant hier entre les mains du sieur de Dampierre, M. du Plessis Belliere ayant receu deux bonnes assignations pour estre payé de ses 50 mille escus, sçavoir une de 100 mille livres sur le premier don gratuit que feront les Estatz de Bretagne, et les autres 50 mille livres sur les droitz qui s'eslevent sur les pontz et chaussées de Normandie, en quoy M. de Longueville mesmes l'a beaucoup servy.

Il y eut different la semaine passée entre M. de Beaufort et M. le Coadjuteur, mais ilz sont maintenant d'accord par l'entremise de S.A.R. Le suject de ce different venoit de ce que M. de Beaufort estoit fasché de ce que M. le Coadjuteur ne luy avoit pas confié le secret du mariage d'entre M. le prince de Conty avec Mlle de Chevreuse, qu'il avoit conclut et arresté avec M. Arnaut, mareschal de camp, il y a 5 ou 6 mois. M. le Coadjuteur respondit qu'il n'avoit creu devoir confier ce secret à personne, puisque c'estoit un secret de M. le Prince; et que si c'eut esté un affaire ou commune d'interest entre eux, ou qui eut regardé M. de Beaufort en particulier, il n'auroit pas manqué de la communiquer, dont il est demeuré satisfait; mais le vray suject pour lequel il ne luy avoit rien dit estoit parce que Mme de Chevreuse ne l'avoit pas voulu, disant que M. de Beaufort n'auroit pas caché ce secret à Mme de Montbazon, laquelle auroit peu traverser le desseing de ce mariage, dont elle n'est pas bien ayse parce qu'elle avoit eu parolle de feu Mme la Princesse douairiere que M. de Conty espouseroit Mlle de Montbazon.

Le Prince partit d'icy le 6 pour aller au devant de Mme de Longueville et arriva le 7 au soir en mesme temps qu'elle à Chalons en Champagne. Elle est attendue icy demain. M. de Champlatreux y estoit allé dès le 4, et s'est avancé jusques à Stenay pour s'y aboucher avec le mareschal de Turenne.

Les religieux de l'abbaye de Cluny eslisent M. le duc d'Anguien pour leur abbé, voulant se conserver la protection de M. le Prince. Quant aux autres benefices de M. le prince de Conty, il a envoyé cette semaine deux courriers à Rome avec la resignation en faveur du sieur de Montreuil, son secretaire, auquel il en laisse 15 mille livres de rente et se retient le reste.

/387/ Mme la Princesse partit de Montrond le 6 et est attendue icy demain. On croit que le petit duc d'Anguien viendra aussy dans quelque temps, parce que M. le duc d'Orleans a conseillé à M. le Prince de le faire venir.

Deux jours apres que le comte d'Alais feut arrivé en cette ville, deux de ses gentilhommes en appellerent en duel deux autres du comte de Carces; lesquelz s'estant portés sur le lieux, ceux cy eurent l'advantage, ayant tué sur la place un des premiers, apres quoy les autres feurent pris dans un cabaret et mis en prison; mais M. le duc d'Orleans les fit mettre en liberté, et le lendemain l'evesché de Glandeves, qui avoit esté promise par la Reyne à l'abbé de Valavoire, ce comte fasché contre luy et contre son frere de ce qu'ilz avoint abandonné son party pour se donner au cardinal Mazarin, a tant fait apres de M. le Prince qu'il a fait revoquer la parolle que la Reyne en avoit donné à cet abbé, et Sa M. a despuis disposé de cest evesché en faveur du Pere Faure, Cordellier.

La ville de Brignolz [Brignoles] ayant à faire des consulz sur la fin du mois passé, les partisans du comte d'Alais briguerent d'abord pour en faire eslire à leur devotion; et craignant que les commissaires du Parlement d'Aix, qui y alloint pour ce subject, ce [se] rendissent les maistres, y exciterent une sedition qui obligea ceux cy de s'en retourner sans enterer dans la ville. Ces commissaires ayant rencontré à leur retour un soldat du party de ce comte accusé de plusieurs assassinatz, l'emmenerent prisonnier; dont M. de la Grange, gentilhomme de ce mesme pays, ayant eu advis y accourut pour sauver ce soldat, mais il feut aussy pris avec luy et mené à Aix, où le proces ayant esté fait par tout le Parlement assemblé, tant pour d'autres crimes que pour celuy là, on luy fit trancher la teste et ce soldat feut pendu; dont ce comte ayant fait grand bruit icy au Conseil et representé que ce proceddé estoit contre une declaration du Roy donné pres le voyage de Bourdeaux, par laquelle il estoit enjoint à ce Parlement de ne prendre aucune cognoissance pendant 4 mois des affaires qui regardoint tous ceux qui avoint suivy le party de ce comte, laquelle declaration feut veriffiée dans Aix, a obtenu un arrest portant que le raporteur de ce proces avec le President et le Procureur General seroint cittés au Conseil pour rendre raison de ce proceddé. Despuis les villes de Brignolles, Tarrascon [Tarascon] ont quitté le party et envoyé des depputtés à Aix, lesquelz on[t] esté fort bien receus.

Le Parlement d'Aix a donné arrest contre le cardinal Mazarin conformement à celuy de Paris, auquel il s'est uny en mesme temps. Celuy de Grenoble l'a donné de mesmes, quoy que les amis de MM. de Servient et Lyonne eussent fait leur possible pour l'empescher.

Les Parlementz de Rennes, Dijon, Pau, et Metz ne l'ont pas encor donné.

Le marquis de Rouvillac, cy devant ambassadeur en Portugal, ayant esté invitté la semaine passé par quelqu'ungs de la noblesse de se trouver à leur assemblée qui se tiennent maintenant tous les mercredy et sabmedy dans la grande salle des Cordelliers, et luy ayant esté dit qu'autrement il seroit declairé routurier, il leur respondit qu'il ne sçavoit pas en vertu de quoy ilz s'assembloint et qu'il n'y s'y /387v/ trouveroit pas si leurs assemblées n'estoint authorisées par le Roy et par le Conseil; sur quoy, le 6, il presentat requeste au Parlement pour estre mis soubz sa protection. En mesme temps le comte de la Chapelle, ballif de Sens, ayant sceu que ces messieurs avoint envoyé leur lettre circulaire dans les provinces, laquelle ilz ont fait imprimer avec l'escrit de leur union et le consentiment de S.A.R., sans l'adresser au baliff (lesquelz pretendent que c'est à eux à convoquer la noblesse), presenta une autre requeste pour demander que ce droit leur feut conservé; sur quoy les Enquestes ayant voulu s'assembler le 8, le Premier President n'y voulu pas consentir, et l'on resolut seulement d'envoyer des deputtés sur ce subject à M. le duc d'Orleans; ausquelz S.A.R. demanda un delay jusques à lundy prochain, pendant lequel elle parleroit de cette affaire au Conseil et leur rendroit response. Le mesme jour 8, l'assemblée de la noblesse esleut 2 autres presidentz: sçavoir M. d'Entragues et le comte de Fiesque, lequel y fit un fort beau discours, apres lequel il feut parlé de remedier à ce que le Parlement vouloit faire contre cette assemblée; mais il feut resolut d'attendre la desliberation du Parlement là dessus.

Le 6 Mme la Chancelliere arriva icy et a esté despuis fort visitté, ce qui avoit fait croire à quelq'ungs que M. le Chancellier pourroit estre bientost rappellé; mais les affaires n'y sont pas encor disposées.

Ledit jour un enseigne aux gardes venant du Palais Royal et voulant passer à la porte Daphine, la garde bourgeoise luy fermat la porte et l'obligeat à retourner vers le Pont Neuf. Le soir un gentilhomme voulant passer aussy sans s'arrester par la porte de Nesle, un sien lacquais tua sur la place la sentinelle qui la vouloit arrester, ce qui obligea le corps de garde de ce [se] saisir de ce gentilhomme et de son carrosse et de le mener prisonner à l'Hostel de Ville, dont il est despuis sorty en baillant caution, mais son lacquais se sauva.

Le prince François de Lorraine estant venu icy pour prester son serment et pour estre restably dans son evesché de Verdun, l'on a dressé les actes du Conseil, par lesquelz l'on l'oblige à prester serment comme vassal du Roy en execution de la paix de Munster.

On asseure que le Roy s'estoit disposé 2 fois, puis 8 jours, à sortir de Paris et qu'on l'a descouvert au Palais Royal, où les officiers de Leurs M. font une garde tout autre que celle des bourgeois aux portes.

Le comte de Saligny mourut hier en cette ville. Il avoit la charge de lieutenant des gendarmes du roy. Le comte de Miossens, qui n'en estoit que soubz lieutenant, feut recut, et tous les autres officiers de cette compagnie monterent de mesmes.

L'on eut advis de Picardie hier que 2 à 300 chevaux espagnolz estoint entrés dans le Boulonois et arrivés à Estaples [Etaples], 3 lieues de Montreuil; sur quoy le Conseil de guerre s'estant assemblé, il feut resolut que le mareschal d'Aumont partiroit ce matin pour y aller s'opposer à leurs desseings, en assemblant les communes, en attendant qu'il y aye des trouppes.

Le marquis de Montpesat prit hier congé pour partir ce matin avec les lettres de change de 1200 mille livres, payables à Lyon à 2 jours de veue par les fermiers de la douane. Les ordres ont esté envoyé aux trouppes qui sont en Provence et Dauphiné de s'acheminer promptement dans Casal, qui sera par ce moyen bientost muny de touttes prouvisions necessaires.

Le cardinal Mazarin estoit encor le 7 du courant à Retel, sans qu'on sceut quelle route il devoit tenir. Il a demandé qu'on luy continuat la qualité de premier ministre d'Estat pour 6 ans, encore qu'il feut absent, ce qui a donné belle matiere de risée. Le lieutenant general Rose le fait escorter par 400 chevaux, ce qui a obligé M. le duc d'Orleans d'envoyer un gentilhomme allemand à ce lieutenant pour luy demander raison de ce proceddé.

Le Parlement a envoyé ce matin MM. Meunier et Doujat au palais d'Orleans pour prier S.A.R. de se trouver demain à l'assemblée, ce qu'elle a promis de faire. On y doit desliberer sur le refus qu'a fait M. le Garde des Sceaux de sceller la declaration touchant l'exclusion des estrangers en la forme qu'on la demande pour l'arresté du 2 de ce mois.

Le filz de M. le duc de Nemours est mort ceste apresdisnée.

/390/ De Paris le 17 mars 1651

Le x du courant M. le Coadjuteur recommencea d'aller au Palais Royal, où M. le duc d'Orleans le presenta à la Reyne, à laquelle, apres avoir fait son compliment, il dit que si les mauvaises impressions que ses ennemis avoint donné à Sa M. le rendoint encor suspect, il estoit tout prest de se retirer hors de Paris si c'estoit la volonté de Sa M., et s'il luy plaisoit de luy nommer un lieu où il peut estre en seurté; sur quoy M. le Garde des Sceaux, qui avoit esté visitté le mesme jour par M. le Coadjuteur, dit à la Reyne qui [qu'il] seroit tousjours sa caution; et cette generositté feut d'autant plus remarquée que despuis longtemps il n'avoit pas eu de plus grandz ennemis que M le Coadjuteur. La Reyne le receut fort bien et luy tesmoigna qu'elle ne songeoit plus au passé, mais l'on remarqua 2 jours apres que s'estant trouvé à la messe de Sa M., elle ne luy parla point.

S.A.R. presenta aussy à la Reyne M. de Beaufort, qui feut encor mieux receut, Sa M. ayant eu une heure de conference avec luy. Le mareschal de la Mothe a esté aussy fort bien receu de Sa M.
Le mesme jour le Conseil s'estant tenu au Palais Royal, on parla entre autres choses de la fonction de lieutenant general de l'Estat que S.A.R. veut faire entierement; et l'on asseure que despuis l'on a reglé avec celle les attributs et prerogatives qui apartiennent à cette charge, dans laquelle Sadite A. nommera aux charges de la guerre, et l'on n'expediera aucung ordre qui ne soit signé d'elle.
Le mesme jour le Parlment s'estant assemblé et M. le duc d'Orleans s'y estant trouvé avec M. le Prince, il y eut un arrest fort notable contre le cardinal Mazarin suivant l'advis de S.A.R. Cest arrest est imprimé, et les nouveaux commissaires qui feurent depputtés pour aller commencer les informations à Dourlens [Doullens] et suivre la route que le Cardinal a tenu, sont sur le point de partir, n'ayant attendu jusques icy que de l'argent pour faire leur voyage.

 Le mareschal d'Aumont n'est pas allé dans le Boulenois [Boulonnais] quoy que cela aye esté resolu la semaine passée au Conseil de guerre, parce que les ennemis en sont sortis apres avoir pillé quelques villages et essayé inutillement de faire contribuer la ville d'Estaples et les autres bourg qui ne contribuent au gouverneur de St Omer, et se sont retirés à Liliers [Lilliers].

Le mesme jour M. de Marchin arriva en cette ville et feut fort caressé de M. le Prince. Le lendemain il visitta le duc d'Orleans, qui le receut aussy fort bien et le presenta le 13 à la Reyne, laquelle luy fit grand accueil.

Le mesme jour M. du Plessis Belliere arriva aussy en cette ville, où il feut bien receut de toutte la Cour et de M. de Longueville, auquel le comte de Quinsay remit aussy le chasteau de Caen le 13, sans condition, remettant aussy à sa generositté de luy en procurer la recompense.

Le 12 au matin M. le Prince partit d'icy pour aller au devant de Mme de Longueville, qui la rencontra à Meaux; et le lendemain au soir elle arriva icy, accompagnée de grand nombre de personnes de condition qui luy estoint allés au rencontre, entre autres des ducs de Nemours et de Bouillon, du Coadjuteur, et de Mme de Richelieu (qu'elle receut asses froidement), et du sieur de Chamboy, qui estoit allé avec plus de 300 gentilhommes et 20 ou 30 trompettes. A son arrivée l'on defoncea quelques tonneaux de vin devant la porte de son hostel. Elle feut aussytost accablée de visittes. M. le duc d'Orleans la feut veoir aussytost qu'elle feut arrivée, et Mademoiselle aussy, accompagnée de Mlle de Guyse. Le lendemain la grande foule de visittes continua, et ce ne feut qu'hier /390v/ qu'elle feut visitter la Reyne, M. le duc d'Orleans, et Mademoiselle, où elle feut partout bien acceuillie.

Le cardinal Mazarin n'avoit point esté jusques icy à Sedan ny à Bouillon, quelque bruit que ses emissaires en ayent fait courir. Il ne partit de Retel que le 7 de ce mois, faisant publier qu'il prenoit le chemin de la Lorraine et qu'il alloit à Schelstat [Sélestat] en Alsace; mais au lieu de prendre ce chemin, il feut coucher à 3 lieues de Ste Menehoud pour chercher l'occasion de rencontrer Mme de Longueville à son passage, laquelle evita ce rencontre; et lors qu'il la fit pressantir pour sçavoir si elle auroit agreable qu'il la saluat, elle respondit qu'elle ne le vouloit pas veoir; cepandant quelques coffres de son bagage, qui est fort petit, feurent pillés par des paysans; et s'en retourna à Rhetel, d'où il escrivit une lettre à la Reyne, laquelle il adressa à M. de Beringhan, qu'il a [qui l'a] receut le 14, par laquelle il mande à Sa M. qu'il estoit obligé de changer de desseing qu'il avoit pris d'aller passer par la Suisse, à cause qu'il ne croit pas y trouver de seurté, cette nation estant mescontente de ce qu'il n'a pas peu luy faire payer ce qui luy est deubt; mais qu'il prie Sa M. de ne pas prendre cela pour mespris de ses ordres, protestant qu'il les executeroit tousjours auveuglement de point en point. Il avoit chargé M. de Bellingant de dire la mesme chose à M. le duc d'Orleans. Il est maintenant dans Sedan incognito, M. Faber ne l'ayant voulu recevoir autrement à cause des arrestz du Parlement.

La Reyne a choisy M. le Garde des Sceaux pour son principal conseiller, car il ne prent point la qualité de premier ministre, et luy confie tous ses secretz.

Le Conseil de conscience ce [se] tient à present tous les lundy. M. de Lyonne y assiste pour la Reyne, M. le Garde des Sceaux y preside, et l'on en a exclus l'evesque Cohon.

Il feut resolu au Palais Royal sur la fin de la semaine passée que les secretaires d'Estat mettront en execution, chacung dans son departement, les resolutions du Conseil; que chacun fera touttes les expeditions qui luy apartiendra, au lieu qu'auparavant le cardinal Mazarin les faisoint faire à M. Le Tellier, son confident.

Le 13 les mareschaux de France s'estant assemblés ches le mareschal d'Estrées, leur doyen, par ordre de la Reyne pour aviser aux moyens pour empescher les duelz, ilz commirent MM. d'Estrées, de Schomberg, et de l'Hospital pour en dresser une declaration. Ilz resoleurent aussy que leur antien, comme representant le connestable, prendroit le dessus devant les princes estrangers et devant les ducs et pairs.

Le Parlement de Bretagne n'a pas encor donné contre le cardinal Mazarin, et celuy de Dijon l'a donné. Le sieur de Castelnau Mauvissiere fait fortiffier Brest en Basse Bretagne, ce qu'il [ce qui?] surprend, d'autant plus qu'on ne sçait de qui il en a ordre.

L'assemblée de la noblesse ayant envoyé dès la semaine passée semondre MM. les mareschaux de France d'assister à leurs desliberations, ilz s'assemblerent le x du courant ches le mareschal d'Estrées pour desliberer ce qu'ilz auroint à faire là dessus, et resoleurent d'envoyer leur response chacung en particulier, comme ilz firent le lendemain, s'estant tous excusés sur divers sujetz de ne se pouvoir trouver à cette assemblée, à la reserve du mareschal de Schomberg, qui manda que si on luy vouloit donner sceance, il s'y trouveroit; sur quoy l'assemblée qui ce [se] tient ce jour là ayant desliberé, resolut de ne luy en point donner, puisque les mareschaux de France n'en ont point aux Estatz Generaux. Ensuitte on parla de la requeste du marquis de Rouvillac, qu'on fit passer pour fol; et l'on en remit la desliberation au 15, 8 heures du matin. L'on y parla /391/ aussy d'exclurre de cette assemblée quelq'ungs qui se pretendent nobles et qui ne le sont pas; et sur cela quelq'ungs vouloint qu'on leur fit affront de les chasser, mais d'autres plus moderés firent resoudre qu'on les avertiroit doucement de se retirer.

MM. du clergé n'on[t] pas oublié de se servir de la conjoncture de cette assemblée pour tascher d'abattre un peu l'authorité du Parlement qu'il a prise despuis les commencementz des troubles, et de se venger de ce qu'ilz insistent tousjours à faire exclurre les cardinaux françois du ministere. Pour cest effectz ilz ont mesnagé les espritz des principaux qui assistent à cette assemblée de noblesse, et ont tant fait qui les ont obligé à resoudre l'union du clergé pour demander les Estatz Generaux du rouyaume. A cette fin les ungs et les autres s'estant assemblés le 15, à 8 heures du matin, sçavoir le clergé aux Augustins et la noblesse aux Cordeliers, celuy cy resolut d'abord cette union et que le Reyne seroit tres humblement suppliée de convoquer les Estatz Generaux presentement et de faire travailler à la paix generalle. En mesme temps elle depputta le comte de Fiesque, l'ung de ses presidentz, accompagné d'ung gentilhomme de chasque province, vers MM. du clergé pour les prier de s'unir avec elle dans cette resolution; et ce comte, apres avoir esté receu fort honnorablement de ceux cy, leur fit une tres belle harangue qu'il avoit preparée; à laquelle l'archevesque d'Ambrun fit une belle response que le clergé louoit fort les desseings que la noblesse avoit pour le bien de l'Estat, qu'il feroit son possible pour y contribuer, qu'il alloit desliberer sur la proposition que ce comte venoit de faire, et qu'aussytost il en envoyeroit la response à MM. de la noblesse. Et comme c'estoit un affaire concerté, le clergé n'employa pas demy heure à resoudre cette union et envoyer d'abord avertir la noblesse par les evesques de Comminges et d'Orleans, accompagnés de 6 autres esclesiastiques du 2 ordre. Ces 2 prelatz y feurent en rochet et camail, afin de donner cette marque d'aprobation à MM. de la noblesse. Le premier y porta la parolle et fit un fort beau discours par lequel, apres avoir fort loué les bons desseings de ce noble corps, il dit que MM. du clergé entroint dans tous ses sentimentz et protestoint de ne s'en point desunir; apres quoy la noblesse remit son assemblée à l'apresdisnée du lendemain, qui estoit hier. Cepandant le Parlement, qui ne souhaitte pas la convocation des Estatz Generaux, s'assembla le mesme jour 15 pour desliberer sur les moyens d'empescher l'assemblée de la noblesse, depputtat MM. Doujat et Menardeau à M. le duc d'Orleans, qui estoit au lict malade des gouttes, pour le prier d'aller aujourd'huy prendre sa sceance au Parlement afin de travailler à faire cesser les assemblées de noblesse, qui font tant de bruit par toutte la France et dont les suittes pourroint estre dangereuses; à quoy S.A.R. respondit que despuis qu'elle avoit assisté à ces dernieres assemblées du Parlement, il ne s'estoit point parlé de cette affaire; laquelle faisant naistre des nouveaux sujectz au Parlement de s'assembler, il estoit important d'en parler au Conseil, ce qu'elle feroit le lendemain et leur en rendroit response. La raison pour laquelle le clergé et la noblesse allerent si viste à resoudre la demande des Estatz Generaux estoit pour ne donner point de temps au Parlement de fronder pour traverser ce desseing; mais la Reyne et M. d'Orleans n'estant pas dans le sentiment de ces deux corps, tendrent Conseil hier matin sur ce subject et resoleurent de leur respondre que les Estatz Generaux seroint convoqués pour le premier octobre prochain à Tours. Aussytost apres cette resolution, S.A.R. manda M. d'Antragues et le comte de Fiesque, presidentz de la noblesse, lesquelz l'estant venu trouver avec /391v/ quelques depputtés, elle leur dit ce qui avoit esté arresté au Conseil et les pria de cesser les assemblées; à quoy ilz insisterent fort, notanment le comte de Fiesque, qui dit que les Estatz Generaux se pouvoint convoquer dans 2 ou 3 mois et qu'autrement la noblesse auroit subject de craindre qu'on le voulut amuser, parce qu'au mois d'octobre le Roy seroit majeur. S.A.R. ayant reparty à cela qu'il n'appartenoit qu'aussy au Roy de les convoquer et que les Estatz ne ce [se] tenoint pas pendant la Minorité, ilz replicquerent que cela n'estoit pas sans exemple et qu'on les avoit veu tenir à Tours soubz la Minorité de Charles 8; mais elle leur dit que c'estoit pour eslir un regent, qui estoit un subject bien autre que celuy cy; sur quoy ce comte insistant tousjours et demandant que la noblesse demeurat assemblée jusques à ce que les Estatz ce [se] tiendroint, S.A.R. se fascha et dit qu'elle n'avoit consenty que la noblesse s'assemblat que pour dresser les cahiers de leurs plaintes et se separer aussytost; qu'elle les luy avoit mis entre les mains, et que les deux veritables subjectz pour lesquelz il y avoit donné son consentement n'estoint que pour obtenir la liberté de MM. les princes et l'exclusion du cardinal Mazarin; que ces 2 subjectz n'estant plus, il falloit cesser les assemblées, d'autant plus que ceux qui luy en firent la premiere proposition demeurerent d'accord de se separer quant elle voudroit, et que cette condition est dans l'escrit qu'elle leur en donna; mais elle n'eut point d'autre response sinon qu'ilz en deslibereroint; et sur cela ilz partirent pour aller à leur assemblée, où cepandant qu'on parloit de cette affaire, le mareschal de l'Hospital arriva et leur dit de la part de la Reyne la resolution qui avoit esté prise le matin au Conseil, et que Sa M. desiroit qu'ilz se separassent; à quoy ilz luy respondirent qu'ilz en deslibereroint et en rendroint response à Sa M. Cepandant ilz ne travaillerent à autre chose qu'à eslire 4 commissaires pour aller et venir à l'Assemblée du clergé porter leurs propositions et recevoir celles des prelatz.

Hier au soir M. le duc d'Orleans avoit resolu ce matin d'aller au Parlement; mais s'estant trouvé malade et ayant jetté une pierre par la verge, il n'a pas peu y aller et y a envoyé M. Goulas pour prier le Parlement de remettre jusques à jeudy prochain, dans lequel temps il verroit s'il y a quelque moyen de faire cesser les assemblées de la noblesse et en rendroit response; sur quoy le Parlement ayant desliberé, a resolu d'accorder à S.A.R. ce qu'elle demandoit. Elle luy a envoyé dire cette resolution par MM. Doujat et Menardeau, ayant remis son assemblée à demain pour parler des moyens d'obtenir la declaration du Roy pour exclurre du ministere d'Estat les cardinaux aussy bien que les estrangers.

Le marquis de Gevres espousa hier au matin Mlle de Fontainé Mareuil, ayant refusé la fille de M. de Lyonne, grand audiantier, qui a 500 mille livres de dot, laquelle on parle de marier avec le marquis de Chappes, filz du mareschal d'Aumont.

Le marquis de Flamarin ayant traitté avec le duc d'Amville de la charge de premier gentilhomme de la chambre de S.A.R., moyenant 100 mille livres, dont il en a payé 20 mille livres d'argent comptant, le vicomte d'Autel, son cappitaine des gardes, a prié Sadite A. de luy permettre d'en traitter et de se faire de la sienne; ce qui luy ayant esté accordé, le premier en auroit esté exclus si celuy cy en avoit voulu donner autant que luy; mais il n'en a encor offert que 25 mille escus.

/392/ Mme la Princesse devoit arriver icy il y a 2 ou 3 jours, mais elle est tombée malade en chemin d'une squinance qui l'a arresté quelques jours au chasteau de La Mothe [Lamotte-Beuvron], 12 lieues d'Orleans. Elle est guerie et poursuit son chemain et est attendue icy demain.

Ce matin MM. de la noblesse estant assemblé, ont envoyé les 4 commissaires qui [qu'ilz] nommerent hier au soir, qui sont MM. de Vitry, d'Ouailly, de Bethune, et de Montresor, à l'Assemblée du clergé pour leur faire part de ce que M. le duc d'Orleans leur avoit dit et de ce que le mareschal de l'Hospital leur estoit venu dire de la part de la Reyne, et les prier d'y desliberer; à quoy l'archevesque d'Ambrun leur a respondu qu'on y alloit travailler et qu'ilz en sçauroint la response apres midy par la bouche de l'evesque de Cominges; ches lequel estant allés, il leur a dit que le clergé n'avoit peut achever ses desliberations et qu'il les prioit de surceoir l'affaire jusques à demain, unze heures du matin, dans lequel temps ilz auroint la response; sur quoy ilz ont resolu d'envoyer faire compliment au mareschal de l'Hospital et luy dire qu'ilz n'avoint encor peut desliberer sur les propositions qui [qu'il] leur apportat hier de la part de la Reyne, à quoy ilz doivent travailler demain et commencer à 21 heures pour continuer jusques au soir. Cepandant ilz estoint aujourd'huy 6 à 700, tous resolus à s'obstiner dans la demande que les Estatz Generaux se tiennent dans 3 mois au plus tard.

On continue la garde bourgeoise aux portes de la ville.

/394/ De Paris le 24 mars 1651

La semaine passée on eut advis de Bretagne que l'evesque de Leon estoit mort dans son evesché le 8 du courant. Il avoit 3 abbayes, sçavoir celle de Relec de 20 mille livres de rente, celle d'Orbais de 4 mille livres, et celle de Doulas [Daoulas] de 8 mille livres. M. Le Tellier demanda d'abord la premiere pour son filz, et la Reyne la luy fit esperer, mais le lendemain il falut la donner à M. de Feuquieres pour le recompenser de celle de Beaulieu, qui vaut 25 mille livres de rente, laquelle on l'oblige de rendre au prince François de Lorraine. Des 2 autres, l'une a esté donné à M. Le Tellier et l'autre à M. de Lyonne pour leur filz, quoy que M. le duc d'Orleans en eut demandé une pour l'abbé de Boiochus, son ausmonier. Quant à l'evesché, il y a 2 principaux pretendantz, sçavoir l'abbé de Boisdauphin, qui en demandoit la coadjutorie despuis longtemps, et l'abbé de Jacinthe. On croit que le premier l'emportera.

Le 17 M. de Broussel commencea d'ouyr quelques tesmoings qui ont deposé contre le cardinal Mazarin, entre autres un qui declara qu'il avoit travaillé à oster des pierreries de la Coronne quelques diamantz, et y en avoit remplacé d'autres faux, ayant employé les bons à faire des chaisnes de diamantz pour les niepces du cardinal Mazarin. Un autre declara qu'on trouveroit dans les registres du banquier Cantarini que le cardinal Mazarin recevoit tous les ans 800 mille requins de pension que le Grand Turc luy faisoit tenir par la voye d'ung marchand de Marseille pour empescher que la paix ne ce [se] fit avec Espagne. Un autre dit avoir aydé à transporter 60 quaisses d'or et d'argent qu'il envoyoit en Italie.

Le mesme jour M. Servien estant allé à l'hostel de Longueville, le Suisse ne le voulut point laisser entrer, ayant pris l'halebarde pour l'empescher, l'appellant fourbe et traistre et luy reprochant d'avoir empesché que son maistre ne fit la paix à Munster. Ce Suisse fit le mesme affront à M. de Matignon, luy reprochant d'avoir abandonné le party de son maistre.

Le mesme jour MM. de la noblesse envoyerent dire au clergé qu'ilz estoint d'advis de faire des remonstrances à la Reyne pour demander que les Estatz Generaux feussent convoqués au premier de julliet dans Paris, et qu'en ce cas ilz prieroint le clergé de les accompagner lors qu'ilz feront ces remonstrances; à quoy ce dernier corps respondit que son rang luy donnoit la prerogative de s'y faire accompagner, et non d'y accompagner les autres, mais qu'il se chargeoit de faire des remonstrances; à quoy la noblesse demeura d'accord.

Le 18 l'evesque de Cominges feut à l'assemblée de la noblesse porter la response que le clergé leur avoit promise, laquelle estoit que la resolution qu'on avoit à prendre sur les Estatz Generaux estoit de si grande importance qu'il estoit à propos d'y apporter touttes les precautions necessaires; et qu'avant que la prendre, le clergé estoit d'advis qu'on envoyat une deputation honnorable à M. le duc d'Orleans pour le supplier de vouloir continuer sa protection à la noblesse et de consentir qu'elle accompagnat le clergé au Palais Royal, pour y faire des remonstrances à la Reyne et luy demander la convocation des Estatz au premier de julliet, et que cepandant il feut permis à la noblesse de continuer ses assemblées; sur quoy il feut arresté qu'on feroit cette deputation et que les 2 presidentz et les 2 deputtés de chasque province iroint à cette fin trouver S.A.R.

/394v/ Le mesme jour MM. d'Haligre et Gargan feurent à l'Assemblée du clergé dire que la Reyne desiroit qu'elle finit entierement ses assemblées, à quoy elle respondit qu'elle y deslibereroit.

Le mesme jour Mme la Princesse arriva icy. M. le Prince luy alla au devant jusques à Juvisy avec M. le prince de Conty, M. et Mme de Longueville. L'on remarqua qu'elle entra par la porte St Marcel, où elle donna 40 pistolles à ceux qui estoint en garde, et apres ressortit par la porte St Jacques pour aller à l'hostel de Condé, où estant arrivée, elle envoyé le comte de Tavanes faire son compliment à la Reyne. M. le duc d'Orleans l'alla visitter, et Mademoiselle aussy.

Ledit jour on eut advis de Champagne que la garnison de Damvilliers y avoit arresté prisonnier le sieur de Becherelles, leur gouverneur. Le suject de cette action est le desir qu'ilz ont de se mettre bien avec M. le prince de Conty et de luy rendre la place, que Becherelles vouloit aussy remettre entre les mains de ce prince s'il luy en eut voulu donner recompense.

Le gouvernement de Caen a esté donné à M. de Chamboy; celuy de Dijon n'est pas encor donné, M. de Longueville en voulant gratiffier quelq'ung et Mme de Longueville l'ayant promis à un autre. Il y a eut quelque autre division entre eux, et l'on remarqua que M. de Longueville n'alla point au devant de sa femme lors qu'elle arriva icy, et qu'il alla ches les baigneurs en mesme temps qu'elle arriva icy et y feut asses longtemps, quoy que l'on l'allat querir plusieurs fois. Cette froideur luy venoit de ce qu'il a trouvé qu'elle fait tropt de despense, ayant vendu ou engagé touttes ses pierreries, apres avoir consommé tout l'argent qu'elle a peut trouver par emprunt ou autrement.

Le 19 au matin la noblesse ayant envoyé à M. le duc d'Orleans la deputation qui avoit esté resolue le jour precedent, le comte de Fiesque y fit une fort belle harangue par laquelle il demanda ce que le clergé avoit jugé à propos. S.A.R. respondit qu'il donneroit tousjours à MM. de la noblesse toutte la protection qu'elle pourroit et feroit tous ses effortz pour obtenir de la Reyne ce qu'ilz desiroint. L'apresdisnée ilz s'assemblerent encor, et ce comte y fit le rapport de cette deputation, apres quoy l'on resolut que les 2 presidentz iroint le lendemain querir la response que S.A.R. auroit eu de la Reyne.

Le mesme jour M. le duc d'Orleans chargea le Pere Paulin, Jesuiste, confesseur du roy, de disposer l'esprit de la Reyne à consentir que les Estatz Generaux feussent convoqués devant la majorité du Roy, afin d'eviter les inconvenientz qui pourroint arriver si elle refusoit, pour ce que dans ses divisions, si on portoit le Parlement à s'y opposer, il y pourroit avoir effusion de sang; à quoy ce pere promit de faire son possible; mais MM. Servien et Le Tellier ayant conferé là dessus, envoyerent ce pere au Premier President pour luy faire recit du discours de S.A.R., laquelle estant allée le soir du mesme jour au Palais Royal avec MM. les princes pour en parler à la Reyne, ilz la trouverent /395/ plustost disposée à se mettre en colere que leur rien accorder; et Sadite A. luy ayant dit qu'elle ne voyoit point de moyen pour refuser cette demande à la noblesse, Sa M. luy repartit qu'elle ne vouloit point la resolution prise par leur propre advis au Conseil; ce qui obligea M. le Prince de repartir que son advis n'avoint point esté de remettre la convocation des Estatz Generaux au premier octobre, mais bien celuy des autres, qui avoit prevalu au sien. S.A.R. ayant adjousté que l'assemblée de la noblesse grosissoit tous les jours, qu'elle estoit composée aujourd'huy de 500 personnes, et qu'elle le seroit demain de 800, Sa M. repliqua que quand il y en auroit 2000, elle n'en feroit rien; et apres quelques autres parolles, s'estant retirée dans son cabinet, sortit là dessus. En mesme temps cette disputte esclattat fort, et l'on a despuis remarqué tous les jours que les espritz du Parlement ce [se] sont partagés là dessus et qu'il y en a la pluspart dans les sentimentz de la Reyne; et que M. Coulon entre autres l'ayant salué le 18, presenté par le mareschal de Grammont, elle le receut fort bien; et que le mesme jour elle envoya au cardinal Mazarin de sortir de France. Pour ce qui est de la garde que l'on fait aux portes de cette ville, Sa M. dit qu'elle ne se soucie point qu'on la fasce ou non, parce que si on la fait cesser par ses ordres, l'on feroit courir des bruitz qui donneroint des deffiances au peuple qu'elle vouleut sortir de Paris avec le Roy; et d'autre costé S.A.R. a consideré que s'il la faisoit lever de son authorité et que le Roy vint apres à sortir, on pourroit luy en attribuer la faute. Ainsy la garde continue encor.

Le 20 l'affaire de la satisfaction de M. de Bouillon feut reglée ches M. d'Ormesson, conseiller d'Estat, depputté à cette fin avec d'autres; et suivant la commission qu'ilz en avoint, ilz luy adjugerent, en execution de son traitté de Sedan, le duché d'Albret, en eschange duquel on donne celuy de Bourbonnois à M. le Prince, le duché de Chasteau Thierry, les comté d'Evreux et d'Auvergne, la baronnie de La Tour, avec les terres de Conches, Reteuil [Breteuil], et Clermont en Normandie, qu'on evalue à 7 millions; et outre cela on a donné à ce duc 700 mille livres d'assignation pour le non jouyssance et pour l'artillerie et munitions trouvées dans Sedan lorsqu'il traitta; de touttes lesquelles choses on dressera une declaration qu'on envoyera au Parlement pour la veriffier.

Le mesme jour le clergé s'assembla pour desliberer sur la response qu'il auroit à la Reyne touchant la proposition que MM. d'Aligre et Gargan luy estoint venus faire de sa part; mais il n'y eut rien de resolut, parce que des 15 prouvinces, il y en eut 7 qui estoint d'advis de continuer l'Assemblée et 7 autres de la finir, suivant le desir de la Reyne; et la 15 feut caducque. Ilz feurent partagés de mesmes si on insisteroit à demander les Estatz Generaux devant la majorité du Roy, ou non.

Le mesme jour le Parlement estant assemblé pour deliberer sur les moyens d'obtenir la declaration du Roy pour exclurre du ministere les cardinaux françois, le Premier President dit d'abord qu'il y avoit des affaires de bien plus grande consequence à traitter, et qu'il seroit sceu de tres bonne part qu'il y avoit une conspiration contre les principaux d'entre eux, qu'on l'avoit /395v/ asseuré qu'il y auroit effusion de sang, et qu'il estoit question de donner ordre à prevenir ce mauvais desseing; sur quoy on le pressa fort de s'explicquer, mais il dit qu'il n'en pouvoit pas dire davantage jusques à la premiere assemblée. M. Pithon repartit, là dessus, non ne estu qui conturbas Israel, aut filii domus tuae.

 Quant au suject pour lequel ilz estoint assemblés, il feut arresté que MM. les Gens du roy retourneroint au Palais Royal pour demander la declaration et qu'on inviteroit M. le duc d'Orleans et MM. les princes de venir le lendemain prendre leurs places au Parlement.

L'assemblée de la noblesse qui se tient en mesme temps, arresta seulement que les 2 presidentz retourneroint le soir ches M. le duc d'Orleans pour sçavoir s'il auroit obtenu quelque chose de la Reyne; ce qu'ayant fait, S.A.R. les pria de surseoir leur desliberation touchant la convocation des Estatz, parce qu'il esperoit encor de persuader à la Reyne de leur donner contentement.

Le 21 au matin M. de Beaufort alla au Parlement et dit que M. le duc d'Orleans l'avoit chargé de prier la Compagnie de surceoir l'assemblée jusques au lendemain, et qu'il leur feroit cognoistre qu'on avoit tres mal interpretté les parolles qu'il avoit dittes et dont le Premier President avoit parlé le jour precedent à la Compagnie; sur quoy l'assemblée feut remise à hier suivant le desir de S.A.R.
L'apresdisnée l'assemblée de la noblesse ayant mis en desliberation si elle devoit obtenir à quelque prix que ce feut la convocation des Estatz Generaux devant la majoritté du Roy ou apres, ou si elle devoit encor donner à M. le duc d'Orleans le temps que le Parlement luy avoit donné, ce dernier advis feut suivy.

Le soir M. de Beaufort se mit à genoux devant la Reyne pour la supplier d'accorder à la noblesse ce qu'elle demandoit, mais cela ne servit de rien.

Le mesme jour les articles du mariage du prince de Conty avec Mlle de Chevreuse feurent signés ches Madame sa mere, où S.A.R., M. le Prince, Mme de Longueville, M. le Coadjuteur, et quelques autres souperent. Neamoings M. le prince de Conty ne s'y peut pas trouver à cause d'une blessure qu'il avoit receue à la jambe deux jours auparavant.

L'on a remarqué que dans la conjoncture de ces divisions, le mareschal de Grammont s'est entirement mis dans le party de la Reyne, et qu'il a fort travaillé à luy acquerir les espritz du Parlement. Il feut le 21 trouver M. le duc d'Orleans, et luy dit qu'il supplioit S.A.R. de luy pardonner de ce qu'il estoit obligé de luy representer que ses [ces] assemblées de noblesse estoint contre l'authorité du Roy, et que l'on n'y agissoit que par interest particulier; qu'il n'estoit plus question de la liberté de MM. les princes ny de l'exclusion du cardinal Mazarin; et qu'il croyoit que le proceddé de la Reyne estoit juste, et que Sa M. esperoit qu'elle feroit cesser ses [ces] assemblées et qu'elle l'iroit veoir pour en concerter les moyens; apres quoy S.A.R. et Madame feurent au Palais Royal, l'ung apres l'autre, et y redoublerent leurs effortz pour obtoenir ce que la noblesse desiroit; mais la Reyne protesta tousjours qu'elle n'en feroit rien, quoy qu'il en deut arriver, parce qu'elle estoit persuadée que les Estatz Generaux voudroint parler de prolonger la Minorité du Roy, comme il s'en est passé au commencement de cette assemblée.

/396/ Le mesme jour MM. du clergé envoyerent des depputtés au Palais Royal, où l'archevesque d'Ambrun y porta la parolle et donna à la Reyne et à M. le Garde des Sceaux, et aux secretaires d'Estat, l'opposition qu'ilz ont fait par escript à la declaration pour exclurre des Conseilz du Roy les cardinaux françois.

Le 22 MM. de la noblesse esleurent 2 nouveaux presidentz: sçavoir les marquis de Fosseuse et de Coasquin, et remirent au lendemain la desliberation sur la demande des Estatz Generaux.

Le mesme jour la Reyne envoya les lettres de convocation des Estatz Generaux aux provinces de Paris, Touraine, et Anjou.

Hier le Parlement estant assemblé, M. le duc d'Orleans s'y estant trouvé avec M. le Prince, les ducs de Beaufort, de Joyeuse, de Mercoeur, de Brissac, et de Luynes, les mareschaux de la Mothe, de Grammont, et d'Estampes, S.A.R. dit qu'on avoit mal à propos allarmé la Compagnie en luy faisant entendre qu'il y avoit des conspiration contre elle et qu'il y auroit effusion de sang; qu'en cela on avoit tres mal interpretté ses parolles; qu'elle n'avoit parlé de cette affaire que par un esprit de prevoyance, en disant seulement les inconvenientz qu'elle en jugeoit pouvoir arriver, sans qu'on eut songé à les faire naistre; mais qu'on avoit voulu se servir de ce moyen pour commettre le Parlement avec la noblesse et diviser les espritz, comme on l'avoit voulu desunir elle mesme d'avec M. le Prince; qui dit aussytost que cela estoit vray et qu'on y avoit fait tout ce qu'on avoit peut; que veritablement le cardinal Mazarin estoit à present hors du rouyaume, quoy qu'il n'en feut pas fort esloigné, mais que son esprit estoit encor dans Paris puisque MM. Servient, Le Tellier, et Lyonne y sont, et la femme de Navailles, qui est un domestique du cardinal Mazarin, lesquelz obsedent l'esprit de la Reyne et l'entretiennent dans l'aversion contre tous ceux qui ne sont pas amis du cardinal Mazarin.; à quoy S.A.R. adjousta qu'il estoit necessaire d'y pourveoir; qu'elle esperoit que le Parlement, ayant si bien commencé à travailler pour le bien de l'Estat en chassant le Mazarin, il acheveroit cet ouvrage en contribuant à faire esloigner ces 4 personnes aussy bien que leur maistre, afin d'establir l'union et le repos dans la maison du Roy et par toutte la France; à quoy le Premier President fit une response asses hardie, ayant dit que si autrefois sa compagnie avoit travaillé à destruire la calotte rouge, qu'il y en avoit une noire que n'en donnoit à present moings de suject, voulant parler du Coadjuteur, son ennemy; et que quant à MM. Servient, etc., S.A.R. avoit asses de pouvoir pour les chasser elle mesme, et qu'il n'appartenoit pas au Parlement de s'en mesler; sur quoy S.A.R. ayant demandé qu'on y desliberat, le Premier President dit qu'il falloit plustost desliberer sur les moyens d'empescher ces assemblées de noblesse qui ce [se] faisoint tumultuairement, sans le consentement du Roy, contre les loix de l'Estat; ce qui obligea S.A.R. à demander 3 jours pour veoir s'il pourroit trouver les moyens pour accommoder cest affaire, ce qui luy feut accordé apres beaucoup de contestations sur divers incidentz de cest affaire, dans lesquelz plusieurs parlerent diversement; /396v/ et l'on remarqua que le Premier President dit que n'eut esté le respect qu'on avoit porté au consentement de S.A.R. à la noblesse de s'assembler, l'on auroit desja donné des arrestz contre eux, lesquelz on auroit peut faire executter avec d'autant plus de facilité qu'ilz auroint esté appuyés de l'authorité du Roy; et qu'enfin ces messieurs faisoint la moindre partie de la noblesse et ne travailloint que pour leur interest particulier; et qu'enfin ilz se devont contenter de donner leurs cahiers de leurs plaintes conformes à ce qui est contenu dans l'escrit de S.A.R., sans s'ingerer de demander les Estatz Generaux, qui ne pouvoint estre convoqués que par le Roy seul; apres quoy le mareschal de Grammont representa le profit que les ennemis tiroint de ces divisions si on ne songeoit à les accommoder, et qu'ilz ne feroint jamais la paix tandis qu'ilz nous verroint en trouble. M. de Broussel ayant voulu dire, entre autres choses, qu'on ne payoit point les gens de guerre, que neamoings il sçavoit bien qu'il y avoit du fond, le president de Maisons le maltraitte fort de parolles, ayant dit que veritablement il y avoit eu du fondz pour payer son filz, gouverneur de la Bastille, mais quil n'y en avoit point pour le reste, et qu'il en parloit ignorant et en fol; et ainsy, apres plusieurs cohues, l'assemblé feut remise à lundy. A la sortie on remarqua que plusieurs presidentz et conseillers remertierent le mareschal de Grammont de ce qu'il avoit fait venir au Palais quelques soldatz et gardes inconneus, pour empescher le desordre en cas qu'il y en eut, et le prierent d'asseurer la Reyne qu'ilz estoint à elle.

L'apresdisnée M. le duc d'Orleans envoya le sieur de Sommeny, un de ses gentilhommes, à la Reyne pour la prier de l'excuser s'il ne pouvoit aller ce jour là au Palais Royal, disant qu'ayant esté obligé de parler ce matin au Parlement de l'exclusion de MM. Servient, etc., il craignoit que cela donna suject à la Reyne d'en venir à quelque parolle avec luy qui la pourroit fascher, et qu'il vouloit eviter cela; apres quoy le sieur Bautru feut au palais d'Orleans pour persuader à S.A.R. de ne laisser pas de veoir la Reyne, ce que S.A.R. ne voulut pas faire.

Le matin M. le Prince a longtemps conferé avec S.A.R. et les principaux de la noblesse pour examiner les moyens d'accommoder l'affaire de la convocations des Estatz, dont on espere bientost venir à bout.

L'apresdisnée le Conseil de guerre se devoit tenir au palais d'Orleans, mais la Reyne ne l'a pas voulu à moings que MM. Servien et Le Tellier y assistassent, ce qui a esté cause qu'il n'y a point eu de Conseil, et S.A.R. au lieu d'aller au Palais Royal est allé à la chasse.

L'on a donné à M. le duc d'Orleans la place d'Ayguemorts [Aigues-Mortes] avec touttes les dependances en proprietté. Le Roy en doit recompenser tous les officiers, et S.A.R. en doit mettre à sa devotion.

/397/ Le Parlement d'Aix a donné arrest le 15 portant quil sera informé contre le duc d'Angoulesme.

Le cardinal Mazarin passa le xi à Clermont, revenant de Nancy accompagné du mareschal de Seneterre; d'où il alla coucher le lendemain à Sedan, où M. Faber le receut fort bien, l'ayant fait saluer de 50 volées de canon. Il en sortit le 13 pour s'en aller à Bouillon dans le pays de Liege, où l'eslecteur de Cologne luy a donné retraitte; et afin de se mettre bien dans l'esprit des Espagnolz, il leur a declairé qu'il avoit eu intelligence avec Delli Ponti, qui luy avoit rendu Retel; ce qui a esté cause qu'on la mit prisonnier dans la citadelle d'Anvers, où l'on luy fait son proces. Cepandant le cardinal Mazarin sera obligé de passer à Cologne, parce que M. de Marchin ayant escrit aux Estatz de Liege qu'il n'y avoit point de nation dans l'Europe qui luy peut donner retraitte à moings d'attirer en mesme temps la hayne des François, et que d'allieurs il avoit esté cause de la construction de la citadelle de Liege, qu'ilz devoint considerer qu'ilz n'avoint point de plus puissantz voisins que les François ny de plus redoutables, et qu'ainsy il estoit tres important de ne les aygrir point. Ilz se sont assemblés là dessus, et parce que l'Eslecteur, leur prince, s'estoit engagé de luy donner cette retraitte, ilz ont resolus de le laisser passer seulement et de ne souffrir point qu'il sejourne du tout dans leurs pays.

/398/ [in hand # 7:] Copie de la lettre du cardinal Mazarin à la Reyne aportée par M. du Ruvigny
De Doulans [Doullens] le 25 febvrier

Madame,
Aussytost que j'ay veu dans la lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'escrire, et recognu par ce que M. de Ruvigny y a adjousté de sa part, que les service du Roy et le vostre demandoient que ma retraitte de la Cour fut suivie de ma sortye hors du royaume, j'ay soubzscript tres respectueusement à l'arrest de Vostre Majesté, dont les commandemens et les loix seront tousjours l'unique reigle de ma vie. J'ay desja depesché un gentilhomme pour m'aller chercher quelque azille, et quoy que je sois sans esquipage et desnué de toutes les choses necessaires pour un long voyage, je partiray demain sans faute pour m'en aller droit à Sedan, et de là passer au lieu qu'on aura peu obtenir pour ma demeure. Je doibz trop defferer aux ordres de Vostre Majesté pour avoir hezitté le moins du monde à prendre cette resolution. Ce n'est pas, Madame, que baucoup d'autres qui seroient en ma place avec la justice et le nombre d'amis que je puis avoir, n'eusse[nt] pu treuver des moyens pour se mettre à couvert des persecutions que je souffre, ausquelles je ne veux point penser, aymant mieux contenter la passion de mes ennemis que de rien faire qui puisse prejudicier à l'Estat ou deplaire à Vostre Majesté. Encores qu'en cette occasion ilz ayent eu le pouvoir d'empescher Son Altesse Royalle de suivre les mouvemens de sa bonté naturelle, ilz n'ont pas laissé de luy tesmoigner contre leur intention qu'ilz avoient bonne opinion de ma fidelité, de mon zelle pour le bien de l'Estat, et de mon entiere resignation aux /398v/ ordres de Vostre Majesté. Car à moins d'estre entierement persuadez que je suis inesbranlable dans ces sentimens là, ilz n'avoient pas esté asses peu prudens pour me pousser avec tant de violence, sans faire aucune reflexion sur la connoissance que je dois avoir des plus secrettes et importantes affaires du royaume, dont j'ay de sy longtemps le maniement, ny sur les amis que mes services de la bienveillance de Vostre Majesté. m'on[t] aquis et qui sont assez considerables par leur nombre, par leur qualité, et par la passion qu'ilz m'ont tesmoignée en ce rencontre. Mais j'ay trop de resentiment, Madame, des graces que j'ay receues de Vostre Majesté. pour estre capable de luy deplaire; et quand il faudroit sacriffier ma vie, je le feroit avec joye pour la moindre de ses satisfactions. J'en auray baucoup, dans mon malheur, sy Vostre Majesté a la bonté de conserver le souvenir des services que j'ay rendus à l'Estat depuis que le feu Roy de glorieuse memoire me fit l'honneur de me confier la principale direction de ses affaires, et de prier Vostre Majesté plusieurs fois avant sa mort de me maintenir dans la mesme place. Je me suis acquitté de cet employ avec la fidellité, le zelle, et le desinteressement que Vostre Majesté sçait et (s'il m'est bienseant de la dire) avec quelque succez, puisque toutes les personnes censées, et les Espagnolz mesmes, avouent qu'ilz /399/ se sont moins estonnés des grandes conquetes que les armes ont faictes dans les cinq premieres années de vostre Regence, que de veoir que pendant les trois derniers l'on ayt peu soustenir les assaultz et sauver du naufrage le vaisseau battu de tous costéz, et sy furieusement agité de la tempeste que les divisions domestiques avoint excitées. J'eusse bien souhaitté, Madame, de pouvoir cacher aux estrangers le mauvais traittement que je reçois, pour empescher que le blasme n'en rejaillise sur une nation que j'ay tousjours honorée et cherie avec tant de tendresse. Mais quand ilz me verront errant parmy eux, avec les personnes qui me sont plus proches, pour chercher un abry, ilz auront quelque suject de s'estonner q'un cardinal qui a l'honneur d'estre parain du Roy soit traitté de cette sorte, et que xxii ans de services fidelz ne luy ayent pu aquirir une retraitte seure en quelque endroit du royaume, dont les limites ont esté asses notablement estendus par ses soins. Je prie Dieu, Madame, que comme ce qui m'est arivé n'alterera jamais la passion inviolable que je conserveray jusques à la mort pour les prosperités de Vos Majestéz et pour la grandeur de l'Estat, ilz puissent aussy bientost en faire cesser les desordres et monstré que ceux qui m'ont attaqué n'en voulloient qu'à ma personne.

/400/ Le 31 mars 1651

La semaine passée on eut advis de Bourdeaux que les marchandz s'y estant plainz au Parlement de ce que le duc de St Simon vouloit de son authorité privée percevoir un droit de 20 pour chasque tonneau de vin qui sort sur la mer par l'emboucheure de la Garonne, il y a eu arrest portant deffense à ce duc de percevoir ce droit; que le mesme Parlement avoit receu une lettre de M. le Prince, qui le prioit de surceoir touttes les procedures commencées contre le marquis de Lusignan, qui est revenu d'Espagne. Les depputtés de Bourdeaux, qui sont encor icy, ayant encor sollicitté de nouveau M. le duc d'Orleans de leur faire nommer un gouverneur, S.A.R. leur dit qu'elle en avoit parlé à la Reyne, qu'elle luy avoit respondu qu'il falloit ouyr auparavant M. d'Espernon, qui le desiroit et qui pretend de se justiffier de tout ce qu'il a fait en Guyenne sur les ordres qu'il en avoit receu du cardinal Mazarin, lesquelz il a bien gardé. On ne croit pas neamoins qu'il y aye de la difficulté à luy oster ce gouvernement, mais qu'apres s'etre justiffié, et en pourroit tirer quelque recompense; et que c'est pour ce subject que la nomination d'ung nouveau gouverneur de Guyenne est differée.

Le soir du 24 MM. de la noblesse envoyerent leurs 2 presidentz, avec un deputté de chasque province, à M. le duc d'Orleans pour le supplier de leur vouloir accorder 3 choses: la premiere, de leur continuer tousjours sa protection et de faire aprouver leur assemblée; la 2e, de vouloir demander en son nom à la Reyne la convocation des Estatz Generaux devant la majorité du Roy; et la 3, de faire sçavoir au Prevost des Marchandz de Paris que leur assemblée estoit legitime et approuvée de S.A.R., laquelle l'avoit jugé utille pour le bien de l'Estat, afin de desabuser le peuple des bruitz qui couroint que cette assemblée estoit mal intentionnée. Le marquis de Coaquin, l'ung de leurs presidentz, y porta la parolle et representa fort bien touttes ses [ces] choses, lesquelles S.A.R. accorda d'abord et s'en alla au Palais Royal accompagné de M. le Prince et M. le duc de Longueville pour demander en son nom les Estatz Generaux, ce qu'il fit; et la Reyne ayant respondu qu'il falloit tenir Conseil là dessus, Sadite A. y aperceut MM. Servient et Le Tellier, ce qui l'obligeat de sortir en disant qu'elle ne vouloit point estre où estoit l'esprit du cardinal Mazarin, et s'en alla ché le mareschal de Villeroy, où le Conseil ce [se] tient; et il feut arresté que les Estatz Generaux seroint convoqués au 8 de septembre prochain, et que pour seureté l'on donneroit une declaration par laquelle Leurs M. apreuvoint l'assemblée de la noblesse, luy permettant dès à present de s'assembler en cas d'inexecution, et à M. le duc d'Orleans et à M. le Prince de s'unir avec elle et leur en donner leur asseurance par escrit; ce qu'estant ainsy arresté, M. le duc d'Orleans et M. le Prince resoleurent d'aller en personnes aux assemblées du clergé et de la noblesse pour y faire passer cette resolution; et ayant pris congé de la Reyne, feurent au palais d'Orleans, où ilz accommoderent le different d'entre M. de Beaufort et M. le Coadjuteur, qui ne l'estoit pas encor.

Le 25 M. le duc d'Orleans et M. le Prince ayant disné ches le mareschal de Grammont (qui avoit beaucoup contribué à l'accommodement qui s'estoit fait le soir precedent au Palais Royal entre la Reyne et S.A.R. touchant l'affaire de la noblesse) feurent /400v/ à l'Assemblée du clergé, où S.A.R. ayant fait recit de [ce] qu'elle avoit obtenu de la Reyne et y fit veoir l'arresté du Conseil signé de Leurs M.; à quoy l'Assemblée respondit par la bouche de l'archevesque d'Ambrun qu'elle y alloit desliberer et fit un fort beau discours qui n'aboutit à des esloges de S.A.R., laquelle sortit aussytost avec M. le Prince; et ilz feurent ensemble à l'assemblée de la noblesse, où ilz feurent receus à l'entrée par les 2 presidentz et par les 4 commissaires. S.A.R. ayant pris sa sceance, dit qu'elle estoit venue là pour l'asseurer de son affection et pour luy continuer sa protection; qu'elle avoit obtenue de la Reyne que cette assemblée seroit approuvée; que la convocation des Estatz Generaux seroit avancée au lendemain de la Majorité; que Sa M. en avoit accordé, à ses instances, une declaration dans laquelle on trouveroit outres les seurtés qui ce [se] pouvoint donner et que pour la rendre encor plus grande, S.A.R. and M. le Prince donneroint chacung un escrit à la noblesse, lesquelz ilz avoint tout prestz et signé de leur main; et les mirent entre les mains d'ung secretaire de l'assemblée de la noblesse avec l'arresté du Conseil, duquel il fit lecture aussy bien que de l'escrit par lequel les 2 princes, en cas de contravention à l'effect de cette declaration, s'unissent dès à present avec la noblesse, suivant la permission de la Reyne, et declarant qu'ilz se mettront à leur teste pour la faire executter punctuellement et permettent en ce cas à tous gentilhommes de s'assembler touttes et quantes fois qu'ilz le jugeront necessaire, dont toutte l'assemblée tesmoigna estre satisfaitte; mais avant que passer outre, on attendit la response de MM. du clergé, laquelle ne vient qu'à 6 heures, parce qu'ilz envoyerent un agent par deux fois pour conferer avec les commissaires de la noblesse, à laquelle cette responce feut apportée par l'evesque de Cominges, qui remonstra par un beau discours que les seurtés que S.A.R. donnoit estoint si autentiques qu'on n'en pouvoit pas souhaitter des melieures, et que le clergé estoit d'advis de les accepter; sur quoy on commencea à desliberer si on s'en contenteroit. Le marquis de Sourdis opina, le premier, à obeir à S.A.R. et à accepter purement et simplement les seurtés qu'elle donnoit, et feut suivy de plusieurs. Les comtes de Bethune, de Montresor, et de Maure, et le marquis de Vitry, y adjouterent quelque chose à cest advis pour rendre la tenue des Estatz plus asseurée; mais l'advis du comte de Fiesque feut le plus fort, s'estant trouvé de 180 voix, suivant lequel il feut resolu que la declaration du Roy et les seurtés donnés par M. le duc d'Orleans et par M. le Prince seroint acceptées; qu'ilz seroint suppliés de faire casser au Conseil un arrest donné au Parlement de Rouen contre la noblesse qui s'assemble en Normandie; et que la declaration et l'escrit de ces 2 princes et la resolution seroint publiées, imprimées, et envoyées dans touttes les provinces de France, afin de servir d'aprobation et mettre à couvert ceux qui ont fait des assemblées sur ce subject; et là dessus S.A.R. se chargea de faire executter le contenu de cest arresté, qu'elle signa sur la minutte, et M. le Prince aussy. L'on remarqua que ce comte, avant que conclurre, representa par plusieurs raisons fort plausibles que M. le duc d'Orleans, comme /401/ lieutenant general de l'Estat, avoit tout pouvoir de faire assembler la noblesse touttes fois et quantes qu'il jugeroit à propos. Au reste, quelq'ungs ayant parlé que cette declaration feut veriffiée au Parlement, la pluspart ne le conclut pas, se contentant qu'elle soit entregistrée à la Chancellerie. Cette assemblée finit le 25 suivant le desir de S.A.R., qui en sortit vers les 10 du soir. Les 2 presidentz et les 4 commissaires feurent le 26 remertier le clergé, apres quoy ilz s'assemblerent seulz avec les 2 secretaires afin de dresser les lettres qu'on envoyeroit dans touttes les provinces pour accompagner la declaration du Roy, les escritz de S.A.R., de M. le Prince, et la resolution de l'Assemblée. L'on n'a pas encor resolu au Conseil le lieu de la tenue des Estatz.

Le 26 au matin MM. du clergé envoyerent au palais d'Orleans les evesques de Cominges et d'Orleans pour remertier S.A.R. de la protection qu'elle avoit donné à MM. de la noblesse et des soings qu'elle avoit daigné prendre de cette affaire. Le premier y porta la parolle et fit une belle harangue.

Le president de Novion, qui dans l'assemblée du Parlement tenue le 23 seconda le Premier President à parler contre [le] proceddé de S.A.R., ayant veu maintenant cette affaire accommodée, recherche fort à se restablir aupres d'elle, ayant fait demander pour cest effect, le 26 au matin, si elle auroit agreable qu'il la saluat; à quoy elle fit response qu'elle seroit bien ayse de ne le point veoir. Elle est faschée contre luy avec d'autant plus de subject qu'il luy a obligation entiere de luy avoir fait conserver dans sa Maison l'evesché de Beauvais.

Le president de Nesmond n'est pas moing mal dans l'esprit de M. le Prince, tant à cause qu'il s'estoit ligué avec les autres presidentez au mortier à donner l'arrest contre l'assemblée de la noblesse, que parce que Son A. a sceu que feue Mme la Princesse [douairiere] estant en cette ville pendant sa detention, logée ches le duc de Nemours, ce president la detourna d'employer 100 mille escus qu'elle avoit en argent comptant à faire des levées pour former un party, à quoy ce duc taschoit de la persuader.

Le 27 le Parlement estant assemblé, M. le duc d'Orleans y fit le raport de l'accommodement qu'il avoit fait touchant l'affaire de la noblesse, et dit que leur assemblée ayant esté approuvée et ayant cessé despuis qu'on leur avoit asseuré la tenue des Estatz Generaux, il n'estoit plus question de desliberer là dessus. Le Premier President, pour adoucir les parolles tropt aygres qu'il avoit dittes à S.A.R. dans la precedente assemblée, respondit à cela que la Compagnie n'en attendoit pas moings de la bonté de S.A.R. q'ung bon accommodement, et qu'elle avoit tousjours travaillé avec un zele infatigable au bien de l'Estat. L'on esperoit qu'elle continueroit avec les mesme soings au service du Roy et qu'elle acheveroit un ouvrage si digne d'elle en apuyant de sa faveur et de son authorité les demandes que le Parlement fait pour exclurre les cardinaux françois, aussy bien que les estrangers, des Conseilz de Sa M.; à quoy S.A.R. respondit qu'elle feroit tousjours son possible pour donner /401v/ contentement à la Compagnie, et demanda 3 jours pour tascher de disposer l'esprit de la Reyne à donner cette declaration, promettant d'en donner response dans ce temps là; ce qui luy feut accordé et l'assemblée remise au 30.

Le mesme jour les presidentz de la noblesse prierent M le duc d'Orleans de les vouloir mener à la Reyne pour la remertier d'avoir accordé les Estatz Generaux et la supplier d'en vouloir donner une declaration conformement à l'arrest du Conseil. S.A.R. repartit à cela qu'elle demanderoit à cet effect audiance à Sa M., de laquelle elle n'a encor rien peu obtenir.

Les evesques courtisans qui ne sont pas depputtés à l'Assemblée du clergé, se sont assemblés ches l'archevesque de Sens pour contrequarrer ce que ceux de l'Assemblée generalle faisoit avec la noblesse, à cause qu'on ne les y avoit pas appellé à la resolution de l'union de la noblesse; mais un des evesques ayant representé que les reglementz du clergé vouloint que telles assemblées ce [se] tiennent ches le plus antien archevesque, et que M. de Tours estoit en cette ville, qui estoit son antien, ilz se separerent sans rien resoudre; et quelq'ungs en ayant parlé à ce dernier, il s'en mocqua.

Le courrier que M. le prince de Conty avoit envoyé à Rome en revient le 26, ayant apporté la despense de son mariage avec Mlle de Chevreuse, sa cousine au 4e degré. Ce mariage se doit consommer aussytost apres Pasques. Ce courrier n'a pas apporté les bulles de ses benefices pour le sieur de Montreuil, parce qu'elles n'estoint pas expediées mais bien accordées pour tous les benefices, excepté pour l'abbé de Cluny, à cause que c'est un chef d'ordre et qu'elle est eslective; ce qui a obligé d'envoyer aussytost un courrier à Cluny pour faire eslire M. le duc d'Anguien.

M. Le Tellier voyant que M. le duc d'Orleans ne le pouvoit souffrir, a demeuré d'accord que S.A.R. ne devoit pas avoir un homme suspect pour travailler dans la charge de secretaire d'Estat de la guerre, luy a fait proposer de changer son departement avec celuy d'un autre secretaire d'Estat qui luy feut agreable; mais elle se mocqua de cette proposition, et M. le Prince s'engagea avec elle de le faire chasser; sur quoy M. Le Tellier s'estant laissé conseillé de s'en defaire, en avoit traitté avec M. Foulé, qui luy en avoit donné 600 mille livres; ensuitte M. de Nouveau luy en fit offrir 800 mille livres, mais la Reyne n'a pas voulu qu'il s'en defit, ayant dit qu'elle le vouloit maintenir contre les princes et ayant declaré à ceux cy, dès le 27 au soir, qu'elle ne souffriroit point qu'on l'ostat, ny M. Servient, et qu'elle cognoissoit tropt bien leur affection au service du Roy; ce qui obligea S.A.R. de declarer à Sa M. qu'elle ne se trouveroit point du tout au Conseil tant que ces 2 personnages y seroint. Despuis Sa M. a envoyé souvent MM. le Garde des Sceaux et de Villeroy à S.A.R. pour traitter de la faire relacher là dessus; ce que n'ayant pas voulu faire, Sa M. luy envoya dire le 28 que le Conseil se tiendroit sans elle, et sans M. le /402/ Prince s'ilz n'y venoint; et de fait on l'y tient hier sans eux, n'y ayant que la Reyne, MM. le Garde des Sceaux, de Villeroy, Servien, et Le Tellier.

M. de Champlastreux recherche fort les moyens d'avoir la charge de M. Le Tellier, avec qui il en a voulu traitter; mais S.A.R. n'y consentira pas, estant tres mal satisfaitte de la conduitte du Premier President, son pere.

La garde bourgeoise qu'on faisoit aux portes de la ville feut levée hier au matin par ordre la la Reyne et de M. le duc d'Orleans, suivant ce qui avoit esté resolut le soir precedent, à cause que Sa M. s'estoit plainte qu'on la tenoit assiegée pour luy faire faire tout ce que l'on voudroit d'haute lutte et malgré elle

Il y a advis de Bretagne que le Parlement a enfin donné arrest portant que la Reyne sera remertié de la liberté de MM. les princes et de l'esloignement du cardinal Mazarin hors du rouyaume, sans esperance de retour, comme autheur de la detention desdits princes et perturbateur du repos public; et que Sa M. seroit suppliée d'envoyer une declaration à ce parlement là pour exclurre à l'advenir des Conseilz du Roy tous estrangers; et le reste conformement à ce que celuy de Paris avoit ordonné. Il y a eu auparavant un autre arrest portant defense au sieur [de] Castelnau Mauvissiere de fortiffier ny sa place ny sa garnison sans les ordres du Roy aparus au Parlement; et qu'il seroit informé des contraventions, avec ordre à touttes les villes de la provinces et habitans du plat pays de tenir la main à l'execution de cest arrest.

Le Parlement de Tholouse, fasché de ce que les Estatz de Languedoch, par complaisance pour la Cour, avoit cassé, dans leur derniere assemblée, quelques arrestz qui estoint à la descharge du peuple, en a donné despuis peu un autre, par lequel il deffend à touttes personnes de faire aucune levée extraordnaire de deniers; et parce que sur les ordres de l'archevesque de Narbonne, president né des Estatz, l'on avoit desja commencé à surimposer en plusieurs endroitz de la province d'autres sommes que les 600 mille livres accordées au Roy, ce parlement a depputté des commissaires pour en aller informer; lesquelz estant allés à Narbonne à cette fin, cest archevesque leur a fait fermer les portes; et il y a grand bruit pour cela dans la province, où le Parlement ne travaillant que pour l'interest public (quoy qu'il y aye un peu de passion meslée), l'on croit qu'il empeschera aysement ces impositions extraordinaires.

Un gentilhomme du comte d'Alais en ayant rencontré il y a 4 ou 5 jours un autre qui estoit du Parlement d'Aix dans le jardin du palais d'Orleans, l'obligea à tirer l'espée sans avoir voulu respecter le lieu; mais il en feut bientost payé, l'autre luy ayant donné un coup d'espée dans le ventre et s'estant sauvé là dessus. Neamoings le blessé ne laissa pas de sortir, et quelque recherche qu'on aye fait despuis de l'ung et de l'autre, l'on en [l'on n'en] a encor trouvé aucung.

/402v/ Hier le Parlement estant assemblé, et M. le duc d'Orleans ne s'y estant pas trouvé non plus que M. le Prince, l'advocat general Talon fit recit d'ung fort beau discours qu'il avoit tenu à la Reyne, pour la persuader de donner la declaration pour exclurre des Conseilz du Roy les cardinaux françois, où l'on remarqua qu'il declama fort contre tous les cardinaux qui ont esté cy devant dans le ministere, et fit veoir que leur gouvernement avoit esté toujours fatal; que d'allieurs ilz estoint entierement dans les interestz du Pape, et que le clergé avoit eu grand tort de s'opposer à cette declaration, puisque par une autre bulle de 1648 Sa Sainteté oblige, soubz peyne d'excommunication, tous cardinaux de se rendre à Rome et de ne s'abscenter que pour plus de 24 heures, inferant de là que le Pape mesmes les excluoit du ministere, et que Sa M. luy avoit respondu qu'elle vouloit bien accorder cette declaration au Parlement, mais qu'il falloit qu'elle en conferat auparavant avec MM. les princes; et ayant ensuitte fort exageré sur le proceddé de MM. du clergé, qui ont donné une opposition par escrit dont les termes sont fort injurieux au Parlement, il conclut à ce que cette opposition feut bruslée de la main du bourreau, et que l'archevesque d'Ambrun, qui en est le principal autheur, feut mandé au Parlement pour rendre raison de ce proceddé; sur quoy il feut arresté que les Gens du roy retourneroint encor au Palais Royal pour y demander à la Reyne la mesme declaration, et que M. le duc d'Orleans seroit prié de venir aujourd'huy assister à la desliberation, ce qu'il [qui] feut fait par MM. Doujat et Menardeau; ausquelz S.A.R. respondit qu'elle y aviseroit et leur en rendroit response. Ce matin S.A.R. a envoyé dire au Parlement que n'ayant rien de nouveau à luy dire touchant la forme de la declaration qu'il demande, il n'estoit pas besoing qu'il y allat et qu'on pouvoit desliberer sans elle ce qu'on jugeroit à propos là dessus. Ainsy les Gens du roy ayant dit qu'on ne vouloit point donner cette declaration corrigée comme on la demandoit, le mareschal de Grammont a reparty que la Reyne [ne] la refusoit pas et que MM. les princes ne s'y opposoint pas aussy, voulant dire qu'elle estoit retardé tant par l'opiniastreté de M. le Garde des Sceaux, qui a protesté qui [qu'il] ne la scelleroit point, qu'à cause de l'opposition du clergé; et sur cela on a commencé à desliberer, et plusieurs advis ont suivy celuy des Gens du roy de faire brusler cette opposition par la main du bourreau, d'autres à faire des remonstrances à la Reyne sur ce subject. Quelq'ungs ont remonstré qu'il y avoit à s'estonner beaucoup de ce qu'on refusoit de corriger la declaration, puisque l'arrest avoit esté donné en presence de l'advis de S.A.R. et de MM. les princes, du Coadjuteur mesmes, leur reprochant d'abandonner en cela le Parlement. La desliberation ce [se] doit achever demain.

Ce matin les presidentz et les commissaires de la noblesse ont prié derechef S.A.R. de leur faire delivrer la declaration pour la convocation des Estatz Generaux afin qu'ilz la puissent envoyer dans les provinces, à quoy S.A.R. a promis de faire son possible.

Cette apresdisnée il y a eu Conseil de guerre au palais d'Orleans, où MM. Servient et Le Tellier n'ont pas assisté, M. de Brienne ayant occuppé la place de ce dernier.

Quoy que le bruit aye fort couru à la Cour que le cardinal Mazarin estoit party de Bouillon pour aller à Coulogne, et qu'à cette fin l'Archiduc et le duc de Lorraine luy avoit envoyé chacun un passeport et un homme pour le conduire, neamoings les avis de Champagne portent qu'il n'en estoit pas encor party le 25, et que mesmes le mareschal de Seneterre le visittoit souvent avec le sieur Faber.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653