Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/210/ De Paris le 6 may 1650

La semaine passée M. de la Tour, gouverneur d'Arras, escrivit à la Reyne et à M. le duc d'Orleans que Mme de Longueville luy ayant envoyé demander retraitte dans Arras, luy avoit envoyé dire que M. de Longueville le cognoissoit mieux qu'elle, qu'il ne vouloit pas luy avoir faict une semblable proposition, qu'au reste il s'estimeroit heureux de la pouvoir servir, mais la fidelité qu'il devoit au Roy l'empescheoit de le faire en cette occasion; dont M. de la Tour a esté fort loué, et l'on luy a escript qu'on estoit bien satisfaict de sa conduitte.

M. l'abbé Carlin, qui a esté à la negotiation de la paix pour les interestz du duc de Gueldres, comte d'Egmont, ayant tenu quelques discours par lesquelz il vouloit monstrer qu'il n'avoit tenu qu'à M. le Cardinal et à M. de Servien de faire la paix, et s'estant mesmes venté, comme quelq'ungs veulent, d'avoir des lettres de S.E. à M. Servien touchant ceste affaire, M. le duc d'Orleans l'envoya querir le 29 du passé; mais n'ayant pas voulu y aller, on le voulut prendre dans l'abbaye St Victor où loge le duc de Gueldres, lequel le prit entre ses bras, disant qu'il estoit son principal conseiller et que si on luy faisoit veoir q'il estoit criminel, il en feroit la justice, mais que le feu Roy luy ayant donné retraitte en France en qualité de prince souverain, comme il est, l'on ne pouvoit le luy oster sans violer le droict des gens, et qu'enfin il periroit plustost que de souffrir cest affront; de sorte que le chevalier de guet qui avoit ordre de prendre cest abbé feut contraint de se retirer, apres que ce duc eut envoyé querir un notaire et passé un acte par lequel il declaroit qu'il respondoit de la personne de cest abbé et promettoit d'en faire la justice s'il se trouvoit coulpable, protestant cepandant de la violence qu'on luy avoit voulu faire; mais le notaire, de peur d'en estre recherché, a declaré qu'il avoit esté forcé de prendre cest acte; sur quoy M. Le Tellier le feut trouver, et n'ayant peu obtenir autre chose de luy, il feut arresté entre eux que cest affaire demeureroit en l'estat qu'elle estoit, jusques au retour du Roy. Le pretexte pour lequel on le vouloit prendre estoit qu'il avoit intelligence en Espagne, où il escrivoit tout ce qui ce [se] passoit icy; et à present le duc de Gueldres, le voyant suspect à la Cour, demande un passeport pour l'envoyer en Holande.

Le 30 du passé Mlle d'Hervas, favorite du feu mareschal de Brezé, feut mise hors de la Bastille moyenant 10 mille escus, laquelle somme on dict avoir esté donnée au sieur du Mont, qui commandoit dans Saumur, à cause qu'ayant eu la lieutenance de ce gouvernement pour recompense des services qu'il avoit rendu au Mareschal, de qui il avoit esté page, l'on a trouvé qu'il estoit plus juste qu'il feut recompensé aux despens /210v/ de ce mareschal, à qui seul il avoit rendu service, qu'aux despens du Roy. D'autres asseurent que cette damoiselle a esté mise en liberté à l'instance de Mme d'Orleans, qui en avoit esté prié de Mme la duchesse de Lorraine, de qui elle a esté autresfois femme de chambre.

Le mesme jour Mlle de Longueville arriva icy incognita, pensant y trouver Mme la Princesse douairiere, qui est encor au Bourg la Reyne, où elle la feut veoir et s'en retourna le lendemain à Columiers [Coulommiers]. La petite fille de Mme de Longueville mourut à Chantilly deux jours apres. On remarqua le 19 que Mme la Princesse demanda faveur et protection à M. de Beaufort à l'entrée du Parlement. Il luy fit cette response, apres luy avoir faict des grandes soubmissions, "Madame, M. le Prince, vostre filz, nous a aprit il y a un an d'obeir au Roy."

Le premier du courant le duc d'Amville arriva icy venant de son gouvernement de Lymosin et raporta qu'il avoit conferé avec le marquis de Duras touchant l'accommodement de M. de Bouillon, lequel se monstre disposer [sic] à s'accommoder, pourveu qu'on le laisse là où il est, à cause qu'il ne pouvoit croire qu'il y eut seurté pour luy à la Cour. Il avoit aussy conferé avec le marquis de Sauveboeuf, de la fidelité duquel il a asseuré Leurs M. et M. le duc d'Orleans, ayant tiré parolle de luy qu'il ne se mesleroit plus des interestz des Bourdelois.

Le mesme jour on eut nouvelle que le mareschal de la Mesleraye estoit arrivé en Poictou pour s'acquiter de la commission que le Roy luy a envoyé de pousser au bout le duc de la Rochefoucaud; lequel n'ayant plus de suitte de la noblesse de ce pays là, ce mareschal y ayant trouvé tout le monde disposé à luy obeir, a mandé à la Cour qu'on pouvoit retirer touttes les troupes qui estoint de ce costé là afin que le peuple, en estant soulagé, obeit de melieur courage.

Le 2 au soir Leurs M. arriverent en cette ville, estant venues en relais de carrosse. Elles disnerent à Grosbois, où elles feurent traittés par le duc d'Angoulesme. M. le duc d'Orleans leur feut au devant à 2 lieues d'icy accompagnée de MM. d'Elbeuf , de Beaufort, le prince d'Harcourt, le duc de Nemours, l'abbé d'Aumale, le marquis de Vitry, et le mareschal de l'Hospital. L'on remarqua que M. de Beaufort ne voulut pas se mettre dans le carrosse du Roy afin que le peuple ne le vit point aupres de M. le Cardinal, où il eut esté obligé de se mettre à cause qu'il y avoit une portiere occuppée par le Roy, M. le duc d'Anjou, et M. le duc d'Orleans.

M. le Cardinal avoit envoyé dire à M. de Chasteauneuf qu'il iroit souper avec luy, et celuy cy avoit faict aprester à souper; et S.E. estant arrivée, luy manda qu'elle le prioit de remettre la partie à demain. M. de Chasteauneuf ayant deslogé le mesme jour du Palais Mazarin pour aller loger à son antien logic proche St Eustache, S.E. n'y feut pas.

/211/ On asseure que S.A.R. s'est plainte de ce qu'on avoit donné le gouvernement de Bellegarde sans luy en parler, et que despuis le retour de Leurs M. on a offert le gouvernement d'Auvergne à M. de Beaufort, mais on ne sçait encor s'il l'acceptera. L'on remarque que les Frondeurs ne tesmoignent pas d'avoir aucune envie de vouloir vivre en bonne intelligence avec M. le Cardinal.

L'on remarque que M. de Vendosme ne prent que la qualité de commandant pour le Roy en Bourgoigne, et que neamoings le comte d'Harcourt prent qualité de gouverneur en Normandie.
Le 3 M. Servien presta le serment pour la charge de garde des sceaux de l'Ordre du St Esprit, sans qu'il en donna aucune indemnité à l'abbé de la Riviere.

Le mesme jour le mareschal de l'Hospital feut envoyé au Bourg la Reyne pour dire à Mme la Princesse douairiere que Leur M. avoint aprouvé tout ce que M. le duc d'Orleans avoit faict dans son affaire et luy porter ordre de partir apres les 3 jours que S.A.R. luy avoit accordé pour se retirer en Berry; cepandant sa requeste feut imprimée le mesme jour et publiée par Paris, apres qu'on en eut donné des exemplaires tous les conseillers du Parlement.

Le mesme jour MM. du Parlement ayant envoyé demander quand ilz pourroint saluer Leurs M., on leur dit que ce seroit l'apresdisnée du lendemain, auquel jour ilz y feurent pour cest effect.
Le 4 il y eut assemblée dans le Parlement, dans laquelle il ne ce [se] parla d'autre chose que du different que MM. du Parlement ont avec le Garde des Sceaux touchant les indultz qu'ilz ont sur les benefices qui dependent des eveschés et abbayes, dont ilz [sic] ne veut pas leur sceller leurs brevetz sur la datte qu'ilz prennent de comparition au greffe, à cause que c'est un nouveau establissement qu'ilz ont faict despuis la Regence, au lieu qu'auparavant c'estoint les secretaires d'Estat qui les dattoint comme estant une grace particuliere du Roy. Sur cela ilz ont arresté que M. le Procureur General seroit deputté vers M. le Garde des Sceaux pour luy demander la raison pour laquelle il refusoit de sceller leurs indultz, et qu'au cas qu'ilz n'en peussent pas tirer des raisons valables, ilz en feroint des remonstrances à la Reyne.

Le mesme jour M. le Cardinal feut visitter Mme de Chevreuse, qui est encor malade.

Ledict jour on eut advis de Mouzon que le mareschal de Turenne estant venu attaquer cette place là avec quelques troupes d'Espagnolz qu'il avoit du duc de Vittemberg, y donna sept assautz differentz et feut tousjours repoussés fort rudement, en sorte qu'il feut contraint de se retirer avec perte de 2 à 300 hommes tués sur la place et pres de cent prisonniers; à quoy les lettres de Verdun et Sedan adjoustent que ce mareschal s'est emparé de la citadelle de Stenay par stratageme, ayant faict courir le bruit que le general Rose avoit receu un renfort des troupes qu'on luy avoit envoyé, outre la jonction de celles du marquis de la Ferté Seneterre /211v/ (qui est arrivé à Paris despuis 2 jours) et qu'il venoit assieger Stenay; ce qui avoit donné subject à Mme de Longueville de demander à M. de Chamilly une retraitte dans la citadelle, ce que celuy cy n'ayant peu refuser à ses larmes, elle obtient ensuitte qu'il donneroit aussy retraite à MM. de Turenne et de la Moussaye en cas que la place feut attaquée; en suitte de quoy ce mareschal fit avancer les troupes espagnolles qu'il avoit, lesquelles ayant feint de donner un assaut general à la ville, il mit l'alarme et en mesme temps Mme de Longueville ce [se] sauva dans la citadelle et y feut suivie par ce mareschal, par le marquis de la Moussaye, Bouteville, et autres de leur suitte, qui s'en rendirent les maistres et changerent la garnison.

Les ennemis sont entrés dans la Champagne par 2 endroitz, mais comme ilz sont en tropt petit nombre pour y faire quelque entreprise, l'on croit que ce sont seulement les troupes qu'ilz ont promises au mareschal de Turenne. On confierme leur traitté avec l'Espagne, auxquelz ilz doivent livrer cette place lors qu'ilz leur envoyeront les 6000 hommes qui [qu'ils] leur ont promis.

Le rendevous de nostre armée est à Amiens au x de ce mois, et l'on y faict marcher touttes les troupes en diligence. L'on parle de donner le commandment au mareschal de Schomberg.

 Cepandant il y aura 3 corps d'armée, dont l'ung sera commandé par M. de Villequier du costé de la mer, l'autre par M. d'Hocquincourt vers la Champagne, et le 3 par M. de la Ferté Seneterre dans l'Artois.

On a envoyé ordre au troupes qui sont en quartier dans le Languedoch de marcher en Catalogne, mais elles ne font que le nombre de 3000 hommes. L'on a envoyé au duc de Mercoeur 400 mille livres qui estoint dans la recepte de Narbonne.

M. d'Hemery est tousjours malade. S.E. le visitta hier; et parce que les medecins tiennent qu'il ne sçauroit vivre longtemps, les pretendantz à la surintendance font leur cour avec grand soing.
Hyer le partisan Catalan, qui avoit traitté l'année passée de la charge de secretaire du conseil de M. de Bourdeaux, estant allé au Conseil pour y prendre sa place, ung des maistres des requestes luy dit qu'il se retirat parce qu'il avoit à rapporter une requeste contre luy, par laquelle on l'accusoit de beaucoup de crimes et notanment de peculat; à quoy Catelan a respondit que tout le contenu dans cette requeste estoit faux. Ce maistre des requestes le maltraitta fort, assisté de plusieurs autres qui luy dirent quantité d'injures et le chasserent du Conseil, en suitte de quoy on depputta des commissaires pour en informer, /212/ lesquelz ont despuis decretté prise de corps contre luy.

Le bruit court que le duc de Candale a arresté son mariage avec la seconde niepce de M. le Cardinal, et que despuis il s'est parlé d'un voyage de Guyenne; mais on croit qu'il ne se fera pas, Sa M. ayant plus d'interest d'aller en Picardie. Cepandant les deputtés de Bourdeaux poursuivent icy leurs plaintes contre M. d'Espernon et doivent presenter lundy prochain leurs remonstrances par escrit.

Le gouvernement de Poictou est donné au comte de Paluau et il y doibt aller bientost pour s'y faire recevoir, mais on croit que quantité de noblesse de ce pays là s'y opposera.

Ce matin la 3e chambre des Enquestes estant allée à la Grande Chambre pour demander l'assemblée, celle cy a faict response qu'il la faloit demander au Roy, et ainsy il n'y en a point eu.
Il y a eut arrest à la Tournelle portant que le livre intitué Le Ministere du cardinal de Richelieu seroit bruslé de la main du bourreau. Il ne s'est point parlé de la requeste de Mme la Princesse [douairiere], parce que sur les remonstrances qu'elle envoya hier qu'elle estoit malade, son affaire a esté moderé en quelque façon par l'entremise de M. le duc d'Orleans, la Reyne s'estant contentée qu'elle se retirat à Valery [Vallery] proche Sens en Bourgoigne, à 18 lieues d'icy, et pour cest effect elle doit partir aujourd'huy.

Les ambassadeurs suisses doivent avoir demain audiance de Leurs M. dans laquelle l'on doit resoudre les moyens de l'accommodementz de leurs affaires.

/214/  De Paris le 13 may 1650

Le 3 du courant Mme la Princesse douairiere ayant receu les ordres de la Royne, qui luy feurent apportés par le mareschal de l'Hospital, de se retirer pour deux mois seulement à Valery [Vallery] (où est enterré le corps de feu M. le Prince) suivant le temperament qu'on avoit apporté aux ordres precedentz, elle escrivit une lettre à la Reyne et une autre à M. le duc d'Orleans, lesquelles elle leur envoya par le president de Nesmond, qui rendit premierement celle qui s'adressoit à S.A.R., à laquelle elle continuoit ses prieres accompagnées de larmes, de faire en sorte qu'on ne luy ostat pas, par cest esloignement, la seule consolation qu'elle avoit de recevoir souvent des nouvelles de ses enfans. Ensuitte il feut porter celle qui s'adressoit à la Reyne, laquelle ne la voulat pas recevoir mais se contenta de demander au President s'il en sçavoit le contenu, duquel il luy en fit le recit à peu pres; et ayant achevé, Sa M. luy commanda de l'aller dire à M. le Cardinal, ce qu'il fit, et ensuitte ce [se] retira. Sur cela M. le Cardinal envoya M. Le Tellier ches M. le Premier President pour luy dire qu'il avertit le lendemain le Parlement que l'affaire de Mme la Princesse estoit accommodée; et cepandant l'on publia dans le Palais Royal qu'elle avoit envoyé faire satisfaction à S.E. Le lendemain au matin le Premier President ne manqua pas à suivre les ordres que M. Le Tellier avoit apporté, et le president de Nesmond ne confierma point ce que celuy cy disoit; mais à cause q'il ne dit mot, on creut que son silence valoit confiermation; mais Mme la Princesse les envoya desavouer aussytost qu'elle le sceut, notanment le president de Nesmond, de ce qu'il avoit esté veoir M. le Cardinal, le priant de desabuser tout le monde de la croyance qu'on avoit qu'elle eut envoyé faire satisfaction à S. E. Elle partit du Bourg la Reyne le lendemain et feut coucher à Chilly, où elle est encor; mais hier on luy envoya des carrosses afin qu'elle partit aujourd'huy pour aller à Augerville, maison du president Perraut, et de là à Vallery.

Le marquis de Fors ayant sceu qu'on essayoit de persuader au duc de Richelieu de quitter Mme de Pons, sa soeur, dit il y a quelques jours que s'il estoit asses lasche pour la quitter, qu'il le poignarderoit; ce qu'estant venu aux oreilles de ce duc, il escrivit le 6 une lettre au marquis de Fors par laquelle il l'appelloit en duel et la donna à un gentilhomme de ce marquis pour la luy rendre, disant qu'elle s'estoit trouvée dans un pacquet qu'on luy avoit envoyé de la poste. Ce gentilhomme ayant rendu cette lettre à ce marquis, [celuy cy] l'envoya à M. de Vigean, son pere, n'ayant pas jugé à propos de se battre contre son beaufrere a cause que, de quelque costé que la chance tourna, il se seroit faict grand tort, en ce qu'au cas qu'il eut eu advantage, cela l'auroit d'autant plus obligé à quitter sa soeur, et s'il eut eu le desadvantage, outre que cela luy auroit esté honteux, il n'aurait pas esté /214v/ asseuré que ce duc ne l'eut pas abandonné; neamoings il n'advoue pas d'avoir receu la lettre et dit, au contraire, que ce gentilhomme qui en estoit chargé[e], sachant le mescontentement de ce duc, la porta à M. de Vigean, lequel l'ayant leue courut apres ce duc, qui estoit desja party, pour l'aller attendre à la Maison Rouge pres Chaillot; où l'ayant trouvé il se jetta à ses genoux et le supplia instanment d'oublier les raisons imaginables, de sorte que ce duc voyant l'affaire eventée, s'en revient, et l'accommodement en fut faict le mesme jour.

Un courrier que Mme de Guise avoit envoyé en Espagne en revient la semaine passée et rapporta que le roy d'Espagne n'avoit pas voulu accorder l'eschange de M. de Guise avec M. de Ligny.
L'on eut nouvelle que MM. de Manie, cappitaine d'une gallere, et d'Almeras, cappitaine d'ung vaisseau, et 3 autres officiers avoint faict une prise de tres grande importance sur la Mer Mediterranée d'ung vaisseau espagnol chargé de marchandises et de 200 mille pieces de 8, en sorte que la prise est estimée 1200 mille livres et est importante en ce qu'on a trouvé des lettres que le roy d'Espagne envoyoit au marquis de Carracene, par laquelle il luy donnoit ordre d'assieger Casal et luy envoyoit pour cest effect 200 mille piastres. Ces lettres ont esté apportées icy avec l'inventaire de tout ce qui s'est trouvé dans ce vaisseau.

M. le Cardinal ayant donné parolle au comte de Paluau du gouvernement de Poictou sans en parler à M. le duc d'Orleans, celuy cy s'est opposé et n'a pas voulu qu'on luy en deslivra les prouvisions.

Le duc de Gueldres ayant demandé passeport pour se retirer en suitte de l'affaire de l'abbé Carlini, on luy a faict touttes les soubmissions possibles pour ce qui s'estoit passé, et on luy a seulement accordé un passeport pour cest abbé.

Le 9 les ambassadeurs suisses eurent audiance de Leurs M., qui les receurent parfaittement bien et leur tesmoignerent estre tres satisfaittes des services que leur nation avoit rendu; apres quoy la Reyne dit qu'ilz n'avoint qu'à faire mettre leurs cahiers entre les mains de M. de Brienne pour les raporter au Conseil, et qu'aussytost apres on leur donneroit une prompte satisfaction.

Le marquis de Jersey n'estant pas encor satisfaict de ce qui arriva l'esté passé aux Thuilleries lors que M. de Beaufort le maltraitta, est revenu ces jours passés aux environs de Paris et a faict proposer de nouveau à M. de Beaufort de luy faire raison de cette affaire là par les voyes d'honneur. Le comte Moret a faict la proposition à M. de Comeny, qui est un des melieurs amis de M. de Beaufort, /215/ mais celuy cy a faict response qu'il ne croyoit pas Jersey asses honeste homme pour se battre avec luy; ce qu'ayant esté rapporté au comte de Moret par le mesme Comeny, ce comte se picqua de ce proceddé et ilz demeurent d'accord de vuider cette querelle eux deux, sans le duc de Beaufort et le marquis de Jersey; mais l'affaire ayant esté eventée, M. le duc d'Orleans leur envoya un garde à chacung pour les empescher de se battre, ce qui obligea Comeny d'envoyer dire au comte de Moret que s'il vouloit ce [se] defaire de son garde, il trouveroit moyen de se defaire du sien. Ce comte s'en estant defaict et s'estant mis en campagne pandant deux jours, s'en revient, voyant que Comeny ne paroissoit point à cause qu'il n'avoit peu se defaire du sien. Aussytost on envoya 4 gardes de la connestablie avec ordre de ne le laisser pas sortir de sa chambre; ce que le marquis de Jersey ayant sceu envoya prier le duc de Candale de luy faire la mesme grace qu'il luy fit l'année passée, d'appeller M. de Beaufort, ce qui ce duc fit aussytost; mais cette affaire feut encor eventé, et M. le duc d'Orleans leur envoya à chacung un enseigne de ses gardes et les accommoda hier au soir. S.A.R. est au lict malade des gouttes despuis le 8 de ce mois, à cause de quoy le Conseil se tient hier au palais d'Orleans, et Leurs M. la feurent visitter hier au soir.

Le 10 il y eut un autre deuel du marquis de Presseing, Dauphinois, contre M. de la Tour Roquelaure, où celuy cy feut desarmé apres avoir donné un coup d'espée au travers du corps du premier, qui n'en peut pas eschapper, au grand advantage de sa soeur unique, qui heritera par ce moyen de 40 mille livres de rente.

Le mesme jour l'affaire du mescontentement que les Frondeurs tesmoignoint à M. le Cardinal feut accommodée par l'entremise de Mme de Chevreuse; et il feut arresté que M. de Beaufort auroit la survivance de l'admirauté, quoy que le duc de Mercoeur, son frere, eut faict grand bruit de ce qu'on avoit parlé cy devant de la luy donner; mais M. de Beaufort a mieux aymé cela que les autres offres qu'on luy faisoit parce que s'il eut accepté un gouvernement, il eut esté obligé de sortir de Paris pour en aller prendre possession, au lieu que cette survivance le retient icy. L'on accorda encor au marquis de Noirmonstier le gouvernement du Mont Olimpe, annexé à Charleville, dont on ne donne que 100 mille livres de recompense à M. d'Aigueberr[e], quoy qu'il en pretendit 100 mille escus, tant pour luy que pour sa garnison, à laquelle il dit estre deubt 200 mille livres. L'on a donné aussy à M. de Laigue la charge de cappitaine des gardes du corps de M. le duc d'Anjou; mais il y a encor deux difficultés dans cest affaire, la premiere à l'esgard de M. le Coadjuteur, qui n'embarrasse pas peu /215v/ l'esprit de S.E. à cause qu'il ne demande rien, et l'autre à l'esgarde de M. de Mercoeur, auquel la survivance de l'admirauté ayant esté promise dès la premiere proposition qu'on luy fit de se marier avec la niepce de M. le Cardinal, il pretend qu'on luy doive tenir parolle. On luy a offert le gouvernement d'Auvergne, mais il ne veut pas l'accepter, disant qu'il auroit mauvaise grace de faire ce tort au duc de Nemours, son beaufrere, qui [qui y] pretend et qui a esté le premier à la demander. On luy a offert ensuitte la lieutenance generale de Languedoch avec la place d'Aiguemort; mais outre que S.A.R. n'y veut pas consentir, il y a d'autres obstacles qui empeschent qu'on ne puisse pas faire revivre cest affaire.

Le mesme jour M. le duc d'Orleans envoya un de ses gardes à Dammartin et à d'autres terres de M. le Prince scituées aux environs de Chantilly, avec des ordres bien precis pour faire desloger les trouppes qui estoint et y commettoint des ravages extraordinaires. L'on a envoyé à Chantilly la semaine passée M. de Bragelonne, enseigne des gardes du corps, pour y faire inventaire de tout ce qui y estoit appartenant à Mme la Princesse. Le mesme jour on eut advis de Bourdeaux du 5 que M. d'Espernon avoit envoyé dans les terres de M. de la Force pour y observer leurs desseings, dans l'aprehension qu'il avoit qu'ilz ne prissent le party des Bourdelois; lesquelz voyant le peu de satisfaction que leurs depputtés recoivent icy, menacent d'accepter les offres que leur faisoint plusieurs personnes de condition qu'on ne nommoit pas, de leur ayder à chasser ce duc de la province. Leur deputtés receurent par la mesme voye des ordres fort precis d'insister à force d'importunités sur l'exclusion de ce duc, à peyne de privation de leurs charges, à quoy ilz travaillent maintenant; mais le jurat nommé Constant, deputté de la Ville, a presenté ses remonstrances par escrit sans les autres deputtés, dans lesquelles il ne faict point de mention de cette exclusion, dont les autres pretendent qu'il sera desadvoué.

De Provence on eut nouvelles que la peste commençoit à cesser dans Aix; que l'on faisoit bonne garde à Marseille, sur l'avis qu'on avoit des preparatifs de l'armée navalle des Espagnolz; et que M. de la Varenne en estoit sorty et s'estoit retiré dans Thoulon. L'abolition qu'on donne à MM. de Marseille de tout ce qui se passa [pendant] la rumeur arrivée lors de l'eslection des consulz, et ensuitte lors que le cappitaine des gardes du comte d'Alais y feut tué, [fut] scellée avant hier.

Le 11 arriva icy un gentilhomme envoyé par MM. de la Force, lequel asseura Leurs M. de la part de ces messieurs qu'ilz n'avoint jamais eu la pensée de faire aucune chose contre le service du Roy ny prendre le party des Bourdelois.

/216/ Le duc de la Rochefoucaut ce [se] tient dans sa maison en Poictou avec quelque noblesse qui l'escorte partout lorsqu'il sort. M. de Cominges est avec ses troupes aux environs pour l'observer, et le mareschal de la Mesleraye en sa maison de la Mesleraye [Meilleraye], qui n'en est pas loing.

Le mesme jour la Grande Chambre, l'Edit, et la Tournelle s'estant assemblés, veriffierent l'amnistie generale de ce qui s'estoit passé à Paris le xi decembre, lors que le marquis de la Boulaye voulu faire prendre les armes. Le livre du Ministere du feu cardinal de Richelieu feut bruslé le mesme jour de la main du bourreau.

L'archevesque de Sens a faict publier dans son diocese les deffenses qu'il a faittes aux Jesuistes de confesser personne dans ledit diocese et à touttes personnes d'aller à confesser à eux, sur peyne d'excommunication et de nullitté de leur confession.

Ledit jour 11, M. de la Tour, gouverneur d'Arras, M. de l'Estrade, gouverneur de Duncherque, et 4 ou 5 autres gouverneurs de la frontiere de Picardie arriverent icy pour faire instance à Leurs M. de leur faire donner les provisions necessaires pour faire munir les places, se faisantz fortz au moyen de cela d'empescher les enemis de faire aucune entreprise sur eux cette campagne, à cause que leur armée ne peut estre cette année que de 15 mille hommes au plus. Ilz s'assemblent à l'abbaye St Amant proche Valentiennes, et l'on ne croit pas qu'ilz puissent encor rien faire de quinze jours.

Le mareschal de Schomberg s'estant excusé sur son indisposition d'accepter le commandement de l'armée de Flandres, l'on asseure que le comte d'Harcour (qui est attendu en cette ville) l'a accepté; cepandant on continue à faire marcher les troupes en diligence au rendevous, qui est à Amiens.

Les lettres de Verdun portent q'ung homme envoyé de Steany estoit venu querir un habile medecin pour traitter une femme d'haute condition qui estoit malade dans Stenay, et que l'on ne croyoit pas que ce feut autre que Mme de Longueville; que M. de Turenne y recevoit journellement des trouppes espagnolles suivant le traitté qu'il avoit faict avec le comte de Fuelsendagne, mais qu'il n'estoit pas vray qu'il ce [se] feut rendu maistre de la citadelle de Stenay, quoy qu'il en eut faict courir le bruit partout aux environs; et que M. de Chamilly n'y laissoit entrer personne. Depuis on a eu /216v/ nouvelle que ce mareschal a passé la Meuse avec 6000 hommes pour faire des courses dans la Champagne. Le sieur de St More s'estant presenté à Jametz pour prendre possession de ce gouvernement, qui luy avoit esté donné, on luy a refusé les portes, quoy qu'il feut escorté de la compagnie d'ordonnance de M. le Cardinal. L'on parle du voyage du Roy en Picardie, mais ce ne sera pas encor de la semaine prochaine.

M. d'Hemery receut avant hier au matin le viatique et tire à la fin. L'on croit que le president de Maison sera son successeur, et que M. Tubeuf, qui l'a refusé, aura celle de controlleur general.

/218/  De Paris le 20 may 1650

M. l'archevesque de Sens ayant à convoquer son assemblée provinciale pour deputter à la generalle, qui commencera le 25 de ce mois, envoya ces jours passés un mandement aux evesques de Paris, Meaux, Chartres, et Orleans de se trouver le 17 en son hostel de Sens pour assister en ladite assemblée provinciale et y faire la deputation, pretendant avoir la jurisdiction sur eux, et que ces 4 dioceses n'ont peu estre desmembrés du sien; mais ceux cy n'ont eu garde de s'y trouver et tindrent le 16 l'assemblée provinciale de l'archevesché de Paris. M. le Coadjuteur, en l'absence de Monsieur son oncle, pretendant que M. de Sens n'a peu faire cette convocation, a presenté requeste au Parlement sur laquelle il a obtenu arrest portant deffense à M. de Sens de tenir son assemblée provinciale dans l'hostel de Sens à Paris, et luy a faict signiffier un autre arrest qu'il obtient contre luy il y a 4 ans sur ce que M. de Sens, dans l'harangue qu'il fit au Parlement apres la messe de la St Martin, dit qu'il avoit [qu'il l'avoit] celebré comme Paris estant dependant de son archevesché; sur quoy M. le coadjuteur de Paris obtient arrest sur defaut au Parlement avec condemnation de despens, lesquelz il a faict taxer et payer despuis quelques jours à cest archevesque; lequel nonobstant tout cela n'a pas laissé d'envoyer une seconde fois à M. l'archevesque de Paris, qu'il ne qualiffie que d'evesque, et les evesques de Meaux, Chartres, et Orleans, en vertu d'ung rescript qu'il a obtenu du Pape.

L'abbaye de Bardon [Berdoue] en Guyenne a esté donné à M. de Boisleve, conseiller au Parlement, pour satisfaction d'ung soufflet qu'il avoit receu de M. de Marigny, amy de M. le Coadjuteur pendant la guerre de Paris, sur ce qu'il parloit en faveur de M. le Cardinal. Cette abbaye avoit esté demandée par MM. d'Espernon et de Grandmont pour estre enclavée dans leurs terres.

Le 13 du courant un courrier envoyé de Berry par le comte de St Aignan arriva icy et porta nouvelle que Mme la Princesse estoit sortie de Mourron avec le petit duc d'Anguien, escortée par cent chevaux commandés par le duc de la Rochefoucaut. Ce comte l'ayant poursuivie à cause qu'elle n'estoit qu'à 7 heures de luy lors qu'il en apprit la nouvelle, la joignit sur la frontiere de Lymosin; mais voyant qu'elle estoit alors escortée de 300 chevaux qui s'estoint avancés à 10 lieues de Mourron, envoyés par le duc de Bouillon, il ne jugea pas à propos de la attaquer, n'estant pas asses fort pour cela; et enfin l'on sceut hier au soir, par l'arrivée d'ung courrier extraordinaire qu'elle estoit arrivée à Turenne et que le duc de Bouillon l'estoit venu recevoir à 20 lieues en deça avec quantité de noblesse; que ce duc avoit tenu les Estatz pour y demander aux subjects un secours extraordinaire pour subvenir aux necessités de sa maison, à quoy ses subjectz sont peu disposés, craignantz non seulement d'estre descheus de leurs privileges mais encor de veoir une guerre ches eux capable de les ruyner; neamoings les parroisses de ce vicomté ont commencé à souffir des logementz de quelques gens /218v/ de guerre que ce duc y a faict venir, lesquelz peuvent faire le nombre de 400 hommes. On croit que c'est un effect de la conference que ce duc a eu nagueres avec M. de la Rochefoucaut dans le chasteau de Marquessac en Perigord, où despuis on faict bonne garde dans toutes les villes. Aussytost apres la tenue des Estatz du vicomté de Turenne, le duc de Bouillon en partit avec sa cavalerie pour aller au devant de Mme la Princesse, apres avoir faict instance audits Estatz de luy avancer du moing pour 3 ou 4 années les deniers extraordinaires qui [qu'ilz] luy payent.

Le mesme jour 13 arriva icy un gentilhomme envoyé par le duc de St Simon et portant nouvelle que le marquis de Lusignan, qui est dans Bourdeaux, avoit negotié un secours de l'Espagnol pour luy ayder recommencer la guerre en Guyenne soubz pretexte de faire sortir le duc d'Espernon, et que par ce mesme moyen le roy d'Espagne avoit renvoyé à Bourdeaux le baron de Batteville (qui est celuy là mesme qui y feut pandant la guerre), lequel estant entré dans l'amboucheure de la Garonne avec un gros vaisseau de guerre et 4 petites fregattes, envoya prier le duc de St Simon de luy donner audiance et seurté, ayant à luy faire des propositions avantageuses de la part du roy d'Espagne touchant la deslivrance de MM. les princes; ce que ce duc luy ayant accordé, il s'aprocha et luy offrit 500 mille livres d'argent comptant à condition de mettre entre les mains des Espagnolz la place de Blaye, laquelle il promettoit de rendre à ce duc aussytost apres que les princes seroint en liberté, luy adjoustant quil avoit encor 300 mille livres à donner aux Bourdelois afin de leur ayder à remettre une armée sur pied; à quoy ce duc respondit qu'il ne pouvoit donner sa place et qu'il s'estonnoit fort qu'on le creut capable de recevoir cette proposition; neamoings on le blasme icy de n'avoir pas arresté ce vaisseau aussy bien que le baron de Batteville, quoy qu'il y eut donné parolle de seurté. Il mande qu'il estoit sur le point de s'embarquer pour aller observer 10 ou 12 vaisseaux qui courent les costes de la Guyenne et menacent d'attaquer Blaye (à cause de quoy il faict instance à Leurs M. pour obtenir permission de la faire fortiffier à ses despens), et qu'il a envoyé advertir le comte d'Oignon afin qu'il se preparat pour les aller combattre; mais celuy cy est allé prendre les eaux en Perigord. M. d'Espernon s'estant emparé des villes de Bergerac et de Ste Foy, qu'il faict fort, MM. de la Force ont abandonné leurs maisons, croyantz de n'y estre pas en seurté.

Le 14 on eut advis de Poictou que Mme de la Rochefoucaut ayant protesté au mareschal de la Meilleraye qu'elle n'avoit eu aucune communication avec le duc de ce nom, avoint accepté une garnison de 50 hommes dans le chasteau de Verteuil et autant dans les autres terres de ce duc. Ce mareschal met sur pied cinq regimentz /219/ d'infanterie de 20 compagnies chacun, et prent pour cest effect les deniers qui sont dant les receptes des tailles de Poictou, suivant les ordres qu'il en a de la Cour. Le marquis de Sauvebeuf ayant faict son accomodement particulier à la Cour, est attendu icy, estant resolu de prendre abolition, quoy qu'il soit comrpis dans la declaration de la paix à Bourdeaux.

Les deputtés de la ville de Bourdeaux ayant presenté leurs remonstrances par escrit sans ceux du Parlement, on leur a accordé tout ce qu'ilz demandoint à cause qu'ilz n'ont point parlé de l'exclusion de M. d'Espernon, jusques à leur permettre d'imposer pandant 7 ans certains droitz sur les denrées qui se debitent à Bourdeaux et d'en recevoir les deniers pour remboursement des frais qu'ilz ont faict en leur guerre, durant lequel temps on leur promet qu'il ne logera aucunes troupes ny dans Bourdeaux ny à 6 lieues à la ronde; mais les deputtés de ce parlement protestent contre ce proceddé et pretendent que ceux de la Ville seront desadvoués. Ceux cy partirent avant hier et l'on espere à la Cour que cette desunion fera relascher ceux qui s'opinastrent à l'exclusion de M. d'Espernon.

Il c'est [s'est] fort parlé cette semaine d'ung voyage du Roy en Guyenne, mais on asseure que M. le duc d'Orleans n'y a pas voulu consentir et que despuis 2 ou 3 jours on le presse d'y aller; mais on ne croit pas qui [qu'il] s'y puisse resoudre. L'on envoya hier un courrier à M. d'Espernon, l'on ne sçait à quel sujet, quoy que le bruit coure que ce soit pour le mander à la Cour, et pour apporter le baston de mareschal de France au marquis de la Force et luy offrir en mesme temps le commandement de quelques unes des armées du Roy. Le comte de Coligny s'est jetté dans le chasteau de Mourron peu apres l'evasion de Mme la Princesse, avec environ 400 hommes qu'il avoit ramassés du regiment de Persan, qui n'a pas voulu passer en Catalougne, et du desbris de celuy de Bains; à quoy le comte de St Aignan s'estant voulu opposer, y a perdu 30 ou 40 des siens et a esté contraint de se retirer.

Le 15 l'on envoya à l'armée allemande 10 mille pistolles pour l'obliger de venir joindre le lieutenant Rose en Champaigne. Un homme de M. Hervart leur est allé deslivrer cest argent en diligence à cause [que] ledit sieur Hervar avoit escrit que cette armée se desbandoit journellement et s'en alloit vers Espinal pour retourner en Alemagne; mais comme elle en pretend beaucoup d'avantage, l'on ne croit pas qu'elle se contente de si peu.

Le mesme jour on eut advis de Verdun, dès le xi, que M. de Chamilly, apres beaucoup de contestations, avoit enfin mis la citadelle de Stenay entre les mains de Mme /219v/ de Longueville et de M. de Turenne, lesquelz y entrerent le 9 à 10 heures du matin avec le marquis de la Moussaye et y mirent une garnison de 600 hommes, sçavoir 200 Espagnolz, 200 Lorrains, et autant des leurs commandés parle marquis de la Moussaye. En mesme temps la garnison qui y estoit descendu dans la ville pour estre conduitte à l'armée de ce mareschal, où elle doit servir. Mme de Longueville ayant souhaitté d'y loger, M. de Chamilly luy donna l'apartement qu'il avoit et prit le logis où elle estoit logé dans la ville. L'armée de ce mareschal est de 9 à 10 mille hommes, tant François, Allemans qu'Espagnolz ou Lorrains, lesquelz estendent leurs quartiers despuis Arlon dans les Ardennes jusques aupres de Sedan.

Le 16 la Grand' Chambre, l'Edit, et la Tournelle veriffierent la declaration du Roy par laquelle Mme de Longueville, les ducs de Bouillon et de la Rochefoucaud, et le mareschal de Turenne, avec tous leurs fauteurs et adherentz, sont declarés criminelz de leze majesté, tous leurs biens confisqués, et enjoint à touttes personnes de leur courir sus. Il y eut une requeste presentée en mesme temps au nom du duc de Bouillon par laquelle il demandoit à se justiffier, apres avoir exposé qu'il avoit esté contraint par la violence de ses ennemis de quitter la Cour et se retirer en la vicomté de Turenne, où il n'avoit rien entrepris contre le service du Roy, ayant au contraire faict des protestations de sa fidelité dans les villes où il avoit passé. Sur cela il feut ordonné seulement que la requeste seroit apportée au Roy pour la veoir. MM. des Enquestes ont tesmoigné estre tres mal satisfacitz de ce que ces 3 chambres avoint desliberé là dessus sans eux, et s'assemblerent hier à la chambre St Louys sans neamoings y rien resoudre.

Le mesme jour le comte de Matha et le marquis de Fontrailles receurent des lettres de cachet de se retirer pour des discours tropt libres qu'ilz avoint tenus; mais au lieu d'y obeir, ilz presenterent requeste au Parlement par laquelle ilz demandoint d'estre receus à se justiffier et d'estre deschargés de cest ordre, disant que leurs ennemis avoint surpris la bonté de la Reyne en les accusant faussement. Cette requeste est entre les mains de M. Laisné, qui ne la peut encor raporter.

Les Armeniens s'estant pourveu contre l'arrest du Conseil par lequel leurs marchandises avoint esté declarées de bonne prise, ont obtenu un autre arrest par lequel il les [sic] enjoint à ceux qui les ont prises de les leur restituer, et cepandant leur bailler /220/ à chacung 16 solz par jour pour leur despense jusques à ce que le tout leur soit rendu.

Les marchands de Paris ont reiteré leurs plaintes à la Cour contre le prince d'Harcourt de ce qu'il ne veut pas laisser passer à Montreuil quantité de marchandises qu'ilz ont à Calais venues d'Holande et d'Angleterre, à moings qu'ilz luy fassent un present de 10 mille livres, ce qu'ilz ne veulent pas faire.

Le 17, les 3 jours que M. le Cardinal avoit demandé aux ambassadeurs suisses pour trouver les moyens de les satisfaire estant expirés, ceux cy envoyerent dire qu'ilz estoint resolus de partir le 21 pour s'en retourner suivant les ordres qu'ilz en ont, et qu'ilz le prioint de faire expedier les routes pour faire retirer les troupes suisses, apres avoir faict mettre les armes bas; sur quoy M. Le Tellier les feut trouver (M. le mareschal de Schomberg n'y ayant pas voulu aller) et les pria de la part de la Reyne de demeurer encor 2 jours, sçavoir jusques à demain au soir; ce qu'ilz luy accorderent apres s'estre plaintz de ce que, pour satisfaire les Allemandz, on avoit destourné un fond qui avoit esté destiné pour eux.

Le mesme jour M. des Fontaines, secretaire du Conseil des finances, mourut icy subitement.
Ledit jour M. de Beaufort estant allé à la chasse, on creut qu'il s'estoit allé battre avec M. de Candale, et toutte la Cour en feut en peyne jusques à ce qu'il feut de retour.

Dans l'accommodement qui ce [se] fit la semaine passée des Frondeurs avec M. le Cardinal, on dit que la premiere chose que ceux cy demanderent pour leur seureté feut qu'on osta à M. de Bar la garde de MM. les princes, qui sont au Bois de Vincennes, afin que S.E. ne les peut pas mettre en liberté de son chef, pour les opposer à ses [ces] messieurs, lesquelz demandoint qu'on mit en la place de M. de Bar un officier de la Coronne avec M. de St Remy, lieutenant des gardes de M. le duc d'Orleans; mais ce n'est q'ung bruit de ville, et il ne s'en parle point à la Cour.

Les provisions de l'admirauté sont scellées pour M. de Vendosme et pour M. de Beaufort, auquel cette charge est donnée conjoinctement à la survivance de l'autre. Ilz doivent s'accommoder pour le revenu. Les provisions du gouvernement du Mont Olimpe sont aussy scellées pour le marquis de Noirmonstier, et le brevet de survivance de la charge de cappitaine des Cent Suisses du roy expedié au marquis de la Boulaye.

M. de Luynes traitte avec M. le Garde des Sceaux pour le gouvernement de Touraine.

Le mesme jour 17 Mme la Princesse douairiere partit de Chilly et feut coucher à Essonne et de là à Augerville, maison du president Perraut. L'on mit en prison avant hier dans la Bastille un nommé Berthaut, on ne sçait pourquoy; /220v/ mais il avoit une procuration de ce president pour l'administration de ses affaires, et hier on envoya des gardes dans les hostelz de Condé et d'Anguien, qi s'en emparerent aussy bien que de la maison du president Perraut. On dit que c'est pour des assemblées dangereuses que quelques officiers de guerre, amis de la maison, y faisoint, et qu'on y debitoit secretement tous les libelz qui ont esté faict en faveur de M. le Prince despuis sa detention, lesquelz avoint esté imprimés au voisinage de Chantilli, où Mme la Princesse douairiere avoit faict venir pour cest effect une imprimerie.

Le comte de Pigneranda est attendu à Senlis, où la Reyne luy envoya dès avant hier M. de Marandé, maistre d'hostel du roy, pour le complimenter et pour luy proposer une petite conference en passant sur les moyens de renouer la traitté de paix.

Le mediateur Contarin partit le 15 pour retourner à Venise.

L'armée des ennemis continue à s'amasser vers la frontiere, mais sans avoir encor rien faict de considerable. La nostre sera de 34 regimentz de cavalerie et 26 d'infanterie sans les compagnies d'ordonnance, et le mareschal du Plessis Praslin la doit commander; mais il y a icy plus de 1500 officiers qui ne veulent point aller au rendevous si on ne les paye.

M. d'Hemery vit encor. Son hydropesie ayant sorty par les jambes, prolongera sa vie pour quelques jour. La surintendance avoit esté promise au president de Maison, qui devoit faire trouver 700 mille livres d'extraordinaire dans les coffres du Roy; mais les Frondeurs en tesmoignent du mescontentement à cause qu'ilz portoint fort le marquis de la Vieuville. L'on croit qu'on ne donnera point d'autre assesseur à M. d'Avaux que M. d'Aligre, qui est dans l'aprobation de tout le monde.

M. de Bar a visitté ce matin M. le duc d'Orleans, qui l'a parfaittement bien receu; mais on n'a point remarqué qui [qu'il] luy aye parlé d'aucune chose touchant la garde de MM. le princes. S.A.R. estant guerie de ses gouttes a commencé de sortir aujourd'huy et est allée au Palais Royal.

M. de Fontrailles s'est constitué luy mesmes prisonnier, pretendant se justiffier contre tout ce dont on le pourroit accuser. On dit que le subject de sa disgrace est pour avoir dit que si on a recompensé /221/ MM. de Noirmonstier et de Laigues pour avoir faict un traitté avec les Espagnolz, qu'à plus forte raison on le devoit recompenser, luy qui en a faict trois avec les mesmes ennemis.

Le comte d'Olonne, cornette des chevaux legers du roy, se battit hier en duel dans le Marché aux Chevaux contre le marquis de Chappes, l'espée duquel s'est rompue, le premier le desarma et il[s] se retirerent tous deux blessés au bras.

/222/  De Paris le 27 may 1650

Vous aves sceu que Mme d'Auroy s'estant remariée il y a deux ans sans le consentement de Mme d'Aigullion, sa belle soeur, celle cy obtient un arrest au Parlement portant interdiction à la premiere de l'administration de ses biens. Mme d'Aigullion voulant maintenant faire casser le mariage du duc de Richelieu, s'est accommodée là dessus avec la mere de ce duc; et dans cette intelligence celle cy commencea le 21 du courant à faire plaider contre Mme d'Aigullion, pour y faire casser cette interdiction, à quoy ce duc s'est opposé; mais comme il est mineur, l'on croit que cette opposition luy sera inutille. Apres cela on travaillera à la cassation de son mariage.

L'apresdisnée du mesme jour 21, M. le Tellier feut trouver les ambassadeurs des Suisses et leur offrit de la part de la Reyne 400 mille livres en bonnes assignations et 200 mille livres en pierreries, ce qui n'est que la mesme offre qui leur feut faitte il y a 7 ou 8 mois; et quant au surplus, qui ce [se] monte [à] 3 millions 600 mille livres, que le Roy s'obligeroit de le leur payer apres la paix faicte, et cepandant leur en payeroit la rente au denier 18; dont ces messieurs tesmoignant estre fort mal satisfaictz apres les esperances qu'on leur avoit données despuis leur arrivée, luy demanderent des routtes pour faire retirer leurs trouppes, luy declarant que s'il leur refusoit, ilz seroint obligés de les prendre eux mesmes. Ilz ont despuis sollicitté M. de Brienne de leur faire donner leur audiance de congé, laquelle a esté reculée de jour à autre; mais ilz luy ont declaré que si on ne la leur donnoit dans demain, ilz partiroint sans attendre davantage et luy laisserent par escript ce qu'ilz avoint à dire en prenant congé. On cherche tous les moyens possibles pour les satisfaire, mais cela est tres difficile à cause qui [qu'ils] se tiennent fermes à demander un million d'argent comptant et le reste en bonnes assignations.

En suitte de l'ordre donné à MM. de Matha et de Fontrailles de se retirer, quelques gentilhommes ayant pensé à trouver moyen d'eviter à l'advenir d'obeir à des semblables ordres, parlerent de faire une asemblée de noblesse dans Paris pour demander que les Estatz Generaux soint convoqués; que les gentilshommes soint compris dans la declaration du Roy en ce qui regarde la seurté particuliere d'un chacung aussy bien que des officiers des cours souveraines; et que les charges soint données plustost à ceux qui ont blanchy soubz le service du Roy qu'à ceux qui ne les obtiennent que par des intrigues de cour. Pour cest effect ilz dresserent un escript, lequel n'a encor esté signé que d'environ cent personnes des plus mescontentz, dont les premiers sont le duc de Nemours et le chevalier de Guyse. Ils s'assemblerent pour cest affaire dans les Tuilleries ches Renard et aillieurs, et avoint resolus d'envoyer leur escript dans les provinces pour l'y faire signer par la noblesse; mais le 23 il y eut arrest au Parlement portant deffenses à touttes personnes /222v/ de s'assembler soubz quelque pretexte que ce feut, et ordre au Procureur General d'en informer; en suitte de quoy celuy cy feut mandé au Palais Royal où il receut le mesme ordre de la Reyne; et le 24 il y eut encor un autre arrest par lequel il estoit enjoint au sieurs de Matha et de Fontrailles de sortir de Paris, à quoy ilz obeirent le 25 et se retirerent; neamoings on dit que Mme de Chevreuse, qui les porte fort, les a obligés plustost que l'arrest à partir, leur faisant esperer qu'ilz seront rappellés dans quinze jours. M. le duc d'Orleans ayant sceu que le comte d'Aubigeoux avoit donné parolles de signer cette union, luy commanda aussytost de la retirer ou de se retirer luy mesmes, ce qui l'obligea à retirer sa parolle; et l'on asseure que, despuis, le duc de Nemours et le chevalier de Guyse ont aussy retiré la leur et se sont accommodés. Ainsy l'on croit que le desseing de cette assemblée ira en fumée. Il y a encor quelques dames qui ont eu ordre de se retirer pour des semblables intrigues de la Cour et pour des visittes rendues à Mme la Princess douairiere lors qu'elle estoit à Chilly. Ce sont la comtesse de Fiesque la jeune, la marquise de Monglas, et Mmes de Bonnelle et Le Page, mais il ny a encor que la derniere qui aye obei, quoy que l'on leur fasse aussy esperer qu'elles seront rapellés dans 10 ou 12 jours.

M. de Vendosme estant arrivé icy dès le 20 du courant, les provisions de l'admirauté luy feurent offertes et à M. de Beaufort aussy; mais ilz ne les ont point voulu accepter, tant à cause que la Reyne s'en est reservée une partie du revenu avec faculté de pourveoir à touttes les charges de l'admirauté, que parce qu'il prentendoit avoir droict sur les costes de Bretagne, quoy que les precedentz admiraux n'y en ayent jamais eu; neamoings ilz ont voulu se relascher de cette derniere pretension mais non pas des autres. M. de Mercoeur ayant tesmoigné grand mescontentement de ce qu'au prejudice de ce qui avoit esté arresté cy devant, qu'il auroit la survivance de cette charge, on l'a donné à M. de Beaufort. L'aisnée des niepces de M. le Cardinal luy a escript sur ce subject, le supliant par l'amitié qu'il a pour elle de se relascher là dessus, l'asseurant que S.E. luy cherche des avantages qui vaudront bien celuy là.

Quand au gouvernement du Mont Olimpe qu'on a donné au marquis de Noirmonstier, M. d'Aigueberre n'en ayant pas voulu donner sa demission à moings de 57 mille escus, M. le Cardinal luy donna ces jours passés des pierreries pour la valeur de cette somme, lesquelles il luy rapporta le lendemain, n'ayant peu trouver à les engager et voulant de l'argent comptant; mais despuis cest affaire /223/ a esté accommodée, le marquis de Noirmonstier luy ayant donné 32 mille escus de son argent, pour le remboursement desquelz on luy baille des assignations sur les premiers deniers qui proviendront de ce que l'Assemblée generale du clerge accordera au Roy, et le reste, qui se monte à 25 mille escus, luy ayant esté donné en pierreries qu'il engagera et qui seront apres desgagées par S.E. Suivant cest accord, M. d'Aigueberre doibt partir demain pour aller mettre ce marquis en possession de ce gouvernement.

M. le Prince n'ayant sceu que despuis quelques jours que c'estoit à ses despens qu'il estoit nourry dans le Bois de Vincennes, envoya aussytost une lettre au president de Nesmond, qui suivant sa procuration a l'administration de ses affaires, par laquelle il luy deffendit de donner davantage d'argent pour sa nourriture, adjoustant qu'il s'estonnoit fort qu'il l'eut faict jusques icy sans son ordre; que le Roy, l'ayant faict arrester prisonner, le devoit nourrir; et qu'enfin il estoit resolut de mourir de fain dans sa prison plustost que d'y manger son bien. Suivant cest ordre ce president feut trouver M. Le Tellier et luy declara qu'il se garderoit bien de donner davantage d'argent pour la nourriture de M. le Prince, le priant d'y donner ordre; dont M. Le Tellier ayant esté avertir la Reyne, elle respondit que si M. le Prince ne vouloit pas manger son bien, quil fit comme il l'entendroit, et n'en peut tirer aucune satisfaction. Ce president feut trouver M. le duc d'Orleans, auquel il fit veoir l'ordre qu'il avoit receu de M. le Prince et luy dit que du moings on ne pouvoit pas luy refuser son plat comme Grand Maistre de la maison du roy, ce qui luy a esté ainsy accordé par l'entremise de S.A.R. Les pourvoyeurs de la maison de Sa M. ayant refusé de luy donner ce plat, y ont esté contraintz par un arrest du Conseil; et ce president attend pour cest effect un ordre que M. de Bar doibt faire dresser et signer à M. le Prince et à M. Perraud; cepandant les officiers qui servent S.A. ayant esté un jour sans avoir de qui aprester pour sa bouche, M. de Bar a esté contraint de faire venir des viandes à ses despens, lesquelles lesdits officiers n'ont pas voulu servir à M. le Prince, disans qu'ilz ne pouvoint pas luy administrer en l'estat quil estoit, ne les ayant point achepté eux mesmes; ce qui obligea M. de Bar à frapper asses rudement celuy qui portoit la parolle, quoy qu'il feut officier de la bouche du roy, et à faire servir M. le Prince par d'autres.

Le 22 on eut nouvelle de Brissac que M. de Tilladet y avoit esté fort bien receu et qu'on y avoit deschargé tout le canon et la mousqueterie à son arrivée, la garnison ayant esté auparavant satisfaitte. Mme la langrave de Hesse /223v/ estant malade, a envoyé un courrier extraordinaire à Mme la princesse de Tarante, sa fille, laquelle doit passer cette semaine icy pour l'aller trouver.

Enfin M. d'Hemery mourut le 23 à 4 heures du matin, ayant laissé l'entiere jouyssance de tous ses biens à sa femme et faict quelques legs de peu d'importance à divers particuliers. L'on remarqua qu'il avoit des tableaux de nudités qu'il avoit achepté 10 mille livres, lequel M. le Cardinal ayant envoyé querir, l'on trouva qu'il estoit desja bruslé, sa femme l'ayant mis dans le feu aussytost qu'il feut expiré. La surintendance des finances feut donné le 24 au president de Maison, qui en presta le serment le 25; et hier au matin M. d'Avaux feut au Palais Royal, où il mit entre les mains de la Reyne sa commission de surintendant, la priant de l'en vouloir descharger, dont Sa M., estonnée, luy en ayant demandé le subject, il respondit que dans l'estat où sont maintenant les affaires, il ne croyoit pas la pouvoir bien exercer à l'acquit de sa conscience, et qu'il en avoit eu cette pensée despuis six semaines, mais qu'il avoit attendu jusques icy à la declarer à cause de la maladie de M. d'Hemery. On croit que le vray suject qui l'a obligé à s'en defaire est parce que M. de Maison estant plus antien conseiller d'Estat que luy, il seroit obligé de luy donner la preseance; et que d'allieurs il ne pourroit pas non plus s'accommoder avec M. Tuboeuf, à qui l'on baille la charge de controlleur general, à cause qu'ilz ne sont pas en bonne intelligence despuis que M. d'Avaux estant entré dans l'exercice de la surintendance, luy osta le comptant et l'extraordinaire des guerres et fit tant qu'il l'obligea à sortir entierement de touttes les fonctions qu'il faisoit dans les finances. M. d'Haligre en demeure directeur et non M. de Morangis.

Le marquis de Pressein est mort du coup d'espée qu'il receut nagueres au travers du corps en se battant contre le petit La Tour Roquelaure. M. de la Tivoliere, lieutenant des gardes de la reyne, a obtenu la confiscation de son bien, qui est de 40 mille livres; mais pour le conserver à sa soeur, on parle de la marier avec le comte de Lislebonne, troisiesme filz du duc d'Elboeuf.

Un courrier extraordinaire de Bourdeaux arrivé icy dès le 21 apporta aux deputtés qui sont encores icy le desadveu de tout ce qu'avoit faict le jurat Constant, depputté de la Ville, et l'injonction au scindic qui est icy deputté, d'insister à l'exclusion du duc d'Espernon et d'aller de concert avec les deputtés du Parlement; cepandant on a despuis resolu de pousser à bout les Bourdelois et de ne leur accorder point cette exclusion, d'autant plus qu'on est aussy /224/ bien obligé d'envoyer une armée de ce costé là pour mettre M. de Bouillon à la raison. A cette fin l'on envoya avant hier 50 mille livres au mareschal de la Mesleraye pour faire promptement des levées avec ordre de prendre encor 100 mille livres dans les receptes de Poictou. On luy envoye MM. les comte de Paluau et du Plessis Belliere pour estre ses lieutenantz generaux, et celuy cy est desja party.

Le 24 on eut advis que la compagnie des gendarmes du prince Thomas qui estoit en quartier d'hyvert en Lymosin, s'estant jettée dans Brive la Galliarde au nombre de 100 hommes bien montés et fort lestes, le duc de Bouillon y accourut avec 2000 hommes, ayant avec luy le marquis de Sauveboeuf (lequel nonobstant la parole qu'il avoit donnée au duc de Damville s'est faict lieutenant general de ce duc), et mencea les habitans de la ville, qui est de sa vicomté de Turenne, d'y mettre le feu s'ilz ne mettoint ces cavaliers entre les mains. Sur quoy les habitans les obligerent à capituler, en sorte qu'ayant esté arresté que leur cornette sortiroit avec 2 chevaux et un mulet chargé de son bagage, et que les autres demeureroint prisonniers de guerre; ce qu'ayant esté ainsy executté, ce duc obligea tous ces cavaliers de prendre party soubz luy, à la reserve de 17 qui, n'ayant pas voulu le prendre, feurent tous desmontés et devalisés. Il se dit lieutenant des armées du Roy soubs M. le duc d'Anguien et a maintenant 3 mille fantassins et 1500 chevaux, avec lesquelz il partit de Turenne le 21 pour aller attaquer le general de la Vallette, qui s'est venu poster vers le chasteau de Limeil [Limeuil] avec 7 à 8 cent hommes. Mme la Princesse estoit encore ledit jour à Turenne, d'où elle avoit escrit une lettre au duc de St Simon, le priant de luy vouloir donner retraitte dans sa place de Blaye; mais ce duc, apres s'en estre fort civilement excusé, a envoyé icy un courrier, lequel arrivat avant hier avec la lettre de Mme la Princesse, dont la Cour est fort satisfaitte; et hier on luy envoya le premier cappitaine du regiment de St Simon pour luy tesmoigner la satisfaction qu'on en avoit. Le comte de St Aignan a pris un courrier que M. de Bouillon envoyoit à Mourron avec une lettre de creance et l'a mis prisonnier dans la tour de Bourges. Il y a 1000 ou 1200 hommes dans Mouron qui font journellement des courses jusques aux portes de Bourges et jusques à Moulins, et levent des contributions partout aux environs. Il y a a encor 500 qui ce [se] sont jettés dans le chasteau de Baugy en Berry, du party de M. le Prince, lesquelz font les mesmes ravages.

Les advis de Champagne de cette semaine confierment que le mareschal de Turenne est maistre de la citadelle de Stenay, et asseurent qu'il n'y a mis en garnison que /224v/ son regiment et celuy de la Coronne sans aucung Espagnol ny Lorrain; dont les Espagnolz tesmoignent grande jalousie, craignant qu'il ne vienne à s'accommoder avec la Cour en cas qu'on luy accordat tout ce qu'il pourroit demander. Il s'estoit mis en campagne dès le 19, mais il ne peut pas passer la Meuse à cause qu'elle estoit desbordée.

Il y a nouvelle que l'Archiduc est arrivé à son armée, qui s'est assemblée à Maubeuge forte de 15 mille hommes et preste à marcher en mesme temps que celle de M. de Turenne.

Le mareschal du Plessis Praslin est party pour aller au rendevous de nostre armée, qui a esté changée d'Amiens à St Quentin. M. de Bourdeaux, maistres des requestes, est party en mesme temps pour y aller faire la fonction d'intendant de justice.

La Cour doibt partir mardy prochain pour aller à Compiegne, à la reserve de M. le duc d'Orleans, qui demeurera icy.

M. le Cardinal feut avan hier à Chaliot [Chaillot] pour visitter le mareschal de Ransau, avec lequel il eut une conference de deux heures, ce qui faict croire qu'on pourra luy rendre son gouvernement de Duncherche, dont on remarque que M. d'Estrade ne prent que la qualité de commandant.

Le comte de Pigneranda passa avant hier à Pontoise, et de là est allé passer dans le pays de Chartrain pour descendre par la Touraine en Guyenne, et de là à St Jehan de Luz.

Les lettres de Marseille portent que le comte d'Alais a escrit aux consulz de cette ville là, les priant d'oublier tout ce qui s'est passé entre eux, afin de resister conjoinctement aux desseings que les Espagnolz ont de descendre en Provence, le prince de Monaco ayant mandé à ce comte qu'il avoit nouvelle que l'armée navalle qui se preparoit à Naples avoit desseing d'attaquer Thoulon.

Les Suisses n'ont point entré en garde aujourd'huy devant le Palais Royal. Leurs ambassadeurs ont eu cette apresdisnée leur audiance de la Reyne et pris congé pour partir demain au matin. Sa M. leur a tesmoigné estre bien marrie de n'avoir peu les satisfaire, et cepandant les a prié de vouloir continuer l'alliance d'entre la France et les 13 cantons. /225/

De Bruxelles le 19 may 1650

Le mareschal de Turenne a envoyé ces jours passés diverses personnes pour sollicitter de l'argent, entre autres le capitaine des gardes du prince de Condé. On dit q'outre le secours qu'il a, on luy envoye 2500 hommes du general Jehan de Vert.

On a desmoly les fortifications du Quesnoy parce qu'il falloit tropt de monde pour le conserver, et l'on parle encor de desmenteler Condé et de fortiffier St Guillain, qui est un lieu de difficille acces, pour empescher que les François ne puissent retourner si avant.

Le comte de Fuelsendagne partit d'icy hier au matin accompagné de quantité d'officiers de guerre pour aller coucher à Montz [Mons], dont il se mettra en campagne dans un jour ou deux.

Le comte de Pigneranda partit aussy hier l'apresdisnée, ayant laissé les instructions à l'Archiduc, qui sera plenipotentiaire en cas qu'il aye jour pour reprendre le traitté; mais il laissa tout le secret au comte de Fuelsendagne, avec une pleine puissance absolue.

L'Archiduc doibt partir d'icy apres demain pour aller commander l'armée, et à mesme temps partiront tous les officiers qui sont restés icy. Le marquis Sfrondatti, general de l'artillerie, est party ce matin.

Un courrier extraordinaire qui venoit icy d'Espagne, ayant esté desvalisé aupres de Senlis par 4 hommes masqués, l'on publie icy qu'il n'a pas esté volé tant pour luy oster son argent que pour veoir le secret qu'il portoit.

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