Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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Volume 1

Panat

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/29/  De Paris le 7 may 1649

Le 2 du courant le duc de Beaufort, sortant de jouer à la paume, beut un peu frais et ensuitte se mit dans un bain, d'où estant sorty il se trouva mal et sentit peu apres son estomach fort chargé, ce qui luy fit aprehender d'abort qu'on l'eut empoisonné. Il prit à mesme temps de l'orviettan, qui est une espece de contrepoison, lequel le fit vomir fort longtemps. Le bruit s'en estant aussytost respandu partout Paris, il y eut toutte la journée du 3e une prodigieuse multitude de peuple de l'ung et l'autre sexe qui accourut à l'hostel de Vendosme comme en procession, pour en sçavoir des nouvelles avec des condoleances inouyes; et bien que les domestiques de ce duc dissent tousjours qu'il estoit guery, neamoings il y eut quantité de bourgeois qui firent des grandes instances pour le veoir, ce qui leur feut accordé. Ilz eurent la satisfaction de le veoir dans son lict et d'aprendre de sa bouche qu'il commenceoit à recouvrer sa santé, apres quoy ilz se retirerent, ayant souhaitté mille benedictions, et apporterent à leurs compagnons la consolation qu'ilz en attendoint avec impatience; ce qui leur feut confiermé de la bouche du duc de Vendosme, son pere, du mareschal de la Mothe et du Coadjuteur de Paris, ses bons amis, qui feurent presque toutte la journée aupres de luy. Ces marques d'amitié populaire ont despuis continué tous les jours, mais non pas en si grande foule. Le mareschal de la Mesleraye le feut veoir le 4e et y trouva quantité d'harangueres dans la basse cour, dont il y en eu quelq'unes qui ne peut pas se contenir de luy dire des injures et n'espargnerent pas mesmes le duc de Mercoeur, ayant dict tout haut en sa presence que c'estoit "un biau Mazarin." On asseure que son mariage avec la niepce de M. le Cardinal est rompu et que celuy cy, voyant que Mme de Vandosme et M. de Beaufort n'en vouloint pas ouyr parler, a escript au duc de Vandosme que puisque ses parens n'en estoint pas d'advis il n'y avoit rien de faict; mais quelq'ungs asseurent que l'affaire est seulement différé jusques au retour de M. le duc d'Orleans. On dict qu'on a envoyé querir ses trois niepces à Sedan pour les faire revenir à la Cour. Le 3e M. le Chancellier mandat tous les collonelz du quartier et leur dit qu'il avoit ordre de les asseurer que la Reyne avoit faict desseing de revenir en ceste ville avec le Roy et toutte la Cour. L'on a remarqué que le St Sacerement a esté exposé pour sa guerisons dans l'esglise de St Roch, sa parroisse. Son mal est une collique nephretique qui luy a faict jetter deux pierres. [the italicized words were added at the bottom of the page as an afterthought to the Beaufort illness discussed earlier] /29v/ Aussytost qu'elle auroit faict passer touttes les trouppes en Picardie; que cepandent il tinssent la main à ce que touttes choses demeurassent dans la tranquilitté et qu'ilz fissent si bien qu'il n'arrivat rien dans Paris qui peut destourner Leurs M. d'y venir. Despuis l'on a parlé de se [ce] retour comme d'une chose asseuré, et l'on dit mesmes que la Cour seroit revenué à Paris il y a long temps si le duc de Beaufort et le mareschal de la Motte feussent allés à St Germain; mais comme ilz ont creu n'y estre point en seurté dans Paris et qu'il estoit à propos auparavant de laisser appaiser tout à faict les espritz, le 4e Leurs M. partirent de Chantilly et feurent coucher à Compiegne, où elles sont encor.

Les traictans se voyant pressés de commencer l'advance de 12 millions qu'ilz doivent faire cette année sur les tailles, ont respondu qu'il n'y avoit pas moyen de treuver du credit dans Paris, jusqu'à ce que la Cour y seroit retournée. Les fermiers des cinq grosses fermes n'ont point aussy voulu renouveller leur bail, disant que le commerce ne pouvoit pas estre restably si la Cour n'estoit dans Paris, ce qui a obligé le Conseil de leur bailler, en attendant, commission pour en recevoir les deniers et en rendre conte comme de clerc à maistre, L'ung d'eux nommé Gargant à qui le Roy doibt beaucoup, s'est obligé d'advancer 100 mille escus pour les munitions de l'armée de Flandres, laquelle somme luy est assignée sur les premiers deniers des cinq grosses fermes, avec 100 mille livres sur ce qui luy est deut; mais afin de donner ordre à trouver promptement de l'argent, le Conseil a donné les tailles de 1647 à ceux qui sont engagés dans les prestz pour les rembourser.

Le mesme jour le mareschal de Turenne arriva. Le mesme jour Mme la duchesse d'Orleans partit de St Germain pour suivre la Cour et feut coucher à Escouan et le lendemain à Compiegne.

Ledit jour on presenta une requeste au Parlement au nom de duc de la Trimouille par laquelle on representoit que les trouppes du roy faisoint des desordres estranges dans le Poictou et demandoit qu'il luy feut permis par arrest de s'assembler avec la noblesse de ceste province là pour s'y opposer et leur courir sus; mais le Procureur General s'opposa à ceste requeste et n'y voula point donner ses conclusions.

M. le duc de Longueville est allé en Normandie pour y restablier entierement les affaires du 5oy. On dit qu'il a des assignations pour y recevoir 800 mille livres sur les deniers du Roy: sçavoir /30/ 500 mille et le remboursement des frais qu'il a faict en son embassade de Munster, et 300 mille pour les fortiffications qu'il a faict faire en Normandie; et qu'on luy a donné outre cela le gouvernement du Pont de l'Arche, dont la lieutenance a esté baillée à M. de Tracy.

Le mesme jour on eut advis de Grenoble que le peuple s'y estant ramassé au nombre de 3 à 4 mille hommes avoint esté dans le Palais pour demander de haulte lutte au Parlement et au du [sic] Desdiguieres que les trouppes qu'y [qui y] sont feussent esloignées, que les estappes feussent estées, que les tailles et autres impositions feussent reduittes au mesme estat qu'elles estoint du regne d'Henry 4e; surquoy il y eut arrest portant que la declaration du mois d'octobre seroit executté de point en point, que les estappes seroint ostées et les tailles rabaissée de la mesme façon que le peuple avoit souhaitté, lequel arrest feut en mesme temps publié, mais se [ce] ne feut que pour obliger le peuple de se retirer.

La mesintelligence continue entre le Parlement et le gouverneur de Provence.

Les lettres de Bourdeaux arrivées ledit jour portent qu'apres des grandes hostilités et ravages faictz autour de la ville par les trouppes du duc d'Espernon et la viguoureuse resistance des Bourdelois mis dans le poste de Lermont, ceux du poste de Sipressac avoint investy une partie des trouppes de ce duc dans le Pays d'Entre les Deux Mers si avantageusement qu'on ne croyoit pas qu'ilz en peussent rechapper sans la suspension d'armes; qui feut en mesme temps proposée par M. d'Argenson et accepté par les Bourdelois, qui ont consenty à traicter d'accommodement dans le bourg de Castre à 3 lieues de là, et envoyé deux conseillers du Parlement à Blaye entre les mains du duc de St Simon; et M. d'Argenson s'est rendu ostage avec son filz pour M. d'Espernon envers les Bourdelois. Les munitions de guerre et de bouche qui estoint dans le Chasteau Trompette ayant esté gastées au moyen d'ung canal que les Bourdelois avoint destourné dans le fosséz dudit chasteau, M. d'Espernon avoit offert de laisser entrer tous les vivres qu'on voudroit dans Bourdeaux, à condition que les Bourdelois laisseroint entrer des provisions dans ce chasteau, mais ilz n'ont pas voulu accepter cest offre.

On a osté le gouvernement de Corbie à M. d'Houdancourt, frere du mareschal de la Motte, et on l'a donné au marquis de Saucour, neveu du president de Mesmes et filz de feu M. de Saucourt, qui avoit autrefois se [ce] gouvernement.

M. Servien s'en va aux eaux à Bourbon. On continue de dire qu'il n'est pas bien en Cour.

Le 5 l'abbé de Meymac feut receu dans la tresorerie de la Ste Chappelle, /30v/ et le mesme jour M. le Prince partit de Compiegne avec M. le Cardinal pour aller à La Fere s'aboucher avec le general Erlac, dont l'armée est encor à Guyse, afin de l'obliger à tenter le secours d'Ipre; à quoy quelq'uns ont voulu adjouster que le comte de Pigneranda s'y devoit rendre pour veoir s'il y auroit moyen de faire la paix, mais c'est un fau bruit. Le comte de Grancey et le marquis de la Moussaye ont esté nommés lieutenantz generaulx pour l'armée d'Erlac. M. d'Hoquencourt est à Arras avec un camp volant de 4000 hommes, et y attend-on un convoy pour jetter dans La Bassée et dans Bethune.

M. le comte d'Harcourt est icy et se dispose pour aller commander l'armée en Flandres, laquelle a son rendevous à Beauquesne entre Amyens et Dourlens au premier juin.

Les lettres de Donquerque du 5 du courant, arrivées aujourd'huy, portent que la ville d'Ypre se deffend tousjours vigoureusement, bien que les ennemis soint logés à un jet de pierre de la contrescarpe; que l'infanterie espagnolle en soit rebuttée fort; et que le comte de Paluau, qui est à Donquerque, presse fort pour le secours de ceste place.

M. de Choisy, chancellier de M. le duc d'Orleans, est sur son despart pour aller traicter avec les officiers de l'armée d'Erlach, parmy laquelle il y a creance à cause qu'il a esté intendant de justice dans les armées d'Allemagne. On luy a baillé pour cest effect des assignations pour 2 millions 500 mille livres, dont il pourra payer une partie, attendant le reste.

/31/  De Paris le 14 may 1649

Le 7 du courant on pendit en effigie en la place de Greve un primeur de ceste ville qui avoit imprimé un libelle intitulé, "Les soupirs françois sur la paix italienne," mais l'effigie feut aussytost enlevée par des bastelliers et la potence mise à bas.

Le mesme jour les jurés vendeurs du vin voulantz prendre leurs droitz d'un batteau chargés qui estoit arrivé, et le marchand à qui il appartienoit pretendant n'en deveoir rien payer que l'entrée, comme il avoit faict, les premiers vouleurent faire mettre le vin à terre; à quoy le marchand s'opposa de vive force et feut assisté par des crocheteurs et batteliers qui feurent au bareau des jurés vendeurs, où ilz rompirent les vitres et y firent grand bruict.

Le lendemain 8 il y eut arrest portant que lesdits marchandz de vin seroint assignés pour dire leurs raisons.

Ledit jour 8 le Procureur du roy au Chastelet ayant voulu prendre prisonnier un colporteur qui vendoit des libelles sur le quay des jeurés, on courut sur luy et l'on l'obligea à se retirer bien viste. Les archers qu'il avoit feurent asses maltraittés, mais il n'y en eut aucung tué.

Le mesme jour M. de Choisy, chancellier de M. le duc d'Orleans, partit d'icy pour aller traitter avec les officiers de l'armée d'Erlach, comme vous aves sceu.

Le mesme jour on eut advis de Compiegne que M. le Prince, M. le Cardinal, M. le mareschal de Villeroy, et M. Le Tellier y estoint arrivés le jour precedent revenantz de La Fere, où ilz s'estoint abbouchés avec le general Erlach, qui s'y estoit trouvé avec 3 colonelz de son armée; qu'ilz y avoint tenu d'asses longues conferences le soir du 6 et le matin du 7, dans lesquelles il avoit esté arresté qu'on donneroit presentement 200 mille escus à ce general sur ce qui est doubt à son armée; qu'on luy avoit voulu donner des pierreries pour gage et asseurance du reste, qu'on ne l'avoit pas peu obliger d'aller tenter le secours d'Ipre, n'ayant pas voulu s'engager si avant dans le pays ennemy avec environ 7 à 8 mille combattans qu'il a seulement, lesquelz ont plus de 60 mille bouches à leur suitte, ayant leur femmes, enfans, valetz, et chevaux de bagage, et ayant dit qu'il n'y pouvoit entrer qu'avec l'armée françoise, qui n'est pas encor preste pour cela; et qu'enfin il avoit esté resoulu qu'aussytost apres qu'il auroit receu les 200 mille escus qui luy avoint esté /31v/ promis, il entreroit dans le comté d'Haynaut pour y faire diversion, et qu'on luy donneroit 300 cent livres par jour pour y faire subsister son armée; mais on ne peut pas parler de touttes ses [ces] particularités avec une entiere certitude quoy que tous les autres y conviennent, puisque Erlach s'est plaint à la Cour puis deux jours de ce que l'on ne luy avoit pas encor tenu ce qui luy avoit esté promis, et qu'il a mesmes demandé son congé.

Le 9 le mareschal de Turenne s'en alla à Compiegne, où il feut fort bien receu de toutte la Cour, et en revient avant hier. Quelqu'ungs veulent qu'il doive aller commander l'armée allemande, où il a plus de credit qu'Hrlac, et que celuy cy n'aye demandé son congé que sur la defiance qu'il en a. On asseure encor que celuy cy avoit esté mandé à Compiegne pour y venir traitter avant qu'on eut resoulu d'aller conferer avec luy à La Fere, mais qu'il s'en estoit excusé,crainte qu'on ne luy fit le mesme traittement qu'au mareschal de Ransau, qui est tousjours dans le Bois de Vincennes sans sçavoir pourquoy.

Le mesme jour on eut advis de Compiegne que les bourgeois de la ville de Peronne avoint refusé de recevoir des compagnies du regiment des gardes qu'on y avoit envoyé pour y loger, et d'y laisser passer les trouppes en plus grand nombre que 50 hommes à chasque fois, afin de pouvoir empescher facilement qu'on fit aucung desordre; ce qui donna lieu au faux bruit qui a couru que M. d'Hoquincourt, qui en [est] gouverneur, ayant esté mandé à la Cour, y avoit esté arresté prisonnier.
Ledit jour feurent leues dans la Tournelle du Parlement 12 lettres de quelques chanoines de Reins envoyées expres, lesquelles contiennent quelques circonstances des cruautés horribles que les trouppes d'Erlach exercent dans la Champagne, outre lesquelles on sceut ledit jour icy et à la Cour que le baron d'Asprement, cadet de la maison de ce nom, qui s'estoit autrefois signalé en Allemagne, à Rocroy, et en d'autres occasions ayant retiré dans sa maison seize [sise] aupres de Rhetel, 20 ou 30 personnes, tant paysans qu'autres d'alentour avec leur femmes et enfans, avoint esté assiegé par un party desdites trouppes qui, ayant forcé les portes, avoint en entrant violé une sienne parente et touttes les autres femmes qui s'y estoint refugiées, et mesme faict pendre tous ceux qui estoint dans la maison, le tout en presence de ce gentilhomme, qui avoit esté fort blessé à l'assaut d'ung coup d'hache sur la teste et qui, apres avoir veu ce spectacle d'horreur, feut pendu le dernier; dont les plaintes estant venues à la Cour, la Reyne /32/ envoya ordre au general Erlach d'en punir exemplairement les autheurs; à quoy celuy cy a respondu que se [ce] ne sont pas ses trouppes mais bien des gens sans adveu qui ont suivy l'armée. Touttes les villes de Champagne ont mandé à la Cour et au Parlement qu'on ne pouvoit plus empescher les communeautés de s'assembler pour courre sus aux trouppes, et qu'on y estoit bien resolu de ne donner point de quartier à aucung soldat.

Le mesme jour le mareschal de Schomberg s'en alla d'icy à Compiegne pour y demander les mon[s]tres qui sont deues aux Suisses, ou leur congé.

Le 11, sur les plaintes faictes au Parlement du brigandage incendies, impiettés, sacrileges, violementz, assassinatz, et extorsions que commettent les gens de guerre, il y eut arrest à la Tournelle portant injonction aux balifz, seneschaux, prevotz des mareschaux d'informer desdits exces, et permission aux communeautés de s'assembler pour courre sus aux gens de guerre. Mais la Grand' Chambre fit adoucir cest arrest en sorte qu'on mit que c'estoit sur la plainte faicte par le Procureur General; et au lieu qu'on avoit permis aux communeautés de s'assembler pour courre sus aux trouppes, on mit "pour informer desdits exces tant contre les chefz qui en seroint responsables que conre les soldatz." Les prevostz des mareschaux et autres officiers se feroint assister de tel nombre de personnes qu'ilz verroint bon estre, pour se saisir des coupables et leur faire leur proces.
Le mesme jour on eut advis de Calais du 9 que le comte de Charost y avoit faict publier un ordre de la Cour à tous les estrangers, sans exception, de sortir de ceste ville là dans 24 heures et se retirer, à quoy ilz ont obei; mais la reyne d'Angleterre a envoyé faire des plaintes à la Cour à cause que la pluspart des estrangers qui y estoint refugiés estoint Anglois qui avoint tenu le party royal.

Ledit jour on eut advis de Bourdeaux que le traicté d'entre M. d'Espernon et les Bourdelois avoit esté signé et le premier article executté, lequel portoit que la ville desarmeroit et qu'en mesme temps M. d'Espernon esloigneroit ses troupes, qui ont eu ordre d'aller en Catalogne.

Le 12 la presidente de Bellievre mourut en ceste ville.

Le mesme jour on eut advis de Compiegne que les articles du mariage du duc /32v/ de Joyeuse avec Mlle d'Ales estoint signés; et qu'on y parloit tousjours de celuy du duc de Mercoeur avec Mlle Manciny, niepce de M. le Cardinal a laquelle celuy icy donne 800 mille livres de dot; et que le duc de Vandosme, qui est à present à la Cour, devoit par ce moyen rentrer dans le gouvernement de Bretagne, mais Mme de Vandosme y resiste tousjours et proteste de se retirer avec M. de Beaufort et de ne l'approuver jamais.

Le comte d'Harcour est encor icy. On parle de l'indenniser du gouvernement d'Alsace, pour le donner au mareschal du Turenne.

Hyer on aprit que M. le Cardinal traittoit avec le duc d'Elboeuf du gouvernement de Picardie, pour lequel on parloit de luy donner celuy d'Auvergne, dont on recompensera le duc de Chaunes avec la survivance pour le prince d'Harcour, son filz, qui par ce moyen cedera ses pretensions sur celuy de Montreuil, et 100 mille escus d'argent comptant avec 10 mille livres de rente à prendre sur le domaine d'Auvergne pour le douaire de Mlle d'Elboeuf.

La Cour avoit resoulu d'aller à St Quentin ou en quelque autre ville de la frontiere pour y veoir les trouppes, mais ce desseing est rompu.

M. le duc d'Orleans est arrivé icy ce soir revenant de Blois. La ville d'Orleans luy donne 200 mille livres.

Les lettres de Donquerque viennent d'arriver et portent que la ville d'Ipre s'est rendue le 9 aux ennemis à composition apres 28 jours de siege, la garnison en estant sortie avec armes et bagages et 2 pieces de canon, de 32 qu'il y en avoit, et ayant esté escorté à Furnes. Les ennemis y ont perdu 3000 hommes.

/33/  De Paris le 21 may 1649

Il y a environ 3 semaines que le nonce du Pape et l'ambassadeur de Venise furent priés par la Reyne d'envoyer faire la proposition comme mediateurs au comte de Pigneranda, plenipotentiare d'Espagne, de conclurre une paix ou treve entre les deux coronnes et de luy offrir le choix d'une de ces 3 villes pour le lieu de traicté: sçavoir, de Vervins, Noyon, et Crespy. L'ambassadeur de Venise envoya aussytost son secretaire à Bruxelles, où se dit [cedit] comte luy a respondu avec la gravité espagnolle que les affaires d'Espaigne avoint despuis peu changés de face aussy bien que celles de France, mais d'une autre facon, celles là estant autant dans la prosperité que celles cy dans l'adversité, et qu'ainsy l'on ne pouvoit rien poursuivre ny faire aucung fondement sur ce qui avoit esté advancé à Munster, et qu'il faloit recommencer tout de nouveau; qu'il avoit receu lettres du Roy Catholique, son maistre (qu'il a faict veoir à ce secretaire), par laquelle on luy deffend de traicter avec le Cardinal Mazarin; à quoy il adjouste mesmes avec des parolles injurieuses qu'il n'y avoit aucune seurté à traicter avec luy, que l'Espagne ne pouvoit traicter à moings qu'on abandonnat le Portugal et la Catalougne, qu'il luy fit rendre touttes les places que la France a conquises, ce qu'il pourroit faire maintenant de melieure grace que quant il offrit de les rendre au mois de febvrier lors qu'il vouloit plastrer la paix à quelque prix que se [ce] feut, pour venger l'affront que le Parlement de Paris luy avoit faict; et qu'enfin s'estoit [c'estoit] le melieur moyen qu'il treuveroit à present de s'aquerir la gloire d'avoir donné le repos à toutte l'Europe. Mais on sçait bien que toutte la prosperité des affaires d'Espagne que ce plenipotentiare faict esclatter si hautement n'est fondée que sur l'esperance qu'ont les Espagnolz de profitter de nos divisions, et que c'est ce qui les oblige de refuser la paix qu'on leur offre. Ce secretaire estant icy de retour la semaine passée, le nonce du Pape et l'ambassadeur de Venise s'en allerent en Cour pour y rendre conte de la negotiation.

Le jour de l'Ascension quantité de petitz garcons s'estanz ramassés derriere /33v/ le Palaix Mazarin pour fronder, rempirent à coups de pierre touttes les vitres de la superbe escuirie que S.E. y a faict bastir.

Le 15 du courant le duc de Beaufort et le mareschal de la Mothe visitterent M. le duc d'Orleans, qui estoit arrivé icy le jour precedent. On asseure que S.A.R. les pria de se retirer doucement et sans bruit, leur promettant, foy de prince, qu'ilz seroint en seurté partout où ilz voudroint aller et qu'elle les feroit bientost rappeller à Paris, où à [sic] la Cour devoit revenir apres les festes de Pentecoste, n'y ayant que leur presence qu'il [qui l']empesche, à cause que M. le Cardinal n'estime pas y estre en seurté jusqu'à ce qu'ilz auront faict un accommodement particulier avec luy. L'on ne parle pas de la response qu'ilz doivent avoir faict à cela, mais on ne croit pas encores qu'ilz soint en aucune facon disposés à se retirer, ny Mme de Chevreuse non plus, à laquelle l'on dit qu'on a fait la mesme proposition. Le bruit couru toutte la semaine passée qu'on avoit envoyé icy des lettres de cachet par lesquelles il leur estoit enjoint de se retirer; mais si cela est, elles n'ont point esté rendues et l'on asseure que le Premier President n'a pas jugé à propos de les rendre, crainte que cela n'obligea le peuple à murmurer.

Le mesme jour le mareschal de la Melleraye partit d'icy pour aller tenir les Estatz en Bretagne, qu'ilz [qui] sont convoqués à Vannes pour le 7 juing.

Le 16 le jeune marquis de Vardes se battit en duel avec le marquis d'Illiers dans le Bois de Boulougne, où celuy cy feut blessé mortellement par le premier, qui le desarma ensuitte et feut blessé luy mesme.

Le mesme jour on aprit qu'il y avoit eu 2 autres duelz à Compiegne, l'ung du marquis de la Boulaye avec le marquis de Jersey, qui feut desarmé par le premier; et l'autre du comte de Meille avec le chevalier de Granmont, qui feut aussy desarmé par ce comte. Ces deux desarmés ont donné belle matiere de risée à la Cour.

Le 17 M. le duc d'Orleans s'en alla d'icy à Compiegne, où le duc de Candale, arrivé icy deux jour auparavant, l'accompagna pour rendre compte de ce qui s'estoit passée à Bourdeaux.

Le mesme jour on apprit icy que les trouppes du roy qui sont dans le Maine, /34/ ayant fait des grandz desordres dans les maisons de la province par l'ordre du marquis d'Avully [Amilly?] qui les commandoit et qui vouloit se venger du mauvais traictement qu'il avoit receu pandant le blocus de Paris lors que le marquis de la Boulaye l'en chassa, ce gentilhomme avoit envoyé appeller en duel ledit marquis d'Avully par un homme qui luy dit avoir esté choisy pour son second, auquel ce marquis ayant voulu soubtenir qu'il n'estoit pas gentilhomme, il en feut si outré qu'il poignarda ledit marquis sur le champs dans sa maison mesme.

Le 18 on receu les lettres de Bourdeaux du 13, qui portoint que l'on y faisoit encor bonne garde et que les Bourdelois n'avoint pas licentiés leurs trouppes, qui sont des 3000 fantassins et 800 chevaux, à cause qu'ilz sont encores dans la meffiance que le duc d'Espernon ne veuille pas executter le traicté ny discontinuer le bastiment de la citadelle de Libourne et rendre le chasteau de Langoran [Langoiran] au president Daffis. L'on sceut en mesme temps que les regimentz de Persan et de Granmont continuoint leurs desordres en Poictou.

Le mesme jour on eut advis de Grenoble qu'il y avoit eu rumeur contre le procureur general de Dauphiné, qui feut contraint de s'enfuir, le Parlement ayant decretté prise de corps contre luy et le peuple ayant sceu que pandant le blocus de Paris il avoit renvoyé à St Germain la lettre circulaire du Parlement de Paris sans la communiquer à personne par delà.

Le mesme jour on apprit que la ville de Troye en Champagne ayant receu l'arrest du Parlement donnée le [blank] de ce mois pour remedier aux desordres que les trouppes commettent dans les provinces, la compagnie du prevost des mareschaux s'y estoit assemblée avec des habitans de la ville, lesquelz estoint sortis au nombre de 400, estoint allés le 14 attaquer des gens de guerre qui se disoint du regiment de Conty et d'autres corps, lesquelles sans ordre avoint assiegé le chasteau de Rosieres pour y loger, dont ilz en tuerent 12 ou 15, en blesserent 7 ou 8, et chasserent le reste apres avoir faict prisonniers une vintaine, d'entre lesquelz il y a 7 ou 8 officiers à qui l'on faict le proces. Ceste province là a envoyé des depputés à la Cour pour supplier la Reyne d'avoir compassion d'elle et d'y vouloir restablir /34v/ la religion catholique, qui ny s'y excerce plus que dans les ville où les gens de guerre ne sont pas les maistres. Ceux d'Erlac sont encor aux environs de Guyse, diminués de plus de la moitié, y continuent leurs violences horribles, ayant escorchés à moitié deux paysans tous vifz et arraché les mamelles à des femmes pour les obliger à leur bailler de l'argent ou à leur descouvrir des caches. Ce n'est point le baron d'Aspremont qu'ilz ont faict pendre, c'est un autre gentilhomme nommé de Villeneufve d'Aspremont.

Les lettres de Compiegne arrivées icy le mesme jour portoint que le traicté d'entre M. le Cardinal et le duc d'Elboeuf pour le gouvernement de Picardie estoit fait, mais on ne mandoit pas à quelles conditions; et que S.E. vouloit avoir aussy touttes les places de ceste province là, dont il avoit fait parler à tous les gouverneurs, qui ne pouvoint gouster ceste proposition; ce qui feut confeirmé par les lettres d'Amyens, qui portoint que M. d'Hoquincourt, s'estant deffié qu'on luy vouloit oster son gouvernement de Peronne, avoit quitté le camp volant qu'on luy avoit donné à commander et s'y estoit jetté dedans, où ayans receu ordre de mettre ceste place entre les mains du Roy il l'avoit [il avoit] faict response qu'il ne la rendroit point à M. le Cardinal et qu'il la conserviroit pour la remettre entre les mains du Roy à sa majorité et non plus tost.

Le prince d'Harcourt ne veut pas ouyr parler de rendre Montreuil, bien que son pere quitte le gouvernement de la province. Le comte de Charrost est malade d'Estat dans Calais, le chevalier de Monteclair dans Dourleans, M. d'Houdancourt ne veut pas sortir de Corbie, et il n'y a encor que le Vidame [d'Amiens] qui demeure d'accord de bailler son gouvernement à M. le Cardinal. Les lettres du mesme jour de Compiegne adjoustoint que M. de Villequier s'en alloit commander en Flandres comme lieutenant general, et que son filz doibt servir en son abscence sa charge de cappitaine des gardes du corps du roy.

Le 19 on apprit que le duc de Richelieu s'estoit battu en duel en Provence avec le baron de Brach, qu'il avoit desarmé apres l'avoir blessé de 3 coups d'espée.

Le mesme jour l'abolition de ceux qui avoint faict sauver M. de Beaufort du Bois de Vincennes feut icy entherinée au Parlement, où il estoit present. /35/ L'apresdisnée on penit en effigie à la Croix du Tiroir l'autheur des feaux sceaux nommé Charpy, qui avoit esté secretaire de feu M. de Cing Mars et qui a trahy le mareschal de Ransau, lequel se confiant entierement en luy, luy escrivoit tous ses secretz; et ce traistre les alloit en mesme temps communiquer à M. le Cardinal, ce qui a esté cause de la prison de ce mareschal.

Hier on eut advis de Compiegne que le mariage de M. le duc de Mercoeur avec la niepce de S.E. s'avanceoit fort, et qu'on y parloit de celuy du duc de Candale avec la seconde niepce, à quoy l'on adjoustoit que M. le Prince y demandoit ou l'admirauté ou la place de Sedan.

On a envoyé 50 mille escus au general Erlach en attendant, qui est toutte la somme qu'on a peu assembler pour cest effet, dont le partisan Launay Gravé a fourny la melieure partie.

Les partisans qui avoint cy devant faict des traittés sur la Picardie, ayant eu different avec le receveur general d'Amyens, en sort venues en un proces à la Cour des aydes de Paris, où l'on a veu des traittés que M. de Bellejambe, maistre des requestes et intendant de justice en ceste province là, avoit fait avec eux; de sorte que voyant par là que celuy cy estoit juge et partie, estant interessé avec les autres, on parle de luy faire son proces.

M. de Crequy est sur son despart pour s'en aller servir en Catalogne en qualité de mareschal de camp.

Les lettres de Donquerque du 18 du courant, arrivées aujourd'huy, portent que la ville d'Ipre, qui se rendit le 9 comme vous aves sceu, auroit tenu encor plus de 15 jours si la garnison eut eu des munitions, et qu'elle fut escortée à Hedin [Hesdin] et non à Furnes comme il avoit est[é] dit; que les trouppes espagnolles, qui sont vers Lisle [Lille] et Coutray [Courtrai] dans des quartiers de rafraischissementz, et celles du duc de Lorraine, vers Cambray et Landrecy, pour observer les desseings de l'armée d'Erlac.

On parle à la Cour de rapeller M. de Chavigny pour le restablir dans sa charge de secretaire d'Estat, dont on recognoit qu'il se peut mieux acquiter que tout autre.

/37/  De Paris le 28 may 1649

Le 22 du courant on eut advis de Compiegne que le mariage du duc de Mercoeur avec la niepce de M. le Cardinal estoit conclu et que le contract portoit que le Roy donne 100 mil escus aux futeurs espoux, laquelle somme a esté accordée à M. de Vendosme pour les pensions qu'il pretendoit luy estre deues de ces dernieres années, et les assignations en ont esté données au duc de Mercoeur; que M. le Cardinal donne pareille somme de 100 mille escus, et la Reyne, voulant marier ceste fille comme une princesse, luy donne 100 mille livres pour ses bagues et jouyaux: ce qui se monte à 700 mille, dont le contract fait mention; et outre cela l'on asseure que M. le Cardinal leur donne soubz main 500 mille livres, et ce qui faict en tout 400 mille escus; mais il y a un petit different entre les ducs de Vendosme et le Mercoeur, qui est cause qui [qu'ils] n'ont pas encor signé le contract de mariage. On ne sçait pas bien ce que c'est, mais on dit que le filz pretend que le pere luy doit assigner 40 mil livres de rente sur les 3 de ses melieures terres.

Les mesmes advis adjoustoint qu'en faveur de ce mariage le duc de Mercoeur avoit esté nommé pour estre viceroy en Catalougne, où il se dispose d'aller et faict icy son equipage pour cest effect; et qu'on avoit donné au duc de Vendosme l'admirauté des deux mers à la charge de survivance de luy au duc de Mercoeur et de celuy icy au pere, ce qui est si certain qu'on l'a ainsy confiermé despuis 3 jours. Cela faisoit croire icy que l'on en avoit indennisé M. le Prince, et les ungs disoint qu'on luy avoit donné l'espée de connestable et les autres la place de Sedan; mais ce sont des faux bruitz.
Les duchesses de Vendosme et de Nemours tesmoignent tousjours estre fort mescontentes de ce mariage, et le duc de Beaufort encore plus. M. le Cardinal, desirant s'accommoder avec celuy cy, proposa ces jours passés au duc de Vendosme, son pere, de le marier avec la soeur du prince prefect de Rome, laquelle est encor icy dans le couvent des Carmelites. On l'estime riche de 3 millions de livres. Cette proposition ayant esté faicte icy au duc de Beaufort par son pere, il a respondu qu'il ne songeoit pas encor à se marier. On luy faict esperer de luy donner Mlle de Longueville, ches laquelle il est tous les jours, et l'on dit que M. le Prince et M. de Longueville font cest affaire. Le mareschal de la Mothe a fait son accomodement particulier. Il s'en ira bientost à la Cour, suivant la parole qu'il en a donné à M. le duc d'Orleans. Les Catalans l'ont demandé pour leur viceroy, mais il s'en excusa de l'accepter dans la conjoncture presente des affaires.

/37v/  Le 24 on sceut qu'il y avoit eu different à Compiegne entre les mareschaux du Plessis et de Villeroy, sur ce que le premier pretendoit qu'on luy devoit presenter le pain benit plus tost qu'à l'autre à cause qu'il est plus antien mareschal de France. Ceste question ayant esté mis en desliberation, il fut dit qu'on presenteroit le pain benit au mareschal de Villeroy plus tost qu'au mareschal du Plessis, à cause qu'ilz ne doivent pas estre considerés dans la chapelle du roy comme mareschaux de France, mais comme gouverneurs, l'ung du Roy et l'autre de M. le duc d'Anjou.

Les lettres de Compi[e]gne du mesme jour confiermoint que Leurs M. avoint signé le contract de mariage de M. le duc de Joyeuse avec Mlle d'Alais. Ce duc a prit congé de la Cour, arriva avant hyer icy, d'où il se dispose de partir pour aller espouser en Prouvence.

Le 25 on apprit que M. de Choisy, chancelier de M. le duc d'Orleans, estoit arrivé dans l'armée d'Erlac, a laquelle il n'avoit peut persuader d'entrer dans le pays ennemy. Elle s'est avancé à 7 ou 8 lieues pres de Compiegne, ne trouvant plus rien à piller dans la frontiere, ce qui a obligé M. de Blerancourt d'abandonner sa maison et s'en aller à la Cour pour y demander protection contre la violence de ces demons, qui y continuent leurs cruautés innouyes. Ilz ont pillé l'abbaye de Premonstré et chastré 13 religieux, dont il y en a neuf qui sont mortz despuis. Ilz font journellement des partis et vont courir jusques aux portes de Compiegne pour destrousser les pourvoyeurs de la Cour. Ilz se mocquent de leur general Erlach, qui n'est pas leur maistre. Ilz ne se contentent pas de 100 mille escus qu'on leur a promis et dont ils en ont desja receu la moitié. Ilz demandent tout ce qui leur est, qui [qu'ilz] font monter à 3 millions, et l'on apprehende qu'ilz se veuillent cantonner en quelques postes advantageux.

On asseure que M. le Prince propose au general Erlach de marier sa fille avec le marquis de la Moussaye, luy promettant luy faire donner par ce moyen à celuy cy la survivance du gouvernement de Brisac.

M. d'Hocquincourt est encore dans Peronne, mais il a envoyé sa femme à la Cour.

Le 26 on eut advis d'Aix en Provence que l'armée navale d'Espagne /38/ estoit passée à la veue de Marseille au nombre de 40 voiles tirant vers Italie, et que les officiers de la nostre n'avoint pas encor receu de l'argent pour s'equiper; à quoy l'on adjoustoit que le comte d'Alais s'opiniastroit encor à vouloir faire tenir les Estatz de la province à Tarrascon contre le Parlement, qui veut que se [ce] soit dans la ville d'Aix à l'accoustumée, ce qui menaceoit des suittes dangereuses.

Le mesme jour les Suysses qui sont au service du Roy envoyarent des depputtés à Compiegne avec des lettres à Sa M. par lesquelles ilz demandent le payement de ce qui leur est deubt, ou leur congé; et l'on dit mesmes que ces depputtés ont ordre de n'en attendre la response que 3 jours apres qu'ilz auront rendu les lettres.

Le duc de Richelieu arriva le mesme jour à Ruel.

Le duc de Vendosme s'en retourna hier à la Cour, accompagné du mareschal d'Estrées et de M. de Seneterre. La Reyne a commandé à ce mareschal d'accommoder le different qui est entre le marquis de Jersey et le marquis de la Boulaye, et celuy cy s'en alla hier à Compiegne pour cet effet. Le comte d'Olonne a obtenu la survivance de sa charge de cornette de chevaux legers du roy pour un de ses freres.

Le duc de Beaufort traitta hier à disner le mareschal de la Motte, le Coadjuteur de Paris, les marquis de Noirmonstier et de Vitry, avec quelques autres generaux du temps passé, et le president Charton, l'ung des premiers Frondeurs du Parlement; apres quoy l'on dit qu'ilz tiendrent conference, l'on ne sçait sur quel subject. Le president de Blanmenil les avoit traitté avant hyer.

L'on devoit passer hyer le contrat d'eschange de la souverainetté de Sedan avec les terres qu'on donne au duc de Bouillon pour l'en indenniser, la principale desquelles est le duché d'Auvergne, dont les habitans envoyerent des desputtés à la Cour pour supplier Leurs M. de ne les reduire point à estre vassaux d'ung particulier, puisqu'ilz ont despuis si longtemps l'honneur de dependre immediatement du Roy; et outre cela Mademoiselle s'oppose à cause de quelques terres qu'elle a dependantes de ce duché et qu'elle ne veut pas veoir soubz la dependance de personne. Le duché d'Albret, qui est à M. le Prince, est encor une des bonnes pieces qu'on donne à ce duc, pour laquelle on doibt donner à S.A. le duché de Bourbonnois. Le mareschal de Turenne doit avoir le gouvernement d'Auvergne, dont on recompensera le duc de Chaunes.

/38v/ Hyer au soir quelques bateaux chargés de munitions qu'on avoit prises à l'Arcenat, descendans sur la Seyne pour aller monter en Picardie par la riviere d'Oise, feurent arrestés vis à vis le Louvre par des batteliers et du peuple ramassé, mais MM. de Ville y sont allés se [ce] matin avec leurs archers et ont fait charger deux batteaux des mesmes munitions, qui ont passé sans aucune resistence et l'on en charge encor d'autres.

Un courrier extraordinaire arrivé hyer icy, venant de l'armée des Bourdelois, rapporte qu'on avoit fait une grande bre[c]he aux murailles de Libourne et qu'elle estoit preste de donner l'assaut, à quoy il adjouste que le duc d'Espernon s'estoit retiré de Cadillac à Agen.

Madame Royale de Savoye a fait un present de 60 mille livres à la reyne d'Angleterre; l'Archiduc fait un autre present de 25 mille escus au roy d'Angleterre, mais la reyne de Suede encherit par dessus tout cela et luy donne 6000 mousquetz, 5000 picques, 2000 paires de pistoletz, 2000 corceletz, 2000 espées, 12 pieces de canon, 22 cent bouletz, et quantité de poudre et demesches.

Le comte d'Harcourt est sur son despart pour aller à Rouyaumont, d'où il doit partir dans 8 jours pour se rendre à Ancre, autrement dit Albret [Albert] pres de Corbie, où l'on a destiné le rendésvous de l'armée de Flandres. M. de Villequier y est arrivé, et les lettres d'Amiens dattées d'hyer portent que les trouppes qui y sont ne luy veulent point obeir si on ne les paye, et qu'elles avoint faict un pont sur la Somme pour venir courir en deça. Les ennemis n'ont encore fait aucune entreprise. On envoye aujourd'huy 400 mille livres à l'armée d'Erlac pour l'obliger d'entrer dans le pays ennemy, laquelle somme a esté fournie par les fermiers des entrées. M. le duc d'Orleans est allé à la chasse à Villier Cotteretz et M. le Prince est attendu icy demain. Le duc de Ventadour est mort d'une hydropesie; le duc d'Anville, son frere, a eu ce gouvernement.

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