Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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Volume 1

Panat

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Charpentier

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/218/ De Paris le 2 may 1653

Les derniers advis de Madrid portent que Don Juan d’Austriche, ayant traitté fort doucement les Catalans, les avoint portés, par cette douceur, à donner de bon gré 400 mille escus, pour estre employés à recouvrir Roses [Rosas]; que M. de Choupes et ses 4 compagnons en estoint partis fort satisfaitz, pour retourner en Guyenne, ayant esté regalés par le roy d’Espagne: sçavoir, le premier d’ung present de 1000 pistolles, et les autres 4, de 200 escus chacung, et ayant veu qu’on travailloit tout de bon à l’armement naval, et aux secours qu’on leur avoit promis.

On mande de Narbonne, du 22 du passé, que le marquis de la Farre, gouverneur de Roses, ayant descouvert une conspiration qui s’estoit faitte dans sa place, par un officier qui la vouloit livrer aux Espagnolz, et qui avoit desja gaigné la moitié de sa garnison, moyenant 10 mille pistolles qu’on luy avoit promises, et dont on luy en avoit baillé une partie, avoit fait pendre cest officier et quelques autres; qu’il avoit receu quelque petit secours de vivres, mais non pas asses considerable; et qu’à cause du petit nombre des ennemis, qui ne l’assiegent qu’avec 2 mille hommes par terre, et 3 galleres et un vaisseau par mer, il esperoit de pouvoir conserver la place, si on luy envoyoit bientost d’autres prouvisions; que pour cest effect, l’evesque d’Agde avoit fait charger quantité de barques qui alloint à Marseille, afin de s’y faire escorter par les vaisseaux du Roy.

Il ce [se] confierme que le traitté du comte d’Augnon est entierement executté à MM. de l’Estrade et Champfleury, qui ont pris possession de Brouage. On escrit aussy que ce comte a tesmoigné autant de joye, en sortant de là, qu’en entrant. Il est allé à Dampierre, ches sa femme, qu’on croit qu’il espousera une seconde fois, y ayant esté forcé la premiere.

Les Espagnolz ne sont pas prestz à se mettre en campagne, du costé de Flandres, quelques sollicitations que M. le Prince en fasce, à cause qu’il manque d’argent, et que leurs partisans d’Anvers et de Lisle ne peuvent leur en fournir, ayant perdu les barres d’argent qui leur apartenoit de la flotte des Indes, par les prises que les Anglois ont faittes, lesquelles les ministres de Bruxelles n’ont pas voulu reclamer. Ilz n’ont peu avoir le desseing d’assieger Calais, leur cavalerie, qui s’estoit avancée de ce costé là, n’estant pas asses fort pour l’investir, et n’ayant fait que des courses; mais ce qui en avoit donné la crainte au comte de Charrost, estoit 12 ou 14 petitz vaisseaux qu’ilz avoint equipés en Ostende, Nieuport, et Duncherque, lesquelz mouillerent l’ancre à la veue de Calais, et la leverent de nuit, pour aller à Bourdeaux, M. le Prince ayant obtenu ce secours à force de crier qu’on luy faisoit perdre la Guyenne, qu’on luy avoit promis de luy conserver. On dit mesmes que ces vaisseaux sont desja arrivés à l’emboucheure de la Garonne, et que M. de Vendosme, pour s’opposer à leur entrée, avoit mandé /218v/ ceux de Brouage, mais qui [qu’ilz] ne ce [se] sont pas trouvés prestz pour servir.

Le 29 du passé, M. le marquis de la Mesleraye arriva icy, avec une procuration du Mareschal son pere, pour conclurre son mariage avec Mlle Martinozi, niepce de M. le Cardinal, en faveur duquel mariage on croit que ce mareschal aura le gouvernement de Bretagne en chef, et son filz la survivance, et que Mlle Martinozi, soeur ce celle cy, qui est encor en Italie, viendra pour espouser M. de Candale. Quant à Mlle Mancini, on parle de la marier avec le comte d’Armaignac, filz du comte d’Harcourt, le traitté duquel ce [se] tient pour conclu, à un gouvernement pres. On avoit proposé de luy donner celuy de Xaintonge et Angoumois, mais on n’en est pas encor demeuré d’accord avec le marquis de Montauzier, qui est icy despuis 8 jours; et qu’il n’est pas vray qu’on luy donne le brevet de mareschal de France.

Le 30, le Parlement s’assembla pour entendre le raport de ce qui ce [se] passa au Louvre, le 26, sur les remonstrances qui y feurent faittes pour les exilés, et pour l’affaire de M. de Croissy; dont M. le Premier President ayant fait recit, la Compagnie voulant y desliberer, mais il fit remettre l’affaire à jeudy, ayant representé que la desliberation ne ce [se] pouvoit pas paraschever dans cette matinée là, et qu’il estoit feste hier et demain.

M. le cardinal Anthoine Barbarin ne doit partir que dans 3 semaines, pour aller à Rome, où l’on dit qu’il en a envoyé la nouvelle au Pape, et qu’il en attend la response pour sçavoir s’il l’agrera.

M. de Navailles a emprunté 300 mille livres, pour bailler à Mme de St Megrin, et l’on croit qu’il sera bientost receu dans la charge de cappitaine lieutenant des chevaux legers.

On asseure, à present, que l’evesque de Rennes a plus part à l’archevesché de Lyon que l’abbé d’Aisnay.

Mademoiselle est encor à St Fargeau, mais on croit qu’elle en partira bientost, pour aller à Blois, aupres de Leurs A.R.

Le Roy et la Reyne partirent d’icy hier, à 8 heures au matin, pour Fontainebleau, avec M. le Cardinal et toutte la Cour, pour en revenir sur la fin de la semaine prochaine.

M. le duc d’Anville est encor à Issy, dans la maison de M. de Choisy, chancellier de S.A.R., où tous les amis qu’il a en Cour le sont allés visitter, et travaillent à son accommodement; et M. Le Tellier feut, avant hier, conferer avec luy sur ce suject, mais on ne croit pas que cette affaire soit encor conclue. Il ce [se] confierme qu’on luy offre, pour recompense du gouvernement de Lymosin, 100 mille escus, tant pour luy que pour le petit duc de Ventadour, avec la conciergerie de Fontainebleau; mais il demande, outre cela, le baston de mareschal de France. L’on dit qu’on fait aussy esperer un evesché à son frere, le Jesuiste.

Les docteurs de Sorbonne ayant resolut de tenir une assemblée le 3 de ce mois, pour /219/ eslire un proviseur en la place du feu cardinal de Lyon, et les voix estant disposées à eslire le cardinal de Retz, M. le Chancellier mandat, avant hier, deux d’entre eux, et leur ordonna, de la part du Roy, de ne s’assembler de 6 mois.

On escrit de Dijon, du 26 du passé, que M. d’Espernon estoit sur le point d’en partir, pour aller au siege de Bellegarde, qu’on va faire.

De Bourdeaux le 24 avril

La damoiselle de Lurbe se deffendt fort bien, et rejette le tout sur le nommé Landé, qui a esté pris aussy bien qu’elle. M. le prince de Conty ayant assemblé quelq’ungs des principaux de l’Ormée, et d’autres de la ville de ses plus affidés, leur a fait veoir une lettre escritte de Londres, par laquelle l’envoyé de M. le Prince mande que le secours est tout prest à partir, mais que la respublique d’Angleterre desire qu’on luy deputte auparavant quelq’ung du Parlement et de cette ville; sur quoy, il a fait deputter, vers cette republique, un conseiller du Parlement, un heraut d’armes de la Ville, et deux bourgeois qui sont Huguenoz, lesquelz ont esté envoyés au Cap de Buch, pour y estre embarqués dans une fregatte; et cette deputation a esté tenue secrette jusques apres leur despart. On croit mesmes que cette lettre a esté fait à plaisir, afin de mettre les espritz en suspens et donner loisir, par ce moyen, aux Espagnolz d’envoyer le secours qu’ilz ont promis.

/220v/ De Bourdeaux le premier may 1653

Le convoy qu’on attendoit icy, le 28 du passé, du Cap de Busch arriva avant que l’ordinaire feut party d’icy, mais non pas si grand qu’on le faisoit. Il est vray que, despuis, il en est arrivé plusieurs autres charrettes du mesme lieu, et que le sieur Marche, qui a escorté ce convoy avec 150 maistres et 400 fantassins irlandois, estant averty que les pays de Medoc s’estoint mis en armes, pour l’empescher de passer, les a defaitz, et en a pris quantité de prisonniers dans une esglise où il les a forcés, parmy lesquelz sont leurs chefz, dont l’un est nommé M. Paignon, seneschal de Guyenne, frere du curé de St Pierre de cette ville, et l’autre M. Voslac, tresorier de France. Il en a aussy tué bon nombre, tant dans la premiere attaque qu’à la poursuitte de ceux qui se vouloint sauver, et en a aussy perdu quelq’ungs des siens.

M. le prince de Conti et Mme de Longueville ne vivent plus que d’emprunt, et l’on s’excuse de leur prester, sur la misere presente. M. de Theobon tasche de se faire chef de l’Ormée.

/222/ De Paris le 16 may 1653

M. le Procureur General n’a pas encor la response du Roy sur le remertiement qu’il a fait à Sa M., et sur la suplication de restablir les conseillers exilés. Cette affaire est encor en negotiation.
Lors que M. de Longueuil feut relegué à Auxonne, il demeura indisposé à 15 lieues d’icy, en une maison proche de son abbaye; où estant encor le 12 de ce mois, il y feut enlevé par un exempt des gardes du corps du roy, qui le devoit mener au lieu qui luy avoit esté ordonné pour son exil; où l’on n’a pas voulu mesmes qu’il aye est accompagné par l’abbé de Maisons, qui estoit avec luy à cause de son indisposition. Il l’a laissé demeurer dans son abbaye, où il est gardé avec 4 gardes du roy, à cause qu’on a descouvert qu’il entretenoit encor des correspondances, icy et ailleurs, contre le service de Sa M.

M. le cardinal de Retz n’a plus permission de se promener sur le donjon de Vincennes que 2 fois la semaine, ayant esté resserré sur ce qu’on a descouvert qu’il avoit voulu corrompre un exempt; et pour ce subject, l’on a changé ses gardes.

M. le comte d’Augnon, qu’on appelle à present le mareschal de Foucaut, apres avoir espousé de nouveau Mlle de Dampierre, son antienne maistresse, est venu demeurer au Plessis les Tours.

Il n’y a pas encor nouvelle que Mademoiselle soit partie de St Fargeau pour aller à Blois, quoy qu’elle deut partir le 13. Mme la mareschal de la Mesleray est attendu icy aujourd’huy. M. le Garde des Sceaux luy est allé au devant.

Ces jours passés, l’on prit, à Bayeux, quelques officiers de l’armée de M. le Prince, qui faisoint secrettement des levées pour luy en Normandie, et on les conduisit icy. Le principal d’entre eux est un nommé Ste Marie Taillebois.

Les advis de Flandres portent que M. le Prince estoit encor, le 10 de ce mois, à Bruxelles, où l’Archiduc luy donnoit la droitte et la porte, et luy faisoit aussy tous les honneurs qu’il a accoustumé de faire au duc de Lorraine; qui [qu’il] y preparoit un beau balet, pour danser devant luy, mais que cela n’empeschoit pas qui [qu’il] ne continuat à solliciter qu’on commenceat la campagne de bonne heure; que pour l’obliger à patianter, on luy avoit donné 100 mille escus, en attendant qu’on feut en estat de luy accorder sa demande; et qu’il avoit fait deffendre au gazetier de le nommer dans la gazette, ayant trouvé mauvais qu’il eut fait mention de son arrivée à Bruxelles.

Le duc de la Rochefoucaut a pris congé de M. le Prince, pour s’en revenir, ayant accepté l’amnistie de son consentement. Le Roy desirant de reveoir M. le duc d’Amville, M. Le Tellier a esté conferer avec luy, ce qui fait croire qu’il sera bientost restably, quoy qu’on ne luy donne que 250 mille livres pour le /222v/ recompenser de son gouvernement de Limosin, tant pour luy que pour son nepveu, de laquelle somme on luy baille 100 mille livres d’argent comptant, et le reste en assignations. Le mareschal d’Aumont a esté, icy, malade à l’extremitté, mais il se porte mieux à present.

M. d’Espernon fait travailler puissenment à la circonvallation de Bellegarde, qui est investie despuis le 6 de ce mois.

On escrit de Languedoch que les Estatz ayant donné les 200 mille livres qu’on avoit promis au sieur de St Aunais, pour son gouvernement de Leocatte [Leucate], il en estoit sorty, pour se retirer dans une de ses maisons; et qu’en ayant esté desliberé sur le rasement de cette place, on avoit resolu d’attendre la fin de la campagne, pendant laquelle lesditz Estatz l’ont remise entre les mains de l’archevesque de Narbonne, qui y a mis un gentilhomme pour y commander.

On mande de la Franche Comté que les Estatz du pays y font une levée de 6 mille hommes, pour la conserver, à cause du siege de Bellegarde, dont ilz aprehendent que les troupes l’aillent ravager; et afin qu’on ne le trouve pas mauvais à la Cour, ilz ont envoyé ordre icy, à leur agent, d’en avertir le comte de Brienne.

L’on fit revenir 3 ou 4 regimentz de ceux qui sont en Guyenne, pour les faire servir en Picardie ou en Champagne.

De Bourdeaux le 8 may

M. de Folleville, despuis qu’il a passé la Garonne à Blaye, s’est posté en un lieu nommé Parampare [Parempuyre], sur le bord de la riviere, où il s’est fort bien retranché, pour se pouvoir embarquer, au cas qu’il y feut forcé par le general Marchin, qui l’est allé attaquer, mais qui ne l’empescha pas encor de venir faire des courses jusques à 2 lieues d’icy.

Le Roy avoit envoyé icy des lettres de cachet à tous les corps de la Ville, et à quelques principaux particuliers, par lesquelles Sa M. les asseuroit qu’encor qu’ilz n’eussent pas obei à ses ordres precedentz, comme elle sçavoit bien que c’estoint des effectz des factions des princes, et que la pluspart des habitans estoint bien intentionnés, elle [ne] laissoit pas d’avoir, pour le general de ceste ville, les sentiments paternelz qu’elle a pour tous ses subjectz; et que si la ville se range dans son deveoir, elle ne ressentira tous les effetz qu’elle peut desirer de sa clemence; mais ces lettres n’ont pas esté receues comme l’on croyoit, parce que M. le prince de Conty, en ayant aprins la distribution, l’a aussytost empeschée, et les a envoyé querir ches les particuliers, devant qu’elles ayent esté ouvertes. Le peuple est icy prevenu des bruitz que M. le Prince /223/ fait courir, d’ung prompt secours d’Espagne et d’Angleterre, et de l’entrée qui [qu’il] va faire en France avec une puissante armée. Tous les chefs de la ville sont à luy, aussy bien que l’Ormée, dont les principaux le traitterent hier fort splendidement; mais s’il ne vient autres prouvisions de bled dans six semaines, les plus opiniastres seront necessittés d’accepter la paix, outre qu’il ne suffit pas qu’il en vienne du Cap de Busch, si on ne rend la riviere libre, et si on n’en chasse M. de Vendosme.

De Londres le 8 may

L’armée de cette republique ne pouvant plus souffrir les delais, si souvent reitirés, que le Parlement luy donnoit, touchant la dissolution et la convocation d’un nouveau, s’est enfin resolue d’en venir à bout par force; et pour cest effect, les officiers en ayant fait plainte au general Cromvel, celuy cy entra au Parlement, le 30 du passé, et y fit une belle harangue, par laquelle il monstra, par plusieurs raisons, qu’il estoit necessaire de donner cette satisfaction au public et à l’armée; et adjousta mesmes qu’on se plaignoit de quantité d’autres abus qui ce [se] commettoint contre le bien de l’Estat, dont plusieurs de la Compagnie ayant murmuré, et soubtenu qu’il ne falloit pas accorder une demande faitte en cette maniere, et que c’estoit une faction, se retirerent fort mescontentz. Le [hole made by seal] ...al ne laissa pas de passer outre, et mesmes l’orateur du Parlement feut poussé hors son siege, et les autres mis en prison dans la Tour de cette ville, où l’on parle de faire rendre conte des deniers qu’ilz ont levés sur le public, pendant le temps de leur gouvernement; en suitte de quoy, la maison du Parlement feut fermée, et l’on croit qu’il ne s’y fera rien, jusques à ce qu’on aura pourveu à une nouvelle assemblée.

En mesme temps, Cromvel envoya les ordres pour faire fermer tous les portz d’Angleterre, et despescha des courriers partout, et principalement à l’armée navale, pour donner advis de ce changement, et commander qu’on n’obeit plus à aucun ordre de ce parlement. Il fit dresser une declaration en manifeste des officiers et soldatz de l’armée sur ce suject, lequel feut publié icy le 3.

/224/ De Paris le 23 may 1653

Le mesme jour, la declaration qui avoit esté promise au Parlement par le Procureur General, y feut enregistrée, aux conditions portées par les lettres de jussion qui feurent envoyées nagueres, pour faire interroger M. de Croissy dans le Bois de Vincennes, nonobstant touttes oppositions, etc.; et quant à la negotiation particuliere qui avoit esté commencée entre le Conseil et le Parlement, il s’y trouve encor des difficultés, quelq’ungs des principaux de ce corps s’estant plaintz du traittement qu’on fait à M. de Longueil, un des conseillers exilés, lequel, quoy que indisposé, n’a peu obtenir la permission de demeurer dans son abbaye; et l’exempt qui le garde tousjours, avec 4 gardes, le conduit aussy maintenant à Auxonne. Il est vray que c’est pour l’advis d’ung medecin de la Cour nommé L’Esprit.

Despuis l’arrivée de Mme la mareschalle de la Mesleraye, il s’est parlé du mariage de M. de Grand Maistre avec Mlle de Martinozzi, en faveur duquel quelq’ungs croyent qu’on donnera à M. le mareschal de la Mesleraye l’establissement qu’avoit le comte d’Augnon devant ces derniers troubles, c’est à dire Brouage, Oleron, La Rochelle, et le pays d’Aunis; et que, moyennant cela, ce mareschal cedera tous les gouvernementz qu’il possedde en Bretagne: sçavoir, la lieutenance generalle, et le gouvernement de Nantes et de Blavet.

En attendant la nouvelle de la mort de M. de Chaunes, on asseure que M. le Cardinal traitte, avec le Chevalier de ce nom, du gouvernement d’Amiens, pour lequel on offre, à celuy cy, de luy laisser la lieutenance du gouvernement de Picardie, qui apartient à ce duc, et de luy donner 100 mille escus et le gouvernement de Dourlens, que M. de Bar luy cedera, pour estre lieutenant de S.E. à Amiens. On croit ce traitté fort avancé.

M. le duc d’Amville vient icy, le 21, incognito, et y confera derechef avec M. Le Tellie; mais son affaire traisne encor en longueur, et les avantages qu’on luy offroit ne luy paroissent plus si grandz qu’au commencement. Cette longueur oblige le mareschal de Turenne de demander la conciergerie de Fontainebleau, et 100 mille escus, en attendant que M. d’Anville se resoudra d’accepter ce qu’on luy offre, et de luy ceder le gouvernement de Lymosin. M. de Beaumont continue fort ses instances pour avoir la capitainerie de St Germain en Laye, dont il offre de rembourser 30 mille escus au president de Maisons, auquel on parle de l’oster, quoy qu’il en pretend 80 mille escus, à cause des acquisitions qu’il a faittes de plusieurs droitz, qu’il a annexés.

L’archevesché de Lyon est enfin donnée à M. l’abbé d’Aisnay, qui s’est chargé /244v/ d’une pension de 6000 livres, et qui a baillé, outre cela, l’abbayé de Langy, de 8 mille livres. On donne l’evesché de Carcassone à M. l’abbé Servient. M. l’abbé Tubeuf a pretendu à celuy de Glandeves, mais cette affaire n’a peu reussir pour luy.

On dit que les Espagnolz ont fait proposer au Conseil, par le Nonce et par l’ambassadeur de Venise, qu’ilz sont disposés de faire la paix, si l’on veut; mais les conditions qu’ilz demandent font veoir le peu de disposition qu’ilz y ont, puisqu’ilz veulent que M. le Prince y soit compris, que touttes les places que nous leur tenons encor, leur soint rendues, et que nous abandonnions le roy de Portugal.

On asseure, à present, la mort du duc de Chaunes, et que la nouvelle en vient hier, par courrier expres. Le chevalier de Chaunes est encor dans la citadelle d’Amiens, avec Madame sa mere. Mme la mareschalle de Villeroy partit d’icy, le 19, pour aller querir Mme de Chaunes, sa fille. Le duc de Glocester, frere du roy d’Angleterre, arriva icy le 21, au soir. Le mareschal d’Hocquincourt est revenu de Peronne, où il a mis ordre à ses affaires, pour s’en aller commander en Roussillon. M. le Cardinal porta dimanche dernier, à Mme de Liancourt, l’amnistie accordé à M. de la Rochefoucaut. M. le cardinal Antoine Barbarin doit partir la semaine prochaine, pour Rome.

L’evesché de Pons de Thomieres a esté donnée à l’evesque de St Paul [Trois Châteaux], qui a remis, avec son evesché, une petite abbaye en Xaintonge, laquelle a esté donnée à l’evesque de Bazas, et l’evesché de St Paul est donnée à l’abbé Tubeuf.

/226/ De Paris le 27 may 1653

Le duc de Chaunes estant mort, le Chevalier, son frere, fit entrer dans Amiens, en 2 fois, environ 700 paysans de ses terres; et ayant fait fermer les portes de la ville, le soir du 22, par le major, se fit porter les clefs dans la citadelle par celuy cy; lequel estant de conseil avec luy, dit qui [qu’il] n’avoit pas trouvé les eschevins, ausquelz on a coustume de les bailler, apres que les portes soit fermées. Le lendemain, au matin, il en fit ouvrir 2 seulement: sçavoir, celle de Beauvais, et celle de la citadelle, lesquels il fit garder par ses gens; sur quoy, ceux de la Ville envoyerent un courrier à M. d’Elbeuf, comme gouverneur de la province, pour l’en avertir, et s’en excuser sur ce que le chevalier de Chaunes leur avoit fait entendre qui [qu’il] le faisoit pour le service du Roy. Ce courrier feut renvoyé, avec les ordres de Sa M., par lesquelz elle leur commandoit de prendre les armes, et se saisir des portes de leur ville, sans souffir qu’elles feussent gardées par les gens de ce chevalier; lequel, en ayant esté adverty, renvoya les clefz de la ville aux eschevins, disant qu’il en avoit ordre du Roy, auquel il vouloit tousjours obeir; et despuis hier, les choses y sont fort calmes, par la bonne conduitte de Mme d’Elbeuf et de M. de Bourdeaux, intendant des finances, qui sont là. On croit que celuy cy fera donner une demy monstre à l’armée. Mme la duchesse de Chaunes arriva icy avant hier, avec Mme de Villeroy, sa mere; et l’on continue de traitter du gouvernement d’Amiens avec Mme la Vidame, qui est en cette ville, et qui feut avant hier visittée par la Reyne, sur la mort du duc de Chaunes, son filz.

Le brevet de l’archeveschée de Lyon feut deslivré, avant hier, à M. l’abbé d’Aisnay, qui en receoit à present les complimentz.

Le 21 du courant, M. le president Le Coigneux, qui preside à la Chambre de l’Edit, ayant voulu faire taire un advocat qui en interrompit un autre, pour faire quelques remonstrances sur l’affaire qui ce [se] playdoit, cest advocat ne laissa pas de continuer ses remonstrance; que ce obligea ce president à s’emporter, et à le menacer de l’envoyer en prison, ayant mesme appellé un huissier, pour luy en faire le commandement; dont cest advocat s’estant ensuitte plaint à ses compagnons, ilz en feurent tous scandalisés, et s’assemblerent sur ce subject au Palais, où ilz resoleurent de ne playder plus à le Edit, jusques à ce que ce president leur eusse fait raison sur cette violence, dont ilz avertirent MM. les Gens du roy. M. le Premier President en ayant eu advis, envoya querir les principaux advocatz, ausquelz ayant parlé fort civilement, et les ayant pris en sa protection, leur tesmoigna qu’il souhaittoit d’acommoder cette affaire; ce qui n’empeschea pas qu’ilz /226v/ n’executassent, le 23, la resolution qu’ilz avoint prise, de n’aller point playder à le Edit, où pas un ne se trouva. Le 24 ilz se rassemblerent au Palais, où le raport ayant esté fait de ce qu’avoit de M. le Premier President, ilz arresterent de le remertier, et de le supplier de leur vouloir continuer sa protection, de luy remettre leurs interestz entre les mains; et que neamoings ilz ne retourneroint point à le Edit, jusques à ce que le president Le Coigneux leur auroit fait la satisfaction qu’il seroit ordonné. Sur cela, M. le Premier President, ayant conferé avec les autres presidens, envoya querir les depputtés des advocatz, et apres leur avoir parlé avec la mesme civilitté qu’auparavant, leur promit que M. Le Coigneux ne les traitteroit plus de la sorte, qu’il les considereroit comme il doit, et qu’il leur en estoit caution, les priant de retourner, apres cette parolle, playder à le Edit, dont ils se sont contentés.

On dit que les Espagnolz ont assigné leur rendevous general de leur trouppes vers La Capelle, à la fin de ce mois; et que les lettres de change que M. le Prince avoit receues ont esté protestées.

M. de Beaujeu est party, il y a 3 jours, pour aller faire haster quelques troupes qui doivent joindre un corps d’armée qu’il doit commander en Champagne, en qualité de lieutenant general. M. de la Rochefoucaut est attendu icy dans 3 ou 4 jours. Le Roy est allé à la chasse ce matin, dans la plaine de St Denis.

L’on a suprimé tous les mareschaux de camp des armées du roy, dans lesquelles il n’y aura plus que les lieutenantz generaux du roy, qui feront la charge des mareschaux de camp, excepté ceux qui ont des regimentz, à la teste desquelz ilz serviront.

Les Estatz Generaux du Rouyaume sont de nouveau convoqués, au mois d’octobre prochain; et l’on croit que ce sera cette fois qu’ilz ce [se] tiendront tout de bon.

Il y avoit eu quelque desmeslé entre M. Fouquet et à M. Servient, dans la fonction de la surintendance des finances; mais M. le Cardinal les accommoda jeudy dernier.

M. le cardinal Anthoine Barberin a fait partir son bagage pour son voyage d’Italie, où il s’en va au premier jour. Il donna à disner au Roy et à M. le Cardinal, dimanche dernier.

On a escrit de Londres que les deputtés de Bourdeaux y estoint arrivés, et y avoint esté bien receus.

/227/ De Dijon le 21 may

Le 19 de ce mois, on fit jouer une batterie de 10 canons contre la ville de Bellegarde. Hier on en dressa une plus proche, de 4 canons. On a tiré 2 lignes ou trenchées, l’une contre un bastion qui est contre la Saone, au port de la ville, l’autre contre un bastion opposé, du costé de la terre. Cette derniere ligne estoit plus avancée, et maintenant on n’est plus loing de la contrescarpe. Les assiegés ne sortent point, de peur d’estre abandonnés de leurs gens, qui craignent à present de perdre ce qui [qu’ilz] ont buttinés. Ilz n’esperoint point de grandz secours qui fasse lever le siege, mais ilz ne desesperent pas d’en tirer de la Franche Comté, pour grossir leur garnison, à quoy on prent garde autant qu’on peut. Le roy d’Espagne avoit envoyé ordre à la Franche Comté de les assister, mais les Comtois aprehendent de rompre la neutralité, et d’atirer la guerre en leur pays, de laquelle on les menace s’ilz contreviennent au traitté. Le regiment de Guyenne, de 500 hommes de pied, levé au despens de ce pais, vont renforcer nos gens au commencement de la semaine prochaine.

De Bourdeaux du 19 may

 On parle diversement de la quantité de bled qui est en cette ville. Les ungs tiennent qu’il n’y a pas pour plus d’ung mois dans les greniers public, pour en fournir au boulengers; les autres disent qu’il y en a pour plus long temps. Il y a nombre de particuliers qui en ont bonne pourvision, et M. le prince de Conti a fait faire, à ce qu’on dit, grand magasin, tant pour sa maison que pour celles des princesses, et encor pour les gens de guerre, ausquelz la ville fournit le pain de munition. M. de Folleville continue à se fortifier sur le bord de la riviere, du costé de Medoc. Les troupes de cette ville sont à une lieue pres de luy, et travaillent à se fortifier, pour aller attaquer ses gens. L’on a decouvert une nouvelle cabale, qui ce [se] faisoit en cette ville par un nommé Menge Leseaux, qui s’est sauvé.

Les uns tiennent que l’armée d’Espagne viendra au plus tost dans cette riviere; d’autres disent qu’elle ne se hazardera pas, en l’estat qu’elle est, et qu’elle attendra les escouades qui le doivent joindre.

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