Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

Contents

Volume 1

Panat

Orest's Pages

Patricia's Musings

Marc-Antoine

Charpentier

Musical Rhetoric

Transcribed Sources


 

Madame de Miramion's school for girls

(On women teachers, see also my notes on the Filles de l'Enfant Jésus)

Source: Mazarine, ms. 2467: a volume of papers concerning Pierre Nicole, fol. 324:

On Madame de Miramion's school for girls, written by a woman in Paris to a "sister" (probably either a nun or a collaborator in a teaching venture) who had remained behind in Chartres.
Je suis si engagé, ma tres chere sœur, à vous faire part de tout ce que j'ay appris dans la visite que je vous dis que je devois faire chez Madame de Miramion qu'il faut que je m'acquitte de ma promesse. Mais parce que j'ay peu de memoire, je craindrois qu'il ne m'echappast beaucoup de choses si je me contentois de vous en dire dans un entretien ce qui me viendroit alors dans l'Esprit. Ainsy j'ay crû qu'il seroit plus avantageux pour le dessein que nous avons l'une et l'autre de rendre nostre Echole plus utile qu'elle n'est aux Enfans qui y sont instruits, que j'ecrivisse tout ce que j'ay remarqué dans ma visite pour essayer ensuitte de donner tout l'ordre que nous pourron aux defauts que nous remarquons dans la nostre.

Le reglement des Echoles de Madame de Miramion me parut si beau que si quelqu'un m'avoit rapporté les choses qui s'y pratiquent, j'aurois eu peine à le croire. J'y allé dès le matin dans cet exercice. L'on me mena d'abord dans la classe des Enfans de condition mediocre. Elles se leverent touttes modestement pour me saluer sans exciter aucun bruit, en reprirent ensuitte toutes leur exercice. Il y avoit bien, je croy, cinquante Enfans, et l'on n'entendoit aucun bruit que la voix de la Maistresse, lorsqu'elle a besoin de leur parler touchant ce qui regarde leur instruction. Car pour les reprendre les Enfans l'entendent au moindre signe qu'elle leur fait, et j'admirois qu'elles obeissent à ces signes non seulement dans les choses faciles, mais meme dans les petites penitences qu'on leur impose lorsqu'elles manquent à leur devoir. Et quoyque ma presence les augmentast un peu, elles les subissoient neanmoins sans resister, et ce qui consomme quelquefois des heures entieres à une Maistresse qui ne sçait pas comment il faut prendre des Enfans pour en venir à bout, ne luy coustoit qu'une parole dite d'une manière ferme et douce.
On ne sçait ce que c'est dans cette Echole que de se rompre la teste à crier apres des Enfans. La Maistresse conserve sa voix et sa teste pour parler dans toutes les occaisons où il est necessaire d'instruire les Enfans, et par ce moyen elle fait le Catechisme pendant toute la classe, Celuy des mœurs pendant qu'on lit, et celuy qui regarde la foy l'heure destinée à cela.

Lorsque la classe fut finie, je tesmoigné à la sœur l'etonnement où j'etois de la sagesse de ses Enfans, et je luy dis que je croyois que le talent qu'elle a pour cet exercice estoit un peu secondé par les parens qui ont soin de conserver leurs Enfans dans les bonnes dispositions qu'elles leu inspirent, mais que je ne croyois pas qu'elles pûssent reussir avec autant de succez aux Enfans des pauvres, à cause que les grands dereglemens qu'ils voyent dans leurs parens destruit en une heure tout ce qu'elles peuvent gagner en un an. Elle m'asseura qu'il n'y avoit pas quasi de difference. Mais comme j'ayme à faire autant que je puis les experiences moy-me[m]e, je prié cette sœur qu'on me fist voir leur Echole des pauvres, parce que c'estoit celle-là que j'estoit venue voir principalement.

Elle fit quelque difficulté parce qu'elle ne se fait pas dans leur maison, et qu'elle est un peu loin, mais sur quelque insistance que je luy en fis, elle me dist que parce que je voulois bien faire ce chemin, l'on m'y meneroit l'apresdisnée.

La chose fut donc remise apres le disner, et comme on n'y alla qu'apres la recreation, j'eus le temps d'avoir avec cette sœur un fort long entretien sur la difficulté qu'il y a de faire concevoir à des Enfans des choses aussi incomprehensibles que le sont tous les mysteres de la foy à la maniere qu'ils se peuvent comprendre, puisqu'ils sont tous au-dessous de la raison, et nous demeurasmes d'accord ensemble des moyens dont il faut se servir, qui est d'exercer leurmemoire en leur apprenant le mieux qu'il se peut les termes de leur catechisme. Mais qu'il ne se faut pas contenter de cela, parce qu'aussitost qu'ils l'auront oublié, ce qui arrive peu de temps apres qu'on les ait retirées de l'Echole, elles ne sçavent plus rien du tout, et elles sont en pire estat que celles qui n'ont rien appris du tout parce qu'au moins ces dernieres ont quelque desir d'estre instruittes lorsque'elles ont rencontré quelqu'un qui leur a fait concevoir l'obligations qu'elles ont de se faire instruire, au lieu que celles qui ont appris leur catechisme simplement par memoire en retiennent toujours assez pour satisfaire les confesseurs qui les interrogent, et qu'un confesseur qui croit qu'elles entendent ce qu'elles disent se contente de cela. Ainsi ces pesonnes demeurent dans une extreme ignorance toute leur vie sans qu'on puisse y remedier, parce qu'elles n'ont plus aucun desir d'apprendre ce qu'elles se persuadent de sçavoir, et qu'elles ne sçavent pas. ... [A brief discussion on catechism and how best to do it follows, but was omitted here.]

Pendant que nous nous entretenions de toutes ces choses, cette sœur et moy, une cloche sonna qui l'obligea de me quitter, et celle qui instruit les pauvres vint incontinent me prendre dans le jardin où l'autre m'avoit laissée et me mena avec elle.

Je trouvay dans cette classe le meme reglement que celuy que j'avois vû le matin, ce qui me donna beaucoup de confusions interieurement, lorsque je comparé l'extreme difference qu'il y avoit entre les Enfans que nous instruisons à Chartres et ceux que je voyois, et je demeuré convaincue que tous les desordres des Enfans que nous instruisons venoient de nostre peu d'addresse, parce que les Enfans sont comme des cires molles dont on fait tout ce qu'on veut, quand on sçait manier leur esprit. Cette classe estoit composée d'environ quarante Enfaans de toutes sortes d'aages, depuis six ans jusqu'à traize. L'on me dit qu'il y en avoit bien soixante, mais que les autres estoient à la campagne.

Lorsqu'elles y sont toutes, l'on n'est point du tout plus incommodé, et une seule maistresse suffit à tout ce grand monde par l'ordre qu'elle donne à tenir les Enfans dans un silence exact. Ce n'est pas qu'elle leur donne souvent des penitences: car pendant trois heures que j'y fus, l'on n'en donna que deux un peu facheuses et quelques-uns de plus legeres.

Pour le chastiment qui est si redoutable aux Enfans, l'on n'y a recours qu'à la derniere extremité, et elles ont tant d'adresse pour n'en venir point là, qu'elles me dirent que cela n'arrive pas en un mois une fois.

Ainsi tout se reduit à leur faire baiser la terre, lorsqu'elle prennent la liberté de parler leur maistresse sans necessité, ou lorsqu'elle ne parle pas à elles,
A leur donner tres legerement dans la main, lorsqu'elles ont parlé à leurs compagnes,
A les priver de quelque recompense qu'on leur avoit fait esperer,
A les degrader de quelque charge honnorable qu'elles avoient dans la classe,
A les obliger à se demander pardon lorsqu'elles se sont parlées d'une maniere rude et incivile,
A lier les pieds de celles qui changent de place,
A envoyer dans les bancs des plus petites, les grandes qui badient.

Toutes ces petites choses appliquées avec adresse font un effet merveilleux, pourveu qu'on les accompagne de tous les discours qu'il est necessaire de dire aux Enfans pour leur donner de la confusion.

Les petites penitences se donnent sans leur parler. L'on leur dit simplement d'un maniere grave et ferme qu'elles baisent la terre, ou qu'elles viennent recevoir dans la main, mais si elles y retournent, elles n'en seront pas quitte pour cela. Et pour les penitences qui leur sont plus penibles, l'on a soin de ne s'en servir que le moins que l'on peut, de crainte qu'elles ne s'y accoustument. Ainsi l'on leur en donne la plus grande terreur qu'il est possible, parce que sans cela ces penitences auroient peu d'effet.

Je vis mettre une langue qui est une des grandes penitences. Il est certain que si la maistresse n'avoit dit autre chose en ordonnant cette peine que ce qu'elle dit en imposant les penitences dont j'ay parlé, son Echole s'en iroit en desordre en peu de temps: parce qu'il faut toujours que les Enfans craignent, et qu'elle n'auroit plus rien pour les faire craindre si elle ne sçavoit faire valoir, comme elle fait, ces sortes de penitences. Voicy donc comme elle mesnaga celle-cy:

La premiere qu'on surprit dans une causerie extraordinaire, car il y en a beaucoup qui n'incommodent point qu'il ne faut pas voir, se vont soumettre si doucement et si humblement à recevoir cette langue qu'on luy dist que son obeissance luy espargneroit pour cette fois la grand confusion que sa faute meritoit. Et elle en fut quitte pour baiser la terre. Mais une heure après une autre ayant recommencé à parler d'une maniere qu'on ne pouvoit pas dissimuler, la maistresse ne la pouvant plus souffrir luy dit qu'elle l'avoit tant vue causer qu'elle avoit peur que sa langue en fust tout usée lorsque'elle sortiroit de l'Echole, ainsi qu'elle estoit obligée de luy en mettre une autre par charité pour laisser un peu reposer la sienne. Elle ne fut pas si sage ou si fine que l'autre, et elle resista si longtemps que je craignois beaucoup qu'elle ne s'attirast par sa resistance quelque chose de pis. Enfin la maistresse conduisit cette affaire avec tant d'adresse que la petite fille se resolut à se mettre à genoux devant elle et souffrir avec beaucoup de larmes, mais sans bruit, qu'elle luy attachst cette langue. Et apres que la sœur eut beaucoup exageré la grande humiliation qu'elle s'estoit attirée d'user de ce chastiment, elle l'envoyoit ainsi se monstrer à toutes ses compagnes.

Ce temps fut assez long, mais ce fut celuy qui fut le mieux employé de tout l'apresdisnée. Car elle prit occasion de faire aux enfans des instructions bien necessaires. Elle leur apprenoit qu'il ne faut pas se divertir de ce qui afflige leurs compagnes, qu'elles devoient au contraire s'affliger des fautes qu'elles leur voyent commettre. Sur cela quelques-unes la prierent de luy pardonner. Une autre passa plus avant et la vint prier de la decharger sur elle de cette mortification.Et tout cecy se faisoit de si bonne grace que je ne pouvois m'imaginer que ce fussent des enfans, et des enfans de cette condition, qui faisoient ce que je voyois. Peutestre que tout se faisoit sans pieté, car il est fort rare, surtout en cet age. Mais elles ne le pouvoient faire sans esprit, car il en faut pour comprendre qu'il y a de l'honneur à faire penitence pour une faute que l'on na point commise lorsque tous ceux qui nous la voyent faire le sçavent. Ainsi de quelque façon que l'on prenne ce que firent ces petites filles, l'on ne peut trop estimer le talent de leur maistresse pour cet employ.

Elle entend à trois ou quatre choses à la fois. Pendant que les grandes ecrivent, elle fait lire les plus petites. Il y a deux à qui elle faisoit faire ds lettres pour leurs meres qui estoient à la campange, et pour leur ouvrir l'esprit elle ne faisoit que leur donner des pensées. Pendant ce temps-là elle observoit si elles estoient droites et civiles, si elles faisoient la reverence, si elles baisoient la main en donnant ou en redevant quelque chose. Enfin je reconnus qu'elles m'avoient dit tres vray, qu'il n'y avoit point de difference entre ces enfans et celles que j'avois vues le matin.
Elles ont aussi un soin que me parut extremement utile pour ces pauvres enfans, qui est d'obliger les parens de les tenir aussi propres que leur pauvreté leur peut permettre, parce que ce grand desordre où elles se tiennent d'ordinaire leur abbaisse l'esprit et les accoutume à estre mal propres, ce qui les rend incapables, lorsqu'elles sont grandes, de servir des personnes de condition. De sorte que si elles servent, il faut que ce soit dans des cabarets ou dans d'autres conditions qui ne valent gueres mieux.

Leur maistresse ne souffre donc point que leur robe soit à demi lassée, qu'elles ayent un mouchoir tout de travers, que leurs cheveux leur couvrent les yeux, ni qu'elles ayent le visage ny les mains sales.

J'en vis une qui vint avec ses cheveux tous en desordre que l'on renvoya sur l'heure, et elle revint quelque temps apres aussi propre qu'elle pouvoit estre. Si leurs meres ne sçavent pas elever leurs Enfans, ni pour le corps ni pour l'esprit, il leur faut apprendre si l'on peut.

Lorsque l'Echole fut achevzoe, je quitté cette bonne sœur fort edifiée d'elle et tres malcontente de moy, lorsque je considerois l'extreme difference des Enfans que nous instruisons et ce ceux-cy. Et lorsque je fis ensuitte reflexion d'où venoit cette grande difference, je reconnûs que le plus grand defaut que puisse avoir une personne qui est chargée de l'instruction des Enfans est de ne sçavoir pas les faire taire. Les moindres qualitez suffisent lorsqu'on sçait tenir les Enfans dans leur devoir, et les meilleures qualités sont inutiles lorsque cela manque. Ceux donc qui ont entrepris cet exercice de charité ne sçauroient trop se mettre en peine de cherecher les moyens qui peuvent servir à etablir ces silences si necessaire dans les Echoles dont elles sont chargées.

Il y en a deux pour cela. Les Enfans ont comme les hommes raisonnables deux passions qui les dominent davantage. la crainte du mespris et le desir de l'honner. Ainsi l'on n'a qu'à se bien servir de ces deux passions que l'on trouve dans les Enfans et qui n'y sont pas moins vivantes que dans les personnes raisonnables. Il leur faut faire craindre le mepris par les humiliations, et satisfaire le desir naturel qu'elles ont de l'honneur par des louanges, l'approbation et les recompenses que l'on donne à celles qui font bien. Lorsqu'on a soin de relever ainsi tout ce qu'elles font de louable, on donne aussi envie de bien faire aux autres pour estre louées. On leur fait aimer leur maistresse, on leur donne de la crainte de perdre ses bonnes graces, et l'on les persuade que ce n'est qu'avec beaucoup de regret qu'elle les punit lorsqu'elles font des fautes. C'est de cet amour que les Enfans ont pour leur Maistresse que vient cette prompte obeissance qu'elles luy rendent.

Je crois que ce moyen de louer les Enfans lorsqu'elles le meritent n'est pas moins necessaire que celuy de les punir lorsqu'elles ont fait des fautes, et l'on peut dire que l'on ne sçauroit reussir si l'on ne se sert de ces deux moyens. Car il seroit impossible de tenir des Enfans trois heures de suitte sans parler ny remuer si l'on n'avoit que des punitions pour les tenir dans cet estat, et elles se resoudroient plustost à subir toutes les penitences que de se faire une telle violence. Il faut donc trouver un moyen de les divertir, deles satisfaire et de les desennuyer. Ce sont les louanges et les petites recompences qui font cela.

Quoyqu'il faille beaucoup de talent et beaucoup d'application comme vous voyez, ma tres chere sœur, pour bien reussir dans cet employ, je ne desespere pas apres que j'ay vû un si bon modele de la maniere d'instruire les Enfans, que nous ne le puissions imiter, au moins dans les choses essentielles; pourveu que nous ayons un grand desir de mettre tout l'ordre que nous pouvons à nostre Echole, où l'on peut dire que les Enfans perdent tout leur temps en l'estat où elle est à present.

Il ne faut pas se rebutter des difficultez que nous y trouverons d'abord. Car enfin, la chose n'est pas impossible, puisque j'ay vû moy-meme prattiquer avec une tres grande facilité tout ce que j'ay rapporté. Cela ne se fait pas en un jour, mais l'on en vient à bout lorqu'on est vivement penetré, comme je ne doute pas que vous le soyez, de la menace que Dieu fait ceux qui font son œuvre d'une façon negligeante, et qui craignent le conte [sic] qu'on leur demander de ses [sic] Enfans que nous a confiez comme de sacrez depots s'ils perissent par nostre faute.

Pour ne nous point embarasser l'esprit de tant de chose et regarder cet employ comme une chose au-dessous de nous, nous n'avons qu'à considerer que la principale chose pour reussir dans l'instruction des Enfans est de trouver le moyen de les faire taire. Or il est deja trouvé et nous n'avons qu'à nous servir des inventions des autres et les mettre en prattique, lorsque le silence est necessaire et sans lequel on peut absolument toutes ses peines est bien establi. Tout ce que dit une maistresse qui est prudente et qui craint Dieu est une continuelle leçon pour les Enfans qui l'entendent, et c'est ce que j'ay appellé le catechisme des mœurs qui se doit faire pendant toute la classe.

Pour celuy qui regarde la foy et qu'il faut aussi leur faire, si l'on peut tous les jours pendant la derniere heure de l'apresdisnée, pourveu que l'on ait un peu de discernement pour leur choisir ce qui est propre aux Enfans, nous trouverons dans les livres tout ce qui nous est necessaire pour cela. Il faut seulement avoir un certain ordre pour leur apprendre les choses qu'elles doivent sçavoir.
Pour le faire plus facilement nous n'avons qu'à lire dans l'histoire de la Bible ou dans le Nouveau Testament ce que nous avons à leur apprendre. Si c'est, par exemple, l'histoire de la Nativité que nous contons, il la faut lire ce jour-là meme, afin de l'avoir bien present, mais il ne faut pas se contenter de lire devant eux, parce que peu d'Enfans sont capables d'entendre ce qu'on lit, mais elles aiment les histoires et les entendent lorsqu'elles ont un peu d'esprit. Il n'en faut dire qu'une à la fois de crainte de les confondre. L'Annonciation en doit faire une, la Visitation une autre, la Nativité, l'Adoration des mages et ainsi des autres. Pour la Passion, il la faut diviser par parties. L'institution du Saint Sacrement en fait une avec le lavement des pieds et l'agonie du jardin. La prise de Notre Seigneur en fait une autre, et le reste doit estre partagé en deux ou trois autres parties.

Ensuitte il ne faut jamais manquer à leur faire des questions sur l'hstoire qu'on leur a contée, et de donner à celle qui a le mieux retenu ce qu'on leur a dit quelque image, ou quelque autre petite recompence. Cela ne vat [sic] pas tres loin, parce que peut de chose les contente, et cela sert beaucoup pour les tenir appliquées. Je ne viens à bout des Enfans de Chartres que par ce moyen.
 
Pour les questions que j'ay dit qu'il leur faut toujours faire, il n'y a rien de plus facile. Si c'est par exemple la Nativité qu'on leur a contée, il n'y a qu'à leur demander où est né Notre Seigneur. S'il ne pouvoit avoir un autre lieu que celuy qu'il a choisi. Si personne ne l'est venu [voir] dans ce lieu si pauvre. Qu'est-ce qui en avertit les bergers, et de meme des autres mysteres. Il leur en faut demander les principales circonstances. Il faut aussi avoir soin de relever tous les miracles qui ont accompagné les mysteres. L'apparition des anges à la Nativité. L'eclypse du Soleil au Crucifiment, et ainsi des autres parce que cela sert beaucoup à leur donner une grande idée de la religion, et puisque Dieu a voulu que les Apostres plantassent la foy dans l'eclat de leurs miracles, lorque nous la plantons dans ces jeunes enfans si nous ne pouvons plus leur faire voir des miracles il faut au moins frapper leur esprit par ceux qui sont faits dans l'establissement de la Religion.

J'oubliais à dire que l'on ne doit pas manquer à leur conter la vie des saincts qui sont les plus celebres. On peut prendre pour cela la veille de leur feste, ou le jour de leur feste quand elle n'est pas chommée. Il faut aussi leur inspirer le plus que l'on peut la devotion à la Sainte Vierge, à leur patronne, à leur Ange gardien, et il faut tascher que chacune sçache la vie de sa patronne.
Pour les choses qu'on ne leur peut conter par histore et que j'ay dit qu'il leur faut apprendre, en les entretenant familierement, l'on peut tout de meme lire le jour dans quelque livres les choses dont on leur veut parler. Si c'est de l'Enfer, ou du Paradis, il n'y a qu'à lire dans Grenade quelque meditation sur ces sujets qu'il a si bien traittez, et il est impossible lorsqu'on a lû quelque chose du sujet dont nous voulons parler, qu'il n'en demeure toujours assez pouir entretenir des Enfans l'espace d'un quart d'heure. Pour les sacremens le Catechisme de Chaalons intitulé L'Echole Chrestienne peut suffire tout seul. L'on y trouve tout ce dont on a besoin pouir les en bien instruire.
Vous voyez donc bien, ma chere sœur, qu'il n'est pas si difficile qu'il paroist d'abord de se bien acquitter de cet employ, puisqu'il ne faut que faire taire des enfans et leur dire ce qu'on a lu en le proportionnant à la porté de leur esprit. Je me suis longtemps arrestée à vous dire des choses que vous savez peutestre mieux que moy, mais j'ay crû que la charité m'obligeoit en vous parlant de touites les inventions que l'on a trouvées dans l'Echole que j'ay veue pour tenir les Enfans dans leur devoir et regler leurs mœurs, d'y joindre aussi celles dont je me sers pour me faciliter cet exercice.

FIN