Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/123/  De Paris le 5 novembre 1649

Le 29 du passé le mareschal duc de Chaunes mourut en ceste ville. Le vidame d'Amyens, son filz, se jetta dans la citadelle d'Amiens aussytost qu'il le sceut et envoya prier le mareschal de Villeroy, son beaupere, de demander pour luy le gouvernement d'Auvergne, qui apartenoit à son pere. Ce gouvernement feut en mesme temps demandé par le duc de Nemours, et Mme la princesse de Carignan le demanda aussytost pour le prince Thomas. M. l'abbé de la Riviere y pretend aussy, mais on dit que ce n'estoit pas tant pour desir qu'il en eut comme pour se servir de ce moyen afin d'obliger l'abbé d'Aumale de luy cedder ses pretentions sur l'archevesché ou coadjutorerie de Rheins en ceddant au duc de Nemours, frere de celuy cy, ses pretentions sur ce gouvernement. Le duc de Nemours ayant sollicitté trois jours durant pour en avoir le brevet et voyant que M. le Cardinal ne voulut pas qu'il eut, en vient à des grosses parolles avec S.E. et la querella fort comme c'est à present la coustume des grandz quand ilz veulent tirer quelque advantage de la Cour; mais cela ne luy servit de rien, et M. le Cardinal n'a pas laissé de disposer de ce gouvernement d'Auvergne en faveur de M. le duc d'Elboeuf, qui luy cedda celuy de Picardie suivant le traitté qu'on en avoit fait entre eux il a environ 3 mois. C'est le subject qui avoit obligé le Vidame à se jetter dans la citadelle d'Amiens afin de la conserver dans ceste conjoncture, mais on dit que M. le Cardinal luy a offert 100 mille escus pour le gouvernement particulier d'Amyens, et autant au prince d'Arcourt pour celuy de Montreuil, et qu'il en sont satisfaitz. Cepandant le 3 du courant au soir M. le duc d'Orleans et M. l'abbé de la Riviere accommoderent M. de Nemours avec S.E., l'ayant amené pour cest effect ches elle pour luy declarer qu'il ne pretendoit plus à ce gouvernement, sur la priere qui luy en avoit faitte S.A.R., qui luy a promis le premier gouvernement vacant et luy en est demeuré caution. Le different de M. l'abbé de la Riviere avec M. d'Aumale touchant l'archevesché de Reins feut en mesme temps accommodé, en sorte qu'on donna parolle à M. l'abbé de la Riviere de la coadjutorerie dudit archevesché et à M. d'Aumale d'une abbaye qui y est annexée, et ainsy M. de la Riviere traitte maintenant avec l'archevesque de Reins pour avoir son consentement pour la coadjutorie.

Quant aux changementz des autres gouverneurs des provinces dont il a esté parlé, il s'y trouve tant de difficultés qu'on ne croit pas que ce traitté se puisse executter; neamoings on asseure que M. le duc d'Orleans est presque resolu de cedder à la Reyne son gouvernement de Languedoch pour celuy de Bretagne, quoy que celuy cy vaille moings de plus de 100 mille livres de rente.

Le 30 on envoya au comte de Charrost les quittances de touttes les sommes qu'il avoit receu de son authorité privée dans son gouvernement de Calais, avec ordre de mettre par ce moyen en liberté les receveurs et commis qu'il avoit fait emprisonner et leur laisser percepvoir à l'advenir les deniers de la recepte. /123v/

Le mesme jour M. le comte d'Harcourt arriva en ceste ville. Ledit jour au matin la cour estant fort grosse ches M. le duc d'Orleans, S.A.R. demanda à un gentilhomme quelle nouvelle on disoit par la ville. Ce gentilhomme respondit qu'on faisoit courir un bruit fort dangereux, sçavoir que le Roy devoit aller faire la St Hubert à Versailles le 3 de ce mois et ne revenir plus à Paris, et que ce bruit commençoit à donner l'alarme au peuple; à quoy S.A.R. repartit que ce n'estoit point le dessein de la Cour et que si le Roy sortoit de Paris, elle demeureroit et se mettroit à la teste des Frondeurs. Le peuple estant imbu de ce bruit, le Roy fit la St Hubert dans le Palais Royal, et S.A.R. ne feut point à la chasse à cause qu'elle estoit malade des gouttes, mais elle donna à souper à la noblesse le soir du mesme jour dans son palais, où M. le Prince se devoit treuver, mais le cerf qui courut à St Maur le mena si loing qu'il ne peut pas revenir ce jour là et feut obligé d'envoyer faire ses excuses à Sadite A.

Vous aves sceu que par le traitté de Ruel on donna la place de d'Anvilliers pour seurté à M. le prince de Conty, lequel s'en demit aussytost en faveur du prince de Marcillac et il feut arresté qu'on en recompenseroit le baron d'Annevou, qui en estoit gouverneur. Sur cela le sieur de Becherelle, lieutenant de celuy cy, vient demander la recompense à la Cour, avec quelque argent qui luy est deubt, dont il a fait inutillement la poursuitte 6 mois durant; apres lesquelz ledit sieur de Becherelle ayant sceu que le prince de Marcillac avoit envoyé le chevalier de la Rochefoucaut, son frere, à Danvilliers pour en prendre possession, s'en alla jetter promptement dans la place et s'accommoda avec la garnison en luy promettant de la faire payer de tout ce qui luy est deubt; apres quoy ayant sceu l'aproche du chevalier de la Rochefoucaut, il sortit avec une partie de la garnison et l'alla assieger dans une hostellerie, où il le prit prisonnier, et ensuitte le relascha et envoya icy son frere pour proposer un accommodement au prince de Marcillac en luy faisant entendre qu'il avoit esté obligé de user ainsy pour avoir son payement et qu'il ne pretendoit point du tout au gouvernement de cette place. Le prince de Marcillac ayant tesmoigné d'estre fasché de cette action, ce frere du sieur de Becherelle luy dit que son frere estoit gentilhomme et qui [qu'il] luy feroit tousjours raison quand il voudroit; mais cest affaire feut accommodée le 2 de ce mois ches M. le prince de Conty, qui s'obligea de faire recompenser ledit de Becherelle.

L'on n'a encor rien resolu sur le choix d'un nouveau surintendant des finances. Le marquis de la Vieuville en est exclus par la ligue que les partisans ont faitte contre luy. M. le Prince porte maintenant M. d'Hemery, lequel se fait fort de faire treuver 1200 mille livres dans les coffres de l'Espargne aussytost qu'on l'aura receu dans ceste charge. M. le duc d'Orleans n'y veut pas consentir afin que le peuple /124/ n'aye pas subject d'en murmurer, comme il est à craindre à cause des billetz qu'on continue de semer et des libelles qu'on a imprimés contre luy. Neamoings on croit que cela n'empeschera pas qu'il n'aye cette charge, et il est arrivé en ceste ville incognito, croyant son affaire plus avancé qu'il n'est.

Le 2 du courant on eut advis qu'il estoit arrivé au Havre de Grace 80 navires chargés de bled, dont les deux tiers viennent icy, et l'autre tiers demeure à Rouen. Le mesme jour on tient conseil de guerre au palais d'Orleans, où l'on disposa des quartiers d'hyver pour l'armée de Flandres. L'on avoit resolu auparavant d'envoyer les troupes alemandes dans le Luxembourg, mais sur l'advis que l'on eut que le duc de Lorraine y avoit envoyé les siennes, qui se sont saisy de tous les postes pour empescher les nostres d'y entrer, l'on resolut de les envoyer en Lorraine. Quant aux autres troupes, l'on envoye en Guyenne 4 regimentz de cavalerie et 7 d'infenterie, qu'on fait monter à 4000 hommes, parmy lesquelz sont les regimentz de Picardie, Piemont, et Navarre, commandés par M. de Choupes, mareschal de camp. Toutte la gendarmerie et cavalerie legere sera dispersée dans les provinces voisines d'icy, sçavoir celle de M. le duc d'Orleans dans le Nivernois, celle de M. le Prince en Bourgoigne, elle de M. le prince de Conty en Champaigne, et celle de M. de Longueville dans la Normandie. Pour ce qui est des autres troupes, on casse 300 cornettes de cavalerie pour espargner les frais des quartiers d'hyvert, et le reste avec infanterie sera mis pour la pluspart dans les places frontieres, dont les garnisons seront renfourcées autant qu'il se pourra.

Les avis de Flandres portent que les troupes alemandes marchent par la Champagne pour aller en Lorraine et que les autres troupes s'occupent à raser Lilers.

Le mareschal de Schomberg est revenu icy de Nanteuil pour recevoir une melieure assignation que celle qu'on luy avoit donné de 50 mille escus qui sont deubtz aux garnisons de son gouvernement de Metz, Toul, et Verdun.

Le mareschal de Ransau n'est pas encor en liberté, ne voulant pas sortir qu'on ne l'aye auparavant recompensé du gouvernement de Duncherche et menace de presenter requeste au Parlement pour avoir la liberté, mais on croit que cest affaire sera accommodée avant la St Martin. Les fermiers des gabelles ont entierement abandonné leur ferme. M. le marquis de Montauzier, qui estoit cy devant dans la Haute Alsace, a esté fait lieutenant general de la Haute et Basse Alsace, dont M. le comte d'Harcourt est gouverneur.

De Bourdeaux du 28 octobre

On travaille icy a la desmolition du Chasteau Trompette avec plus de chaleur qu'auparavant, et l'on a commencé à faire 3 fourneaux pour faire sauter deux tours. Des plus on va obliger les parroisses d'alentour de ceste ville à fournir des paysans pour y travailler les ungs apres les autres. Quelques bourgeois de ceste ville offrent /124v/ une bonne somme d'argent pour faire une porte de ville à l'endroit du chasteau et faire bastir des maisons en la place où il est scitué.

M. le mareschal du Plessis est à Lormond, où on luy envoya hier six depputtés, lesquelz il traitta fort mal tous sans exception, d'aucuns ayant dit à M. de Souderaut, qui parloit de l'histoire, "Voicy mon historien," à M. de Massiot, qui levoit les espaules par habitude, cela luy estant ordinaire, "quelle grimace c'estoit"; et qu'il en feroit bien autant à M. de Blanc, procureur scindic, qu'il [qui] le mal traitteroit, n'estoit la consideration de son pere, qui est conseiller à la Grand' Chambre, pour avoir dit quelques parolles de luy à quelques personnes, qui les luy avoint redites; et apres les avoir interrompus, il dit que devant que parler de la paix, il faloit luy remettre le chasteau entre les mains pour le faire rebastir à ses despens et pour y mettre 300 hommes en garde, et que c'estoit honteux à un peuple de demander un autre gouverneur; sur quoy nos deputtés s'en reviendrent sans pass outre. Cela fait mal juger des intentions de ce mareschal, et l'on dit que ce n'est que pour nous amuser en attendant le secours que doibt arriver à M. d'Espernon. L'on m'a dit que nos deputtés demandoint qu'on leur accordat, en cas qu'on ne vouloit point changer M. d'Espernon, qu'il n'y auroit plus de chasteau dans Bourdeaux; et qu'il y auroit un lieutenant de Roy et un maire de la ville, ainsy que nous les avons eu autrefois; et que nos troupes seroint encor entretenues icy cest hyvert pour aller au printemps en Flandres, Catalougne, ou allieurs où il plairroit à Sa M.

Le marquis de Hautefort arriva icy avant hyer au matin avec 18 ou 20 chevaux et s'offrit au Parlement avec 500 chevaux qu'il a tout prestz et dont il s'est asseuré en Perigort, pourveu qu'on luy donnat 100 mille livres pour les souldoyer, ce qui n'est pas facile à faire à cause de la disette d'argent que nous avons icy. Neamoing on a treuvé une bonne partie de celuy qu'il faut pour disposer nos troupes à se mettre en campagne. Elles sont de 6000 fantassins, et 800 chevaux, qui doibvent sortir sabmedy prochain, mais M. de Sauveboeuf n'y pourra pas aller, estant encor tropt foible.

On eut hier avis icy que le comte d'Oignon est à Espigneul [L'Epineuil], demy lieue de la ville de Xaintes, malade d'une fievre tierce et que son secretaire y estoit arrivé en poste venant de Paris et luy avoit aporté les ordres de la Cour pour se tenir prest à se mettre en mer avec les vaisseaux qui doivent venir au secours de M. d'Espernon du costé de la Bretagne. Les mesmes advis adjoustoint que M. le marquis de Montauzier, gouverneur de Xaintonge, estoit aussy arrivé audit Espigneul revenant de Paris; qui [qu'il] avoit fort maltraitté le maire de la ville de Xaintes pour avoir permis que quelques gentilhommes /125/ de son gouvernement ayant levé des trouppes pour nostre parlement.

De Bourdeaux le premier novembre 1649

Nostre armée n'est pas encor en campagne. On ne luy peut pas mettre de 3 ou 4 jours. Cepandant nous sommes menacés d'ung pronpt secours de M. d'Espernon, ce qui desplait à beaucoup de gens, qui aprehendent quelque eschec et que disent que despuis qu'on ne trouve pas de l'argent pour faire sortir l'armée, on aura bien plus de peyne d'en trouver pour l'entretenir un longtemps, comme il est à craindre.

Les vaisseaux holandois ont derechef refusé de servir M. d'Espernon et l'on dit q'ung navire des Estatz passant il y a 2 jours devant Blaye fut saluée de 3 coups de canon, faute d'avoir mis asses tost son pavillon bas apres le signe que luy en feut fait, et qu'il abaissa ses voiles pour ne pas aller si viste et respondit de six coups de canon, apres quoy il rehaussa ses voiles et passa outre.
Ceste chaleur de desmolir le chasteau s'est bientost dissipée et l'on n'y travaille presque plus. Il est vray qu'hyer apres disnée on fit jouer un des fourneaux que l'on avoit fait pour abattre les deux tours, mais ce feut avec si peu d'effect, faute de l'avoir fait asses avant dans le mur, q'un quintal de poudre qu'on y avoit mis dedans ne fit qu'abattre 30 pierres de tailles des environs.

Nostre admiral Treillebois se prepare à recevoir les vaisseaux qui doivent venir de secours à M. d'Espernon. On a vendu à l'encan une bonne partie des meubles qui estoint dans le chasteau, et l'on en vent tous les jours d'autres de beaucoup d'Espernonistes. Je ne sçay quand ceux du Puy Paulin ce [se] vendront. On dit qu'on ne le peut, pour ne trouver pas de marchandz et que les tapisseries sont de tropt haut pris.

Le mareschal du Plessis à relasché de son humeur austere et parle maintenant avec plus de douceur. On ne croit pourtant pas pouvoir rien faire avec luy.

Du 9 novembre

Le dernier ordinaire de Bourdeaux vient d'arriver qui rapporte que l'armée de la Ville se disposoit à se mettre en campagne, et que le peuple avoit tout desmoly Puy Paulin.

/127/ De Bordeaux le xi novembre 1649

Le 7 du courant le Parlement ne laissa pas de s'assembler, encores que ce feut un dimanche, et arresta qu'on envoyeroit derechef à M. le mareschal du Plessis les mesmes depputtés qu'on luy avoit desja envoyé, et qu'on ce [se] tiendroit tousjours à ce que avoit esté resolu touchant la desmolition du Chasteau Trompette et l'esloignement du Gouverneur. Suivant cette declaration, les deputtés estantz prestz à partir le 8, le peuple commenceat à faire rumeur sur la defiance qu'il a de touttes ces allées et venues, ce qui obligea à differer leur despart jusques au lendemain. Estant arrivés à Lormond la premiere proposition qu'ilz firent à M. le Mareschal fut que M. d'Espernon rendit conte des deniers qu'il a levé sur les communeautés et notanment des contributions qu'il a exigés des particuliers, sans qu'il paroisse qu'il aye payé aucung soldat, son armée ayant tousjours vescu à discretion dan la province. Ce mareschal respondit qu'il falloit envoyer cest article à MM. des Finances, mais les deputtés incisterent, si bien qu'il envoya en mesme temps un courrier à la Cour pour sçavoir ce qu'il avoit à faire là dessus, ce point estant si important que les deniers que M. d'Espernon a levé dans le pays ce [se] trouvent monter à plus qu'elle ne paye dans six ans.

Le mesme jour 8 on leut dans le Parlement une lettre du corps de Ville de Paris par laquelle ilz prient le Parlement et la ville de Bourdeaux de luy laisser venir des bledz. Sur cela l'on resolut de faire response, comme on a fait, et donner advis des arrestz qu'on a icy donné pour faire ouvrir les passages fermés par M. d'Espernon, afin de rendre pour cest effect le commerce libre, et l'asseurer de la bonne volonté qu'on a de secourir la ville de Paris par preferance à touttes autres; à quoy sera adjousté un advis de la fraude du bailly et du sieur de la Leonnardiere, qui avoit faict magasin des bledz pour les transporter hors du rouyaume.

Le frere de M. de la Vie, revenu de la Cour, a apporté au Parlement une lettre de M. le Prince, par laquelle S.A. les exhorte à faire la paix et offre d'estre caution de l'execution du traitté qui ce [se] fera.

M. d'Espernon ayant voulu mettre une grosse garnison dans la ville de La Reolle et quelques habitans ayans refusé de la recevoir, il a faict tout piller ches eux et mettre le feu en quelques endroitz.

Nostre armée fit reveue jeudy dernier à la porte St Jullien et receut la paye de 16 jours qui luy estoint deubtz. Elle ne se trouva que de 4000 fantassins et 700 chevaux. Elle sort aujourd'huy pour se mettre en campagne avec 4 pieces de canon, et l'on croit qu'elle ira à Cadillac, où est celle de M. d'Espernon. Le marquis de la Motte Hautefort a presté le serment de /127v/ lieutenant general entre les mains du Parlement, et M. de Treillebois de general de l'armée navalle.

Une de nos chaloupes a pris à Bourg M. de Mauconseil et quelques autres Espernonistes, qui ont esté amenés icy prisonniers.

On fait 4 fourneaux soubz deux tours du chasteau pour les faire sauter.

Le Perigort s'est soubslevé avec une partie du Lymosin. Quelques gentilhommes ayant fait des levées dans ces deux provinces pour amener au Parlement, M. d'Espernon avoit chargé M. de Biron de s'opposer à leur passage. Celuy cy a ramassé pour cest effect des troupes, avec lesquelles il a voulu entrer dans le Perigord, tant pour y chastier les soulevés que pour empescher ledit secours qui devoit venir icy; mais le comte de Grinolet l'a si bien repoussé qu'il luy a defait touttes ses trouppes, en sorte que ledit sieur de Biron s'est retiré blessé à l'espaulle et à la cuisse.

Le mareschal de la Force s'est emparé de la ville de Bergerac et son filz de celle de Ste. Foy. Ilz y ont mis beaucoup de leur amis, qui font reparer les antiennes tranchées et fortiffier les murs, ce qui faict croire qu'on pourroit veoir quelques nouveaux partis d'Huguenotz se joindre à celuy du Parlement.

La noblesse du Lymosin et des environs s'est assemblée par deux fois, la premiere pour faire executter l'article de la declaration du Roy portant rabais du quint des tailles, et empescher q'une compagnie de fuseliers, qui en avoit esté chassée et qui commenceoit à paroistre de nouveau, ne levat ce quint rabattu; et la seconde pour resoudre lequel des deux partis elle devoit prendre, le nostre ou celuy de M. d'Espernon. Sur cela M. de Pompadour, lieutenant du roy dans ladite province, a prié la noblesse de surseoir les assemblées pour 15 jours afin qu'il peut envoyer un courrier à la Cour pour demander leur satisfaction, ce qu'ilz luy ont accordé.

Nostre infanterie est desja sortie en campagne et la cavalerie la doibt suivre ce soir. On luy a advancé la paye de 15 jours.

M. d'Espernon a voulu faire sortir quelque piece de canon de la ville d'Agen. Les habitans s'y sont opposés et ne l'ont pas voulu souffrir.

De Barcelonne le 3 novembre 1649

Les ennemis, qui estoint campés despuis 3 semaines à Villefranche, voyans qu'ilz ne pouvoint executter leur desseing qu'ilz avoint eu sur la ville de Barcelonne et que leur armée deperissoit tous les jours à cause de la necessité qu'elle soufroit de touttes choses, en descamperent avant hyer et reprirent /128/ le chemin par lequel ilz estoint venu; ce qui obligea M. de Marchin à decamper de St André de la Barque [San Andrés de la Barca], où il s'etsoit posté, pour leur empescher le passage, et de faire marcher 2000 fantassins qui estoint icy. Il envoya aussy en mesme temps ordre au comte d'Isle, qui estoit allé vers Valence avec 3000 hommes pour y faire diversion, de le venir joindre pour donner combat si les ennemis le veulent, comme l'on croit qu'ilz feront à cause qu'ilz sont encore en beaucoup plus grand nombre que nous. Les six vaisseaux de guerre qui ont rodé puis 8 jours à la veue de ce port firent aussy hyer voiles, et se retirerent.

/129/  De Paris le 12 novembre 1649

Mademoiselle, fille aisnée de M. le duc d'Orleans, estant tombé malade le 3 de ce mois, eut la fievre qui luy dura jusques au matin du 6, qu'elle diminua et en mesme temps la petite verolle commencea à paroistre et sortit despuis en grande quantité, en sorte que la fievre la quitta tout à fait; mais son plus grand mal est à present la peur d'avoir le visage gasté.

Le 6 du courant la charge de surintendant des finances feut donné à MM. d'Avaux et d'Hemery pour l'exercer conjoinctement, et le premier feut nommé devant celuy cy dans la commission pour contenter M. le duc d'Orleans, qui s'opposoit à la reception de M. d'Hemery porté par M. le Prince, S.A.R. n'ayant point voulu se relascher qu'à condition que M. d'Avaux l'exerceroit aussy. Les 2 ou 3 jours precedentz le sieur d'Hemery avoit esté icy incognito et s'en estoit retourné à St Clou, d'où il revient en cette ville le 7, apres que son affaire feut faitte. Il receut en mesmes temps quantité de visittes et notanment de tous les partisans, lesquelz feurent se conjouyr avec luy de son retour. Les secretaires de la chancellerie y feurent aussy, et l'on remarqua qu'il leur dit qu'il avoit esté obligés cy devant par les interestz de l'Estat de leur faire du mal, mais qu'ilz cognoistroint à l'advenir, avec tout le monde, qu'il avoit des bons desseings pour eux et qu'il vouloit mettre bon ordre aux affaires et tascher de contenter un chacung. Il promet de bien faire payer les rentes de la Ville et de faire venir du bled à Paris en abondance. L'on dit mesmes qu'il offre de rendre conte de son administration pour l'advenir, et qu'enfin il promet merveille. Le 8 il feut au Palais Royal, où il feut receu et commencea d'entrer au Conseil. Il a proposé quantité de moyens pour faire venir de l'argent dans les coffres du Roy, entre autres de permettre à tous les evesques et abbés de France d'eslire un coadjuteur pour leur benefices, à condition d'en donner à Sa M. une année de revenu payable dans 2 ans, sçavoir la moitié comptant et l'autre moitié l'année suivante; et quant à ceux qui ne voudront point de coadjuteur, que le Roy en nommera un qui payera par avance la premiere année du revenu du benefice qu'on luy asseurera. L'on parle encor d'une autre proposition qui est à remarquer, sçavoir de faire revivre une ordonnance du roy Charles 5, laquelle obligeoit tous les meusniers à rendre le mesmes poidz de farine qu'ilz avoint receu du bled pour moudre, et par ce moyen le Roy en prenoit 8 sols de chasque septier, ce qui ce [se] praticque encor en quelques endroitz du Rouyaume; mais touttes ces propositions ont desja esté faittes il y a longtemps. Ledit sieur d'Hemery, qui a despuis demeuré malade au lict, envoya le 9 de ce mois visitter et faire compliment à M. le Coadjuteur, lequel fit response à celuy qui feut de sa part, "Dites à M. d'Hemery que je suis son serviteur, mais que je le prie de ne m'envoyer plus visitter parce qu'en ce faisant, il donneroit jalousie à la Cour; /129v/ et moy, si je l'envoyois visitter, je me rendrois suspect au peuple, mais je luy sçauray bien rendre cette visitte en temps et lieu."

Vous aves sceu qu'apres le retour de la Cour les batteliers de Paris obtiendrent par la faveur du M. le Cardinal le privilege de descharger tous les vins qui viennent en cette ville sur la riviere de Seyne et d'en prendre 5 sols sur chasque muid, ce qui estoit auparavant attribué aux tonneliers, qui par ce moyen respondoint de la qualité de vins; sur quoy ceux cy ont obtenu un arrest du Parlement par lequel ilz sont maintenus en leur droitz; mais l'ayant voulu executter, les batteliers s'en mocquerent ouvertement et avec des parolles injurieuses contre le Parlement, qui decretta aussytost prise de corps contre celuy qui avoit eu la hardiesse de dire ces parolles à l'huissier qui leur signiffia cest arrest, auquel il dit qu'il en avoit charge de ses compagnons, et signa cette response. En vertu de ce decret les tonneliers le mirent en prison dans l'Hostel de Ville, de quoy les batteliers firent si grand bruit qu'ilz menaceoint de forcer les portes dudit hostel et d'y mettre le feu; mais pour eviter qu'il n'y eut rumeur, le prisonnier a esté mis en liberté par ordre de la Reyne.

Vous sçaves encore que le tabouret de Mlle de Montbason ayant esté revoqué sur le bruit que Madame sa mere en faisoit, protegée par la maison de Vendosme, qui eut recours à M. le duc d'Orleans, S.A.R. luy dit qu'elle s'abstient pandant un mois d'aller au Palais Royal et luy donna parolle que dans ce temps là on trouveroit les moyens d'accommoder cest affaire. Ce temps estant expiré, M. de Beaufort feut le 8 à 11 heures du soir au palais d'Orleans, où il eut conference particuliere avec S.A.R. et avec l'abbé de la Riviere. Il y envoya encor le lendemain au matin le marquis de la Boulaye, et il y est despuis retourné luy mesmes 2 ou 3 fois. Il a dit nettement à S.A.R. qu'il estoit obligé de se declarer ennemy de tous ceux qui s'opposeroint à la satisfaction de Mme de Montbazon et de prendre cette affaire à coeur comme si c'estoit la sienne propre, à cause qu'elle luy avoit fait autrefois un plaisir signalé, luy ayant presté 1200 pistolles lors qu'il se sauva du Bois de Vincennes. L'on a fort travaillé à l'accommodement de cest affaire et l'on la croit maintenant ajustée.

Le 9 on eut advis d'Amyens que M. d'Hocquincourt y estoit venu avec quelque noblesse de ses amis en desseing d'en partir avec le Vidame (qui avoit aussy appellé quantité de ses amis) pour aller s'emparer de Corbie sur l'advis qu'ilz avoint eu que M. d'Houdancour, qui en estoit gouverneur, traittoit avec un gentilhomme de M. le Cardinal pour luy ceder ce gouvernement, /130/ par le moyen duquel S.E. ayant celuy de la province les pourroit incommoder dans leur places d'Amyens et de Peronne; mais M. d'Houdancour, ayant esté adverty de leur dessein, se jetta dans Corbie un jour devant qu'ilz le deusset executter et se tient bien sur ses gardes, de sorte qu'ilz n'y se presenterent pas.
Le comte de Charost ayant voulu continuer à precepvoir les droitz de la douane de Calais, tant pour l'entretien de sa garnison que pour se payer par ses mains de ce qui luy est deub, nonobstant les quittances qu'on luy a envoyé de ce qui avoit esté desja levé, l'on a transferé la douane de Calais à St Valery.

Le x on eut icy advis par courrier extraordinaire que le comte d'Oignon estoit entré dans la riviere de Bordeaux avec 9 vaisseaux qu'il a amené au duc d'Espernon; et que le Perigord s'estant revolté avec une partie du Lymosin, ce duc y avoit envoyé quelques troupes commandées par M. de Biron, qui avoit commencé à les reduire.

La province de Normandie ayant offert de mettre 100 mille escus dans les coffres du Roy pour estre exempt de loger aucunes troupes pandant le quartier d'hyvert, M. de Longueville a faict accepter cest offre au Conseil. On a deslivré à MM. les princes de Condé et de Conti les departementz en blanc pour les troupes qui doivent prendre les quartiers d'hyvert dans leurs gouvernementz de Bourgoigne et de Champagne, afin qu'ilz les puissent mettre dans les lieux qu'ilz voudront.

Le mesme jour 10, on eut nouvelles que le duc de Lorraine estoit en personne avec ses troupes dans le Luxembourg pour y prendre ses quartiers, mais on croyoit qu'il avoit quelque autre desseing. L'Archiduc a mis les siennes dans le comté d'Hainaut en sorte qu'il les peut assembler dans un jour ou deux en cas de besoing, ce qui obligé les nostres à demeurer encor en campagne. Neamoings celles qu'on a envoyé au duc d'Espernon sont arrivées, partie à Calais, partie à Boulougne, pour y estre embarquées. Les Suisses qui sont en garnison a Doncherque ont receu ordre du mareschal Schomber, leur colonel general, d'en sortir et de venir icy, à quoy ilz ont fait response qu'ilz attendroint sur cela les ordres du Roy et leur payementz, sans lequel on croit qu'ilz n'en sortiront pas. M. le comte Paluau s'en vient à la Cour.

Le comte de Duras pria il y a 3 semaines le mareschal de Turenne, son oncle, de luy dire s'il pensoit à rechercher en mariage Mlle de la Force, parce qu'en ce cas il en feroit la recherche pour soy mesmes; à quoy ce mareschal ayant respondu qu'il n'y songeoit pas, son neveu partit pour aller veoir ceste damoiselle en Guyenne; où estant arrivé il trouva q'ung gentilhomme y estoit venu devant luy et /130v/ l'avoit demandé de la part de ce mareschal, à qui l'on l'avoit desja promise; ce qui obligea ce comte de s'en revenir icy, où il declame fort contre ce mareschal, son oncle, mais on travaille à les accommoder.

Le duc de Mercoeur se prepare pour aller en Catalougne en qualité de viceroy et doibt partir la semaine prochaine en poste.

Ce matin s'est fait l'ouverture du Parlement. L'evesque de Bayeux a dit la messe dans la grande salle du Palais, et le Premier President a traitté à disner les presidentz et conseillers de la Grand' Chambre. M. le Prince s'y est trouvé avec le mareschal de Granmont. L'on croit que quand les Enquestes auront commencé à rentrer, elles parleront hautement des contraventions qu'on a faict à la derniere declaration du Roy.

/131/ De Paris du 19 novembre 1649

M. Cantarin, mediateur de la paix generale, qui estoit, comme vous aves sceu, à La Chevrette, s'est aproché plus pres de Paris, estant arrivé la semaine passée à La Villette, demye lieu d'icy, où il a receu quantité de visittes et a eu responce des lettres qu'il avoit escript au comte de Pigneranda, lequel luy a mandé qu'il estoit tropt longtemps dans l'employ de la negotiation de la paix et qu'il estoit obligé d'en aller rendre conte au Roy son maistre, de qu'il [qui il] prendroit les ordres pour ce qu'il devroit faire à l'avenir. Cepandant on dit que ce comte en passant icy s'abouchera à La Villette avec ce mediateur, auquel on fait esperer d'obliger bientost les Espagnolz à reprendre le traitté, à cause qu'on va travailler tout de bon à l'entier restablissement des affaires du Roy, et notanment pour ce qui regarde le commerce.

Les niepces de M. le Cardinal ayant esté mises la semaine passée dans le couvent du Val de Grace et son nepveu dans le Palais Mazarin, M. d'Hemery fit meubler les apartementz qu'elles avoint dans le Palais Royal, où il doibt aller loger aussytost qu'il sera guery de la fievre quarte dont il est tousjours fort malade, afin d'estre plus en seurté (car on dit qu'il s'estoit brassé quelque conspiration contre luy à son arrivée et qu'elle feut destournée par M. le Coadjuteur); mais on croit que le principal suject pour lequel il prent ce logement est afin de n'estre pas obligé d'aller travailler ches M. d'Avaux, qui sera par ce moyen obligé d'aller a Palais Royal pour reigler les affaires des finances dans la chambre du Conseil et non dans l'apartement de M. d'Hemery, lequel nonobstant sa maladie ne laisse pas de travailler; et despuis qu'il est remis dans les finances il a fait donner 22 mille livres d'augmentation aux rentiers de l'Hostel de Ville par semaine,et fait encor treuver 20 mille livres touttes les semaines dans les coffres du Roy, outre ce qui s'est trouvé d'ordinaire despuis le retour de la Cour. Il a donné ordre de faire venir du bled à Paris tant qu'il en faudra, lequel ne coustera que 21 livres le septier du plus beau, 17 livres le meteil, et 13 livres le seigle pur. A cette fin on dit q'il a avancé 50 mille escus. Il a osté à M. Tuboeuf les affaires de l'extraordinaire des guerres, qui ont esté données au sieur Pepin, premier commis de M. d'Avaux, et les comptantz de l'Espargne on les a donné au sieur Guerapin, commis de M. d'Hemery.

Il avoit esté proposé nagueres au Conseil d'envoyer des maistres des requestes dans les provinces pour y faire payer les tailles qui sont deues des années dernieres, mais on a consideré que le Parlement en pourroit faire du bruit à cause que ce seroit proprement restablir les intendans de justice, ce qui ne se peut pas faire sans contrevenir à la declaration du mois d'octobre de l'année passée. /131v/ Sur cela l'on a trouvé un moyen plus plausible, qui est d'envoyer des conseillers du Parlement dans touttes les eslections, pour y faire tout payer conformement à la declaration et y restablir les affaires du Roy: et l'on croit que ceste affaire ce [se] fera ainsy, d'autant plus qu'on a commencé d'envoyer pour cest effect des conseillers de la Cour des aydes en divers endroitz.
M. Charon, intendant des finances, mourut icy le 14 du courant.

Mme la duchesse d'Espernon arriva icy le 13. Despuis il a esté proposé au Conseil d'envoyer ordre au duc d'Espernon de venir à la Cour, et aux Bourdelois d'envoyer icy des deputtés du Parlement et de la Ville pour rendre conte de ce qui s'est passé et juger l'affaire dans le Conseil d'en haut; et le bruit a couru que la resolution en avoit esté prise de la sorte, mais cela n'est pas asseuré.
Outre les 300 cornettes de cavalerie qu'on a resolu de licentier, on licentie aussy touttes les troupes d'Erlach, ausquelles on donne 200 mille escus, et 17 compagnies de Suisses, avec quelques regimentz d'infanterie françoise.

L'armée de Flandres n'est point encor au quartier d'hyver, mais on a envoyé les departementz à M. de Villequier pour l'y mettre.

On a eu advis de Bruxelles que le duc de Lorraine a faict marché avec les ministres d'Espagne pour les quartiers d'hyver qu'ilz estoint obligés de donner à ses troupes, dont on luy donne 100 mille livres tous les mois, à condition qu'elles chercheront des quartiers d'hyver partout où elles en pourront prendre, pouveu que ce ne soit point du tout sur les terres du roy d'Espagne; ce qui faict aprehender qu'elles ayent desseing de faire irruption dans le Pays Messein ou dans l'Alsace.

Avant hyer on eut nouvelles de Thoulouse que les Espagnolz avoint pris à discretion le chasteau qui est une clef de France, scituée dans la vallée d'Aran aux Mons Pyrenées, proche l'endroit où la riviere de Garonne prent sa source. Ilz enmenerent prisonnier le Gouverneur, nommé Bouillac, et mirent dans la place 500 hommes. Les habitans de la ville de St Beat, qui est tout proche un peu deça, ayant besoing de remedier promptement aux affaires pour leur propre conservation et se voyant tropt esloignés de la Cour, ont en mesme temps presenté requeste au Parlement de Thoulouse et demandé permission de s'assembler les communes, tant pour empescher les courses de cette garnison que pour luy couper les vivres et l'affamer dans cette place; sur quoy ledit parlement a donné arrest /132/ portant permission ausdits habitans soubz le bon plaisir du Roy; et d'icy on a envoyé ordre au comte de Bioules, lieutenant du roy dans cette partie de Languedoch, d'assembler le plus qu'il pourroit des troupes pour aller reprendre cette place.

Le mesme jour on eut advis de Montpelier du 9 de ce mois que les Estatz de Langudoch estoint sur le point de finir; qu'ilz n'avoint accordé au Roy que 1200 mille livres pour deux ans; que la revocation de l'edict de Beziers y avoit esté publiée ledit jour 9; et qu'ilz deslibereroint le present qu'ilz devoint faire à M. le duc d'Orleans comme gouverneur de la province.

M. de Chavigny est tousjours en cette ville sans avoir encor esté au Palais Royal. Il se plaint fort du president Le Coigneux sur quantité de choses qui se sont passées contre luy pandant son abscence à l'instigation de celuy cy. Ledit sieur de Chavigny feut hyer au palais d'Orleans, où il visitta M. l'abbé de la Riviere et eut une conference de demy heure avec luy, dont on s'estonna fort à cause de la mesintelligence qui estoit auparavant entre eux. Cette visitte fait croire que M. Goulas, secretaire des commandementz de S.A.R. sera bientost rappellé à la Cour, où l'on travaille fort à son accommodement despuis quelques jours.

Mademoiselle est guerie de la petite verolle, dont elle n'est point du tout marquée sur le visage. Elle feut levée hyer toutte la journée et l'est encor aujourd'huy

De Provence l'on mandoit que les nopces du duc de Joyeuse avec Mlle d'Alais s'estoint faittes à Thoulon le 4; que le regiment du comte d'Alais estoit sorty de la province, où par ce moyen touttes choses estoint dans le calme; et que 3 officiers de l'armée navalle allans de Thoulon à Marseille dans une chalouppe, avoint esté pris par une caravalle des Turcs, qui les avoint amenés avec la chalouppe en Barbarie.


Le different du comte de Duras avec le mareschal de Turenne n'est pas encor accommodé.
Quant au tabouret de Mlle de Montbazon, il ne s'en parle plus despuis 8 jours, et l'on croit qu'il y a un accommodement secret.

M. le duc de Nemours ne voit plus du tout M. le Cardinal despuis qu'il le querella pour le gouvernement d'Auvergne, ny le chevalier de /132v/ Guyse despuis la vacance de l'abbaye d'Eu, dont il n'a pas encor le brevet; mais il luy a esté promis par M. le duc d'Orleans et cepandant il en jouit.
Le traitté de la nouvelle fabrique des liars qui a esté veriffié à la Cour des Monnoyes est donné au partisan Diodate, qui en donne 700 mille livres, dont il en avance 100 mille livres, mais il n'y pourra faire travailler que pendant 3 ans; neanmoings on croit que les marchandz s'y opposeront.
L'on a proceddé à nouveau bail de la ferme des gabelles.

Le duc de Candale poursuit à la Grand' Chambre du Parlement pour se faire recevoir duc et pair de France.

Le duc de Mercoeur doit partir mardy prochain pour aller en Catalougne.

La charge de intendant des finances qui a vaqué par la mort de M. Le Charon est donné à M. Hervard, banquier de Lyon, lequel l'a prise pour 100 mille escus en desduction de ce qui luy est deubt par le Roy.

M. Hervard ayant remertié ce matin la Reyne pour sa nouvelle charge d'intendant, luy a dit qu'elle ne sçavoit pas qu'il estoit Huguenot et qu'elle ne pouvoit luy donner cette charge.

/133/ De Bourdeaux le 15 novembre 1649

Le xi du courant nostre armée estant sortie en campagne avec 10 ou 12 chaloupes bien armées, 2 galiottes, et une petite fregate à 8 pieces de canon, montant vers Cadillac, feut coucher au Pont de la May, une lieue et demy d'icy, et le lendemain 12 au bourg de Castre [Castres-Gironde], où le marquis de Sauveboeuf, qui partit d'icy en littiere à cause qu'il estoit fort foible et indisposé, l'alla trouver et la fit marcher au bourg de Potensac [Podensac], qui apartient au duc d'Espernon, scitué à une lieue de Cadillac. Il fit attaquer ce bourg par deux endroitz, et ayant forcé d'abord deux barricades tres fortes, entra dedans avec 12 pieces de canon pour battre l'esglise, dans laquelle s'estoint retirés 50 soldatz de la garnison avec quelques paysans; lesquelz s'estantz rendus vie sauve, nostre general disposa son armée pour l'attaque du chasteau, qui en est fort proche, et fit sommer Pietro Paulo Corso, qui commandoit, de se rendre, luy declarant qu'il n'auroit point de quartier s'il attendoit le canon; auquel (le chasteau ne pouvant pas resister) le commandant fit response qu'on luy donnat une heure de temps, apres laquelle il traitteroit pour se retirer à composition, ce qui luy feut accordé parce qu'on avoit veu un homme qui passoit la riviere à la nage pour aller faire venir du secours de Cadillac. Enfin la composition estant faicte, le commandant sortit de ce chasteau l'espée au costé, et la garnison, qui estoit de 250 hommes, le baston à la main; apres quoy M. de Sauveboeuf y mit du monde suffisanment pour le garder; et ayant donné à ses soldatz le pillage de tout ce qui s'estoit trouvé dans le chasteau que dans l'esglise (où les habitans du bourg est ceux des villages d'alentour avoit mis tous leurs meubles), fit mettre le feu audit bourg pour luy avoir resisté et l'avoir obligé à se camper devant. On y a trouvé pres de 500 tonneaux de vin, qu'on n'y vendoit hyer que 20 sols la barrique, et quantité de bled avec 2 pieces de canon, qu'on a amené icy. Nous n'avons perdu en ceste occasion que 10 ou 12 hommes et autant de blessés, entre lesquelz est le capitaine Thibaud, frere du conseiller de ce nom. Ensuitte nostre general passa plus avant et marcha droit à Longon pour y faire autant.

Nostre armée est encor de 4000 hommes effectifz, le reste s'estant desbandé dans la marche au nombre de 7 à 800, entre autres les cavaliers de M. de Theobon, qui est une compagnie entiere de 3 qu'il en avoit; mais on leve encor un regiment de cavalerie et un autre d'infanterie pour la deffence de ceste ville. D'ailleurs M. de Jaures nous a amené quelques trouppes de Perigord, et le duc de la Trimouille a escript au Parlement, luy offrant service avec quantité de noblesse qui le doibt suivre. L'on ne sçait encor s'il sera accepté, ny à quelles conditions.

/133v/ MM. de la Force ne font fortiffier les villes de Bergerac et de Ste Foy que pour obliger le duc d'Espernon, lequel a esté ces jours passés dans cette derniere, où 400 hommes travaillent tous les jours; et de là il passa à Bergerac, d'où le marquis de la Force sortit une heure avant qu'il y entrat.
On travaille icy à faire sauter deux tours du Chasteau Trompette par des fourneaux que l'on fait dedans les murailles, qui ont plus de 25 pieds de large, et les travailleurs disent n'avoir jamais manié de la pierre si dure ny de mellieur ciment.

Les 3 conferences qu'on a eu à La Roque de Lormond avec le mareschal du Plessis n'ont rien produit. Dans la derniere ce mareschal a fait veoir des articles apostillés et signés de la main de M. de la Vrilliere, secretaire d'Estat, lesquelz contiennent qu'on ne peut esloigner ny changer le gouverneur de la province, et qu'il faut remettre le Chasteau Trompette entre ses mains pour le conserver avec une garnison de 200 hommes. Nos deputtés en revindrent le x et n'ont despuis faict aucune response à ce mareschal, lequel a mandé qu'il sçavoit bien que le Parlement ne vouloit point de paix, mais qu'il falloit assembler la bourgeoisie dans l'Hostel de Ville et qu'il estoit asseuré qu'elle escouteroit ces propositions. Sur cela, le Parlement ne la voulant pas desobliger à cause qu'il ne peut rien faire sans elle, a consenty qu'elle s'assemblat pour desliberer sur lez propositions de M. le Mareschal; mais on ne croit pas qu'elle veuille remettre le chasteau, quoy qu'on nous menace du secours qui vient à M. d'Espernon, qui ne paroit pas encor. L'on vient d'avoir nouvelle que Rions s'est rendu à composition au marquis de Lusignan.

/135/ De Paris le 26 novembre 1649

La semaine passée l'abbé de Croisilles feut eslargy de prison à sa caution juratoire. Il y estoit despuis 7 ou 8 ans à cause d'avoir espousé la femme de son secretaire, dont la belle mere six ans apres le mariage avoit pretendu que c'estoit l'Abbé et non le secretaire. Tous ceux qui estoint detenus avec luy au nombre de 7 ou 8 feurent aussy en mesme temps mis en liberté.

L'affaire du tabouret de Mlle de Montbazon feut accommodée dès la semaine passée, en sorte qu'on luy donna la prerogative du tabouret à condition qu'elle et sa mere s'abstiendroint pandant 3 mois d'aller au Palais Royal. Despuis Mme la mareschalle d'Estrées a pretendu la mesme grace et fait maintenant des grandes instances pour cela, mais on ne crois pas qu'elle la puisse obtenir.
M. Hervard n'ayant pas voulu changer sa religion calviniste, n'a pas eu la charge d'intendant des finances qu'on luy avoit offerte à ceste condition; meamoings quelq'ungs veulent que ceste condition n'ay esté mise en avant que despuis 4 ou 5 jours, qu'il s'est presenté quelq'ung qui offre de l'argent comptant de ceste charge.

Vous aves sceu que M. d'Elbene, antien evesque d'Alby en Languedoch, ayant obtenu un arrest du Parlement de Paris portant prouvision de 30 mille livres sur le revenu de ceste evesché, il y eut arrest du Conseil d'en haut portant deffenses d'executter celuy du Parlement, et l'on envoya sur le lieu un exempt des gardes du corps du roy afin d'empescher l'execution. Cest exempt estant arrivé dans Alby, le premier consul y fit assembler le corps de la Ville pour desliberer ce que l'on devoit faire là dessus; et comme M. d'Elbene y est autant aymé que M. du Lude y est hay, cest assemblée resolut tout d'une voix de prier l'exempt de se retirer et d'envoyer, comme elle a fait, des deputtés à M. le duc d'Orleans, lesquelz luy rendirent avant hyer une lettre de creance toutte pleine d'instances fort pressantes à S.A.R. de leur vouloir procurer le restablissement de M. d'Elbene dans l'evesché d'Alby, disant qu'il a tousjours esté le pere du peuple et que c'est le plus grand bien qu'ilz esperent de la bonté de S.A.R., apres les oppressions qu'ilz ont souffertes de M. de Lude, qui jouyt de cest evesché. Les mesme deputtés ont esté complimenter M. d'Elbene au nom de la Ville et luy ont rendu des lettres tres obligeantes de plusieurs particulers des plus qualiffiés de son diocese, lesquelz luy offrent tout ce qui est en leur pouvoir, jusques à leurs biens et leurs vies. Il a presenté aujourd'huy requeste au Parlement pour demander /135v/ l'execution de la derniere declaration du Roy, à laquelle on a contrevenu par le dernier arrest du Conseil d'en haut.

Le bruit ayant icy couru que le mareschal de la Mesleraye estoit mort en Poictou, le Marquis son filz partit d'ici le 19 du courant pour y aller; mais despuis on a eu nouvelles qu'il estoit presque guery et party de La Mesleraye [Meilleraye] pour aller à Nantes.

Les rentiers de la Ville font grand bruit pour faire executter punctuellement la declaration de l'année dernière touchant leur payement. Ilz ont creé des scindicqs et s'adressent maintenant aux Enquestes pour demander l'assemblée des chambres sur ce subject. Ce n'est pas qu'ilz ne soint contantz de ce que M. d'Hemery a fait trouver dans les coffres de l'Hostel de Ville 20 mille livres par semaine plus qu'auparavant pour leur satisfaction, mais ilz veulent estre asseurés pour l'avenir. M. de Beaufort et M. le Coadjuteur sollicittent fort pour eux.

Le 23 du courant la troisiesme chambre des Enquestes resolut de s'opposer à la reception du duc de Candale dans la dignité de duc et pair qu'il poursuivoit au Parlement, laquelle oposition feut formée dans l'assemblée des chambres qui se tient le 24 pour la mercuriale. Les moyens de ceste opposition sont que ce duc n'est point en aage d'estre receu, et l'on pretend qu'il ne doibt point avoir de dispense d'aage, n'ayant point rendu de services qui le meritent.

Le chevalier de Guyse presse fort M. le duc d'Orleans de luy faire expedier le brevet de l'abbaye d'Eu suivant la promesse qu'il luy avoit faict, de le luy faire donner dans quelque temps, ayant esté trouvé à propos de le retarder afin qu'il ne feut pas dit que ce chevalier eut emporté cest abbaye de haute lutte en querellant M. le Cardinal.

On continue à parler du mariage du duc François, frere du duc de Lorraine, avec Mlle de Guyse.
L'abbé de Maymac feut ledit jour sacré archevesque de Bourges.

Le mesme jour Mme de Beauvais, premiere femme de la reyne, receut ordre de se retirer de la Cour sur le champ. On parle diversement du suject de sa disgrace, mais la pluspart asseurent que c'est pour avoir dit à quelques personnes, qui l'ont rapporté, qu'il estoit bien estrange que la Reyne preferat la conservation de M. le Cardinal à celle de l'Estat. On l'accuse d'avoir encore practicqué d'autres intrigues secrettes avec le marquis de Jersey, /136/ qui est mescontent de S.E. L'on dit qu'elle rendoit de fort mauvais offices à S.E. aupres de la Reyne. L'on estime que la disgrace de ce marquis auroit desja suivy celle de Mme de Beauvais, si on le pouvoit obliger à sortir de Paris et si nous estions en un temps auquel on peut facilement exiler les grandz. L'on soubzçonne encor de mesmes intrigues le sieur de Chamarande, premier valet de chambre du roy et creature de cette dame.

M. de Vandosme est aussy mescontent de la Cour. On ne sçait pas encor le vray suject, mais il se fait Frondeur despuis 2 ou 3 jours.

M. de Mercoeur n'est pas encor prest à partir pour Catalougne, quoy que la Reyne luy aye donné la pluspart des personnes qui y doivent aller à sa suitte, et l'on croit que le mescontentement de son pere le pourra encor arrester icy, outre qu'il n'a encor receu q'une assignation de 10 mille escus.

Le mesme jour une brigade des chevaux legers du roy feut ches M. Tuboeuf, une autre ches M. d'Avaux, et une autre ches M. le Controlleur General des finances pour demander de l'argent, leur estant deub 10 ou 12 monstres. Ces deux dernieres brigades ne firent point d'effect, mais la premiere, qui estoit de 15 ou 16 cavaliers, estant entrée dans la maison de M. Tuboeuf à une heure apres midy, ces messieurs luy dirent qu'ilz estoint venus là pour disner avec luy, n'ayant pas de quoy vivre à cause qu'ilz n'estoint pas payés despuis longtemps. M. Tubeuf leur respondit qu'il n'avoit plus aucung maniement des finances, à quoy ilz repartirent qu'il ne les avoit pas faict payer lors qu'il l'avoit peu. Sur cela il leur demanda une heure de temps pour aller veoir la Reyne et de tascher de leur faire donner satisfaction, ce qu'ilz luy accorderent à condition que cepandant ilz se tiendroint dans sa maison; et il feut au mesme temps au Palais Royal, d'où apres un conseil de deux heures il leur raporta une assignation de 20 mille escus sur les entrées de Paris pour deux monstres, en attendant le reste de ce qui leur est deubt, dont le comte d'Olone, leur cornette, a esté faire satisfaction ce matin à M. Tubeuf.

On envoye en Guyenne 800 officiers reformés, avec la pluspart de l'armée de Flandres, pour secourir M. d'Espernon. On a fait embarquer à cette fin 3 regimentz d'infanterie à Calais. Ceux de Piedmont et Navarre marchent par terre, et l'on dit qu'ilz sont embarqués à Orleans sur la riviere de Loire, et la cavalerie s'y achemine aussy en grand nombre.

/136v/ Le regiment de [la] reyne ayant eu un departement au bourg St Jehan de Bray proche Orleans, quelques officiers feurent avec une partie de leurs soldatz dans les faubourgs d'Orleans où, sous pretexte de quelques desordres qu'ilz avoint commis dans ce bourg, le peuple se jettat sur eux; et apres les avoir desarmés et fort maltraittés, on en prit plusieurs prisonniers, entre autres 8 officiers; dont leurs compagnons firent hyer leur plainctes à la Reyne et à M. le duc d'Orleans, et à M. le Prince; mais la ville d'Orleans avoit faict les siennes avant hyer.

MM. des Enquestes ont demandé aujourd'huy l'assemblée des chambres pour desliberer sur beaucoup de choses et notanment sur les deffenses qui ont esté faictes sur les passages de la riviere de Seyne en descendant, de laisser venir du blé à Paris, en ayant eu cette année quantité en Bourgoigne, d'où l'on ne permet pas qu'il en vienne un grain. M. le Premier President a faict response que ces deffenses n'avoint pas esté faittes par ordre de la Cour. Cepandant le bruit court qu'elles n'ont esté faictes que pour tenir le peuple en bride par la disette du bled en cas que le Parlement voulu fronder de nouveau.

M. d'Hemery est tousjours malade ches luy de la fievre quarte. L'affaire de M. de Chavigny est encor en mesme estat.

De Bourdeaux le 18 novembre 1649

Apres la prise de Potensac nostre arméee, en passant devant Cadillac, le salua de 3 ou 4 descharge de toutte l'artillerie, tant par galanterie que pour faciliter le passage de nos chaloupes et galions, qui passoint de l'autre costé, et feut ensuitte assieger Langon, où il y avoit 600 hommes des regiment de Guyenne et de la Marine. A l'abord, le regiment de La Roche feut commandé de donner sur la barricade avancée en deça, hors la porte de la ville, où il combatit si bien que nonobstant la grande resistance des ennemis, il les força, l'espée à la main, apres avoir perdu 8 officiers et quantité de soldatz; en sorte que ceux qui la commendoint feurent contraintz de se retirer. En mesme temps il y eut grand feu de part et d'autre, et les assiegés ne peurent pas empescher que les nostres ne se campassent au pied des murailles, quoy qu'à descouvert. Sur cela l'on dressa une batterie de 4 pieces de canon, qui ne cessa de tirer jusques à ce qu'il y eut bresche; et l'on eut continué à battre de ce costé là /137/ encores, bien qu'il y eut 4 canoniers des nostres tués, si un bon religieux ne feut venu donner advis qu'il en faloit oster deux pieces et les planter en un autre endroit devant une tour fort facile à battre, par laquelle entrant on se mettoit à couvert du chasteau et d'une haute esglise qui incommodoit les nostres. Cest advis feut suivy, et nous venons d'aprendre que M. de Sauveboeuf est desja maistre de la ville, mais non pas encore du chasteau, où les assiegés s'estant jettés, demandent composition, laquelle on ne leur veut accorder autrement qu'en se rendantz prisonniers de guerre, dont nous attendons la confiermation.

Nostre armée a grossy de 500 hommes de la milice dans ce siege, et il y avoit avant hyer l'apres disnée plus de 400 paysans avec leurs pics et pelles pour travailler aux lignes de circonvalation, les nostres ne s'estant mis à couvert auparavant; mais ce qui est à remarquer est que ces paysans y estoint venus sans estre mandés, et beaucoup d'autres y arrivent à tous momentz. Ilz ne s'estonnent pas du carnage qu'ilz y voyent faire, le vin qu'ilz y ont en grande abondance leur faisant mescognoistre le danger. Nos gens y vont tous avec autant de resolution que s'ilz n'avoint jamais fait autre mestier, et M. de Sauveboeuf pour les encourage d'avantage leur a promis le pillage.

Le lendemain du siege le habitans de St Macaire, qui est vis à vis de Langon, craignant le mesme traittement qu'on avoit faict à ceux de Potensac, apporterent les clefz de leur ville à M. de Sauveboeuf, qui leur donna 8 compagnies de son regiment pour les garder. Les autres villes et bourgs d'alentour y ont envoyé aussy pour en faire de mesmes, mais elles ont dit que pour leur honneur il faloit attendre que Langon feut pris, au siege duquel nous avons perdu 200 hommes et bien pres autant de blessés, avec la fregate qui estoit montée de 8 pieces de canon, laquelle estant arrivée avec les chaloupes vis à vis de Langon, apres avoir essuyé quelques descharges des pieces de canon plantées au port de Paillet, voulu pour esquiver celles de Cadillac passer de l'autre costé de la riviere; mais le canon qui est sur une des tours de Cadillac ne laissa pas de la saluer, en sorte que du premier coup son mast feut rompu, ce qui feut cause qu'elle s'eschoua, et Jean de Preignac, qui la commandoit, la voyant percée en divers endroits et rendue inutile, fit descharger tout ce qu'elle avoit de plus beau et de melieur dans les chaloupes et apres mit le feu à deux barilz de poudre, qui la bruslerent.

M. de la Force estant dans Bergerac avec quelq'ungs de ses amis, apres avoir fait prester le serment aux habitans et reparer quelques ruynes de la ville, aprit que /137v/ M. d'Espernon y venoit avec 300 chevaux, ce qui l'obligea de sortir de la ville pour se retirer à La Force et de là à Duras, où il est maintenant, et a escript au Parlement pour luy offrir service. Ses lettres ont esté enregistrées et on luy a fait response. M. d'Espernon estant entré dans Bergerac avec sa cavalerie, s'asseura des habitans par le mesmes voyes de M. de la Force, leur ayant fait prester un nouveau serment, et apres se retira accompagné de MM. d'Aujart pere et filz, dont le premier est conseiller à la Chambre de l'Edit de Bourdeaux, en desseing d'y renvoyer ce dernier avec bonne escorte à cause qu'il est homme d'esprit et qu'il avoit adverty M. d'Espernon de touttes les menées de M. de la Force, par lesquelles il auroit peu attirer tout Bergerac à son party; mais ledit sieur d'Aujart s'en retournant apres avoir accompagné M. d'Espernon, les paysans l'attaquerent à deux lieues de Bergerac, et luy ayant donné cent coups, apres sa mort le traisnerent jusques aux portes de ladite ville.

Il n'y a rien de plus asseuré que le peuple de Pareage, qui fait une partie du Perigord, est tout soublevé, aussy bien que le reste du Perigord. Ilz demandent des chefz pour les commander.

Hyer le Parlement donna arrest par lequel on receut pour generalissime un duc et pair, et l'on deputta vers M. de Sauveboeuf pour l'en advertir, lequel n'avoit esté receu general qu'à ceste condition. Les ungs veulent que ce soit M. de la Trimouille, les autres le prince de Tarante, son fils, lequel a envoyé offrir son service par un gentilhomme expres il y a 8 jours; et les autres croyent que c'est M. de la Force. On envoya hyer 20 mille escus à l'armée pour 8 jours de subsistance qui luy estoit deue.
Le mareschal du Plessis a si mal traitté le Parlement dans les deputations qui luy ont esté faittes qu'on ne parle plus de luy en faire aucune. On dit que ce mareschal a receu quelque ordre nouveau sur lequel il a envoyé demander des deputtés à la Ville, laquelle luy a respondu qu'il envoya ses propositions au Parlement; auquel la bourgeoisie, qui s'assembla le 15 dans l'Hostel de Ville, renvoya les autres propositions de ce mareschal.

Presentement nous venons d'aprendre que le chasteau de Longon est pris, aussy bien que la ville à discretion.

On asseure aussy que c'est M. de la Trimouille qui est receu generalissime, avec condition qu'on ne le traittera pas comme le Parlement de Paris fit les siens, et qu'on ne fera point de paix sans luy.
/138/ Le Parlement vient de resoudre que M. de Lavie ira vers le mareschal du Plessis pour escouter ses propositions.

De Perigueux, le 19 novembre

Le duc d'Espernon au sortir de Bergerac voulut s'advancer vers cette ville pour s'en asseurer, mais ayant sceu que le Pareage estoit soulevé, s'est retiré pour ne pas s'arrester à un peril si evident. Nous avons 12 mille hommes, qui doivent demain faire monstre aux lieux appellé Les Terrieres, et de là marcher au secours du Parlement s'il en est besoing. M. le comte de Gonnor, frere du duc de Roannes, les mene, quoy que nous eussions bien souhaitté M. de Theobon, qui est fort accredité dans ce pays. Nos gens en veulent particulierement au[x] marquis de la Douze, de Riberac, Castagnetz, et quelques autres tyranneaux qui maltraittent beaucoup le peuple. M. de Brion s'est presenté par deux fois pour passer la Dordogne mais il a esté repoussé par ledit sieur de Gonnor. Le duc d'Espernon s'est venté d'avoir intelligence dans cette ville pour la surprendre, et mesmes la nuict derniere elle feut en allarme. Si on les descouvre, on leur jouera un mauvais party.

De Barcelonne le 10 novembre

Vous aves sceu que les ennemis avoint decampé de Villefranche pour se retirer, mais ilz n'ont peu tenir le mesme chemin par où ilz estoint venus à cause que M. de Marchin s'est advancé jusques à Cerral [Sarreal], où il s'est retranché pour leur empescher les passages; et l'on dit qu'il bat aujourd'huy Montblanc [Montblach] ou à desseing de les inviter à un combat, ou de prendre cette place à leur barbe; et ainsy il est malaysé qu'ilz s'en puissent retourner par terre. Don Juan de Garey, leur general, qui se promettoit de faire sortir 10 mille Cathalans armés en sa faveur au premier coup de pied qu'il donneroit en terre, maudit maintenant le ciel et tous les elementz excepté la mer, sur laquelle il espere de se sauver. Le comte de l'Isle, mareschal de camp, a assiegé par ordre de M. de Marchin le chasteau de St Mathyou [San Mateo] avec 4 mille hommes et 4 pieces de batterie. Quand il l'aura pris, il a ordre de le raser en revanche de ce que les ennemis ont rasé ceux de Constantin [Constanti] et de Salo.

Le chevalier d'Austrein, gouverneur d'Ager, a esté [ces] jours passés faire des courses dans l'Arragon avec une partie de sa garnison et 50 miquelois, qui sont gens à tout prendre et à ne rien laisser, d'où il a amené 4 mille moutons, quantité de chevaux et autre bestail, avec force prisonniers. Ce butin est estimé 20 mille escus. Nos Cathalans commencent à ne plus crier contre M. de Marchin.

/139/ De Bourdeaux le 22 novembre 1649

La nouvelle de la prise de Langon s'est trouvée veritable, mais ce ne feut pas à discretion. Le mercredy 17 le canon ayant faict bresche, un sergent du regiment de Theobon feut commandé de l'aller recognoistre avec 7 ou 8 soldatz. Ce sergent estant monté sur ceste bresche, cria d'abord, "A moy! Ilz sont à nous!"; et ayant fait passer tous ceux qui estoint commandés pour donner l'assaut, il entra ensuitte avec eux, quoy qu'il eut quelques soldatz tués pres de luy. Le reste de l'infanterie se precipita par leur exemple pour entrer dans la ville, où ilz trouverent 8 barricades en divers endroitz qu'ilz forcerent pour aller au chasteau à moins de 3 ou 4 heures, et les officiers, tirés la pluspart de Bourdeaux, y feurent avec tant d'ardeur qu'ilz faisoint plier les soldatz, dont les dos leur servoint de degré pour monter sur les barricades lors qu'elles estoint tropt hautes.

Ces barricades ayant esté forcées, une grande partie des bourgeois se jetta dans l'esglise, et les officiers et soldatz au nombre de 360 et environ 30 ou 40 bourgeois dans le chasteau. Les premiers se rendirent à conditions qu'ilz auroint la mesme composition que ceux du chasteau, jusques au 18 à 4 heures du soir, apres avoir souffert plusieurs coups de canon ilz demanderent composition. M. de Sauveboeuf refusa de la leur accorder, mais pour plusieurs considerations on leur fit la mesme composition qui avoit esté faitte à la garnison du Chasteau Trompette, ce qu'ilz accepterent et feurent conduitz à Bazas. On a treuvé dans Langon quantité de vins et bledz. Apres cela l'armée a passé la riviere audit Langon et est allé camper en la plaine de St Macaire commandée par M. de Theobon, MM. de Sauveboeuf et de Lusignan s'estant detachés avec bon nombre de cavaliers, on ne sçait à quel desseing. Les communes des environs de Langon ont grossy l'armée de bon nombre de soldatz bien armés. On y attend au premier jour grand secours du Perigord, et ce matin on a envoyé à Ambes chercher 500 hommes armés qui viennent d'arriver du Pareage de Perigueux.

M. de Lavie a fait son raport au Parlement de ce qu'il [qui] s'estoit passé en la conference qu'il a eue avec le mareschal du Plessis, dont touttes les propositions ont esté trouvées asses raisonnables, hormis l'article de la desmolition du Chasteau Trompette et celluy de l'esloignement de M. d'Espernon, auquel il a dit qu'il n'a aucung ordre de toucher; mais pour ce qui est du chasteau, il propose de le laisser en l'estat qu'il est, et d'y mettre par forme un concierge au nom du Roy avec une garde bourgeoise. Le Parlement a desliberé là dessus qu'on communiqueroit à l'Hostel de Ville generalement tous les articles proposés par ce mareschal et que /139v/ l'on diroit à l'assemblée des bourgeois que le Parlement s'arrestoit fortement à ces deux articles, sçavoir à la desmolition entiere du chasteau du costé de la ville, et l'esloignement de M. d'Espernon hors la province pandant que les depputés poursuivront en Cour la nomination d'ung autre gouverneur; et que les deputtés porteroint ceste derniere parolle à ce mareschal, afin que s'il ne peut passer ces deux articles, tout soit rompu et qu'il n'y aye plus de traitté.

L'on a eu nouvelles que M. d'Espernon a receu du secours, entre autres le regiment d'Uxelle, qui n'est que de 150 hommes. Il attend les deux Navailles et la Couronne. On dit que le regiment colonnel de la cavalerie l'a joint. On a aussy advis que le comte d'Oignon a des vaisseaux prestz, bien armés, pour entrer en la riviere. On se resout à la defense et à faire touttes les choses necessaires pour cela.

Les gens qu'il a falut mettre en garnison dans les places prises sont cause que nous n'avons plus que 2400 hommmes de pied et 800 chevaux. On se haste de lever le regiment de Bourdeaux, qui est de 24 compagnies d'infanterie. On leve aussy deux compagnies de chevaux legers, et pour cest effect on prent de l'argent au bureau des droitz des vins qui se transportent.
Les marquis d'Aubeterre et de la Motte Hautefort sont partis d'icy pour aller lever des trouppes, avec des arrestz du Parlement portant permission, pour cest effect, de prendre une demy année des tailles dans leurs paroisses ès mains des collecteurs, ausquelz ilz fourniront des quittances.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653