Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/315/ De Paris le 4 novembre 1650

Le 24 du passé, environ les 9 heures du soir, M. de Beaufort estant allé visitter Mme de Montbason, et ne l'ayant pas trouvé à cause qu'elle estoit au palais d'Orleans, s'en alla à l'hostel de Nemours, où il demeura à souper et renvoya ses 2 gentilhommes pour souper ches luy. Le carrosse retournant de l'hostel de Vendosme à 11 heures du soir pour l'aller querir, et estant arrivé dans la rue St Honoré entre l'esglise des peres de l'Oratoire et la Croix du Tiroir, feut attaqué par 15 ou 16 filoux armés d'espées, pistolletz, mousquetons, et poignardz; lesquelz ayant en mesme temps tirés 7 ou 8 coups sur le cocher sans le blesser et sans pouvoir arrester le carrosse, accoureurent aux portiers, où ilz tirerent sur ces deux gentilhommes, qui estoit dans le fondz du carrosse, et en blesserent legerement un nommé Brainville à la joue. Aussytost ceux cy tirerent sur ces assassins; en ayant couché un par terre, Brainville sauta hors du carrosse et se trouva parmy eux sans qu'il luy fissent autre mal; mais s'estant adressés à son compagnon, nommé le baron de St Aigland, luy donnerent un coup de poignard dans le sein au dessous de la mammelle; sur cela ce [se] retirerent sans rien prendre ny demander autre chose à l'ung ny à l'autre, ayant emporté leur blessé tout mourant. L'on remarqua qu'en s'en allant ilz dirent que ce n'estoit pas luy, ce qui faict croire qui [qu'il] n'avoit autre desseing que de tuer M. de Beaufort, ayant prit pour luy ce gentilhomme, qui estoit blond et avoit un visage un peu long comme luy. Le cocher, laissant Brainville dans la rue tout estourdy du coup qu'il avoit receu, poursuivit son chemin à toutte bride à l'hostel de Montbazon pour y laisser St Aigland; lequel estant arrivé devant la porte, mourut entre les bras d'ung lacquais qui le descendit du carrosse. On envoya en mesme temps à l'hostel de Vendosme, d'où partirent 8 ou 10 personnes à cheval pour aller chercher les autheurs de cette action; et cepandant on les fit suivre par deux lacquais qu'on fit partir de l'hostel de Montbazon, lesquelz les ayant rencontrés, feurent battus à coups de baston; et on leur osta leurs souliers afin qu'ilz ne puissent pas suivre, les menaceant aussy de les tuer, ce qui les espouvanta si fort qu'ilz n'oserent passer outre; et ceux qui estoint à cheval ne les peurent rencontrer. M. de Beaufort feut fort surpris de cest accident et tesmoigna grand regret de la perte de ce gentilhomme qu'il aymoit fort, et à qui mesmes il avoit obligation de l'avoir retiré en sa maison en Normandie /315v/ pendant sa disgrace. Quelques conseillers du Parlement en feurent le lendemain demander justice à M. le duc d'Orleans, et notanment M. Coulon, qui en fit grand bruit, ayant dit tout haut qu'il ne pouvoit venir que de la part de M. le Cardinal et qu'on en pouvoit faire autant à S.A.R. et à tout le Parlement. On a faict divers commentaires là dessus. Les ungs sont de l'advis de M. Coulon, les autres veulent que ces assassins ayent creu faciliter la liberté de MM. les princes en mettant par ce moyen le chef de la Fronde à bas. D'autres en soubçonne le duc de Candale. Le lendemain le Lieutenant Criminel ayant receu ordre d'informer de cest assassinat, et les ordres ayant esté donnés à tous les quarteniers, dizeniers de chercher dans touttes les maisons de Paris et sçavoir quelles personnes y logent, et à les chirurgiens de s'assembler pour descouvrir le blessé, l'on prit avant hier un des complices, qu'on trouva proche la porte St Victor blessé au bras. Il feut exactement interrogé, et ayant dict qu'il estoit natif de Neufmarchais [Neuf-Marché] proche Gisors en Normandie, et qu'il estoit soldat, il avoua qu'il s'estoit trouvé en cette actions, nomma dix de ses compagnons, dont on en prit hier deux avec leurs femmes ou garces, et dit que c'estoit un vol qu'ilz vouloint faire; que 3 pesonnes les ayant rencontrés devant le Palais Royal, les avertirent, un peu devant que le carrosse de M. de Beaufort passat, qu'il y avoit 20 mille escus à voler à un homme qui les venoit de les gaigner au jeu, lequel devoit passer par la rue St Honnoré; et que sur cette advis ilz ce [se] joignerent à ces 3 personnes, quoy qu'ilz ne les cogneussent pas, et attaquerent ce carrosse. L'on a despuis interrogés les autres et l'on en sçaura bientost la verité. L'on a fort remarqué q'ung advocat de cette ville nommé Goesel, qui a fort estudié la phisiognomie de M. de Beaufort, avoit dit à Mme de Montbazon deux jours auparavant de M. de Beaufort avoit grand subject de se donner de garde, parce qu'il estoit menacé de feu, de fer, et de poison.

Les avis de Bourdeaux confierment que peu de jours apres que la Cour en feut partie, soit que M. le Cardinal voulut se ressentir de ce que le Parlement ne l'avoit pas voulu visitter, soit pour autre suject, l'on y signiffia un arrest du Conseil d'en haut par lequel le Roy renvoquoit une imposition d'un escu par tonneau de vin qui entereroit dans la ville de Bourdeaux, pour estre employé au payement des debtes de la Ville evalués à 600 mille livres; laquelle imposition on avoit accordé icy au jurat Constant, deputté de Bourdeaux, peu avant que la Cour partit d'icy pour y aller, lors qu'on /316/ les desunit d'avec ses compagnons pour faire une espece de paix qui feut d'abord regretté; mais parce que MM. du Parlement estoint les principaux interessés dans cette affaire, et qu'il avoit esté arresté par la declaration de la paix que touttes les precedentes seroint executtées, ilz ont donné arrest portant que cette imposition seroit levée pour estre employée au payement des debtes de la Ville, nonobstant l'arrest du Conseil qui la revoquoit, et que le Roy seroit supplié de l'agreer ainsy.

Les depputtés de l'Assemblée du clergé estant arrivés à Sainctes le 17 du passé, à mesme temps que la Cour y passoit pour s'en revenir, demanderent audiance; mais la Reyne leur envoya dire par M. de Plessis Guenegaud qu'elle ne les pouvoit entendre à moings qu'ilz retranchassent l'article du prince de Conty, ce qu'ilz ne vouleurent pas faire; et s'en estant plaintz à M. le Cardinal, il leur dit que cela avoit esté ainsy arresté le jour precedant au Conseil, dont il ne faisoit q'une partie, que n'y ayant que sa voix, il ne l'avoit peu empescher, et que d'allieurs le Conseil du Roy, qui est à Paris, ayant sceu le suject de leur deputation, avoit mandé à la Cour de leur refuser audiance sur le suject du prince de Conty; à quoy ayant adjousté que ceux qui avoint procuré les instances que le clergé faisoit en faveur de ce prince, n'avoint pas eu tant d'envie d'obtenir sa liberté que de troubler l'Estat, l'evesque de Varbres [Vabre] luy repartit qu'il n'y avoit aucung dans l'Assemblée qui ne feut tres affectionné au service du Roy; ce qui obligea S.E. à se reprendre, disant qu'elle n'entendoit pas accuser aucung de l'Assemblée, mais qu'elle parloit de quelques personnes de dehors qui sollicitoint le clergé de s'interesser en cette affaire, et quant aux autres subjects de leur deputation, la Reyne estoit tres disposée de les leur accorder.

La peste diminue fort à Rouen, et l'on menace cette province de garnisons pour l'obliger à financer 300 mille livres, comme elle fit l'année passée pour s'en exempter.

La Reyne estant arrivé à Amboise, y tomba malade d'ung rheumatisme dont elle feut saignée 2 ou 3 fois, ce qui a retenu la Cour jusques icy; mais Sa M. en estant guerie à present, devoit en partir hier pour coucher à Blois et arriver mardy prochain icy ou à Fontainebleau. M. d'Espernon estoit à la Cour, et quelques advis portent qu'il avoit faict instance pour obtenir qu'on luy baille les vaisseaux du comte d'Augnon pour demeurer à l'emboucheure de la Garonne, au moyen de quoy il se faisoit fort de reduire Bourdeaux et de trouver un fond pour en faire la despense.

Les avis de Catalougne portent que les ennemis n'avoint pas encor pris le chasteau de Mirabel, qui se deffendoit fort bien; que tous les passages /316v/ par où on les peut secourir estant gardés, aussy bien que ceux de Tourtose [Tortosa], le duc de Mercoeur avoit faict enterer ses troupes dans l'Arragon pour y faire diversion; et que le marquis de St Megrin y estoit attendu avec les trouppes qui [qu'il] y mene de Bourdeaux.

De Provence on mande que le duc de Joyeuse estoit arrivé à Thoulon, mais on ne sçavoit pas encor quelle resolution le duc d'Angoulesme prendra; et au cas qu'il voulut obeir aux ordres de la Cour, M. d'Aiguebonne estoit aussy arrivé à Nismes, où il devoit attendre des nouvelles de ce duc pour commander en Provence en la place du comte de Carces, qui est lieutenant du roy, lequel est encor à la Cour. Tous les cappitaines des galeres y ont receu un ordre de Sa M., par lequel il leur est deffendu de recognoistre desormais le duc de Richelieu pour general des galleres et obeir à aucung de ses ordres, Sa M. s'en reservant le commandement jusques qu'elle en aye autrement ordonné, en ayant interdit la fonction à ce duc; sur quoy lesdits cappitaines et autres officiers de galeres ayant tenu conseil, avoint resolu de luy en donner advis et luy en tesmoigner leur desplaisir.

Mme la Princesse douairiere a esté fort malade à Chastillon, et aussytost que M. d'Orleans l'a sceut, il luy a envoyé un gentilhomme pour sçavoir l'estat de sa santé; mais elle se porte beaucoup mieux, la fievre l'ayant quitté. Mme de Guise est encor fort malade, et quoy qu'on ne desespere pas de sa guerison, neamoing elle aura peyne d'en eschapper.

Les lettres de Champagne portent que les ennemis ont donné 2 assautz à Mouzon, estant maintenant attachés au corps de la place, mais qu'ilz ont esté repoussés avec perte de plus de 400 hommes; que les bourgeois, qui sont autant de bons soldatz, se monstrent si resolus qu'il ne s'est jamais veu de plus belle deffense que la leur, ne voulant point de composition et ayant faict des bons retranchementz au delà de leurs murailles. Le comte de Fuelsendagne commande à ce siege, l'Archiduc estant à Bruxelles où il a mené 4 regimentz, 2 de cavalerie et 2 d'infanterie, pour empescher les courses que nos garnisons font en Flandres. Il doit aller de là à Anvers pour en tirer quelque argent, afin d'en payer 2 ou 3000 chevaux qui luy sont nouvellement venus d'Allemagne. Le mareschal de Turenne est tousjours dans Stenay, où l'on croit qu'il n'est pas en fort bonne intelligence avec les ennemis.

Les avis de Bruxelles du 29 du passé portent que le dernier courrier qui est arrivé d'Italie avoit apporté un bref du Pape portant pouvoir au premier /317/ prestre d'absoudre le duc Charles et la dame Beatrix de Casance, comtesse de Cantecroix, de l'excommunication qu'ilz avoint encourus pour ne s'estre point separés; que ce duc en avoit receu l'absolution le dimanche precedent dans les Chartreux, et cette comtesse 4 jours apres dans les Jesuistes de Halles [Hal], 3 lieux de là, où le duc d'Yorch, qui fort [fait?] la cour au duc Charles, y estoit allé la visitter.

Quelques ennemis de M. le Cardinal ayant achepté des copies de son portraict qu'ilz ont attaché cette nuict à des posteaux en 4 endroitz de Paris avec une corde qui entroit à l'endroit du col par 2 trous qu'on y avoit fait et sortoit au dessus de la teste pour le faire paroistre pendu en effigie, et outre cela ont applicqué aux coins des rues les 2 placardz cy joints:

Jules Mazarin
Pour avoir diverses fois empesché la conclusion de la paix generalle;
Pour avoir faict commettre plusieurs assassinatz, desquelz par des preuves plus que suffisantes il a esté convaincu d'estre seul autheur;
Pour avoir derobé et transporté les deniers hors du rouyaume;
Pour avoir vendu tous les benefices qui ont vacqué despuis la Regence;
Pour avoir voulu afamer la ville de Paris et sacriffier à sa haine les bourgeois d'icelle;
Pour avoir faict enlever les bledz hors du rouyaume et les avoir vendu secrettement aux ennemis de l'Estat;
Pour avoir, par ses enchantementz et sortileges, suborné l'esprit de la Reyne;
Pour avoir transgressé les coustumes de France et renversé les loix divines et humaines;
Enfin, pour avoir esté par des preuves certaines plusieurs fois convaincu de crimes de leze majesté au premier chef, a esté condemné d'estre pendu et estranglé; et pour n'avoir encor peut [pu] estre saisy et aprehendé au corps, son tableau attaché par les mains du bourreau à la potence et exposé pendant 24 heures ès lieux commungs et destinés pour faire l'execution des criminelz, sçavoir à la place de Greve, à la Croix du Tiroir, aux Halles, et au bout du Pont Neuf, le novembre 1650.

Advis aux Parisiens
Peuple de Paris, considere que l'attentat faict sabmedy dernier /317v/ en la personne de M. de Beaufort par le cardinal Mazarin est une marque asseurée du desseing qu'il a de le perdre, car il ne l'a osé entreprendre tant qu'il l'a creut son protecteur, jusques à ce qu'il aye faict descrier par la ville par mille libelles deffamatoires contre ce seigneur; et ne l'ayant peu obliger par ses artiffices à consentir à sa ruyne, il a voulu faire assassiner pour ensuitte se venger de la ville de Paris, apres s'estre deffait d'une personne si considerable et si incorruptible que les charges, alliance, ny les promesses n'ont peu destourner de tes interestz, pour lesquelz il sera tousjours prest d'exposer sa vie.

/319/ De Paris le 11 novembre 1650

Vous aves sceu l'ordre que le duc de Richelieu receut de la Cour il y a 3 mois d'aller servir sa charge de general des galleres, où il n'alla pas, faut d'argent. Despuis, sur quelques assemblées que les amis de MM. les princes tiendrent ches luy, Mme d'Aigullion luy fit donner ordre de sortir de Paris et de ne s'en esloigner pas plus de 10 lieues. Ensuitte elle obtient un mandement du Roy par lequel il estoit deffendu à tous ceux qui habitent dans les terres et chasteaux et maisons qui pourroint dependre de ce duc, de le recevoir ny aucung ordre de luy, jusques à ce qu'il en aye esté autrement ordonné. Ce duc s'adressa au Parlement pour se pourveoir et obtient une commission adressé au balif de Loudun pour prendre possession de la ville de Richelieu en son nom, ce que celuy cy fit; mais Mme d'Aigullion en estant advertie, obtient un arrest du Conseil qui casse tout ce que le Parlement a faict sur ce subject, avec deffences d'en cognoistre sur peyne de x mille livres, en envoye cest arrest sur les lieux par un huissier. Elle obtient encor une lettre de cachet par laquelle il est deffendu à tous les cappitaines de gallaires de recognoistre ce duc pour leur general; et parce que le chevalier de Vins, qui en est le premier cappitaine, est fort son amy, le commandeur de Vinceguerre, qui en est lieutenant general et qui estoit icy, partit il y a 15 jours pour faire executter cest ordre; lequel y estant arrivé, le chevalier de Vins escrivit au duc de Richelieu que c'estoit un ordre mandié et obtenu par surprise et que comme il n'avoit point failly, on n'avoit pas peu le donner avec justice; et enfin s'il se rendoit promptement sur les lieux, sa presence obligeroit tous les cappitaines à ne s'arrester à cest ordre. Sur cela ce duc partit en poste, luy 4e, pour y aller; et il feut remarqué q'ung secretaire des galleres nommé Sibourg a esté envoyé à la Cour pour parler de cest affaire à M. le Cardinal. Celuy cy luy respondit qu'il n'avoit rien sceu de cest ordre, que Mme d'Aigullion l'avoit obtenu de M. le duc d'Orleans, et qu'il feroit son possible pour servir le duc de Richelieu en cette occasion. Cepandant les lettres de Toulon portent que ce duc y est arrivé; qu'il a esté fort caressé du comte d'Alais; mais qu'il n'y a eu que le chevalier de Vins qui l'aye recognu, les autres cappitaines s'en estant excusés sur l'ordre qu'ilz ont; et qu'ensuitte ce duc ayant voulu faire sortir du port de Toulon 3 ou 4 galleres pour aller, comme on croit, en course, le comte d'Alais ne l'a pas voulu souffrir et luy a monstré l'ordre qu'il avoit de l'empescher. On asseure que Mme de Richelieu est allée en Brouage pour recevoir de l'argent que le comte d'Augnon faict toucher à ce duc, le faisant jouyr de 90 mille livres qu'il y a de revenu sur les salines, sans que Mme d'Aigullion l'en puisse empescher. Quant au comte d'Alais, les mesmes lettres confierment que le duc de Joyeuse luy a porté parolle de la part de la Reyne et de M. le Cardinal qu'on luy donneroit le gouvernement d'Auvergne et 900 mille livres de surplus, /319v/ sçavoir 200 mille livres d'argent comptant et le reste en bonnes assignations, avec la survivance du duc de Joyeuse de la charge de colonnel general de la cavalerie legere; outre cela, que S.E. feroit son possible pour luy faire laisser le domaine dont le feu duc d'Angoulesme, son pere, jouyssoit, lequel est reuny à la Coronne depuis sa mort; que ce comte avoit bien gousté cette proposition, mais qu'il tenoit encor le loup aux aureilles, ne voulant pas se declarer cy tost, soit qu'il aye desseing de ne revenir point du tout à la Cour ou qu'il veuille avoir de plus grandes seuretés de ce qu'on luy promet. M. d'Aiguebonne, qui doibt commander dans cette province, attend sa resolution.

Les dernieres lettres de Bourdeaux portent que le marquis de Sauveboeuf y estoit de retour de Madrid et qui [qu'il] se louoit fort du roy d'Espagne, qui l'a faict regaler d'ung present de 10 à 12 mille livres. Il a rapporté que le siege de Porto Longone, où l'Espagne avoit esté obligé d'envoyer ses forces, avoit esté cause qu'elle n'avoit peu envoyer des forces aux Bourdelois, à quoy elles adjoustent que le marquis de Lusignan estoit de retour d'Agen, où les principaux de la Ville l'avoint congratulé de ce qu'il avoit aydé à chasser le duc d'Espernon. M. le duc d'Orleans est mal satisfaict de la conduitte que le sieur de Coudray Mompensier a tenu en sa negotiation de la paix de Bourdeaux, où il a suivy entierement le sentiment de S.E., soubz le nom de S.A.R., sans s'arrester à l'instruction qu'il avoit. Le president de Gourgues et le sieur Guyonnet, qui estoint icy en qualité de depputtés du Parlement de Bourdeaux avant la paix, sont revenus dès la semaine passée avec les mesmes qualités pour demander un nouveau gouverneur.

La Cour estant partie d'Amboise, M. d'Espernon s'en retourna à Loches, apres s'estre excusé de donner sa demission du gouvernement de Guyenne que la Reyne luy avoit demandée, ayant dit pour ses raisons à Sa M. qu'il ne sçavoit point avoir fally, qu'il n'avoit rien faict sans ordre de la Cour, et qu'on luy fit le proces si on le croyoit coupable. Le duc de Candale est en cette ville puis 5 ou 6 jours.

Mme la Princesse est partie de Milly le 6 du courant avec le petit duc d'Anguien pour aller à Mourron, et à cette fin elle faict monter son bagage sur la riviere de Loire jusques à Sancerre. Mme la Princesse douairiere est retombée malade à Chastillon, la fievre l'ayant reprise avec des assoupissement si grandz qu'on doubte qu'elle en puisse rechaper. La Reyne y a envoyé le sieur Vautier, premier medecin du roy; et les sieurs de Nesmond et Ferand sont allés la treuver ce matin, le premier ayant receu lettre de M. le Prince par laquelle /320/ il luy mande d'avoir soing de sa mere et de l'asseurer de ses obeissances, et de luy faire sçavoir tous les jours des nouvelles de sa santé.
M. Dallier sortit de la Bastille le 5 à dix heures du matin.

Le 6 le chevalier du guet ayant receu ordre de transferer le president Perraud de la Bastille au Bois de Vincennes, le feut trouver le soir et luy dit de se tenir prest, sur quoy l'ayant prié d'attendre au lendemain, ce que le premier luy accorda à cause de son indisposition; mais le lendemain ce president resistat encor jusques à midy, ayant faict tous ses effortz pour obliger le chevalier du guet de le laisser et de faire un proces verbal de l'estat où il le treuveoit, ce qui [qu'il] luy refusa, disant qu'il n'en avoit point ordre, et ensuitte le transfera.

Quant à l'ass[ass]inat commis dans le carrosse de M. de Beaufort, quoy qu'on aye prit 7 ou 8 filoux convaincus de plusieurs volz, neamoings il n'y en a eu que 3 qui se sont trouvés à cette action, lesquelz advouent qu'ilz ont attaqué ce carrosse pour le voler et se conforment à dire qu'ilz n'ont poignardé St Aiglan que parce que luy et son compagnon, voyant qu'ilz s'aprochoint du carrosse, tirerent les premiers leurs mousquetons sur eux. Le premier qui feut pris estant fort blessé et en danger de mort, le Lieutenant Criminel feut veoir M. de Beaufort dès la semaine passée et luy dit qu'il estoit necessaire de le juger et expedier promptement, ce que ce duc n'aprouva pas, disant qu'il falloit attendre qu'on en eut pris d'autres afin de mieux decouvrir leur desseing; à quoy le Lieutenant Criminel luy ayant replicqué que cepandant ce blessé ne pourroit pas vivre, le duc de Beaufort s'eschauffa contre luy et luy dit, "Vous m'en respondrés," voulant qu'il en differat le jugement jusques apres la St Martin, afin que le Parlement en prit cognoissance; mais on ne laissa pas de juger hier ces complices à estre roués, et l'on doit les executer demain si le Parlement n'en suspend l'execution ainsy que M. de Beaufort le desire.

Quant aux tableaux de M. le Cardinal, ayant esté enlevés par des commissaires, on descouvrit le peintre qui les avoit vendus, lequel dit q'ung certain prebstre les avoit acheptés ches luy sans luy dire qu'il eut aucung mauvais desseing. L'on arresta ensuitte dans l'Hostel de Ville qu'aussytost qu'on sçauroit l'arrivée du Roy à Fontainebleau, les eschevins iroint trouver S.E. pour l'asseurer que les bons bourgeois n'avoint eu aucune part à cette action et qu'à l'avenir ilz feroint leur possible que telles choses n'arrivent, et apres ilz la prieroint de s'entremettre pour obtenir le retour du Roy à Paris. Ilz partirent hier à cette fin, /320v/ la Cour estant arrivée dès le 7 à Fontainebleau, où M. le Garde des Sceaux alla le mesme jour et Mme de Chevreuse avant hier. M. le duc d'Orleans faisoit estat de n'y aller point à la priere de M. de Beaufort et du Coadjuteur, qui aprehendoit qu'on obligent S.A.R. à consentir à quelque ordre du Conseil pour les esloigner de Paris; mais M. Le Tellier estant arrivé icy le 8 et l'ayant prié d'y aller, Sadite A. partit à cette fin hier à 7 heures du matin en relais de carrosse, apres avoir promis à ces messieurs de les proteger de tout son possible en cas qu'il se parlat de resoudre quelque chose contre eux, et de faire tous ses effortz pour faire revenir le Roy à Paris, nonobstant le bruit qui court que M. le Cardinal n'y veut pas consentir que ces deux chefz de la Fronde n'en soit sortis, et qu'il a desseing d'emmener la Cour en Champagne. On en doit desliberer à Fontainebleau, et l'on doit aussy parler de la liberté de MM. les princes, ainsy qu'on a faict esperer à Mme la Princesse, mais on ne croit pas qu'on resolue aucune chose.

Le president de Maisons est malade despuis 15 jours; et la Cour estant peu satisfaitte de luy à cause qu'il n'a point de credit, on parle de luy oster la surintendance des finances et de la donner à Tuboeuf.

Les avis de Barcelonne du 25 du passé portent que les ennemis ont pris le chasteau de Mirabel à composition, laquelle a esté faitte par un cappitaine du regiment d'Andaye [Hendaye], qui y commandoit, apres que le gouverneur y feut tué dans une sortie qui [qu'il] fit; et que le peuple de Catalougne croioit fort contre ce cappitaine aussy bien que contre Launay Gringueniere, auquel le duc de Mercoeur a faict envoyer ordre de la Cour pour sortir de la place et y laisser seulement le lieutenant du roy pour y commander; que les ennemis ayant pourveu à la conservation de Mirabel, ont assiegé Tortose, dont Launay Gringueniere a faict sortir touttes les bouches inutilles à cause qu'il y a peu de vivres dans la place; et que le duc de Mercoeur estoit à Balgueir [Balaguer] en attendant le marquis de St Megrin, qui luy meine un renfort de 1500 hommes; et que cepandant le baron de Cebac, Allemand, s'oppose à ce duc avec 3 mille fantassins et 500 chevaux que les habitans de Valence et d'Arragon ont levé pour conserver leurs terres.

On escrit de Bruxelles du 5 du courant que l'Archiduc avoit visitté le premier le duc d'Iorch, qui luy avoit rendu la visitte 2 jours apres; que la comtesse de Villervalle, qui y estoit arrivée despuis quelque temps de Vienne pour aller servir la reyne /321/ d'Espagne en qualité de sa premiere dame d'honneur, en estoit partie le 2 pour aller à Madrid apres avoir receu un passeport que Mme d'Orleans luy a faict expedier icy, elle passera dans Paris sans s'y arrester; et que le comte d'Hersée, chef des Liegeois, qui veulent faire desmolir la citadelle nouvellement bastie [à] Liege, avoit traitté avec le duc de Lorraine pour avoir son assistance; et pour cest effect il luy avoit engagé tous ses biens pour seurté de l'argent que ce prince leur a fourny, pour faire des levées afin d'en venir à bout. Le comte de Reckel et le sieur Perraut et le gendre du feu bourgemaistre Bartel ont levé à cette fin chacung un regiment et declare à l'eslecteur de Cologne, leur prince, qu'il falloit que la citadelle feut rasée, ce qui a obligé cest eslecteur d'y aller en diligence; et l'on ne doute pas qu'il n'y soit obligé par force.
Les ennemis ayant donné 2 assautz à Mouzon le 5, feurent repoussés au premier avec grand perte de part et d'autre; mais à ce second les ennemis ayant eu l'advantage, declarerent aux habitans et à la garnison qu'il n'y avoit point de quartier pour eux s'ilz differoint d'avantage à capituler; à quoy ceux cy feurent contraintz de condescendre, n'ayant plus de poudre n'y d'esperance d'ung prompt secours, et firent une composition honnorable suivant laquelle la garnison en sortit le mesme jour à 4 heures du soir, tambour battant, enseignes deployées, etc., avec 2 pieces de canon, et feut escortée à Sedan par eu sur la Meuse. Les ennemis ont ruyné la moitié de leur armée au siege, qui a duré pres de 6 semaines, et n'ayant presque plus d'infanterie ont esté obligés de faire mettre pied à terre à leur cavalerie pour donner ces assautz. Les bourgeois de Mouson ont 3 mois de temps pour aviser s'ilz doivent demeurer dans la ville en prestant sermant au roy d'Espagne, ou vendre leurs biens pour se retirer où bon leur semblera.

L'on a resolu au Conseil d'assieger Retel, et l'on a deslivré 40 mille livres pour faire les travaux de ce siege. Le mareschal de la Motte doit espouser apres demain Mlle de Thoussy.

/323/ De Paris le 18 novembre 1650

Les 3 complices de l'assasinat de St Aiglan ayant esté condempnés à la roue, comme vous aves sceu, par le Lieutenant Criminel assisté de 14 juges, celuy cy receut une lettre de M. le duc d'Orleans obtenue par M. de Beaufort, par laquelle S.A.R. luy mandoit d'en surceoir l'execution, ce qu'il fit; et en mesme temps on interrogea un 4e complice de cette action qu'on venoit de prendre, lequel respondit conformement à ce que les autres avoint dit; ainsy il n'y a point eu jusques cy de lumiere qu'ilz ayent eu desseing d'assasiner M. de Beaufort. M. Coulon parla de cette affaire le 14 à l'entrée du Parlement et demanda qu'elle feut renvoyée à la Tournelle, mais son avis ne feut pas suivy. Le Lieutenant Criminel ayant receu une seconde lettre de S.A.R. portant ordre de poursuivre le proces de ces criminel et de les faire executter, les 3 qui avoint esté condempnés feurent roués le mesme jour à la Croix du Tiroir.

M. d'Aumale ayant demandé la semaine passée le brevet de la coadjutorerie de Rheins à M. Le Tellier, il luy respondit que la Reyne vouloit qu'il se mit auparavant en estat et dans les ordres sacrés, ce qu'il fit; et estant retourné 3 jours apres ches M. Le Tellier, il le luy refusa encor, disant qu'il falloit qu'il en parlat auparavant à la Reyne; et ensuitte on luy dit qu'on ne le luy accorderoit point qu'il n'obligeat auparavant le duc de Nemours, son frere, de renoncer à touttes ses pretentions sur le gouvernement d'Auvergne; ce qui l'obligea d'avoir recours à M. le duc d'Orleans, qui avoit desja escript deux ou 3 fois en sa faveur à la Reyne; et S.A.R. luy fit deslivrer le brevet dès le 14.

L'evesque de Rennes ayant sceu que le mareschal de la Motte, son frere, avoit resolu d'espouser dimanche dernier Mlle de Toussy, est venu expres en cette ville pour empescher ce mariage d'amourettes, ce qui obligea ce mareschal de partir d'icy le 15 avant le jour, tant pour ce subject que pour ne se treuver pas icy à l'arrivée de la Cour, où il n'est pas bienvenu.

M. le duc d'Orleans estant party d'icy le x pour aller à Fontainebleau, rencontra le duc d'Anville au Pont de Thierry [Ponthierry], 4 lieues en deça, lequel luy dit que la Reyne et M. le Cardinal luy venoint au devant, ce qui obligea S.A.R. de monter à cheval, estant sorty de son carrosse; et à demy lieue de là elle rencontra M. le Cardinal, qui estoit descendu de son carrosse aussytost qui l'avoit [qu'il l'avoit] aperceut et luy alloit au devant à pied. Sadite A. ayant descendu 7 ou 8 pas avant que l'aborder, l'on remarqua que S.E. luy fit de tres profondes reverences et luy parla avec des soubmissions et des respectz qui n'avoint jamais esté si grandz. S.A.R. luy caressa fort, et apres un entretien d'ung quart d'heure, remonta à cheval et s'en alla trouver le Roy, qui l'attendoit à l'Hermitage dans la forest, S.E. s'en estant allé par un autre chemin. Aussytost que le Roy aperceut S.A.R., il alla à pied au devant d'elle, tendant les bras, et l'embrassa fort longtemps /323v/ luy faisant des caresses extraordinaires jusques à verser des larmes de joye; et ensuitte s'en estant allés ensemble, la Reyne receut avec les mesmes caresses Sadite A., laquelle soupa ensuitte ches S.E. Le lendemain 11, le Conseil ce [se] tenant dans la chambre de la Reyne, il feut parlé d'abord de l'affaire de MM. les princes; mais tout au contraire de ce que leurs amis en attendoint, ayant esté proposé de les transferer au Havre de Grace, ce qui fascha fort S.A.R., qui ne pouvant souffrir qu'on prit cette resolution, ce [se] leva faisant grand bruit, et l'on dit qu'elle s'en seroit revenue si ses gardes y eussent esté. Ce mescontentement luy dura jusques au soir du lendemain 12, qu'apres que toutte la Cour ce [se] feut employée pour l'appaiser, Mme de Chevreuse en vient à bout, quoy qu'il eut fort longtemps insisté qu'on luy donnat 15 jours pour en desliberer s'il y devoit consentir. L'on avoit auparavant despesché un courrier en Normandie pour porter les ordres au comte d'Harcourt de s'en venir en diligence avec sa compagnie de gardes, afin de conduire MM. les princes au Havre, et en mesme temps on avoit pourveu à faire avancer à Marcoussy le regiment de la Villette avec la compagnie d'ordonnance du Milord Digby; en suitte de cette resolution, M. le Cardinal proposa au Conseil d'emmener le Roy en Champagne pour reprendre Rhetel et Mouson, ce [se] faisant fort d'avoir pour cest effect 14 mille hommes; mais outre que M. le duc d'Orleans n'y veut pas consentir, Mme de Chevreuse representa fortement l'importance quil y avoit de ramener le Roy à Paris; et M. le Garde des Sceaux appuya si bien l'advis de S.A.R. qu'il feut resolu de venir icy, et que M. le Cardinal yroit en Champagne, s'il vouloit, sans le Roy. Sur cela Mme de Chevreuse ayant prit congé pour s'en venir, l'on remarqua que S.E., courant apres elle, tomba et se blessa un peu au coude.

Le 13 au soir M. le duc d'Orleans feut prendre congé de la Reyne pour s'en revenir; et comme il n'avoit point encor tesmoigné d'estre satisfaict de la translation de MM. les princes, M. le Cardinal se treuva à son levée et eut encor une petite conference avec luy, apres laquelle S.A.R. partit et arriva icy le 14 au soir. Le comte d'Harcourt arriva icy le mesme jour, et en mesme temps Mme d'Aigullion receut une lettre de la Reyne qui luy mandoit d'escrire au sieur de Ste More, son lieutenant au Havre, de laisser entrer M. de Bar dans la citadelle pour y commander et y garder MM. les princes; ce qu'elle feut contrainte de faire, quoy qu'elle aprehendat fort de perdre par ce moyen cette place, Ste More n'ayant plus à commander que dans la ville. Le regiment de la Villette estant arrivé dès le soir du 12 à Marcoussy avec les gendarmes et chevaux legers du roy et la compagnie des gardes du comte d'Harcourt, le tout faisant le nombre de 7 à 800 chevaux et 1500 fantassins, on en fit partir MM. les princes le 15 à 8 heures du matin, les 2 freres dans un carrosse du Roy, et M. de Longueville dans une carrosse de la Reyne /324/ conduitz par ce comte. On remarqua que M. le Prince ayant apris l'ordre qui estoit venu de les transferer, ne fit aucune resistance et dit d'abord quil estoit prest d'obeir. Ilz feurent coucher ce jour là à Versailles, et peu auparavant qu'ilz feussent arrivés le premier carrosse versa et M. le prince de Conty se blessa legerement.

Le gouvernement de Dourlens est donné à M. de Bar; et pour contenter S.A.R., qui l'avoit demandé pour le marquis de Vardes, on donne celuy de La Fere à ce marquis, auquel on avoit offert 100 mille escus pour s'en desister, ce qu'il n'a pas voulu faire.

Le mesme jour 15, Leurs M. arriverent en cette ville avec M. le Cardinal; et l'on remarqua que M. de Beaufort estant allé aussytost saluer la Reyne dans le Palais Royal, Sa M. luy fit fort froide mine; et en mesme temps quelq'ungs dirent à ce duc qu'il n'y faisoit pas bon pour luy et que le bruit couroit qu'on le vouloit arrester, ce qui l'obligea de sortir promptement sans rien dire; et despuis il n'y est point retourné. M. le Coadjuteur y feut mieux receu que luy, et l'on asseure qu'on l'a desunit des interestz de ce duc par le moyen de Mme de Chevreuse.

Le mesme jour le duc de Jouyeuse arriva icy, venant de Provence, et asseura la Reyne que le comte d'Alais estoit disposé à faire tout ce qu'elle voudroit, mais qu'il la supplioit de luy permettre de demeurer encor quelque temps en ce pais là. Mme la Princesse douairiere se porte mieux et est hors de danger, comme aussy Mme de Guyse.

On escrit de Barcelonne du premier du courant que la ville de Tortose estoit fort pressée par les ennemis, et que le duc de Mercoeur avoit tenu conseil avec les principaux de Catalougne à Ste Colombe [Santa Coloma] pour desliberer sur ce qu'on devoit faire là dessus; et qu'il avoit esté resolu qu'on assembleroit promptement les milices du pays pour tascher de secourir la place. Les Cathalans avoint receu une revocation que leur ambassadeur leur avoit envoyé de la Cour de tous les dons qui avoint esté faitz des biens confisqués de ce pays là, afin de les employer aux despenses de la guerre, laquelle revocation neamoings ne devoit avoir lieu qu'apres l'expedition de Tortose.

Le Roy a mandé en Cour le regent Fontanelle, Cathalan, pour l'envoyer à la negotiation de la paix generalle qu'on parle de mettre de nouveau sur le tapis, afin qu'il y desduise les interestz de Catalogne.

Les advis de Bourdeaux du 10 portent que le duc de St Simon ayant fait couler à fondz 3 ou 4 vaisseaux remplis de pierre et de sable l'ung sur l'autre, afin d'empescher les vaisseaux de passer sur le bord de la riviere du costé de Medoc et les obliger de passer soubz le canon de Blaye, la ville de Bourdeaux luy avoit envoyé le procureur scindic pour sçavoir le subject pour lequel il vouloit brider la ville de cette façon, à quoy il repartit qu'il en avoit ordre du Roy, sans luy en donner autre raison; à quoy le premier ayant /324v/ adjousté qu'on desiroit sçavoir pourquoy il pretendoit exiger 20 solz sur chasque tonneau de vin qui sortiroit de la mer, il respondit que c'estoit pour payer sa garnison, ce qui donna grande jalousie aux Bourdelois, qui ont envoyé ordre à deputtés qui sont icy d'en faire plainte à la Cour; cepandant ilz avoint receu un ordre du Roy d'obeir à M. de St Luc comme lieutenant de la province, en attendant qu'on aye nommé un gouverneur, dont il ne se parle point encor. On asseure que le duc de la Rochefoucaut avoit assemblé grande quantité de noblesse en Poitou soubz pretexte de celebrer la St Hubert, ce qui a donné jalousie à la Cour.

Les lettres de Verdun et de Sedan du 13 portent que les ennemis reparoint les bresches de Mouson; que le mareschal de Turenne estoit sur la riviere d'Aisnes avec ses troupes pour commencer à y establir les quartiers d'hyvert; et que le marqus de la Moussaye estoit fort malade de fievre continue dans Stenay.

M. le Cardinal doit partir lundy prochain pour aller en Champagne, où l'on fait marcher touttes les troupes afin d'entreprendre le siege de Retel ou celuy de Mouzon, et on asseure qu'il y a un fondz de 800 mille livres pour faire ces entreprises. Les trouppes qui conduisent MM. les princes ont ordre d'y marcher aussytost qu'ilz seront arrivés au Havre. Ilz ont couché la nuict passée à Vernon.

Mme la marechalle de l'Hospital crie fort contre M. le Cardinal, pretendant qu'il luy avoit promis de luy faire donner le tabouret, ce qu'il n'a pas fait. La Cour prit hier le deuil pour le prince d'Orange, qui est mort. M. Tubeuf traitta avant hier S.A.R. et S.E. à soupper.

Un des antiens consuls de Marseille arriva hier icy pour demander au nom de cette ville là l'exclusion de M. le comte d'Alais hors du gouvernement de Provence, dont l'on escrit que M. Sering d'Arles porta lettre aux consulz de Marseille de la part de Leurs M., par laquelle elles demandoint quelques secours dans la necessitté presente; à quoy l'on respondit que la Ville ne pouvoit rien, à cause du comte d'Alais, qui l'obligeoit d'entretenir une garnison de 400 hommes pour se garantir de ses surprises.

Le comte d'Avaux est icy fort malade d'une fievre qu'il a prise à Fontainebleau.

/325/ Paris le 25 novembre 1650

Il a courut quantité de bruitz cette semaine qui sont à remarquer et qui ce [se] pourront esclairsir avec le temps. On a dit que pour obliger M. le duc d'Orleans à consentir à la translation des princes au Havre, on luy a faict esperer de marier le Roy avec Mademoiselle et de luy donner cepandant ce qui valent de Languedoch, qui vaut 400 mille livres de rente et qu'il avoit demandé autrefois; mais il y a fort peu d'aparence que cela ce [se] puisse faire, puisque la province l'ayant achepté, il faudroit la rembourser de 3 millions de livres qu'elle en a donné. On a dit ensuitte que le sieur de Ste More, lieutenant au Havre, avoit declairé que si on luy vouloit confier la garde de MM. les princes, il s'en acquiteroit en bon et fidelle serviteur du Roy, mais qu'il ne pouvoit pas laisser enterer M. de Bar dans sa place pour y estre le maistre, quoy qu'il en eut ordre de Sa M. et de Mme d'Aigullion. On veut mesmes que M. le Cardinal aye offert à Ste More le gouvernement de Dourlens pour le recompenser de sa lieutenance du Havre, quoy que le bruit continue fort que le lieutenant de Dourlens persiste dans la resolution de ne soffrir point que cette place soit donnée ny à M. de Bar ny à d'autre qu'à luy mesmes; mais on asseure que ce n'est point Ste More qui resiste à recevoir de Bar dans Le Havre, du moings cela ne paroit point directement, mais bien toutte la garnison et notanment les officiers, lesquelz n'en veulent point sortir ny en laisser enterer d'autres pour y estre les maistres, offrant neamoings de recevoir de Bar avec MM. les princes et luy obeir en tout ce qui dependra de leur garde et conservation, afin d'empescher par ce moyen que la place ne tombe en d'autres mains; dont on croit que la Cour demeurera d'accord, estant asseuré que cette garnison gardera fidellement MM. les princes, veu l'interest que Mme d'Aigullion a qu'ilz demeurent longtemps prisonniers. L'on remarque qu'avant que resoudre leur translation, il feut arresté avec S.A.R. que M. de Bar ne les transfereroit plus hors du Havre et qui [qu'il] ne les mettroit point en liberté, quelque ordre qu'il en eut, que du consentement de S.A.R. et par declaration du Roy, veriffiée au Parlement; et en mesme temps Mme d'Aigullion tira parolle de M. de Bar qui [qu'il] ne remettroit la place en d'autres mains qu'en celles de Ste More. La resistance que faisoit M. le duc d'Orleans de consentir à cette translation ne proceddoit que du desseing que M. le Cardinal avoit faict prendre à la Reyne de ne revenir point à Paris jusques à ce que M. de Beaufort et le Coadjuteur en seroint sortis; à quoy S.A.R. ne pouvoit donner les mains, apres les promesses solemnelles qu'elle leur avoit faitte de l'empescher. De faict, on asseure que ce feut à cette condition qu'elle consentit que MM. les princes feussent transferés. Cepandant on faict continuer à ceux cy le voyage du Havre. Ilz coucherent le 18 à Nostre Dame de Grace, le 19 à Houdeboville [Heudebouville], le 20 au Pont de l'Arche, le 21 à Martainville, le 22 à St Jehan [Saint-Jean-du-Cardonnay] pres Barentin, ne faisant que 4 ou 5 lieues par jour; et continuent le voyage par le pays de Caux, en sorte qu'ilz ne passent par aucune ville ny bourg et n'ont point de riviere à passer qu'il ne soit guayable. Le comte d'Harcourt marche tousjours en teste des trouppes sans se veoir à MM. les princes, mais il n'a pas peu empescher qu'ilz n'ayent sceu qui les conduisoit.

Quant à M. de Beaufort, il ne va plus au Palais Royal despuis le retour de la Cour, et mesmes il n'alloit plus au palais d'Orleans jusques aujourd'huy, qu'il y est allé /325v/ avec M le Coadjuteur, lequel continue à s'entremettre pour l'accommoder avec S.E. On remarque que despuis que ce duc est allé loger dans la rue Quinquempoix, il s'y est beaucoup fortiffié par les familiarités qu'il a contracté avec les bourgeois de son voisinage, qu'il visitte et reçoit ches luy journellement. Il visitte sans cesse les conseillers du Parlement et faict son possible pour se les rendre favorables et les obliger à fronder contre M. le Cardinal, disant qu'il ne s'estoit auparavant accommodé avec luy que parce que la Reyne et M. le duc d'Orleans l'y avoint obligé, mais qu'il veoit bien à present que le Cardinal a resolut de le perdre et qu'il en cherche les moyens tous les jours.

Le Premier President estant malade despuis 15 jours, l'ouverture du Parlement a esté differée jusques à lundy prochain; cepandant il y a quantité de conseillers qui sont d'advis de faire des remonstrances à la Reyne sur l'esloignement des princes, et sur quelques autres affaires du temps.
Le 19 du courant M. le comte d'Avaux mourut en cette ville d'une fievre accompagné de pourpre, apres avoir pris du vin emetique.

Mme la Princesse estant arrivée nagueres à Montrond avec le petit duc d'Anguien, envoya icy un gentilhomme pour demander permission à la Reyne d'aller veoir Mme la Princesse douairiere, ce qui luy feut accordé il y a 4 ou 5 jours. Celle cy faisoit estat d'aller à Chantilly aussytost qu'elle seroit pleinement guerie, Sa M. luy ayant accordé la permission lors qu'elle estoit à Fontainebleu, mais elle est retombée en sa fievre pour la 3e fois. Madame sa belle fille doit partir demain de Montrond pour l'aller visitter.

L'evesque de Sarlat a eu l'evesché de Mascon contre les pretentions de l'abbé de Roches; celuy de Sees n'est pas encor donné, et il y a 3 pretendantz: sçavoir, l'abbé de Pontcarré, nepveu du dernier evesque; l'abbé de Mesdavid, frere du comte de Grancey; et le Pere Faure, Cordelier. Quant à celuy de Clermont, vous aures sceu que l'abbé de Steing s'en est emparé. Il ne s'est donné aucune des abbayes qui ont vacqué despuis 3 mois, parce que M. le Cardinal les reserve touttes et en leurre tous les prelatz qui composent l'Assemblée du clergé, afin de les obliger par cette esperance d'octroyer une somme notable au Roy.

Le 21 le mareschal de la Motte espousa Mlle de Toussy apres avoir receu 100 mille livres d'argent comptant, outre 25 mille livres de rente dont le contract de mariage est chargé; mais on croit qu'il n'y en [a] pas la moitié d'effectif.

Le mesme jour les sieurs Chapuysgaut et Blainvilliers, escuyers de Mme la Princesse, et Rochefort, valet de chambre de M. le Prince, feurent mis hors de la Bastille conformement à ce qui avoit esté arresté par la paix de Bourdeaux; mais ce feut à condition qu'ilz se retireroint dans un lieu à leur choix, dont ils ne pourroint sortir sans ordre de la Cour.

/326/ On escrit de Barcelonne du 9 que M. de Mercoeur, apres avoir tenu conseil à Ste Marguerit [Santa Margarita], en avoit faict partir 2 vaisseaux pour aller porter quelque infanterie à Serre du costé de Tortose, nonobstant la difficulté qu'il y avoit à faire reeussir ce desseing à cause des galleres espagnolles qui sont postées à l'emboucheure de l'Ebro; et qu'on n'y attendoit que l'arrivée du marquis de St Megrin pour aller tenter par terre le secours de la place, dans laquelle il n'y a de vivres que jusques à la fin de ce mois; que chacung contribuoit asses volontiers aux nouvelles levées qui s'y faisoint, et notanment les esclesiastiques; mais que d'autre costé les Espagnolz avoint convoqué les milices de Valence et d'Arragon pour renforcer leur armée à ce siege; et que le regent Fontanelle et le comte de Merenville en d[e]voint partir le 10 pour s'en venir en Cour.

Les avis de Bourdeaux confierment le mescontentement qu'on y a du proceddé du duc de St Simon, quoy qu'il aye faict cesser de boucher la riviere du costé de Medoc jusques à nouvel ordre de la Cour. Leurs deputtés feurent veoir le 20 S.A.R., qui leur promit de leur faire nommer en bref un gouverneur, maintenant que M. d'Espernon a envoyé sa demission à la Cour de ce gouvernement là, et les asseura que le duc de Candale ne l'aura pas. Celuy cy en sollicitte le desdommagement.

De Provence l'on mande que le 12 de ce mois quelques personnes ayant voulu se saisir de la ville de Marseille, feurent descouvertz et pris pour la pluspart; mais le principal autheur, pendant qu'on interrogeoit ses compagnons, se jetta d'une fenestre de l'Hostel de Ville en bas et se sauva à la faveur de la nuict. L'on a envoyé les informations aux depputtés qui sont icy pour en faire plainte contre le comte d'Alais, qui en est accusé par les informations. Ce comte ne laisse sortir aucunes munitions ny aucungs vaisseaux de Toulon, nonobstant l'ordre de M. de Vendosme comme admiral, auquel il a mandé qu'il ne pouvoit rien laisser sortir, que les affaires avoint changé de face, et que le temps explicqueroit les escritars. Le cardinal de Lyon est allé en ce pays là pour persuader au duc de Richelieu de ne rien entreprendre contre le service du Roy et de s'en revenir. M. le Cardinal a aussy escrit à ce duc pour le persuader de revenir à Paris. M. de Varennes, maistre d'hostel du roy, y est retourné pour faire des nouvelles offres à ce comte et pour achever son accommodement touchant le gouvernement de Provence.

Le cardinal Grimaldi est icy despuis 7 ou 8 jours.

Le president de Bellievre est nommé pour aller en Holande en qualité d'ambassadeur, pour complimenter les Estatz sur la mort du prince d'Orange et sur la naissance de son filz, et pour persuader à MM. les [sic] Estatz de ne point faire choix d'une personne qui soit suspecte à la France pour leur maistre de camp general.

/326v/ L'on parle d'envoyer le mareschal de Schomberg avec M. Melian, procureur general au Parlement, en Suisse en qualité d'ambassadeurs extraordinaires pour renouveller l'alliance avec les 13 cantons, laquelle finira cette année; et ilz tesmoignent fort peu d'inclination de la renouveller à cause que les troupes suisses ne sont pas payées.

La Reyne s'est trouvée mal despuis son retour, et son indisposition a creu tous les jours, en sorte qu'il semble que sa fievre se veuille regler en fievre tierce continue. Elle feut avant hier saignée au pied. Les medecins estiment que sa maladie pourra traisner en longueur, mais elle n'est aucunement dangereuse.

M. le Cardinal avoit preparé touttes choses dès la semaine passée pour son voyage de Champagne, afin de partir dès le 21, mais cette maladie et d'autres subjectz ont retardé son despart. Il fit partir hier au matin ses muletz avec son bagage, mais le soir il les contremanda; et quoy que plusieurs croyent qu'il ne partira point du tout, neamoings il fait estat de partir lundy prochain. Ce voyage n'est pas tant premeditté pour assieger Rhetel et Mouzon, comme pour conclurre le traitté qui s'est commencé despuis un mois avec le duc de Lorraine par l'entremise de Mme la duchesse d'Orleans, et pour tascher d'attirer le mareschal de Turenne à un accommodement.

Il y a nouvelle de Stenay que le marquis de la Moussaye y mourut le 13, et que le mareschal de Turenne estend ses quartiers d'hyvert despuis Grandpré jusques à Retel, où 1200 chevaux allemandz ont joint les ennemis. M. de Trassy est venu de Stenay, ayant quitté le party des princes apres s'estre mis mal avec Mme de Longueville pour luy avoir escript une lettre d'amour.

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