Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/168/ De Paris le premier novembre 1652

Le 23 du passé, le cardinal Mazarin feut se promener à Donchery, en attendant les ordres de la Cour pour son retour à Paris; touchant lesquelz on tient Conseil au Louvre, le 25, et l’on resolut de le laisser encor là pour quelque temps; mais cette resolution ayant esté sceue, quantité de personnes de condition, qui l’ont servy dans ses derniers mouvementz et qui, avant son despart, avoint tiré des parolles et mesmes de brevetz de diverses graces, dont ilz ne doivent jouyr qu’apres son retour, les ungs d’estre faitz mareschaux de France, les autres chevaliers de l’Ordre, etc., firent bruit de ce qu’on retardoit ce retour; et le Conseil ayant deliberé derechef là dessus, la resolution feut prise de luy envoyer ordre de revenir. Son apartement est tout prest au Louvre.

L’on a commencé, cette semaine, à faire paroistre des effectz des promesses que le cardinal Mazarin avoit fait à diverses personnes, dans son dernier despart, en ce que la Reyne a fait donner le tabouret à la marquise de la Vieuville, à cause du brevet que son mary a obtenu.

M. de Longueville a presté son hostel au marquis de la Vieuville, qui [qui y] alla loger le 20, afin d’estre proche du Louvre. L’abbé de la Riviere s’est accommodé avec la Cour, et a veu Leurs M., et traitté le mareschal de Villeroy, le duc d’Amville, et autres courtisans.

Le 30 S.A.R. partit de Limours pour Chartres, où MM. de Beaufort, de Rohan, de Bury, de Fontrailles, et autres, l’ont suivie, le premier ayant esté conferer auparavant avec Mme de Mombason à Rochefort, qui n’est qu’à 2 lieues de Limours, et le second devant venir en Cour dans peu de jours. L’on dit qu’il n’est demeuré aupres de S.A.R. que pour tascher de la persuader de revenir à Paris, à quoy l’on n’a peu l’obliger, à cause du retour du cardinal Mazarin. Cepandant, elle a suivy, dans cest accommodement, l’advis de ce duc, et celuy de M. Goulas, qu’on asseure avoir achevé ce que M. de Chavigny avoit commencé; mais quelques bruitz qu’on fasce courir de cest affaire, il est certain que S.A.R. n’a signé autre chose que l’amnistie, pour donner seurté par ce moyen à la Cour, qu’elle ne vouloit plus se mesler d’aucune chose. Il est vray que le duc d’Amville luy presenta une espece de traitté contenant 28 articles, dont il y en avoit 24 contenus dans l’amnistie, qui en estoit seulement mieux explicquée. Les 4 autres estoint: premierement, l’offre qu’on faisoit à M. de Beaufort de 100 mille livres, à condition de ne venir point à Paris, ce qu’il a refusé; 2, l’offre à Mme de Mombason de luy donner une abbaye pour sa fille, à mesme condition; 3, le restablissement de tous les presidentz et conseillers exilés, à condition de se conformer à l’amnistie, et à l’autre declaration qui feut veriffiée dans le Louvre; 4, est la permission à S.A.R. de lever des deniers à Blois, pour en faire restablir le pont que la Cour fit rompre, la derniere fois qu’elle en partit; mais elle ne le veut point signer, ayant declairé qu’elle ne pretendoit rien, et qu’elle se contentoit de ce que le Roy luy promettoit de donner, à ses amis, la mesme liberté qu’à elle, d’aller et venir à Paris, si bon leur semble, et les restablir dans leurs biens, à l’exception du sieur de la Louviere, à qui l’on doit donner 10 mille escus de recompense pour son gouvernement de la Bastille, sans l’obliger, ny luy ny M. de Broussel, son pere, à sortir de Paris, parce qu’ilz n’ont point /168v/ de maisons à la campagne. Le duc d’Amville est demeuré depositaire de cette parolle, et de celle de S.A.R.. Suivant l’amnistie, l’on rend le gouvernement de Pont St Esprit au marquis de la Frette, celuy de Bethune au vicomte d’Hostel, qui part demain pour y aller, et celuy de La Charité sur Loire au comte de Langeron.

Les troupes de S.A.R. auront presentement des quartiers de refraischissement en divers lieux sur la riviere d’Oise, et ensuitte seront envoyées en garnison.

Mademoiselle a escrit à M. d’Erbigny, son surintendant, qui est demeuré icy, qu’il asseurat S.A.R. qu’elle n’alloit ny à l’armée de M. le Prince ny à Bruxelles, mais bien dans une de ses terres qu’elle ne nomme pas, et qu’elle en donneroit advis lors qu’elle y seroit arrivée; mais un courrier, arrivé ce soir, a apporté nouvelles qu’elle est à Pons [Pont] sur Seine, qu’on appelle Les Caves, apartenant à feu M. de Chavigny, et qu’elle s’en va à St Fargeau en Bourgoigne, où sa maison va la trouver.
Les lettres de Bourdeaux, du 24, portent que Mme la Princesse y estoit malade à l’extremité, et que le duc d’Albret, son second filz, y estoit fort indisposé; que M. le prince de Conty avoit eu encor quelque acces de fievre; que le comte de Lillebonne ayant abandonné l’armée de la Cour, M. du Plessis Belliere n’en estoit pas party pour Catalougne, mais avoit pris, le 17, le poste de St Basile [Ste Bazeille] sur la Garonne, apres xi jours de tranchées. Ledit sieur Plessis Belliere y avoit fait faire un pont de batteaux, sur lequel il avoit fait passer l’armée, pour la faire marcher vers Dax; qu’on y attendoit M. de Candalle; que les troupes de M. le Prince y estant en petit nombre, ne songeoint qu’à se deffendre; et que neamoings, la nuict du 20 au 21, 200 hommes de la garnison de Bergerac avoint surpris le poste de Lalinde, 4 lieues de là, et y avoit fait prisonniers de guerre 80 fantassins et 3 chevaux.

On escrit de Bruxelles, du 26, que l’Archiduc y estoit retourné, et qui [qu’il] se portoit mieux; que les gouverneurs de Charlemont et de Mouzon s’estant plaintz à luy, de ce que la garnison de Sedan avoit rompu la neutralité qu’elle avoit avec eux, soubz pretexte de deffendre le cardinal Mazarin lors qu’il tomba dans l’ambuscade qu’ilz avoint dressés, on leur avoit ordonné d’user de reprisailles à l’advenir contre cette garnison.

M. le Prince s’estant abouché avec le comte de Fuelsendaigne, à Marne, fit marcher son armée, jointe avec celle de ce comte, et forte par ce moyen de 22 mille hommes, vers la frontiere de Champagne, où elle a attaqué le Chasteau Portien et Rhetel, qu’on dit avoir esté pris d’amblée, et qui sont deux postes fort avantageux sur la riviere d’Aisne.

M. de Joyeuse St Lambert est apres du cardinal Mazarin, pour quelque negotiation du duc de Lorraine.

Le mareschal de Turenne passa hier à La Ferté Milon, avec son armée, qu’il fit marcher vers Fismes. On parle d’obliger tous les auditeurs et correcteurs de la Chambre des comptes de financer chacung 25 mille livres, moyenant quoy, on les fait maistres des comptes, /169/ sans parler de creer d’autres auditeurs ny correcteurs.

Le Roy, s’estant hier enreumé, a changé la resolution qu’il avoit prise d’aller demain à la chasse, et l’on dit que le retour du cardinal Mazarin est differé pour quelques jours.

le 5 novembre

Le 2 du courant, l’apresdisnée, le Roy, la Reyne, et le petit Monsieur feurent au palais d’Orleans, visitter Madame, qui n’attend que l’heure de ses couches. Cette visitte ne feut pas fort longue. L’on y remarqua que le Roy n’y parla presque point, et que la Reyne ayant dit à Madame qu’elle estoit bien changée, celle cy respondit que ce n’estoit pas sans suject; sur quoy l’on passa à un autre discours. M. de Garde des Sceaux feut la visitter le lendemain; et on luy tesmoigne tous les jours que la Cour desire fort le retour de Monsieur; mais elle n’y est nullement portée, non plus que luy, disant hautement qu’elle souhaitte bientost estre hors de ses couches, pour s’en aller à Blois.

Le mesme jour, S.A.R. partit de Chartres, pour aller à Orleans, où elle arriva le mesme jour, et y fera quelque sejour, parce qu’elle est malade des gouttes. Le mareschal d’Estampes, qu’elle avoit envoyé icy, devant son despart de Limours, pour faire ses complimentz à Leurs M., et pour recevoir les effectz des parolles que M. de duc d’Amville et M. Le Tellier luy avoint donné, partit d’icy le 3, pour luy aller porter la response de la Cour, qu’on ne sçait pas encor. Il ce [se] confierme que Mademoiselle est allé de Pons sur Marne [Pont sur Seine], en sa maison de St Fargeau.

Le duc de Rohan s’en revient icy, où le Roy et la Reyne tiendrent, le mesme jour, son filz sur les fonts de baptisme.

Le retour du cardinal Mazarin est retardé pour quelques jours, mais l’on a remarqué que Renaudot a eu ordre de le mettre dans la Gazette, et que l’on differe à laisser venir les vivres et autres prouvisions en abondance dans Paris, jusques à ce que le Cardinal sera venu; apres quoy, l’on croit que l’on recommencera à payer les rentes de Paris, et qu’on fera quelque descharge des loyers des maisons de Paris, pour le passé. Cependant, on asseure qu’il est party de Sedan, pour s’en venir; et que de peur d’estre attaqué par les trouppes de M. le Prince, il a envoyé un party de cavalerie sur le chemin où celuy cy le faisoit attendre, lequel party a esté defait, pendant que ce cardinal prenoit un autre chemin.

L’on confierme que M. le Prince a pris Chasteau Portien et Rhetel, et qu’il a envoyé le comte du Pas, frere du marquis de Feuquieres, assieger Ste Menehoud. Le mareschal de Turenne s’y achemine, pour tascher de le secourir et observer les desseings de M. le Prince.

M. le cardinal de Retz, qui avoit esté prescher, le jour de la Toussaintz, devant le Roy et la Reyne à St Germain de l’Auxerrois, fit encor hier un beau sermon à St Jacques de la Boucherie.

/169v/ L’on a eu la confiermation de la perte de Barcelonne et de Cazal, en mesme temps. le duc de Lorraine s’en va à Bruxelles, et a laissé toutte son armée à M. le Prince.

/170/ De Paris du 8 novembre 1652

Lors que S.A.R. arriva à Orleans, l’on remarqua qu’elle n’estoit accompagnée que des comtes de Lude, de Brancas, et de Bury, et MM. de Louvieres, filz de M. de Broussel, et Penis, outre ses domestiques. Elle y feut complimentée de tous les corps de Ville. Elle soupa, ce soir là, ches le marquis de Sourdis, et disna le lendemain ches l’evesque d’Orleans. M. de Beaufort prit congé d’elle à Chartres, pour aller à Vendsosme, d’où il se doit retirer à Chenonceaux en Touraine, suivant l’ordre qu’il en a receue de la Cour, le lendemain qu’elle feut arrivé à Paris. Mme de Mombason est partye aussy de sa maison de Rochefort, pour aller à Cousieres [Couzières], aussy en Touraine, quoy que, par son premier ordre, elle feut releguée à Quinper Corentin [Quimper], en Basse Bretagne.

Dès que S.A.R. feut arrivé à Orleans, M. le duc de Sully, qui estoit à Sully, le feut visitter, accompagné de quelques gentilhommes de Sologne. Elle en doit partir demain pour Blois, où elle avoit donné ordre qu’on ne marqueroit aucun logement dans le chasteau à personne de ceux de sa suitte, s’estant reservé tout ce qu’il y en a, tant pour elle que pour Madame et les petites princesses. L’on asseure que despuis le retour du mareschal d’Estampes, elle a receu d’autres lettres de la Cour, mais on ne veoit pas encor d’effect des parolles qu’on luy avoit données, et notenment à l’esgard du sieur de Louviere, à qui l’on ne parle plus de donner la recompense de 10 mille escus, promise pour son gouvernement de la Bastille.

Le retour du cardinal Mazarin est differé, parce qu’il ne peut passer, despuis que M. le Prince occuppe toutte la riviere d’Aisne, et luy refuse des passeportz. L’apartement qu’on luy a preparé au Louvre est au dessus de celuy du Roy, où estoit celuy du mareschal de Villeroy; mais on l’en a fait sortir, pour agrandir et rendre plus commode celuy de ce cardinal, et l’on en a donné un moings commode à ce mareschal.

Les lettres de Chalons sur Marne, du 5 du courant, portent que Ste Menehoud estoit encor assiegée, et qu’il ne pouvoit estre secouru, parce que les mareschaux de Seneterre et de Turenne ne sont pas assez forts, et que leur armée se tient à couvert, aux environs de Chalons. Ilz se sont contentés de jetter du monde dans Vitry et dans St Dizier; apres quoy, le mareschal de Seneterre est allé, avec quelques troupes, en Lorraine, pour tascher d’y frayer un chemin pour le cardinal Mazarin, dont les gendarmes et chevaux legers qui estoint dans l’armée ont esté enlevés, s’en allant au devant de luy, et l’on tient qu’il ne sçauroit plus passer, s’il ne s’hazarde, accompagné seulement de 5 ou 6 personnes, ce qu’il ne fera pas vraysemblablement.

Le duc de Lorraine a laissé toutte son armée à M. le Prince, à la reserve de 12 mille chevaux qu’il a pris pour son escorte, et est allé à Bruxelles. Devant son despart de Marle, il envoya icy un gentilhomme nommé le baron de Chauviré, pour suplier Leurs M. d’avoir en recommendation les interestz de Mademoiselle, dans cette conjoncture; mais comme l’on n’est pas satisfaict à la Cour de la conduitte /170v/ de ce prince, l’on a respondu à ce gentilhomme que cette affaire ne regardoit point M. de Lorraine, et qu’il ne s’en devoit pas mesler.

Le train de Mademoiselle est party aujourd’huy, pour l’aller trouver à St Fargeau.

On escrit de Bourdeaux que le Parlement ayant voulu s’y assembler, pour desliberer sur la veriffication de l’amnistie, l’assemblée de l’Ormée, qui est tousjours la maistresse, s’y est opposée, et avoit fait une ordonnance, portant deffenses à touttes personnes, sur peyne de la vie, de la mettre en execution que du consentement de M. le prince de Conty; que Mme la Princesse se porte mieux; et que le petit duc d’Albret estoit guery.

On a presque achevé la demolition de Monront, à laquelle plus de 3 mille personnes travaillent depuis 3 semaines.

Mlle de Chevreuse mourut, hier au matin, apres 4 jours de maladie de la petite verolle, meslée de pourpre et de fievre continue. Elle avoit 40 à 50 mille escus de rente, dont M. de Guise herite d’un partie, et M. de Chevreuse de l’autre.

Le Conseil avoit resolu, le 4 du courant, de faire entrer, hier au matin, le Roy au Parlement, pour y faire veriffier une declaration contre M. le Prince et ses adherens, et quelques autres qu’on ne sçait pas encor. On disoit mesmes que Sa M. vouloit faire tirer des registres tout ce que le Parlement à cy devant fait contre le cardinal Mazarin. Suivant cette resolution, dès le 5 on fit tendre la Grande Chambre; et le 6, les officiers des gardes prirent les clefs de touttes les portes du Palais, les ordres estant donnés pour cest effect; mais le soir du mesme jour, 6, le Conseil ayant mis cette affaire en desliberation, changea d’advis et la remit apres la St Martin. On donne plusieurs raisons de cette remise: la premiere, qu’on attendoit des nouvelles d’une bonne disposition à l’accommodement, et l’on a dit mesmes que le president Violle, qui l’alla trouver à cette fin, la semaine passée, de la part de S.A.R. et avec un passeport de la Cour, en estoit revenu, et avoit donné bonne esperance; mais ce bruit s’est trouvé faux; la 2e, que M. le Garde des Sceaux avoit representé que c’estoit l’ordre, et contre la coustume, d’assembler le Parlement pendant les vacations, et que le corps n’en estant pas averty, la moitié des conseillers ne s’y seroit pas trouvé; mais la 3e, et la melieure, est que le Conseil n’avoit pas pris garde, lors qu’il prit cette resolution, que le temps de 15 jours donné à M. le Prince n’expire qu’aujourd’huy.

Avant hier, l’on afficha, aux coins des rues, un arrest du Conseil d’en haut, portant injonction à tous proscritz et exilés par l’amnistie et la declaration veriffiée ensuitte, tant estrangers qu’officiers de M. le Prince, de sortir de Paris dans 2 jours, à peyne de 10 mille escus d’amendes, et deffenses à tous bourgeois et autres de les retirer, à peyne de 10 mille escus d’amande; et despuis, on a donné ordre /171/ aux commissaires du Chastellet, de se saisir de tous ceux qui ce [se] trouveront dans Paris, apartenant à M. le Prince.

/172/ De Paris du 13 novembre 1652

Le 9 du courant, au matin, Madame accoucha d’une fille, dont la resjouissance est telle q’ung accouchement de cette nature la peut apporter. Personne n’y assista de la part de la Cour, mais M. de Cumont, conseiller au Parlement, et M. le curé de St. Sulpice, y assisterent, pour en rendre tesmoignage à M. le Prince. Madame y souffrit beaucoup, et en a encor un peu de fievre. Elle medite son despart pour Blois, aussytost qu’elle sera relevée de couche.

On eut, hier, nouvelles que S.A.R. estoit arrivé le 9 à Blois, où elle paroissoit estre asses satisfaitte de se veoir deschargée de la grande quantité d’affaires qu’elle avoit, estant icy. Le comte de Bethunes et M. de Fontrailles, qui estoint revenus icy de Limours, lors qu’elle en partit pour Chartres, sont retournés aupres d’elle. Le train de Mademoiselle ne partit qu’hier, pour aller à St Fargeau, quoy qu’on ne sache pas encor où elle est allée, despuis son despart de Pons sur Seine; et feut escorté par 20 gardes du corps du roy, jusques à Essonne, ayant esté renvoyés de là par ses gens. Le Roy luy a escrit une lettre fort obligeante, mais tout cela n’empesche pas qu’on ne soit en peyne d’elle.

Le comte de Palluau (qui est un de ceux qui ont le brevet de retenue pour le baston de mareschal de France) fait solliciter icy, aupres du marquis de la Vieuville, de l’argent pour les poudres necessaires pour achever la demolition de Monron.

Le bruit est fort grand que M. de Tilly, gouverneur de Collioure, s’est declairé pour M. le Prince, aussy bien que le sieur de St Aunais, gouverneur de Locatte [Leucate], lequel s’est declairé il y a 5 ou 6 mois; mais il n’y a point de nouvelles qu’ilz ayent, ny l’ung ny l’autre, introduit des Espagnolz dans ces places.

Les derniers advis de Champagne portent que M. le Prince y a fait piller les terres du comte de Grandpré, mis garnison dans quelq’unes, a fait brusler les autres et celles de ses adherens; que quoy qu’il y soit maistre de la campagne, le comte d’Estrées n’a pas laissé aussy d’y faire piller les maisons de ceux de son party; et que le sieur de St Maure, qui commande dans Ste Menehoud, n’ayant peu esperer aucune grace de M. le Prince, qu’il a tropt desobligé, s’est resolu de luy resister jusques à l’extremitté; mais que la place estant hors d’estat d’estre secourue, l’on ne croyoit pas qu’elle peut resister d’avantage, et l’on la croit prise, quoy qu’il n’y en aye pas encor des nouvelles certaines. Le cardinal Mazarin est encor dans Sedan, qui est investy par M. le Prince.

M. le president de Bellievre se doit marier bientost avec Mlle de Beuvron.

Le roy dansat, avant hier, un nouveau balet devant la Reyne au Louvre, où il y eut bal hier au soir. Sa M. doit entrer demain au Parlement, dont l’ouverture s’est faitte ce matin, à l’accoustumée.

Les lettres de Bourdeaux, du 4 de ce mois, portent que l’Ormée y avoit encor fait grand /172v/ desordre, pour empescher que le Parlement n’y veriffiat la declaration d’amnistie, et qu’environ 150 personnes estoint allés attaquer un conseiller nommé St André, croyant qu’il feut deputté pour venir à la Cour, et luy avoit tiré un coup de pistollet, dont heureusement il ne feut que blessé au coste; que M. le prince de Conty avoit fait son possible aupres du Parlement, pour justiffier qu’il n’avoit aucune part à ce desordre, ayant desadvoué leur action; et que M. de Marchin avoit assiegé Blaye par terre, et le baron de Batteville par le costé de la riviere, avec des vaisseaux espagnolz.

La garnison d’Amboise, que la Cour y avoit mise au dernier voyage qu’elle fit à Poittiers, a eu ordre d’en sortir; et l’antien gouverneur que S.A.R. y avoit mis, y a esté restably.

Les officiers des gardes s’assemblent despuis quelques jours, et font grand bruit de ce qu’on a detourné quelques assignations qu’on leur avoit données sur les entrées de Paris, lesquelles on a augmentées d’un escu sur chasques muid de vin. Cependant, pour satisfaire en quelque façon les soldatz des gardes, on leur laisse coupper le Bois de Boulougne, dont ilz vendent le bois à Paris.

/174/ De Paris le 15 novembre 1652

Le xi du courant, on tient Conseil au Louvre, où l’on resolut de changer la convocation des Estatz Generaux, qui avoit esté faitte à Tours, et les convoquer à Sens.

Le comte de Palluau est un de ceux qui ont le brevet de retenue pour le baston de mareschal de France. Le comte de Miossens, qui a un brevet semblable, jouit dès à present des prerogatives deues à cette dignité, comme s’il a [s’il la] possedoit desja, et pour cest effect, son carrosse entre dans le Louvre. M. le Chancellier en a un de duc et pair. Il a fait, à cette fin, eriger en duché sa terre de Villemore [Villemaur] en Champagne, et l’on donne le tabouret à Mme la Chancelliere, l’apresdisnée aussy bien que le matin.

Le marquis de Richelieu s’estant rendu amoureux de la petite Mlle de Beauvais, l’espousa le mesme jour clandestinement, et coucha la nuict suivante avec elle dans le Palais Royal, l’insceu de Mme d’Aigullion, sa tante; laquelle en ayant eu advis le lendemain, le feut chercher au Palais Royal, et ne l’y ayant pas trouvé, s’en retourna sans veoir la Reyne, et le trouvé couché dans le Petit Luxembourg, où il luy confessa qu’il s’estoit laissé surprendre, mais qu’il y aporteroit tel remede qu’elle jugeroit à propos. Il luy avoua qu’il avoit fait publier un ban à St Sulpice, sa parroisse, et sa pretendue femme un autre, le x, à St Eustache, soubz le nom de Jehan du Plessis, sans y adjouster autre chose que la qualité de baron d’une terre que sa mere possede en Bretagne. Enfin, le 13 au matin, il monta à cheval, apres avoir envoyé M. le Grand Maistre de l’artillerie à Mme de Beauvais, pour luy dire qu’il ne pouvoit pas persister dans le desseing de ce mariage, et sa fille sçavoit bien qu’il ne luy avoit rien fait. Celle cy neamoings soustient le contraire. Cepandant, Mme d’Aigullion ne fait pas semblant de rien, quoy qu’elle soit bien mortiffiée; et la Reyne a protesté qu’elle ne l’a sceut qu’apres la chose faitte.

Le 12, à 9 heures du soir, M. du Plessis Guenegaud feut porter l’ordre à M. de Chasteauneuf, de sortir de Paris dans 24 heures, et de se retirer à Bourges; et lors qu’on en a demandé le suject à la Reyne, elle respondit qu’on luy avoit dit qu’il falloit l’esloigner de la Cour, parce qu’il estoit d’intelligence avec S.A.R.; qu’il n’avoit pas des bons sentimentz pour M. le Cardinal; et qu’il avoit tous les jours tropt de monde ches luy. Toutte la Cour, et les principaux de Paris, le visitterent le lendemain sur ce suject, apres quoy il partit le soir, pour aller coucher à Montrouge, et poursuivre son chemin hier, ayant eu permission de demeurer un jour à Montrouge. L’on a creu que le commandeur de Jars suivroit sa fortune, et Mme de Chevreuse, mais l’on n’en veoit point encor d’effect.

Le 13 le Roy entra au Parlement, pour y faire veriffier la declaration contre M. le Prince. Le regiment des gardes estoit en haye, despuis le Louvre jusques au Palais, dont les portes demeurerent fermées et gardées, tant que Sa M. y feut; mais les /174v/ soldatz laissoint entrer dans la basse cour tous ceux qui leur donnoint un solz. Le Roy ayant pris sa place, M. le Chancellier y commencea à parler, et fit un fort beau discours, par lequel il representa le suject pour lequel avoit donné cette declaration contre M. le Prince, dont il raconta sa conduitte, en sorte qu’il le mit dans son tort; et s’estant fort estendu sur cette matiere, il parla du devoir des sujectz envers leur souverain. M. le Garde des Sceaux ne parla presque de l’obeissance que le Parlement devoit au Roy; et M. l’avocat general Bignon fit un discours de 3 quartz d’heure, par lequel il excusa, le mieux qu’il peut, M. le Prince, et remonstra qu’on consideroit, en France, les princes du sang comme des portions de la Maison Royalle; qu’on attribuoit le plus souvent les fautes de leur conduitte à ceux qui estoint aupres de leurs personnes, et qui les conseilloint, et qu’on avoit aussy esgard au service que leurs ancestres et eux mesmes avoint rendus à l’Estat; et à ceux qu’ilz pouvoint encor rendre; mais il ne laissa pas de conclurre, purement et simplement, à la veriffication de la declaration, laquelle passa sans aucune modification, et sans que la Compagnie en dit mot. Il ne s’y passa autre chose.

M. le duc d’Orleans ayant sceu la maladie de Madame, qui a encor un peu de fievre despuis ses couches, revient le 13 de Blois à Orleans, pour estre plus proche. Si elle venoit à empirer, il viendroit à Limours, et peut estre jusques ici, incognito, pour la veoir. Mademoiselle arriva, le 8 du courant, dans sa maison de St Fargeau, où elle est encores.

Les lettres de Bourdeaux, du 7 de ce mois, portent que l’Ormée y avoit resolu de nouveau de n’accepter point l’amnistie, que du consentement de M. le Prince; que Blaye estoit seulement investy; que le colonnel Baltazard avoit fait prisonnier le sieur de Bougy, mareschal de camp; et que le Parlement de Bourdeaux devoit estre transferé à Agen.

Le mareschal de la Motte est dans Perpignan, où il a fait entrer quantité de bled. On luy envoye la commission pour commander en Rossillon [Roussillon] et en Languedoch. M. du Plessis Belliere l’y va joindre, avec 2500 hommes, quoy que le bruit coure qu’on luy veut faire le proces, pour n’avoir pas obei à l’ordre que M. Le Tellier luy avoit envoyé au mois de septembre, d’aller diligenment en Catalougne, pour secourir Barcelonne.

Vous aures sceu que St Aunais, gouverneur de Locate [Leucate], se declara, il y a 5 ou 6 mois, pour M. le Prince, et que despuis il n’a cessé de faire des courses dans le Rossillon. Ses 3 enfans estant icy en pension, dans le college d’Harcourt, y ont esté arresté cette apresdisnée, par ordre du Roy.
Quant à M. de Tilly, gouverneur de Collioure, il n’y a aucung advis qu’il se soit declairé pour M. le Prince.

Le comte de St Amours, qui estoit encor icy prisonnier despuis la bataille de Lens, partit d’icy le 12, pour s’en retourner en Flandres, ayant payé sa rançon à M. le Prince.

/175/ Le Parlement de Metz, qui tient sa sceance à Toul, a envoyé des deputtés à la Cour, pour demander d’estre transferé à Metz, ne se voyant pas en seurté dans Toul, despuis que M. le Prince est sur la frontiere de Champagne; dont on a eu advis, par voye extraordinaire, que St Menehoud s’estant rendue à M. le Prince, avoit fait mettre pied à terre à 500 maistres, avec lesquelz il avoit donné l’assaut, luy mesmes en personne, au chasteau, et l’avoit pris de cette façon; et que Ste Maure, à qui il ne vouloit point donner de quartier, avoit trouvé moyen de luy eschapper. Mais l’ordinaire, qui en vient avant hier, raporte que la place se deffendoit encor; q’ung fourneau estoit prest à jouer; que M. le Prince y avoit eu un cheval tués soubz luy, d’ung coup de canon; et que le prince de Ligne l’estoit venu joindre, apres avoir pris Beaumont, qui est un bon poste proche de Sedan, le comte de Feulsendaigne s’en estant retourné à Bruxelles, pour y faire des nouvelles levées; que le mareschal de Seneterre estoit allé à Nancy, apres avoir jetté du monde dans Vitry, St Dizier, et Bar le Duc.

Les rentiers de la Ville s’assemblerent hier, au nombre de 500, et feurent au Louvre pour demander le payement des rentes. Ilz y parlerent à M. Servient, M. Vedeau Granmont, leur scindic, y portant la parolle. L’on remarqua q’un d’entre eux y esleva sa voix, et luy dit qu’il sçavoit bien qu’il avoit empesché la paix generalle, mais que s’il empescheoit encor le payement des rentes, il n’en seroit pas quitte à si bon marché. On leur offre 400 mille livres, jusques au premier de l’an; mais ilz n’en veulent point, à cause que ce n’est que la 10e partie de ce qu’il leur faut.

/176/ De Paris du 19 novembre 1652

La semaine passée, Des Roches, exempt des gardes de S.A.R., feut envoyé à Blois pour porter nouvelle de la santé de Madame à M. le duc d’Orleans, et luy dit qu’elle estoit malade à l’extremitté, et qu’il n’y avoit presque plus d’esperance, dont il feut si touché qu’il en jetta des larmes; et ce feut sur cest advis qu’il s’aprocha d’Orleans, pour en sçavoir des nouvelles tous les jours. Le filz de M. Brunier, son medecin, luy emporta [en porta] le 16, au matin, qui estoint touttes contraires, l’ayant asseuré qu’elle n’avoit eu q’ung peu de fievre, et qu’elle se portoit bien; ce qui fit croire à S.A.R. que c’estoit une piece qu’on luy jouoit, pour le tirer à Paris, et que Des Roches ne luy avoit esté envoyé que pour ce suject; ainsy elle s’en retourna d’abord à Blois. Neamoings, ny Brunier ny De Roches ne luy avoint dit la verité de ce qui en estoit, estant certain que Madame n’a point esté à l’extremitté, mais aussy qu’elle n’a point esté sans fievre.

Le 16 du courant, les rentiers de la Ville retournerent au Louvre, au nombre de plus de mille, et y firent grand bruit de ce qu’on ne les paye point; parce qu’on leur dit qu’il n’y avoit point de fondz, et qu’il falloit qu’ilz attendissent jusques au mois de janvier prochain, ilz dirent tout haut qu’il falloit faire main basse partout; en sorte que la Reyne feut obligée d’envoyer un exempt dans le Conseil, pour dire qu’on travailleat incessament aux moyens de payer les rentes. Ilz sont resolus de continuer à crier, jusques qu’ilz seront payés.

Le cardinal Mazarin est party de Sedan, pour s’en retourner à la Cour, où il est attendu dans 2 ou 3 jours. Il vient par la Picardie, dont tous les gouverneurs des places frontieres ont tiré leurs melieurs soldatz des garnisons, pour les luy envoyer au devant, soubz la conduitte du mareschal d’Aumont, qui luy a frayé le chemin avec 1200 chevaux, pendant que M. le Prince estoit le plus occupé au siege de Ste Menehoud. M. d’Elbeuf a joint le mareschal de Turenne, avec 1200 fantassins et 800 chevaux, apres quoy ilz avoint passé la Marne, pour tascher d’aller secourir Ste Menehoud par les bois, mais tropt tard.

Les troupes que M. de Longueville a envoyé de Normandie, lesquelles ont [on] fait monter à 1500 hommes, sont à Soissons. On croit qu’elles vont escorter le cardinal Mazarin. M. de Longueville est à Caen.

Mademoiselle a escrit de St Fargeau une lettre fort civile au Roy.

Le marquis de Richelieu est encor à Ruel, où le Grand Maistre de l’artillerie va et vient, pour tascher d’accommoder son affaire. Mme d’Aigullion l’y alla trouve avant hier. M. de Chasteauneuf devoit partir ce matin de Montrouge, pour s’en aller à Leuville, et de là à Bourges, ses amis n’ayant peu faire son accommodement.

M. de Bouillon la Marck, capitaine des cent Suisses de la garde du roy, mourut la semaine passé, en sa maison de Picardie.

Il y a des deputtés de Chalons qui sont venu demander permission de payer /176v/ contribution à M. le Prince, ne pouvant s’en dispenser, à moings de souffrir beaucoup par les courses de ses troupes, ce qu’on leur a accordé.

Ont [On] eut avant hier, icy, nouvelles certaines, et dont on a eu despuis la confiermation, que Ste Menehoud avoit capitulé le 13, apres un grand effect de 2 fourneaux, qui firent une bresche de plus de 2 toises de large; et que M. de Ste Maure en sortit le 14, au matin, avec 200 hommes soubz les armes, qui feurent escortés à Chalons, au lieu desquelz M. le Prince y mit les regimentz de Condé, d’Anguien, et le comte de Pas pour gouverneur; ce qui feut confiermé, hier au soir, par l’arrivé de M. Gidoin, lequel estoit demeuré à Chalons despuis son despart de Paris, avec le president Violle, à cause que M. le Prince ne leur avoit pas voulu rendre le trompette qu’ilz luy avoint envoyés, pour luy demander escorte et passeport. Il a raporté que M. le Prince avoit enfin donné congé aux troupes de S.A.R., lesquelles s’en viennent par Compiegne; mais qu’il avoit voulu s’en servir jusques apres la prise de cette place, où il a fait faire touttes les plus rudes attaques. Elle ne s’est point rendue aux Espagnolz, mais seulement à M. le Prince, à condition que la justice y sera exercée au nom du Roy, comme à Clermont, soubz l’authorité de M. le Prince. Les troupes espagnolles, despuis la prise de Beaumont, ont investy Donchery, proche Sedan, d’où la Reyne a receu aujourd’huy une lettre qu’elle a leue tout haut, par laquelle on luy mande que le cardinal Mazarin est dans l’armée du mareschal de Turenne.

Le president Violle est demeuré aupres de M. le Prince. Il y a quelques advis de Languedoch qui portent que les Espagnolz ont assiegé Perpignan.

Madame a pris ce matin une medecine, qui l’a beaucoup soulagée; et despuis qu’elle l’a rendue, sa fievre et son oppression d’estomach ont beaucoup diminué.

/178/ De Paris du 29 dec novembre 1652

La Reyne s’est declairée pour Mme de Beauvais dans l’affaire du mariage de sa fille, ayant pour cest effect envoyé, le 25, à Mme d’Esgullion, M. Le Tellier, pour luy dire que si le marquis de Richelieu avoit eu dessain de tromper la fille de Mme de Beauvais, que Sa M. en imputeroit l’injure faitte à elle mesme, et pretendoit d’en tirer raison; mais que s’il avoit eu intention de mariage, elle en laisseroit faire la justice; et que neamoings elle entendoit que Mme d’Aigullion mit son nepveu en liberté. Celle cy respondit, là dessus, que son nepveu avoit dit au Roy qu’il avoit eu dessaing de se retirer, mais qu’ayant recognu que si cela estoit, il seroit miserable (voulant dire qu’il ne pourroit pas avoir de conjonction à cause que la mariée a un os dans la matrice qui l’empesche), qu’il avoit voulu se servir des loys du rouyaume; que son nepveu estoit venu à elle, et non pas elle à son nepveu; et qu’il avoit pris luy mesme la clef des champs, et s’estoit fait maistre de sa personne. Cepandant, cette cause se doit playder dans 10 ou 12 jours, Mme de Beauvais ayant desja choisy le sieur Pucelle pour son advocat, et Mme d’Aigullion le sieur Langlois.

L’apresdisnée du 26, M. de Plessis Guenegaud feut trouver le marquis de Leuville, et luy dit que la Reyne luy mandoit de faire sçavoir à M. de Chasteauneuf, son oncle, que le Roy entendoit qu’il executtat l’ordre qui luy avoit esté donné, d’aller à Bourges; à quoy le bonhomme, qui est encor à Leuville, a fait response aujourd’huy qu’il estoit effectivement indisposé, mais que si la Reyne ne luy vouloit donner quelques jours pour se remettre, ou souffrir qu’il allat à un lieu moins esloigné, qui [qu’il] se feroit traisner à Bourges comme il pourroit. Aujourd’huy quelq’ung de ses amis doivent parler à la Reyne pour cela.

M. Pithou, conseiller au Parlement, ayant obtenu, par le moyen de M. le Garde des Sceaux, son parent, des lettres patentes qui erigent une terre qu’il a en viconté, en demanda, le 16, la veriffication à la Grande Chambre; où l’affaire ayant esté mise en desliberation, M. Sevin, qui a tousjours esté dans les interestz de la Cour, dit que c’estoit une chose estrange qu’il falloit recompenser ceux qui s’estoint le plus opposés, par le passé, aux volontés du Roy, et qu’il s’estoit fait nommer commissaire pour vendre la bibliotecque du cardinal Mazarin; à quoy M. le Garde des Sceaux respondit, "Monsieur, ne vous souvenes-vous pas qu’il y a une amnistie?" Alors M. Sevin dit que l’amnistie n’estoit que pour effacer le crime, et non pas pour recompenser le criminel, ce qui fit grand bruit contre luy; et l’on ne laissa pas de veriffier les lettres patentes, apres qu’on luy eu representé qu’encore que M. Pithou eut esté criminel, il n’estoit pas moings en estat de recevoir une grace, apres le crime effacé, que s’il n’y en avoit point eu.

Le 17 le Parlement s’assembla pour la mercuriale; laquelle estant achevée, et M. le Garde des Sceaux s’estant levé pour sortir, M. de Pontcarré dit, "Quoy, Messieurs, nous separerons-nous /178v/ sans parler de l’affaire de nos confreres exilés?" Aussytost, il feut secondé par le president Perrot, et adjousta qu’il estoit à propos d’y desliberer, et que la Compagnie ne leur devoit pas refuser cette justice, puisqu’elle l’accorde au moindre particulier; à quoy M. le Garde des Sceaux respondit que cest affaire ce [se] devoit faire par office particulier, et non pas par office public, qu’il y avoit desja travaillé, et qu’il y travailleroit encor. Sur cela, il se leva et sortit, sans souffrir qu’on desliberat, quoy que la pluspart de l’assemblée en feut d’advis, et notanment le president Charreton, qui s’y opiniastroit fort; et MM. des Enquestes resoleurent, entre eux, de s’assembler le lendemain, au matin, au cabinet de la premiere, pour resoudre ce qu’ilz auroint à faire là dessus; à quoy ilz n’ont encor rien fait.

Le Conseil, embarrassé de l’importunité des rentiers, resolut, le 25, de faire payer les rentes par demy semaine, et pour cest effect, de 90 mille livres qu’on doit payer chasque semaine, pour les rentes sur le sel. Le marquis de la Vieuville en fit porter, avant hier, 45 mille livres à l’Hostel de Ville, ayant promis d’y en faire autant demain, au matin.

Le mareschal de Granmont n’arriva qu’hier en cette ville, accompagné de la pluspart des officiers des gardes, qui luy estoint allés au devant.

On escrit de Bourdeaux qu’on s’y disposoit d’aller raser Cadillac, suivant les ordres qu’ilz en avoint receu de M. le Prince, et que l’ouverture du Parlement s’estoit faitte.

Le mareschal d’Aumont ayant joint M. de Turenne, le cardinal Mazarin est party de Sedan et arrivé à Chalons le 25, où il est encor. Il a plastré quelque different qui estoit entre les chefz de l’armée, et ensuitte le mareschal d’Aumont en est party avec son corps d’armée, tirant vers la riviere d’Aisne. On dit que c’est pour aller investir Rhetel; et que ce cardinal, qui croit y avoit des bonnes intelligences, la veut reprendre, devant que revenir à Paris. L’armée du Roy est presque aussy forte que celle de M. le Prince, quoy que les troupes de Normandie se soit, pour la pluspart, desbandées. M. de Champlastreux partit d’icy il y a 4 jours, pour aller en ce pays là, en qualité d’intendant de justice.

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