Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/303/ De Paris le 7 octobre 1650

Sur la fin de la semaine passée on envoya M. l'abbé de la Riviere la permission de M. le duc d'Orleans de revenir d'Aurillac en Auvergne, où il est despuis 6 mois en son abbaye de St Benoit sur Loire, ce qui luy a esté accordé sur ce que ses amis avoint representé à S.A.R. qu'il n'estoit pas en seurté à Aurillac à cause de quelques levées qui ce [se] sont faictes en Auvergne pour le party des princes, lesquels devoint aller joindre le comte de Tavanes. Le premier du courant on eut advis de Bretagne que le marquis de Coalogon ayant voulu lever des gens de guerre à Nantes en vertu de la commission que le marquis de la Mesleraye en avoit receu, nonobstant la lettre du Parlement de Rennes du 17 du passé portant deffenses de faire aucunes levées, avoit esté arresté prisonnier à Nantes et mené dans la Conciergerie de Rennes, sans que celuy cy l'en peut empescher.

Le mesme jour M. le duc d'Orleans s'en alla à Limours accompagné de 200 chevaux, où il ne demeurera que 2 jours.

Le 3 des depputés de l'Assemblée du clergé partirent pour aller à la Cour faire les remonstrances que vous aves sceu.

Le 4 il y eut assemblé du Parlement, où M. Payen Deslandes rapporta une requeste presentée au nom de M. Marchin par laquelle il exposoit qu'il estoit prisonnier despuis 8 mois sans sçavoir pourquoy, et q'ung nommé Launay Gringueniere s'estoit emparé de tout son bien, et demandoit que du moings on l'en laissat jouir afin qu'il leut moyen de vivre et de payer ses creantiers. Sur cela il feut arresté que la requeste seroit communiqué au Procureur General et qu'on deputteroit vers S.A.R. pour luy faire des remonstrances là dessus et la supplier de faire donner à M. de Marchin de quoy vivre selon sa condition. Ensuitte il feut parlé de deux declarations qui avoint esté leues dans l'assemblée de la semaine passée, mais n'y ayant pas asses de temps pour achever d'opiner, l'on en remit la desliberation à mardy prochain.

Le mesme jour on mit en prison dans la Bastille 2 Neapolitains, dont l'ung se dit cappitaine des gardes du duc de Guyse. On n'en sçait pas le subject.

Le mesme jour le comte de l'Hospital arriva icy venant de la Cour et porta nouvelle que tous les pointz de l'accommodement de Bourdeaux estoint entierement vuidés suivant ce que vous verres dans la lettre de Bourg du 30; laquelle d'autres de Bourdeaux du 19 adjoustent, à l'esgard de l'amnistie, que tous ceux qui ont eu intelligence avec les Espagnolz y seront compris, qu'en cas que Mme la Princesse trouve à propos ou soit obligée de se retirer dans une de ses maisons d'Anjou, elle n'y sera gardée que par ses domestiques, qu'elle jouyra de ses revenus et de ceux de M. le Prince, qu'elle fera une declaration par escrit par laquelle elle renoncera /303v/ à touttes intelligences et promettra de ne former desormais aucung party, quoy que M. de Bouillon fit un traitté particulier pour luy par lequel il promet, comme l'on dit, de desunir M. de Turenne d'avec les ennemis.

 Neamoings on sçavoit bien qu'il se devoit retirer dans sa maison de Turenne et qu'en se comportant en bon subject du Roy, on luy faisoit esperer de mettre sa femme en liberté dans quelques jours, à quoy quelq'ungs adjoustent qu'on luy a assigné 10 mille livres tous les mois sur le convoy de Bourdeaux, qu'il recevra jusques à l'entier desdommagement de sa souverainté de Sedan, et mesmes que son filz aisné espousera une des niepces du Cardinal, mais ce n'est q'ung bruit.

Quant à M. de la Rochefoucaut, l'on remarque que lors qu'il insistoit pour estre restably dans son gouvernement de Poictou, on luy a faict response qu'il n'estoit pas juste qu'il y feut remis pour avoir deservy le Roy et que M. d'Espernon perdit celuy de Guyenne pour l'avoir servy; de sorte qu'il n'a jamais peut obtenir autre chose, sinon que pandant qu'il sera sans en faire la fonction, l'on n'en donnera point la commission à personne, et le lieutenant du roy y commandera et fera tout comme il a faict jusques icy.

Les depputtés ont fort pressé la Cour pour avoir les prouvisions d'ung autre gouverneur, mais on leur a tousjours dit que Leurs M. en vouloint conferer auparavant avec M. le duc d'Orleans. Ilz n'ont point visitté M. le Cardinal, lequel n'a eu aucune part dans les conferences qui se sont tenues à Bourg pour le traitté, pandant lequel on dit qu'il y a eu de grosses parolles entre M. de Villeroy et M. de Servien. Il n'y a eu que M. Meusnier, l'ung de ceux de Paris, qui l'a visitté en son particulier, ce que M. Bitault, son compagnon, a refusé lors qu'on l'en a pressé, disant qu'il n'en avoit point d'ordre et qu'il ne pouvoit pas outrepasser son instruction. S.E. ne laissera pas d'entrer dans Bourdeaux mais on ne luy fera aucune ceremonie. Elle prent maintenant ses plus secretz conseilz du vicomte d'Arpajou, avec qui elle a faict amitié si particuliere que l'on a remarqué qu'il est tous les jours dans des fort longues conferences avec luy. On asseure qu'elle avoit resolu de mener la Cour à Thoulouse; mais M. le duc d'Orleans l'ayant sceu, y envoya un courrier il y a 5 ou 6 jours pour prier la Reyne de revenir à Paris au plus tost, la presence du Roy y estant necessaire.

Aussytost que le comte de l'Hospital feut arrivé, S.A.R. envoya porter nouvelle de cette paix à la pluspar de MM. du Parlement, dont la Chambre des vacations l'envoya remertier le lendemain par des deputtés.

Le 5 le duc d'Iorch partit d'icy pour aller à Bruxelles, ayant prit congé de la Reyne sa mere, laquelle ne voulant point consentir à ce desseing /304/ qu'il avoit de faire ce voyage, luy refusa sa benediction. On ne sçait pas encor bien le subject pour lequel il y va, mais on dit que le duc de Lorraine l'y a appellé pour des grandes considerations et que cette affaire a esté mesnagée par le prince palatin Philippe, lequel est arrivé despuis peu à Bruxelles, où il doit espouser la fille que le duc de Lorraine a eu de Mme de Cantecroix.

Les advis de l'armée portent que les ennemis continuoint à faire fortiffier Rhetel, voulant passer leur quartier d'hyver dans cette contrée là; que l'Archiduc estoit attendu à Bruxelles; qu'ilz se divisoint en divers partis de 4 à 500 chevaux qui alloint faire des courses de tous costés; mais les regimentz de Don Areas Gonzales et de Rhimberg, frere de la comtesse de Bossu, s'estantz avancés vers Mezieres au nombre de 900 chevaux, y ont esté defaitz par M. de Villequier, qui leur a prit 120 prisonniers avec un estandart, tué 60, entre lesquelz est Don A. Gonzales, et blessé plusieurs, le reste s'estant sauvé. Le bruit qui a couru du siege de Mouzon ne se confierme pas. Nostre armée est tousjours dans ses quartiers aupres de Rheins.

On escrit de Metz que les trouppes du comte de Ligniville tiennent la ville de Toul comme investie, et qu'elles y attendoint le duc de Lorraine qui devoit venir en personne.

Un courrier arrivé ce matin de la Cour a apporté nouvelle de Bourg du 3, lesquelles portent que Mme la Princesse estoit sortie de Bourdeaux le jour precedent avec les ducs de Bouillon et de la Rochefoucaut; qu'elle s'estoit abbouchée avec la Reyne à une lieue de Bourg, où cette princesse alla coucher le mesme jour, ces messieurs estant allés chacung en sa maison ; et que Leurs M. doivent entrer dans Bourdeaux le 5, où elles avoint desja envoyé leur bagages.

MM. de l'Assemblé du clergé ont escript une lettre circulaire à tous les evesques de France pour les exhorter de faire observer tous les antiens reglemenz et particulierement à l'esgard que pretendent avoir les religieux, et notament les Jesuistes, pour la confession; ce qui a esté faict en consequence de la requeste qui a esté presentée à l'Assemblée contre les derniers par l'archevesque de Sens.

De Bourg du 30 septembre

La paix feut hier confiermée dans le Parlement de Bourdeaux. Elle passa de 49 à 28 voix. Ces derniers estoint d'advis de demander quelque seurté touchant le changement du gouverneur. Cette desliberation alla plus tost que MM. du Parlement ne faisoint estat parce qui [qu'il] survient environ 2000 bourgeois dans /304v/ la grande salle du Palais, faisant grand bruit et criant que si le Parlement ne vouloit publier la paix, il la publieroint eux mesmes; que si M. de Bouillon la vouloit empescher, il falloit l'aller assieger dans son quartier. Ainsy la chose feut resolue et la paix publiée par toutte la ville, qui se prepare avec beaucoup de demonstration de joye à recevoir le Roy mardy prochain.

Les conditions de cest accommodement sont: l'amnistie generalle; la revocation de M. d'Espernon, qui sera enoncé dans la declaration; l'infanterie de nostre armée demeurera dans son poste de St Surin [Saint-Seurin] et sera maistresse d'une porte de la ville proche l'archeveschée, où le Roy logera; les regimentz des gardes et les compagnies des gendarmes et chevaux legers du roy et de la reyne seront dans la ville, et tout le reste de la cavalerie de nostre armée passera dans le Pays d'entre Deux Mers pour commencer sa marche. Mme la Princesse a permission de se retirer à Mourron à condition qu'elle n'y pourra tenir que 200 hommes de garnison, lesquelz seront entretenus par le Roy, et qu'elle fera cesser tous actes d'hostilité, renvoyera touttes les trouppes qui y sont, et en cas qu'elle ne soit receue de cette façon dans Mourron, elle se retirera dans une de ses maisons d'Anjou.

M. de la Rochefoucaut jouyra du revenu de son gouvernement de Poictou et n'en fera point la fonction que dans un an d'icy, à la fin duquel il sera restably au cas qu'il se conduise bien, ou il en recevra recompense. Quant à M. de Bouillon, il traitte en particulier, mais il y a aparence que ce sera inutille et qu'il se retirera aussy dans Mourron.

Pour les juratz de Bourdeaux, ilz seront maintenus s'ilz donnent au Roy satisfaction de leur conduitte, desquelz articles il en sera dressé une declaration veriffié au Parlement.

/305/ De Bourdeaux le 6 octobre 1650

Vous aures sceu le different qu'il y eut à Bourg entre M. Servien et M. Bitaud dans les conferences de la paix sur ce que le premier ayant mis des termes ambigus dans quelques articles, celuy cy s'opiniastra fort à les faire explicquer en faveur des Bourdelois; dont l'autre s'estant picqué, le traitte de "respubliquain," et celuy cy l'appella "chicaneur de Munster," luy reprochant d'avoir esté l'instrument dont on s'estoit tousjours servy pour empescher la paix.

Mme la Princesse partant d'icy le 3 du courant avec M. le duc d'Anguien et MM. de Boullion et de la Rochefoucaut, les comtes de Tavanes, de Colligny, de Meil, de Fors, et autres, accompagnés du president Pichon et de 4 ou 5 autres conseillers escortée du vicomte de Mombas, qui la doit mener avec 100 chevaux sur une galliotte pour aller descendre vis à vis St André de Casagnes [Cubzac?], et de là s'acheminer à Coutras. Le mareschal de la Mesleraye, qui estoit party de Bourg le mesme jour sur un des vaisseaux du Roy suivy d'une vingtaine d'autres, sur pretexte de s'en venir icy rencontrer cette princesse, qui feut d'abord bien surprise de veoir cette flotte venir au devant d'elle, mais il n'y eut que le vaisseau dans lequel estoit ce mareschal qui l'aborda. Elle feut neamoings d'autant plus surprise qu'en mesme temps tout le canon d'autres vaisseaux la salua, et elle aperceut sur le bord de la riviere les chevaux legers et gendarmes du roy qui l'attendirent. M. de la Mesleraye estant entré dans la galliotte et ayant salué cette princesse, luy dit qu'elle devoit aller veoir Leurs M. et qui [qu'il] luy donnoit sa parolle de la part de la Reyne qu'elle y seroit bienvenue en toutte seurté, luy protestant qu'au cas qu'on voulut manquer à cette parolle, il seroit le premier à se declarer pour elle. Elle tient conseil là dessus avec ceux de la compagnie, et quoy que la pluspart feussent d'advis de n'y aller point, neamoings le duc de Bouillon l'y fit resoudre; et ce mareschal l'ayant mené à bord, Mme de la Mesleraye s'y trouva et la receut dans son carrosse, dans lequel elle feut menée à Bourg. Les ducs de Bouillon et de la Rochefoucaut ayant sceu de M. le Cardinal leur estoit venu au devant à St André, l'y allerent trouver; et l'ayant salué, S.E. leur dit qu'elle estoit bien marrie de ce qu'on leur avoit donné la peyne de le venir trouver jusques là; et les ayant faict entrer dans son carrosse, où M. de la Rochefoucaut luy ayant voulu parler des interestz de MM. les princes, elle ne luy fit aucune response là dessus, mais pour l'obliger à changer de discours, luy dit qu'il faisoit beau temps, que la mer estoit bien calme, et d'autres choses indiferentes, jusques à ce qu'ilz feurent dans Bourg, où personne n'ayant rien sceu de leur venue ny celle de Mme la Princesse, tout le monde feut fort surpris. Celle cy feut menée dans le cabinet de la Reyne par M. de la Mesleraye, qui dit à Sa M. en entrant qu'il y amenoit toutte la Fronde de Bourdeaux. Mme la Princesse ayant salué la Reyne, se mit à genoux et demanda la liberté de MM. les princes, à quoy Sa M. respondit qu'elle avoit tousjours faict le contraire de ce qu'il faloit faire pour l'obtenir, mais que selon qu'elle se comporteroit à l'advenir, elle feroit reflexion sur sa priere et sur les services que M. le Prince avoit rendu à l'Estat. /305v/ Ensuitte la Reyne passat à un discours indifferent, luy disant qu'elle estoit bien changée. MM. de Bouillon et de la Rochefoucaut saluerent aussy Leurs M. et luy parlerent de leurs interestz, à quoy elle respondit qu'elle resoudroit ce qu'elle devoit faire pour eux selon qu'ilz se comporteroint à l'avenir. Ensuitte M. de Bouillon eut une conference de 3 heures avec M. le Cardinal et feut coucher ches le marquis de Duras, son nepveu, où S.E. luy envoya à souper. Mme la Princesse et le petit prince son filz, le duc de la Rouchefoucaut, et toutte leur suitte feurent logés et traittés par M. de la Mesleraye. M. le duc d'Amville estant allé veoir cette princesse comme son parent, elle luy fit mauvais visage, luy tesmoignant par là qu'elle estoit fort malsatisfaitte de ce qui s'estoit passé contre M. le Prince. On remarqua que Mademoiselle feut fort surprise de tout ce proceddé, qu'elle en envoya advertir M. le duc d'Orleans par courrier expres, à cause qu'on ne luy en avoit donné aucune par[t].

Le lendemain Mme la Princesse partit de Bourg avec messieurs dans le carrosse de M. d'Amville pour aller passer 3 ou 4 jours à Coutras, où elle doit attendre la response d'une lettre qu'elle a escrit au marquis de Persan, qui commande dans Mourron, pour sçavoir s'il viendroit la recevoir aux conditions qui ont esté arrestées, parce qu'autrement elle se retirera à Brezé en Anjou. M. de Bouillon s'en alla de là à Lanquais, qui est une de ses maisons proche Bergerac, et M. de la Rochefoucaut en sa maison de ce nom.

Cepandant le mesme jour 4, les juratz de cette ville receurent une lettre de cachet du Roy par laquelle Sa M. leur donnoit advis qu'elle viendroit icy le 5 et qu'ilz se disposassent à la recevoir à son debarquement, quoy que de tout temps le Parlement aye eu cette prerogative. Ilz communiquerent aussytost cette lettre au Parlement, le priant deliberer s'ilz rendroint visitte à M. le Cardinal; sur quoy les advis feurent partagés, et il y eut 23 voix qui alloint à ne luy en rendre point, et 25 autres à remettre cette affaire à la discretion des juratz; mais si le president Pichon et 4 ou 5 autres Frondeurs qui sont allés avec Mme la Princesse se feussent trouvés à cette desliberation, le premier advis eut esté sans doutte suivy.

Hier au matin Leurs M. s'estant embarquées sur une gallere que MM. de Bourdeaux leur avoit envoyé à Bourg, arriverent icy à 3 heures apres midy avec toutte la Cour, suivie de toutte l'armée navale, qui fit grand feu de resjouissance aussy bien que les vaisseaux qui estoint dans le port, et mirent pied à terre à la porte du Chapeau Rouge, où estoint les gendarmes et chevaux legers de la garde, et trouverent les juratz, qui firent avec grand nombre de peuple des aclamations de "Vive le Roy!" Leurs M. feurent descendrent [sic] à l'archeveschée, où elle feurent receues par l'Archevesque. M. le Cardinal feut logé à 30 pas de là. Il est tres satisfaict en son particulier de la visitte que luy ont rendue les juratz, lesquelz, flattés de quelque esperance, ont voulu luy faire cette ceremonie, quoy que tres contraire au sentiment de tout le peuple. /306/ S.E. vouloit qu'on fit la pat[r]ouille toutte la nuict dans la ville, mais la crainte qu'on a eu de donner quelque meffiance aux bourgeois a faict changer ce desseing. L'on a tesmoigné universellement des grandes affections pour Mademoiselle à cause qu'on recognoit tenir la paix de M. le duc d'Orleans et qu'on espere qu'elle contriburera beaucoup à la rendre asseurée.

Cepandant le Parlement a envoyé demander audiance pour saluer Leurs M. en corps et en robes rouges, ce qui leur a esté accordé pour aujourd'huy à 2 heures, et ilz ne doivent pas veoir S.E.

Le Te Deum a esté chanté ce matin dans l'esglise St André, où Leurs M. ont assisté. On ne sçait pas encor si elles retoureront bientost à Paris, ou si elles passeront en Languedoch, où les partisans les pressent fort d'aller.

Les trouppes passent la riviere, mais on ne sçait encor où elles prendront leurs rafraschissement. On aprehende qu'elles demeurent dans la province, ce qui donneroit lieu au peuple de murmurer; cepandant touttes la Cour mesme continue à pester contre le ministre.

De Paris le 14 octobre 1650

Le 8 du courant on sceut icy la nouvelle de l'entrée du Roy dans Bourdeaux; et la declaration de la paix qui y avoit esté veriffiée au Parlement feut apporté à M. le Garde des Sceaux pour estre scellée et pour la faire enregistrer au Parlement de Paris et en celuy de Thoulouse, à cause q'une partie de la Guyenne est du ressort de celuy cy. La foiblesse de Espagnolz de n'avoir pas peu fournir à la ville de Bourdeaux encor 200 mille escus dans un mois ou 6 semaines apres qu'ilz le luy avoint promis, a esté la seule cause qui a obligé cette ville d'accepter la paix. Ilz doivent aussy fournir quelque argent au comte de Montreverd, lieutenant du roy en Bresse, et au comte de St Geran, pour l'unir à ceux de Montrond, et à quelques autres gentilhommes en Normandie afin d'allumer en mesme temps le feu de toutte partz; mais n'ayant pas eu de quoy le faire, tous ceux qui estoint engagés dans cette ligue ont esté obligés de s'accommoder avec la Cour. Tout le monde a esté surpris icy aussy bien qu'à la Cour de l'entreveue que Mme la Princesse et M. Laisné, chef de son conseil, a eu avec M. le Cardinal, aussy bien que MM. de Bouillon et de la Rochefoucaut. La Maison de Vendosme, M. le Coadjuteur, et autres en sont entrés d'abord en grande jalousie; et dans la diversitté des gloses qu'on faict là dessus, l'on en remarque plusieurs qui concludent à la liberté de MM. les princes dans peu de temps. L'on n'est pas encor bien asseuré que la Cour revienne icy sans en passer en Languedoc, quoy que le concierge de Fontainebleau eut ordre d'y faire tout preparer pour recevoir Leurs M. sur la fin de ce mois, parce qu'on a escript à M. le Cardinal que la peste estoit dans Paris où, Dieu mercy, il n'y en a point eu /306v/ qu'en une maison de la porte St Denys, dans laquelle un particulier de Rouen, et où veritablement la peste est grande, estoit venu loger et y mourut il y a 12 jours, ayant infecté son hoste, lequel y estant devenu malade, on le fit sortir et l'on ferma sa maison. Despuis on n'a veu aucung autre accident.

Un escuyer de M. de Bouillon arriva icy le x au soir avec un ordre du Roy pour faire mettre Mme de Bouillon en liberté. Sur cela on tient conseil le lendemain, apres lequel M. Le Teillier la feut veoir dans la Bastille; et luy ayant porté cette bonne nouvelle, l'on a permis despuis à quelques particuliers de la veoir; mais parce qu'on avoit resolu de la faire partir en sortant de la Bastille, pour aller trouver le duc son mari en Turenne, sans la laisser sejourner dans Paris, et mesmes de la faire accompagner par des personnes que M. le duc d'Orleans luy donneroit pour l'observer, elle n'est sortie que ce matin à 10 heures dans un carrosse de louage, qui l'a conduitte à Jouarre sur Marne, 14 lieues d'icy, tant pour veoir ses filles qui sont dans un couvent de religieuses, que pour prendre son dernier filz qui y est nourry, et s'en aller de là à Orleans, d'où les gens de S.A.R. la lairront aller sur sa parolle. Elle se mettra sur la riviere d'Oise jusques à Amboise, où elle trouvera le carrosse qui aura mené Mme la Princesse en Anjou, lequel la conduira à Turenne. Elle a eu grande peyne à trouver de l'argent pour faire le voyage. M. de la Louviere, gouverneur de la Bastille, a fort pressé le president de Maisons de luy en donner, mais celuy cy ne l'a pas peu ou voulu faire, et l'on a remarqué qu'elle a esté contrainte d'engager quelques vaiselle d'argent qu'elle avoit. Ce gouverneur dit avoir fourny jusques à 20 mille livres, tant pour sa nourriture que pour celles de Mlles de Bouillon et de la Tour, qui sont sorties avec elle, dont ce president ne luy a encor rien faict payer.

Le 9 un courrier arriva icy venant du Bas Langudoch et porta nouvelle à S.A.R. que le marquis de Varennes, gouverneur d'Aiguemorte, estoit mort de fievre dans sa place, mais cette nouvelle est contreditte par les lettres de l'ordinaire arrivé icy avant hier, lesquelles ne portent pas qu'il soit mort, mais seulement qu'il estoit malade à l'extremité. S'il est vray qu'il soit mort, ce gouvernement, qui vaut 35 mille livres de rente, est asseuré à S.A.R., parce qu'il y a eu un an qu'il eut permission de la Reyne d'en traitter avec ce marquis; mais elle n'en peut pas tomber d'accord parce que celuy cy pretendoit une tropt haute recompense, ayant demandé 80 mille escus et un baston de mareschal de France. Le marquis de Cauvisson, gouverneur de Peguais en Languedoch, en a demandé la lieutenance. Le baron de Castres la feut demander à S.A.R. à Lymours dès le x, avec une lettre de recommendation de M. de Beaufort; /307/ mais S.A.R. l'a donné au baron de Ciré, qui est à son service despuis 30 ans, soubz lequel il y aura encor un lieutenant de la mesme façon qu'il y en a eu dans la citadelle de Montpellier soubz le comte d'Aubigeoux.

Le x on eut advis certain que le chevalier de Monteclair, gouverneur de Dourlans, estoit mort de blessures qu'il avoit receu dernierement, lors que M. de Villequier deffit les regimentz de Gonzales et Bossu. Son lieutenant envoya icy dès le lendemain un courrer à S.A.R. pour luy faire des protestations de fidelitté. Le jeune marquis de Vardes partit d'icy avant hier pour aller demander ce gouvernement à la Reyne, mais on asseure que M. de Bar l'a envoyé demander et l'on ne doute pas que l'on ne le luy donne plustost qu'au Marquis.

M. l'abbé de la Riviere arriva le mesme jour en son abbaye de St Benoit sur Loire suivant la permission qu'il en avoit obtenu à la Cour pour l'entremise du comte de Miossens, et icy par l'entremise du duc de Brissac, qui feut le premier qui en priat S.A.R.

Despuis la mesintelligence qu'il y eut entre M. le Garde des Sceaux et M. le Coadjuteur lors que celuy cy estoit d'advis que M. le duc d'Orleans se rendit maistre de la garde de MM. les princes, et que le premier feut tousjours d'advis contraire, il semble qu'il ce [se] soint accommodés en quelque façon, parce que M. le Coadjuteur a rendu visitte au premier. Ce prelat dit qu'il ne ce [se] veut plus mesler d'affaires d'Estat ny d'intrigues de la Cour, parce qu'on n'y veoit que fourberies.

On asseure que Mme de Chevreuse a commencé un proces à Mme de Montbazon, à laquelle elle demande la restitution d'un promesse de 100 mille escus que M. de Chevreuse luy a faitte autrefois en consideration de l'amitié qu'il avoit alors pour elle. Feut [Feu] M. de Rouville luy avoit faict une semblable promesse, que ses heritieres ont retiré avec asses de peyne.

Il y a advis de la Cour qu'il est arrivé un deputté de Catalougne qui a porté nouvelle que les Espagnolz, apres avoir levé le siege de touttes les avenues de Tourtose [Tortosa], et que ce deputté avoit declaré à la Reyne que si elle n'y envoyoit un prompt secours, ilz seroint obligés d'escoutter les propositions que les Espagnolz leur font.

Le xi le Parlement s'estant assemblé, on y leut la declaration de la paix de Bourdeaux; et plusieurs se formaliserent de ce qu'elle ne parloit pas du changement de M. d'Espernon, qui est inceré dans une suitte de cette declaration. On leut de plus une lettre de cachet portant ordre de l'enregistrer; mais la desliberation en feut remise au retour des depputtés, afin de les ouyr auparavant sur cette matiere. Apres cela l'on /307v/ continua d'opiner sur les deux declarations dont l'on avoit desja parlé dans les deux precedentes assemblées, mais il feut encor arresté que l'on en remettroit encor la desliberation jusques apres à la St Martin, ce qui donna à cognoistre le peu d'envie que ces messieurs ont de la veriffier, à cause qu'il y va de leur interest particulier.

Le 13 on eut advis de Provence que les consulz de Toulon ayant demandé au comte d'Alais les clefs de la ville, il les leur a rendu, mais que cela n'empeschoit pas qu'il ne s'y fortiffiat de jour à autre. On luy a envoyé dès la semaine passé un second ordre de venir à la Cour; et l'on a remarqué que le president Gallifet, qui est icy depputté au Parlement de Provence, avoit resolu de presenter requeste à celuy de Paris pour se plaindre de ce qu'en mesme temps qu'on avoit mandé ce comte, on luy avoit envoyé permission de se fortiffier dans Toulon, pour demander qu'on fit des remonstrances au Roy et qu'on le suppliat de donner un autre gouverneur à la Provence; mais le duc d'Orleans a empesché que ce president n'aye presenté cette requeste dans les 2 dernieres assemblées.

De Moulins on mande que le regiment de Feuquieres avoit joint le comte de St Geran, qui se preparoit pour aller attaque le chasteau de La Condemine, où cepandant Chamboy venoit joindre le marquis de Chasteauneuf pour s'y deffendre et continuer leurs courses.

Le mesme jour MM. de l'Assemblée du clergé resoleurent de ne rien faire pour les interestz de la Cour, jusques à ce que M. le Garde des Sceaux leur auroit faict reparation de l'injure qu'ilz pretendent qu'il leur a faitte en refusant d'admettre leurs agentz.

Les nouvelles de l'armée confierment le siege de Mouzon, quoy que les enemis ayent esté fort longtemps sans y pouvoir mener du canon à cause que les chemins estoint encor fort mauvais. L'on y avoit envoyé 400 hommes de Donchery pour se jetter dans la place, mais ilz n'ont pas peu y entrer. Le mareschal du Plessis a eu ordre d'assieger Rhetel; et pour cest effect on luy a envoyé les regimentz de Ruvigny et de la Villette et autres trouppes qui estoint aux environs de Paris, mais il n'a point d'argent pour faire faire les travaux.

Le comte de Ligniville a prit Bar le Duc, Ligny, et Voye [Void]; mais un courrier arrivé icy hier au soir apporta nouvelle que le marquis de la Ferté Seneterre l'estoit venu attaquer entre Voye et Toul et luy avoit defait une partie de ses trouppes et pris une piece de canon.

/309/ De Paris le 21 octobre 1650

Vous scaves que l'archevesque de Rheins estant extraordinairement endebté, ne jouit que d'une partie de son revenu, et ses creantiers jouyssent de l'autre; neamoings en consideration des services qu'il pouvoit rendre en Cour dans la presente Assemblée du clergé, il obtient, lors qu'elle commencea, un arrest du Conseil par lequel il feut ordonné qu'il jouyroit de tout son revenu tant que l'Assemblée dureroit. Maintenant qu'elle est sur le point de finir, il a demandé à M. le Garde des Sceaux un autre arrest qui luy en continuat la jouyssance; et pour cest effect ayant esté dans le Conseil la semaine passée, et celuy cy l'ayant refusé aussy bien que d'autres demandes qu'il faisoit, entre autres d'une remise de 40 mille livres qu'il doibt et d'autres descharges de deniers saisis entre les mains des fermiers, il y eut different entre eux; et ce prelat commencea à se plaindre de plusieurs choses et notanment de ce que M. le Garde des Sceaux ne luy donnoit pas la droitte, à luy qui estoit premier pair esclesiastique, et de plusieurs avantages donnés aux Huguenotz despuis peu, disant qu'on les avoit receu dans des nouvelles charges et qu'on leur avoit laissé establir 100 ou 120 presches, dont neamoings il n'en peut cotter aucung; à quoy M. le Garde des Sceaux luy respondit que pour la droitte qu'il pretendoit dans le Conseil, cela ne s'estoit jamais faict, et que pour les Huguenotz, il ne pouvoit justiffier ce qu'il en disoit, et luy demanda pourquoy l'Assemblée ne desliberoit pas sur les affaires qui regardoint les interestz du Roy; à quoy ce prelat luy ayant respondu qu'ilz avoint donné parolle à leurs conferes qui sont en Cour de ne rien desliberer en leur abscence, M. le Garde des Sceaux luy repartit que c'estoit une faction, et qu'on ne voyoit autre chose dans cette assemblée, et qu'on sçavoit bien que l'archevesque d'Ambrun n'avoit esté esleu president que parce qu'il avoit promis d'aller de concert avec ceux qui estoint d'advis de ne rien donner au Roy. Enfin cest archevesque ayant faict rapport à l'Assemblée du mauvais traittement qu'il avoit receu de M. le Garde des Sceaux, on ordonna qu'on ne feroit rien pour les interestz du Roy jusques à ce que celuy cy leur auroit faict reparation. Peu de temps auparavant on avoit remarqué que M. le Cardinal avoit escript au president de Maisons que l'archevesque de Rheins estoit tres utille pour le service du Roy et que, sçachant qu'il avoit besoing de subsistance, la Reyne vouloit qu'on luy en trouvat; cepandant le traitté qu'il a faict avec M. d'Aumale pour la coadjutorerie de Rheins n'a pas encor esté approuvé à la Cour.

Le 14 cette mesme assemblée desliberant sur l'affaire de M. d'Elbene, antien evesque d'Alby, resolut qu'on escriroit au Pape pour ce [se] plaindre de ce que son predecesseur n'avoit donné que 4 commissaires à cest evesque pour le juger, puisqu'on donnoit 7 juges à un criminel, et pour le prier de ne point donner des commissaires pour /309v/ juger des evesques mais de les renvoyer au clergé; et que l'Assemblée escriroit une lettre circulaire à tous les evesques de France pour leur deffendre de se charger de semblables commissions.

Les eveschés de Mascon [Mâcon] et de Clairmont [Clermont-Ferrand] ayant vacqué ces jours passés, l'abbé de Bazoche envoya un courrier en Cour avec des lettres de M. le duc d'Orleans pour demander le premier; mais parce que M. le Cardinal l'a promis à l'abbé de Chandenier et au pere Faure, Cordelier, le courrier revient le 17 au matin avec une response à S.A.R. portant qu'à cause qu'il y avoit plusieurs pretendantz, la Reyne avoit remis le don de ce benefice à son retour à Paris, où elle en confereroit avec S.A. Quand à celuy de Clairmont, S.E. l'avoit promis à l'evesque de Sarlat; mais apres, elle luy a dit qu'il s'estoit trouvé une resignation du deffunct Evesque faitte en faveur de l'abbé de Stein, son nepveu, et approuvée à la Cour il y a 2 ou 3 mois, laquelle feut admise pour obliger par ce moyen le comte de Stein à ne remuer point en Auvergne, où il est fort puissant.

MM. de Beaufort et le Coadjuteur ayant esté quelque temps sans aller au palais d'Orleans despuis qu'ilz ne peurent pas obtenir que Monsieur ce [se] rendit maistre de la personne des princes, S.A. R. leur envoya dire qu'elle trouvoit bien mauvais qu'ilz la vinssent veoir si peu souvent; et despuis ilz ont recommencé de luy rendre des visittes frequentes et d'avoir des conferences avec luy.

Le different de Mme de Chevreuse et de Mme de Montbazon n'est pas de la façon qu'il a esté escript la semaine passée. C'est que la premiere demande à celle cy la restitution d'une obligation de 100 mille escus que M. de Montbazon fit à M. de Chevreuse lors qu'il espousa Mme de Chevreuse, qui est sa fille, laquelle obligation Mme de Montbazon trouva moyen de retirer des mains de M. de Chevreuse au commencement de la disgrace de Madame sa femme; mais on asseure que cette affaire est accommodé il y a 3 ou 4 jours par l'entremise de M. de Beaufort, lequel quitte l'hostel de Vendosme pour aller loger en la rue de Quimquempoix; et l'on croit que c'est afin d'estre plus en seurté dans ce poste, qui est au milieu de la ville, l'hostel de Vendosme estant tropt escarté.

Les advis qu'on a eu cette semaine de Bourdeaux sont du 10 et du 13. Les premieres portent que despuis que le Roy y estoit entré, tous les Corps de Ville ayant complimenté Leurs M., feurent ensuitte visitter Mademoiselle et la remercier de ce que M. le duc d'Orleans leur avoit procuré la paix; mais il y avoit encor 2 principales difficultés qui retenoint la Cour: la premiere estoit que la Reyne vouloit absoluement que MM. de Parlement allassent en corps visitter M. le Cardinal, ce qu'ilz avoint resolu de ne pas faire, mais seulement qu'il seroit libre à ceux qui le voudroint /310/ visitter d'y aller en particulier; et l'autre estoint sur ce qu'ilz s'opiniastroint à ne point restablir presentement le Premier President et les autres conseillers qui s'estoint absentés pendant la guerre, faisant esperer de les recevoir seulement apres la St Martin, afin qu'ilz n'eussent point d'obligation à la Cour et qu'ilz ne feussent pas restablis malgré le Parlement; à quoy quelques advis secretz adjoustent que le petit Mancini, nepveu du Cardinal, devoit espouser Mlle de la Tour, fille aisnée de M. de Bouillon, auquel par ce moyen on doit restituer Sedan et donner à Mancini le gouvernement de Provence avec la charge de premier gentilhomme de la chambre du roy, et le gouvernement d'Auvergne au comte d'Alais avec la survivance du duc de Joyeuse. Ceux du 13 portent que le 10 il feut resolu au Parlement que, suivant la volonté du Roy, le Premier President et les conseillers absens pourroint enter quand bon leur sembleroit, à condition qu'ilz ne pourroint pas assister aux desliberations qui ce [se] tiendroint pour les affaires publiques; ce qui feut cause qu'ilz ne vouleurent pas entrer le lendemain, sachant qu'on y devoit parler d'une proposition sur la decision de laquelle on les auroit faict sortir. Cette proposition, qui feut faitte par le president de la Tresne, estoit d'aller saluer le Premier Ministre. On remarqua qu'il ne proferat pas le nom du cardinal Mazarin. Aussytost on commencea à murmurer là dessus et l'on n'y voulut jamais desliberer, quoy que l'on eut sollicitté quelq'ungs, et que M. du Coudray se feut tenu sur la porte du Palais pour les en sollicitter tous de la part de la Reyne. Le jour precedent le Roy s'estoit promené par la ville à cheval. S.E. estoit aussy sortie dans son carrosse accompagnée seulement de 10 ou 12 gardes; et le soir le Roy et toutte la Cour feurent veoir un feu d'artifice que les juratz y avoint preparé, avec une superbe collation; apres laquelle le courrier de M. le duc d'Orleans y estant arrivé avec des lettres de S.A.R. qui prioit la Reyne de revenir au plus tost, l'on tient Conseil et l'on resolut de partir le 15 pour s'en revenir. Suivant cette resolution on fit partir dès le 12 les regimentz des gardes françois et suisses, à la reserve des compagnies necessaires pour la garde ordinaire de Leurs M.

Les autres trouppes qui estoint encor dans le faubourg St Surin [Saint-Seurin] partirent aussy le mesme jour, et l'on en embarqua une partie. L'intendant des finances nommé Marin avoit promis au mareschal de la Mesleraye de payer les officiers de l'artillerie, qui n'ont pas receu un teston pour tout le service qu'ilz avoint rendu; mais leur ayant manqué de parolle, ilz firent plainte à ce mareschal, /310v/ qui leur dit d'aller prendre Marin à la gorge et de l'assommer s'il ne les payoit. Ilz feurent aussytost ches luy et ne l'ayant pas trouvé, ilz maltraitterent ses valetz à coup de plat d'espée. Sur cela la Reyne envoya querir M. de la Mesleraye, mais elle ne peut pas l'appaiser. Il partit aussy le 12 de Bourdeaux pour aller en sa maison de La Mesleraye [La Meilleraye]. L'on a remarqué qu'il a fort caressé les Bourdelois et a tesmoigné qu'il faisoit estime de leur grande resolution. Les juratz donnerent le bal le soir du 13.

Les depputtés du Parlement de Paris en partirent le 12 pour s'en revenir. Ceux de Bourdeaux, qui sont encor icy, ont receu une lettre de leur parlement du 10 adressé à M. le duc d'Orleans par laquelle ilz le remertient de leur avoir procuré la paix et suplient de leur continuer sa protection; et un autre pour le Parlement de Paris, laquelle ilz n'ont pas encor rendue, n'ayant pas eu d'assemblée cette semaine.

Despuis on a sceu par l'arrivée du comte de Miossens et d'ung autre courrier extraordinaire que la Cour estoit partie de Bourdeaux le 15 et qu'elle avoit esté coucher à Blaye, d'où elle devoit aller à Xaintes, et de là à Niort, ensuitte à La Mesleraye, où Leurs M. seront traittés par le mareschal de ce nom, et à Tour par Mme de la Tremouille, et de là passeront à Saumur. Elles doivent estre vers la St Martin à Paris, et du moings à Fontainebleau; cepandant Mme de Chevreuse est mandée pour aller trouver la Cour à Blois.

Mme la Princesse est encor à Coutras indisposée, et M. Laisné, son principal conseiller à Montrond, où le marquis de Persan n'a pas voulu accepter l'amnistie et pretend d'en avoir le gouvernement, auquel on n'avoit point parlé de pourveoir.

M. Fouquet, maistre des requestes, ayant traitté avec M. Melian de la charge de procureur general du Parlement de Paris, de laquelle il luy donne 200 mille escus, ce traitté a esté approuvé à la Cour, le premier estant fort bien aupres de M. le Cardinal; mais M. le duc d'Orleans s'y oppose à l'instigation des Frondeurs.

Les avis de Provence portent que le comte d'Alais continuoit à se cantonner dans Thoulon, et que le second ordre de la Cour pour l'y faire venir n'y estoit pas encor arrivé, quoy qu'il eut esté envoyé il y a plus de 15 jours.

Le president Gallifet, depputté du Parlement d'Aix, entra hier dans la Chambre des vacations, où il demanda que l'assemblée des chambres pour desliberer sur les affaires de Provence et sur la demande qu'il a ordre de faire d'ung autre gouverneur en la place du comte d'Alais; mais on ne la luy accorda pas, et on en remit la desliberation à mardy prochain. On leut aussy une lettre du Parlement de /311/ Thoulouse, qui demande derechef l'union à celuy de Paris, ce qui feut aussy remis à mardy prochain.

Il n'y a autre chose de l'armée que la nouvelle des 400 hommes que M. de Villequier a faict entrer dans Mouson [Mouzon], tirés de la garnison de Sedan; mais cela n'empesche que les ennemis ne soint encor logés dans les dehors de cette place, où ilz n'ont point fait des tranchées. Nostre armée est campée vers Chalons, d'où l'on doit envoyer quelques trouppes aux marquis de la Ferté Seneterre.

/313/ De Paris le 27 octobre 1650

Le 22 du courant le baron des Ouches arriva icy venant de Tholouse, où il n'a peu rien avancer dans l'affaire pour laquelle il estoit allée. M. du Coudray Mompensier arriva aussy le mesme jour et porta nouvelle que la Cour arriveroit à Fontainebleau la veille de la Toussaintz; mais despuis un autre courrier a apporté qu'elle ne pourroit pas faire si grande diligence et qu'elle n'arriveroit que ce jour là à Orleans, où elle passera la feste et en partira le lendemain. Le Roy a mandé à M. le duc d'Orleans qui [qu'il] se trouvat à Fontainebleau le jour de la St Humbert pour se divertir à la chasse et y faire la feste du patron des chasseurs, à quoy il se prepare.

Le mesme jour 22, S.A.R. mit entre les mains des depputtés de Bourdeaux la response qu'elle a faitte à leur parlement sur la lettre de remertiement qu'il luy avoit escritte touchant la paix, par laquelle response elle leur promet tout l'appuy et la protection qu'elle pourra aupres de Leurs M. On envoye icy d'autres deputtés pour poursuivre la nomination d'ung autre gouverneur.

Le 23 le prince de Tarente arriva icy ayant faict avancer les trouppes qu'il a levé en Poictou, lesquelles passerent le 24 à Mantes au nombre de 3000 hommes pour aller en Picardie. Il les a faictes à ses despens, mais on luy a donné des assignations pour s'en rembourser sur le peage de la riviere de Charente.

La Reyne n'a pas plustost sceu que le marquis de Varennes estoit mort dans Aiguemortes, aussy bien que sa femme et ses enfans, qu'elle a escrit à S.A.R. qu'elle luy donnoit ce gouvernement, sachant qu'il estoit en sa biensceance, estant dans le Languedoch.

Vous aves sceu que le baron de Saugeon feut envoyé il y a environ 3 mois à Vienne en Austriche de la part de Mme la duchesse d'Orleans, pour y conferer avec le duc François de Lorraine sur quelques affaires particulieres. On croit que c'est pour y traitter le mariage de Mademoiselle avec l'Empereur ou le roy d'Hongrie. Despuis peu il a escrit à S.A.R. une lettre en chiffre par laquelle il mande qu'il espere une bonne yssue de sa negotiation; et afin de luy en bailler les moyens, on parle de luy envoyer quelque commission de resident ou d'ambassadeur aupres de l'Empereur; à quoy l'on adjouste qu'on luy envoye les instructions necessaires pour traitter avec le duc François de l'accommodement du duc de Lorraine, son frere.

M. de Nouveau aspire à la charge de secretaire d'Estat que possedde M. de Brienne, auquel il en veut donner 800 mille livres, et baille par ce moyen celle de surintendant des postes à M. Burin, maistre des courriers de Paris, qui luy en donnera pareille somme.

L'accommodement du marquis de Persan est faict entierement par l'entremise du mareschal de l'Hospital, son oncle, qui en a receu un courrier expres le 25. Il a accepté l'amnistie aux conditions arrestées par la paix de Bourdeaux, et Mme la Princesse s'y doit retirer avec le petit duc d'Anguien et une garnison de 200 fantassins et 50 chevaux. Le reste de cette garnison prendra party dans les armées du Roy, à la reserve de ceux qui ce [se] voudront retirer ches eux, ce qui leur est permis; et à cette fin /313v/ M. Le Teillier leur a envoyé des passeportz; mais outre que le gouvernement de Mourron demeure au Marquis, ainsy que Mme la Princesse le souhaitte, on luy donne encor quelque recompense particuliere qu'on ne sçait pas. Les trouppes qui ont joint le comte de St Geran sont encor dans le Bourbonnois au nombre de 1500 hommes, en attendant les ordres pour marcher en Champagne.

Le duc de Joyeuse est allé en Provence de la part de la Reyne pour conferer avec le comte d'Alais sur les affaires de cette province là, et pour l'obliger d'obeir aux ordres qu'il a receu de venir à la Cour; neamoings quelq'ungs veulent qu'il ait ordre de la Reyne de traitter avec ce comte de l'eschange de son gouvernement avec celuy d'Auvergne.

Les avis de Toulon portent que le sieur Lucas, secretaire du cabinet du roy, y estoit arrivé et avoit apporté au comte d'Alais le second ordre de venir à la Cour, mais il n'avoit pas encor pris sa resolution là dessus, à cause que le duc de Joyeuse n'y estoit pas encor arrivé; et que cette nouvelle avoit fort resjouy toutte la province. Cette joye n'eut esté moderée par l'aprehension qu'on avoit que M. le Cardinal voulut retenir ce gouvernement pour luy, auquel cas tous les espritz en murmuroint, et qui [qu'ilz] tesmoignent souhaitter le petit duc de Valois ou M. de Beaufort.

Les Estatz de Languedoch feurent ouvertz le 17 du courant et devoint commencer par l'accommodement de quelques differentz qu'il y avoit, notanment entre l'archevesque de Narbonne et le sieur de St Aunais.

Lors que la Cour est partie de Bourdeaux, il y avoit si peu d'argent qu'on ne peut envoyer que 10 milles livres à M. de Mercoeur, avec quelques ordres pour en recevoir d'avantage du Bas Languedoch. On luy a aussy envoyé 2 à 3000 hommes, la pluspart cavalerie; ce qui pourra un peu restablir les affaires de Catalougne, qui sont en mauvaise posture despuis la prise de Flix, le peuple y criant fort non seulement contre le sieur de Ste Colombe, qui en estoit gouverneur, auquel il demande qu'on fasce le proces, mais encor contre le sieur de Launay Gringueniere, qui commande dans Tortose.

Les lettres de Bourdeaux ne portent autre chose sinon que le Roy a accordé à la Guyenne une remise de 400 mille livres de tailles pour l'année courante, et un million pour ce qui est deubt des années precedentes.

Plusieurs personnes esperent que MM. les princes seront bientost en liberté, fondés sur quelques parolles que M. le Cardinal a donné et sur l'accommodement de Mouron; mais ceux qui croyent en estre les mieux informés asseurent le contraire.

On asseure que le gouvernement de Dourlans est promis à M. de Bar avec la survivance pour son filz, auquel on a cepandant donné 2 benefices, et qu'on luy en auroit desja /314/ donné les prouvisions, n'estoit la demande que M. le duc d'Orleans en a faitte pour le marquis de Vardes, qui a obligé la Cour à remettre cette affaire à son retour, aussy bien que celle de l'evesché de Mascon.

Le sieur de la Salle, guidon des gendarmes du roy, pretend à ce gouvernement, et le comte de Miossens, son parent, l'ayant fort favorisé dans la demande qu'il en a faitte, ont eu de grosses parolles avec M. le Cardinal.

Les prouvisions du gouvernement d'Aiguemortes ont esté scellées ce matin pour le baron de Ciré, auquel S.A.R. l'a donné.

M. Le Tellier feut hier visitter M. d'Aumale et l'archevesque de Rheins, et leur porta nouvelle que le traitté qu'ilz avoint faict ensemble pour la coadjutorie de Rheins avoit esté enfin approuvé à la Cour et qu'il avoit ordre d'en expedier le brevet. Cest archevesque en doibt recevoir presentement 10 mille livres d'avances de la pension de 13 mille livres par an que M. d'Aumale luy donne pour le consentement seul de la coadjutorie, et sans que celuy cy puisse jouyr d'aucune chose touchant l'archevesché jusques apres la mort de l'Archevesque.

M. le duc d'Orleans consent au traitté que M. Fouquet faict pour la charge de procureur general du Parlement de Paris avec M. Melian, auquel il n'en donne que 450 mille livres, sçavoir 250 mille livres d'argent comptant, et sa charge de maistre des requestes au filz du sieur Melian pour 200 mille livres, auquel on donne la survivance de celle de procureur general et doibt espouser dans 3 ans la fille de M. Fouquet, qui n'est agée que de 9 ans.

Mme de Guise a esté fort malade puis 10 ou 12 jours, mais elle se porte un peu mieux aujourd'huy.

Les advis de Sedan du 24 portent que le secours entré dans Mouzon n'est que de 300 soldatz et de 600 officiers; et qu'ensuitte un cappitaine nommé Campes a faict une sortie fort notable sur les ennemis, dans laquelle il a tué 3 cappitaines ou 8 lieutenantz, jetté 4 pieces de leur canon dans le fossé, et bruslé les affutz; neamoings les ennemis n'ont pas levé le siege, mais en ayant envoyé donner advis à l'Archiduc, il s'y est rendu en personne; et que la place pourra resister du moings jusques à la fin de ce mois. Les trouppes du marquis de la Ferté Seneterre, qui sont à present commandées par le colonnel Flekenstein, ont deffaict une partie de la garnison de Stenay dans une ambuscade qu'elles luy avoint dressée, où il y a eu 2 principaux officiers tués, sçavoir MM. de Valagny et de la Rochefaut.

M. le duc d'Orleans a eu nouvelle ce matin que la Cour arriveroit le soir à Orleans et lundy prochain à Fontainebleau, où M. le Garde des Sceaux doit aller apres demain, ayant faict partir pour cest effect son train dès aujourd'huy.

/314v/ Mme de Chevreuse y doit aussy aller.

M. Dalier doit sortir demain de la Bastille.

Les lettres de Verdun du 25 portent que le marquis de la Ferté Seneterre n'y estoit pas encor arrivé; qu'on n'y [qu'on y] parioit que les ennemis ne prendroint pas Mouzon; que le mareschal de Turenne s'estoit retiré dans Stenay avec toutte la noblesse françoise et que Mme de Longueville luy avoit faict grande caresse; et que les trouppes du Roy continuoint à faire des desordres inouis partout où elles passent. Les regimentz de Corval et de Nettancourt, qui sont dans Verdun, y exigent 600 livres par jour.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653