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Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/488/ De Paris le 6 octobre 1651

Le 29 du passé le sieur de Gaucourt, qui demeure icy pour les affaires de M. le Prince, rendit à M. le duc d'Orleans une lettre de M. le prince de Conty, par laquelle il mandoit à S.A.R. qu'il avoit esté extremement surpris d'apprendre la nomination de M. le Coadjuteur au cardinalat, qu'il n'eut pas creu qu'il eut esté si osé que d'y pretendre à son prejudice, et qu'il devoit plus de respect à sa naissance, adjoustant qu'il esperoit que S.A.R. prendroit ses interestz pour luy faire faire raison dans un affaire qui luy est si prejuditiable; et qu'il avoit envoyé expres à Rome pour empescher cette promotion. M. le Coadjuteur ayant sceu que M. le duc d'Orleans avoit receu cette lettre, en donna advis aussytost à la Cour; et sur cela le Roy escrivit de Fontainebleau à S.A.R., le priant de ne point escrire à Rome en faveur du M. le prince de Conty, disant que ce seroit de dangereuse consequence pendant qu'il a les armes à la main; et qu'il s'asseure qu'il ne luy donnera aucune faveur en cette occasion, puisque c'est à la priere de S.A.R. que Sa M. a escrit à Rome pour elever M. le Coadjuteur à la dignitté de cardinal.

Le mesme jour le gentilhomme que M. le duc d'Orleans avoit envoyé à M. le Prince arriva icy avec une lettre dans laquelle celuy cy mesloit la raillierie avec le serieux. Il mandoit que s'il s'agissoit de l'interest de S.A.R. en particulier, il se rendroit non seulement à Richelieu mais en tout autre lieu qu'elle luy ordonneroit; mais qu'il sçavoit bien qu'il n'y avoit aucun bon desseing pour l'accommodement, ny mesmes seurté pour elle ny pour luy, et que ce n'estoit que pour gaigner temps qu'on luy faisoit ses [ces] propositions; qu'il falloit veoir venir auparavant ces braves qu'on avoit choisy pour luy opposer, et qu'il les attendoit et prioit cepandant S.A.R. de se souvenir de la chanson qui dit:

Le prince gros et court
Si cognu dans l'histoire,
Ce grand comte d'Harcourt
Tout couronné de gloire
A secouru Casal, pris de force Turin
Et maintenant il est record de Mazarin

Ensuitte il prioit S.A.R. d'empescher qu'on ne maltraittat quelq'ungs de ses officiers et soldatz qu'on avoit pris sur la frontiere lors qu'ilz avoint voulu l'aller trouver, adjoustant que si on les malmenoit, cela l'obligeroit d'en faire autant à ceux qu'il prendroit. Ce gentilhomme raporte que le Parlement de Bourdeaux ayant d'abord suivy le mouvement de M. le Prince, avoit donné deux arrestz fort notables: le premier portant union du Parlement avec M. le Prince pour armer par mer et par terre contre le cardinal Mazarin et ses adherentz, et le second ordonne que les deniers du roy qui seroint dans les receptes seroint apportées dans celle de Bourdeaux pour estre employés à lever des trouppes; et que pour cest effect on avoit deputté 4 conseillers, qui estoint partis de Bourdeaux avec 4 gentilhommes de M. le Prince, pour s'aller saisir de l'argent que ce [se] trouveroit ches les recepveurs; que les levées y estoint desja commencées; que M. le Prince avoit ordonné que chasque compagnie tant de cavalerie que infanterie ne seroit que de 35 hommes; qu'il esperoit d'avoir dix mille hommes dans 15 jours; qu'il faisoit armer quelques vaisseaux marchandz qui estoint dans la Garonne; qu'aussytost que son armée seroit en estat de marcher, il devoit la mener en Xaintonge, Poictou, et Lymosin, /488v/ et s'advancer en Berry; ce qui a esté tout confiermé par les lettres du 29, qui adjousent qu'il estoit party de Bourdeaux le 26 pour aller s'emparer du poste de Libourne, comme il fit, et y estoit encor le 29, le faisant fortiffier. Les MM. de la Force l'y devoint aller visitter, et l'on croit qu'ilz se sont mis dans son party, aussy bien que le comte d'Augnon, qui n'a pas voulu s'en retirer pour l'offre qu'on luy a fait de la part de la Court de le faire mareschal de France, parce qu'il avoit desja traitté avec M. le Prince; en sorte que celuy cy luy vend le duché de Fronsac pour 800 mille livres et s'oblige de ne faire point de paix jusques à ce que ce comte aura esté receu duc et pair. Le duc de Richelieu, qui a moyenné et fait signer ce traitté, a à mesme temps renoncé en sa faveur à touttes les pretentions qu'il pouvoit avoir sur ce duché à cause de la substitution que le Cardinal luy avoit faitte par son testament, confierme aussy que ce comte s'est obligé de fournir 4 mille hommes soudoyés à M. le Prince, et que pour cest effect il prent les deniers du roy et vend le scel à vil pris. Il oblige mesmes touttes les villes du pays d'Aunix de se declarer du party de M. le Prince. Mme la Princesse et le petit duc d'Angueen sont à Bourdeaux.

La Cour estant arrivé à Fontainebleau, l'on envoya un valet de pied à Bourges pour porter au maire et eschevins une lettre du Roy qui leur commandoit de faire assembler le Corps de Ville pour les advertir que Sa M. y alloit, et qu'ilz se disposassent à le recevoir et en chasser tous les partisans des princes. Le valet de pied y estant arrivé, feut au logis du maire, lequel estant alors ches M. le prince de Conty, on le feut avertir que ce valet de pied avoit une lettre à luy rendre; ce que M. le Prince ayant sceu, fit venir ce valet de pied et luy demanda cette lettre, laquelle il luy refusa, disant qu'il avoit ordre de ne la donner qu'au maire; auquel l'ayant rendu, ce prince la luy prit d'entre les mains et la mit dans sa poche, et aussytost fit sortir de la ville ce valet de pied par la mesme porte qu'il estoit entré, et le fit conduire à dix lieues de là. Ainsy la lettre du Roy ne peut produire aucung effect. Neamoings on eut advis de la Cour que Sa M. ne laisseroit pas d'estre receu dans la ville, et que les bourgeois, qui n'osoit pas se declarer encor à cause des forces que les princes y avoint, tesmoignoint neamoings de vouloir obeir aux volontés de Sa M., et estoint disposés à luy porter les clefs de la ville aussytost qu'il en aprocheroit. M. le prince de Conty y a pris les deniers du roy dans les receptes, fait imprimer un ordre pour s'y faire apporter les tailles, dont il remet les pieces et donne quittance du tout en payant les deux autres partz, ayant vendu tout le sel qui s'y est trouvé à raison de seize livres le minot, dont il a fait 28 mille livres. On dit qu'il a encor fait vendre les meubles de l'archevesque de Bourges, qui est icy. Despuis, il [est] venu nouvelle que le Prince y a fait mettre en prison deux eschevins qui avoint esté faire une assemblée secrette des principaux bourgeois pour desliberer sur le subject de l'envoy du valet de pied et resoudre de recevoir Sa M.; et que pour y tenir les habitans en bride, ilz avoint fait entrer dans la ville 5 à 6 cens chevaux et 700 fantassins, tous vieux soldatz, et avoit resolu d'y attendre un siege.

On confierme l'embrasement de la ville d'Issodun, où il y a eu 700 maisons bruslées. Cette ville là a mandé à la Cour qu'elle seroit tousjours preste à recevoir Leurs M. aussytost /489/ qu'elles en aprocheroint, mais qu'elle n'osoit pas se declarer encor hautement à cause que les troupes de M. le Prince luy tenoint le pied sur la gorge.

Le duc de Bouillon et le mareschal de Turenne, voyant que la Reyne ne leur avoit rien dit en partant d'icy, n'ont point suivy la Cour; et l'on creut, la semaine passée, qu'ilz prenoint le party de MM. les princes, parce qu'ilz s'absenterent de Paris tous deux à mesmes temps, le premier estant allé à 14 lieues d'icy voir sa fille qui est religieuse, et l'autre estant allé à Boulaye en Normandie voir sa femme; mais ilz sont revenus à Paris et n'ont point encor pris de party. On croit neamoings qu'ilz prendroint celuy dans lequel ilz trouveroint leurs interestz.

Le marquis de Roquelaure ayant remarqué quelques froideurs que le Roy et la Reyne luy avoint tesmoigné, à cause que despuis longtemps il penchoit dans le party de M. le duc d'Orleans et de M. le Prince et ne pouvoit souffrir qu'on parlat en faveur du cardinal Mazarin, et croyant estre suspect à la Reyne, prit congé de Leurs M. le 29 du passé pour se retirer de son propre movement, disant qu'il estoit obligé pour le bien de ses affaires, et pria Leurs M. de luy permettre se defaire de sa charge de grand maistre de la garderobe du roy; à quoy la Reyne ayant respondu qu'on ne luy refuseroit pas cela pourveu qu'il produisit une personne agreable, il la supplia de le vouloir choisir elle mesmes.

Le 30 le Conseil resolut à Fontainebleau que la Cour partiroit le 2 du courant pour le voyage de Berry, et que le Premier President et le marquis de la Vieuville demeureroint icy pour tenir le Conseil, où ilz seroint assistés par le mareschal de l'Hospital comme gouverneur de Paris, et par M. du Plessis Guenegaud; et que ces deux derniers viendroint rendre conte à M. le duc d'Orleans de ce qu'on y avoit resolu, et prendroint ses ordres icy pour le gouvernement. Apres l'avoir prié de la part du Roy de vouloir prendre soing des affaires de deça, l'on resolut aussy d'envoyer à S.A.R. une commission pour disposer des affaires des frontieres de Flandres, Picardie, et Champagne et y donner les ordres qu'il jugeroit à propos en qualité de lieutenant general de l'Estat, et de luy offrir de rechef cette charge pour six ans. En suitte de cette resolution, la Cour partit de Fontainebleu le 2 et feut coucher à Montargis, et le lendemain à Gien.

Le mareschal d'Estrés ne suivit pas la Cour, disant qu'il estoit malade, et se revient le mesme jour; mais on dit que sa maladie ne feut q'ung pretexte et qu'il est mescontent de ce que la Reyne, qui luy avoit fait esperer le commandement de l'armée en Bourgogne, a mandé le prince Thomas pour le faire generalissime de cette armée là; à quoy l'on adjouste mesmes que cela s'est fait par le conseil du cardinal Mazarin. Ce prince arriva icy le premier du courant, incognito, et s'en est retourné à la Cour.

Les officiers du Parlement et de la ville de Dijon ayant receu lettres de cachet par laquelle le Roy leur commanda d'investir le chasteau, la communiquerent au sieur Arnaut, qui en est gouverneur pour M. le Prince. Il leur respondit fort civilement qu'à present on n'avoit pas beaucoup d'esgard aux lettres de cachet et qu'ilz devoint attendre d'Espernon (qui n'estoit pas encor arrivé à cause qu'en partant d'icy il est allé droit à Loches); que M. le duc d'Orleans travaillioit à accommoder l'affaire de M. le Prince, auquel il ne croyoit pas qu'ilz vouleussent faire ce desplaisir, mais qu'il attendoit l'issue /489v/ de cest accommodement; que pour luy, il ne commenceroit jamais attaquer la ville, mais que si on l'attaquoit, il seroit obligé de se deffendre; cepandant il fit entrer un ingenieur dans le chasteau avec quantité de bombes et feux d'artifice, ce qui estonna fort la ville. La garnison de Bellegarde a desarmé les habitans.

Le president de Bellievre feut mandé à Fontainebleau, deux jours avant que la Cour en partit, pour quelques affaires particulieres qu'on n'a peu sçavoir, ce qui a fait juger à quelq'ungs que c'estoit pour prendre advis de luy sur ce qu'on doit resoudre touchant l'Angleterre et si, apres les derniers avantages que Cromvel a emporté, on devoit recognoistre cette nouvelle republique; mais il ne paroit pas encor qu'on aye prit aucune resolution là dessus. D'autres croyent, avec plus de fondement, que ce president y feut mandé pour remettre sur le tapis la proposition qui feut faitte nagueres de luy donner la charge de premier president, à condition de bailler la sienne de president au mortier à M. Le Tellier, au moyen de quoy on feroit M. de Champlastreux secretaire d'Estat, à laquelle M. Le Tellier n'a pas esté restabli.

Le Parlement de Rennes ayant donné l'arrest que vous aves sceu sur le different des ducs de la Tremouille et de Rohan pour la presidence aux Estatz de Bretagne, le mareschal de la Mesleraye, qui estoit à Rennes et qui a tousjours fort porté les interestz du premier, voulant marier son filz avec Mlle de la Tremouille, envoya aussytost à Nantes 500 gentilzhommes qu'il avoit à sa suitte, et le duc de Rohan y envoya 300 qu'il avoit, à cause que c'estoit le lieu où les Estatz estoint convoqués au 25 du passé, auquel celuy cy alloit presider; mais les Estatz ne s'ouvrirent que le 27, auquel jour M. de la Mesleraye mit ses gardes aux portes de la salle de l'assemblée, pour empescher le duc de Rohan d'aller prendre sa place; et y ayant fait entrer M. de Vendosme, qui est à Nantes, luy donna la place de president. Il n'y si [s'y] passa que les contestations sur ce different; et les amis de M. de Rohan ayant ensuitte fait assembler en particulier le clergé et le Tiers Estat, il feut resolu qu'il n'entreroit point à l'assemblée et ne travailleroit point tant que les portes seroint gardées et que le tumulte continueroit. Dans cette contestation on trouva un milieu pour accommoder l'affaire, qui feut de proposer à M. de Rohan de presider seulement le premier jour de l'assemblée, et ensuitte se retirer, mais il ne voulut accepter cette proposition; et M. de la Mesleraye, pour estre maistre de ces affaires, posta cent mousquetaires du chasteau de Nantes dans la grande place, et à mesme temps avertit les bourgeois de la ville de se tenir prestz pour prendre les armes au premier mandement; en suitte de quoy il envoya advertir le duc de Rohan qu'il ne faisoit pas bon pour luy dans la ville, et que s'il n'en sortoit dans une heure, il n luy respondoit pas de l'evenement. Sur cela, on fit un second effort pour trouver moyen d'accommodement, mais l'on n'en trouva point d'autres que celuy d'ung escrit que M. de la Mesleraye donna à ce duc, par lequel on declare qu'il a esté obligé, pour le bien du service du Roy, /490/ de faire sortir de Nantes M. de Rohan, et luy promet de ne point continuer la tenue des Estatz jusques à nouvel ordre du Roy. Ce duc ayant esté obligé de se contenter de cest escrit, sortit de Nantes et s'en retourna à Rennes pour demander l'execution de son arrest au Parlement, auquel quantité de depputtés du clergé et du Tiers Estat ont envoyé une requeste en leur nom, pour le supplier à remedier à ce desordre; sur quoy le Parlement, s'y estant assemblé, depputta 2 conseillers et l'Advocat General d'aller à Nantes faire executter l'arrest donné en faveur de M. de Rohan. Cepandant, celuy cy, aussytost apres avoir receu l'escrit du mareschal de la Mesleraye, despescha un courrier en Cour, et ce mareschal un autre.

L'on se prepare fort en Provence pour la guerre, et le party de M. le Prince s'y fortiffie de jour à autre. Le president de Ganivet estant party d'icy la semaine passée, alla à Bourges pour y traitter avec M. le prince de Conty. Le duc d'Angoulesme est à Paris et a congedié ses gardes et une partie de son train.

Le mesme jour, 2, le Premier President revient de Fontainebleau, M. de Chasteauneuf ayant suivy la Cour avec M. de Brienne. Il apporta une declaration du Roy contre M. le Prince, pour la faire veriffier au Parlement; mais elle n'y a pas esté presentée parce qu'il n'avoit aucune disposition à la veriffier, et que cela eut aygry d'avantage les affaires et produit des dangereuses consequences.

Le 3 M. du Plessis Guenegaud et M. le mareschal de l'Hospital, apres avoir rendu conte à S.A.R. de ce qui s'estoit passé à Fontainebleau, ilz la prierent de la part du Roy de vouloir prendre soing des affaires de deça, conformement à ce qui en a esté dit cy dessus; mais elle ne veut point accepter la charge de lieutenant general des Estatz que les affaires ne soint accommodées, et qu'on ne luy aye fait auparavant raison sur le dernier changement fait dans le Conseil.

Le duc d'Amville ayant esté icy envoyé par la Reyne le premier du courant, pour prier S.A.R. de s'entremettre pour accommoder l'affaire de M. le Prince, elle fit response qu'elle y feroit tres volontiers tous ses effortz, mais qu'il falloit que la Reyne y contribuat en se relachant de ses interestz. Le duc d'Amville ayant rapporté cette response à la Cour, le Roy envoya icy le sieur de Sainctot avec une lettre à S.A.R., par laquelle il luy mandoit qu'il auroit tousjours tres agreable tout ce qu'elle menageroit pour ramener M. le Prince dans son devoir, et le prioit d'y continuer ses soings.

Le 4 le Parlement estant assemblé, S.A.R. y fit le recit de cette lettre, et on y leut aussy une autre que le Roy escrivoit à la Compagnie, portant qu'elle avoit apris avec desplaisir l'abscence de M. le Prince, lequelz faisant soublever les peuples en Berry et Guyenne, obligeoit Sa M. d'aller faire un voyage de peu de jours en Berry, pendant lesquelz elle recommendoit au Parlement de tenir icy les peuples dans leur devoir; apres quoy la Compagnie ayant parlé de disliberer, S.A.R. dit qu'elle attendoit un courrier de M. le Prince, qui /490v/ avoit promis de le luy envoyer 3 jours apres le despart de Roussy, son gentilhomme, et qu'elle estoit d'advis de remettre la desliberation à sabmedy, qui est demain, dans lequel temps ce courrier seroit arrivé et l'on sçauroit mieux les intentions de M. le Prince. Son advis feut suivy, et l'on se leva là dessus, sans qu'il ce [se] parlat de la declaration.

Le courrier que S.A.R. attendoit est arrivé ce matin, qui luy a apporté nouvelles que M. le Prince se disposoit fort à la guerre, qu'il avoit desja 4 mille hommes de pied et 1500 chevaux levés: sçavoir, 1800 tant cavalerie qu'infanterie par le viconte d'Arpajou, 1500 par le duc de la Rochefoucaut, 1000 par le comte de Matha, et le reste par des gentilzhommes particuliers; et que MM. de la Force s'estant tous mis de son party, avoint receu 50 mille escus pour la levée aussy, et que le comte d'Augnon travaillioit fort à la levée de 4 mille hommes qu'il luy avoit promis, et estoit arrivé le premier du courant à Bourdeaux; et que M. le Prince y estoit retourné apres avoir donné ses ordres à Libourne.

Le mareschal d'Aumont n'ayant peu secourir Bergues, les ennemis la prirent à composition le 28 du passé. Le renfort jetté dans Mardich ostera l'envie aux Espagnolz de l'assieger, auquel cas les vaisseaux qui sont devant Duncherque ne pourront plus durer longtemps. Cette ville là est hors de danger du siege, par le moyen de la grosse garnison; mais le pis est que, pour la faire subsister, il faudra envoyer de l'argent d'icy parce que touttes ses contributions sont touttes rompues. Ce mareschal est retourné de deça et est maintenant campé au vieux Hedin [Hesdin]. Les ennemis ayant assemblé touttes leurs forces et tiré leurs garnisons des places, ont grossy leur armée jusques à 20 mille hommes par la jonction de l'Archiduch, qui menace d'assieger Arras, quoy que la saison soit fort avancée pour une telle entreprise. Les drilles de nostre armée se desbandent fort, et s'en vont à grand nombre à Mourron.

La Cour partit hier de Gien pour poursuivre son chemin, et doit coucher ce soir à Aubigny.

/492/ De Paris le 13 octobre 1651

Vous aves sceu que le marquis de St Megrin a traitté avec le mareschal de Schomberg de la charge de cappitaine lieutenant des chevaux legers du roy, dont il luy donne 450 mille livres. Son traitté est si bien agrée de Leurs M. qu'elles le font payer de la somme de 200 mille livres qui luy sont deubtz du service qu'il a rendus en Catalougne, pour luy ayder à payer cette charge; et pour le reste, il vend la sienne de cappitaine des gendarmes de la Reyne, laquelle outre cela luy a procuré un mariage tres avantageux avec Mlle de Savigny, qui est riche de 200 mille escus, laquelle somme les parenz ne veulent point deslivrer si ce marquis ne leur en donne les seurtés necessaires pour la restitution, en cas qu'elle vient à mourir sans enfans, à quoy il trouve beaucoup de difficulté, et cela retarde l'affaire.

Le 7 du courant le Parlement estant assemblé, S.A.R. dit q'ung courrier luy avoit apporté une lettre de M. le Prince, par laquelle il tesmoigne estre disposé à s'accommoder si on luy faisoit des propositions raisonnables et s'il y trouvoit ses seurtés, et qu'il s'aboucheroit avec M. le duc d'Orleans s'il avoit un plain pouvoir de traitter. Ensuitte l'on commencea d'opiner, et l'on ouvrit 2 advis: le premier, de M. Chevalier, qui dit que le Roy seroit supplié d'envoyer un plain pouvoir à S.A.R. pour aller traitter avec M. le Prince; le 2, de M. Sevin, que S.A.R. seroit suppliée d'envoyer un expres au Prince pour le prier de s'explicquer de ses intentions et de faire ses demandes. L'on contesta fort sur ses [ces] 2 advis. Le Premier President, et les autres qui appuyoint fortement celuy de M. Sevin, representerent qu'il n'estoit pas juste que le Roy fit le premier pas, et que cela choquoit son authorité; à quoy S.A.R. respondit que cela estoit tousjours arrivé de mesmes dans les guerres civiles; que la Reyne sa mere avoit esté veoir feu M. le Prince; que le Roy son pere en avoit usé de mesmes dans touttes les divisions; qu'enfin, il sçavoit bien que M. le Prince n'entendroit jamais à aucune proposition jusques à ce qu'il auroit receu le plain pouvoir du Roy de traitter avec luy. Nonobstant cela, le Premier President fortiffia si bien son party que les oppinions estant resumées, celle de M. Sevin passa de 6 voix; ce qui obligea S.A.R. de dire à ces messieurs qu'il n'escriroit point à M. le Prince, parce qu'il sçavoit bien que ce seroit inutille, qu'ilz faisoint beau veoir qu'ilz vouloint plustost une guerre civile q'ung accommodement, et que la partie estoit faitte pour gaigner temps par ce moyen. Elle sortit là dessus, fort mal satisfaitte du proceddé de ces messieurs.

Le jour precedent MM. les Gens du roy ayant presenté requeste à la Chambre des vacations, et demandant qu'il feut informé contre tous ceux qui font des levées sans commission du Roy, scellées du grand sceau, et faire deffenses à touttes personnes de lever aucung denier du roy sans ordre expres de Sa M., le president de Maisons, qui presidoit en cette chambre, renvoya l'affaire à l'assemblée du lendemain, laquelle donna arrest tout conforme à cette requeste.

Trois conseillers de la Grande Chambre moururent la semaine passée: sçavoir, MM. Crespin, Coquelay, and Le Prestre, qui suivoint tous 3 d'ordinaires les sentimentz de M. le Premier President.

Le 8, au matin, M. le duc d'Orleans s'en alla à Limours, où il a demeuré jusques à aujourd'huy.

Le mesme jour un courrier extraordinaire arriva icy, venant de Marseille, et apporta nouvelle q'ung estrange accident arrivé à la personne de M. de Valbelle, qui a tousjours esté opposé au duc d'Angoulesme, particulierement dans ces derniers troubles de la province, au commencement desquelz celuy cy fit brusler une maison du conseiller Valbelle, son frere. L'autheur de /492v/ cest accident est un partisan de ce duc nommé Perrit, lequel pour se defaire de M. de Valbelle avoit invanté un moyen fort ingenieux. Il composa à cette fin un feu d'artifice dans une cassette dont la clef y mettoit le feu en l'ouvrant; et ayant fait embaler cette cassette, l'envoya à La Ciottat [Ciotat], à un cappitaine d'ung vaisseau, qu'il fit prier de la faire porter à Marseille à M. de Valbelle, disant que c'estoit un present qu'on luy envoyoit d'Italie. Ce cappitaine ayant faict tenir cette cassette à M. de Valbelle, celuy cy la fit mettre sur un balcon qui regarde la basse court de son logis, et l'ayant voulu ouvrir avec la clef, le feu y prit aussytost et luy brusla les bras, les cheveux, et le visage à luy et à 3 ou 4 qui estoint presentz; mais il n'y en a eu aucung qui feut blessé mortellement, parce que l'effort du feu jetta d'abord en bas la cassette dans la cour, où l'on trouva qu'elle estoit plaine de canons de pistollet crevés qui avoint esté remplis de petitz carreaux d'acier et de balles et quantité de poudres par dessus. Aussytost toutte la ville ce [se] mit en armes, et le peuple feut sur le point d'aller massacrer tous ceux qu'on sçavoit estre du party du duc d'Angoulesme; mais apres que la rumeur feut un peu moderée, il se contenta de les faire tous sortir de la ville, pour n'y rentrer point du tout jusques à ce qu'il y aye un nouveau gouverneur. Le lendemain le peuple fit pendre un fantosme representant le duc d'Angoulesme, et despuis on n'y [on y] a fait garde nuict et jour. On asseure que la Reyne continue à demander à ce duc sa demission du gouvernement de Prouvence, pour le donner à M. de Mercoeur; mais il ne s'en veut pas defaire si on ne luy en donne un autre à la place.
Le comte d'Harcourt est encor icy avec quantité de commissions pour faire des levées, mais il n'y a point d'argent pour cela. On luy a donné le gouvernement de Philisbourg, dont le Roy en donne 40000 escus à M. de la Claverie.

Le cardinal Mazarin a demandé une commission du Roy addressante au Parlement de Metz pour recevoir sa justiffication. Il y avoit fait brigue pour cela, mais le Conseil a jugé à propos de temporiser là dessus. On croit neamoings qu'il y va, estant party de Cologne despuis quelques jours, et qu'apres s'estre justiffié, il ira a Brissac, où Mme de Guebriant a disposé Charlevoix à le recevoir.

La Cour estant arrivé à Gien le 3 avec les regimentz de cavalerie d'Harcourt et de la Mesleraye, qui estoint venus de Bourgogne commandés par M. de Bougy, mareschal de camp, outre 12 compagnies des gardes et autres gens de guerre qui suivent ordinairement la Cour, y demeura jusques au 5 en attendant des nouvelles de la division qui estoit parmy les habitans, ausquelz le Roy avoit envoyé promettre qu'il feroit demoilir la grosse tour de leur ville; et ayant sceu que le party de Sa M. y estoit le plus fort, et que M. le prince de Conty n'avoit rien peu gaigner sur des esprits des principaux, elle partit de Gien pour poursuivre son voyage, et arriva le 26 à Aubigny, où les depputés de Bourges vinrent trouver le Roy le soir du mesme jour, pour l'asseurer de la fidellitté des bourgeois, qui estoint prestz à le recevoir dans leur ville, et pour le supplier de vouloir faire razer la grosse tour, disant que c'estoit le seul moyen qui avoit donné du credit à M. le Prince dans cette ville là. Ilz rapporterent que la ville ayant sceu l'approche de Sa M., fit une assemblée dans laquelle elle resolut de declarer au prince de Conty /493/ qu'elle ne pouvoit pas refuser les portes au Roy. Cette declaration luy ayant esté faitte par le maire, qui en est lieutenant general, ce prince luy dit que ce discours estoit bien contraire à la parolle donnée à M. le Prince par MM. de la Ville, de demeurer dans les interestz et de ne rien faire que par ses ordres; à quoy le maire luy ayant reparty qu'on ne luy avoit jamais promis d'estre contre le Roy, mais seulement d'estre pour le Roy et M. le Prince, il le fit mettre en prison à la tour. Aussytost le filz du maire fit si bien sa brigue dans la ville qu'il rendit le party du Roy le plus fort. Ce prince y ayant fait entrer des trouppes, mena autour de la ville des ingenieurs pour la faire fortiffier; à quoy les eschevins s'estantz opposés, il les chassa de la ville; ce qui aigrit si fort les habitans qu'il ne peut plus les gaigner, ny par la douceur ny par la rigueur. Enfin, voyant cette disposition dans tous les espritz, il en sortit le 5 avec Mme de Longueville, M. et Mme de Nemours, le marquis de Persan, et autres de son party, avec les trouppes et touttes les munitions, pour se retirer à Mourron, apres avoir neamoings consenty, lors qu'il ne le pouvoit plus empescher, qu'on receut le Roy dans la ville. On dit mesmes qu'il ne laissa que 4 hommes dans la tour. Sur cela, Leurs M. partirent d'Aubigny le 7 au matin, pour aller faire leur entrée dans Bourges, où neamointz elles n'entrerent que le 8; cepandant, dans leur marche les 2 regimentz commandés par M. de Bougy surprirent le chasteau de Bougy, qui appartient à M. le Prince, dont la garnison estoit d'environ 50 chevaux, desquelz ilz en tuerent 10 ou 12, en firent 20 prisonniers avec le sieur des Guepean, qui les commandoit, et le reste se sauva à Montront, où de Chamilly et de Montater arriverent à mesme temps avec 100 chevaux qu'il menoit de Stenay. M. de Bougy les y poursuivit, mais sans effect. Despuis, M. de Gorres, qui avoit esté envoyé à Bourges par M. le duc d'Orleans, en estant revenu aujourd'huy, a apporté nouvelle qu'on y alloit faire raser la grosse tour; que le maire estoit prisonnier à Mourron, où il avoit esté mené par le prince de Conty; et que Leurs M. devoint partir lundy prochain pour aller à Poitiers ou à Tours, n'ayant pas encor bien resolu lequel de ses [ces] deux elles devoint prendre.

Un autre que le mareschal de l'Hospital avoit envoyé en Cour est retourné icy le 10. Ce mareschal partit aussytost avec M. du Plessis Guenegaut pour aller à Limours porter à S.A.R. une lettre du Roy pour luy servir de plenipotentiaire; mais les termes de cette lettre estant presque semblable à celles qu'elle avoit receue la semaine passée sur le mesme subject, elle a demandé que le plain pouvoir qu'on luy donneroit feut signé et scellé du grand sceau, ne voulant pas agir avec une simple lettre de cachet. M. de Champlastreux partit d'icy le mesme jour pour y aller, on ne sçait pourquoy.

Les lettres de Bourdeaux du 5 du courant portent que les levées de M. le Prince si [s'y] avanceoint si diligenment qu'il avoit desja 7 mille hommes sur pied; que le comte d'Augnon, apres avoir pris possession du duché de Fronsac, a deslivré à M. le Prince les 800 mille livres qu'il luy devoit donner, et 200 mille livres à M. de Richelieu pour la renontiation, en estoit party pour retourner à Brouage afin d'y haster les levées des 4 mille hommes qu'il luy avoit promis; que tous MM. de la Force, à la reserve du Marquis, qui est icy avec M. de Turenne, continuoint à lever leurs trouppes; que le Premier President avoit esté contraint de sortir de Bourdeaux et s'estoit retiré à Blaye du consentement de M. le Prince, qui estoit aussy party de Bourdeaux, où l'on croyoit qu'il iroit de là à Montauban, où M. de St Luc fait travailler /493v/ travailler [sic] 4 mille hommes despuis 15 jours aux fortiffication de cette ville, dont les habitans tesmoignoint vouloir estre du party de la Cour; et que le marquis de Bourdeilles s'est declaré pour M. le Prince et levoit des troupes dans le Perigord.

Quelques lettres qui viennent de Foix et de Narbonne se conforment à dire que M. de Marchin a abandonné la Catalougne, et qu'il en a mené 2 à 3 mille hommes pour le service de M. le Prince en Guyenne. Mesmes le lieutenant du comté de Foix mande qu'il s'en va audevant de ses troupes.

Les lettres d'Aix en Provence, du 3 du courant, portent que sur quelques querelles particulieres qu'il y avoit entre le president de la Roque et le baron de St Mart, il y eut querelle entre leurs amis le mesme jour dans la place des Jacobins, où il y eut des coups de pistollet et de fusilz, et des espées tirées; sur quoy le baron de St Mars, premier consul de la ville et procureur du pays, se jetta dans l'Hostel de Ville, où il appella ses amis pour se servir de cette occasion à fortiffier le party de M. le Prince. En mesme temps le sieur de Canet, grand amy de M. de Beaufort, se mit à la teste du people qui s'estoit ramassé dans cette place, qui crioit "Point de guerre! Point de St Mars!" Le Parlement s'assembla là dessus. Ensuitte on depputta le president d'Oppedde à l'Hostel de Ville, pour sçavoir quel estoit le desseing de ce baron. Le President negotia si bien qu'il empescha le sieur de St Mars de passer outre; et retournant au Palais pour faire recit à la Compagnie de ce qu'il avoit fait, feut abordé dans la mesme place par le sieur de Canet et par cette populace, qui crioit fort contre luy à cause qu'on sçavoit qu'il estoit dans les interestz de M. le Prince; mais apres qu'il eut asseuré d'avoir tout appaisé, il se jetta dans le Parlement, qui pour appaiser la rumeur, feut obligé de marcher en robbes rouges par toutte la ville et faire sortir le baron de St Marc et le Chevalier son frere, ce qui a fort abattu le party de M. le Prince.

Un courrier que le mareschal de la Fretté [Ferté] Seneterre envoye en Cour, en passant par icy dit que [de] touttes les trouppes de M. le Prince qui estoint à Stenay, il n'en reste plus que 800 hommes, et que le reste est desbandé ou prit party parmy celles de ce mareschal; lequel ayant surpris 1400 dans un passage, les a obligé party de gré, party de force, à prendre party dans ses trouppes.

Les advis de Flandres portent que les ennemis s'estant assemblés dans l'Artois au nombre de 9 mille chevaux et 6 mille piettons, ont passé vers St Quentin et marchent vers la Champagne. On dit que c'est pour y prendre leur quarter d'hyvert, et que pour cest effect, suivant le traitté fait avec eux par Mme de Longueville, ilz doivent s'emparer de Damvilliers; que le chevalier de la Rochefoucaut leur livreroit, mais c'est un bruit incertain. Le comte de Grandpré, qui estoit alors si engagé dans le party de M. le Prince qu'il s'y ruina, n'en ayant point receu de satisfaction apres sa liberté, s'est maintenant hautement declaré contre luy, qu'il a demandé commission du Roy pour ruyner le party de M. le Prince en Champagne, se faisant fort d'attirer touttes les trouppes si on luy veut donner 16 mille livres pour lever un regiment. Il en a defait 150. Le marquis de Trevigny est venu de Bretagne trouver le Roy à Bourges, avec une requeste signée de 500 gentilzhommes, qui demandent que la tenue des Estatz de cette province soit transferée de Nantes en telle autre ville /494/ qu'il plairra à Sa M., disantz qu'ilz ne sont ny en seurté ny en liberté à Nantes, et offrent en tesmoignage qu'ilz ne veulent rien faire contre son service de faire augmenter de 100 mille escus le don gratuit. Le Conseil n'a pas encor desliberé là dessus. En attendant, ce marquis est venu prier S.A.R. d'estre favorable en cette occasion à la province. Il asseure que le duc de la Trimouille s'est declaré pour M. le Prince, aussy bien que M. de Rohan, quoy que ennemis entre eux. La declaration du Roy contre M. le Prince est entre les mains des Gens du roy, pour estre presentée demain à l'assemblée du Parlement pour la veriffier.

Il y eut arrest au Conseil de direction des finances le xi, portant que les pistolles, louys, escus, blans, et autres monnoyes qui avoint augmenté de pris despuis peu, sans edict, ne passeroint plus que pour le prix porté par les editz, et deffenses à touttes personnes de les imposer à plus haut prix sur peyne de punition corporelle. Cest arrest ayant esté porté au Premier President pour le sceler et le faire publier, il dit qu'il ne pouvoit pas le sceler, le Parlement estant saisy de cette affaire, de laquelle il parleroit à l'assemblée au premier jour.

/496/ De Paris le 20 octobre 1651

Vous aves sceu que la semaine passée le mareschal de l'Hospital et M. du Plessis Guenegaut ayant porté à M. le duc d'Orleans une lettre du Roy qui contenoit un plain pouvoir de traitter avec M. le Prince, laquelle S.A.R. refusa veritablement; mais ces messieurs ayant à mesme temps arresté avec elle de quelle façon ce plain pouvoir devoit estre dressé, S.A.R. estant demeurée d'accord de se laisser accompagner au lieu du traitté par 6 personnes que Sa M. auroit choisy, ilz renvoyerent promptement un courrier à Bourges sur ce suject, lequel feut icy de retour le 13 du courant à 9 heures du soir; et aussytost ce mareschal et M. de Guenegaud feurent trouver M. le duc d'Orleans, et luy donnerent une lettre du Roy par laquelle Sa M. donnoit le plain pouvoir tel qu'il avoit souhaitté. Quelq'ungs veulent mesmes qu'il aye une commission scellée pour cest effect, quoy qu'elle ne paroisse pas. Ces messieurs le prierent de se trouver le lendemain au matin à l'assemblée du Parlement, auquel le Roy avoit escrit aussy, pour luy en donner advis, ce qu'il promit de faire.

Le 14 au matin le Parlement estant assemblé, et S.A.R. y estant arrivé, on leut la lettre que le Roy avoit envoyé à la Compagnie, contenant comme il prioit Monsieur son oncle de vouloir continuer ses bons offices pour pacifier les troubles qui sont dans son royaume, et qu'il luy avoit envoyé pour cest effect un plain pouvoir de traitter avec M. le Prince, et luy assigner à cette fin rendés vous, et s'y faire accompagner par le mareschal de l'Hospital, les sieurs d'Aligre, de la Marguerie, conseillers d'Estat, par le president de Mesmes et les sieurs Menardeau et Camont, conseillers au Parlement. La lecture estant faitte, quelq'ungs dirent que ce plain pouvoir n'estoit pas vallable à cause qu'il n'estoit pas scellé; à quoy S.A.R. respondit que veritablement cela ne suffisoit pas pour un particulier, mais que pour elle, elle le feroit bien valoir, et que c'estoit asses pour une personne de sa condition, adjoustant qu'il n'estoit pas necessaire de lire la lettre qu'elle avoit receue sur ce subject, parce qu'elle estoit conforme à celle qu'on venoit de lire, laquelle feut enregistrée. Ensuitte le Premier President exhorta S.A.R. d'envoyer diligenment un courrier à M. le Prince, pour le disposer à cesser ses levées et se trouver au rendés vous qu'elle luy voudroit assigner, afin qu'il ne nous monstrat point le mal qu'il nous peut faire, et representa les malheurs qui ont desja commencé de naistre, notanment en l'action de M. de Marchin, d'avoir abandonné la Catalougne. En suitte du plain pouvoir, M. le duc d'Orleans manda, l'apresdisnée du 15, le mareschal de l'Hospital et les autres qui le doivent accompagner lors qu'il ira trouver M. le Prince; lesquelz estant arrivés à son palais, il leur dit qu'il estoit question de resoudre le lieu du traitté, qu'il vouloit prendre leur advis là dessus; à quoy ilz respondirent que S.A.R. en estoit la maistresse selon son plain pouvoir qui luy donnoit la faculté de choisir le lieu. Elle dit qu'il estoit d'advis que ce feut à Chasteleraud [Châtelleraut] ou à Loudun en Poictou, et de donner le choix de ces 2 villes à M. le Prince, auquel elle alloit escrire et le luy proposer, comme [elle] fit par une lettre tres obligeante et plaine de zele pour le repos public et pour la reunion de la Maison Royale. Elle mit cette lettre, le soir du mesme jour, entre les mains du comte de la Serre, qui partit le 16 de grand matin pour la porter à M. le Prince, et le disposer à se trouver dans l'ung de ces 2 lieux.

/496v/ La froideur que S.A.R. avoit tesmoigné à M. le Coadjuteur de ce qui [qu'il] ne s'estoit pas trouvé au Parlement le 7 du courant et y avoit fortiffié la brigue du Premier President, n'a presque point paru, parce que dans le long sejour que S.A.R. fit ensuitte à Limours il eut le loisir de s'accommoder par le moyen de ses amis, qui luy firent agreer qu'il revient le visitter, comme il fit le 14 et a continué despuis.

L'on asseure que le Premier President s'est accommodé avec M. le Prince, et que M. de Champlastreux n'est allé en Cour que pour proposer les moyens de traitter avec luy.

La nouvelle estant arrivée à Thoulouse, le 5 du courant, que le sieur de Marchin estoit entré par les Monts Pyrenées dans le comté de Foix, le Procureur General fit assembler les chambres, quoy que le Premier President, qui panchoit fort du party de M. le Prince, eut beaucoup de peyne à y consentir, eut mesmes parolle avec le Procureur General. Les sceances y estant prises, celuy cy representa, par un long discours à la Compagnie, l'obligation qu'elle avoit de faire paroistre en cette action son zele pour le bien de l'Estat, et conclut à ordonner qu'il feroit informer des factions qui se brassent contre le service du Roy et la tranquilitté publique, qu'on depputteroit 2 commissaires pour aller maintenir les villes du ressort dans la fidelitté qu'ilz doivent au Roy, et cepandant ordonner à tous gouverneurs, gentilhommes, consulz, et autres subjectz du Roy de prendre les armes pour empescher le passage de Marchin et le tailler en pieces, luy et les siens. Il y eut arrest tout conforme à ses conclusions. On adjousta seulement qu'il seroit envoyé un courrier à Sa M., pour luy en donner advis et l'asseurer de sa fidelitté inviolable; et afin de faciliter l'execution de cest arrest, il y en eut un autre, l'apresdisnée du mesme jour, portant qu'on coupperoit tous les pons qui sont sur la Garonne au dessus de Thoulouse, et qu'on feroit conduire au portz de la mesme ville tous les batteaux qui ce [se] trouveroint sur cette riviere.

Le petit Guitaut, chambellan de M. le Prince, arriva le soir du mesme jour à Thoulouse avec une lettre que son maistre escrivoit au Parlement, laquelle il rendit le lendemain au matin au Premier President et luy exposa la creance dont elle faisoit mention. Celuy cy estant entré au Parlement, presenta cette lettre; et quoy que le party du Roy feut d'advis d'en differer l'ouverture au lendemain, auquel jour on attendroit des nouvelles de Bourges, neamoings le party do M. le Prince insista si fort à l'ouverture que le Premier President la fit lire sur l'heure mesmes, sans donner loisir à la Compagnie d'y desliberer. Elle ne contenoit que des civilittés, et une priere de donner creance à M. Guittaut sur ce qu'il diroit à la Compagnie de la part de M. le Prince. Le Premier President ayant esté requis d'exposer cette creance, et voyant que son party estoit tropt foible pour y pouvoir prendre une resolution qui feut avantageuse, il se contenta de dire que ce n'estoit que des offres que M. le Prince faisoit de son affection et de son service. Ensuitte l'on opina, et il y eut 2 advis: l'ung du Premier President, qui estoit de faire une response bien civile à la lettre de M. le Prince et le remertier, et l'autre de M. de Fresatz, qu'il [qui] vouloit qu'on y adjousta un advis des 2 arrestz du jour precedent, et supplier à M. le Prince de tenir main forte à l'execution et s'opposer au passage du sieur Marchin; mais le premier passa de 2 voix. L'on proposa ensuitte d'envoyer des commissaires pour empescher les passages de ce dernier, mais le Premier President eluda cette proposition et sortit, disan que l'heure avoit sonné.

/497/ Le 7 le Procureur General, ayant encor obtenu l'assemblée des chambres, dit que l'advis estoit venu que M. de Marchin n'ayant peu passer dans le pays de Foix à cause de l'opposition du baron de Durban, estoit allé chercher d'autres passages, disant qu'il estoit facile de l'empescher de passer la Garonne, qu'il ne pouvoit vraysemblablement passer qu'à Muret, et qu'ainsy il estoit besoing d'envoyer des commissaires. Sur cela on depputta le sieur de Lestang, conseiller de la Grande Chambre, auquel le Premier President voulut qu'on joignit M. de Mondrade, son filz. A mesme temps on manda les capitoux, pour leur enjoindre de faire escorter les commissaires par des gens bien armés. Le Premier President voulut sortir là dessus, sans les attendre, disant qu'il le leur commanderoit; mais la Compagnie ne voulut pas se lever. Deux capitoux y estant arrivés, on leur dit la resolution qui avoit esté prise, et les commissaires partirent l'apresdisnée pour aller à Muret, 3 lieues de Thoulouse; mais ilz trouverent que le retard qu'on avoit apporté le jour precedent à les envoyer, avoit donné loisir à Marchin d'y passer 4 heures devant qu'ilz feussent arrivés.

Le 8 et le 9 estant jours de feste, le Parlement ne s'y assembla point, mais les deux partis travaillerent à se fortiffier, chacung de son costé; et le Procureur General representa à la Compagnie que les creatures de M. le Prince y faisoint des pratiques contre le service du Roy, dont il falloit informer mesmes par censures esclesiastiques, et pour eviter les surprises faire assembler la bourgeoisie à l'Hostel de Ville et pourveoir à sa conservation; et demanda qu'on l'appellat à touttes les desliberations qui ce [se] feroint pour les affaires publiques; sur quoy il y eut arrest tout conforme à ce qu'il avoit requis, et l'on depputta 2 commissaires pour informer des brigues qui ce [se] faisoint contre le service du Roy et le repos public. Cepandant, les 2 autres commissaires estant revenus de Muret et fait leur raport de ce qui s'y estoit passé, dirent qu'ilz y avoit fait mettre en prison un Tholosain nommé Aldeguier, qui avoit conduit M. de Marchin et ses troupes par ce chemin là; qu'il estoit question de le faire conduire à Tholouse et luy faire le proces. Sur cela l'on resolut de changer les capitoux tropt affectionnés à M. le Prince, et d'envoyer des gens de guerre à Muret pour conduire ce prisonnier en seurté, et d'envoyer le sieur de l'Estang dans la comté de Foix et dans les lieux où Marchin avoit passé, pour informer du tout. L'apresdisnée on s'assembla à l'Hostel de Ville, où l'on depputta un des capitoux pour aller à Muret faire conduire ce prisonnier; et l'on arresta qu'on feroit garde aux portes de la ville, dont on a fermé 5 et laissé 4 ouvertes.

Le 10 au soir le sieur de la Guillaumiere y arriva de la part des Estat de Languedoch avec une lettre au Parlement par laquelle ilz mandoint qu'en mesme temps que le Compagnie donnoit des arrestz pour le service du Roy, ilz prenoint des resolutions conformes aux leurs, afin de s'unir d'affection et de sentiment avec luy pour le bien de l'Estat, et demandoint une surseance pour leur different. L'Advocat General conclut à accorder cette surceance pour un mois, et faire une response civille aux Estatz; mais la desliberation en feut remise au lendemain. Cette action de la province a esté partout fort louée; cepandant l'ordinaire partit là dessus.

Pour revenir à l'action de Marchin, tout le monde la deteste hautement, quoy qu'il soit vray /497v/ que quand il est party de Barcelonne, la commission de viceroy n'y estoit pas encor arrivé, ny mesmes le 20 mille escus qu'on luy avoit envoyé il y a un mois. On a parlé d'envoyer promptement du secours dans ce pays là, et M. de Beaufort a tesmoigné souhaitter la commission pour y aller avec 5 ou 6 vaisseaux qu'on a esquipés à Thoulon, pourveu qu'on y adjoustat 3 ou 4 galleres.

Les lettres de Bourdeaux du 12 portent que les villes d'Agen et de Marmande ce [se] sont soubmises à M. le Prince, qui estoit encor dans la premiere et devoit s'en retourner à Bourdeaux le 12; que Leytoure, Moissac, et Montauban s'estoint declarés contre luy; que celle cy se fortiffiant à cette fin sur les ordres de M. de St Luc, qui y estoit le xi et y faisoit bonne garde; que le duc de Richelieu estoit party de Bourdeaux avec le comte d'Augnon, pour l'accompagner à Brouage et de là passer en Angleterre pour asseurer les Anglois de la part de M. le Prince qui [qu'ilz] pouvoint continuer leur commerce en Guyenne en toutte seurté et liberté; mais despuis on a quelque advis que le Duc estoit mort à Brouage, dont il faut attendre la confiermation; que M. Laisné, cy devant advocat general à Dijon, estoit party de Bourdeaux sur un brigantin espagnol, et qu'on croyoit qu'il alloit en Espagne; que le president Viole estoit demeuré à Bourdeaux pour les interestz de M. le Prince, qui avoit pris jusques à 8000 escus dans les receptes des consignations et avoit prié la ville de Bourdeaux de taxer 100 de ses principaux bourgeois à 100 [sic: livres?] chacung, dont il leur assignoit le payement sur le convoy, et qu'il avoit desja 8 mille hommes sur pied; que le sieur de Montrist, garde des costes, y estoit arrivé avec 2 vaisseaux de guerre, dont l'ung estoit monté de 50 pieces de canon; que le comte d'Augnon faisoit fortiffier Royan; que le sieur de la Motte Gondrin, qui a esté fait lieutenant general de M. le Prince, s'estoit obligé de luy lever 1200 fantassins et 600 chevaux; que le Mareschal n'avoit pas voulu entrer dans son party, ni le Marquis son filz, mais bien tout le reste de la maison. Les advis de Bourges portent que M. le prince de Conty, Mme de Longueville, et le duc de Nemours, et le marquis de Levy estoint partis de Mourront pour aller en Guyenne avec toutte leur cavalerie, montant à 500 chevaux; que le marquis de Persan estoit demeuré dans le pays, pour le deffendre avec 600 fantassins seulement; qu'il avoit bruslé le bourg de St Amand, de peur du siege; que le comte de Palluau, avec les regimentz d'Harcour et de la Mesleraye, avoint poursuivy M. le prince de Conty 9 heures apres son despart, mais sans le pouvoir attraper; que la presence du Roy avoit fort intimidé les partisans de M. le Prince en ce pays là, où touttes les villes se declaroint hautement contre luy; qu'on continuoit la demolition de la tour de Bourges; et que la Cour se resoluoit lundy prochain à partir pour aller à Poictiers, ce qui ne s'accorderoit pas bien avec les propositions de paix qu'on a fait à M. le Prince, qui en ce cas ne voudroit pas venir trouver S.A.R. à Chasteleraud [Chatelleraut] ou à Loudun.

/498/ Le chevalier de la Rochefoucaud est mort de maladie dans Mourrond, et M. Arnaud aussy dans le chasteau de Dijon.

Les advis de Provence confierment que le baron de Ste Maure et le president d'Oppede avoint esté obligés de sortir de la ville d'Aix, qui est encor en armes et touttes les portes fermées; et que le Parlement avoit envoyé expres en Cour pour asseurer Sa M. de sa fidelité et de celle de la ville; et que ceux de Marseille avoint envoyé 3 depputtés à Aix pour sçavoir en quel estat estoint les affaires, et pour cooperer à leur accommodement et au bien de la province. L'abbé de Sillery, qui alloit dans ce pays là pour les interestz de M. le Prince, a esté arresté à Lyon.

Le mareschal de la Mesleraye ayant receu ordre de la Cour de ne laisser point presider aux Estatz de Bretagne, pour cette fois, ny M. de Vendosme ny M. de Rohan ny M. de la Trimouille, mais le premier baron, ou en son abscence celuy qui seroit esleu par la noblesse, les fit commencer à Nantes le 12, où la Moussaye presida. Le duc de Rohan est à Rennes, et demande au Parlement la cassation de tout ce qui ce [se] fera audictz Estatz jusques à ce qu'il y presidera, suivant l'arrest rendu en sa faveur.

Le 16 du courant, au matin, il y eut arrest à la Chambre des vacations à la poursuitte des creantiers du cardinal Mazarin, portant qu'il seroit proceddé à la vente des meubles pour le payement des debtes, et que le revenu de ses benefices y seroit employé. Il y a advis que ce cardinal est sur la Meuse, à 2 lieues proche des frontieres de Champagne.

Les ennemis ayant laissé un corps d'armée vers Duncherque soubz le commandement de Sfrondatti, ce marquis a assiegé le fort de Linck, qui est de grande importance à cause de la situation à l'emboucheure de 2 rivieres. Le reste de leur armée s'avance vers Rocroy, où le comte de Tavanes l'a jointe avec ce qui luy restoit de trouppes de M. le Prince, qui ne font plus que 11 [cent?] hommes, le reste estant desbandé. Le mareschal d'Aumont a envoyé 17 regimentz dans la Bourgoigne, qui ne font pas 3 mille hommes. Elles doibvent aller en Berry. Ce qu'il a retenu ne conciste qu'en 4 regimentz d'infanterie les plus fortz: sçavoir, le Polonnois, Picardie, Piedmont, et la Marine, et quelque cavaleire au nombre de 1500 chevaux.

Le comte d'Harcour partit enfin d'icy, le 18 au matin, accompagnés de 50 chevaux fort lestes pour aller en Cour. Le mesme jour M. le duc d'Orleans s'en allà à Limours avec MM. de Beaufort, le chevalier de Guyse, et M. de Chavigny, d'où ils reviendront demain. M. de Verderonne arriva hier au soir, revenant d'Espagne, où il n'a peu rien avancer pour le liberté de M. de Guyse.

Tous les deputtés des Estatz Generaux qui se trouvent à Paris ont resolu de partir d'icy au commencement du mois prochain pour se rendre à Tours le x, afin d'y commencer les Estatz.

/500/ De Paris du 27 octobre 1651

Le 21 du courant, au soir, M. le duc d'Orleans revient de Limours, apres s'y estre fort diverty durant 4 jours en grande compagnie. Outre MM. de Beaufort et de Chavigny, le commandeur de Souvré, et autres, le president de Maisons et 4 conseillers du Parlement y feurent fort bien regalés.

Quelques jours auparavant, l'advis estant venu de Normandie que l'abbé de Mesdavid, nommé à l'evesché de Sées, estoit si dangereusement malade qu'il n'en pouvoit pas eschapper (comme il s'est veriffié du despuis par l'advis de sa mort), S.A.R., qui avoit autrefois demandé le mesme evesché pour l'abbé de Pontcarré, escrivit aussytost à la Cour en sa faveur, et il y a fait un voyage expres dont il est revenu avanhier; mais on luy a fait response qu'il n'estoit pas encor temps d'y pourveoir, et qu'on le considereroit en son temps.

Don Joseph de Pinos, ambassadeur de Catalougne, estant allé trouver la Cour à Bourges, et ayant sceu que M. de Marchin avoit quitté cette province, fit instance au Conseil de luy declarer si le Roy la vouloit secourir ou l'habandonner tout à fait, afin qu'elle prit ses mesures là dessus. On luy fit d'abord response qu'on feroit ce qu'on pourroit pour luy envoyer du secours. Sur cela, il remonstra la necessitté absolue qu'il y avoit de la secourir promptement, et demanda que, pour y donner ordre plus tost, l'on n'acceptat [l'on acceptat] l'offre fait nagueres par l'ambassadeur de Portugal; que le Roy son maistre fourniroit presentement 30 vaisseaux de guerre pour cest effect, avec 4 mille hommes et 100 mille escus d'argent comptant, pourveu qu'on luy voulut envoyer quelque personne pour traitter avec luy d'une ligue offensive et deffensive, par laquelle le Roy s'obligeroit de ne faire la paix avec l'Espagnol sans luy; à quoy le mesme Don Joseph adjouta qu'il s'offroit d'aller en Portugal avec telles personnes qu'on voudroit, à ses despens, pour presser ce secours. L'on resolut d'accepter cette offre, et à cette fin l'on envoya icy ordre au Garde des Sceaux et au mareschal de l'Hospital, afin de conferer avec l'ambassadeur de Portugal, ce qu'ilz on[t] fait; et parce que le mesme Don Joseph a cepandant fait instance pour la nomination d'un nouveau viceroy, et a tesmoigné que les Catalans souhaittoint fort que ce feut le mareschal de la Motte, le Roy l'a nommé pour y aller. Le pere de ce mareschal mourut il y a 15 jour à Sassy, proche de Senlis, aagé de plus de cent ans.

La charge de maistre de camps general des carrabins, qui vacque par la mort de M. Arnaut, a est[é] donnée à M. de Vandy, partisan du cardinal Mazarin, pour recompense du gouvernement du Castella, qu'il avoit achepté peu de jours auparavant que les Espagnolz la prissent. Il n'est pas vray que le duc de Richelieu soit mort, mais il a esté malade à Vigean en Poictou.

Le duc de Rohan ayant poursuivy à Rennes l'execution de l'arrest que le Parlement y avoit donné en sa faveur touchant la presidence aux Estatz de Bretagne, et ne voulant pas s'arrester à l'ordre que le Roy avoit envoyé au mareschal de la Mesleraye pour ce subject, il y eut un autre arrest le 17 du courant portant que tres humbles remonstrances seroint faittes à Sa M. sur le trouble et la violence apportée à l'execution de cest arrest et à la liberté des Estatz; que Sa M. seroit supplié de les transporter ou faire tenir allieurs qu'à Nantes, ou autres villes où il y a des chasteaux et forteresses; et cepandant declare nul ce qui ce [se] fera aux Estatz qui ce [se] tiennent à present à Nantes, et fait deffenses à touttes personnes de les continuer, et /500v/ commandement à tous les depputtés de s'emparer; et que les contratz d'alienation du domaine du roy seront rapportés pour y estre fait droit, c'est à dire que ce parlement veut par ce moyen aygir [aygrir?] le mareschal de la Mesleraye, en luy faisant oster ou achepter bien cherement les domaines du Roy qu'il a acqui en ce pays là. Ensuitte l'on depputta au Roy un president et 2 conseillers, pour faire les remonstrances, lesquelz sont escrites par le comte de Rieux, 2e filz du duc d'Elbeuf, et par 5 ou 6 gentilhommes acredittés dans la province; mais les Estatz, pour contrecarrer cette depputtation, on[t] envoyé à la Cour l'evesque de Rennes, le marquis de Brossay St Grave, ennemy du Parlement.

Le courrier que M. le Coadjuteur avoit envoyé à Rome n'y est arrivé que 2 jours devant le petit Montreuil, qui y est allé de la part de M. le prince de Conty pour s'opposer à la promotion de ce prelat, pour lequel le Pape a fait une response asses obligeante pour luy; mais neamoings il a tesmoigné que cette promotion se devoit differer jusques à ce qu'on verroit la face que prendroint les affaires de France. Le petit Montreuil n'avoit pas eu encor audiance le 2 du courant, à cause de l'indisposition du Pape.

Les advis de Bourdeaux de cette semaine portent que M. le Prince avoit donné le gouvernement de Marmande à M. de Lusignan, celuy d'Agen à M. de Marchin, avec le commandement general de son armée, et luy avoit commandé d'assieger la ville de Moyssac sur la Garonne, ce qu'il fit, et l'on croit prise, n'estant pas capable de resister longtemps; que S.A. estoit allé à Bergerac pour la faire fortiffier; et qu'ayant donné ses ordres à cette fin, elle estoit allé à Perigueux, où elle avoit esté bien receue; et apres, elle estoit retournée à Bourdeaux, tant pour rasseurer les espritz, dont la pluspart commenceoint à se repentir de s'estre engagés si avant avec elle, que pour rassembler ses trouppes et sortir de la Guyenne, afin de tenir aux Bourdelois la parolle qu'il leur avoit donné dès le commencement, de soulager cette province là et de n'y faire point le theatre de la guerre; que neamoings l'on avoit fort aprehendé, à cause des villes qui s'y sont declarés contre S.A., qu'encores que les commencement y eussent eu la plus belle aparance du monde, les suittes n'y correspondoint pas, et qu'il se trouvoit qu'elle s'estoit mescontée de beaucoup; q'une grande partie des conseillers estoint partis de Bourdeaux, pour ne se trouver point aux desliberations que S.A. faisoit prendre; et sur cest advis l'on a proposé à la Cour de transporter ce parlement à Lymoges, où l'on croit que les conseillers qui sont sortis de Bourdeaux ce [se] trouveront; que pour la taxe de 1000 escus sur cent des principaux bourgeois de Bourdeaux faitte par l'advis des presidentz Viole et Daffis, personne ne s'estant mise en peyne de les payer, S.A. avoit dit qu'elle se payeroit ad libitum; que le marquis de Firmacon s'estoit jetté dans la ville de Condon [Condom] et s'en estoit emparé, pour la retenir dans l'obeissance du Roy; qu'encor que le mareschal de la Force ne se feut pas declairé pour S.A., neamoings il avoit bien consenty que ses filz servissent dans son party, et taschoit de le favoriser soubz main en tout ce qu'il pouvoit; que les levées de S.A. y estoint presque achevées, qu'elle avoit ii regimentz de cavalerie et 5 compagnies d'ordonnance, outre celles de ses gardes, et 500 chevaux qui ont escorté M. le prince de Conty, faisant en tout 8000 hommes; que le rendévous de son armée estoit assignée à Chasteauneuf sur la Charante en Angoumois, ce qui a esté confiermé /501/ ce matin par le comte de la Serre, qui en est revenu et qui a rapporté qu'il avoit veu M. le Prince à Bourdeaux le 20, et luy avoit rendu la lettre de S.A.R. touchant la proposition de paix; à quoy il respondit que c'estoit un affaire d'asses grande importance pour la communiquer à M. le prince de Conty et à ses amis; qu'il falloit 3 ou 4 jours pour cela, pendant lesquelz il ne vouloit pas retenir ce comte, de peur que S.A.R. ne feut en peyne de luy; mais qu'aussytost qu'il auroit conferé sur ce suject avec ses amis, il envoyeroit un gentilhomme à S.A.R. pour luy en apporter. Ce comte adjouste que M. le Prince avoit laissé un ingenieur dans Bergerac pour y faire 5 bastions, et que revenant de Perigueux il avoit passé à La Force, où il avoit esté fort bien regalé par le mareschal de ce nom. La Cour travaille à desunir d'avec luy le comte d'Augnon et le vicomte d'Arpajon, lesquelz sont fort esbranslés là dessus. M. le prince de Conty, Mme de Longueville, et M. de Nemours ayant sejourné quelque peu à Verteuil, maison du duc de la Rochefoucaut, en estoint partis pour aller à Bourdeaux.

Les advis de Bourges portent que les trouppes du Roy ayant voulu attaquer sans canon le bourg de St Amand, qui n'est que de deux cent pas de Mourron, au bas de la montagne, avoint esté repoussées au premier assaut, avec perte de 66 soldatz, un cappitaine aux gardes saisis, un lieutenant aux gardes nommé d'Ortis et un autre officier, et environ 80 blessés, dont on fit icy feu de joy le 23 dans l'hostel de Condé; qu'ensuitte 4 pieces de canon leur ayant esté envoyées, elles y avoint donné un second assaut et pris ce bourg, dont les habitans s'estoint retirés dans le chasteau de Mourron, qui demeure encor investy par ce moyen; que le Roy s'estoit trouvé un peu indisposé ensuitte d'une medecine qu'on luy avoit fait prendre par precaution, mais qu'elle n'avoit duré que 2 ou 3 jours; que le voyage de la Cour à Poictiers avoit esté enfin resolu le 21, apres des contestations qui ont duré 15 jours entre M. de Chasteauneuf, qui l'a fait resoudre, et les amis du Premier President, qui estoint d'advis du retour de Leurs M. à Fontainebleau. Les raisons de ceux cy estoint fondées sur l'incompatibilité de ce voyage avec la proposition de paix faitte à M. le Prince; mais le premier l'a emporté, faisant veoir le peu d'aparance qu'il y avoit que M. le Prince voulut la paix, estant tropt engagé dans ses traittés; et l'importance qu'il y avoit de ne perdre point de temps de s'aprocher diligenment des pays qui confinent la Guyenne, afin de les retenir dans l'obeissance par la presence du Roy; et adjoustant qu'il se trouveroit, sans doubte, que la resolutions de M. le Prince sur la proposition de paix auroit esté prise avant celle du voyage de Leurs M.; et qu'à cas qu'il voulut se rendre à Chastelleraut ou à Loudun, la Cour sejourneroit à Blois ou à Amboise ou en quelque autre lieu, jusques à l'issue du traitté, ce qui feut ainsy arresté; et l'on manda à S.A.R. que cela ne luy devoit donner aucun ombrage, qu'elle avoit tout pouvoir, et qu'elle pouvoit donner le repos à tout l'Estat, si elle tesmoignoit avec opiniastreté à M. le Prince qu'elle veut la paix, et qu'il faut qu'il se contente des seurtés possibles. En consequence de cette resolution, Leurs M. devoint partir de Bourges le 27 pour ce voyage et aller coucher à Issodun, et de là à Blans [Le Blanc] en Berry. Cepandant on manda qu'on avoit advis particulier que /501v/ M. le Prince avoit traitté avec les Espagnolz, qui luy devoint donner 2000 hommes entretenus et 200 mille escus par an; q'ung brigantin espagnol estoit arrivé à Bourdeaux et luy avoit apporté 10000 pistolles en attendant le surplus, et q'une fregaitte qui alloit à St Sbastien avoit esté prise pres de Bayonne; qu'on y avoit trouvé des memoires qu'on envoyoit en Espagne, qui ont esté envoyée en Cour.

Sur l'advis qu'on a eu que M. d'Espernon avoit fait un traitté secret de neutralité avec M. le Prince, et qui [qu'ilz] s'estoint promis l'ung et l'autre de ne faire aucung tort à ce qui leur appartenoit, l'on a envoyé le sieur de Roncerolles à Dijon, pour sommer M. d'Espernon de se declarer là dessus et attaquer le chasteau de Dijon; et en cas qu'il en fasce refus, ledit sieur Roncerolles a ordre luy mesmes de l'attaquer et de se joindre pour cest effect avec le marquis d'Uxelles.

On escrit de Thoulouse que le sieur Aldeguier, qui avoit conduit le sieur Marchin et l'avoit fait passer sur le pont de Mura [Murat], a esté eslargy de prison en baillant caution; que sur la proposition des Estatz de Languedoch, le Parlement avoit consenty à l'accommodement du different qu'il a avec eux; et que pour cest effect le sieur de la Guymerie en estoit party, pour aller faire nommer des depputtés qu'il devoit faire venir conferer sur ce subject avec ceux du Parlement; que la ville de Cahors avoit mis tout son canon sur la muraille, pour resister fortement au party de M. le Prince.

L'on escrit de Provence que la ville d'Aix est tousjours en armes; que le comte de Carces, lieutenant du Roy en cette province, y estoit arrivé le 17, et que le lendemain il devoit entrer au Parlement pour luy faire sçavoir les ordres qu'il apportoit de la Cour, dont il ne s'estoit pas encor explicqué, et qu'ensuitte il travailleroit à reunir les espritz; que M. d'Aiguebonne avoit convoqué l'assemblée des communeauttés à Manosque; qu'on croyoit que l'arrivée de ce comte en empescheroit les effectz; que le president Gallifet, qui estoit icy depputté, avoit escrit au Parlement une lettre par laquelle il s'excusoit de ne pouvoir pas sy tost aller à Aix, à cause qui [qu'il] estoit tombé malade dans le chasteau de La Fuerre [Fare?], où est le president d'Oppedde avec les autres partisans de M. le Prince; et que le baron de St Marc s'estoit saisy de la ville de Berre, à 4 lieues d'Aix, avec 100 chevaux, qui font contribuer les villages d'alentour.

L'on n'a peu encor aprendre des nouvelles certaines du cardinal Mazarin depuis 15 jours, à cause que les lettres de Coulougne ont esté retenues afin qu'on ne peut pas aprendre son aproche; mais on sçait qu'il partit de Broel [Bruhl] le 12 du courant, pour venir à Dinan [Dinant]; où neamoings plusieurs asseurent qu'il n'est pas venu, et d'autres qu'il y a seulement demeuré un jour incognito, et apres il est retourné vers la ville de Liege. Ses partisans publient icy qu'il travaille fort à la paix generalle, mais on croit que ce bruit n'est que pour moderer l'aversion publique qui regne tousjours contre luy. Il y a 22 regimentz de l'armée du mareschal d'Aumont, qui marchent en Bourgogne soubz le commandement du sieur de Castelnaud, et de là doivent passer en Berry. Leur rendévous est à La Charité; ilz ont ordre d'aller joindre l'armée du comte d'Harcour, qui va au devant. On /502/ laisse quelque trouppes dans le bourg St Amant ou aux environs, pour tenir Mourron investy.

Les ennemis sont retournés vers Maubeuge pour prendre quartier d'hyver, ayant laissé les trouppes du comte de Tavannes avec celles de Don Estevan de Gamarra.

Le fort de Linch [Linck] s'est rendu à composition le 19, les assiegés y ayant esté obligés par l'accident d'une bombe tombée sur le magasin des poudres, qui les avoit touttes brulées. Les nostres ont abandonné le petit fort de Hannelbin, au delà de St Omer, apres l'avoir miné. Les ennemis s'en sont saisis. Ilz travaillent puissenment à fortiffier Bourbourg pour tenir Duncherque bloqué par terre; cepandant les trouppes de M. le duc d'Orleans sont sorties de cette dernier place pour joindre le mareschal d'Aumont, lequel s'en va de ce costé là avec ce qui luy reste des trouppes. L'on fait estat que ce mareschal a gaigné plus de 300 mille escus de contribution, qu'il a tiré pandant cette campagne dans les lieux où il a fait camper son armée. M. de Bourdeaux, qui en estoit intendant de justice, est revenu depuis jours pour accepter la commission qu'on luy a donné d'ambassadeur en Savoye.

L'on a envoyé 20 mille escus à Duncherque pour les despenses les plus necessaires. Les Holandois on[t] fait proposer à la Cour qu'ilz presteroint de l'argent au Roy, si on leur vouloit engager cette place jusques au payement, à quoy l'on pourroit bien se resoudre si les affaires ne prennent bientost un autre face.

M. de Verderonne part demain d'icy pour aller à la Cour, rendre raison de son voyage d'Espagne. Il dit que les Espagnolz croyoint, quand il y est arrivé, qu'il y venoit demander la paix, et qu'ilz luy ont tesmoigné qu'ilz y estoint disposés si nous la voulions demander, et que mesmes ilz defereroint beaucoup en cela à S.A.R.

Vous aves sceu que la nomination de M. le coadjuteur de Paris à la dignitté de cardinal feut accompagnée d'une lettre que S.A.R. escrivit en mesme temps en sa faveur à Sa Sainteté. On remarque que S.A.R. est despuis dans des grandes impatiances de sçavoir l'issue de cette affaire, laquelle fournit icy presque autant d'entretien dans les compagnies que la guerre de M. le Prince. Elle m'en a demandé fort soigneusement des nouvelles, aussy bien qu'à d'autres personnes qui en recoivent ordinairement, et a tesmoigné souhaitter extremement cette promotion, laquelle, selon les sentiments des plus speculatifs, seroit tres avantageuse pour les interestz de la Cour romaine, en la personne d'ung prelat qui est dans un poste où il pourroit aysement maintenir les droitz de l'Esglise et remettre le college en veneration parmy nous, par les grandz creditz qui [qu'il] s'est acquis. Tout le monde le souhaitte autant que S.A.R., souhaittant de le veoir cardinal, à la reserve des interessés dans le party de M. le Prince, lesquelz sont en fort petit nombre à Paris.

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Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653