Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/156/ De Paris du premier octobre 1652

Le 25 du passé, M. le Prince tomba malade d’un mal de teste qui l’a despuis retenu au lict, où il a esté seigné 4 fois; mais comme il n’a point de fievre, l’on croit qu’il sera bientost guery. Cette maladie le prit, heureusement pour luy, le mesme jour, parce que s’il feut retourné au camp, il ne pouvoit eschaper d’une embuscade qui luy avoit esté dressée par 60 chevaux vers Picquepuce [Picpus], demy lieue d’icy; dont il feut averty par un religieux, qui luy dit aussy qui [qu’il] se devoit deffier de ceux qui aprochoint sa personne de plus pres, et qu’asseurement ilz le vendoint; ce qui luy feut confiermé le 27 par M. Coulon, conseiller du Parlement, qui luy dit tout haut, et à S.A.R. aussy, que M. de Chavigny, le duc de Rohan, et Mme d’Esgullion le trahissoint, dont neamoings le premier s’en est justiffié, et non les deux derniers. Despuis cette maladie de M. le Prince, le duc de Lorraine s’est tousjours tenu au camp, jusques au 28 au soir, qu’il en revient, et y retourna le 29, au soir. Il y a 15 de ses colonnelz qui sont malades. M. de Turenne est tousjours pressé dans son poste de Villeneufve St George, d’où le deffaut de fourrage l’a obligé d’envoyer la melieure partie de sa cavalerie dans des quartiers de refraissisementz, en divers lieux deça la Seine.

Le mesme jour, 28, on surprit une lettre que l’abbé Foucquet escrivoit en Cour, par laquelle l’on descouvroit touttes les intrigues qu’il avoit menées icy, pour faire reeussir l’assemblée des bourgeois qui s’estoit tenue au Palais Royal, adjoustant d’autres moyens de la faire continuer, et que si l’on tenoit bon, l’on pourroit bien obliger M. le Prince à se relascher des interestz de MM. d’Augnon et de Marchin. S.A.R. ayant esté, en mesme temps, avertie qu’il y avoit, icy, quantité d’officiers de l’armée de M. de Turenne, et qu’il en devoit venir d’autres, pour se mettre en teste de ceux qui se voudroint mutiner en faveur de la Cour, revoqua tous les passeportz qu’elle avoit donnés, et deffendit à M. Goulas d’en deslivrer aucun, sans son ordre expres.

Le mesme jour, 28, Mme la douairiere d’Elbeuf mourut icy, à l’aage de 90 ans, et ayant laissé pres de 400 mille escus argent comptant, et 120 mille livres de rente, dont M. d’Elbeuf herite de la melieure partie.

La Cour arriva, le 28 au soir, de Mantes à Pontoise, où M. de Joyeuse St Lambert la suivit, pour attendre la response qu’elle luy doit faire sur les propositions de paix de MM. les princes, sur laquelle l’advis du cardinal Mazarin n’est pas encor venu; mais on attend le retour du sieur de Langlade, qui le doit apporter, ayant esté envoyé expres à Bouillon pour ce suject. Despuis, la Cour parle de venir à St Denys.

Hier, S.A.R. avoit despesché un courrier à la Cour, pour porter une lettre au duc d’Amville, et une autre à M. de Joyeuse St Lambert, par laquelle elle luy demandoit raison de son retardement; mais ce courrier estant arrivé aupres de St Denys, y feut volé par 10 cavaliers allemandz, on ne sçait de quel party ilz sont, lesquelles /156v/ [ont pris] ses despesches, son argent, son espée, et son cheval, sans le despouiller; ce qui fait croire que ce feut une piece faitte expres.

Les 6 corps des marchandz ayant obtenu, dès la semaine passée, les passeportz qu’ilz demandoint à S.A.R., partirent avant hier pour aller en Cour, où ilz demandoint la paix et le retour du Roy à Paris, avec des instance accompagnées de larmes, qui donnerent de tendresses à Leurs M., lesquelles leur doivent donner response par escrit aujourd’huy.

L’antien eschevin [Le Vieux] qui estoit allé en Cour, la semaine passée, avec le Procureur du roy [de la Ville], pour le mesme sujet, en revient avant hier, et rapporta aussy la response par escrit, laquelle luy feut donnée cachetté, apres une audiance dans laquelle on remarqua que cest eschevin dit qu’il ne voyoit point les espritz des Parisiens disposés, en aucune façon, à s’entrecouper la gorge, dans l’esperance que ce desordre contribuat au retour de Sa M., mais que si elle avoit la bonté d’y revenir, ilz estoint tous bien disposés à la recevoir en vrais et fidelz subjectz. On s’assembla hier au bureau de l’Hostel de Ville, pour veoir cette response du Roy; mais elle ne feut point ouverte, ayant esté jugé à propos d’attendre celle qui sera faitte aux 6 corps, et de remettre la desliberation à demain, afin de faire une assemblée generalle pour ce suject; et il n’y s’y passa autre chose, sinon que les nouveaux eschevins donnerent leur demission purement et simplement, qu’ilz n’avoint pas encor donnée, mais seulement promise.

Hier, au matin, M. le duc d’Orleans estant entré dans l’assemblée du Parlement, l’on y parla de l’affaire de M. de Beaufort; sur laquelle, apres avoir leu les nouvelles informations faittes à la requeste des Gens du roy, et observé les formalités ordinaires, on deboutta les lettres de remission qu’il avoit obtenues; et neamoings, attendu le cas resultant du proces, il feut renvoyé absous, en ausmonant 3 mille livres. Apres cela, l’on y leut une lettre que S.A.R. avoit receue de la Reyne, qui respondit à la sienne en termes generaux fort civilement, qu’elle estoit bien ayse de la veoir disposée à la paix, qu’elle y contribueroit de tout son possible, et que pour son particulier, elle luy donneroit tousjours des preuves de son affection. On en leut ensuitte deux autres, l’une de M. le Garde des Sceaux à M. Talon, qui ne contient q’ung compliment par lequel il l’invitte de venir à Pontoise, avec les autres officiers du Parlement; et l’autre de M. le Chancellier au mesme M. Talon, auquel il mande qu’on ne peut luy accorder des passeportz, que le Parlement n’aye obei, en se transferant à Pontoise.
On parle de racommoder M. le cardinal de Retz avec M. le Prince, et l’on y travaille fort.
On escrit de Pontoise, de ce matin, que la Cour parloit de retourner à Mantes.

M. de Guyse est arrivé icy cette apresdisnée; estant allé descendre en son hostel, a salué Madame sa mere, d’où il est allé veoir Mlle de Pons, et ensuitte M. le Prince, apres lequel il a visitté Leurs A.R. On asseure que la /157/ Cour a envoyé un passeport en Flandres à la comtesse de Bossu, pour le convier de venir icy.

M. de Joyeuse St Lambert est arrivé ce soir, à 10 heures, revenant de la Cour, sans apporter les passeportz qu’elle avoit promis pour le mareschal d’Estampes, et pour M. Goulas, quoy que S.A.R. et M. le Prince eussent plus accordé qu’on ne leur demandoit, lors que ses passeportz feurent promis. Le cardinal Mazarin l’a ainsy souhaitté; et pour s’exempter de tenir cette parole, il veut que S.A.R. signe auparavant certains articles dont le project a esté donné de M. de Joyeuse St Lambert, le contenu desquelz ne se sçait pas bien encor, ou que Sadite A. s’en aille elle mesme à la Cour, où on luy promet toutte seureté.

Le duc de Lorraine est aussy revenu du camp, presque en mesme temps, et a rapporté à S.A.R. qu’il estoit arrivé 7 ou 8 milliers de foin dans le camp du mareschal de Turenne, qui pourroit, par ce moyen, encor resister longtemps dans son poste; mais que si elle vouloit, il estoit tout prest d’attaquer les retranchementz de ce mareschal, et les forcer à decamper; sur quoy l’on a tenu conseil, mais la resolution est secrette.

/158/ De Paris le 4 octobre 1652

La response de la Cour qui feut donnée au sieur Le Vieux, antien eschevin, et Pietre, procureur du roy de la Ville, contenoit que le Roy avoit eu tres agreable d’aprendre les bonnes resolutions qu’on avoit prises, de restablir l’antien ordre dans Paris; qu’elle n’avoit point de plus grand desir que d’y revenir; que c’estoit pour ce subject qu’elle s’en estoit aprochée; mais que pour y estre receue avec le respect qui luy est deubt, elle vouloit qu’on n’y souffrit plus les chefz de la rebellion, qui avoint voulu faire esgorger les habitans de Paris, et qu’on empeschat les rebelles, pour toutes voyes, d’entrer dans les assemblées de Ville; approuvant, dès à present, tout ce qu’on entreprendroit pour venir à bout, et promettant d’assister de sa protection, de son authorité, et de ses armes, tous ceux qui contribueroint à l’execution de ses ordres, et mesmes de les recompenser.

Les 6 corps des marchandz estant arrivés à la Cour le 19, apres y avoir visitté et harangué MM. du Conseil, qui les remertierent tous, et leur promirent de contribuer à leur faire obtenir leurs demandes, ilz eurent audiance de Leurs M., ausquelles ilz demanderent la paix et leur retour à Paris, avec des instances accompagnées de larmes, qui donnerent de la tendresse à Leurs M., lesquelles ilz asseurerent qu’aussytost qu’elles s’aprocheroint jusques à St Denys, ilz sortiroint 100 de Paris, pour les aller recevoir. Elles leur promirent un prompt retour, à condition d’en faire sortir les chefs de la rebellion.

Le 2, les 6 corps des marchandz feurent au palais d’Orleans, où ilz rendirent conte à S.A.R. de ce qu’ilz avoint fait à la Cour. Elle les receut asses rudement, à cause qu’ilz avoint voulu y aller contre son sentiment; et quant à ce qu’ilz pretendoint de restablir le mareschal de l’Hospital dans le gouvernement de Paris, elle leur dit que c’estoit son ennemy, et qu’il falloit qu’elle sortit de Paris, ou qu’il n’y revient point.

Hier, au matin, le Parlement estant assemblé, et S.A.R. s’y estant trouvée avec M. de Guyse, elle dit que M. de Joyeuse St Lambert estoit revenu, sans luy apporter les passeportz qu’on luy avoit promis pour ses deputtés, mais seulement que le Roy vouloit qu’elle signat les propositions qu’elle avoit à faire, et qu’apres cela, on luy accorderoit les passeportz; que pour elle, elle declaroit derechef n’avoir autre proposition à faire au Roy, sinon qu’il luy plut accorder une aministie en bonne et deue forme, veriffiée au Parlement de Paris; sur quoy, il feut arresté que S.A.R. seroit remertiée de ses soins et bonnes intentions pour la paix et le bien de l’Estat, et supplié de les continuer, et d’escrire, /158v/ dès le mesme jour, au Roy, ce qu’elle fit; et l’arrest ayant esté publié par la Ville à son de trompe, elle mit sa lettre entre les mains de M. de Joyeuse St Lambert, qui l’envoya à la Cour, l’ayant adressé à M. Le Tellier, duquel il attend la response aujourd’huy; et le Parlement se doit assembler encor demain, pour y desliberer.

/160/ De Paris du 8 octobre 1652

Le duc d’Angoulesme, qui estoit prisonnier à Mourron, feut mis en liberté la semaine passée, son accommodement ayant esté fait à la Cour par le duc de Joyeuse, son gendre, à condition de n’avoir plus aucung commerce avec MM. les princes, de prester son regiment à M. de Mercoeur, et quelques autres conditions; moyenant lesquelles, on luy promet de le recompenser du gouvernement de Provence, pour lequel M. de Mercoeur a trouvé moyen de faire faire une deputation de la province au Roy, pour se faire demander, et pour supplier Sa M. de luy en accorder les provisions, offrant mesmes de donner une recompense honneste au duc d’Angoulesme.

Le premier du courant, la Cour establit les Requestes de l’Hostel à Pontoise, et le Parlement y veriffia les lettres patentes qui luy attribuent la cognoissance de touttes causes de la Chambre de l’edit. Le 2, le mesme parlement y veriffia d’autres lettres patentes, qui levent des modifications apportées en leur enregistrement de l’amnistie generalle, que la Cour avoit nagueres données, afin d’oster ce scrupule aux Parisiens. Le comte de Brienne y est retombé malade. Le marquis de Vassé a refusé le gouvernement de Casal, et n’est point party pour y aller. Le comte de Quinçay, qui va commander en qualité de lieutenant general, est encor à Pontoise, d’où la Cour parla encor de partir, à cause de la grande mortalité qu’il y a, et de revenir à St Germain; et parce qu’on en veoit point de disposition à la paix, on mande qu’elle a resolu d’aller passer l’hyver à Orleans, avec le mesme Parlement de Pontoise, et que les Guespins promettent de jetter dans Loire s’il y va.

Le duc de Lorraine et M. de Beaufort, estant arrivés à leur camp le 5, au matin, trouverent leur armée dans le poste de Villeneufve St George, que le mareschal de Turenne venoit de quitter; où il avoit trouvé 3 à 400 malades, qui y sont encor, du fourrage pour 4 jours, avec quantité de bled et de farine, et 400 pieces de vin, que les autres n’avoint peu emporter, à cause que le comte de Tavanes leur avoit fait rompre un de leur pontz sur la Seine, le debris duquel, en descendant, rompit aussy celuy de M. le Prince, qui ne feut pas asses tost raccommodé pour poursuivre leur arriere garde. Ce mareschal ayant esté camper à Corbeil, en fit partir son armée le 6, laquelle prit sa marche vers Melun, pour aller se metre à couvert de la petite riviere de Colommier, le long de laquelle il doit aller, jusques à Treilleport [Trilport], où il doit passer la Marne, pour tascher d’empescher la jonction du prince de Ligne, qui est encor vers Fismes. Sur cest advis, S.A.R. donna ordre, le soir du mesme jour, pour faire decamper son armée de Villeneufve St George, le lendemain au matin, afin de costoyer la Marne et observer la marche de ce mareschal; et pour cest effect, elle fit, dès le 6 au soir, commencer un pont sur cette riviere, au dessoubz de celuy de Charanton; mais il ne feut achevé qu’hier au soir, à cause que 6 batteliers de ceux qui y travailleoint /160v/ s’estoint noyés; et S.A.R. et M. le Prince n’y vouleurent pas faire passer leur troupe, dès hier au soir, parce que le duc de Lorraine, qui n’est pas satisfait de ce qu’ilz veulent faire leur paix particuliere, sans songer en mesme temps à la generalle, n’y veut pas faire passer les siennes, ayant resolut de les quitter, et de s’en retourner. Neamoings, ce duc confera, hier au soir, fort longtemps sur ce subject avec S.A.R., et parce que la Cour ne veut ny la paix ny revenir à Paris, qu’à des conditions qui tendant à la perte de MM. les princes, l’on croit qu’ilz seront bientost racommodés avec luy, s’ilz ne le sont desja.

Le 6, M. de Joyeuse St Lambert revient de la Cour, et n’alla point descendre au palais d’Orleans, s’en estant excusé sur son indisposition, jusques au lendemain. On dit qu’il avoit ordre de la Cour de veoir auparavant le duc de Lorraine, qui estoit aussy revenu du camp, le soir du mesme jour, d’où il avoit ramené M. de Beaufort, pour estre plus en seureté en sa compagnie, en entrant à Paris, à cause que le peuple crioit contre luy, d’avoir laissé decamper le mareschal de Turenne. Cepandant, le sieur de Joyeuse St Lambert envoya dire à S.A.R. qu’on luy avoit fait 3 propositions qui sont encor secrettes, mais que ce n’estoit pas la response qu’on luy avoit fait, laquelle on ne sçait pas encor, parce que l’on ne la luy avoit pas donné, mais seulement promis de la luy envoyer par escrit le lendemain.

Le Parlement s’estant assemblé le 3, et S.A.R. ne s’y estant pas trouvée, à cause que la response de la Cour n’estoit pas venue, l’on n’y fit autre chose que lire les informations faittes contre 2 portefais qui avoint crié dans la sale du Palais, à la precedente assemblée, "Vive le Roy, la paix, et point de princes"; mais on remit le jugement de leur proces, afin de n’alterer rien dans la negotiation de M. de Joyeuse St Lambert.

Hier, au matin, le Parlement estant assemblé, S.A.R. y dit que M. de Joyeuse St Lambert estoit revenu de la Cour, mais qu’il n’en avoit point raporté la response, n’ayant peu l’attendre à cause qu’il estoit malade, mais qu’on luy avoit promis de la luy envoyer hier, ce qu’on n’avoit pas encor fait; sur quoy, l’on jugea à propos de remettre la desliberation à jeudy prochain; cepandant M. Coulon proposa d’ouvrir et lire les lettres qu’on avoit interceptées, par lesquelles il paroissoit que MM. de Rohan, Chavigny, et Goulas trahissoint S.A.R. et M. le Prince; mais on n’eut point d’esgard à sa proposition, et on leut seulement les informations faittes contre les autheurs de la sedition qu’on avoit voulu esmouvoir par l’assemblée du Palais Royal, dont on remit aussy la desliberation à jeudy.

Le cardinal Mazarin est retourné de Bouillon à Sedan, où il continue ses levées de gens de guerre, en attendant l’ordre de la Cour pour revenir.

Ce matin, S.A.R. ayant eu advis que le mareschal de Turenne faisoit faire 50 casaques /161/ pour ses gardes en cette ville, les a envoyé saisir dans la rue St Honnoré, ches un tailleur, où il ne s’en est trouvé que 22, qui ont esté portées au palais d’Orleans; où toutte la matinée s’est employée à consulter avec le duc de Lorraine sur les moyens de le retenir, sans pouvoir rien resoudre; ce qui a obligé S.A.R. à luy dire qu’elle se resoluoit de s’en aller à Blois, si les Parisiens se resouloint de consentir au retour du cardinal Mazarin.

De Paris le xi septembre [octobre] 1652

M. de Joyeuse St Lambert ayant esté veoir S.A.R. le 8 de ce mois, luy declaira que la Cour ne vouloit point de paix avec elle, à moings qu’elle voulut s’accommoder avec le cardinal Mazarin, et qu’on l’avoit mesme chargé de luy en faire la proposition, promettant qu’en cas qu’elle s’y disposat, que ce cardinal en feroit le premier pas, et envoyeroit aussytost rechercher son amitié; à quoy elle luy respondit, en colere, qu’elle s’accommoderoit plustost avec un Turc, et que s’il revenoit avec la Cour dans Paris, elle se retireroit à Blois, et ne se tiendroit jamais aupres du Roy, tandis qu’il y seroit. Ledit sieur de Joyeuse part aujourd’huy, pour se retirer en sa maison en Champagne, malsatisfait de ce que la Cour, apres l’avoir chargé de porter des bonnes propositions à S.A.R. et à M. le Prince, lesquelles ilz avoint acceptées, l’a obligé de faire une declaration toutte contraire, apres l’avoir amusé si longtemps.

Le duc de Lorraine, apres avoir longtemps conferé avec M. le Prince et S.A.R., sur le suject de la marche de ses troupes, envoya ses ordres au camp, dès le 8, pour les faire passer la Marne, comme elles firent avec touttes les autres, sur le pont que S.A.R. avoit fait faire aupres de celuy de Charanton, jusques à hier, qu’elles en partirent pour aller vers Dammartin.

Le mareschal de Turenne n’est pas encor allé passer la Marne à Treilleport [Trilport], mais s’est campé entre Lagny et Meaux, au dela de cette riviere.

M. le Prince est guery de sa maladie, et commencea à sortir le 8 au matin. Il visitta S.A.R., et fait estat d’aller, dans 2 jours, conduire l’armée dans des quartiers d’hyvert. On croit que ce sera en Champagne ou Picardie, sans que les troupes se separent. Pour le duc de Lorraine, il veut conduire les siennes en Liege. Elles marcherent neamoings, encor hier, avec celles de MM. les princes, et feurent camper despuis Lagny jusques à Dammartin, tenant le costé deça la Marne, et celles de la Cour celuy de dela, despuis Lagny jusques à Meaux. Cepandant, la Cour ayant sceu que ce duc de Lorraine estoit en resolution de s’en retourner, et croyant qu’il voulut abandonner le party des princes, luy envoya, dès le 9, le commandeur de Souvré, pour luy offrir des passeportz et des routes, pour se retirer de France. En mesme temps, les mareschaux de Turenne et de Seneterre envoyerent offrir, à luy et à S.A.R., une suspension d’armes de 10 jours, sur laquelle ilz tiendrent hier un long conseil, dans lequelz ilz resoleurent /161v/ de l’accepter, et commencer apres demain, à condition que, pendant ce temps là, les armées pourront aller et venir où bon leur sembleroit, sans faire aucung acte d’hostilité, ny se prevaleoir d’aucung poste par force. On croit que M. le Prince pourra, par ce moyen, aller joindre le prince de Ligne. Quant à S.A.R., elle attendra que Madame soit accouchée, parce qu’elle est grosse du 9e mois, pour resoudre si elle se tiendra à Paris, ou bien ira à Blois; mais elle est bien resolue de se tenir tousjours unie avec M. le Prince, et de n’escoutter jamais la proposition qui luy a esté faitte de la part de la Cour, de s’accommoder avec le cardinal Mazarin,

Les advis de Barcelonne portent qu’on y avoit descouvert un magasin dans lequel les partisans d’Espagne avoint caché quantité de bled, qu’ilz avoint achepté pour reduire plus tost la ville à la fain; qu’on en avoit pris et fait prendre tous les complices; et qu’ensuitte on avoit resolu de faire vivre les 2 tiers de la ville à 3 onces de pain par jour, et l’autre tiers d’herbes pour un jour, apres lequel l’ung des 2 autres tiers vivroit d’herbes, et ainsy alternativement, un tiers apres l’autre; mais M. d’Alegre, mareschal de camp, a escrit que, sur la fin du mois passé, une grande tempeste ayant esloigné les vaisseaux d’Espagne qui estoint devant Barcelonne, touttes les barques qui estoint dans divers portz du costé de Rossillon [Roussillon] ont prit cette occasion pour se jetter dans le port de cette ville là, et y ont jetté des vivres pour 3 ou 4 mois. M. du Plessis Belliere est party de Guyenne avec 2500 hommes, pour y aller tenter le secours de la place; et M. de St André Mombrun est sorty de la province, et revenu dans le comté de Foix, avec 5 à 600, pour les y faire un peu refraischir, et apres les ramener en Guyenne; d’où l’on mande que M. de Sauvebeuf ayant esté avec 400 hommes dans les terres du comte de Lausun, pour l’obliger de force à quitter le party de M. le Prince, M. de Marchin luy avoit defait ces 400 hommes, et pris 22 officiers prisonniers; que Mme la Princesse est guerie, et que son second filz se porte bien.

M. de Guyse est encor icy, à veoir tous les jours Mlle de Pons. La comtesse de Bossu n’est pas encor arrivée.

M. de Chavigny feut si fasché de ce qu’on l’accusa, la semaine passée, d’avoir voulu trahir S.A.R. et M. le Prince, qu’il en tomba malade, et est mort ce matin à 4 heures. M. le Prince ne le voyoit plus, et le duc de Lorraine avoit remonstré à S.A.R. qu’elle ne devoit plus se servir de ses conseils, ny de ceux de MM. de Rohan et Goulas.

La Cour est partie ce matin, pour aller coucher à Mantes, d’où elle parle de venir à St Germain dans peu de jours. Elle attend la deputation qu’elle a souhaitté des colonnelz et cappitaines des quartiers de Paris, lesquelz s’estantz assemblés en leur particulier, on depputta 8 colonnelz, 2 cappitaines, et 2 lieutenantz de chasque quartier, /162/ avec un bourgeois de chasque compagnie colonnelle, pour aller en Cour, demander la paix et le retour du Roy; et pour cest effect, ilz attendent leurs passeportz, tant de la Cour que de S.A.R., qui fait difficulté de le leur accorder.

Hier, au matin, le Parlement estant assemblé, l’on y fit des grandes plaintes des desordres que faisoint les troupes de MM. les princes; sur quoy, l’on arresta que S.A.R., qui n’y estoit pas, seroit priée d’y venir prendre sa place aujourd’huy, pour y donner ordre. Ensuitte on parla de l’assemblée que les colonnelz des quartiers avoint faitte ches leur antien, laquelle feut improuvée, et ordonné qu’ilz s’assembleroint dans l’Hostel de Ville, pour y faire leur desliberation; et quoy que quelq’ungs feussent d’advis d’empescher que les colonnelz qui sont presidentz ou conseillers du Parlement, n’allassent en deputation à la Cour, de crainte qu’on les y retient, neamoings on remit cela à leur volonté. D’autres parlerent d’obliger M. de Beaufort à se demettre absoluement du gouvernement de Paris, afin qu’il ne se trouvat plus aux assemblées de Ville; mais il feut respondu à cela, qu’estant au camp, il ne pouvoit pas se trouver à celle qui venoit d’estre ordonnée, et qu’ayant declairé qu’il estoit prest de donner sa demission, il ne tiendroit pas à cela que les affaires ne prisent un train.

Ce matin, S.A.R. a envoyé faire ses excuses au Parlement, de ce qu’elle n’y pouvoit aller, estant occupée à desliberer avec son conseil, sur la suspension d’armes qui avoit esté proposée pour 10 jours; laquelle a esté entierement resolue, et que les troupes seroint bientost esloignées de Paris, sur quoy l’on a remis la desliberation à demain.

Le duc de Lorraine ayant voulu partir aujourd’huy, à midy, pour s’en retourner, et estant arrivé à la porte St Martin, le cappitaine qui y commandoit l’a refusé de le laisser sortir, sur ce que la datte du passeport qu’il avoit de S.A.R. estoit en blanc; et pendant qu’il contestoit là dessus, le bourgeois qui estoit en garde ayant commencé à murmurer contre luy, il a fait retirer les officiers qu’il avoit à sa suitte, les ungs apres les autres; et estant demeuré seul, il a suivy le St Sacrement, qui est venu à passer, allant ches un malade, où ce duc l’ayant accompagné, s’est tiré de cest embarras par une petite rue detournée, et est retourné seul, à pied, au palais d’Orleans.

De Paris le 15 octobre

Le 12 du courant, S.A.R. ayant eu advis que les antiens eschevins avoint receu une lettre de cachet, portant ordre de convoquer une assemblée à l’Hostel de Ville, pour le restablissement des antiens officiers, sçavoir du mareschal de l’Hospital et du Prevost des Marchandz, et que cette lettre de cachet estoit entre leurs mains despuis deux jours, sans qu’ilz en eussent donné part, comme c’estoit l’ordre de la Cour, envoya querir M. Le Vieux, l’ung desdits eschevins; lequel estant arrivé au palais d’Orleans, /162v/ M. de Beaufort le querella beaucoup de ce proceddé, et d’avoir convoqué cette assemblée sans en parler à S.A.R.; mais M. le Prince le gourmanda bien davantage, et de ce que, par ordre de la Ville, on avoit pris quelques chevaux apartenantz à ses troupes, et luy dit que s’il ne les luy faisoit rendre, ilz viendroint mettre le feu aux faubourgs de Paris. Cette assemblée ne laissa pas de se tenir le 12, à l’Hostel de Ville, où il feut resolu de restablir les antiens; mais ce feut à condition qu’ilz ne feroint aucune fonction de leurs charges, jusques à ce que la Cour auroit accordé l’amnistie generalle, telle que S.A.R. l’a souhaitté; à laquelle on en donna part le lendemain, au matin, et arresté que l’assemblée de Ville ce [se] tiendroit le 14, qui estoit hier.

M. d’Aligre, directeur des finances, arriva le xi, venant de la Cour, pour quelque negotation particuliere qu’on n’a encor peu penetrer; mais il se confierme que S.A.R., ne pouvant quitter icy Madame ny ses enfants, est obligée de faire son accommodement avec la Cour; ce qui s’est fait par l’advis et consentiment du duc de Lorraine et de M. le Prince, lesquelz partirent d’icy le 13, pour aller à leur armée, qui estoit encor jointe vers Dammartin, où les troupes de S.A.R. sont aussy. On remarqua neamoings qu’ilz ne partirent pas ensemble, et que M. le Prince estoit party une heure devant M. de Lorraine. S.A.R. avoit bien esté d’advis d’accepter la suspension d’armes offerte par les mareschaux de Turenne et de Seneterre, mais M. le Prince n’y a pas voulu consentir.

Hier, au matin, S.A.R. s’estant trouvée à l’assemblée du Parlement, y dit qu’elle avoit envoyé, dès le 12, un courrier à la Cour, pour porter à M. le duc d’Amville la derniere declaration qu’elle avoit faitte à la Compagnie, mais qu’elle n’en avoit point encor de response, son courrier n’estant pas de retour, et qu’elle l’attendoit; qu’elle avoit donné ordre pour faire esloigner les troupes, et qu’elles estoint desja à 10 lieues de Paris; qu’elle pouvoit asseurer la Compagnie que M. le Prince estoit party avec les mesmes intentions et la mesme volonté qu’il avoit eu jusques icy, d’executter touttes les parolles qu’il avoit données, et touttes les declarations qu’il avoit faittes à la Compagnie, lors que la Cour voudroit faire ce qu’on avoit souhaitté d’elle. Ensuitte, M. de Beaufort ayant pris la parolle, dit que comme il n’avoit accepté de S.A.R. la lieutenance de son armée, et le gouvernement de Paris, que pour le service du Roy, qu’il se demettoit de l’ung et de l’autre, afin que cela n’apportat aucung obstacle à la paix, et protestoit de n’avoir jamais d’autre intention que le service du Roy, et de n’en avoir jamais d’autre; dont la Compagnie le remertia par la bouche du president de Nesmond, qui luy dit que quant il n’auroit pas fait cette declaration, la Compagnie avoit tousjours eu asses de preuves de ses bonnes intentions, pour n’en douter point. Sur quoy, l’on remit l’assemblée à demain, pour desliberer sur la response qu’on attend de la Cour.

L’assemblée generalle de Ville ce [se] tient hier, au matin, et confierma la resolution qui avoit esté prise, de restablir le mareschal de l’Hospital et le Prevost des Marchandz.

/163/ L’armée de MM. les princes marcha hier, mais elle ne fit que 2 lieues. Elle est encor vers Dammartin.

L’on fit, hier, courir le bruit que S.A.R. s’en alloit trouver la Cour à St Germain, et qu’elle avoit fait son accommodement; mais ce bruit c’est [s’est] trouvé faux, estant certain qu’elle n’a pas songé d’aller à la Cour, mais bien à faire son accommodement, touchant laquelle elle a conferé avec M. d’Aligre, qui est maintenant le negotiateur; et l’on asseure que, pour cest effect, on doit envoyer icy, aujourd’huy, les passeportz pour le mareschal d’Estampes et pour M. Goulas, et qu’hier, au soir, S.A.R. confera avec M. le president Viole, touchant les propositions que ces 2 deputtés y doivent faire pour les interestz de M. le Prince. M. de Beaufort et M. de Rohan se sont encor abouchés avec elle ce matin, pour les leurs.

Les colonnelz des quartiers doivent partir aujourd’huy, pour aller en Cour; et à cette fin leur rendevous est donné à Ruel [Rueil]; mais parce qu’elle avoit promis d’estre, hier au soir, à St Germain, et qu’elle n’y est pas encor arrivée, leur despart n’est pas aussy tout à fait asseuré pour aujourd’huy. Cette deputation sera de 250 hommes.

P. S.
Les colonnelz des quartiers sont partis, et sont allés attendre à Ruel les ordres de la Cour, laquelle ne parle pas encor de venir demain à St Germain. Elle doit envoyer demain les passeportz pour le mareschal d’Estampes et pour M. Goulas.

du 18

Le 14 du courant, S.A.R. ayant conferé avec M. d’Aligre touchant l’accommodement qui avoit esté proposé, celuy cy luy fit esperer, suivant l’ordre qu’il avoit, qu’elle recevroit, le lendemain, les passeportz du Roy pour le mareschal d’Estampes et pour M. Goulas; mais les passeportz ne viendrent point, la Cour ayant pris d’autres resolutions.

Le 15 le colonnelz et autres officiers des quartiers partirent d’icy, pour aller à la Cour, demander la paix et le retour du Roy, et feurent coucher à Ruel, où estoit leur rendevous, et où ilz avoint ordre d’attendre des nouvelles de la Cour, qui estoit encor à Mantes; laquelle n’arriva qu’hier à St Germain, et leur envoya ordre d’y aller prendre leur audiance, comme ilz ont fait. Cette deputation est de 250 hommes. Ilz ont esté traittés splendidement, les prouvisions de poissons y ayant esté portées pour cest effect ce matin.

Le soir du mesme jour, 15, le courrier de S.A.R. revient de la Cour, avec une lettre du Roy, servant de response à celle qu’elle luy avoit escritte, en luy envoyant la derniere declaration qu’elle avoit faitte au Parlement. Par la mesme voye, elle eut nouvelles qu’on luy refusoit à present les passeportz que M. d’Aligre luy avoit fait esperer, et qu’on s’estoit ravisé là dessus, dès qu’on avoit veu qu’elle estoit obligée de s’accommoder, et que la deputation des colonnelz des quartiers de Paris estoit partie. On luy manda mesmes que la Cour desadvouoit M. de Joyeuse St Lambert, des parolles qui [qu’il] luy avoit portées.

Le mesme jour, la comtesse de Bossu arriva icy, incognita, et s’enferma dans un couvent de religieuses, où elle est encor, n’ayant fait aucune visitte.

/163v/ Le 16, au matin, le Parlement s’estant assemblé, et S.A.R. y estant, y leut la lettre que son courrier avoit apporté de la Cour le jour precedent, laquelle contenoit beaucoup de reproches qu’on faisoit à S.A.R., d’avoir donné ses troupes à M. le Prince; de n’avoit point desarmé; de ce que les Espagnolz sont encor jointz à ses troupes, et qu’il en vient d’autres pour desoler la Champagne et la Picardie; à quoy elle adjouste que le Roy a donné l’amnistie en bonne forme, veriffiée en son Parlement de Paris, seant à Pontoise, Sa M. ne voulant pas autoriser ceux qui pretendent tenir ce parlement dans Paris, où ilz sont encor dans l’opression; apres quoy S.A.R. ayant dit qu’elle esperoit de recevoir des melieures nouvelles de la Cour dans aujourd’huy, l’assemblée feut remise à sabmedy, qui est demain.

L’armée de MM. les princes ayant marché aux environs de Dammartin, et pillé tous les lieux où elle a passé, en partit le 14, et feut coucher à Nanteuil, d’où elle alla coucher le 15 à La Ferté Milun [Ferté-Milon], le 16 à Fismes, d’où elle doit poursuivre son chemin jusques à la jonction du comte de Fuelsendaigne. Le duc de Lorraine est encor joint avec M. le Prince; le duc de Vittemberg et les troupes de S.A.R. y sont aussy, commandé par de Valon, soubz le prince de Tarante, M. de Beaufort estant demeuré icy. Le mareschal de Turenne ayant apris que l’armée de MM. les princes estoit partie de Dammartin, fit passer la Marne à la sienne, à Treilleport [Trilport], et despuis suivy l’autre de 2 lieues pres, mais le regiment de Cravates du mareschal de Seneterre, qui estoit de 120 maistres, y a esté defait entierement.

Les eschevins sont partis ce matin, pour aller à la Cour, supplier le Roy de vouloir accorder l’amnistie generalle, dans la forme que la souhaitte S.A.R., qui leur a donné passeport, apres qu’ilz luy en ont donné parolle, et pour asseurer Sa M. qu’ilz estoint prestz de restablir, apres cela, le mareschal de l’Hospital, le Prevost des Marchandz, et le Lieutenant Civil.

L’on asseure que le duc de Rohan, et quelques autres, n’ayant peu persuader à S.A.R. d’aller à la Cour, l’on la voulu persuader d’aller passer 2 ou 3 jours à Limours, apres lesquelz elle pourroit venir trouver le Roy icy, qui y viendroit pendant ce temps là; mais ilz n’ont jamais peu la faire resoudre à quitter Paris, ne croyant pas de trouver de seureté allieurs. On mande de la Cour que le cardinal Mazarin n’empeschera pas qu’elle vienne icy, lundy ou mardy prochain.

/164/ De Paris le 22 octobre 1652

La comtesse de Bossu arriva icy le 15 du courant, et s’enferma dans un couvent de religieuses du faubourg St Germain, où elle demeura, sans sortir, jusques au 18 au soir, qu’estant venue au palais d’Orleans, Madame la receut en qualité de duchesse de Guyse, et luy donna le tabouret pendant qu’elle estoit dans la chambre de Madame. Le duc de Guyse survient dans ce palais, ce qui obligea Madame de passer dans son grand cabinet, et cette duchesse demeura dans sa chambre, avec Mademoiselle, qui peu apres l’amena dans ce cabinet, et où elle se jetta aux piedz de Madame et de M. de Guyse, qui feut bien surpris de cette rencontre. Elle luy demanda justice, et il luy respondit seulement, quoy que bien empesché, qu’il y avoit des nullittés dans ce mariage, lesquelles il falloit lever auparavant; apres quoy, il dit à Mademoiselle qu’elle l’avoit extremement desobligé, et que cest affront l’obligeroit de ne mettre jamais le pied ches elle, et sortit là dessus fort en colere; mais il aura bien de la peyne à s’en defaire, toutte la Cour estant contre luy, et Mme de Guyse mesmes, la douairiere, laquelle a fait preparer un apartement dans son hostel à sa belle fille.

Les deputtés des colonnelz ayant esté receus le 18 à St Germain, et presentés par le mareschal de l’Hospital, M. de Seve y porta la parolle, et tesmoigna le desir que tout Paris avoit de reveoir son souverain, le supplier de vouloir revenir, d’accorder une amnistie dans laquelle chacung peut trouver sa seurté, et de reunir le Parlement, et louant fort la conduitte de la Reyne, et le soing qu’elle prenoit de l’education du Roy; à quoy le Roy respondit luy mesmes, qu’encor que les revoltes qu’on avoit suscités à Paris la deussent obliger d’aller faire d’autres voyages, que neamoings le desir que ses bons bourgeois luy tesmoignoint de le reveoir, l’avoit fait resoudre de retourner à Paris au premier jour, pour y tesmoigner l’affection qu’il avoit pour la capitale de son rouyaume; et qu’il donnoit ordre au Prevost des Marchandz touchant ce qu’il faudroit faire pour sa reception; apres quoy les deputtés feurent traittés à disner dans le vieux chasteau, et le soir retournerent coucher à Ruel, d’où il reviendrent le lendemain, avec le mareschal de l’Hospital, le Prevost des Marchandz, et le Lieutenant Civil; et ce mareschal dit qu’il apportoit l’amnistie telle que S.A.R. l’avoit souhaitté; mais on ne l’a pas encor veue paroistre, et confierme le retour du Roy, qui logeroit dans le Louvre, qu’on preparoit d’abord pour cest effect, et où Sa M. manda le Parlement de Pontoise, et tous les officiers de celuy de Paris, pour les reunir, ayant envoyé à cette fin une lettre de cachet en particulier, afin de ne recognoistre point de parlement icy, et faire veriffier l’amnistie, avec ordre de s’y trouver en robes rouges, le Roy y voulant tenir son lict de justice.

Mademoiselle receut, le 18, une lettre du Roy, qui luy mandoit de deloger de l’apartement qu’elle avoit dans le pavillon des Tuilleries, n’y ayant point d’autre logement propre pour le petit Monsieur dans le Louvre, à quoy elle fit response, de sa main, qu’elle estoit preste d’obeir; et le 20 elle sortit, et feut loger ches Mme la comtesse /164v/ de Fiesque la jeune. On luy avoit offert l’hostel des ambassadeurs extraordinaires, proche le palais d’Orleans, en remboursant au duc d’Amville 25 mille escus qui [qu’il] luy a cousté, ou mesmes d’y loger en attendant qu’elle eut trouvé un melieur logement; mais elle n’a point voulu prendre un logis qui eut servy à des particuliers. Elle a envoyé un courrier à M. le Prince, pour le prier de luy prester l’hostel de Condé, en attendant qu’elle en aye un autre. Le roy et la reyne d’Angleterre sont allés loger au Palais Royal.

Le 19, au matin, le Parlement estant assemblé, S.A.R. y dit que le duc d’Amville luy avoit mandé qu’il n’avoit peu obtenir ny passeportz pour le mareschal d’Estampes et pour M. Goulas, ny amnistie, et que le Roy arriveroit icy lundy ou mardy; qu’on insistoit toujours à vouloir qu’elle sortit de Paris, mais qu’elle asseuroit la Compagnie qu’elle n’en sortiroit point, et qu’elle ne se separeroit jamais des interestz du Parlement; sur quoy, le president Molé ayant voulu faire desliberer, et quelques autres estant d’advis de donner arrest portant qu’elle seroit priée de ne sortir pas d’icy, elle dit qu’il n’estoit pas besoing de donner arrest pour cela, et qu’apres la parolle qu’il en donnoit si solonellement, il ne luy seroit pas advantageux que les registres demeurassent chargés; et l’on arresta seulement qu’on tesmoigneroit au Roy la joye de son retour, et que S.A.R. seroit suppliée d’escrire à Sa M., et de luy renvoyer M. d’Aligre, pour la prier d’envoyer l’amnistie, et luy tesmoigner qu’elle augmenteroit le contentement de son retour. En suitte de quoy, M. d’Aligre partit l’apresdisnée, pour cest effect, et pour parler de l’accommodement de S.A.R., et proposer des moyens d’y comprendre M. le Prince, auquel on auroit peu donner 15 jours ou 3 semaines, pour l’accepter ou refuser.

Le 20, M. de Chasteauneuf estant revenu de St Germain, feut veoir S.A.R., et confierma que la Cour seroit icy le lendemain, qui estoit hier, et qu’elle vouloit bien luy accorder l’amnistie dans la forme qu’elle avoit souhaitté; mais que le Roy vouloit qu’elle feut veriffié en sa presence aujourd’huy, dans le Louvre, en reunissant le Parlement; à quoy les conseillers qui sont demeurés à Paris ne pouvoint consentir, disant que c’estoit une chose innouye et sans example, et que n’estant en seurté qu’apres la veriffication de l’amnistie, ilz ne devoint pas se commettre auparavant d’aller au Louvre. Cependant, on pressa fort S.A.R. d’aller au devant du Roy; mais elle ne voulut jamais se resoudre à autre chose que d’y envoyer le mareschal d’Estampes, pour faire ses complimenz, et ne veut pas mesmes aller au Louvre, qu’apres la veriffication de l’amnistie.

Hier, au matin, le Parlement estant assemblé, pour desliberer s’il devoit aller ce matin au Louvre, il y a eut des grandes contestations là dessus, principalement à cause qu’il se trouve qu’il y en avoit xi de la Compagnie qui n’avoint point receu des lettres de cachet pour y aller, sçavoir, les presidentz de Thou, de Viole, MM. Broussel, Pithou, Lallement, Portal, Machau, Croissy Fouquet, Brisart, Genou, et Martineau. L’on representa qu’il n’y avoit pas d’aparence que la Cour y /165/ procedda de bonne foy, qu’il sembloit qu’elle vouloit proscrire ceux cy, et qu’ainsy il n’y avoit point de seurté d’aller au Louvre. S.A.R. protesta derechef à la Compagnie de ne l’abandonner point; et enfin l’on suivit l’advis de M. de Cumont, qui feut d’aller au Louvre, et neamoings d’envoyer auparavant des deputtés à MM. le Chancellier et Garde des Sceaux, pour leur demander le suject pour lequel on n’avoit point envoyé des lettres de cachet aux xi officiers, pour se trouver à cette assemblée, et pour les prier de leur en procurer, comme aux autres.

L’apresdisnée, le duc d’Anville arriva au palais [d’Orleans], où il porta l’ordre du Roy à S.A.R. de sortir de Paris, et d’aller à Limours; autrement que Sa M., qu’il avoit laissé au Bois de Boulogne, viendroit tout droit dans ce palais, pour le mettre dehors; à quoy Sadite A., apres avoir consulté M. de Rohan et quelques autres de sa maison, fit response qu’elle obeiroit volontiers, protestant que comme elle n’avoit rien tant souhaitté que le Roy, elle n’aporteroit jamais aucung obstacle au repos que Sa M. vouloit donner à ses peuples, et qu’elle s’en rejouiroit aussy bien dehors que dedans Paris. Cette response ayant esté faitte par escrit au duc d’Anville, il la feut porter au Roy, qui l’attendoit en la Maison Blanche, pres dela le Cours de la reyne, et où on tient Conseil là dessus; et ce duc renvoya dire à S.A.R. que si elle y alloit trouver le Roy, son affaire s’accommoderoit; mais elle ne s’y voulut pas fier, et respondit qu’elle aymoit mieux s’en aller. Cepandant, Mademoiselle estant venue au palais d’Orleans, feut fort surprise de veoir S.A.R. dans cette resolution; et apres en avoir querellé le duc de Rohan, elle protesta que, pour elle, [elle] ne sortiroit point de Paris, quelque ordre qu’il y en eut.

Sur les 7 heures du soir, le Roy arriva à cheval, à la clarté des flambeaux, par la porte St Honnoré, parmy une grandissime foule de peuple, dont les cris de "Vive le Roy" l’accompagnerent jusques dans le Louvre, le corps de Ville luy ayant esté au devant, jusqu’à [blank].

Leurs M. estant au Louvre, Mme d’Esgullion, qui avoit esté employée dans la negotiation de l’accommodement de S.A.R., feut trouver la Reyne, pour luy en parler encor; mais Sa M. ne luy tient que des discours pleins de reproches contre Sadite A.

La garde qui ce [se] faisoit aux portes de Paris cessa le 20, apres le retour de la deputation des colonnelz. L’on a osté le gouvernement de la Bastille au filz de M. de Broussel, et l’on y a mis M. Drouet, cappitaine aux gardes, pour y commander.

S.A.R. est partie ce matin, avec ses officiers, pour aller à Limours, où Madame la doit suivre avec les petites princesses ses filles.

M. le Prince et M. de Lorraine sont encor jointz ensemble vers Fismes, et ont encor les troupes de S.A.R., desquelles, et des siennes aussy, M. le Prince a declairé general le prince de Tarante; ce qui a obligé le comte de Tavanes et le baron de Clinchamps à quitter le service, n’ayant voulu obeir au prince de Tarante. Celles de M. de Turenne soit encor aupres de Senlis.

/165v/ La Reyne a mandé ce matin à Madame, que le Roy luy permettoit volontiers de demeurer à Paris, pour y faire ses couches, et apres se retirer où elle voudroit.

On a envoyé ordre ce matin à Mademoiselle, de se retirer à Blois; mais elle s’est despuis cachée si bien qu’on ne sçait où elle est. Le mesme ordre a esté aussy envoyé à Mme de Chastillon, et à Mme la comtesse de Fiesque la jeune.

L’on remarqua hier, au soir, que le Roy, passant au Cours, et ayant aperceu quelques personnes qui portoint des fusilz, les leur fit oster; que touttes les 30 compagnies des gardes sont venues avec luy, renforcées des soldatz pris dans les regimentz de Piedmont, la Marine, et Rambures, en sorte qu’il y a pres de 1500 hommes, dont on en tient environ 100 en garde, à la porte de la Conference; et que Sa M. veut que touttes les chaisnes qui sont dans les rues de Paris soint ostées.

Les officiers du Parlement de Paris, tant ceux qui estoint à Pontoise que ceux qui estoint icy, sont allés ce matin au Louvre, tous, à la reserve de xi qui n’avoint point eu des lettres de cachet. Estant arrivés, on leur a presenté l’amnistie, laquelle s’est trouvée en bonne forme, et generalle pour tout le monde, jusques à y comprendre le comte d’Augnon, qu’elle restablit dans ses biens; mais on y avoit adjousté que S.A.R. viendroit dans 3 jours, et M. le Prince dans 8, pour faire leur declaration, qu’il renonce à touttes ligues, associations, et traittés qu’ilz pourroint avoir fait avec les ennemis de l’Estat. Sur quoy la Compagnie ayant desliberé, et arresté que l’amnistie seroit enregistrée, ayant representé que ce n’estoit pas asses de ne donner que 3 jours à S.A.R., et 8 à M. le Prince, l’on en a donné 8 au premier et 15 au second. Ensuitte, le Roy, qui n’avoit point encor paru dans cette assemblée, y est entré, et a dit que M. le Chancellier diroit ses intentions à la Compagnie.

 Aussytost, celuy cy a presenté une declaration du Roy, portant cassation de tout ce qui s’est fait despuis 2 ans dans le Parlement, mesmes de la reception du duc de Rohan à la dignité de duc et pair, exceptés les arrestz donnés pour les affaires des particuliers; deffenses au Parlement de plus s’assembler desormais, que du consentement du Roy, et à tous les conseillers et presidentz de se mesler des affaires d’Estat, ny de recevoir aucune pension d’aucung prince, sans permission de Sa M.; et ordre au 11 qui n’avoint point esté appellés à cette assemblée, et à MM. de Beaufort, de Rohan, de la Rochefoucaut, de la Boulaye, Penis, tresorier de France, de sortir de Paris dans 24 heures; ce que la Compagnie a esté obligée de faire enregistrer, M. le Chancellier ayant obligé touttes les voix, l’une apres l’autre, pendant que chascung haussoit les espaules, et qu’on les voyoit tous dans une consternation estrange.

/166/ De Paris du 25 octobre 1652

Despuis que Mademoiselle fit la piece à M. de Guyse, de luy presenter la comtesse de Bossu dans le palais d’Orleans, il n’y est plus retourné; et dès le lendemain, il songea à s’accommoder avec la Cour, comme il fit, et se trouva à la suitte du Roy, lors qu’il entra dans Paris.

La Reyne a fait preparer un apartement pour le cardinal Mazarin dans le Louvre, et l’on remarqua, le 23, qu’elle commanda qu’on y fit des chassis.

Le gouvernement de la Bastille a esté donné à M. de Vennes, et non a M. Drouet.

Le 22 l’on chercha fort Mademoiselle, pour luy porter l’ordre de la Cour de sortir de Paris, mais l’on ne sceut la trouver; et despuis, elle s’est si bien cachée, que l’on n’a peu decouvrir là où elle est. Elle envoya son train, le 23, dans sa maison du Bois le Viconte, 4 lieues d’icy, et le bruit court qu’elle y est allée aussy, mais on ne le croit pas à la Cour, où l’on dit qu’elle est encor cachée dans Paris.

M. de la Rochefoucaud ayant fait representer à la Cour, par le sieur Vilot, premier medecin du roy, qu’il est en grand danger de perdre un oeil s’il sort, à cause qu’il y a une cataracte, a obtenu permission de demeurer encor 2 mois icy, apres avoir donné parolle de ne se mesler de rien.

Le 23, au matin, M. le duc d’Amville partit d’icy, pour aller trouver S.A.R. à Limours, et luy faire des propositions d’accommodement, lesquelles on n’a pas peu penetrer; mais s’il est vray, comme l’on dit, qu’elle tendent à l’obliger de s’accommoder avec le cardinal Mazarin, et de se desunir d’avec M. le Prince, on ne croit pas qu’elle les accepte, ayant protesté qu’elle aymoit mieux se retirer à Blois, où elle parle d’aller lundy prochain. Neamoings, ce duc est encor à Limours, où il la sollicitte là dessus. M. Goulas y alla; et y estant arrivé, y feut asses mal receu, M. de Beaufort, qui y est, l’ayant querellé d’avoir dit des choses autrement qu’elles n’estoint, pour l’obliger à sortir de Paris, et le comte de Bury y ayant aussy prié S.A.R., de la part de Madame, de se defaire de ses mauvais serviteurs. Cepandant, les bourgeois tesmoignent du mescontentement de la Cour, de ce qu’elle monstre d’abord tant de violence.

Le 14 on envoya des gardes à la comtesse de Fiesque, qu’on accusoit de ne laisser pas de continuer ses caballes dans Paris, nonobstant sa maladie. L’on en a aussy mis dans l’hostel de Condé, pour empescher qu’il ne s’y fasce des assemblées pour M. le Prince. Les droitz des entrées de Paris feut hier restably aux portes. M. le cardinal de Retz a esté 2 ou 3 fois au Louvre, despuis le retour de Leurs M., qui l’y ont bien receu.

Le mareschal de Turenne partit hier d’icy, pour aller faire decamper son armée des environs de Senlis, comme il a fait ce matin, ayant marché vers La Ferté Milon, afin d’observer celle de M. le Prince, qui est vers Marle, où il se doit /166v/ aboucher avec le comte de Fuelsendaigne. Cependant, il y a 15 à 16 mille hommes effectifz, prestz à faire l’entreprise qui sera concertée entre luy et ce comte. L’on asseure qu’il a escrit à S.A.R., la priant de s’accommoder avec la Cour, luy declarant que, pour luy, il ne peut point faire sa paix sans la generalle.

On escrit de Bruxelles, du 21, que les provinces de Flandres estoint touttes disposées de contribuer des bonnes sommes d’argent, pour l’exempter du quartier d’hyver, moyenant quoy le comte de Fuelsendaigne, devant que partir de Valentiennes, leur avoit promis de faire hiverner toutte son armée en France; que l’Archiduc estoit malade d’une fievre tierce, à Tournay.

Ce matin, Madame ayant esté avertie que le comte de Brancas estoit dans le jardin du palais d’Orleans, avec un nommé Cottereau, et un autre nommé Brasille, et qu’il y attendoit un autre nommé de Noyers, pour s’aller battre en deuil [duel], les a fait arrester tous 3, et renvoyés au mareschal de l’Hospital pour les accommoder.

De Paris du 29 dudit

Dès la premiere proposition d’accommodement que le duc d’Amville feut porter à S.A.R. à Limours, elle luy respondit que ce ne seroit faire la paix qu’a demy, si on ne la faisoit qu’avec elle, et demanda du temps pour en escrire à M. le Prince, pour sçavoir s’il vouloit aussy s’accommoder. En mesme temps, elle en envoya avertir le president Viole, qui en escrivit aussytost à M. le Prince, et feut à Limours le 28, pour conferer avec Sadite A.; laquelle, apres cela, demeura d’accord de signer l’amnistie, laquelle est beaucoup plus ample, et en d’autres termes que celle qu’on a publié et qu’on veoit imprimée; mais S.A.R. n’a point voulu faire de traitté particulier, ny revenir à Paris, parce que le cardinal Mazarin y revient; en suitte de quoy, ce duc s’en revient le mesme jour, 26, avec M. Goulas, et y retourna le 27, au matin, avec M. Le Tellier, qui luy porta l’amnistie, pour la signer; et l’apresdisnée, le Roy, la Reyne, et le petit Monsieur envoyerent chacung un gentilhomme au palais d’Orleans, pour se conjouir avec Madame de cest accommodement de S.A.R., laquelle doit partir aujourd’huy pour aller à Chartres, d’où elle ira à Orleans, et de là à Blois, jusques à ce que les affaires ayent changé de face. Le duc de Rohan, qui est aussy à Limours, et qui a esté tousjours de l’advis de M. Goulas, suit la fortune de Sadite A.; et l’on croit que MM. de Beaufort, de Bury, et Fontrailles, qui y sont aussy, iront trouver M. le Prince.

Mademoiselle n’est point à Bois le Vicomte, et l’on ne sçait où elle est, quoy que le bruit aye couru qu’elle feut allé trouver M. le Prince. Son train, s’en allant le 23 à Bois le Vicomte, feut attaqué par un party d’Allemandz du mareschal de /167/ Turenne, qui volerent 500 louys d’or à M. de Prefontaine, son secretaire, qui les avoit receu d’elle pour la despense de sa maison.

On escrit de Sedan, du 20, que le cardinal Mazarin a pensé estre pris par un party d’Espagnolz qui luy avoint dressés une ambuscade aupres de Bouillon; que sur ce pretexte, il estoit revenu à Sedan, d’où il devoit partir le lendemain, pour venir à Paris. Le mareschal de Turenne est allé au devant de luy avec son armée, pour le ramener en seurté, et le mareschal de Seneterre partit hier d’icy pour le mesme effect. Il est attendu dans 8 ou 10 jours. Le Roy ira au devant de luy.

M. de Vauguyon, pere du feu marquis de St Maigrin, feut receu, la semaine passée, dans la charge de capitaine des chevaux legers du roy.

Mme de Montbazon feut vollé, il y a quelques jours, à la Croix du Tiroir, revenant de veoir la marquise de la Boulaye, par 7 ou 8 filoux qui arresterent son carrosse, apres avoir esteint le flambeau qui la conduisoit, et luy prirent son mouchoir de col, qui valoit 400 livres, et une bague de 200 livres, et le manteau de son escuyer.

M. le duc d’Amville et M. Le Tellier reviendrent, hier au soir, de Limours, avec M. Goulas, apres avoir fait signer l’amnistie à S.A.R., et fait une espece d’accommodement avec elle, de parolle seulement, sans avoir signé aucune chose; dans lequel elle avoit fait comprendre Mademoiselle et les autres dames, amies de celle cy, M. de Beaufort, de Rohan, de Bury, de Fontraille, et les conseillers du Parlement qui ont esté exilés, à la reserve du president de Viole (partie desquelz sont sortis de Paris, et les autres qui y sont encor). Ilz ont la mesme liberté que S.A.R., de revenir à Paris ou d’aller en tel lieu du rouyaume que bon leur semblera; et l’on a offert à M. de Beaufort 100 mille livres pour son desdommagement, mais il les a refusés, comme S.A.R. a refusé de revenir à Paris. Elle a consenty que le comte de Rouvre tient les Estatz en Languedoch en sa place; et quant à ses troupes, elle a obtenu qu’elles ne serviroint qu’en Italie ou en Catalougne, et qu’on leur donneroit cependant des quartiers d’hyvert en Languedoch.

Quand à M. le Prince, qu’elle luy pourra envoyer, tant pour ce sujet que pour celuy de cest accommodement, un gentilhomme pour l’en avertir. A ceste fin, elle a nommé M. Gidouin, cornette de ses gendarmes, lequel doit partir demain, pour l’aller trouver.

M. le Prince s’aboucha, il y a 4 jours, avec le comte de Fuelsendaigne, et renouvela son traitté avec luy.

S.A.R. a mandé Mademoiselle qu’elle retournat à la Cour, mais on ne sçait où elle est, quoy qu’on asseure qu’elle a passé à Chasteau Tierry [Chateau-Thierry], il y a 4 jours qu’elle est à Reins [Reims].

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