Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/87/ [Hand # 5] De Paris le 3 septembre 1649

M. le duc d'Orleans n'estoit allé à Limours la semaine passé qu'à cause qu'il ne vouloit pas accorder à M. le Prince le rang qu'il pretendoit à la cavalcate que le Roy fit à St Louis des Jesuittes, et S.A.R. estant icy de retour tesmoigna estre mescontente de ce qu'en son absence M. le Prince avoit pris le rang qu'il avoit voulu, mais on ne sçauroit dire quel rang il eut en cette occasion, parce qu'il alloit tantost devant le Roy, tantost derriere, et tantost à son costé droit. M. le prince de Conty en faisoit le mesme du costé gauche de Sa M., et l'on remarqua qu'ils allerent presque toujours devant. Mais ce mescontentement n'a point esclaté.

S.A.R. fust encore mescontente à son retour contre les Carmelites du fauxbourg St Jacques sur ce que, dans le temps qu'elle estoit à Limours, elles receurent une des filles d'honneur de Madame nommée Mlle de Saugeon, que S.A.[R.] aimoit fort, laquelle s'y rendit religieuse et depuis n'en a point voulu sortir, quelques instances qu'on luy en ayt faites, ce qui a faict resoudre ses freres et autres parens de presenter requeste au Parlement pour demander qu'elle soit mis hors du couvent comme ayant esté subornée par les Carmelites pour avoir son bien.

Le 28 du passée M. l'abbé de la Riviere eut advis de Rome que le bailly de Valencey retardoit sa promotion, dont il tesmoigne estre fasché contre M. le Cardinal, qui luy envoya dire aussytost par M. de Lionne qui c'estoit contre les ordres, que S.E. souhaitoit cette promotion plus que luy, et qu'elle en escriroit de la bonne sorte au bailly de Valencey, ce qui a faict que ce mescontentement n'a point faict d'eclat non plus que les precedens.

Le mesme jour les deputez de Bourdeaux qui avoient rendu leurs lettres au Parlement deux jours auparavant furent voir M. le Cardinal pour se plaindre contre le duc d'Espernon. S.E. leur dit qu'elle seroit bien aise de les servir en tout ce qu'elle pourroit, mais que la Reyne vouloit absolument que MM. de Bourdeaux rendissent à ce duc les mesmes honneurs et respects qui luy ont esté toujours rendus.

Le 29 Leurs M., M. le duc d'Orleans, M. le Cardinal, et toutte la Cour eurent le divertissement de voir le jeu de l'oison que firent les batteliers au delà du Cours de la reyne vers Chailliot, où il y eut un nombre infiny de peuple.

Le 30 la Grand' Chambre, l'Edit, et la Tournelle s'assemblerent pour deliberer si l'on devoit accorder à MM. des Enquestes /87v/ l'assemblée de tout le Parlement qui l'avoit [qu'il avoit] demandée, et le Premier President ayant dit que la paix estoit faicte tant en Guyenne qu'en Provence deputa MM. les Gens du roy vers M. le Chancellier pour sçavoir en quel estat estoient les affaires de ces 2 provinces. Sur cella le mesme jour on resoulut au Conseil d'envoyer, comme l'on fit, un courrier au duc d'Espernon avec ordre de s'accomoder avec MM. de Bourdeaux à quelque prix que ce soit.
Le mesme jour les escoliers du college de Navarre jouans une tragedie dans ledit college, le prologue ayant commencé à s'estendre sur les louanges de M. le Cardinal, les assistans crierent aussytost "Poin de Mazarin!," frapperent des mains, et firent tant de bruit qu'il fust obligé de se taire, et ils ne voulurent jamais luy permettre de continuer.

Le 31 le duc de Beaufort passa l'apresdisnée au palais d'Orleans dans l'apartement de M. l'abbé de la Riviere pour achever son accommodement avec M. le Cardinal, mais il n'y eust pas moyen d'en venir à bout. Tous les poincts en sont mis par escript comme un traité authentique qui doit estré signé de l'un et de l'autre. On assure qu'en premier lieu l'on doit donner à ce duc le gouvernement de Touraine avec celluy d'Amboise, qu'il pourra faire fortifier pour sa seureté. D'autres veulent neantmoings qu'on luy donne Amboise et q'apres qu'on luy en aura delivré les provisions, il doit saluer M. le Cardinal dans la chambre de la Reyne, où Son Eminence luy doit demander pardon de l'avoir si long temps faict detenir injustement prisonnier dans le Bois de Vincennes; apres quoy S.E. doit estre la premiere à luy rendre visite, laquelle ce duc luy doit rendre ensuitte. Mais la plus grande difficulté qui reste à vuider dans cet affaire est qu'on veut obliger ce duc à embrasser S.E., et c'est à quoy il ne se peust resoudre et dont M. d'Orleans est fasché contre luy.

Le mesme jour les Enquestes, ayant proposé d'aller prendre leurs places à la Grand' Chambre sans attendre d'avantage qu'on resolut de leur accorder l'assemblée, les esprits s'y trouverent tellement partagez dans leur chambre mesme que le president Viole fit deliberer le contraire dans le quatriesme, où il preside; et l'on remarqua que dans les autres il n'y en eust gueres moins de ceux qui n'estoient pas d'avis de l'assemblée que de ceux qui demandoient l'assemblée.

Le premier du courant le Parlement s'assembla pour la mercuriale, où MM. des Enquestes ayant dit à M. le Premier President qu'il y avoit long temps qu'il les traisnoit pour une assemblée qu'il avoient d'autant plus de sujet de demander, qu'il s'agissoit de l'interest public de celluy de leurs confreres, à quoy le Premier President respondit que les affaires des provinces estoient accommodées; /88/ et le president de Mesme ayant adjousté qu'on s'estoit obligé par la declaration à ne s'assembler plus, le conseiller Coulon luy repartit que cella estoit faux, ce qui obligea ce president à quitter l'assemblée et s'en aller avec le president Le Bailleuil à la beuvete: où la Compagnie les ayant envoyés prier de revenir, ils s'y resolurent peu apres, et l'on ouvrit le pacquet que M. Loisel avoit receu de Provence il y a 3 semaines; mais l'ordinaire de Provence estant arrivé au mesme temps avec la nouvelle de l'accomodement, on envoya promptement le pacquet du Roy au Premier President, qui fit voir par ce moyen comme la paix estoit faicte en Provence avec des grans avantages pour le compte d'Alais. Apres cella l'on parla de s'assembler pour deliberer sur les affaires de Bourdeaux, et MM. des Enquestes dirent que la Reyne ny son conseil ne devoient pas s'en alarmer, qu'on ne parleroit de rien qui fut contre le service du Roy, et que pour cet effet on pourroit prier M. de duc d'Orleans de se trouver à l'assemblée. Sur cella il fut resolu qu'on s'assembleroit le lendemain, et qu'on envoyeroit les deputez à S.A.R. pour la prier de s'y trouver affin de ne rien resoudre qu'en sa presence; mais la Reyne ne voulust pas que cella se pressast, ainsy pria M. le duc d'Orleans de n'y aller point et resolut au Conseil de mander le Parlement.

Hier au matin le Parlement estant mandé de la part de la Reyne, y envoya 25 ou 30 deputés, lesquels estants arrivés au Palais Royal, Sa M. les pria de ne s'assembler point, leur disant qu'ils n'en avoint aucun sujet puisque la paix estoit faicte en Provance, et qu'elle attandoit la nouvelle de celle de Bourdeaux, dont elle adjousta que M. le duc d'Orleans et M. le Prince estoient les mediateurs. Sa M. leur representa encor que cella faisoit bouir dans les provinces, et que les enemis en esperoient de nouvelles divisions et le faisoient fort eclater; et ainsi que si le Parlement avoit quelque chose à demander, qu'il devoit envoyer des deputez ches le Premier President affin que cella ne fit poin d'esclat.

Les advis de Touloze portent que les Hugunots de Castres ont heu permission du Roy de faire restablir audit Castres un temple qui fut desmoly l'en 1528, à quoy les Catholiques de la Chambre de l'Edict s'opposerent, n'en ayant heu aucun advis de la Cour. Le Parlement de Toulouze avoit deputé un president et 2 conseilliers aux Estats de Languedoch, on ne sçait pourquoy, /88v/ mais les avis de Montpellier portent que ceux cy ont arrestés que le Parlement de Toulouze seroit prié de ne verifier aucun edict que fust à la charge de la province. Hier M. de Choisy, chansellier de M. le duc d'Orleans, partit d'icy pour y aller accommoder tous les differents qui sont auxdits Estats et y apporter les conditions auxquelles on leur a accordé la revocation de l'edict de Bezieres [Béziers].

Le Roy fut avant hier à la chasse à St Maur, et hier Sa M. fut au Cloistre Nostre Dame, ches un chanoine pour voir un beau rocher qu'il a, qui est une rareté estimée 50 mille livres. M. le Cardinal y fut aussy dans le carrosse de Sa M., et comme dans toutes les rues où elle avoit passé l'on avoit faict des grands cris de "Vive le Roy!" l'on remarqua que Sa M. dit qu'elle avoit toujours creu que les Parisiens ne la hayssoient point, mais bien quelqu'autres.

S.E. envoya avant hier l'evesque de Coutance à M. le coadjuteur de Paris pour le visiter de sa part, dont on remarqua que celluy cy fit peu de cas.

L'abbaye de Vandosme [Vendôme] de 24 mille livres de rente a esté donnée au fils du duc de Montbason.

Le sieur de Herincourt, escuyer du duc de Beaufort, a faict appeller en duel le marquis Coeuvres, fils du mareschal d'Estrées, pour quelque mauvais traitement que celluy cy a faict à un parent du premier, mais on les a empeschés de se battre.

Le marquis de Gersey a dict quelques mauvais discours contre M. l'abbé de la Riviere, qui en est fort mescontent.

Ce matin le Premier President a envoyé aux Enquestes le pacquet du Parlement de Bourdeaux tout ouverts, ce que ceux cy ont trouvé fort estrange, pretendans qu'on ne le devoit pas ouvrir sans eux, et ont resolu de s'assembler demain là dessus.

L'on devoit ce matin achever de regler la recompense qu'on donne au duc de Boullion pour sa souveraineté de Sedans. On a donné des assignations pour 280 mille livres au mareschal de Turenne, auquel on promet encor 60 mille livres de rente en fonds de terre.

Le compte d'Harcour estant party d'Arleux [Arlon] la nuict du 24 au 25, passa l'Escau avec toute l'armée et attaqua de vive force la ville et chateau de Condé, qui se rendit à composition le soir dudict jour 25. Depuis nostre armée subsiste dans le pays ennemy.

/89/ Les troupes allemandes doivent estre licentiées à la fin de la campagne, à la reserve de celles qui voudront servir dans le corps d'armée françoise.

De Bourdeaux le 26 aoust

Le 23 du courant le marquis de Sauvebeuf arriva en cette ville luy 3e. Aussytost on luy offrit le commendement de l'armée du Parlement en qualité de general, laquelle il n'a jamais voulu accepter, faisant esperer dans peu de temps l'arrivée d'un grand, sans le nommer, à qui il dit que cette qualité est mieux deue qu'à luy. Il a laissé 1700 hommes au Pais entre les Deux Mers commandés par le marquis de Hautefort, lesquels viennent au secours de cette ville et doivent estre suyvies d'autres, que doit amener ce grand personnage qui doit ramplir la charge de general.

Le Chasteau Trompette tire incessamment sur la ville, mais depuis les terrasses qu'on y a eslevés devant, tout le feu qui en vient ne faict ny mal ny peur. L'on travallie fort à le prendre et pour cet effet l'on a abbatu deux maisons, sur les ruines desquelles l'on a dressé deux batteries qui ont commancé à faire mervellies, et l'on a mis à sec le fossé pour le miner. D'ailleurs nous sommes asseurés qu'il n'y a dans le chasteau pour tous vivres que la farine que M. d'Argenson a faict mettre appres le premier accommodement, et ainsy l'on espere d'en venir bientost à bout.

L'Isle de St George tient toujours bon et a jusques icy empesché qu'on ait faict des degas aux vignes.

Hier il y eut un combat naval proche le Bec d'Amber, où le vaisseau admiral de M. d'Espernon, commandé par le sieur de Montviele, frere de M. Brisancier, fust pris par les nostres; mais le commandant se voyant pris, mit luy mesme le feu aux poudres affin qu'on ne profitast pas de sa prise, et ensuite sauta dans un autre vaisseau et se sauva en desordre à Blaye, où les nostres l'ont poursuivy. Cepandant l'on n'a pas laissé de prendre 46 pieces de canon de fonte verte et 4000 boulets avec quantité de voiles qui estoient dans le vaisseau admiral, où il y avoit aussy grand nombre de bombes qui ont esté perdues.

/89v/ Depuis le commendement [sic] de cette guerre l'on fait compte que le duc d'Espernon a perdu en diverses rencontres environ 800 hommes, et dans ce dernier combat y a perdu deux braves personnages qui sont le compte [blank] et le marquis de la Serre Aubeterre, mareschal de camp.
400 Bourdelois se sont retranchés devant Cadellac, ce qui donne grande jalousie à M. le duc d'Espernon, qui ne sçait plus où faire camper ses troupes.

Jamais il ne s'est veu plus d'union en cette ville. Aussytost qu'on voit un homme suspect, on luy envoye un huissier avec ordre de sortir et ainsy on le met dehors.

De Limoges le 27 aoust

Le marquis de Sauvebeuf estant party la semaine passée de Pierre Buffier avec 400 hommes pour aller à Bourdeaux, le marquis de Pombadour le voulut poursuivre avec 800 chevaux qu'il avoit ramassés, ce qui obliga le premier de prier le sieur Guionnet, conseiller au Parlement de Bourdeaux, qui estoit aupres de luy pour le faire haster, de luy permettre de repousser le marquis de Pompadour; mais le conseiller n'y voulut poin consentir affin de ne perdre poin le temps; et comme les gens ramassés par le dernier avoient creut que lors qu'ils s'assemblerent pour l'aller secourir, que c'estoit seulement une querelle particuliere, ils se dissiperent tous dès le soir de ce jour là et chacun se retira ches soy, ayant veu le sujet pour lequel ils estoient appellés.

D'Aix, le 24 aoust

Les articles du traité de paix qu'on nous a envoyé de la Cour par le voye de M. de St Agnan ont esté acceptés icy de la mesme façon qu'il a pleu au Conseil de nous les donner, tant par MM. d'Aix que par M. le compte d'Alais, par la ville d'Aix, et par les autres villes et l'un et de l'autre party. Hier et aujourd'huy le Parlement ne s'est occupé à autre chose qu'à l'execution de ce traité, lequel doit /90/ estre demain publié avec l'amnestie generalle, tant dans cette ville que dans l'armée du comte, qui est logée à Beauvoisin, demy lieue d'icy. Les places occupées d'un costé et d'autre doivent estre demain rendues à qui elles appartiennent. Nous avons sceu icy ce qui s'est passé au Parlement de Paris depuis le 7 du courant jusques au 14, et voyant le peu de fondement que nous devions faire sur l'esperance de tirer quelque assistance du Parlement, nous avons jugé à propos d'accepter la paix toutte telle qu'on nous l'offroit, sans marchander d'avantage.

Sommaire des Articles de la Paix envoyés par le Roy à MM. d'Aix
1. Les Companies desarmeront presentement et M. le comte d'Alais 3 jours apres.
2. Les places seront rendues aux gouverneurs à qui elles appartiennent, et notamment Berre.
3. Les prisonniers de guerre seront deslivrés de part et de l'autre.
4. Les Companies iront rendre civilité à M. le comte d'Alais par deputation honnorable et le prieront de revenir à Aix, où il recevra les honneurs qu'il [qui] luy sont deus.
5. Le Corps de Ville deputeront feront [sic] sousmission audit comte en espece de pardon et le prieront d'oublier le passé et de revenir dans Aix, où ils recevra respect et obeissance.
6. Les sieurs Consuls et procureurs du pais qui sont à present en exercice seront cassés, et l'on procredra presentement au nouvel Estat en la maniere accoutumée, et les esleus demeureront en exercise le reste de cette année et la prochaine.
7. Le prevost Artaud sera relaxé.
8. Le pais imposera pour l'entretien d'un regiment de 30 compagnies pour servir au pais ou allieurs.
9. Ledit sieur Comte donnera les logemens des gens de guerre ainsy qu'il a faict par le passé.
10. L'assemblée des Estats se tiendra là où le Roy trouvera /90v/ bon.
11. Les evocations generalles seront accordées par Sa Majesté pour les personnes et villes qui ont tenu le party dudit sieur Comte.
12. Les consuls des villes qui avoient esté fais par ledict sieur Comte en vertu des lettres de cachet demeureront en exercice.
13. Le surplus des articles accordées par M. le cardinal Bicchi sortiront leur effet.

Les articles ont esté publiés ce jourd'huy 24 aoust au camp de M. le compte d'Alais et demain se doivent publier en cette ville.

/91/  De Paris le 10 septembre

La semaine passée M. le Prince ayant voulu s'entremettre pour acomoder les affaires de Guyenne, MM. de Bourdeaux luy mirent leurs interests entre les mains et leurs deputez, qui estoient icy, furent ches luy pour cet effet. S.A. les reduisit à la raison autant qu'il se pouvoit, les ayant obligés de se relascher de quantité de choses et se rendre à toutes celles qui pouvoient y restablir l'authorité du Roy et satisfaire en quelque façon le duc d'Espernon, leur gouverneur. Apres quoy Sadite A. apporta les articles qu'elle avoit dressés de cet acomodement à la Reyne. M. le Cardinal, qui estoit alors avec elle, ayant leu ces articles, dit que l'authorité du Roy estoit bien restablie par là mais que le duc d'Espernon n'y estoit pas entierement satisfait; à quoy M. le Prince respondit que l'authorité du Roy y estant restablie, M. d'Espernon devoit estre satisfait, ces deux choses estant inseparables puisque l'interest de ce duc n'estoit choqué qu'en tant qu'il representoit en ce pais là la personne du Roy, et qu'il sçavoit bien que M. d'Espernon seroit content de se [ce] qu'il avoit faict. La Reyne et M. le Cardinal insistans toujours qu'il falloit contenter M. le duc d'Espernon, M. le Prince remit les articles en sa poche et dit à Sa M., "Madame, il est vray que les conseils violens ont si bien reussy jusqu'à cet heure que Vostre Majesté fera fort bien d'en prendre." Le mareschal de Villeroy, qui s'y rencontra, dit qu'il falloit contenter M. d'Espernon et que la Reyne et S.E. avoient raison. Sur cella M. le Prince luy dit par ironie: "Monsieur, vous en parlés bien. Je change d'avis pour suyvre le vostre. La Reyne deuvoit vous envoyer en ce pais là avec une armée. Vous y feriés grand feu et mettriés tous ces peuples à la raison." Le Mareschal respondit qu'il iroit sy on luy commandoit. "Je n'en doubte pas," repartit M. le Prince, "et que vous n'y fassiés mervellies," apres quoy M. le Prince sortit du Conseil et se retira. L'on resolut ensuite d'envoyer à Bourdeaux une declaration du Roy portant revocation pure et simple de l'interdiction du Parlement, et cette declaration y fut envoyée le 2 du courant par courrier expres.

Le mesme jour 2, le commandeur de Jars, parlant dans le Palais Royal d'un poste qu'on devoit abandonner, M. le Prince luy dit, "Vous scavés fort bien parler de la guerre, M. le Commandeur." Le Commandeur se taisant pas pour cette touche et continuant à dire qu'il y avoit en ce lieu là des gens qu'il falloit laisser assommer et qu'aussi bien la Cour seroit hereuse d'en estre deffaicte, parce qu'ils ne faisoient qu'incommoder le monde quand ils revenoient sur le pavé /91v/ de Paris et prosnant fort là dessus; M. le Prince prit l'interest des gens de guerre et luy dit, "Monsieur, s'ils ne valoient pas mieux que vous, il y auroit justice de les laisser assommer." Le mareschal de Villeroy ayant alors voulu appuyer l'opinion du Commandeur, S.A. se tourna vers le mareschal du Plessis et luy dit, "Monsieur, c'est à vous à parler de la guerre, vous qui avés esté faict mareschal de France par vos services; mais de gens qui n'ont ce titre que par des addresses et des souplesses de Cour devroient se taire."

Le mesme jour on envoya ordre au comte d'Alais de faire promptement marcher ses troupes en Catalogne, maintenant que la paix est faite en Provence.

Le 3 on devoit achever de reigler la satisfaction du duc de Bouillon; mais parce qu'on luy a promis le rang de prince estranger, les ducs et pairs y formerent leur opposition et deputerent à cette fin le mareschal de Schomberg pour en parler à M. le Cardinal. Le principal interest que ceux cy ont de maintenir leur rang est à cause qu'il y en a d'autres qui pretendoit estre reconus princes estrangers, et ainsi les ducs se trouveroient bien en arriere, ce qu'ils ne veulent pas souffrir. C'est pourquoy M. le Prince, qui entreprend l'affaire du duc de Bouillon, leur a dit que si les ducs d'Espernon et de la Trimoille parloient d'avoir cet avantage, qu'il se joindroit aux autres ducs pour s'y opposer bien que ces 2 soient ses parens, parce que leurs pretentions sont chimeriques, mais que celle du duc de Bouillon estoit juste, puisqu'en luy prenant une souveraineté, l'on ne luy donnoit ces prerogatives qu'en cette consideration et non comme duc, et qu'on ne sçauroit rien faire pour luy qui egalast ce qu'il estoit à Sedan, et qu'ainsy les ducs et pairs ne doivent pas se choquer d'une chose qui ne les concernoit pas. Ils n'ont pas laissé de continuer leur opposition, mais on croit que cella n'empeschera pas que S.A. ne vienne à bout de cet affaire, et M. de Turenne le croid si bien qu'il a faict oster de ses armes les marques de sa qualité de mareschal de France, estimant qu'elle est trop au dessous de luy et pretendant les mesmes prerogatives que le duc de Bouillon, son frere.

Le mesme jour M. le duc d'Orleans tesmoigna estre fort offensé contre le marquis de Gersey pour avoir dit en bonne compagnie qu'il vouloit laisser passer quelque temps et apres tirer raison du duc de Beaufort touchant la querelle qu'il eut avec luy /92/ aux Thuilleries, ce qui choqua fort S.A.R., qui avoit pris la peine de l'accommoder avec le dernier, outre qu'elle estoit faschée de quelques mauvais discours qu'il avoit tenus de M. l'abbé de la Riviere. M. le Prince de Conty menace aussy de faire maltraiter ce marquis pour avoir mal parlé de Mme de Longueville.

Le 4 le Premier President ayant faict assembler la Grand' Chambre, l'Edict, et la Tournelle sans y appeller les Enquestes, fit ouvrir les lettres des Parlemens de Provence et de Bourdeaux, auxquelles il fut arresté qu'on feroit une response civille par laquelle on les asseureroit des services de la Compagnie; et apres s'estre chargé de dresser cette response, il envoya les lettres toutes ouvertes à MM. des Enquestes, qui trouverent for mauvais qu'on les eut ouvertes sans les y apeller, et il y en eut qui proposerent de s'assembler pour en tirer raison. Mais cet avis ne passa pas, d'autres ayant dit qu'il falloit donner cella à la priere que la Reyne leur avoit faite de ne s'assembler point et à l'estat present des affaires, de sorte qu'il fust arresté qu'ils protesteroient qu'à l'avenir cella ne leur pourroit nuire ny prejudicier, comme n'appartenant pas aux trois chambres de deliberer seules sur des matieres où tout le Parlement est interessé. Cette protestation fut lue dans la Grand' Chambre le six au matin par M. Loysel, conseiller des Enquestes, deputé à cette fin, lequel en ayant demandé acte, le Premier President le luy refusa, disant qu'il ne pouvoit pas luy accorder une chose qui faisoit tort aux trois chambres, et apres ce refus le deputé laissa la protestation dans la Grand' Chambre et se retira; apres quoy le Premier President ayant assamblé les 3 chambres, il y fut arresté que le soir du mesme jour on s'assembleroit dans la chambre St Louis, où se trouveroient des deputés de toutes les chambres du Parlement, pour examiner les responses que le Premier President avoit faites aux Parlemens de Bourdeaux et de Provence. Ces deputés s'y estans trouvés, ces responses y furent lues, mais n'ayant pas esté trouvées au goust de ceux des Enquestes, on pria le president Le Coigneux de les faire d'une autre façon. Sur cella M. le Premier President pria M. Menardeau, conseiller de la Grand' Chambre, d'y travailler aussy, et l'assemblée fut remise au lendemain; auquel jour les responses du Premier President ayant esté releues avec celles des deux autres qui s'estoient chargé d'en faire, il n'y eut que celles du president Le Coigneux qui furent approuvées. On ce goutre [sic] beaucoup de civilité et de /92v/ remerciemens. Elles contenoient quelques mots qui marquent union du Parlement de Paris avec les deux desja nommés, auxquels cette response fut envoyé le mesme jour. Cepandant comme le lendemain le Parlement devoit prendre vaccations, il fut encore arresté que chaque chambre deputeroit 4 conseillers, lesquels, en ce cas qu'il arrivast quelque nouveauté, pourroient demander l'assemblée à la Chambre des vaccations et y resoudre ce qu'ils jugeroient à propos sur les affaires qui pourroient arriver comme si tout le Parlement estoit en corps.

Ledit jour 4 on eut avis à la Cour par un courrier expres que le 29 du passé la ville de Liege se rendit à composition, moyennant laquelle tous les bourgeois avoient en [eu] abolition à la reserve de 3 magistrats, qui neantmoins pourront implorer grace aupres de l'electeur de Cologne. La neutralité y sera religieusement observée, et tous les antiens privileges de la ville conservés inviolablement.
Le 5, jour de la naissance du Roy, Leurs M. accompagnée de M. le duc d'Orleans, de M. le Prince, et de M. le Cardinal, qui estoient tous dans le carrosse du Roy, furent à l'Hotel de Ville pour voir les preparatifs de resjouissance que le Prevost des Marchands y avoit fait accommoder. Il y eut promierement un beau festin où toutte la Cour fut traitée splendidement. La decoration du feu d'artifice qu'on avoit preparé dans la place de Greve vis à vis l'Hostel de Ville estoit aussy fort belle, mais le feu n'avoit rien d'extraordinaire et ne fut point estimé. Apres cella il y eut bal, où l'on remarqua que le Roy dansa deux fois avec Mme la Prevoste des Marchands et avec l'aisnée des niepces de M. le Cardinal. L'on y voyoit brillier toutes les pierreries de Paris dont les dames estoient chargées. Il y eut au retour quelques bourgois qui, ayant apperceu M. le Cardinal dans le carrosse du Roy, crierent sur luy, mais cela ne fit rien.

Le 7 Mademoiselle fut aux Carmelites, d'où elle fit sortir Mlle de Saugeon, apres luy avoir donné parole que M. le duc d'Orleans ny autres ne pretendoient point de l'empescher de se rendre religieuse quand elle voudroit, mais que S.A.R. vouloit qu'elle sortit de là pour 7 ou 8 jours puisque les Carmelites l'avoient subornée et receue sans le consentement de Madame; à quoy elle obeyt, apres avoir fait raser ses cheveux, et retourna /93/ au palais d'Orleans, où elle salua Madame et apres se retira dans sa chambre audit palais, dont elle n'a point sorty depuis, et Monsieur ne l'a point voulu voir. Le mesme jour on eut avis de Bourdeaux du deux que le Parlement y estoit le maistre de toute la riviere, que le marquis de Sauvebeuf en estoit party pour quelque nouvelle entreprise, et que le Chasteau Tromppette avoit capitulé et devoit se rendre dans deux jours s'il ne recevoit du secours de la part du duc d'Espernon, de sorte qu'on promettoit d'amples nouvelles par le premier ordre [ordinaire?].

Le mesme jour M. le Tellier fut de la part de M. le Cardinal ches M. le Prince, auquel il dit que S.E. le prioit de vouloir donner son consentement pour le mariage du duc de Merceur avec sa niepce; à quoy M. le Prince respondit qu'il s'estonnoit fort de voir que M. le Cardinal songast encor à cet affaire, qui ne luy apportoit aucun avantage, qu'il ne devoit esperer aucun appuy du duc de Vandosme, que le duc de Mercoeur n'avoit jamais fait aucune action qui l'eust rendu recommendable, qu'il ne devoit jamais esperer l'amitié du duc de Beaufort, et qu'ainsy il n'avoit garde de consentir à une chose qui ne pouvoit estre avantageuse à S.E. Mais nonobstant cela, l'on ne laissa pas de conclurre hier au soir ce mariage, lequel se doit faire dimanche prochain, bien qu'il ne fit approuvé ny de M. le Prince ny de M. de Beaufort.

Ledit jour afin d'empescher qu'on ne vendist plus icy des libelles qui avoient esté imprimés pendant les desordres passés, on fit deffenses à tous imprimeurs et libraires de vendre desormais aucuns livres ny libelles sur le Pont Neuf, avec ordre à tous ceux qui ont accoustumé d'y en vendre et qui sont logés aux environs de se retirer au quartier de l'Université, ce qui fait grand tort à plus de 300 famillies, qui en murmurent fort.

Un courrier venant de Montpellier arriva hier icy et porta nouvelles que les Estats de Languedoch y avoient cessé de travailler sur ce q'un soldat de la citadelle avoit heu la hardiesse de menacer de coups de baston le sindic de la seneschaussée de Carcassonne, dont les Estats demendent reparation, pretendans que c'est violer le droit des gens et que ce soldat a fait cette action par ordre de la Cour à cause que ce sindic est grand Frondeur et fut eslu l'année passé malgré le comte d'Aubijoux, qui avoit heu /93v/ ordre de M. l'abbé de la Riviere de s'y opposer; de sorte que les Estats ne travailleront point qu'apres le retour de le courrier. M. de Choisy ne partit d'icy que le 7 pour y aller.

Le duc de Rohan a traité avec le mareschal de Brezé du gouvernement d'Anjou, moyennant 100 mille escus, mais ce mareschal se reserve le gouvernement et le seneschaussée de Saumur.
Le comte d'Harcour est encor vers Condé en Flandres, où l'armée met le feu partout où elle passe et fait tous les ravages possibles sans espargner les eglises. Les dernieres nouvelles qui en sont venues portoient qu'elle marchoit vers Mons avec quantité d'eschelles, mais comme elle n'y trouve point de vivres, les villages y estans tous abandonnés, on y envoyoit un convoy escorté par 3 regimens, qui furent deffaits le six aupres de St Quentin par les ennemis, et le convoy pris. Depuis on a sceu que l'armée revenoit en delà, ne trouvant pas de quoy vivre dans le pais ennemy.
On fait esperer au Mareschal de Rantzau de le mettre bientost en liberté.

/95/ [ Hand #5, cont'd] De Paris le 17 septembre 1649

Vous aves seu que la Cour revenant de Picardie il y a 2 ans, le Roy voulut voir la mer à St Valery, et de là passant à la ville d'Eu, qui appartient au duc [Hand #1:] de Guyse, où il y a une bonne abbaye [Saint- Laurent] dont l'abbé estoit fort malade. Le chevalier de Guyse demanda ceste abbaye en cas qu'elle vient à vacquer, ce que la Reyne luy accorda, et M. le Cardinal luy donna la parolle qu'il l'auroit lors que cest abbé viendroit à mourir, en quelque temps que ce fut. Dans ceste esperance, que ce chevalier n'avoit pas voulu despuis ce temps là importuner S.E. pour le payement d'une pension de 10 mille livres qu'elle luy promit il y a 4 ans sur l'abbaye de St Pierre de Corbie, lors que le duc de Guyse demandoit la restitution de ses benefices, et notanment de celuy cy. Maintenant l'abbé d'Eu estant mort despuis 7 ou 8 jours, le chevalier de Guyse fut trouver S.E. le xi de ce mois et le pria de luy tenir la parolle qu'elle luy avoit donné il y a 2 ans et que la Reyne luy avoit confiermé; à quoy S.E. respondit qu'elle ne croyoit pas de luy avoir rien promis, et que la Reyne avoit donné ceste abbaye à M. Le Tellier, secretaire d'Estat, pour un de ses enfans. Sur cela ce chevalier luy repartit que personne n'en pouvoir avoir eu l'advis, parce que l'Abbé estoit mort d'apoplexie, et qu'aussytost qu'il estoit expiré, le gouverneur de la ville d'Eu luy avoit envoyé promptement un courrier pour luy en donner advis et avoit en mesme temps fermé la porte de la ville afin que d'autres courriers que le sien n'en peussent apporter la nouvelle; ce qui n'empescha pas que M. le Cardinal ne persevera dans sa premiere response, dont ce chevalier fut si outré qu'il commenceat à pester contre S.E. dans sa chambre mesme, jurant des mortz et des testes qu'il luy feroit tenir parolle ou qu'il le periroit, et qu'il empescheroit bien la jouyssance à celuy pour qu'il avoit [pour qui il l'avoit] destiné. Le 13 M. le duc d'Orleans dit à ce chevalier qu'il le vouloit accommoder avec M. le Cardinal, à quoy il respondit qu'il obeiroit tousjours à S.A.R., mais qu'il la croyoit asses raisonnable pour juger qu'il n'y avoit point d'accommodement à faire que M. le Cardinal ne luy eut auparavant payé 40 mille livres qu'il luy doit pour 4 années de sa pension sur l'abbaye de Corbie, et qu'il ne luy eut tenu parolle pour celle de la ville d'Eu que la Reyne luy avoit donné par avance il y a 2 ans. De sorte que Sadite A. trouvant qu'il avoit raison, dit à M. le Cardinal qu'il estoit juste de donner ceste abbaye au chevalier, auquel M. Le Tellier envoya le 15 la /95v/ demission de son brevet, et ainsy ce chevalier a emporté de haute lutte ce qu'il demandoit.

Le 9 du courant M. le Prince estant au Palais Royal, M. le mareschal de Villeroy luy dit que son pere et luy avoint tousjours esté serviteurs de feu M. le Prince, et qu'il estoit aussy de S.A., laquelle il suplia de ne trouver point mauvais qu'il eut esté d'advis contraire au sien dans la desliberation qu'il [qui] s'estoit tenue sur les affaires de Bourdeaux, et de le vouloir espargner à l'advenir afin qu'il ne fut point exposé à la risée de toutte la Cour; à quoy S.A. respondit qu'elle n'avoit point eu la pensée de le jouer en disant qu'on feroit bien de l'envoyer à Bourdeaux, et qu'elle estoit encor de cest avis là, et qu'elle ne doutoit point qu'il n'y fit merveilles et qu'il ne reduisit tous ces peuples à la raison, dont ce mareschal fut aussy estonné qu'auparavant.

Le x les libraires du Pont Neuf ayant esté ches les Premier President et luy ayant representé que le feu Roy Henry 4 leur avoit donné ces places, dans la jouyssance desquelles ilz avoint esté maintenus par le feu Roy Louys 13, et qu'ainsy on ne les leur pouvoit oster sans injustice, il leur dit que c'estoit la volonté de la Cour et qu'il faloit passer par là; et n'en pouvant tirer d'autre raison, ilz se retirerent en murmurant fort contre luy. De là ilz furent trouver M. le duc d'Orleans pour luy demander protection, mais il leur dit qu'il ne pouvoit rien dans cest affaire, ce qu'il [ce qui] les fit resoudre d'aller le lendemain xi attendre la Reyne à Nostre Dame, comme ilz firent; et luy ayant dit qu'ilz estoint au desespoir, ne pouvant mesmes trouver où ce [se] loger à cause que l'on les vouloit chasser des maisons qu'ilz occupoint suivant les termes de l'arrest donné contre eux, enfin murmurant contre le Premier President, Sa M. leur accorda qu'ilz y demeureroint encor 3 mois, pandant lesquelz elle leur dit qu'ilz cherchassent des logementz à Université et qu'elle vouloit qu'on observa les statuz qui deffendoint aux libraires de s'estendre dans la ville plus avant que l'esglise St Yves.

L'on eut advis du camp devant Condé du 29 du passé que le comte de Grancey estant allé faire des courses jusques aux portes de Mons avec 2000 chevaux allemans, avoit pris le chasteau de Bossu [Boussu], qui appartient à la comtesse de ce nom, dont la garnison, qui estoit de 200 hommes, se rendit à discretion, /96/ apres quoy il brusla plus de 80 beaux et grandz villages suivant les ordres qu'il en avoit de la Cour, afin d'obliger par là les peuples de Flandres de crier contre les Espagnolz sur ce qu'ilz n'ont pas voulu faire la paix, esperans de profiter de nos divisions. Ce comte s'en retourna ensuitte à Condé sans que les ennemis eussent paru en aucung endroit.

Le mesme jour M. le Cardinal receut une lettre du comte de Broglio, mareschal de camp, par laquelle il luy proposat de faire fortiffier Condé, disant que ce seroit une forte espine au pied des ennemis, et si l'armée y demeuroit six semaines et qu'on luy envoya quelque convoy avec quelque peu d'argent, on ne pourroit faire le melieur poste de Flandres, et qu'apres l'avoir ainsy fortiffié, une garnison de 2000 fantassins et 800 chevaux le pourroit fort bien garder. En ce cas ce comte en demandoit le gouvernement, qui voudroit bien 200 mille livres de rente par le moyen des grandes contributions qu'il pourroit exiger par toutte la Flandre.

Le 12 l'abbé de la Feuillade fut sacré archevesque d'Ambrun par celuy de Sens dans l'esglise de St Germain des Pres.

Le 13 un courrier du duc d'Espernon arriva icy et porta nouvelle que le Parlement de Bordeaux ayant intercepté le paquet du Roy envoyé à ce duc, dans lequel estoit la declaration de S.M contenant les articles de l'accommodement qu'elle vouloit que l'on acceptat d'ung costé et d'autre, l'avoit ouvert et ensuitte envoyé à ce duc la lettre de cachet seulement, ayant retenu la declaration et un memoire qu'il y avoit touchant la conduitte qu'il devoit tenir sur cela. L'on a resoulu au Conseil d'y envoyer le mareschal du Plessis pour accommoder cest affaire ou, en cas qu'il n'en puisse pas venir à bout, prendre les commandementz des trouppes du Roy pour reduire les Bourdelois à l'obeissance. Il est party ce matin en poste.

Le 14 on eut avis de Barcelonne que la reyne d'Espagne passant à la veue, avoit envoyé prier MM. de la Ville de luy vouloir laisser prendre quelque refraischissement, ce qui luy ayant esté permis et y avoit envoyé 5 officiers qui, ayant achepté ce qu'ilz avoint besoing, s'estoint trouvé bien empeschés à sortir, le menu peuple s'estant voulu jetter /96v/ sur eux et les massacrer, et ceux qui avoint esté commis pour les garder et escorter eurent grande peyne à les sauver, mais enfin ilz en furent quittes pour quantité d'injures qu'ilz entendirent donner contre le roy d'Espagne.

Les articles du mariage du duc de Mercoeur avec la niepce de M. le Cardinal furent conclus et arrestés dès la semaine passée, mais le contrat n'est pas encor signé parce que l'on attend le consentement de Mme de Vandosme, qui est aux bains de Bourbon, à laquelle on envoya le xi un courrier pour avoir procuration. Cepandant touttes les estoffes pour les habitz de la nouvelle espouse furent acheptés dès le 15 [13?] avec les autres choses necessaires, et l'on resolut que les fiançailles s'en feroint dimanche prochain au matin, et que le soir M. le Cardinal donneroit un souper magnifique à toutte la Cour, en suitte duquel il y auroit commedie et bal qui dureroit jusques apres minuit afin qu'on peut apres dire la messe et faire les espousailles, mais l'accident qui arriva le lendemain y pourra mettre empeschement. C'est que M. le Prince estant au Palais Royal, M. le Cardinal luy parla de ce mariage et le pria d'en vouloir signer le contrat, à quoy S.A. respondit qu'elle n'estoit point parante et que son seing y estoit inutile, et en mesme temps dit qu'elle avoit ses demandes à faire, dont le premiere fut le gouvernement du Pont de l'Arche pour le duc de Longueville, son beaufrere, suivant la parolle qu'on luy en donna lors qu'on fit la paix à St Germain avec les deputtés du Parlement de Rouen; à quoy M. le Cardinal ayant respondu que cela ne ce [se] pouvoit accorder et qu'il avoit esté arresté de le luy promettre et ensuitte faire naistre des oppositions pour trouver pretexte de ne la luy pas tenir, S.A. se mit en colere contre M. le Cardinal et luy repartit, en pestant contre luy, qu'elle ne le verroit point en particulier et ne le salueroit jamais lors qu'elle le rencontreroit au Palais Royal ou allieurs, et se retira là dessus.

Le lendemain au matin la Reyne et M. le Cardinal envoyerent M. Le Tellier au palais d'Orleans pour prier M. l'abbé de la Riviere de faire en sorte que S.A.R. accommodat cest affaire. M. de la Riviere descendit en mesme temps de son appartement et esveilla S.A.R., qui dormoit encor; en sorte qu'apres une conference particuliere de demy heure, /97/ M. Le Tellier en sortit et s'en alla droit ches M. le Prince, qui se rendit peu apres avec M. le prince de Conty, son frere, au palais d'Orleans, où ilz s'enfermerent deux heures dans le cabinet de S.A.R., avec elle et M. de la Riviere.

L'on ne sçait ce qui se passa, [Hand #5:] mais on dit que M. le Prince se mit sous la protection de Sadite A., et l'on remarqua qu'il en sortit avec un visage fort resolu. L'on sceut apres que l'affaire n'estoit nullement accomodé et que M. le duc d'Orleans l'avoit se bien receu qu'il tesmoigna luy mesme en estre tres satisfait.

Hier au matin on remarqua encore que M. le Prince fut visité d'un prodigieux nombre de personnes qui luy offrirent leurs services, et le soir on travailla fort au Palais Royal pour acommoder cette affaire, mais inutilement.

On eut hier nouvelles que le comte d'Harcourt estant party de Condé avec l'armée, estoit venu camper à Maubeuge sur la Sambre, ayant laissé dans Condé 2500 hommes sous le commandement du comte de Quinsé, entre lesquels est le regiment de M. le duc d'Orleans, qui a tesmoigné d'estre fasché contre le comte d'Harcourt d'avoir laissé là son regiment à la guele du loup, dans un lieu où les vivres sont si chers que chaque pain de munitition y vaut 15 sols.

Ce matin on a eu avis que les Bourdelois ayant fait une grande breche au Chasteau Trompette, le gouverneur a demandé composition, q u'il [qui] luy a esté accordée, et en est sorty avec sa garnison.
On asseure que la Cour ayant trouvé l'execution du traité de Sedan trop difficile, a rompu ledit traité et promis de rendre Sedan audit duc de Bouillon apres en avoir fait raser les fortifications.

Le president Bellievre recherche en mariage Mlle[?] de Schomberg.

L'accommodement de M. le Prince avec M. le Cardinal a esté fait ce matin dans le cabinet de la Reyne. L'on n'en sçait pas encore d'autres conditions, sinon qu'on a accordé au premier le gouvernement du Pont de l'Arche pour le duc de Longueville, et le duc de Vandosme n'aura point l'admirauté, non plus que le duc de Mercure. Elle demeurera entre les mains de la Reyne. On a accordé à M. le Prince tout ce qu'il a demandé, et ce mariage se fera dimanche prochain.

La Cour prit avant hier le dueil de l'Imperatrice.

M. de Beaufort n'est pas encore accommodé avec S.E.

/97v/ De Bourdeaux le 6 septembre 1649

M. de Sauvebeuf fut avec 1000 hommes de pied et 200 chevaux recognoistre l'Isle St George, la visiter et fortifier, et de là à Dolansat [Podensac?], tout proche Cadillat, à la veue des ennemis et jusques à la portée du pistolet dudit lieu où ils s'estoient retranchés, sans qu'ils osassent paroistre ny donner dessus, bien qu'ils fussent 3 fois plus forts que les nostres. M. de Sauvebeuf se retira, croyant qu'[ils?] donneroient sur l'arriere garde à quoy il s'estoit preparé, mais ils n'en firent rien.

On a osté la charge d'admiral à sieur Thebaud [Thibaud] Jambe de Bois pour le donner au cappitaine Treillebois, qui est un vieux Triton; mais au lieu de cela on a donné au premier un regiment de 15 compagnies. Nostre armée navalle est composée de six vaisseaux, 2 fregates, 2 bregantins, 2 galions, 18 chalouppes et 3 bruslots. Elle nous a ouvert le passage du costé de la Saintonge, dont il nous arriva hier un batteau de farine. Nostre vaisseau admiral s'approche pour battre le Chasteau Trompette du costé de la riviere. On n'a pas encore achevé de faire dresser les 4 bateries devant ledit chasteau, à quoy l'on travallie journellement. Cepandant le Gouverneur tire tousjours sur la ville et sur nos travailleurs dont il y en a eu depuis 3 jours 12 de blessés et 2 de tués. M. de la Caussade, conseiller au Parlement, y a receu une mousquetade aux reins qui le met en grand danger de sa vie, pour avoir voulu visiter tous les postes et tranchées qui sont autour du chasteau.

Il y a 3 jours que M. d'Espernon envoya un tambour à MM. du Conseil de guerre, leur offrant de rendre M. Dantreau, conseiller au Parlement, fait prisonnier à Libourne, pourveu que l'on luy rendit tous les prisonniers de guerre qu'on a fait sur luy, ce qu'on ne voulut pas luy accorder. Le sieur de la Motte Guyonnet, cappitaine, s'est sauvé de Cadillac, où il estoit aussy prisonnier, et est venu en cette ville. M. Dandreau n'en a peu faire de mesme, estant malade et tres estroitement gardé. L'on dit mesme qu'il est mort la nuit passé. L'on ne sçait s'il est vray, /98/ mais du moins il est certain qu'il souffre dans la prison plus qu'on ne voudroit n'y avoir fait souffrir au plus miserable de tous les soldats.

Le duc d'Espernon a receu un renfort de 500 chevaux qui luy sont venus de Biron et de Montauban, avec lesquels il faut [fait] piller et brusler les maisons des presidens, conseillers, et oficiers qui sont engagés avec nous, lesquelles sont situées dans les pays de Medoc, Bendages [Benauge], et Cadillac, et partout ailleurs où il peut aller, jusques à faire couper les bois de haute fustée et deraciner les vignes, à quoy il contraint les paysans de travailler, ayant mesme fait eslever [enlever] la part des grains qui appartenoit aux bourgeois de Bourdeaux dans toutes les maiteries et n'en laissant aux mettayers que la leur, et bien souvant q'une partie.

Hier nous receumes un renfort de 400 fusilliers venant du Limosin, lesquels prirent en passant prisonniers le mareschal de logis de M. Biron, lequel se trouva chargé de lettres et memoires qu'on a veu au Conseil de guerre. L'on prit aussy un courrier venant de Paris à M. d'Espernon, et ledit conseil ouvrit deux des lettres dont il estoit chargé, sçavoir une de M. de la Vrilliere, secretaire d'Estat, adressée à M. d'Argenson, et l'autre de M. Thevenin, qui fait les affaires de M. d'Espernon à Paris, adressée à ce duc. Il avoit encore un pacquet du Roy adressé à M. le duc d'Espernon que le Conseil de guerre n'a pas voulu ouvrir par respect mais l'a envoyé au Parlement pour deliberer si l'on devoit l'ouvrir ou non, et le Parlement est maintenant assemblé pour cella.

Un genthilhomme estant venu icy de la part du comte d'Ocgnon, gouverneur du Brouage, pour offrir au Parlement en [un] prest de 500 mille livres, est reparti ce matin avec la response du Parlement, qui ne refusera pas comme on croid, puisqu'il y a eu arrest portant que tous bourgeois et communautés de la ville s'assembleront pour l'obliger conjointement avec le Parlement, ou separement s'il en estoit de besoin, en cas que l'on trouvast quelque prest à faire, à paine d'estre bannis et leurs biens confisqués.

/99/ De Bourdeaux le 16 septembre 1649

Le 8 du courant M. de Sauveboeuf receut un courrier de M. de Beaufort, mais on ne sçait pour quel subject.

Le 11 on publia icy un arrest contre M. d'Espernon, par lequel il est declairé perturbateur du repos public, ennemy du Roy, deffenses à tous subjectz de Sa M. de le suivre ny executter ses ordres, et ordonné que tres humbles remonstrances seroint faictes à Sa M. de vouloir donner un autre gouverneur à la province de Guyenne.

Le 13, 4 batteaux couvertz et enchaisnés l'ung apres l'autre, qu'on avoit mis la nuict precedente au pied du Chasteau Trompette avec 50 mousquetaires dans chacung, furent salués dès qu'il fut jour de quantité de coups de canon de la batterie que le Gouverneur avoit fait dresser sur le pont dudit chasteau, ce qui les obligea de faire effort pour en sortir, mais estant attachés avec des chaisnes, ilz ne peurent reculer que jusques au devant du quay de Chapeau Rouge, où se trouvant exposés au canon du bastion aussy bien qu'à celuy du pont, il y en eut un qui feut percé et coulé à fond. Les soldatz qui estoint dedans pres du bord se sauverent tous à la nage, à la reserve de deux qui furent noyés. Aussytost on y envoya du secours dans des chaloupes qui menarent les autres à bord. On leur tira dessus 40 coups de canon et plus de 800 coups de mousquet sans qu'il y eut que deux des nostres de tuées, outre les 2 noyés et 6 blessés. Nos soldatz du pont de Blaye firent feu, pendant deux heures que cest affaire dura, sur les canoniers et mousquetaires du chasteau, ce qui les empescha de tirer si souvant qu'ilz eussent fait.

Le 14 on prit un soldat du chasteau, qui s'estoit sauvé de nuit, lequel a dit que la garnison n'avoit faute de rien que d'eau, n'en pouvant avoir que du fossé, qui est fort mauvaise; qu'il y avoit 150 soldatz tous bien aguerris, et que despuis le siege il y en avoit eu 20 /99v/ de tués et autant de blessés; qu'il n'y a que 36 pieces de canon montées qui facent feu; que despuis 8 jours le Gouverneur n'avoit point eu de nouvelles de M. d'Espernon à cause des retranchements qui sont au mail, et qu'auparavant il en avoit tous les jours.

Le mesme jour un canon de nostre batterie du Port au Barrat creva, tua le bouttefeu, et en blessa 5 autres. Despuis on y a fait une platte forme où l'on a monté du canon de 14 livres la balle, qui a commencé aujourd'huy à tirer.

On croit que le chasteau se deffendra encor 8 jours, mais le duc d'Espernon n'y sçauroit faire entrer du secours. Ce duc escrivit avant hyer à MM. du Parlement, à M. l'archevesque, à M. le president la Tresne, à M. d'Uzes, et aux juratz, et mandé par touttes ces lettres qu'il veut faire executter les ordres du Roy et donner la paix que les bourgeois souhaittent, qu'on deut depputter en tel lieu qu'on voudra, et qu'il y envoyera de sa part pour arrester et signer le traitté; mais on ne veut point ouyr parler de paix que le Chasteau Trompette ne soit pris et rasé.

Le gentilhomme du comte d'Oignon est tousjours en ceste ville, où il entretien MM. du Parlement d'esperance, disant qu'il attend tous les jours response de son maistre, qui despuis sa conference avec le mareschal de la Mesleraye a escript qu'il ne pouvoit prester les 500 mille livres qu'il a promis au Parlement, que le chasteau ne fut pris.

Les articles de paix qu'on a trouvé dans le pacquet du Roy surpris et ouvert la semaine passé portent:

1. que les juratz et bourgeois iront en deputation vers M. d'Espernon pour le prier de revenir à Bourdeaux;
2. que l'on mettra les armes bas de part et d'autre, et que touttes les / (26)trouppes soudoyés que l'on pourra retenir seront envoyées en Catalougne selon l'ordre que M. d'Espernon en donnera;
[3]. que la citadelle de Libourne sera rasée;
[4]. que l'interdiction du Parlement sera levée;
[5]. que le bureau du convoy reviendra à Bourdeaux, et que de 2 escus par tonneau de vin le Roy n'en prendra desormais q'ung;
[6]. que Messieurs de la Cour des aydes feront leurs fonctions,
[7]. que le Roy mettra en oubly tout ce qui s'est passé.

/101/  De Paris le 24 septembre 1649

Il y a beaucoup de particularités obmises dans ce que vous aves veu touchant le different de M. le Prince avec M. le Cardinal, lesquelles me semblent asses importantes pour estre remarquées. C'est que le 15, M. le Prince estant averti qu'on avoit parlé de l'arrester lors qu'il retourneroit au Palais Royal, et que M. le Cardinal tesmoignoit une grande resolution et un courage martial dans ceste conjoncture, S.A. voulut faire veoir qu'elle ne craignoit rien et s'en alla aussytost audit palais dans la chambre de la Reyne, qui l'ayant aperceu luy tourna le dos et passa dans son cabinet. En mesme temps M. le Cardinal ayant paru devant M. le Prince pour le saluer avec un visage fort resolu, Son Altesse luy tourna aussy le dos, disant qu'il ne falloit pas parestre devant ce Mars, et s'en alla. Aussytost la Reyne envoya un gentilhomme au duc de Beaufort pour luy dire que son accommodement estoit faict, qu'il pouvoit venir librement au Palais Royal, qu'elle entendoit de l'obliger à veoir M. le Cardinal, et qu'il ne manqueroit point de charge et de gouvernement; à quoy il fit responce qu'il remercioit fort Sa M. de la bonté qu'elle avoit pour luy, qu'il estoit son tres humble serviteur, mais qu'il estoit engagé avec M. le Prince, à quy il avoit offert son service contre M. le Cardinal; et de faict, M. le Prince s'estant alors declairé entierement, fut en mesme temps visitté par ce duc et par tous les Frondeurs, qui luy offrirent leurs services.

L'accommodement qui se fit le 17 n'est presque rien. On asseure qu'il n'y eut que le gouvernement du Pont de l'Arche qui luy fut accordé pour le duc de Longueville, et que la Reyne luy dit que quand à ses interestz particuliers, elle luy avoit asseuré la jouyssance des villes de Clermont, Stenay, et Jametz par le moyen d'ung traitté qu'elle avoit faict avec Mme de Lorraine, comme vraye heritiere de tout ce qui depend du duché de Lorraine, laquelle cederoit à M. le Prince touttes les pretentions qu'elle pourroit avoir sur ces trois villes, moyenant 800 mille livres qu'on luy donneroit, et que pour /101v/ le traicté de Sedan elle le feroit regler dans cette semaine, afin que le duc de Bouillon fut satisfaict. Apres cela Sa M. et M. le duc d'Orleans prierent M. le Prince d'aymer M. le Cardinal, à quoy S.A. respondit qu'elle ne haysoit personne. Sur cela S.A.R. ayant prié M. le Prince de luy donner à souper le soir de ce jour là, à elle, à M. le Cardinal, au mareschal de Villeroy, et quelques autres, comme il avoit esté arresté le matin avec M. l'abbé de la Riviere, auquel S.A. avoit aussy promis de rendre le lendemain ceste visitte à S.E., il respondit que ce luy seroit grand honneur de traitter S.A.R. et qu'elle y pouvoit amener tous ceux qu'elle voudroit. M. le Prince en sortant du Palais Royal fut ches le duc de Beaufort; mais ne luy ayant pas rencontré, il luy envoya peu apres un gentilhomme pour l'asseurer qu'il n'avoit rien faict au prejudice de la parole qu'il luy avoit donné. Le soir M. le duc d'Orleans mena M. le Cardinal avec le mareschal de Villeroy, M. Tubeuf, et quelques autres ches M. le Prince pour souper. L'on remarqua qu'avant que se mettre à table, S.A.R. entra dans le cabinet de M. le Prince avec luy et S.E., et qu'ilz y furent un quart d'heure en conferance; mais il parut bien que ceste conferance n'avoit produit aucung effect, puis que M. le Prince ne parla point à M. le Cardinal pandant tout le souper, où S.E. parla fort peu, mangea peu, et ne but q'ung coup, qui luy fut donné par un sien page. Les discours qui s'y tinrent n'estoint que de choses indiferentes. Aussytost que M. le Cardinal entra ches M. le Prince, il y eut des gardes qui se posterent sur touttes les advenues, et lors qu'il en sortit il y eut environ de huict cens chevaux qui l'attendoint sur le Pont Neuf, lesquelz l'escorterent jusques au Palais Royal.

Le 18 S.A.R. mena M. le Prince audit palais pour rendre la visitte à M. le Cardinal; mais S.E. fut tres mal satisfaicte du traittement que luy fit M. le Prince, qui le morgua et le traitta avec grand mespris, ce qui l'affligea si fort qu'elle en devint malade.

Le 19 M. le Prince soupa ches le baigneur Prud'homme, avec le duc /102/ de Beaufort, le mareschal de la Motte, le duc de Retz, les marquis de Nermonstier et de la Boulaye, et autres Frondeurs, au nombre d'onze. M. le Coadjuteur y avoit esté convié mais par bienseance il ne s'y trouva pas, non plus que le prince de Conty, qui estoit indisposé et l'est encor. Avant que souper, S.A. eut une conference de demy heure avec le duc de Beaufort, et apres ilz firent grande resjouissance et dancerent asses longtemps, S.A. y ayant faict venir ses violons. Le 20 M. Le Tellier fut ches M. le Prince pour tascher de l'apaiser en luy proposant que si le mariage de la niepce de M. le Cardinal le chocquoit, qu'il ne se feroit point; à quoy M. le Prince respondit que ce mariage luy estoit aussy indifferent que l'amitié de M. le Cardinal. M. de Vendosme ayant sceu que S.E. avoit fait faire cette proposition à S.A., s'en offensa et luy en fit reproche.

Le 21 M. de Bernay Hennequin, conseiller en la Grand' Chambre, donna un fort beau disner à M. le Prince, aux ducs de Beaufort, de Bouillon, et de Retz, aux mareschaux de Turenne et de la Motte, aux marquis de Nermonstier et de la Boulaye, et à quelques autres; et le soir le mareschal de la Motte traitta tous ces messieurs, qui despuis se divertissent tous les jours. Le comte de Fiesque les traitta hyer au soir.

Tous ces festins font croire que M. le Prince est tousjours fort animé contre M. le Cardinal; mais on travaille fort a l'accommodement de cest affaire, qui sera neantmoings d'autant plus difficile que S.A. a promis amitié et affection à tous ceux qui luy ont offert service, et l'on croit qu'elle ne s'accommodera point, que ceux cy ne soint auparavant tous satisfaitz. Le duc de Beaufort va loger ches le duc de St Simon, dont la maison touche celle de M. le Prince. M. le duc d'Orleans n'a point voulu se declarer, ny de l'ung ny de l'autre party. Il demeure mediateur. M. le Prince avoit faict desseing de presenter requeste au Parlement au nom du mareschal de Brezé, son beaupere, pour s'opposer à la veriffication des lettres patentes du don de l'admirauté, qu'on avoit destiné pour le duc de Vendosme; mais ces /102v/ lettres n'y ayant point esté veues, la requestes n'a pas aussy paru. M. le Cardinal estant indisposé le 20, se fit saigner. Le 21 il eut quelque acces de fievre, le 22 il se plaignoit des gouttes, et hyer il commencea à se mieux porter et se leva du lict. Il ne se parle plus du mariage de sa niepce et l'on le croit eschoué.

Le 18 le Parlement donna arrest portant decret de prise de corps contre Tabouret.

Le 21 le roy d'Angleterre et le duc d'Iorch, son frere, partirent de St Germain pour aller en l'isle de Jersey sur la coste de Normandie, et le lendemain la reyne d'Angleterre vint en ceste ville.

Le 22 des rentiers de la ville furent en grand nombre à l'Hostel de Ville pour demander le payement de leurs rentes; ayant trouvé que le fonds en estoit diverty, firent grand bruit et voulurent assommer le Prevost des Marchandz, mais on les appaisa par l'emprisonnement des fermiers des gabelles, sur lesquelz les rentes sont assignées, et qu'ilz ne sortiront de prison qu'apres les avoir payées. Le duc de Longueville est attendu icy aujourd'huy. Quelq'ungs veulent que M. le Prince luy doivent parler du mariage du duc de Beaufort avec Mlle de Longueville.

On parle de rapeller M. de Chasteauneuf et M. de Chavigny. Les nouvelles de nostre armée de Flandres sont mauvaises. Les ennemis nous ont defait quelques regimentz. Elle est encor vers Le Quenoy. Le comte de Guinée est sorty de Condé avec ses 2500 hommes et a abandoné ce poste.

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