Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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/142/ De Paris du 3 septembre 1652

Le 31 du passé, le Parlement estant assemblé, S.A.R., qui s'y trouva avec M. le Prince et M. de Beaufort, y [fit] veoir la response qu'elle receut le 30 du Roy, à la lettre qu'elle luy avoit escritte touchant les passeportz qu'elle avoit demandés; apres la lecture de laquelle, Sadite A. ayant esté d'advis de la communiquer à la Chambre des comptes et à la Cour des aydes, l'on remit l'assemblée à hier, pour y desliberer; sur quoy, elle sortit, pour aller à la Chambre des comptes, laquelle en remit la desliberation, de sa part, à aujourd'huy, et la Cour des aydes à pareil jour.

Les bourgeois qui ont des vignes du costé de Charanton, ayant fait les mesmes plaintes à S.A.R. que ceux qui en avoint à St Cloud et à Surenne [Suresnes], elle resolut, le 31, de les faire loger derechef dans les faubourgs St Victor et St Marcel de Paris, jusques apres les vendanges; et ayant donné les ordres à cette fin, M. de Valon les y conduisit, sans que la garde bourgeoise qui y estoit en feut avertie; et lors que les troupes feurent sur le point d'y entrer, 2 cavaliers du comte d'Olach s'estant jettés dans un jardin, et ayant cueilly des fruitz, quelques bourgeois tirerent sur eux; et parce qu'ilz tirerent aussy sur les bourgeois, ceux cy s'atrouperent en bon nombre; et ayant fait sonner le tocsin, tuerent les 2 cavaliers sur la place; et en mesme temps, d'autres ayant fait des desordres d'autre costé, les bourgeois tirerent sur l'armée, tuerent 5 ou 6 autres soldatz; et les troupes ayant aussy fait quelques autres desordres et descharges sur eux, en tuerent 2 ou 3, et un lieutenant du quartier. Ce desordre dura plus de 2 heures, et tous ces 2 faubourgs feurent en grande alarme; mais enfin, l'on en demeura là, sur ce que S.A.R. envoya ordres aux troupes de n'y entrer point. Elles demeurerent hors du faubourg St Victor, et y sont encor. M. le Prince alla, le lendemain, au camp; où estant arrivé, il demanda M. de Valon, lequel n'y estoit pas, mais il s'y rendit peu apres; et M. le Prince, apres luy avoir tesmoigné estre fasché de ne l'y avoir pas trouvé, luy commanda de faire mettre l'armée en bataille, pour recognoistre ceux qui avoint fait le desordre du jour precedent; et luy ayant fait reproches, du peu d'officers qui y estoint, luy dit qu'il estoit responsable de tous ces desordres sur sa teste; à quoy M. de Valon luy respondit, en colere, "Je voudrois que vous eussies ma teste"; ce qui aygrit encor plus M. le Prince, qui tira son espée pour le fraper; mais M. de Beaufort se mit entre deux, et fit retirer M. de Valon, qui n'a pas servy despuis, et n'a pas veu S.A.R.; mais on croit qu'elle fera sa paix avec M. le Prince.

Les troupes de la Cour ont passé la Marne, pour s'opposer à la marche de celles du duc de Lorraine et de Vertemberg, qui se sont un peu avancées despuis 4 ou 5 jours. Ce duc a escript à M. le Prince une lettre qui l'a beaucoup satisfait, par laquelle il luy promet d'estre icy, avec ses troupes, dans 8 jours. M. le Prince luy donna sa response, laquelle on n'a pas encor peu penetrer. Tout ce qu'on en sçait est que M. de Lorraine doit envoyer encor icy un expres, avec un pouvoir pour traitter; et l'on ne doute pas qu'il ne s'asseure, par ce moyen, de la restitution de Clermont par la voye qu'on avoit /142v/ proposé auparavant, de la mettre en despost entre les mains de S.A.R.

Duncherque est maintenant assiegée formellement, et fort pressée, faute de vivres. Le duc de Vendosme a receut ordre de la Cour de l'aller secourir avec son armée navale, apres quoy l'on croit que les Holandois le prendront en engagement, pour asseurer mieux les passages de leur vaisseaux sur ce costé là; mais ce duc ne se presse pas beaucoup, parce qu'il maquette Brouage.

Avant hier, le Lieutenant Particulier du Chastelet de Paris, qui preside en l'abscence du Lieutenant Civil, ayant receu ordre de la Cour de faire publier à Paris, à son de trompe, l'amnistie generalle qui a esté veriffiée au Parlement de Pontoise, S.A.R., qui en feut avertie, l'envoya querir, et luy deffendit de la faire publier; ce qui [qu'il] n'a osé faire. Neamoings, comme elle veut la paix absoluement, et que la pluspart des espritz sont refroidis de ce costé cy, et le peuple las de la guerre, on croit que la paix se pourra plastrer, et que si la Cour veut reunir le Parlement, et adoucir les termes de cette amnistie, elle sera acceptée, sans qu'il aye d'autre traitté; auquel cas, M. le Prince se retireroit dans son gouvernement de Guyenne, et S.A.R. se tiendroit dans Paris, sans entrer au Conseil, et sans prendre aucune part au gouvernement.

Hier, au matin, le Parlement s'assembla, pour desliberer sur la response du Roy à S.A.R., qui feut leue dans l'assemblée du 31. Cette desliberation feut commencé, et S.A.R. et M. le Prince s'y trouverent. Il y eut plusieurs advis differentz, les ungs d'accepter l'amnistie telle qu'elle est, les autres de supplier le Roy de la faire corriger, les autres de suplier S.A.R. d'aller en Cour; mais la plus suivie estoit de prier Sadite A.R. d'escrire derechef au Roy, pour le supplier d'accorder les passeportz qu'elle luy avoit desja demandés, et de vouloir faire executter la paix de bonne foy. Il n'y eut pas asses de temps pour achever la desliberation, laquelle feut remise à aujourd'huy.

Les lettres de Bourdeaux, du 26, portent que Mme la Princesse est fort malade, que M. de Guyse estoit party de St Sbastien et attendu le mesme jour à Bourdeaux, où on luy preparoit un beau festin pour le regaler, et que despuis le depart du comte d'Harcourt, il ne s'estoit rien passé de considerable dans la province, les troupes n'ayant fait aucune entreprise.

La Cour des aydes, ayant resolu de n'obeir point aux lettres de cachet qui la transferoint à Senlis, recut hier une declaration du Roy, par laquelle ilz sont declairés criminelz de leze majesté, interditz, et leurs biens confisqués au Roy, au cas qu'ilz ne se rende dans 3 jours à Pointoise, pour y exercer leurs charges. Cette declaration leur feut signiffiée hier, au soir, dans leurs /143/ maisons, par un huissier du Conseil, sur quoy ilz doivent desliberer demain.

Ce matin, le Parlement a continué la desliberation d'hier, et il y a eu arrest portant que celuy du 22 du passé sera executté; que S.A.R. et M. le Prince seroint priés d'escrire de nouveau au Roy, pour l'asseurer qu'ilz sont prestz de mettre les armes bas, en envoyant des passeportz, tant pour les troupes estrangeres que pour les autres, et une declaration d'amnistie en bonne forme, et où chascun puisse trouver seureté; et que touttes les compagnies et corps de Paris seroint invités de deputter en Cour pour le mesme suject. Il y a eu des grandes contestations sur ce que plusieurs vouloint que MM. les princes missent les armes bas presentement, et allassent à la Cour, et qu'on ne parlat point d'amnistie; ce qui a obligé S.A.R. et M. le Prince à crier beaucoup, celuy cy ayant demandé à ces messieurs si on les prenoit pour des buses, et si on vouloit qu'ilz s'exposassent au danger de se perdre, et de se perdre eux mesmes. Enfin, ilz ont tant fait, qu'ilz ont detourné le coup.

/144/ De Paris le 6 septembre 1652

Le premier du courant, Milord Germain estant arrivé icy, fit quelques propositions d'accommodement à S.A.R. de la part de la Cour, lesquelles on n'a peu encor penetrer, quoy qu'on dise qu'elles ne tendoint qu'à desunir S.A.R. d'avec M. le Prince, ce qu'elle rebutta d'abord.

Le 4, S.A.R. et M. le Prince enterent à la Chambre des comptes, et l'on eut peyne à se resoudre à desliberer. S.A.R. y fit derechef lecture des lettres qu'elle avoit escrite à la Cour, et de la response qu'elle en avoit receue, et representa ce que le Parlement avoit jugé à propos de faire là dessus, apres avoir fait la mesme declaration. Ensuitte de quoy, M. le Prince se justiffia sur les bruitz qu'on faisoit courir, qu'il ne voulut point de paix, et qu'il ne travailleoit que pour son interest; et l'on arresta que le Procureur General seroit envoyé en Cour, pour y faire des remonstrances sur l'imposibilité de la translation de cette compagnie à Beauvais, qu'il seroit deputté au Roy pour luy demander la paix, et que la Chambre seroit fermée jusques au retour de ce procureur general.

Ensuitte, Leurs A. allerent à la Cour des aydes, où S.A.R. ayant leu les mesme lettres, et fait la mesme declaration avec M. le Prince, il feut arresté qu'il seroit envoyé des deputtés au Roy, pour se plaindre de l'interdiction qui a esté faitte de cette compagnie, sans aucune cause, et qu'elle en attendroit 15 jours la response, sans travailler pendant ce temps là.

Hier, l'apresdisnée, S.A.R. feut avec M. le Prince et M. de Beaufort à l'Hostel de Ville, où il y eut grande assemblée. La mesme declaration y feut faitte par S.A.R. et par M. le Prince, et il feut arresté qu'on envoyeroit des deputtés de tous les corps de Ville au Roy, pour le remertier de l'esloignement du cardinal Mazarin, le supplier de vouloir donner la paix et une amnistie generalle en bonne forme, et de revenir à Paris; que cependant, il seroit escrit à la Reyne, pour la supplier d'interceder aupres du Roy pour obtenir ces demandes, et qu'on envoyeroit ce matin des deputtés (comme l'on a fait) à touttes les compagnies souveraines, pour les prier de ne point desemparer. L'on pria mesmes S.A.R. de ne leur donner point de passeportz pour sortir; mais Sadite A. eut asses de peyne d'obtenir que cette derniere deputation feut faitte aux Compagnies, parce que les 6 corps de marchandz s'y opposoint. La Ville a envoyé ce matin un courrier à Compiegne, pour demander des passeportz pour les eschevins qui seront envoyés, mais on ne les leur accordera pas, puisqu'on ne veut point les recognoistre, ny le Prevost des Marchandz non plus, ayant esté fait contre la volonté de la Cour.

Les advis de Flandres portent que l'Archiduc est allé, avec le prince de Ligne, au siege de Duncherque, qui est fort pressé, n'ayant point de vivres. Le comte de Fuelsendaigne est encor à Valentiennes, où il commence à guerir. Son armée est encor sur la /144v/ frontiere, commandée par le comte Garcia, gouverneur de Cambray.

Les troupes que M. le Prince avoit envoyé au secours de Mouront, en sont revenues despuis avant hier, au soir, n'ayant pu y reussir, et cette place s'estant rendue au comte de Palluau, le premier du courant, suivant sa capitulation.

Le bruit a fort couru à la Cour, qu'on y alloit faire 3 mareschaux de France, sçavoir, le mareschal de la Force, les comtes de Paluau et de Miossens; mais cela n'est pas certain. On asseure que le premier s'est excusé de ne pouvoir aller commander en Guyenne, en la place du comte d'Harcourt. On parloit d'y envoyer le duc de Candale, et que le comte de Lislebonne ayant envoyé demander son congé, on le luy avoit accordé; à quoy les advis de Compiegne adjoustent que le mareschal d'Estrées y a esté fait ministre d'Estat, que le cardinal Mazarin est à Bouillon, d'où Bertet [Bartet] revient le premier du courant, et retourna vers luy dès le lendemain, et que le sieur Rolin, secretaire du duc de Lorraine, estoit arrivé en Cour, avec le sieur de Joyeuse St Lambert, qui venoit de negotier avec ce duc.

M. le Chancellier partit d'icy hier, de grand matin, pour aller en Cour, déguisé en pere de l'Oratoire, S.A.R. ne luy ayant point voulu donner de passeport.

Hier, S.A.R. deslivra deux commissions, l'une à M. de Beaufort et l'autre au marquis de la Boulaye, pour lever, chacung, un regiment de fantassins volontaires, qui se sont offertz pour tenir libres les chemins des environs de Paris, et y escorter des vivres et marchandizes. Chacung de ces regiments sera composé de 30 compagnies, à chacunes desquelles M. le Prince donnera un chef experimenté, pour les discipliner.

M. le cardinal de Retz attend des passeports, pour aller en Cour.

Le duc de Lorraine estant arrivé, hier, à Maugiron [Montgeron], proche Villeneufve St George, avec ses troupes et celles de Vittemberg, le tout faisant plus de 10 mille hommes, y envelopa un party de 150 chevaux du mareschal de Turenne, et les prit prisonnier. Ensuitte, il envoya donner advis de son arrivée à S.A.R. et à M. le Prince, qui partit hier au soir pour aller à son camp, qui estoit encor au dela du faubourg St. Victor, et a fait partir sa cavalerie à une heure apres minuit, et l'infanterie ce matin, avec le bagage et 8 pieces de canon, pour aller joindre l'armée lorraine à Maugeron, où ilz ont passé la Seine dans des batteaux qu'ilz ont fait porter sur des chariotz, et la doivent avoir jointe à present. Celle du mareschal de Turenne, qui n'est que de 8 mille hommes au plus, compris celle du mareschal de Seneterre et de Mombas, s'estant venue camper à Villeneufve St George, se trouve presque envelopée par l'autre, et l'on croit qu'il y aura bientost combat. Cepandant, le duc de Lorraine est arrivé icy aujourd'huy, à une heure apres midy, avec M. le Prince et le chevalier de Guyse, et ilz ont disné /145/ ensemble au palais d'Orleans. Ilz s'en sont retournés ce soir à leur camp. L'on asseure que ce duc a traitté avec M. le Prince, qui luy a asseuré la restitution de Clermont; et c'est le baron de Verderonne qui a fait ce traitté. Quelq'ungs veulent que M. le Prince aye baillé 100 mille escus en lettre de change, payables à Bruxelles, lesquelles luy ont esté envoyée d'Espagne.

/146/ De Paris du 10 septembre 1652

Les advis de la Cour, d'avant hier, portent que le sieur Rolin, secretaire du duc de Lorraine, en estoit party le mesme jour, pour retourner aupres de son maistre, qui [qu'il] disoit estre à present en plaine liberté de traitter avec la Cour, puisqu'il avoit escorté les troupes de Vittemberg jusques au lieu qu'il avoit promis, ne s'estant obligé à autre chose, et n'ayant mesmes accepté cette commission qu'à cause de l'inexecution des parolles qu'on luy avoit données de la part de la Cour; que M. de Vendosme en devoit aussy partir le mesme jour, pour aller joindre les vaisseaux de l'armée navalle du Roy qu'il commande, laquelle l'attendt à Dieppe pour aller tenter le secours de Duncherque; à quoy les mesmes advis adjoustent que M. le Chancelier y estant arrivé, avoit eu une conference particuliere avec M. le Garde des Sceaux, dont plusieurs s'estoint fort estonnés.

M. le cardinal de Retz partit hier d'icy, pour aller à la Cour, escortés de 30 carrosses, dans lesquelz estoint les deputtés du clergé.

Le mareschal de Turenne, voyant la difficulté qu'il y avoit de sortir du poste de Villeneufve St George, sans courir risque de laisser charger son arriere garde et perdre son bagage, fit faire un point de batteaux sur la Seine; lequel estant achevé le 7, il y fit passer 600 chevaux du costé de deça, et en mesme temps fit decamper une partie de son armée, pour se poster plus avantageusement, laissant le gros dans le mesme poste de Villeneufve St George, où il est encores; ce qui obligea M. le Prince et le duc de Lorraine de s'avancer vers Grosbois, et de passer la petite riviere d'Hieres [Yères], pour serrer ce mareschal de plus pres. Cepandant, M. le Prince renvoyant, avant hier, le bagage de son armée dans son antien poste du faubourg St Victor, escorté de quelque cavalerie, feut attaquée par les 600 chevaux que le mareschal de Turenne avoit fait passer sur le pont de batteaux à Villeneufve St George; lesquelz estant arrivés à l'entrée de ce faubourg, où ce bagage estoit desja arrivé, se mirent en devoir de le piller; mais une compagnie de bourgeois, s'estant jointe à la cavalerie qui les escortoit, les alla couper par derriere; et le canon de la Bastille ayant en mesme temps tiré sur eux, ilz feurent contraintz de se retirer en diligence, sans pouvoir piller que 2 ou 3 chariotz, ny emmener que 10 ou 12 chevaux, et y perdirent /146v/ vingt ou trente cavaliers, qui feurent faitz prisonniers, lesquelz raporterent que le mareschal de Turenne manquoit de fourrages, et n'avoit pas beaucoup de vivres.

Hier, M. le Prince donna ordre de faire passer son bagage vers Charanton, où il avoit envoyé 1000 chevaux pour l'escorter, ce qui feut executté.

/148/ De Paris le 13 septembre 1652

M. le cardinal de Retz arriva le 10, au soir, à Compiegne, avec son beau cortege de 30 carrosses et 50 gentilzhommes, et peu apres feut saluer le Roy et la Reyne, qui le receurent fort bien, et luy donnerent audiance particuliere. Le lendemain, le Roy luy donna son bonnet à la messe; et le reste du jour il se tient ches luy, estant indisposé d'une enfleure de joue, qui prouvenoit d'un mal de dentz. Il fit hier sa harangue au Roy, au nom de tout le clergé, comme chef de la deputation. Son discours ravit tous ceux qui l'ouyrent. Il remontra la necessité de donner la paix, par des raisons qui toucherent si fort la Reyne, qu'elle en pleura; mais ses larmes n'ont encor produit aucung des effectz qu'on en esperoit. Il loua fort la bonté de S.A.R., mais ce qui estonna le plus, feut lors qu'il parla de M. le Prince, ayant representé qu'il estoit d'autant plus juste de luy donner seureté, qu'outre sa naissance, les grandz services qu'il avoit rendu à l'Estat, et ceux que sa valeur, cogneue de tout le monde, pouvoit encor continuer, meritoint bien qu'on conservat sa personne, et l'exalta jusques au 3e ciel.

Le courrier que S.A.R. avoit envoyé à la Cour, la semaine passée, touchant les resolutions qui avoint esté prises dans les compagnies souveraines et à l'Hostel de Ville, en est revenu ce matin, ayant apporté à S.A.R. la response du Roy, contenue dans une lettre fort longue, laquelle commence par un grand eloge du cardinal Mazarin, et le reste que des invectives de touttes sa vie passée; et apres avoir fort exageré sur sa conduitte presente, et luy reproché que le Ciel a voulu punir son injustice, en luy ostant son filz, enfin la conclusion en est que le Roy veut s'en tenir à l'amnistie qu'il a donné, sans y rien changer, et entend que S.A.R. et M. le Prince posent les armes presentement. Par la mesme voye, l'on a sceu qu'il y avoit une declaration du Roy qui feut scellée avant hier, par laquelle Sadite A. est declarée criminelle de leze majesté si, dans 8 jours, elle ne se rend à la Cour et ne pose les armes; et à l'esgard de M. le Prince, il est dit que la declaration qu'on a desja donné contre luy, et contre M. le prince de Conty et Mme de Longueville, sera executée.

Le 9 M. le Prince ayant fait passer le bagage de son armée dans Paris, le fit marcher à Charanton, où il passa la Marne, escorté de 1000 chevaux, et joignit le gros de l'armée. Son A. ayant investy le camp de M. de Turenne, fit planter 2 batteries en deux differentz endroitz, dont l'une portoit sur le pont de batteaux de ce mareschal, lequel le fit rompre, pour eviter que cette batterie ne le rompat; mais il peut le faire raccommoder, pour passer la Seine lors qu'il sera plus pressé, ne pouvant sortir de son poste que par là, sans combattre, ny mesmes sans veoir charger son arriere garde.
/148v/ La Cour envoya ses ordres, la semaine passée, au chevalier de Barradas, de faire raser Mourront; mais on dit que, despuis, on les a revoqués. Le vicomte de Mombas est revenu avec 600 chevaux, qui joignirent hier l'armée du mareschal de Turenne.

Le Parlement ayant voulu s'assembler hier, au matin, S.A.R. s'y trouva; et y ayant leu la lettre qu'elle avoit receue du duc Damville le 9, il feut arresté que l'assemblée seroit remise à lundy, en attendant la response du Roy, touchant les propositions resolues aux dernieres assemblées et à l'Hostel de Ville.

Hier, l'apresdisnée, S.A.R. et le duc de Lorraine allerent au camp, et s'assemblerent avec M. le Prince, M. de Chavigny, et le duc de Vittemberg. On a sceu qu'il n'y eut point de traitté, mais seulement des propositions sur lesquelles on fait un project; et ilz y doivent retourner demain au mesme lieu, pour les examiner et conclurre leur traitté. On dit que M. le Prince ne veut point rendre Clermont au duc de Lorraine, mais qu'il luy offre 50 mille escus par mois, qu'il receoit d'Espagne; ce que celuy cy ne veut pas accepter, et insiste tousjours pour avoir une asseurance de la restitution de cette place, offrant mesmes de fournir de l'argent pour les despences de la guerre, en cas que S.A.R. et M. le Prince veuillent faire un traitté avec l'Espagne et luy, par lequel ilz s'obligent de ne point faire de paix, qu'on ne fasce la generalle en mesme temps; et c'est dans cette esperance que les Espagnolz n'ont point du tout voulu escoutter les propositions du cardinal Mazarin. Cepandant, le sieur de Jouyeuse St Lambert est icy, aupres de ce duc, de la part de la Cour, et confere avec luy dans le palais d'Orleans, où il paroit publiquement.

La semaine passée, le jeune marquis de la Mesleraye, qui est à la Cour, ayant voulu tutoyer M. le duc d'Anjou, celuy cy luy donna un soufflet en bonne compagnie; dont il ne feut point blasmé, quoy qu'il eut souvent souffert la mesme familiarité du marquis de Roquelaure, à l'exemple duquel l'autre s'estoit emancipé de la prendre.

300 chevaux du duc de Vittemberg ayant passé la Seine ce matin, à la nage, ont pris 250 chevaux de M. de Turenne, lesquelz avoint passé la mesme riviere sur un second pont de batteaux, qu'il a fait faire au dessus de Villeneufve St George, pour aller au fourrage; et les ayant menés au bout du fauxbourg St Victor, pour les mettre en seurté et partager le butin, tout ce quartier là s'en est allarmé, croyant que ce feussent des ennemis, et on leur a tiré 3 coups de canon de la pointe de l'Arcenal; mais apres qu'il ont esté recognus, on a [on n'a] plus tiré sur eux, et ilz ont repassé la riviere avec leur butin.

/150/ De Paris le 17 septembre 1652

Par la declaration du Roy donnée contre le S.A.R., Sa M. ordonne que tous ses biens seront vendus pour les despenses de la guerre, jusques à ce qu'il en soit autrement ordonné.

Le 14, S.A.R. ayant esté, dès 6 heures du matin, à la messe à Nostre Dame, partit pour aller au camp, où elle demeura pendant que M. le Prince et le duc de Lorraine estoint icy, presque toutte la journée. Celuy cy va et vient au camp et à Paris; et l'autre se tient assidu, la pluspart du temps, à l'armée. Ilz n'ont fait encor aucung traitté, mais ilz en ont examiné les propositions, apres quoy M. le Prince, qui ne veut pas se desaisir de ses places, a fait entendre à M. de Lorraine qu'il falloit, avant que traitter, veoir si S.A.R. voudroit s'en tenir à accepter avec elle, et de faire la paix avec la Cour, auquel cas il seroit inutile de traitter avec M. de Lorraine; lequel, à la priere de S.A.R., envoya, le 15 au matin, M. de Joyeuse de St Lambert à Compiegne, pour sçavoir si l'on voudra donner à MM. les princes, aux cours souveraines, et à l'Hostel de Ville, la satisfaction qu'ilz souhaittent; et en cas qu'ilz la refusent, S.A.R. sera obligée d'entrer en traitté avec M. le Prince et M. de Lorraine. L'on en attend des nouvelles en grande impatiance.

La Cour ne voulant pas avoir à faire du nouveau Prevost des Marchandz, ny aux eschevins, travaille despuis longtemps à desunir les 6 corps de marchandz d'avec eux. Pour cest effect, le Lieutenant Civil, qui est à Compiegne, escrivit le 14 à ceux cy, les exhortant d'aller, sans la Ville, en deputations à la Cour, demander le retour du Roy à Paris, qui sans doute leur sera accordé, et qu'ilz seroint bien receus; sur quoy ilz s'assemblerent, l'apresdisnée du mesme jour, dans leur bureau, et resoluerent d'envoyer leurs deputtés en Cour, soubz le bon plaisir de S.A.R..

Hier on receu nouvelles que Doncherque avoit capitulé, et que la garnison en devoit sortir de bonne composition, si elle n'est secourue dans la journée d'hier, ce qui ne se pouvoit faire, M. de Vendosme s'estant trouvé court de 3 ou 4 jours.

M. le cardinal de Retz revient de la Cour le 14, avec les deputtés du clergé, apres avoir traitté toutte la Cour fort splendidement, et fait servir 6 tables de 12 couverts chacunes. La response qu'on fit à sa harangue est imprimée.

La Cour se prepare pour venir à St Germain, où elle est attendue de jour à autre. M. le duc Damville a esté fait ministre d'Estat, et le comte d'Orval duc et pair. On parle aussy de faire quelques nouveaux mareschaux de France, entre autres /150v/ M. de Manicamp.

Hier, le Parlement estant assemblé, et S.A.R. y estant, on y leu la response que le Roy luy avoit faitte; sur quoy on arresta qu'elle seroit priée de continuer ses soings pour la paix, et qu'on escriroit à M. le Chancellier et à M. le Garde des Sceaux, pour les prier d'asseurer Sa M. que la Compagnie estoit en liberté, à cause que la Cour veut faire passer le Parlement pour captif; et que cepandant il seroit surcis, jusques au retour de M. de Jouyeuse St Lambert.

M. de Lorraine est tousjours à Paris, où il va seule dans un carrosse de Madame, sans avoir q'ung valet de pied à sa suitte; et M. le Prince se tient au camp, où il a fait faire un second pont de batteaux sur la Seine, au dessus d'Ablon, pour empescher que M. de Turenne ne puisse avoir communication avec Corbeil, comme il a, despuis la prise de ce poste.

Le cardinal Mazarin n'a point esté à Bouillon, quoy qu'on y aye adressé touttes les lettres qu'on luy a escrites. Il est encor à Sedan, incognito.

/152/ De Paris du 20 septembre 1652

L'archiduc Leopold, estant arrivé devant Duncherque, et ayant fait ouvrir les tranchées la nuict du 4 au 5, fit tellement avancer ses travaux que, la nuict du 9 au 10, il se rendit maistre de la contrescarpe; et en mesme temps, un bourgeois estant sorty de la ville, à la nage, le vient avertir que M. de l'Estrade, qui en est gouverneur, estoit blessé d'une mousquetade au ventre, et que le major de la place estoit au lict malade; ce qui fit resoudre l'Archiduc à donner un assaut; mais comme il se preparoit, les assiegés demanderent à capituler; et la nuict du 10 au xi se passa à contester sur les pointz de la composition, laquelle feut enfin accordée, à condition que, si dans le 16 de ce mois, ilz ne recevoint point un secours de 2 mille hommes par mer, ilz rendroint la place, et en sortiroint avec armes et bagages, 4 pieces de canon, et un mortier, et seroint conduitz et escortés à Calais; ce qui a esté executté, la place n'ayant pas esté secourue, à cause de M. de Vendosme s'est trouvé court de 3 ou 4 jours. Les Flamans pressent l'Archiduc pour assieger La Bassée, mais parce que c'est une place forte et bien munie, l'on ne croit pas qu'ilz s'y attachent, cette campagne.

Les avis de Calais, du 8, portent que la garnison de Doncherque y estoit arrivé, et que les Anglois avoint pris 8 vaisseaux et un brulot de la flotte du duc de Vendosme, dont ilz ont renvoyé les hommes, pour faire veoir qu'ilz n'ont fait cette prise que pour user de reprisaille.

Mme de Savoie a envoyé icy un gentilhomme nommé le baron de Grezy, pour faire des condoleances à Mme de Nemours et à M. d'Aumale, sur la mort de M. de Nemours.

Les 6 corps des marchandz ayant resolu, le 14, de deputter à la Cour, soubz le bon plaisir de S.A.R., feurent le lendemain au palais d'Orleans, pour luy en demander l'aprobations; mais elle leur fit response que ce n'estoit que pour les desunir d'avec l'Hostel de Ville qu'on les avoit porté à prendre cette resolution, et qu'il estoit bien raissonnable qu'ilz attendissent que la Cour feut disposée à recevoir la deputation du Parlement et des autres compagnies souveraines, aussy bien que de la Ville, avec laquelle ilz devoint joindre la leur.

On escrit de Bourdeaux que Mme la Princesse comenceoit à guerir, que M. de Guyse en estoit party incognito, sans dire où il alloit (neamoings, on l'attend icy), et que MM. du Plessis Belliere et Folleville n'avoint pas encor joint le comte de Lislebonne, qui ne faisoit aucung progres.

Le 18, au soir, M. de Joyeuse St Lambert revient de la Cour, et raporta la response de la /152v/ Reyne à la lettre que le duc de Lorraine luy avoit escritte, par laquelle Sa M. luy mandoit qu'elle avoit accordé tres volontiers, à sa recommendation, les passeportz à M. le mareschal d'Estampes et à M. Goulas, pour aller en Cour, faire les complimentz de S.A.R., et conferer sur les moyens de la reunir avec la Cour, et M. le Prince aussy, lequel il receut ordre de veoir, et de luy parler des interestz qu'il pretend, aussy bien qu'à S.A.R. Cepandant, le passeportz feurent remis en despost entre les mains de M. Chenu, qui est revenu de son ambassade de Suede, pour estre deslivrés apres que la Cour aura receu la response de Leurs A. là dessus. Pour cest effect, M. de Joyeuse [St Lambert] et M. de Chavigny feurent, hier au matin, trouver M. le Prince au camp, et celuy cy est venu icy, ce matin, pour en conferer avec S.A.R.

On escrit de la Cour que Leurs M. se disposoint à partir lundy, pour retourner à Pontoise ou à Mantes.

La nuict du 17 au 18, il y eut une petite escarmouche sur ce que M. le Prince, ayant eu advis que M. de Turenne faisoit defiler quelque cavalerie, y envoya un party au devant, pour le recognoistre; lequel l'ayant repoussé, et s'en revenant, feut attaqué par un party de mousquetaires qui estoit retranché dans un fossée, et qui tua d'abord, sur la place, le marquis de Loresse de la Maison de Montmorency, et un capitaine de cavalerie, et blessé 5 ou 6 autres, entre lesquelz est le sieur de St Ibar, qui estoit à M. de Longueville.

M. le Prince ayant conferé ce matin avec S.A.R., touchant ce que M. de Joyeuse St Lambert luy avoit proposé de la part de la Cour, est retourné cette apresdisnée au palais d'Orleans, où le duc de Lorraine s'est trouvé. Il y a eu un long conseil, dont on ne sçait pas encor le resultat; mais à la sortie, l'on a dit à M. de Joyeuse qu'il falloit qu'il s'en retournat demain, au matin, à la Cour, et qu'il y avoit beaucoup de disposition à l'accommodement. En suitte de quoy, M. de Lorraine est allé trouver M. Chenu, qui est icy; et l'on croit que le mareschal d'Estampes et M. Goulas partiront aussy, dès demain, pour aller à la Cour avec M. de Gaucourt, qui y doit aller de la part de M. le Prince, le comte de Fiesque n'y ayant pas esté agreé. L'on asseure que M. de Joyeuse a declairé à M. le Prince qu'il ne devoit rien demander pour avancer la fortune du comte d'Augnon et de M. de Marchin, pour le premier desquelz il avoit souhaitté un brevet de duc et pair, et pour l'autre un baston de mareschal de France, ce que la Cour ne veut point du tout leur accorder.

/154/ De Paris le 24 septembre 1652

La prise de nos vaisseaux par les Anglois, à la radde de Calais, a esté confiermée par M. de Vendosme, qui est de retour despuis le 20 à Compiegne; d'où l'on mande encor que l'on envoye le comte de Quinçay en Savoye, pour tascher d'obtenir de Madame Royalle qu'on donne des troupes, et fasse un effort pour le secours de Casal, pour lequel elle fit faire des grandes instances à la Cour, jusques à declarer derechef que si l'on ne donne promptement ordre de deffendre les estatz du Duc son filz, elle sera obligée, avec luy, de s'accommoder avec les Espagnolz; à quoy l'on adjouste que le duc de Candale, à qui l'on a nouvellement donné les prerogatives de prince, s'en va commander l'armée de Guyenne, en la place du comte d'Harcourt (qui a esté fort bien receu dans Brisac [Brissac]), et que ce duc doit aller bientost, avec la pluspart de cette armée, en Catalougne, pour secourir Barcelonne.

Les advis de Rouen, du 21, portent que la Chambre des vacations y avoit receu une lettre de cachet du Roy, afin d'assembler le Parlement pour affaires d'importance. On croit que c'est pour veriffier l'amnistie, et peut estre la declaration donnée contre S.A.R., et pour faire une coupe de bois pour une somme considerable. Cette chambre a resolu que, dans huitaine, on avertiroit l'autre moitié de la Chambre de s'assembler, pour aviser si on inviteroit tous les conseillers absens, et qui ne sont point de vacations, de se rendre à la ville, pour faire une assemblée generalle. M. de Longueville fait des levées pour la Cour.

Hier, au matin, le Parlement estant assemblé, S.A.R. dit qu'il avoit renvoyé M. de Joyeuse St Lambert à Compiegne dès le 21; que s'il ne faloit point aller plus avant (voulant dire que si la Cour n'envoyoit point à Sedan, prendre l'advis du cardinal Mazarin), qu'en ce cas on en pourroit avoir la response aujourd'huy, et qu'autrement on ne la pourroit avoir que jeudy; sur quoy, la desliberation en feut remise à ce jour là, en suitte de quoy M. de Beaufort presenta à la Compagnie les lettres de remission qu'il avoit obtenues, touchant la mort de M. de Nemours, et presenta requeste par laquelle il demanda que les sceaux ayant esté enlevés, les lettres feussent tenues pour scellées; ce qui luy feut accordé, apres que s'estant mis à genoux, selon la coustume, il eut juré qu'elles contenoint verité, et qu'il s'en vouloit servir; en suitte de quoy, l'on ordonna qu'elles seroint communiqués aux Gens du roy, et qu'on y deslibereroit mercredy, qui est demain. Apres cela, S.A.R. estant sortie, l'on y parla de l'affaire de M. Foarcoal, et l'on ordonna que les tesmoings seroint recolés et confrontés, et que cepandant, luy et ses domestiques demeureroint en prison en l'Hostel de Ville, où ilz sont.
Les mareschaux du logis du roy partirent, le 21, de Compiegne, pour aller faire les logementz à la Cour, qui en devoit partir hier, pour aller coucher à Creil, aujourd'huy à Marines, et demain à Mantes, où elle attendra les dispositions de Paris, devant que s'aprocher de St Germain.

/154v/ Le comte de Rieux feut mis, hier au soir, hors de la Bastille, son affaire s'estant accommodée avant hier, par l'entremise de M. de Lorraine, qui a obtenu sa liberté.

La Cour ne voulant point de paix, aux conditions que MM. les princes la demandent, continue à faire ses effortz pour desunir les espritz des Parisiens. Pour cest effect, on a fait semer des billetz hier et ce matin, contenant que Sa M. estant bien informée de la bonne volonté que les habitans de Paris ont pour son service, et pour se tirer de l'opression où MM. les princes les tiennent, qu'elle leur permet et ordonne de prendre les armes, et s'assembler en tel lieu qu'ilz jugeroint à propos, pour combattre ceux qui se voudront opposer à leurs desseings, arrester les chefs, et se saisir des factieux, pour faire que la ville soit gouvernée par l'ordre antien, soubz l'authorité de Sa M. Ces billetz ne sont dattés ny signés ny scellés. Neamongs, 3 ou 400 bourgeois ce [se] sont assemblés ce matin dans le Palais Royal, où ilz ont pris le papier à leur chapeau, au lieu de la paille. Dans cette assemblée, ilz commencoint à prendre resolution d'aller premierement ches M. de Broussel, pour l'obliger par force à ce [se] demettre de la commission de prevost des marchandz, de laquelle il a voulu se demettre volontairement, aussytost qu'il a sceu, mais S.A.R. l'en a detourné; et cette assemblée n'a osé prendre aucune resolution, et s'est dissipée à midy, quoy qu'il avoit plus grand nombre d'autres qui murmuroint contre eux. Ilz avoint parlé de se reassembler cette apresdisnée, dans les Augustins, auquel cas S.A.R. avoit resolu avec les eschevins de tenir une assemblée de Ville, pour empescher l'effect de l'autre; mais despuis, les premiers se sont reavisés. Il est venu une cinquantaine d'autres bourgeois, à une heure apres midy, au palais d'Orleans, pour se plaindre à S.A.R. de ce que ceux de l'assemblée du Palais Royal s'estoint mis en devoir d'attaquer quelques maisons des particuliers contraires à leur faction; à quoy elle leur a respondu qu'ilz en fissent leurs plaintes à l'Hostel de Ville, et qu'on leur en feroit justice.

MM. les princes ont mis garnison dans Brie Comte Robert, et leur armée tient tousjours investie celle du mareschal de Turenne dans les mesmes postes, où il ne ce [se] passent que des petites escarmouches.

On escrit de Bourdeaux que l'assemblée de l'Ormée y a fait dresser 4 potences aux 4 coins de la ville, pour y faire pendre, sans aucune forme de proces, tous ceux qui parleront de recevoir l'amnistie de la Cour, ny la paix, autrement qu'à la volonté de MM. les princes; que les armées n'y font aucune entreprise de part ny d'autre; qu'on ne sçait ce qui est devenu de M. de Guyse.

/155/ De Paris le 27 septembre 1652

Le 21 l'on remarqua, à Compiegne, que la Reyne dit au Roy qu'il estoit tropt grand pour l'appeller desormais sa "bonne maman," tellement que, despuis, il l'appelle "Madame." La mesintelligence qui est entre le Chancellier et le Garde des Sceaux empesche touttes les affaires du Conseil. L'ung et l'autre pretendent les commiss[aires?] on[t] la faculté de donner des raporteurs aux parties, ce qui n'est pas encor reiglé.

La Cour arriva le 23 à Mantes, d'où l'on escrit qu'on y avoit fait suivre M. de Jouyeuse St Lambert, auquel on avoit promis de donner la response qu'on avoit à faire aux princes, touchant laquelle on y attendoit, de Bouillon, l'advis du cardinal Mazarin, et de Paris l'effect de la division qu'on avoit commencé d'y semer le 24; que neamoings, on y avoit trouvé les propositions de S.A.R. asses raisonnables, et qu'on ne desesperoit pas de la paix, quoy qu'on estoit persuadé que M. le Prince n'y estoit pas fort satisfait de telle proposition, et qu'il avoit desseing de se retirer à Stenay; qu'autre le comte de Quinçay, qui va en Piedmont commander en qualité de lieutenant general, l'on y envoye encor le prince Thomas, avec les troupes du duc de Mercoeur; et que le marquis de Vassé, à qui l'on a donné le gouvernement de Casal, estoit party pour s'aller jetter dedans, et que le duc de Candale estoit party pour aller commander en Guyenne; qu'on avoit envoyé ordre à M. du Plessis Belliere, d'aller promptement au secours de Barcelonne, avec 4 mille hommes et 1000 chevaux; qu'il avoit receu, à cette fin, 30 mille livres pour luy seul, et qu'il avoit promis d'y estre le x octobre; que les conseillers de Barcelonne avoint mandé que la ville tiendroit jusques à l'arrivée de ce secours, et que le chevalier de la Ferriere avoit aussy ordre de se mettre en mer, et d'y retourner; qu'à cest effect, on luy avoit donné des vivres pour 3 mois. L'on a demoly les fortiffications qui avoint esté faittes à Mourron, mais on n'a pas encor tousché au corps de la place.

Depuis la prise de Duncherque, les Espagnolz sont venus assieger Bethune, afin d'avoir meilieur marché de La Bassée, et ont envoyé sur la frontiere le prince de Ligne, avec 4 mille chevaux, pour estre prest de venir joindre l'armée de MM. les princes, en cas que la Cour ne veuille point de paix, et que ceux cy veuillent traitter avec eux.

Hier, S.A.R. s'estant trouvée à l'assemblée du Parlement, l'on y cassa les informations et autres procedures faittes dans l'affaire de M. de Beaufort, pour le lieutenant de la connestablie; et l'on ordonna qu'on en feroit des nouvelles par devant deux commissaires, attendu qu'on ne peut informer contre un duc et pair qu'à la requisition du Procureur General. S.A.R. y fit recit de la lettre qu'elle avoit receue de M. le duc Damville, /155v/ par laquelle il luy tesmoignoit que la Cour estoit fort disposée à la paix. Ensuitte, l'on parla de la sedition du 24, sur laquelle, apres quelques contestations de ceux qui vouloint qu'on citat M. Prevost, il feut seulement arresté qu'on informeroit contre les autheurs de cette action; et cepandant deffenses, sur peyne de la vie, de faire pareilles assemblées, ny de porter aucunes marques exterieures tendantes à sedition, ce qui feut publié à son de trompe; et sur ce que M. Sevin proposa de deputter en Cour, il feut arresté que M. Talon, advocat general, y iroit, comme estant personne agreable à la Cour, d'où il attend son passeport pour partir.

Ce soir, S.A.R. a eu advis que la Cour, pour favoriser l'assemblée qui ce [se] fit le 24 au Palais Royal, devoit faire entrer, cette nuict, 500 chevaux, pour s'emparer d'un poste dans lequelle cette assemblée se peut tenir en liberté; et qu'on devoit choisir, à cette fin, ou le mesme palais, ou l'Arsenac, ou le Temple; et que, pour faire veoir qu'il ne tenoit pas à la Cour que la paix ne feut faitte, elle avoit envoyé une nouvelle amnistie non veriffiée. Sadite A. a donné les ordres pour faire mettre un corps de garde à la porte du Palais Royal, pour redoubler celuy du Temple, et mettre deux sentinelles à l'Arcenac, et rien au Louvre, à cause que le roy d'Angleterre luy a donné sa parolle qu'il n'y entreroit rien.

L'assemblée des bourgeois, faittes le 24 dans le Palais Royal, estoit conduitte par M. Prevost, conseiller de la Grande Chambre; lequel, apres y avoir leu tout haut une lettre de cachet signée "Le Tellier," y exhorta tous les bourgeois de l'executer, et voulut obliger un chascun de signer un engagement qu'il avoit dressé à cette fin; mais il n'y en eut pas beaucoup qui le vouleussent signer. M. de Broussel ayant sceu leur desseing, se deffit de la commission de prevost des marchandz, et les 2 nouveaux eschevins aussy des leurs, afin que la Cour ne puisse pas dire que ce soit un obstacle à la paix. M. de Beaufort de demit ensuitte, le lendemain, du gouvernement de Paris, pour la mesme raison.

Consult other years:
Fronde 1648
Fronde 1649
Fronde 1650
Fronde 1651
Fronde 1652
Fronde 1653