Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

Contents

Volume 1

Panat

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Patricia's Musings

Marc-Antoine

Charpentier

Musical Rhetoric

Transcribed Sources


 

Une fête à Panat: la bénédiction du chemin de croix et des statues

(Revue religieuse de Rodez, 29 janvier 1886, p. 74)

Dimanche dernier, la petite paroisse de Panat était en grande fête.

Il s'agissait, c'est vrai, d'une cérémonie bien ordinaire dans nos églises. On y bénissait un chemin de croix.

Mais cette cérémonie avait un caractère particulier : c'est qu'elle était toute embaumée des parfums du pèlerinage de Jérusalem.

Car il faut le dire, la gracieuse église de Panat est sortie d'une généreuse résolution prise en 1882 pendant le premier pèlerinage national de Terre-Sainte.

C'est une petite épopée qui mérite d'être rapidement racontée.

Depuis bien des années, tout le monde convenait qu'il fallait restaurer l'église servant autrefois de chapelle au manoir qui couronne le mamelon sur le flanc duquel est construit le village.

Mais l'édifice, si édifice il y a, ne se prêtait guère à une restauration.

On songea donc à une reconstruction. Mais c'est ici surtout que les difficultés s'accumulèrent.

Mgr Pie [Louis-Edouard Pie, évêque de Poitiers et cardinal en 1879] développe quelque part, dans des pages magnifiques, les raisons pour lesquelles presque toutes les constructions d'église trouvent d'incroyables obstacles. C'est le diable qui se met en travers pour empêcher que la nature créée dont il voudrait être le maître soit taillée et embellie pour servir à la construction d'un temple en l'honneur du Dieu de l'Eucharistie.

M. l'abbé Cayron a éprouvé toutes les difficultés de cette opposition. Mais il a vaillamment persévéré.

Cependant les meilleures volontés se lassent. Aussi l'abbé Cayron eut-il quelques heures d'hésitation.

Il s'en souvient bien. Nous étions en pleine mer. La Picardie protégée par la croix et l'oriflamme du Sacré-Cœur et pareille à une basilique flottante fendait les flots avec une vertigineuse rapidité.

Les eaux étaient unies comme une glace et brillamment diamantées par les splendeurs du soleil d'Orient.

En cette année 1882, la France catholique envoya à Jérusalem des représentants de toutes les classes de la société. Les prêtres étaient nombreux.

Ceux-ci surtout se plaisaient à faire l'histoire de leur ministère, de leurs joies, de leurs peines, de leurs luttes, etc.

Vint le tour de l'abbé Cayron. Tourmenté par on ne sait quelle mauvaise inspiration, il raconta toutes les difficultés que rencontraient ses projets et il conclut en disant qu'il était incapable de les surmonter. Fort heureusement que ces paroles furent entendues d'un homme [le père Marie-Antoine] qui s'entend à relever les courages.

« Quand on va à Jérusalem, lui réplique le P. Marie-Antoine, il n'est pas permis de prendre la résolution de reculer devant le diable. Vous ferez votre église. Vous la commencerez aussitôt après votre rentrée. Elle sera le monument qui racontera aux générations futures que le pasteur de cette paroisse a visité les Saints Lieux et y a puisé le courage d'élever une belle église en l'honneur du Dieu du Calvaire ».

L'abbé Touzery applaudit chaleureusement à ce langage.

L'abbé Cayron accepta le défi. Rentré au milieu de son troupeau, il passa par-dessus toutes les difficultés qu'il tourna ou qu'il brisa.

Un an après, le 1er juillet 1883 en la solennité des apôtres saint Pierre et saint Paul eut lieu la bénédiction de la première pierre dont le ciment fut fait avec de l'eau du Jourdain et de l'eau de la fontaine de Saint-Paul-aux-Trois-Fontaines à Rome, puisée à leur source par M. le curé lui-même.

Enfin le 5 octobre 1884, en la solennité de N.-D. du saint-Rosaire, Mgr l'évêque [Bourret] arriva de Rodez accompagné de M. Noguéry, vicaire-général pour faire la bénédiction de la nouvelle église et la livrer au culte.

Un an et quelques mois avaient suffi pour élever une charmante petite église qui malgré la simplicité de son architecture n'en demeurera pas moins comme une des œuvres les plus belles et les plus gracieuses de M. Pons, architecte.

L'église possède déjà une partie de son mobilier. Les statues du Chemin de la Croix n'étaient cependant pas encore placées. Elles l'ont été dimanche 24 janvier.

A chacune d'elles se rattache encore un souvenir de Jérusalem.

Les chevaliers qui allaient à la croisade plaçaient la croix dans leur blason, comme témoignage de leurs glorieux combats. Les simples pèlerins se bornaient à porter une palme qu'ils suspendaient à la muraille de leur demeure, comme souvenir de leur voyage.

M. l'abbé Cayron a voulu lui aussi laisser un témoignage de son pèlerinage sur chacune des quatorze stations.

Sur le croisillon de chaque tableau il a fait attacher une petite croix faite à Jérusalem en bois d'olivier et qu'il a eu la pieuse sollicitude de déposer sur la pierre du Saint-Sépulcre et sur le calvaire dans le trou de la croix qui porta N.-S. J. C.

Pour célébrer cette fête M. le curé a désiré que les pèlerins de Jérusalem, les plus voisins de son village, fussent présents et participent à sa joie.

Ont répondu à son gracieux appel MM. les abbés Touzery, chanoine honoraire ; Ricard, secrétaire général ; Alazard, curé de Glassac ; Cayron, curé de Maleville ; Alazard, rédacteur de la Revue religieuse ; Cure, vicaire à St-Michel-de-Decazeville, tous anciens pèlerins de Jérusalem.

Après la messe chantée par M. Ricard, M. l'abbé de Touzery est monté en chaire et a expliqué le sens de la cérémonie.

Il l'a fait avec une éloquence pleine de doctrine, d'onction et d'enseignements pratiques.
Il est remonté en chaire* le soir avant la bénédiction de la statue du saint auquel chaque autel est consacré.
Avec un bonheur de langage aussi intéressant et aussi éloquent que le matin, l'orateur a expliqué le symbolisme de l'autel sur lequel s'immole la divine victime et en a fait de magnifiques applications à l'âme de chrétien.

C'est par ce dernier exercice que c'est terminée cette belle fête. La paroisse de Panat en gardera toujours les joies.Cross of Jerusalem in window

Et c'est ainsi que le pèlerinage de Jérusalem a porté ses fruits dans ce coin de la terre. Une charmante église, l'eau du Jourdain et de Rome qui a cimenté la pierre angulaire, la petite croix d'olivier qui orne chacune des stations, un vitrail qui porte les armes du Saint-Sépulcre sont le témoignage de ce qu'a fait le pieux curé de la paroisse à son retour de la Terre-Sainte.

M. de Belcastel avait donc bien raison de dire que le pèlerinage de Rome et de Jérusalem imprègne l'âme comme d'un nouveau sacrement et lui donne la vertu des plus généreuses résolutions et de[s] plus courageuses initiatives.

[sans signature, mais à la fin d'une copie manuscrite de l'article
 préservé par l'abbé Cayron, ce dernier note:
"Compte-rendu de la Revue Religieuse de Rodez,
du 29 janvier 1886, par l'abbé Alazard".]

Note:

* Voici un peu de broderie de la part de l’abbé Alazard, une broderie à laquelle il se donnait trop souvent, semble-t-il. Le Livre de la paroisse de Panat révèle que la chaire dans la nouvelle église a été installée en juillet 1887 et qu’avant cette date, il n’y avait qu’une "simple estrade sur une caisse."