Le mobilier de l'église
Les silences du curé de Panat
entre juillet 1880 et le printemps de 1887, nous empêchent de connaître
les principes qui ont guidé les "décideurs" (1) —
c'est à dire, le coumité créé par Mgr Bourret (2),
voire le curé et les fabriciens agissant ensemble. Heureusement,
l'église elle-même referme quelques indices qui permettent d'entrevoir
quelques-uns de ces principes directeurs.
Les décideurs ont choisi du
mobilier de style "roman," tel qu'il était représenté dans les
catalogues de l'Institut Catholique (Union internationale artistique) de
Vaucouleurs.
En effet, les trois autels de l'église de Panat sont faits d'éléments en terre cuite qu'on peut voir dans le catalogue de l'Institut pour 1893.
Par exemple, les colonnettes et le large arceau sur le tombeau du maître-autel de l'église de Panat, se trouvent dans le catalogue de l'Institut:
No 47 - AUTEL ROMAN en terre cuite. ... Prix en blanc ton de pierre, non compris les marches, ni statues, 1200 fr. Avec statues en blanc: 1400 fr.
Pour le tableau central, les décideurs de Panat ont toutefois choisi une mise au tombeau, alors que le catalogue propose une Adoration de l'Enfant Jésus. (3)
Les décideurs ont sûrement payé un supplément pour la dorure.
De la même manière, dans la partie supérieure de l'autel gauche, on trouve les mêmes rinceaux — mais argenté — que sur l'autel numéro 71:
AUTEL ROMAN en terre cuite, peint ton de pierre ... Prix 575 fr. sans marches. (4)
Autrement dit, pour les autels — et sans doute pour la balustrade en terre cuite aux arcs trilobes qui sépare le sanctuaire de la nef — les décideurs se sont adressés au même fabriquant que pour le chemin de croix, ce "superbe chemin de croix sorti des ateliers de Vaucouleurs." (5) Effectivement, dans le catalogue de l'Institut, on trouve exactement le même chemin de croix:
Cadre roman: no 54. Le tout en terre cuite .... Prix en blanc 500 fr, Polychromé 700 [fr], Rehaussé d'or en plus 50 [fr] (6)
Une phrase que l'abbé Cayron laisse tomber ailleurs dans le Livre de la paroisse de Panat révèle que les décideurs ont se sont adressés à un marchand intermédiaire: "M. Giscard, statuaire à Toulouse et fournisseur des trois autels." (7)
Faisons ici une brève parenthèse. À en juger des faits que nous avons pu rassembler sur le désenclavement de Panat grâce au "chemin no 17," les cantonniers n'ont terminé la route de Nuces à Panat qu'en 1886 au plus tôt. En revanche, en 1885 ils auraient terminé la partie entre Clairvaux et Panat. Tous ces éléments en terre cuite seraient donc venus par le train depuis Toulouse jusqu'à Saint-Christophe, et de là on les aurait transporté à Panat par Clairvaux. Cela jette du jour sur la bénédiction assez tardive des trois autels (8): des retards dans la construction de l'embranchement Clairvaux-Panat-Nuces auraient rendu impossible la livraison de ces grandes caisses lourdes pour la bénédiction d'octobre 1884.
De cette brève comparison du mobilier en terre cuite installé dans l'église de Panat, et des images dans le catalogue de l'Institut de Vaucouleurs, on peut tirer deux conclusions:
1) les trois autels ainsi que le chemin de croix de Panat, ont été fabriqués par l'Institut de Vaucouleurs;
2) les décideurs cherchaient le mobilier au goût "roman."
Pour conclure, revenons au mobilier de l'église de Panat.
Tout se passe comme si les décideurs ne décidaient plus à partir de l'automne de 1886. En novembre 1886, le Père Vigouroux, un missionaire venu pour précher une retraite, a "proposé une souscription pour l'acquisition d'une chaire qui manque encore dans l'église, une simple estrade sur une caisse servant présentement de chaire." (9)
En juillet 1887, jour de la fête de Sainte Anne, la chaire a été installée. La description semble indiquer que c'est l'abbé Cayron, au nom des souscripteurs, qui a passé la commande, et qu'il a fait son possible pour que cette chaire s'accorde au goût qu'avaient les décideurs pour le roman:
Cette chaire d'un style assez simple mais conforme à celui de l'église a été bien réussie. Elle de du[e] à la main de Boulouis, sculteur [sic] Trémouilles. Elle est faite en bois de chêne et présente un cachet de solidité comme du reste tout le corps de l'église. Elle a coûté six ___ [illisible]. (10)
Le résultat est un hybride.
C'est à dire que la chaire est décorée d'arceaux romans inspirés par la porte de l'église; et, en bas, d'une bande en damier qui ressemble aux motifs de la maison romane de Panat, qui existait toujours et qui se dressait juste à côté du presbytère où logeait l'abbé Cayron. En revanche, en dépit d'une multitude de petits arceaux romans, l'abat-voix reste tant soit peu gothique!
Notes:
1. C'est l'expression utilisée par C. Bouchon, C. Brisac, N.-J.
Chaline, J.-M. Leniaud, Ces églises du XIXe siècle
(Amiens: Encrage, 1993) p. 82.
2. Livre de la paroisse de Panat,
p. 72.
3. Bulletin mensuel de l'Union internationale artistique
Juin 1893, p. 5, disponible sur Internet à:
http://www.inventaire.culture.gouv.fr/referentiels/UIA_Vaucouleurs.html
4. Bulletin mensuel de l'Union internationale artistique Juin
1893, p. 6.
5. Livre de la paroisse de Panat, p. 72.
6.
Bulletin mensuel de l'Union internationale artistique Juin
1893, p. 13.
7. Livre de la paroisse de Panat, p. 77. Sur
Giscard, voir
http://www.rennes-le-chateau-archive.com/giscard.htm.
8.
Livre de la paroisse de Panat, p. 72: "... après les vêpres avait
[lieu] la bénédiction de trois autels...." En revanche, l'article
d'Alazard parle seulement des "statues": "... avant la bénédiction de la
statue du saint auquel chaque autel est consacré."
9. Livre de
la paroisse de Panat, p. 76.
10. Livre de la paroisse de
Panat, p. 76. Natif de Fréjamayous, paroisse de Saint-Hilaire (c'est
la commune de Trémouilles), Cayron aurait-il fait appel à un ami de
jeunesse?
First published in Volume 1 with the URL http://ranumspanat.com/eglise_mobilier.htm