[par Orest Ranum]
Dans leur
belle introduction à une anthologie de récits de voyage datant du moyen
âge et de l'époque moderne, Jean Goulemot, Paul Lidsky, et Didier
Masseau (2) voient une "coupure" dans le
genre, vers 1650. Pour la période 1500-1650, et partout en Europe, ils
constatent que l'éducation humaniste des élites a donné lieu à une vue "passéiste"
de la culture ; et que cette optique a profondément influencé ce que les
voyageurs ont observé et écrit (3).
L'étude des langues antiques, ainsi que les croyances hermétiques —
surtout à propos de la signification divine ou sacrée de mots et
d'inscriptions antiques — ont poussé les voyageurs à porter une
attention particulière aux ruines antiques. Une optique plus "moderniste"
a fait son apparition à partir de 1650, en partie par suite du déclin de
l'humanisme, et en partie parce qu'une ouverture sur les cultures de
l'Asie et du Nouveau monde a favorisé l'essor d'une perspective
relativiste dans le domaine culturel.
Le récit de voyage que nous présentons ici confirme l'existence de cette grande "coupure". Charles Le Maistre n'est guère attiré par le paganisme antique ; il ne s'arrête pas sur son chemin pour déchiffrer une inscription ou contempler une ruine. Bien entendu, il s'intéresse à l'Église primitive ; mais il n'est guère plus ému ni plus émerveillé pendant sa visite aux catacombes qu'en se promenant dans les églises les plus récemment construites de Rome. Cette optique moderniste et assez prosaïque face à l'Antiquité, ne s'exprime pas dans les paroles qu'il couche sur le papier, mais dans son choix des phénomènes qui le passionnent au cours de son voyage. Par exemple, comme d'autres voyageurs, Le Maistre note la beauté des sculptures qui ornent les fontaines publiques dans l'Allemagne du sud. Ces fontaines sont-elles, pour lui, autant d'expressions d'une identité urbaine ? La beauté d'une fontaine est-elle l'indice de la qualité de la vie dans une ville, dans un village ? En fin de compte, Le Maistre renonce à décrire les fontaines : il y en a trop. Il note aussi les caractéristiques des fortifications des différentes villes, préférant manifestement celles qui sont récemment construites — et donc plus efficaces — à celles qui sont archaïques ou dégradées. Le duc de Brissac aurait-il demandé à Le Maistre d'enregistrer ces {34} renseignements ? Ou bien Le Maistre se conduit-il comme un proto-fonctionnaire royal qui, par une espèce d'action civique, amasse des renseignements qui pourraient servir lors d'une guerre contre les Habsburg ?
Les observations quelque peu désacralisantes qui deviennent plus fréquentes dans les récits de voyage à partir de 1650 ont aussi leur place dans la Relation de Charles Le Maistre. Chez lui, ces observations n'ont que peu de choses à voir avec le scepticisme qui se manifestera au siècle des Lumières. Le Maistre est un croyant qui critique ce qu'il considère être la corruption de l'Église, et plus particulièrement, celle du clergé. Oui, la corruption : Le Maistre gronde contre un clergé qui exploite la crédulité des fidèles, afin d'en tirer un profit pécuniaire. C'est pour cette raison surtout que notre docteur s'interroge de temps en temps à propos de l'authenticité d'une relique, mais accepte sans hésitation non seulement l'historicité d'autres reliques mais aussi leurs pouvoirs miraculeux. S'il se montre négatif face à la papauté en général, c'est à cause de sa conviction que les papes de son siècle ont tourné le dos à leur vocation de vicaires du Christ. Il est toutefois révélateur que Le Maistre ne mette pas en question le pouvoir du pape pour pardonner les péchés temporels. En effet, notre docteur se contente de noter sa déception quand il voit passer Alexandre VII en procession, raide comme une figure de cire. Plus tard, après une audience où sa Sainteté lui demande d'évaluer l'efficacité des troupes impériales, son jugement négatif du pape s'adoucit. Faut-il voir dans le fait que Le Maistre accepte des indulgences au nom de Charles Du Parc — rappelons que c'est son pseudonyme — l'indice d'un scepticisme, voire d'un cynisme à propos des pouvoirs du pape ? Ou bien ce geste témoigne-t-il d'une conviction historiciste qui tient que les pouvoirs de l'office dépassent l'ontologique ? Explorer le rapport entre le Jansénisme profond de Le Maistre, ses croyances historicistes, et la pensée des Lumières — ou des pré-Lumières — dépasse les bornes de cette introduction. Il est néanmoins évident qu'existait, en France, une affinité entre les contestations religieuses et les pré-Lumières qui était tout aussi profonde que celle discernée en Grande Bretagne et aux Pays-Bas (4).
Comme chez beaucoup de voyageurs, la réaction de Le Maistre face aux paysages et aux panoramas urbains s'appuie sur ses lectures (5). Le paysage aux environs de Rome le déçoit énormément, car sa lecture l'avait, semble-t-il, préparé à voir un paysage idyllique. Pour la même raison, l'église de Lorette et les édifices qui l'entourent le déçoivent : ils ne confirment pas ses attentes (6). Pour les villes de l'Allemagne, et pour les montagnes de la Styrie et la Carinthie, on trouve moins {35} d'allusions à de telles disparités entre la chose réelle et l'image qui se fonde sur la lecture. Ce serait l'indice que tout en "aimant le voyage", Charles Le Maistre n'avait probablement pas lu de récits qui décrivaient ces régions-là. À la manière de Montaigne, partout où il passe, notre docteur est préoccupé par les croyances religieuses et par les pratiques dévotionnelles — surtout dans sa seconde relation, celle de 1681, qui préserve ses souvenirs d'un voyage dans le Nord protestant.
Chose assez rare chez les auteurs de récits de voyage, la Relation de Charles Le Maistre permet de définir un contexte précis. Non seulement savons-nous l'itinéraire et le but du voyage, mais nous sommes renseignés aussi sur la perspective culturelle et religieuse de l'auteur. Ce dernier n'est pas un simple dévot parmi d'autres ; il n'est pas tout à fait comme la majorité de ses contemporains qui se disaient choqués par l'érotisme de l'art de l'époque et par le laisser-aller des religieux. (Il est effectivement choqué, mais il y a autre chose.) Non, c'est un grand Janséniste ; et toute sa pensée est pénétrée de cette optique. Saint Augustin est son héros ; et Le Maistre scrute le monde à travers les lunettes de la controverse qui, depuis plus d'une décennie, met les Jansénistes aux prises avec les Jésuites. Bien sûr, il est intrigué par ce qu'il voit dans les pays allemands et lors du combat avec les Turcs, mais c'est Rome qui le fascine. La papauté, l'administration labyrinthique qu'elle a créée, l'ultime autorité de Rome sur toutes les questions de doctrine : voici les questions qui suscitent les réflexions et les observations les plus pénétrantes chez notre auteur.
Charles Le Maistre est-il exceptionnel ? Comparons sa Relation avec deux récits de voyage — l'un à Rome, l'autre en Hollande — que Philippe Gourreau de La Proustière a incorporé à ses Mémoires, compilés à partir de 1653 et jusqu'en 1691. Gourreau partage à plus d'un titre l'horizon mental de Charles Le Maistre. Prêtre et moine de la grande abbaye augustinienne de Saint-Victor de Paris, et prieur-curé de Villiers-le-Bel, Gourreau affirme qu'il a fait ces voyages pour son propre "divertissement" ; qu'il n'écrit pas de l'histoire mais des mémoires personnels ; et qu'il fait ce qu'il fait pour lui-même, pas pour le public, ni pour quelques particuliers. De toute évidence, Le Maistre adopte une perspective analogue pour sa Relation -- une perspective teintée toutefois par une fierté, par une conscience du péché née d'une lecture de Pascal, mais mitigée par son rôle de conseiller spirituel du duc de Brissac. Moins versé que Le Maistre en théologie et en philosophie, Gourreau est simplement érudit : à la manière de notre docteur, il larde donc son récit de citations tirées de la Bible, des Pères de l'Église et des auteurs d'Antiquité.
Au fur et à mesure que la tempête janséniste s'étendait, Gourreau la suivait de loin. Mieux valait qu'un des principaux moines de la communauté de Saint-Victor ne s'y mêla point ! Il note toutefois sa désapprobation devant le recours l'intimidation qu'utilisent et la Monarchie et l'Église, dans leurs tentatives pour étouffer cette {36} querelle (7). Comme chez Le Maistre, ce fut grâce au hasard que Gourreau put voyager en Italie : ayant appris la maladie du pape en 1654, le cardinal Jérôme Grimaldi partit pour Rome en prévision d'un futur conclave (p. 159). Le voyage de Gourreau en Hollande fut motivé à la fois par la recherche du divertissement et par l'opportunité de visiter quelques-unes des plus anciennes communités d'Augustiniens non-réformées. Nous avons vu que Le Maistre fit le sien afin de ne pas être embastillé.
Fasciné comme Charles Le Maistre par la pratique liturgique, Gourreau se livre à des observations bien plus neutres que celles du Janséniste -- ce dernier tendant à déclarer incorrect le rituel des religieux allemands ou italiens (8). Impressionné par l'immense monument qu'on avait construit au-dessus de la modeste Casa de Lorette où naquit la Vierge, Gourreau éprouve un "frémissement" quand il voit sur la voûte ces mots : Verbum caro factum est (9). Tout en défendant les intérêts de Saint-Victor, il n'adopte pas l'optique d'un zélé. Il connaît toute la gamme de la vie religieuse — depuis la haute politique ecclésiastique jusqu'aux besoins de ses humbles paroissiens de Villiers-le-Bel —, mais Gourreau se méfie des réformes, soit à Saint-Victor, soit dans l'Église en Italie. Pendant son voyage en Italie, il semble avoir pyschologiquement pris ses distances vis-à-vis du clergé italien.
Pour un contexte encore plus précis, nous pouvons aussi revenir au récit d'un autre écclésiastique, cette fois un Janséniste, pour comparer brièvement son journal avec la Relation de Le Maistre. Nous avons vu que Charles Le Maistre mentionne le Journal de M. de Saint Amour et que, sans le dire explicitement, il prend ce journal pour son modèle pendant son propre voyage en Italie auprès du duc de Brissac.
Louis Gorin de Saint-Amour, docteur en Sorbonne et fervent Janséniste, fit son voyage à Rome en 1650 comme "député des évêques" lors des contestations provoquées par l'affaire des Cinq Propositions. L'intensité de l'engagement de Saint-Amour se lit dans sa notion que l'histoire de l'appel à Rome avait une signification cosmique : "L'affaire des Cinq Propositions estant devenue par les suittes si considérable, [...] elle est à présent la principale partie de l'Histoire de l'Eglise de ce siècle", affirme-t-il dans sa préface. Cette intensité, cet engagement religieux et politique poussa Saint-Amour non seulement à écrire son long journal, mais à le faire paraître, dix ans après et à ses propres frais.
{37} Les Jésuites et les Jansénistes, ayant chacuns de leur côté tenté de convaincre les fidèles d'adopter leur point de vue, avaient fini par élaborer des pédagogies qui répondaient aux besoins des fils de l'élite, et de l'aristocracie en particulier (10). Nous avons vu que Saint-Amour avait amené avec lui en Italie un jeune gentilhomme, et que Le Maistre avait voyagé dans la suite du duc de Brissac quand ce dernier avait tout juste vingt ans. La contradiction évidente entre les deux buts de Saint-Amour — présenter un appel provoqué par une controverse théologique devant les instances pontificales, et être en même temps le guide spirituel et intellectuel d'un jeune gentilhomme — confère au Journal une nette perspective janséniste. Saint-Amour insiste toutefois sur une autre qualité de son journal : l'exactitude. "Je ne doute pas, dit-il dans sa préface, qu'il n'y ait pas beaucoup d'histoires plus agréables que celle-cy pour le style et pour la difference des matieres, mais il n'y en eut peut-être jamais de plus exacte et de plus fidele." Chez Saint-Amour, cette insistance sur l'exactitude et sur la fidélité de son récit est plus réfléchie et plus profonde que le topos évoqué par la plupart des écrivains de son temps, qui se piquent de n'écrire que des choses "vraies".
Ce souci d'exactitude incite Saint-Amour et Le Maistre à mentionner la souce de certaines opinions qu'ils expriment et à laisser paraître une curiosité presque ethnographique. Regardons, à titre d'exemple, une conversation entre Saint-Amour et un Dominicain français à propos des pratiques dévotionnelles (c'est un sujet qui passionne nos deux docteurs). Le Dominicain dit que non seulement un flot de pèlerins est venu prier près du tombeau de Pie V, qui est mort en odeur de sainteté, et qu'ils ont parsemé son tombeau de fleurs et y ont mis des ex voto pour remercier le défunt d'avoir répondu à leurs prières. Mais, poursuit le Dominican, depuis la bulle d'Urbain VIII qui a régularisé les canonisations, "on avoit osté et serré dans la sacristie ces ex-voto, et que cette coûtume de semer les fleurs sur son tombeau avoit esté abolie" (11). Bref, Saint-Amour se tait et laisse parler sa source : ce sont des faits, et les faits sont éloquents pour le lecteur Janséniste -- qui respecte l'autorité du pape mais qui est toujours prêt à questionner cette autorité dans ses spécificités. Le Maistre emploie ce même procédé à de nombreuses reprises : lui aussi cite sa source et laisse la source parler pour lui. Ce procédé fait penser aux écrits de Jean-Baptiste Thiers.
En somme, le Journal de Saint-Amour et la Relation de Le Maistre sont plus ou moins entrelacés. Les auteurs se connaissaient bien : ils étaient tous deux docteurs en théologie de la Faculté de Paris, tous deux Jansénistes, tous deux des pédagogues influencés par les enseignants qui avaient créé les petites écoles de Port-Royal, et ils recherchaient tous deux l'exactitude en toutes choses.
{38} Devant ce souci d'exactitude de la part de Charles Le Maistre, et devant son érudition, on comprend mieux sa façon de s'exprimer. Dire que la langue de ce docteur est "rocailleuse" (12) veut dire adopter une optique trans-historique. Une ligne de faille sépare Le Maistre de Locatelli, de Liverdis de Grangier (13) , de Chapelle, voire de Jean Racine ou de Claude Perrault. Pour exprimer la vérité, Le Maistre applique, souvent inconsciemment, la philosophie du langage : il raisonne comme un théologien, s'exprime en périodes bien construites (14) et emploie un style atticiste qui célèbre le texte et privilégie une signification précise. Or, à partir du milieu du siècle, le récit de voyage, en tant que genre, suivait pour ainsi dire un nouveau chemin : il s'appuyait sur un modèle atticiste-juridique. Il y a donc des affinités entre le style de Charles Le Maistre et les récits de voyage rédigés par les Jansénistes des années 1660.
Nous avons vu que, quelques années avant de se diriger vers la Hongrie, Le Maistre joua le rôle de "l'homme de bien" auprès de Sébastien-Joseph du Cambout, abbé de Pontchâteau, lors d'un voyage en Bretagne ; mais, pour des raisons que nous ignorons, Le Maistre ne faisait pas partie de sa suite quand l'abbé se dirigea vers Rome en 1658. De retour à Paris, Pontchâteau se mit à compiler une Relation que Bruno Neveu caractérise comme étant "à la fois un journal et un guide", et où les souvenirs personnels de l'abbé s'entremêlent à des descriptions tirées d'ouvrages descriptifs en vogue, dont quelques descriptions de monuments antiques (15). Comme {39} Saint-Amour avant lui et Le Maistre par la suite, dans ce journal Pontchâteau décrit le cérémonial religieux avec minutie. À titre d'exemple, quand il assiste à un office chez les Grecs orthodoxes, voire chez les Juifs, il prend note non seulement de l'habillement de l'officiant mais aussi des gestes de ce dernier et des objets qui l'entourent.
D'une certaine façon, l'attention intense et égale — déjà apparente dans le journal de Montaigne — que ces observateurs portent sur la liturgie des différents cultes, a changé, pour eux, la signification de la liturgie de l'Église catholique romaine. Si les fidèles faisaient partie d'une communauté d'âmes et, par leurs prières, participaient aux cérémonies spirituellement, quoique presque machinalement, l'observateur-rapporteur prend ses distances et braque un œil scrutateur sur cette même liturgie. Quand Charles Le Maistre s'attend à être édifié par une cérémonie, il note les sentiments qu'il éprouve — ou, plus souvent, sa déception devant un vide spirituel qui le perturbe.
Avec brièveté, mais aussi avec admiration, Pontchâteau note ses reflexions devant un tableau, une sculpture, des mosaïques, des jardins (quelques années plus tard, Le Maistre fera de même). Lors de son séjour à Venise, l'Abbé se rend à Murano, où se fabriquait le fameux verre de Venise. Le Maistre, qui de toute évidence préfère les livres aux objets décoratifs, fait ce même pélerinage artistique en 1664, mais tout se passe néanmoins comme si Pontchâteau et Le Maistre ne possèdaient pas le vocabulaire qui leur aurait permis d'exprimer une remarque esthétique. Les théologiens jansénistes, en effet, ne se trouvaient pas au premier rang de ceux qui inventaient les mots nouveaux qui, au XVIIIe siècle, allaient permettre un discour sur l'esthétique (16). Il est fort possible que l'abbé de Pontchâteau n'ait jamais montré son journal à son "bon ami" Le Maistre. Si tel est bien le cas, les similarités entre les préoccupations et les réflexions de Charles Le Maistre et celles de Pontchâteau sont doublement impressionantes.
L'engouement pour le récit de voyage a satisfait à un désir de mieux connaître le monde, un désir qui se manifestait de plus en plus chez les élites de l'époque moderne (17). Pour le voyageur, l'identité individuelle religieuse s'extériorise désormais {40} et la curiosité fait moins peur. Le voyage est considéré comme une métaphore de la vie, et le journal-mémoire comme un compte à présenter devant le Seigneur : il laisse donc place à un certain réalisme, souvent pimenté par une goût prononcé pour l'exotique (18).
Notes
1. [Pour des conseils sur comment réconcilier les notes et les numéos de page de la version imprimée et cette version Internet, voir Charles Le Maistre’s Voyage en Allemagne, Hongrie et Italie, 1664-1665
2. Le Voyage en France, Paris, 1995, p. xi. Pour leur présentation de Charles Le Maître [sic], voyez pp. xx et 374, qui servent d'introduction à un extrait tiré de la Relation du voyage au Pays-Bas de 1681. Voyez aussi, pour les artistes, le brillant article de J. Thuillier, "Il se rendit en Italie", Il se rendit en Italie : Études offertes à André Chastel, Paris, 1987, pp. 321-36 ; voir également G. Labrot, L'Image de Rome, une arme pour la Contre Réforme, Paris, 1987 ; et E. MacPhail The Voyage to Rome in French Renaissance Literature, Saratoga, 1990.
3. Paul Dibon et Françoise Waquet, Johannes Fredericus Gronovius, pèlerin de la République des Lettres, recherches sur le voyage savant au XVIIe siècle, Genève, Droz, 1984, passim.
4. M. Cottret, Jansénisme et Lumières : pour un autre XVIIIe siècle, Paris, 1998.
5. G. Atkinson, Les Relations de voyage et l'évolution des idées, Paris, 1924, pp. 128-62 ; et G. Labrot, L'image de Rome ; une arme pour la Contre-Réforme, 1534-1677, Paris, 1987, chapitre V.
6. Voir, à titre d'exemple, 1664, infra, pp. 315 et 323-324.
7. Philippe Gourreau de La Proustière, op. cit., p. 533 (sa narration la querelle janséniste est psychologiquement très révélateur et idéologiquement très pénétrante). F. Bonnard, Histoire de l'abbaye royale des chanoines réguliers de Saint-Victor de Paris, Paris, 1907, pp. 188-191.
8. Ceci ne veut pas dire que Gourreau approuve tout. À propos de la participation d'un légat à un office à Venise, il écrit : "Les musiciens, dans une tribune, le légat au lieu de chanter ne faisoit que prononcer, fort ignorant dans les cérémonies. Ils font gloire comme beaucoup d'autres de ne sçavoir rien de l'Église, quoy qu'il soient fort aise de subsister du bien de l'Église" (p. 205).
9. Philippe Gourreau de La Proustière, op. cit., p. 201. Il note aussi que les fortifications y sont "à la moderne".
10. J.-L. Quantin, "Port-Royal et la haute noblesse : sur le cas du duc de Luynes (1620-1690)", Le Second ordre : l'idéal nobiliaire, Paris, éd. C. Grell et A. Ramier de Fontanier, 1999, pp. 109-131.
11. Saint-Amour, op. cit., p. 175.
12. Goulemot et al. (p. xxi), trouve chez Le Maistre "une langue rocailleuse, au vocabulaire pauvre et à la syntaxe inélégante,[qui] relève un esprit moins cultivé, d'origine sans doute plus modeste".
13. Baltasard Grangier de Liverdis, Journal d'un voyage de France et d'Italie par un gentil-homme françois l'année 1660, Paris, 1679. Ce récit mêle le général et le particulier. C'est à dire que Liverdis présente son itinéraire, les distances et les hostelleries où on doit loger ; mais il décrit aussi les choses qu'il a vues de ses propres yeux (dont les sites antiques qui s'imposaient à tout gentilhomme qui voyageait en Italie), et en général il voit favorablement les messes, la musique, les ex-voto. Le Maistre ne connaissait sûrement pas ce récit, la première édition datant de 1670.
14. Pour la période classique, voir Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, 1989, art. "Période". Tout se passe comme si, à force d'avoir non seulement lu mais aussi entendu ce genre de période depuis le début de ses études, Le Maistre s'exprimait par des périodes tout à fait équilibrées, du moins quand il écrivait. Pour cette raison, quasiment tous les paragraphes de sa relation sont d'une même longueur. Et il fait encore mieux : un bon nombre de ces périodes commencent et finissent par une même image, un même mot. Prenons à titre d'exemple quelques-uns des paragraphes où il raconte les événements à Saint-Gottard. Ayant commencé une période circulaire par ces mots : "Je ne puis point dissimuler que l'arrivée des Turcs ...", il la finit en avouant qu'il ne pouvait pas dire son bréviaire "si proche des Turcs, sans distraction" (1664, infra, pp. 153). Ou citons une autre période circulaire qui commence par "Nous remarquions distinctement de nostre camp", et qui se termine sur une expression analogue, "campement" (1664, infra, p. 157). Et on peut observer cela tout au long de cette relation de 1664-65, mais aussi dans celle de 1681. Voyez aussi infra, Principles d'édition, pour nos observations sur la ponctuation de ces périodes.
15. Neveu, op. cit., pp. 25-29. Dressé en 1661, la Relation manuscrite est conservé à Utrecht, dans le fonds d'Amerfoort.
16. L'enrichissement du vocabulaire ne serait-il pas le résultat des tendances asianistes des Jésuites, surtout dans leurs descriptions de l'Asie et du Nouveau Monde ? Les fameuses relations de ces pères contiennent les ferments non seulement d'une nouvelle attitude à propos du vocabulaire, mais aussi d'une tendance à créer de nouvelles significations autour des noms de lieu exotiques. Le latin et la versification restent, bien entendu, des sources inépuisables pour l'enrichissement du vocabulaire. Voir le bel article de Jackie Pigeaud, "Les quatre livres des Jardins du Père René Rapin," XVIIe Siècle, no 52, 2000, pp. 601-626.
17. P. Rosset, "Les Conseillers au Châtelet de Paris au XVIIe siècle", Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Île-de-France, no 21, 1970, pp. 173-292, et no 22-23, 1972-1973, pp. 145-197.
18. Pour la période 1500-1600, voir Gérard Defaux, Le Curieux, le glorieux et la Sagesse du monde, Lexington, 1982 ; et pour une analyse de la rhétorique du voyage comme pèlerinage, Marjorie O'Rourke Boyle, Loyola's Acts, Berkeley, 1997, pp. 147-184. En 1667, le Janséniste Claude Lancelot fit la relation d'un véritable pèlerinage : Relation d'un Voyage d'Aleth, contenant des mémoires pour servir à l'Histoire de la vie de Messire Nicolas Pavillon, evêque d'Aleth ("France, chez Théophile Imprimeur, à la Vérité", s.d.). Une des "stations" de ce pèlerinage fut Aponay, où Lancelot put parler avec Dom Lauron (c'est le "Dom Loron" dont parle Charles Le Maistre), "qui y avoit été relegué à cause de la retractation de la première Signature" (p. 106). Une autre station fut Alet, où il put admirer non seulement la façon de vivre et les saintes activités de Pavillon mais aussi "le progrès dans la vertu" de Matthieu Feydeau (p. 106). Pour un autre pèlerinage à Alet, voir la relation d'un voyage fait en 1699 par les frères Foreau, prêtres, Marc Dubruel, Au temps de Pavillon et Caulet, Les diocèses d'Alet et de Pamiers d'après une relation contemporaine inédite, Foix, 1913.