A noter: Dans le Volume 1 ce dossier faisait partie de notre présentation de l’architecture de la vieille église de Panat (http://ranumspanat.com/old_church.htm)
Le dossier 4V36 aux Archives départementales de l’Aveyron, permet de faire un coda à notre présentation de la vieille église de Panat.
Dans les années 1820, le comte de Panat a légué à la fabrique de Panat une rente annuelle. Pendant plus d’un demi-siècle, la famille payait ce legs fidèlement; mais à partir de la souscription de 1878, quand ils ont refusé de donner un sou pour construire une nouvelle église, les paiements se faisaient rares. En 1883, les Adhémar devaient à la fabrique des arrérages de 1000 francs.
Ce refus de payer a donné lieu à un procès. La fabrique a gagné en premier instance, mais elle a perdu devant la cour d’appel de Toulouse. "Ce double procès," raconte Mgr Bourret au préfet de l’Aveyron, "a imposé à la fabrique de l’église de Panat à peu près pour 1800 francs de frais, que cet établissement est absolument incapable de payer." En 1889 Bourret a donc proposé la vente de l’église au comte de Panat, leur caveau de famille étant situé dans le sanctuaire. (L’église ayant été amputée de ses deux chapelles, les d’Adhémar se sont mis à appeler le sanctuaire "la chapelle Sainte Anne.")
Les formalités autour de cet achat ont duré six ans et demi. La correspondance ci-dessous si lit comme une petite pièce de théàtre. Les principaux acteurs sont: Mgr Bourret, évêque de Rodez, qui a donné son autorisation; le préfet de l’Aveyron, qui insistaient que toutes les formalités soient observées à la lettre, et tant pis si cela retardait la résolution de l’affaire; le conseil municipal et le maire de Clairvaux, qui, comme propriétaire de l’église, réclamaient "l’emploi des fonds provenant de la vente" (c’est-à-dire, ils cherchaient à s’accaparer d’une revenue dont la fabrique endettée ne pouvait guère s’en passer); l’avoué des d’Adhémar, qui n’avait pas été payé pour ses peines; le comte Albert d’Adhémar, l’acquéreur; et, bien entendu, l'abbé Émile Cayron, curé de Panat, qui aurait suivi de près toutes ces démarches et ces débats.
En octobre 1894 un accord a été signé entre le comte et la commune. Les Adhémar deviendraient les propriétaires du "chœur de l’ancienne église" et du "restant de l’église de Panat ..." Sur les 924 francs (ou environ) qui restaient à payer "sur les frais dûs dans le procès intervenu entre lui et la fabrique," ils se sont engagés de payer 800 francs en argent comptant. Les autres 124 francs demeuraient à la charge de la fabrique.
Avec ce document, le dossier cesse de parler de l’achat de l’ancien église. L’acte de vente a dû se signer peu après. Depuis 1995 il se trouve en principe dans les archives départementales.
28 janvier 18[89] Mgr Bourret au préfet:
Monsieur le Préfet,
La fabrique de l’église de Panat a soutenu contre M. le comte de Panat un procès qu’elle a gagné en première instance devant le tribunal de Toulouse et qu’elle a perdu en appel devant la Cour de cette même ville. Il s’agissait de legs obituaires que la fabrique réclamait à M. le comte de Panat et à sa famille.
Ce double procès a imposé à la fabrique de l’église de Panat à peu près pour 1800 francs de frais. que cet établissement est absolument incapable de payer.
Il faudrait donc recourir à la commune, qui avait du reste donné un avis favorable pour l’instance à introduire, mais je ne dissimule pas que le conseil municipal de Clairvaux, dont Panat est section, ne verra pas d’un bon œil les poursuites des hommes d’affaires.
Pour ménager un peu cette situation et ménager la paix entre ces deux paroisses, je serais d’avis que la fabrique de Panat, d’accord avec la commune de Clairvaux, rendissent de gré à gré la vieille église de ce village à M. le comte de Panat, qui consent à l’acheter.
Cet édifice, tout en ruines d’ailleurs, n’est plus d’aucune utilité à la paroisse de Panat, depuis la construction de la nouvelle église. Il est attenant au château de M. le Comte, qui pourrait l’utiliser, et qui d’ailleurs me paraît le seul acquéreur.
Si vous partagez mon avis, Monsieur le Préfet, je vous prierais de m’en donner connaissance d’abord et de donner ensuite des instructions au maire de Clairvaux, comme j’en donnerai moi-même à la fabrique de Panat, pour la vente de cette vieille église, afin que la commune ainsi que la fabrique se libèrent des frais du procès qu’elles ont perdu.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de ma haute considération.
[Bourret] évêque de Rodez
11 février 1889, le préfet au maire de Clairvaux
En vue de payer les frais du procès que la fabrique de Panat a soutenu contre M. le comte de Panat, Mgr l’Évêque propose que la fabrique soit autorisée, d’accord avec la commune, à aliéner la vieille église de cette paroisse. D’après les renseignements qui me sont fournis, M. le comte de Panat, qui paraît le seul acheteur possible, serait disposé à l’acquérir.
J’estime qu’il y a lieu de donner une suite favorable à cette proposition. Mais il convient préalablement d’établir d’une manière positive la propriété de cet immeuble. La commune et la fabrique doivent donc se mettre d’accord sur ce point, afin de savoir à qui appartient l’église.
Vous voudrez bien me faire connaître si l’église dont il s’agit a été rendu au culte à l’époque du Concordat ou si elle a été construite depuis cette époque des deniers de la fabrique. Dans le premier cas elle serait la propriété de la commune, dans le second celle de la fabrique.
Cette question résolue, il y aura lieu de produire le dossier réglémentaire.
Ce dossier doit être composé des pièces suivants:
1o déliberation du conseil municipal ou du conseil de fabrique;
2o plan figuré des lieux;
3o procès-verbal d’expertise indiquant la contenance et la valeur des immeubles à aliéner;
4o soumission de l’acquéreur;
5o dernier budget de l’établissement; et
6o avis du conseil municipal s’il appartient à la fabrique de demander l’aliénation.
Vous voudrez bien m’adresser ces pièces le plus tôt possible afin que je prenne l’enquête de commode et incommode nécessaire en pareil cas.
Agréez, etc,
18 août 1889, délibérations du conseil municipal de Clairvaux
... Sur la proposition de Monsieur le Maire, le conseil municipal, considérant que la vieille église de Panat est devenue inutile au culte, considérant qu’elle se dégrade tous les jours, demande à Monsieur le Préfet l’autorisation de mettre en vente ce vieil immeuble, se réservant toutefois l’emploi des fonds provenant de la vente. ...
31 août 1889, le préfet au maire de Clairvaux
Vous m’avez transmis une délibération par laquelle le conseil municipal de votre commune demande l’autorisation d’aliéner la vieille église de Panat.
J’ai l’honneur de vous rappeler que par ma lettre du 9 février dernier je vous ai adressé des instructions sur ce sujet et qu’aucune réforme n’a été faite à cette communication.
Je dois vous faire remarquer qu’il ne me sera possible de donner suite à la demande d’aliénation qu’après que la propriété de cet immeuble aura été nettement établie et que vous m’avez adressé un dossier [illisible] conformément aux indications contenues dans ma lettre précédente.
Toulouse 4 mars 1890, G. Guilhaume, avoué, au préfet
Monsieur le Préfet,
Dans une instance contre la fabrique de l’église de Panat, Madame Marie Caroline Sydonie d’Adhémar de Panat et son fils Mr le comte Albert d’Adhémar de Panat, la cour d’appel de Toulouse par son arrêt du 1er décembre 1886 a condamné la fabrique à tous les dépens de l’instance.
Cet arrêt et l’exécutoire des dépens exposés par Mme et Mr d’Adhémar ont été signifiés avec commandement au trésorier de ladite fabrique qui dans le cours de l’année 1887 a payé un acompte de cent francs sur les frais.
Les dépens exposés sans l’intérêt de Mme et Mr d’Adhémar s’élèvent à la somme de 793 fr 81, comprenant:
dépens taxés compris dans l’exécutoire ........................... 577.78
coût de l’exécutoire ...................................................... 26.48
taxe du rapport des commissaires ................................... 166.50
notification d’arrêt, d’exécutoire et commandement ............. 33.05
total égal .................................................................... 793.81
sur laquel[le] somme la fabrique a payé ............................. 100
de sorte qu’elle reste devoir ............................................ 693.81
Malgré les demandes qui lui ont été adressées, la fabrique ne paie pas cette somme, dont je ne peux pas attendre indéfiniment le paiment.
Aussi je viens vous prier, Monsieur le Préfet, de vouloir bien faire inscrire d’office au budget de la fabrique cette somme de six cent quatre-vingt treize francs et centimes; et dans le cas où ses ressources ne seraient pas suffisantes, d’en faire porter le solde au budget de la commune qui, si je ne me trompe pas, doit venir en aide à la fabrique au cas d’insuffisance de ses ressources.
Merci d’avance du bienveillant accueil que vous voudrez bien faire à ma demande, et recevez, Monsieur le Prefet [etc.]
G. Guilhaume, avoué à la cour
Rodez, le 26 mars 1890, le préfet à Me Guillaume [sic] avoué près la Cour d’appel de Toulouse
Vous m’avez demandé par votre lettre du 4 mars courant d’inscrire d’office au budget de la fabrique de l’église de Panat une somme de 693 fr 81 qui vous est dû par cet établissement pour frais exposés dans l’instance intervenue entre M. et Mme d’Adhémar de Panat et la fabrique.
J’ai l’honneur de vous faire connaître que je n’interviens pas dans le règlement des budgets des f abriques, qui appartient à M l’Évêque. En conséquence il ne m’est pas possible de donner aucune suite à votre demande, et je vous renvoie les pièces communiquées.
le 22 octobre 1894
Entre Monsieur le comte Albert d’Adhémar de Panat, demeurant au château de Panat, d’une part,
2o la fabrique de Panat, représenté par Monsieur le curé de Panat, demeurant aussi à Panat sous réserve de l’approbation épiscopale, d’autre part,
3o la commune de Clairvaux, représenté par Monsieur le maire de la commune, demeurant à Clairvaux, sous réserve de l’approbation de l’autorité administrative, d’autre part,
Toutes parties agissant dans la mesure de leurs droits respectifs, a été amiablement et réciproquement convenu ce qui suit:
La fabrique de Panat s’engage à remettre à Monsieur le comte de Panat sus-nommé, le chœur de l’ancienne église de Panat, dit Chapelle de Ste Anne, caveau de la famille d’Adhémar de Panat; elle cède également à Monsieur le comte de Panat sus-nommé le restant de l’église de Panat, sol, bâtiments et dépendances compris sous le no 337, section 8, du plan cadastral de la commune de Clairvaux, confrontant au nord jardin et cave de Monsieur le comte de Panat, à l’est avec château de Panat, au sud et à l’ouest chemin public.
Monsieur le comte de Panat s’engage de son côté à payer sur les frais restant dûs dans le procès intervenu entre lui et la fabrique, la somme de huit cents francs en capital, le restant s’élevant à cent vingt-quatre francs en capital devant demeurer à la charge de la fabrique.
Fait en autant d’originaux que de parties à Panat le vingt-deux octobre mil huit cent quatre-vingt quatorze
Approuvé la rédaction, signé [croix] Ernest card. Bourret év. de Rodez
Pour copie conforme
Gely v.c. approuvant la rédaction ci-dessus, les membres de la fabrique de Panat: Andrieu Belmont Causse Delaure Cayron, E
[tampon "Evêché de Rodez]
27 mars 1897, le préfet de l’Aveyron au maire de Clairvaux
Monsieur le Comte Albert d’Adhémar de Panat a déposé dans mon bureau la copie d’un traité en date du 22 8bre 1894 par lequel la fabrique de Panat lui cède l’ancien église de cette localité, ainsi que ses dépendances, moyennant une somme de 800 francs.
L’examen de ce traité a donné lieu aux observations suivantes:
1. Le curé agit comme représentant de la fabrique tandis que ce soin incombe au président de cet établissement.
2. La fabrique ne peut céder un immeuble dont la commune est présumée propriétaire, à moins que la fabrique ne puisse fournir la preuve du contraire.
3. Enfin ce traité ne peut être approuvé que par décret.
En définitive, cette convention n’a aucune valeur et l’affaire ne pourra être utilement examiné que lorsque vous m’aurez adressé un document [?] composé selon les indications contenues dans ma lettre du 9 février 1889.
Vous trouverez d’ailleurs l’énumération de ces pièces sur le nomenclature ci-jointe.
Je vous prie d’en informer M. le Comte Albert d’Adhémar de Panat.
Le Préfet
L'acte de vente se trouve sans doute dans les archives d'un des notaires de l'époque.
First published as http://ranumspanat.com/old_church.htm