The
Ranums'
Panat Times
Volume 1, redone Dec. 2014
Jubilés et Retraites
Dans le Livre de la paroisse de Panat il y a une demi-douzaine d'articles sur des "retraites" ou des "jubilés" organisés par le curé du village. (Les deux activités vont parfois de pair, un jubilé donnant lieu à une retraite.) Jusqu'en 1875, des allusions à ce genre de dévotion sont plutôt rares. On sait que, pour gagner le jubilé de l'année sainte 1702, les paroissiens sont allés en procession à Rodez (p. 13). Et on sait que, zélé pour "le salut des âmes," l'abbé Pierre Chauchard a organisé une retraite en 1827, à la fin de laquelle on a érige une croix en bois sur la place du village (p. 18). La croix s'étant cassée, son successeur, Amans Besse, a fait bénir une nouvelle croix pendant une retraite en 1852 (p. 47).
Le bref article sur la retraite de 1852 nous offre la plus ancienne description dans le Livre de la paroisse de ce que c'était, au XIXe siècle, "une retraite." Tous les éléments des années 1870-90 sont présents dans ce récit (voir ci-dessous): des prédications pendant quinze jours par un prêtre étranger au village; une communion générale; si possible, un office pour les morts; l'acquisition ou la bénédiction d'un objet dévotionnel, voire l'établissement d'une confrérie; et une expression de la joie du curé devant ce spectacle édifiant.
Émile Cayron succède à Besse en 1872. Il se met bientôt à l'organiser des retraites-jubilés: 1875, 1881, 1886, 1895, 1904. Il prend manifestement pour modèle la retraite de 1852. Mais dans sa préoccupation avec les retraites, est-il un pionnier? Se laisse-t-il plutôt inspirer par d'autres curés des environs? Ou bien suit-il des instructions disseminées par l'évéché? L'état actuel des connaissances ne permet pas d'y répondre. Nous savons toutefois que l'abbé Cayron s'enthousiasmait pour un type de dévotion devenue depuis peu à la mode: le pèlerinage. C'est-à-dire qu'en 1874 Cayron et les fabriciens de Panat vont à Lourdes, où le charismatique Père Marie-Antoine attire des foules, compose des cantiques et vient de lancer la procession aux flambeau. En mai 1877 Cayron fait un pèlerinage à Rome; en mai 1882 on le trouve à Jérusalem.
Chez Cayron, le but de la retraite est d'attirer le maximum de fidèles à la petite église de Panat et de les faire recevoir la communion - surtout les hommes, qui se montrent en générale bien plus réticents que les femmes et les enfants. Les retraites qu'il organise se déroulent selon un scénario bien prévisible:
--- La retraite typique dure 15 jours.
--- Elle coïncide avec une grande fête de l'Église: Pâques, Noël, la Conception Immaculée.
--- Les frais peuvent monter jusqu'à environ 300 francs.
--- Le prédicateur est connu pour ses talents oratoires: "sa parole aisée et douce, intéressante et instructive"; "la parole facile du bon Père, qui savait à la fois si bien instruire, intéresser et toucher"; "ces instructions simples, mais pratiques, et à la manière des bons missionaires, furent très-goûtées et très suivies."
--- La journée commence par une messe, des prières, une allocution et/ou quelques instructions en français, mais parfois en patois.
--- La journée finit par une bénédiction et salut du Saint Sacrement.
--- Certains offices sont embellis par des cantiques, du chant choral, voire du jeu de l'harmonium.
--- En général, il y a un office pour les morts.
--- La retraite se termine sur une communion générale.
--- Il y a parfois aussi une première communion.
--- Le curé exprime sa joie et sa satisfaction: "Ç'a été un beau jour pour moi comme pasteur que celui où j'a vu à peu près toute la paroisse gagner son jubilé"; "Oh qu'il était beau ce jour de l'Immaculée Conception de voir à peu près tous les hommes et toutes les femmes à la communion"; "Quelques paroles de remerciments ont été adressées au prédicateur qui disaient la joie et le bonheur qui rayonnaient sur tous les cœurs. Le prédicateur, satisfait du bon résultat obtenu, les fidèles tous contents, le curé de la paroisse qui s'en bondait de joie, et Notre Dame qui avait établi son avancement dans ces œuvres"; "Ainsi était-ce un plaisir de voir matin et soir la petite église comblée. Mais surtout c'était bonne de voir à la ste table le dimanche matin à peu près tout le monde, comme aux jours de Pâques ... Puisse ce jubilé laisser laisser [sic] des fruits abondants."
Voici les brefs articles and le Livre de la paroisse de Panat où les curés racontent le déroulement des retraites et des jubilés qu'ils ont organisés:
Jubilé, 1702: "Le trois mai de cette année, Mr Michel Boëry, frère du précédent, étant curé de Panat, les habitans de cette paroisse s'étant réunis, à Capdenaguet, à ceux de Balsac, allèrent en processaion à Rodez, pour gagner le jubilé de l'année sainte. Après y avoir visité trois fois en procession les quatre églises désignées, et plusieurs y avoir communié et reçu la confirmation, on s'en retourna en procession le cinq mai." (p. 13)
Retraite, 1852: "La croix en bois qui avait été érigée sur la
place de Panat en 1827 par mon prédécesseur, Mr Chauchard, a été
renversé par un coup de vent le cinq novembre. Elle a été remplacé par
une croix en fer, que j'ai baptizé Croix de St-Julien et qui a coûté
cent soixante francs. L'érection de cette croix a eu lieu à la suite
d'une retraite qui a commencé le treize février 1853, premier dimanche
de Carême, et a fini le premier mars, fête de l'Ange gardien. Cette
retraite a été donnée par Mr l'abbé Delsol, prêtre retiré à Rodez,
ancien supérieur du séminaire de Carcassonne, et a été suivie avec la
plus grande exactitude par les habitans de Panat, et plusieurs personnes
des paroisses environnantes. Le premier mars a eu lieu la communion
générale, cérémonie bien attendrissante pour mon cœur où je voyais à la
sainte table deux pères de famille avancés en âge, qui n'avaient pas
encore fait leur première communion, et bien d'autres que leur
négligence ou leurs mauvaises habitudes en tenaient éloignés depuis plus
de trente ans. Après la Messe, nous nous sommes rendus en procession
au cimetière en chantant le De profundis, entrecoupé d'un chant, d'un
cantique sur le purgatoire; et après avoir fait l'absoute, nous avons
porté la croix de fer qui avait été placée au milieu du chemin, en
chantant le Vexilla regis et des cantiques sur le triomphe de la Croix.
Arrivés sur la place, la croix a été déposée sur deux bancs, et Monsieur
le prédicateur de la retraite a adressé aux assistans une allocution sur
les leçons que nous donne Jésus Christ crucifié. Après, j'ai fait la
bénédiction de cette croix, qui a été baisée par tout le monde, et j'ai
annoncé que Mgr [Jean François Croizier, évêque de Rodez] accordait
quarante jours d'indulgence à tous ceux qui réciteraient devant elle un
Pater et un Ave." (pp. 47-48)
Retraite, 1875: "Le 21 novembre de cette
année 1875 a été faite à Panat une retraite qui a duré presqu'au 5
décembre, dimanche fête de l'Immaculée Conception. Cette retraite faite
à l'occasion du grand jubilé de l'année sainte 1875 a été prêchée par
l'abbé Henri Mazène [?], vicaire de la cathédrale de Rodez et aumonier
auxiliaire des soldats, ancien professeur de Thoulouse et missionnaire
chez les seminaires de la province de Lyon. Le second dimanche, 28
novembre, a eu lieu la cérémonie d'une première communion. La communion
générale de clôture a eu lieu le 5 décembre, fête de l'Immaculée
Conception. Le lendemain, lundi, a eu lieu un service pour les âmes du
Purgatoire, et il y a eu aussi un bon nombre de communicants. Cette
retraite a eu les plus heureux résultats. Certaines personnes qui
s'étaient négligées plus ou moins en ont profité. Si 4 ou 5 personnes
sont restées en arrière, cela n'a pas été sans en recevoir quelque
salutaire impression. Le prédicateur deux fois par jour nous faisait
entendre sa parole aisée et douce, intéressante et instructive, le matin
en expliquant le Décalogue, le soir en traitant les grandes verités. Les
paroissiens de Panat, et mêmes des étrangers montraient par leur
assiduité l'intérêt qu'ils portaient à ces instructions, qui étaient
versées de temps en temps par de chaleureuses exhortations.
Ç'a été
un beau jour pour moi comme pasteur que celui où j'a vu à peu près toute
la paroisse gagner son jubilé - Une quête a été faite pour acheter une
garniture de chandeliers pour le maître-autel, elle produit une
soixantaine de francs." (pp. 61-62)
Retraite, 1881: "Une retraite de dix jours, c'est à dire commencée le 23 mars au soir jusqu'au 2 avril, pour être clôturée le 3 avril, dimanche de la Passion, a été prêchée à Panat par le Père Maurel Aithessiou, ancien missionnaire de Vabres, aujourd'hui curé de Colombiès. Le Père n'a pu rester que jusqu'au samedi matin, et la clôture s'en est faite le dimanche de la Passion par le chant du Te Deum le soir à vêpres. Cette retraite, qui d'ailleurs coïncidait avec le temps pascal, a eu d'excellent résultats et les gens de la paroisse, même quelques étrangers, se sont montrés très-assidus aux instructions. Déjà avant de commencer nous avons craint que les gens ne s'y rendissent pas, car ils objectaient que le temps étaient très-pressé pour eux. Mais on a cherché à se mettre aux heures qui pouvaient mieux leur convenir. Ainsi le matin l'exercice commençait par la Messe à 5 1/2, suivie de la prière, courte méditation et explication du Décalogue. Le soir à 5 3/4 la glose précédée de la couronne de la ste Vierge et suivie du sermon, enfin la bénédiction du Saint Sacrement et la prière. Toute la paroisse a bien profité de cette bonne retraite. C'est ce que démontre la communion générale du dimanche, car il n'y a eu que deux ou trois personnes qui n'ont pas profité de cette grâce, autre quatre personnes qui n'ont pu faire la sainte communion par suite du départ trop prompt du Père, ou d'indisposition. Le lundi un service solemnel a été fait pour les âmes du Purgatoire, et bon nombre d'hommes et toutes les femmes ont renouvelé la sainte communion. Quant au prédicateur, le [....]" (1) (pp. 68-69)
Retraite-Jubilé, 1886: "À l'occasion du jubilé de 1886 une
retraite de 15 jours a été préchée à Panat par le P. Georges de Vigerous
[lire: Vigouroux] d'Arvieu, missionaire diocésain de la maison de Vabres
mais actuellement à Bruéjouls comme soutien du curé de cette paroisse,
son frère, malade.
Cette retraite commencée le 21 novembre c'est
[sic] terminée le 5 décembre par une communion générale pour gagner le
jubilé. Le lendemain lundi avait lieu une seconde communion générale
pour l'indulgence de la retraite et service des morts. Les communions
étaient presque aussi nombreuses que la veille. Les exercices avaient
lieu deux fois par jour. Le matin à 6 heures l'exerc[ic]e commencait par
la ste Messe pendant laquelle on chantait des cantiques, la prière, une
courte méditation de 8 à 10 minutes en français, puis l'explication du
Décalogue en patois suivie de la bénédiction ______ [illisible].
(2) Le soir à 5 heures la glose en patois et puis sermon suivi de la
bénédiction du st Sacrement. Il y a un jour pour la réunion et
bénédiction et confession des enfants, la procession aux flambaux, mais
le temps ne permit pas de la faire dans son entier. Cette retraite a
eu les meilleurs résultats. Plusieurs de retour, les abs[t]entions ont
été peu nombreuses, 7 ou 8 personnes. L'assiduité aux exercices a été
plus admirable que jamais, dès le 2e ou 3e jour toute la paroisse se
rendait aux exercices et cette assiduité s'est maintenue [?] jusqu'à la
fin grâce à la parole facile du bon Père, qui savait à la fois si bien
instruire, intéresser et toucher. Oh qu'il était beau ce jour de
l'Immaculée Conception de voir à peu près tous les hommes et toutes les
femmes à la communion et le lendemain également _______ [illisible
(3)] à peu près la renouveler. Tous ces deux jours il y a eu plus de
300 communions. Comme souvenir de la retraite le Père a p[r]oposé une
souscription pour l'acquisition d'une ch[aire] qui manque encore dans
l'église, une simple estrade sur une caisse servant présentement de
chaire. Il a été également proposé l'érection de la confrérie de la
Bonne Mort. Cette retraite avait eu pour bienfaiteur Palayret Joseph,
qui en avait chargé son fils Antoine. Il a été versé 300 francs à ce
but." (pp. 75-76)
Retraite, 1895: "Le jour de la Noël de l'année 1895 a commencé à Panat une retraite pour la paroisse qui s'est clôturé[e] le lundi 6 janvier 1896. Cette retraite a été prêchée par M. l'abbé Astorg, curé de Saint-Christophe. Pendant douze jours ce prêtre pieux et zélé nous a fait entendre la parole de Dieu qui a été écouté avec une grande attention. Dès les premiers, tous les paroissiens de Panat, même quelques étrangers, se sont empressés d'accourir, et tous se sont approchés de la table sainte à l'exception de quatre. Notre prédicateur a été beaucoup goûté, et quoique ses instructions se prolongeaient près de cinq quarts d'heure, on ne se lassait pas d'écouter. Les exercices commençaient par la Messe le matin à 6 heures, suivie de la prière du matin et se terminant sur les 7 1/2 heures. Le soir l'exercice commençait à 5 heures et se terminait vers les 6 1/2 heures par la bénédiction et la prière du soir. Des chants de cantique, des sermons étaient entremêlés, avec accompagnement d'harmonium que touchait les plus souvent M. le curé de Nuces, l'abbé Albinet, (4) qui avait bien voulu nous prêter son concours. La demoiselle du château tenait encore quelque fois l'harmonium. Le cours de la retraite a été entrecoupé un jour par la bénédiction des enfants et une distribution de médailles et de petites croix. Un autre jour, réunion spéciale pour la congrégation des Enfants de Marie. Réunion de l'association des Mères Chrétiennes un autre jour, consécration à la ste Vierge, et belle illumination. Un service des morts a été célébré le vendredi avant la clôture, parce que le lundi 6 janvier on ne pouvait célébrer Messe des morts. La ste communion générale a eu lieu le dimanche à 7 heures, à 10 1/2 la grand'Messe, et vêpres à 2 1/2 heures. La st communion a été renouvelée par le plus grand nombre, le lendemain lundi matin. Il a été insisté beaucoup pour la ste communion des Mères Chrétiennes, une fois le mois le 3e dimanche, et les jeunes filles [de la Congrégation des Enfants de Marie] le 1er dimanche du mois. Le Père a terminé en recommandant d'acheter comme souvenir un ornament ou bien une niche pour le tabernacle. Et enfin il a terminé en disant qu'il remettait au pasteur de la paroisse ce petit troupeau. Quelques paroles de remerciments ont été adressées au prédicateur qui disaient la joie et le bonheur qui rayonnaient sur tous les cœurs. Le prédicateur, satisfait du bon résultat obtenu, les fidèles tous contents, le curé de la paroisse qui s'en bondait de joie, et Notre Dame qui avait établi son avancement dans ces œuvres [?]. Il n'y avait aucune ressource pour faire donner cette retraite. Quelques paroissiens ont néanmoins apporté des promesses, et le curé a fait les grands frais et a fait une petite offrande au prédicateur, 50 francs." (pp. 81-82)
Jubilé, 1904: "Jubilé du [lire: de] l'Immaculée Conception de la ste Vierge. Le 20 novembre 1904 la petite paroisse de Panat clôturant son jubilé de l'Immaculée Conception, il fut précédé d'une petite retraite de trois jours, commençant le mardi soir pour se clôturer le dimanche. Elle fut prêchée par M. l'abbé Guillou, curé de Fijaguet, qui faisait deux instructions par jour, le matin à 6 1/2 et le soir à cinq et demie. Ces instructions simples, mais pratiques, et à la manière des bons missionaires, furent très-goûtées et très suivies. Ainsi était-ce un plaisir de voir matin et soir la petite église comblée. Mais surtout c'était bonne de voir à la ste table le dimanche matin à peu près tout le monde, comme aux jours de Pâques. Le soir à vêpres il y eut sermon. Enfin, la cérémonie se termina par la bénédiction papale donné par M. le curé de la paroisse, l'abbé Cayron, curé de la paroisse [sic], ayant fait un pèlerinage à Rome auprès de Pie X [lire : Pie IX], porte cette grande faveur du st Père pour en faire part à ses paroissiens. Le lendemain lundi fut fait un service pour la bonne mort. Un grand nombre d'hommes et à peu près toutes les femmes refaisaient la sainte communion. Puisse ce jubilé laisser laisser [sic] des fruits abondants. Panat le 21 novembre 1904 Cayron, Émile curé" (p. 86)
Notes:
1. La phrase, sur la dernière ligne de la page, est incomplète.
2. En caractères miniscules, dans l'interligne le curé a ajouté quelques mots qui sont indéchiffrables sur notre photocopie.
3. En voulant corriger ce mot, le curé l'a rendu illisible.
4. Voir son article de sur comment créer et entretenir une "maîtrise" dans une église rurale, comme celle qu'il avait fondée à Nuces, J. Albinet, Revue du chant grégorien, 5e année, 15 août 1896, pp. 31-32.
First published in Volume 1 with the URL http://ranumspanat.com/retraites.htm