Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

Contents

Volume 1

Panat

Orest's Pages

Patricia's Musings

Marc-Antoine

Charpentier

Musical Rhetoric

Transcribed Sources


 

L'Affaire de Calzins:

Réduire encore la paroisse de Panat, c'est compromettre son existence pour l'avenir

L'Affaire de Calzins a commencé en 1842, quand les héritiers de Charles Joseph Aubriot, résidants à Calzins près Montfranc, entrent conflit avec l'abbé Amans Besse, curé de Panat, à propos des frontières de la paroisse de Panat. Les Aubriot-Cabrol insistent que Calzins fait partie de la paroisse de Clairvaux. L'abbé Besse va à la recherche de documents qui prouvent le contraire: depuis le XVIIe siècle, et sans doute avant, Calzins appartient à la paroisse de Panat.

La position prise par les Aubriot fait fie des faits. Depuis leur installation à Calzins, les Aubriot ont joué un rôle considérable dans la vie dévotionnelle de la paroisse de Panat: à titre d'exemple, en mai 1837 Mr Aubriot avait parrainé une cloche acquise par la paroisse de Panat.

Maintenant, en 1842, influencée par les manigances du curé de Clairvaux, la Veuve Aubriot veut rompre ces liens à Panat. Les répercussions de cette dispute dépassent largement la commodité d'une vieille dame qui ne veut, ou qui ne peut plus grimper jusqu'à Panat.

Se plier poliment devant les demandes des Aubriot, ce serait néfaste pour la paroisse de Panat. La perte d'un seul foyer (feu) diminuerait les revenus de la paroisse, déjà minimales. Et par l'effet domino, d'autres villages et lieux-dits voudraient, eux aussi, se rattacher à une autre paroisse. Citons quelques phrases révélatrices de l'abbé Besse:

"... plusieurs villages de ma petite paroisse qui se trouvent aux portes de Bruéjouls, et le plus populeux qui est beaucoup plus rapproché de Balsac, ont fait des démarches pour être détachés de ma paroisse et pour être annexés aux deux paroisses désignées, ce qui ne pourra jamais avoir lieu qu'en annéantissant la succursale de Panat." En effet, insiste Besse, "une défection générale, une scission complette menace ma paroisse. ... Que deviendra alors la paroisse dont l'administration m'est confiée? Il est évident qu'elle ne pourra plus vivre ..."

Sur ce point, Besse est formel:

"Le gouvernement, en érigeant des succursales et en traçant leur circonscription, a voulu sans doute que soit par leur position, soit pas les ressources de leur territoire, elles puissent assurer convenablement la position des pasteurs et la dignité du culte. Or la succursale de Panat est une des moins importantes du diocèse; ce n'est qu'avec peine qu'elle peut se suffire à elle-même: la réduire encore, c'est non seulement l'affaiblir dans le présent, mais compromettre son existence pour l'avenir."

L'évêque tranche: le hameau de Calzins appartient à la paroisse de Panat et continuera d'y appartenir.

Comme un volcan, l'Affaire Calzins somnole pendant deux décénnies. Quand Mme Aubriot meurt à son tour en 1850, elle sera inhumée à Panat, "au gré de sa fille et de son gendre, M. Cabrol, et malgé l'opposition de M. Fabre, ancien vicaire de Clairvaux et présentement curé de cette paroisse." (1)

Le volcan se réveille en 1872, car le propriétaire de Calzins espère de profiter du remue-ménage qui résulte de deux interregna, l'un dans le presbytère de Panat et l'autre dans le palais épiscopal de Rodez.

L'abbé Antoine Sales, qui a remplacé l'abbé Besse en octobre 1871, raconte que "Monsieur le docteur Cabrol de Calzins [le gendre des Aubriot], qui désire vivement être attaché à la paroisse de Clairvaux, profita de la mort de Monseigneur Delal[l]e [évêque Rodez] et de la retraite de Mr Besse pour revenir à sa première tentative de séparation de la paroisse de Panat."

Pas plus dupe que l'abbé Besse, Sales prend l'offensif et convainc le nouvel évêque, Ernest Bourret, de la justesse de sa position. Le village de Calzins "a donc continué à appartenir à la paroisse de Panat et M. Cabrols a été obligé de se désister et a reconnu la légitimité du jugement." (2)
Les abbés Besse et Sales ont préservé les échanges épistolaires de 1842 et de 1872. Lire cette correspondance, avec toutes les convolutions de raisonnement qu'on y rencontre, est un pur plaisir!   1842: La première éruption du volcan: l'Affaire de Calzins commence.

1842 — Le trois août de cette année, M. Aubriot, colonel de cavalerie retraité, (3) décéda à Calzins dans sa maison d'habitation et fut inhumé le lendemain à Clairvaux. Le dix du courant j'écrivis à Mgr [Jean François] Croizier [lire: "Crozier"], évêque de Rodez, pour me plaindre de l'illégalité de cet enterrement:

"Monseigneur, Le curé de la paroisse de Panat, district de Valady, a été forcé de voir se passer dans sa paroisse un acte d'usurpation sur ses droits par des confrères voisins. Les inconvéniens qui en ont résulté et qui peuvent en résulter plus tard, m'obligent d'en instruire votre Grandeur afin que vous vouliez interposer votre autorité pour prévenir ces dernières.

"Le sieur Charles Aubriot, colonel retraité, mourut le trois du courant à Calzins, maison de ma paroisse. Son gendre, M. Cabrol, maire de la commune, m'en informa par écrit le même jour, en ajoutant que le défunt avait exprimé dans son testament la volonté d'être enseveli à Clairvaux, que son épouse en avait fait part à l'autorisation ecclésiastique, et qu'on se conformerait à la décision qui serait donnée. Aujourd'hui ces messieurs dirent qu'il n'y a pas de testament. Malgré que la réponse de Mr [Ambroise] Mazars, vicaire général, dont plusieurs personnes qui l'ont lue m'ont donné connaissance, n'accordât la demande qu'autant que la volonté du défunt aurait été manifestée réellement dans son testament, M. Fabre, vicaire de Clairvaux, auteur de tout ce qui a été écrit ou fait à cette occasion, sans m'avoir prévenu en aucune manière, ni lui-même ni son curé, vicaire forain, a fait l'enlèvement du corps. Je dois ajouter que lors qu'il fut question d'administrer, le sieur Aubriot, dont l'abbé Vabre était confesseur, ayant déclaré que je voulais l'administrer moi-même, comme je le fis en effet, ce vicaire me dit que si le malade avait insisté à ne vouloir pas être administré par moi, il aurait brisé la politesse, et lui aurait apporté les sacremens de Clairvaux.
"Les inconvéniens qui ont résulté de cette inhumation sont 1o que les habitans tant de Clairvaux que de Panat ont désapprouvé la conduite des prêtres de la localité; 2o une animosité qui existe depuis entre les habitans des deux paroisses, qui ne se rencontrent jamais sans se dire des injures; 3o il en résulte des propos et des murmures sur mon compte, et une diminution de la confiance que n'accordaient mes paroissiens, parce qu'ils m'ont accusé d'avoir agi de connivence avec mes confrères de Clairvaux.

"Les inconvéniens qui pourront en résulter plus tard et que les prêtres de Clairvaux connaissent très bien, sont que plusieurs villages de ma petite paroisse qui se trouvent aux portes de Bruéjouls, et le plus populeux qui est beaucoup plus rapproché de Balsac, ont fait des démarches pour être détachés de ma paroisse et pour être annexés aux deux paroisses désignées, ce qui ne pourra jamais avoir lieu qu'en annéantissant la succursale de Panat.

"Voilà, Mgr, ce que j'ai cru qu'il était de mon devoir d'exposer à votre Grandeur dans l'intérêt de ma paroisse.

Je suis, etc."

Le 19 août M. Barthelaix, secrétaire particulier de Mgr Jean François Croizier, notre évêque, me fit la réponse suivante:

"Monsieur le curé, Mgr vous exhorte de déposer aux pieds de la croix les peines qui futiguent [lire: "fatiguent"? "fustiguent"?] votre cœur de tout ce qu'on peut penser et dire sur ce qui s'est passé dans votre paroisse relativement à l'inhumation du défunt dont vous parlez.

"À la première occasion Mgr se propose de manifester à M. le vicaire de Clairvaux son mécontentement pour la précipitation et l'imprudence de sa conduite à votre égard. Agréez, M. le curé, l'hommage de mon respect. Barthelaix, secrétaire particulier, chanoine honoraire."

Le jour même du décès de M. Aubriot, sa femme envoya à la préfecture la pétition suivante:

"Monsieur le préfet, J'ai l'honneur de vous exposer que la maison de campagne que nous habitons au Vallon, appelée Calzins, était autrefois dépendante partie de la paroisse de Clairvaux et partie de celle de Panat. Plus tard, elle fut tout à fait accolée à Clairvaux, au dire de M. Teulat, qui en avait fait lui-même la demande. Lors de la nouvelle circonscription des paroisses, M. Destours, curé de Marcillac, chargé de ce travail et assisté de M. Goudal, alors et aujourd'hui curé de Clairvaux, comprirent sous le seul nom de Labosque notre maison et celle des dames Girou, toutes deux inhabitées, et à peine distantes l'une de l'autre d'une portée de fusil, et connues toutes deux dans le public sous le seul nom de Labosque. C'est ce qu'assure M. le curé de Clairvaux, et ce que prouve la situation topographique du lieu, puisque notre maison est plus rapprochée de Clairvaux et qu'il faut passer devant notre porte, le chemin venant droit de Clairvaux pour arriver à la maison des dames Girou, qui de tout temps a appartenu à Clairvaux. Le nom de Calzins a été trouvé dans des papiers de famille, et nous l'avons fait revivre depuis douze ans que nous l'habitons.

"Le nom de Calzins ne figurant sur aucune liste ni pour Panat ni pour Clairvaux, et voulant être fixés quelque part, nous vous prions, M. le préfet, de faire droit à notre demande et de nous mettre définitivement de la paroisse de Clairvaux, beaucoup plus rapprochée et en plaine, tandis que pour aller à Panat, plus éloigné, il faut grimper une montagne à pic par un sentier très escarpé et presque impraticable; notre âge et nos infirmités nous rendent incapables de monter à Panat. J'ose espérer, M. le préfet, que vous voudrez bien accueillir favorablement notre demande, et que vous voudrez bien l'envoyer à qui de droit. J'ai l'honneur d'être votre servante — Calzins, le 3 août 1842, M. Aubriot, née Batut"

Le trois septembre je reçus une lettre de M. le préfet par la quelle il m'invitait à réunir le conseil de fabrique pour délibérer sur la sus dite pétition, et à lui transmettre mon avis particulier. Le onze du même mois, tous les membres de la fabrique, à l'exception de M. le maire, qui s'était excusé sur ce qu'il était parent de la pétitionnaire, quoiqu'il n'eut point fait difficulté de présider le conseil municipal assemblé à la même fin, arrêtèrent unanim[em]ent ce qui suit:

"Considérant 1o que de temps immémorial le hameau de Calzins a appartenu à la paroisse de Panat, comme il conote [lire: conte] par la tradition orale et les registres de la sus dite église, dont un extrait a été envoyé à M. le préfet et à Mgr l'évêque; 2o que depuis l'érection de l'église de Panat en succursale, les habitans du dit Calzins ont jusqu'ici été baptisés, mariés et enterrés à Panat, comme les registres de la même église en font foi; 3o que le chemin de Calzins a Panat est très praticable, comme le prouve l'usage journalier qu'on en fait, soit à pied soit à cheval; 4o que le hameaux [sic] de Calzins est plus rapproché de l'église de Panat que ceux des Truels, de La Neirague, de Lasporros, de Lacàs et celui de L'Issalinie, et que la désunion ne peut que nuire à l'existence de la succursale, à cause du mauvais exemple dont les habitans des sus dits hameaux ont manifesté l'intention de profiter, depuis qu'on a connu les démarches de la Veuve Aubriot, nous sommes unanimement d'avis que la demande de la pétitionnaire doit être rejetée."

Le lendemain j'envoyai à M. le préfet cette délibération avec un extrait des registres de la paroisse qui y avaient rapport et mon avis ainsi conçu:

"Monsieur le préfet, Vous avez bien voulu me faire transmettre en communication, pour avoir mon avis, une demande qui vous a été adressée par Madame Veuve Aubriot, à l'effet d'obtenir que le hameau de Calzins soit détaché de la paroisse de Panat dont je suis desservant, pour être annexée à celle de Clairvaux. L'exposé qui sert de base et de préambule à cette pétition contient des faits inexacts qu'il me sera facile de relever. Il est d'abord rédigé avec une ambiguité calculée qui a pour but de faire croire que soit à cause d'un oubli commis par les deux ecclésiastiques qui, après la révolution de 1793, furent chargés de tracer la nouvelle circonscription des paroisses, soit à cause de quelque confusion de nom dont le hameau en question avait été l'objet, Calzins se serait trouvé dans une position équivoque, et n'aurait appartenu ni à la paroisse de Clairvaux ni à celle de Panat, ou bien aurait été mi-parti entre les deux. Or tout cela est inexact.

"En effet, il résulte d'une lettre de M. le secrétaire de l'évêché de Rodez en date du 7 septembre 1842, que l'ordonnance de Mgr l'évêque de Cahors du 1er messidor an XI (20 juin 1803) en érigeant la succursale de l'église de Panat, assigne à cette paroisse le territoire de l'ancienne et le village de Serres désuni de Valady. Il y avait donc à rechercher quel était le territoire de l'ancienne église de Panat.
"Si l'on consulte les souvenirs des plus anciens habitants de la paroisse, on recueille cet invariable témoignage que de tout temps les habitans du hameau de Calzins ont été baptisés, mariés et enterrés à Panat. Une enquête mettrait ce point hors de toute contestation; mais la preuve testimoniale n'est pas la seule que je puisse invoquer pour établir cette possession immémoriale; je joins à ma lettre des extraits conformes des registres de l'église de Panat. Vous trouverez dans le premier que le 20 août 1653, Mr Vareilles, recteur, a baptizé dans l'église de Panat Isabeau Fontalbat, dont les père et mère sont résidants au village de Calzins près Labosque. Dans le deuxième vous verrez que le 9 septembre de l'année suivante cette même Isabeau Fontalbat fut inhumée par le même recteur au cimetière de Panat. Il résulte du troisième que M. Boëry, recteur de Panat, enterra dans le cimetière de sa paroisse Catherine, servante de M. Fontalbat, la quelle était décédée au village de Calzins, près Montfranc.

"Ainsi la tradition orale et les registres de Panat établissent que Calzins près Labosque et près Montfranc, Calzins par conséquent sans aucune confusion, a été partie intégrante de la paroisse dont on veut aujourd'hui le détacher. Donc en se référant au passé, l'ordonnance du 1er messidor an XI, a rétabli, pour l'avenir, la succursale avec tous ses élémens primitifs, et bien loin d'en diminuer l'étendue, elle l'a aggrandie, en y ajoutant le village de Serres. Voyons maintenant si postérieurement à cette ordonnance les faits sont venus infirmer cette possession immémoriale.

"Il résulte: 1o de deux actes de décès retenus en 1811 par un de mes prédécesseurs, M. Noë, que deux personnes de Calzins ont été inhumées à Panat; 2o Tous les actes de la juridiction curiale ont été faits dans ce hameau par mes prédécesseurs ou par moi-même. Lorsque les habitans ont voulu remplir le devoir paschal de la confession et de la communion, ailleurs qu'à Panat, ils ont dû solliciter et ont sollicité toujours auprès du desservant de Panat les autorisations nécessaires. La pétitionnaire elle-même a été obligée, depuis trois ans, de se conformer à cette règle cannonique -- Lorsque la fille de Madame Aubriot se maria avec M. Cabrol, la publication des bans et la bénédiction nuptiale eurent lieu non pas à Clairvaux mais à Panat seulement. -- Les enfants issus de ce mariage, quoique nés à Calzins, ont été baptizés à Panat. Enfin, lorsque M. Aubriot décéda le trois août dernier, pour le faire inhumer à Clairvaux il fallut demander la permission aux autorités civiles et ecclésiastiques.

"En présence d'une possession basée sur des titres irréfragables, et sur des faits constants et si peu équivoques, quel poids peuvent avoir les allégations si hazardées de la dame Aubriot? On invoque le témoignage de M. Teulat, qui est mort et qui ne peut donner un démenti; de M. Destours, qui est mort aussi et qui ne peut contredire non plus celui qui s'appuie de son nom pour établir qu'ils auraient l'un et l'autre rempli avec légèreté la mission qui leur était confiée, en confondant sous une appellation unique deux hameaux qui ont eu constamment un nom, une individualité parfaitement distincts. M. Goudal, qui convoite depuis long-temps le hameau, aurait-il pu sans crime permettre que les habitants de Calzins, ses paroissiens, comm'il le prétend, depuis l'érection de Panat en succursale, ne s'acquittastent point des devoirs sacrés de la confession annuelle et de la communion paschale; car jamais ils ne lui ont demandé aucune permission pour se confesser et communier à Panat?

"Quant aux papiers de famille qui auraient déterminé la famille Aubriot à rétablir le nom, oublié selon eux, de Calzins, ils viennent en aide aux faits que nous avons fait connaître plus haut, et aux inductions que nous en avons tirées; et de plus ils heurtent de front la confusion qu'on voudrait faire entre Calzins et Labosque.

"Enfin, que le curé de Clairvaux nous montre le nom de Calzins sur un seul des états soit anciens, soit modernes qui tracent la circonscription de sa paroisse pendant que Panat était érigée en succursale?

"Il est donc surabondamment établi qu'à toutes les époques où la succursale de Panat a existé, le hameau de Calzins, nominativement et sans équivoque, en a été une dépendance. Restent maintenant les considérations topographiques et la question des avantages ou des inconvéniens qui se rattachent à la demande formée par Madame Veuve Aubriot.

"En ce qui touche les distances, j'affirme qu'elles sont égales. Quant aux difficultés résultant de la configuration du sol, je soutiens que la côte de Calzins à Panat n'est point impraticable, comme l'assure la pétitionnaire. Ce n'est pas sérieusement, en effet, que l'on peut mettre en avant une pareille assertion, démentie par l'immémorial usage qu'en ont fait de ce chemin les habitants de Calzins, de La Rivière, de Cassagnes et d'autres lieux, et par l'usage qu'en fait encore tous les jours, et par l'usage très fréquent qu'en fait la dame Aubriot pour aller non seulement pour aller à Panat mais encore à Rodez (4); car c'est la seule voie qu'elle suive pour se rendre dans cette ville. Il y a, il est vrai, une pente, mais elle n'est pas à pic, comme on [30] se plaît à le dire avec une exagération ridicule. Cette côte n'est ni plus ni moins rude qu'une foule d'autres qui existent dans une contrée aussi accidentée; dans toutes les saisons de l'année elle est praticable pour les personnes à pied ou à cheval. En est-il de même du chemin qui part de Calzins et qui aboutit à Clairvaux? Madame Aubriot sait, comme le savent tous les habitants du pays, qu'elle est obligée de traverser un ruisseau sur le quel il n'y a ni pont de pierre, ni pont de bois; que bien souvent dans le courant de l'année ce ruisseau, grossi par les eaux pluviales ou la fonte des neiges, devient un obstacle infranchissable, et la prive elle, sa famille et tout son domestique de l'office divin, à moins qu'elle ne décide à se retourner vers Panat, et à parcourir l'imparcourable côte. Il y a donc compensation plus que suffisante entre les deux voies: la boue et la barrière fréquemment insurmontable de l'une équivalent à la fatigue qu'occasionne la pente de l'autre.

"Mais, si des petites convenances de Madame Aubriot et des siens, je passe à des considérations d'intérêt paroissial, la demande sur la quelle j'exprime mon opinion vous paraîtra moins acceptable.
"Le gouvernement, en érigeant des succursales et en traçant leur circonscription, a voulu sans doute que soit par leur position, soit pas les ressources de leur territoire, elles puissent assurer convenablement la position des pasteurs et la dignité du culte. Or la succursale de Panat est une des moins importantes du diocèse; ce n'est qu'avec peine qu'elle peut se suffire à elle-même: la réduire encore, c'est non seulement l'affaiblir dans le présent, mais compromettre son existence pour l'avenir. En effet, quelques fractions éparses de cette petite paroisse qui sont plus éloignées de l'église que Calzins, et plus rapprochées d'autres villages paroissiaux, ont tenté de se détacher de Panat. Fort heureusement, ces tentatives ont été infructueuses jusqu'à ce jour; mais depuis que la démarche de Mme Aubriot a transpiré, ces intentions de démembrement ont éclaté avec plus de force. Les habitans de L'Issalinie, qui forment le groupe le plus considérable après Panat, déclarent que si la demande de Mme Aubriot est accueillie, ils demanderont d'être mis de la paroisse de Balsac, dont ils ne sont éloignés que par un espace d'un parcours plus facile. Ceux des Truels, de La Neirague, de Las Porros, de Lacas, veulent, disent-ils, dans la même hypothèse, être réunis à Bruéjouls, ceux de Roade, de La Rivière, de Puech-Marty à Clairvaux.

"Vous le voyez, M. le préfet, une défection générale, une scission complette menace ma paroisse si vous faites droit aux pretentions de la pétitionnaire. Que deviendra alors la paroisse dont l'administration m'est confiée? Il est évident qu'elle ne pourra plus vivre, et c'est là peut-être le secret que se proposent d'atteindre ceux qui ont poussé Madame Aubriot. Car ne croyez pas qu'elle se soit portée d'elle-même à demander la séparation d'avec le troupeau dont elle fait partie! Elle a cédé à l'influence du clergé de Clairvaux, et surtout à celle d'un jeune vicaire qui montre plus d'ardeur que de prudence, et qui cherche à se donner quelque importance aux dépens d'un confrère dont il n'a jamais eu à se plaindre.

"Vous ne voudrez pas, Monsieur le préfet, en favorisant les projets d'envahissement de mes voisins de Clairvaux, donner le signal du démembrement de ma paroisse, et la laisser arriver à son annéantissement par des moyens indirects. Dans tous les cas, je m'oppose de toutes mes forces à l'accomplissement d'une séparation qu'aucun motif ne justifie aux yeux de la raison et de la conscience. Panat, le 11 septembre 1842."

Le vingt sept du même mois, Mr. Blanc, curé de Valady et vicaire forain du district, nommé commissaire par M. Mazars, en l'absence de Mgr l'évêque [Jean François Croizier], à l'effet d'entendre les raisons soit de Mme Veuve Aubriot et du curé de Clai[r]vaux, soit les miennes, et de vérifier les distances de Calzins à Clairvaux et de Calzins à Panat, déclara dans son rapport que les distances étaient égales, que d'un côté il y avait une côte mais qu'elle était très praticable, et que de l'autre il y avait, outre un ruisseau à traverser, un chemin très boueux presque toute l'année et qu'il était d'avis que la maison de Madame Aubriot restât à Panat, vu qu'il y avait plusieurs autres hameaux ou villages plus éloignés.

La veuve Aubriot sachant que le rapport de M. le curé de Valady ne lui était point favorable, allégua que je l'avais influencé, et pria Mgr de nommer une autre commission, prétendant du reste établir que sa maison faisait partie de la paroisse de Clairvaux. Monsieur Lauz, curé de Marcillac, et M. Perier, curé de Glassac, nommés commissaires par Mgr Croizier [lire: Crozier] à l'effet de vérifier ce fait, lui firent, à la fin novembre, le rapport suivant:

"Monseigneur, Votre Grandeur a bien voulu nous charger d'examiner la question de savoir si le hameau de Calzins appartient ou non à la paroisse de Panat, nous avons entendu les explications qui nous ont été données d'un côté par la dame Veuve Aubriot et M. le curé de Clairvaux, et de l'autre par Mr Besse, desservant de la succursale de Panat.

"M. le curé de Clairvaux nous a d'abord déclaré que lorsqu'il fit avec Mr. Destours, ancien curé de Marcillac, la circonscription de sa paroisse, ils comprirent, sous le seul nom de Labosque, et l'habitation de Madame Aubriot et celle des demoiselles Girou qui, de tout temps, a appartenu à la paroisse de Clairvaux. Il a ajouté que s'il ne s'était point opposé à ce que les devoirs de la religion fussent remplis à Panat, sans son autorisation, par les habitants de la maison de Madame Aubriot, c'est qu'il avait eu connaissance d'une déclaration de Mr Mazars qui accolait à Panat la dite maison. Enfin, si l'enterrement de Mlle Vernet avait été fait à Panat, c'était mal à propos, car on avait fait sonner les cloches à Clairvaux, et il se disposait lui-même à aller chercher le cadavre quand il vit monter le convoi à Panat.

"Madame Aubriot a prouvé, d'après un ancien cadastre, qu'il y avait autrefois deux maisons à Calzins: l'une de Mr. Fontalbat et l'autre de Mlle Vernet, la première appartenant à la paroisse de Panat et la seconde à celle de Clairvaux. Elle a dit que Mlle Vernet ayant acheté les propriétés de M. Fontalbat, et ayant réuni sa maison avec la sienne, son habitation devait nécessairement appartenir à la paroisse de Clairvaux.

"Nous avons aussi pris connaissance des divers titres et documents que nous a fournis M. le curé de Panat.

"Le 1er de ces titres est une lettre de M. le secrétaire de l'évêché qui porte que l'église de Panat a été érigée en succursale par ordonnance de Mgr l'évêque de Cahors en date du 20 juin 1803, avec la note suivante: "Le territoire de cette succursale comprend l'ancienne paroisse et le village de Serres désuni de Valady." Il y avait donc à rechercher si le hameau de Calzins faisait partie de l'ancienne paroisse: c'est ce que M. le curé de Panat a établi, premièrement par les registres de son église. Nous y avons lu 1o qu'Isabeau Fontalbat, fille à Pierre Fontalbat et à Hélène Gaffatse, mariés, résidans à Calzins près Labosque, paroisse de Panat, a été baptisée en 1653 dans l'église du dit Panat, par M. Vareilles, recteur; 2o que la même Isabeau Fontalbat décéda le 9 septembre 1654 et fut ensevelie par le même recteur dans le cimetière du dit Panat; 3o que Catherine, servante de M. Fontalbat, décéda à Calzins, près Montfranc le 26 mai 1681 et fut ensevelie au cimetière de Panat par M. Boëry recteur.

"M. le curé de Panat nous a en outre représenté plusieurs feuilles contenant le dénombrement et la superficie des diverses natures de biens qui entraient dans la communauté de Panat. Le travail a été fait par M. Bouscayrol, officier civil. Une de ces pièces est relative au hameau de Calzins, et nous y avons vu en tête de la déclaration les mots suivans: "Demoiselle Françoise Vernet, habitante de Calzins, paroisse de Panat. Ce titre porte la date du 28 décembre 1791.

"Ainsi il nous a été prouvé que le hameau de Calzins a été, pour le temps antérieur à l'ordonnance de Mgr l'évêque de Cahors, considéré comme faisant partie de la paroisse de Panat, et cela non seulement par l'autorité ecclésiastique mais encor par l'administration civile.

"M. le curé de Panat a aussi établi qu'il en avait été de même pendant la période de temps qui a suivi cette ordonnance.

"En premier lieu, les registres de la paroisse qui nous ont été représentés contiennent 1o l'acte de décès et d'inhumation à Panat de Françoise Vernet, propriétaire, habitante à Calzins, paroisse du dit Panat; cet acte a été rédigé le 9 avril 1811 par M. son curé en présence de M. le comte d'Adhémar de Panat et de Louis Garrigou; 2o l'acte d'inhumation au sus dit Panat de Françoise Causse, servante de Mlle Vernet, retenu par le même recteur; 3o l'acte de mariage de M. Cabrol avec Mlle Aubriot, fille de Marie Batut, veuve Aubriot, résidants l'une et l'autre à Calzins, les bans n'ayant été publiés qu'à Panat; 4o les actes de baptême de trois enfans issus de ce mariage et tous nés à Calzins, savoir Mathilde, Alfred et Charles.

"En second lieu, M. le curé de Panat nous a déclaré qu'il avait constamment fait tous les actes de l'administration curiale à Calzins, que les habitans de cette maison ont toujours rempli le devoir de la communion paschale dans l'église de Panat, et sollicité auprès de lui la permission de se confesser ailleurs, lorsqu'ils ne se sont pas adressés à lui. Il nous a représenté une déclaration écrite par M. l'abbé Chauchard, son prédécesseur, (5) qui affirme qu'il en a été de même pendant tous le temps qu'il a été à la tête de cette paroisse. Ces faits du reste ont été avoués par Mr le curé de Clairvaux et par la veuve Aubriot, comme aussi l'administration des derniers sacrements à M. Aubriot par M. le curé de Panat.

"En troisième lieu, il nous a représenté que le fait d'avoir sollicité de l'autorité ecclésiastique l'autorisation nécessaire pour inhumer M. Aubriot à Clairvaux était, tant de la part de Mme Aubriot que de la part du clergé de Clairvaux, une reconnaissance implicite du droit de la paroisse de Panat; que l'offre à lui faite par Mme Aubriot de lui payer le montant de ses honoraires et des droits de la fabrique relativement à cet enterrement, ne pouvait avoir d'autre signification.

"Les membres de la fabrique de Panat nous ont déclaré que de tout temps le hameau de Calzins avait appartenu à l'église de Panat et que leurs habitans y ont toujours été baptizés, mariés et enterrés.

"M. le curé de Clairvaux et Mme Aubriot ayant allégué que le hameau de Calzins contenait deux maisons ou familles, dont l'une appartenait à Panat et l'autre à Clairvaux, M. le curé de Panat a établi qu'il résultait des registres de sa paroisse, dont nous avons plus haut mentionné les énonciations, que ces maisons ressortissaient l'une et l'autre de Panat.

"Obligé de reconnaître que les habitants de Calzins avaient accompli à Panat tous leurs devoirs religieux sans sa permission, M. le curé de Clairvaux a déclaré qu'il n'avait pas cru y devoir porter obstacle parce qu'il avait eu connaissance de la déclaration faite par M. Mazars, grand vicaire, et qui porte que "le hameau de Calzins qui avait été omis dans la démarcation de la paroisse de Panat, en fait réellement partie." À cela M. le curé de Panat a répliqué que la dite déclaration de Mr Mazars n'est que de 1833: or la pétitionnaire déclare qu'elle habite à Calzins depuis douze ans, et ce fait est exact. Si donc le silence et la tolérance de M. le curé de Clairvaux s'expliquent jusqu'à un certain point, sans pourtant être justifiés, pour le temps postérieur à la déclaration de Mr l'abbé Mazars, ils ne sauraient en aucune manière s'expliquer pour le temps qui a couru de 1830 à 1833.

"De tout ce qui précède, il nous a paru résulter que de tout temps le hameau de Calzins a appartenu à la paroisse de Panat. Marcillac, le 23 novembre 1842, Lauz, curé; Perier

J'écrivis de mon côté la lettre suivante:

"Monseigneur, Ayant appris que Madame veuve Aubriot, pour établir qu'elle était de la paroisse de Clairvaux, alléguant que la maison qu'elle habite était désignée, avec celle des demoiselles Girou, sous le nom commun de Labosque, j'ai l'honneur de supplier votre Grandeur de lire ce court exposé qui suffira, je pense, pour détruire cette fausse allégation.

"Je ferai observer d'abord à votre Grandeur que la maison de Madame Aubriot est plus rapprochée de Montfranc que de Labosque, et qu'elle est séparée de ce dernier hameau par un ravin qui descend de Coste-calde. Voici la position des lieux:

hand map of calzins

Bourret's map of parish

[À cette carte tracée par l’abbé Besse, nous juxtaposons un détail tiré de la carte de la paroisse de Panat dans l’Atlas diocésain fait sur ordre de Mgr Bourret vers 1880 et que nous avons pu consulter en juillet 2012 aux archives de l’éveché à Rodez. La ligne verte qui sépare Calzins de La Bosque représente les limites de la paroisse de Panat et celle de Clairvaux:]

[Revenons maintenant à la narration de l’Affaire de Calzins selon l’abbé Besse:]

"Messieurs les commissaires nommé par votre Grandeur pour vous faire un rapport sur cette affaire, se sont convaincus par eux mêmes que mes registres portent le nom propre de Calzins depuis 1653 jusqu'à ce jour, et ces registres établissent formellement la distinction de Calzins d'avec Labosque; car ils désignent Calzins tantôt près Labosque, tantôt près Montfranc. Le cadastre et les registres civils désignent toujours les habitants de la maison en question comme propriétaires de Calzins et jamais de Labosque. J'ai exhibé à M.M. les commissaires une déclaration de M. Bouscayrol, officier civil, en date du 28 décembre 1791, où sont détaillées les diverses natures de biens appartenant à Mlle Françoise Vernet, et dont jouit aujourd'hui Mme Aubriot, et cette déclaration commence ainsi: demoiselle Françoise Vernet, habitante de Calzins, paroisse de Panat.

"Madame Aubriot ou les siens sont au lieu et place de Françoise Vernet et de tous ces différens trépassés, dont les actes de naissance ou de décès ont passé sous les yeux de votre Grandeur et de M.M. les commissaires; elle habite la même ou les mêmes maisons; quels qu'aient été les changemens de disposition ou de forme intérieure ou extérieure que le laps de temps et la main des hommes ont introduit dans ces bâtimens, il y a identité parfaite entre l'habitation ancienne et l'habitation nouvelle. Or cette habitation, quel nom porte-t-elle dans le passé? C'est toujours Calzins; Calzins, il est vrai, tantôt près Montfranc, tantôt près Labosque, mais toujours, par conséquent, Calzins, district de Montfranc, Calzins distinct de Labosque. Quel nom porte-t-elle aujourd'hui? Que l'on s'adresse au plus jeune comme au plus âgé des habitants de la contrée, à l'instant ils donneront un nom unique à la maison de la Veuve Aubriot, et ce nom ne sera point Montfranc ni Labosque, mais Calzins.

"Mais quoi! Telle est la force de la vérité que Madame Aubriot, qui fait de son domicille un véritable Protée, prenant tantôt une appellation et tantôt une autre, a toujours daté sa correspondance de Calzins; jusqu'au moment où en désespoir de cause et craignant de succomber sous le nom de Calzins, elle s'est affublée du nom de Labosque. Je possède, en effet, plusieurs lettres et billets d'elle et de la fille, portant toutes cette indication: Calzins, le..., etc.; la dernière, en date du 10 novembre de cette année, est datée de Labosque, pour le besoin de la cause.

"La pétition de Madame Aubriot commence par ces mots: "La maison de campagne que nous habitons au Vallon, appellée Calzins etc"; appelée par qui, Madame? par tout le monde; dans le passé comme dans le présent, par vous et par tous les vôtres. Je pourrais donc vous dire: Ex ore tuo te judico [Par ta propre bouche je te juge]; mais j'aime mieux m'en tenir à ce que déposent en ma faveur la tradition constante et des titres irréfragables. Vainement, dites-vous, que vous avez exhumé le nom de Calzins de quelques papiers de famille: vous alléguez, et vous ne prouvez pas; vous n'aviez pas le droit de faire un pareil changement, si toutefois changement il y a. Mais rassurez-vous: vous n'avez rien changé; vous avez été, et vous serez toujours, connue comme propriétaire d'un hameau appelé Calzins, rapproché mais bien distinct de Labosque.

"Enfin, malgré toutes les arguties invoquées en faveur de la demande en distraction, on a laissé constamment sans réponse l'argument de fait, que j'avais mis en avant: savoir, que les actes de la juridiction curiale ont toujours été faits, soit par moi-même soit par mes prédécesseurs, à Calzins, et cela sans réclamation du clergé de Clairvaux. Cet argument reste donc avec toute sa force et il est décisif.

Je suis, etc., Panat le 1er décembre 1842

P.S. En preuve de ce court exposé, je joins ici un certificat de Mr l'abbé Chauchard, mon prédécesseur, actuellement sacristain de notre cathédrale, et une déclaration de trois octogénaires de ma paroisse.

Le 17 décembre de la même année, Mgr a rendu relativement à cette affaire le jugement suivant:

"Nous, évêque de Rodez, Sur la demande qui nous a été faite par Mr. le préfet de l'Aveiron de donner notre avis au sujet du vœu exprimé par Madame veuve Aubriot, propriétaire du domaine dit Calzins {elle n'est qu'usufruitière, ayant donné la propriété à sa fille lors de son mariage avec M. Cabrol; jamais pu, par conséquence, la mettre hors de cause (6)}, et que ce domaine fut désormais compris dans le territoire de la paroisse de Clairvaux:

"Vu la demande formée par Madame Aubriot;

"Vu la lettre du 9 septembre 1842, adressée par Monsieur le curé de Panat à Monsieur le préfet, pour exposer les droits qu'il croit avoir à conserver dans sa paroisse le village de Calzins, résidence de Madame Aubriot, et vu aussi les extraits des registres de Panat, constatant que les habitants du village de Calzins ont rempli à Panat tous les grands actes de la vie civile et chrétienne;

"Vu les mémoires et défenses adressés par M. le curé de Clairvaux pour établir que la maison de Madame Aubriot devait être attachée à sa paroisse;

"Vu les délibérations du conseil municipal de Clairvaux, des conseils de fabrique de Clairvaux et de Panat, à l'appui des deux opinions contraires;

"Vu les divers rapports des commissaires par nous nommés pour éclairer notre religion sur le point contesté, et aussi toutes les pièces produites au dossier:

"Considérant que le village ou hameau appelé Calzins a fait de temps immémorial partie de la paroisse de Panat, qu'il y a des actes de 1653 et 1654 qui constatent que les habitans de Calzins étaient baptisé et enterrés à Panat;

"Considérant qu'en érigeant de nouveau en succursale l'église de Panat à la suite du Concordat, l'ordonnance de Mgr l'évêque de Cahors du 20 juin 1803, porte que cette paroisse comprend le territoire de l'ancienne, et le village de Serres, détaché de Valady;

"Considérant que depuis l'organisation de 1803 les habitants de Calzins ont continué de remplir leurs devoirs religieux à Panat, puisque nous voyons que la demoiselle Françoise Vernet, propriétaire de Calzins, à été enterrée à Panat le 9 avril 1811; que Françoise Causse, domestique de la même, a été aussi enterrée à Panat le 16 du même mois; que lorsque la fille de Madame Aubriot a épousé Mr Cabrol, la publication des bans et la bénédiction nuptiale ont eu lieu à Panat; que les enfans nés à Calzins de ce mariage ont été baptizés à Panat, et qu'au décès de M. Aubriot lui-même, c'est par une concession spéciale des autorités civile et ecclésiastique qu'il a été inhumé à Clairvaux en payant les droits ordinaires à la paroisse accoutumée.

Considérant qu'en vain on a cherché à combattre cette immémoriale possession sur la quelle l'autorité ecclésiastique de Rodez s'était déjà prononcée par ordonnance de M. Mazars, premier grand vicaire, en prétendant que l'habitation de Madame Aubriot s'était formée de deux parties, l'une venue de la famille Fontalbat, et qu'on reconnaissait appartenir à Panat, l'autre de la famille Vernet, et qui avait toujours appartenu à Clairvaux, et que celle-ci devenue la maison principale et sous le nom de Labosque, avait attiré à elle la première; que rien n'établit cette assertion, mais qu'au contraire elle est contredite par les faits, puisque nous voyons deux personnes de la famille Vernet, habitant Calzins, baptizées et enterrées à Panat, et portées sur les registres de cette église, puisque le curé de Clairvaux ne rapporte aucun acte semblable pour des habitants de Calzins, et qu'on entend si bien dans la famille de Madame Aubriot être de Calzins et non de Labosque, comme on l'a prétendu, quoiqu'il paraisse y avoir un domaine de ce nom, que Madame Aubriot elle-même dans sa lettre à Mr le préfet, du 1er août, présente année, datée et écrite de Calzins et non de Labosque, comme on peut le voir au dossier.

"Considérant que les commissaires que nous avons nommés à plusieurs reprises, qui sont plus voisins des lieux et ont pu recueillir les renseignements les plus positifs, ont été d'accord à désigner la maison de Madame Aubriot et tout ce qui est compris sous le nom de Calzins, comme appartenant sans droit de conteste à la paroisse de Panat:

"Considérant que s'il restait un doute dans notre esprit et que les titres de l'une et de l'autre paroisse nous parussent même équivalents, nous croirions dans ce cas utile au bien ____ (7) de nous prononcer en faveur de Panat, paroisse beaucoup moins grande, et qui en perdant le village de Calzins, pourr[ait] fournir, à ce qu'ont attesté les commissaires par nous nommés, à d'autres villages plus éloignés que Calzins de leur église, l'occasion ou le prétexte de demander aussi leur distraction de Panat.

"Pour ces motifs et autres sommes d'avis que l'habitation de Madame Aubriot doit être attribuée à la paroisse de Panat, et qu'il n'y a pas lieu de l'en distraire.

Donné à Rodez, le 17 décembre 1842, Jean [Crozier] évêque de Rodez"

En 1872 le volcan se réveille pour un moment:

"Monsieur le docteur Cabrol de Calzins, qui désire vivement être attaché à la paroisse de Clairvaux, profita de la mort de Monseigneur Delale [lire: Delalle] et de la retraite de Mr Besse pour revenir à sa première tentative de séparation de la paroisse de Panat. Il fit si bien auprès de l'autorité capitulaire qu'il réussit à se faire déclarer paroisse de Clairvaux. Toutes les raisons qu'il donnait tendaient toutes à prouver que sa maison, au lieu de s'appeler Calzins, se nomme Labosque, toutes les raisons qu'il allégua étaient faciles à détruire, surtout il disait que la carte de Mr Romain, qui est la fidèle interprète du cadastre, ne désigne pas Calzins mais seulement Labosque, sans doute parce que Labosque est un hameau tout voisin de Calzins, qui probablement a eu plus de réputation et qui pour cela a été désigné; mais on peut prouver que la carte de M. Romain ne reconnaisse pas tous les hameaux du département. J'ai fait consulter le cadastre par une personne digne de confiance, et elle y a vu le nom de Calzins. De plus, Mr Cabrol n'a pas encore fait les mutations, il ne figure pas au rôle des contributions, et il paye lesdites contributions au nom de son beau-père, Mr Aubriot de Calzins. J'ai exposé tout cela à Monseigneur Bourret, ainsi que le jugement de Monseigneur Croisier, qui se trouve contigue dans ce registre. Monseigneur, après avoir pris l'avis de son conseil, a porté la décision suivante:

"Nous, Joseph-Christian-Ernest Bourret, par la miséricorde divine et la grâce du Saint-Siège, évêque de Rodez, vu l'ordonnance de Mr. Croisier, l'un de nos vénérables prédécesseurs, telle qu'elle est écrite ci-dessous (voir plus haut), déclarons l'approuver dans son entière teneur, et nous notifions aux parties intéressées pour qu'elles s'y conforment. Rodez, le 30 janvier 1872, vu et approuvé (signé † Ernest évêque de Rodez.)"

1872 — D'après le jugement de Mgr Bourret le village de Cabrols [lire: Calzins] a donc continué à appartenir à la paroisse de Panat et M. Cabrols a été obligé de se désister et a reconnu la légitimité du jugement, puisque le 6 mai 1872, c'est à dire trois mois et quelques jours après la décision de Mgr, son fils Edouard Cabrols a été inhumé dans le cimetière de l'église de Panat. Et encore le 23 mars de cette même année 1872 M. Cabrols écrivant à M. Sales, curé de Panat, une lettre dans laquelle il lui demande la permission de remplir ses devoirs religieux à Clairvaux. Voici le contenu de cette lettre:

"Ayant l'intention de remplir demain dimanche des Rameaux mon devoir pascal, je vous prie, Monsieur, de vouloir bien m'accorder la permission d'accomplir ce devoir dans l'église de Clairvaux. Soyez assez bon pour accorder cette permission aux miens et à ceux qui nous servent et habitent notre maison. Veuillez agréer, Monsieur le curé, l'assurance de mon profond respect. Signé: L. Cabrols"

(Source: Livre de la paroisse de Panat, pp. 22-44, 54-56)

Ajoutons à ce dossier quelques lettres écrites en 1872 et qui jettent du jour sur le procédé de l’évêché face à ce genre de problème. Accompagnées par une transcription officielle de l’ordonnance de Mgr Croisier de 1842 fait à la demande de Mgr Bourret, ces lettres se trouvent dans la archives de l’évêché à Rodez:

Lettre à M. [B.-J.] Abbal, vicaire-général capitulaire:
Panat le 28 juillet 1871

"Monsieur le Grand-vicaire

J’ai l’honneur de répondre à votre lettre en date du 25 du courant, et relative à une demande que vous a adressée M. Cabrol, si sa maison qu’il habite à Calzins appartient à la paroisse de Panat ou à celle de Clairvaux.

"Monseigneur Croisier rendit, le 17 décembre 1842, une ordonnance dont l’original doit se trouver aux archives de l’évêché et dont je possède une copie [elle se trouve dans le Livre de la paroisse, et elle est citée dans sa totalité ci-dessus] par laquelle il déclarait que la maison de Madame Aubriot, belle-mère de M. Cabrol, appartient à la paroisse de Panat et qu’il n’y avait pas lieu de l’en distraire.
Cette année-ci même j’ai autorisé la femme de M. Cabrol de gagner ses pâques à Clairvaux.
Je suis étonné de la démarche de M. Cabrol avec qui je n’ai jamais eu aucune brouillerie, ni avec sa femme, et qui sait aussi bien que moi que sa maison de Calzins est de Panat.

"Je suis avec le plus profond respect
Monsieur le Grand-vicaire,
votre très humble et obéissant serviteur
Besse, curé

"Valady, 9 août 1871

Monsieur le Vicaire général

J’ai mis un peu de retard à répondre à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Je ne savais rien de précis sur la question de savoir à quelle des deux paroisses de Panat ou de Clairvaux appartient la maison de Mr Cabrol; j’avais comme un vague souvenir d’avoir entendu dire Mr de Bourgnol, curé de Fijaguet, qu’il y avait eu une enquête faite par Mr le curé de Marcillac et Mr Perrier curé de Glassac sur cette affaire, et je tenais à voir de nouveau Mr le curé de Fijaguet pour avoir des renseignements plus précis à vous donner sur la question que vous me proposez.

"J’ai appris depuis que vous connaissez le jugement rendu par le conseil épiscopal et l’ordonnance de Mgr Croisier qui en fait la suite. D’un autre côté je viens d’apprendre, par Mr Cabrol, que la question a changé d’aspect, et qu’il s’agit maintenant non d’examiner de nouveau l’affaire à fond, mais de voir si le jugement intervenu n’a pas porté à faux. Voici les renseignements que je puis vous fournir pour cela:

"J’ai parcouru divers documents que m’a fournis Mr Cabrol: ce sont des actes notariés ou des quittances sous seing privé, ou des inventaires de mobilier ou des baux à ferme, ou enfin des lettres, tous actes dont les dates varient depuis 1613 jusqu’à 1689 et sont très autentiques.

"ous parlent de la maison des sieurs Fontalbat et Vernet, marchands de vin, et la désignent toujours par le nom de Labosque; il y a même un acte notarié de 1684 par lequel les deux propriétaires ci-dessus nommés s’engagent à faire construire, à frais communs, un portail qui servira pour les deux demeures et auxquelles ils donnent toujours le nom de Labosque.

"Les actes dont je parle sont au nombre de dix-sept. Enfin, il y a une lettre datée du dimanche 10 novembre 1748 écrite par Mr. Teulat, vicaire de Luc, à sa tante Mademoiselle de Vernet et porte pour toute adresse Mademoiselle de Vernet à Labosque.

"Voilà ce que je sais sur cette question. Si vous désirez d’autres renseignements sur d’autres points, je suis votre disposition, et je ferai les recherches que vous m’indiquerez.

"Veuillez agréer les respectueux hommages de celui qui a l’honneur d’être,
Monsieur le Vicaire général,
votre très-humble et très-obéissant serviteur
Meljac"

Panat le 3 février 1872

"Monsieur le secrétaire

"Je vous accuse réception de la décision de Monseigneur qui ordonne que le jugement de Mgr Croisier soit maintenue et exécutée dans toute sa teneur. Je ne saurais vous dire la satisfaction que cette décision m’a causée, ainsi qu’à bon nombre de me[s] paroissiens. J’en vous remercie infiniment.

"Je vous prie de me croire toujours votre très humble et affectionné serviteur,
Sales, curé"

 

Notes:
1. Livre de la paroisse de Panat, p. 46.

2. Livre de la paroisse de Panat, p. 55.

3. Sur Joseph-Charles Aubriot, lieutenant-colonel de gendarmerie, chevalier de St. Louis et officier de la Légion d'honneur, mort à Calzins âgé de quatre-vingts ans, voir Ordres équestres: Documents sur les Ordres du Temple et de Saint-Jean de Jerusalem en Rouergne, suivis d une notice historique sur la légion d'honneur et du tableau raisonné de ses membres dans le même pays (N. Ratery, 1861), p. 290.

4. Pour les chemins de l'époque, voir notre page sur le désenclavement de Panat.

5. En 1833 Pierre Chauchard a quitté Panat pour devenir le sacristain de la cathédrale de Rodez. Son attestation était par conséquent celui d'un témoin oculaire vivant.

6. Note en bas de la page 41 du manuscrit.

7. Mot coupé par la photocopie.

 

First published in Volume 1 with the URL http://ranumspanat.com/calzins.htm