Panat in postcardThe Ranums'

Panat Times

Volume 1, redone Dec. 2014

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Volume 1

Panat

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Marc-Antoine

Charpentier

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Transcribed Sources


 

Les trois bénédictions: les sources comparées

Comment évalue-t-on la véracité d'une source? On cherche de préférence un autre texte avec lequel on peut comparer la source qu'on évalue. Or, pour les trois bénédictions célébrées à la nouvelle église de Panat, nous possédons deux textes à propos de chaque cérémonie. Mieux encore, ces textes sont écrits par des témoins oculaires.

Mettons-nous donc au travail! Comparons ces sources.

La bénédiction de la première pierre, juillet 1883

Dans les premiers trois paragraphes de sa narration de cette cérémonie, l'abbé Cayron donne des renseignements qui permettent d'établir pourquoi on a décidé de construire une nouvelle église, et de dresser une chronologie des formalités accomplies et des travaux. [LINK]. "L'ancienne église n'était plus convenable"; elle était en "mauvais état et n'était pas apte à être restaurée. ... Tout examiné il a paru nécessaire de construire à neuf et même de la transporter sur un nouvel emplacement." (Cayron résume ici la position prise par les autorités civiles en 1879: "Cet édifice est aujourd'hui dans un état de délabrement tel qu'il n'est plus possible de le réparer. Il est aussi indispensable de l'aggrandir." (1)

Cayron nomme la personne qui l'a authorisé à faire la bénédiction de la nouvelle église: l'abbé Joseph Noguéry, vicaire général. Il cite dans sa totalité le texte inscrit sur le morceau de parchemin qu'il a inséré dans une des pierres du "pilastre" droit de la porte. Ce texte contient une allusion à de l'eau apporté de Rome et de Jérusalem.

La Revue religieuse ne parle qu'en passant de cette bénédiction -- et cela en 1886, dans l'article de l'abbé Alazard sur le chemin de croix. Alazard précise que "de l'eau du Jourdain et l'eau de la fontaine à Rome" a été "puisée à leur source par M. le curé lui-même." Compte tenu qu'Alazard a fait le pèlerinage à Jérusalem avec l'abbé Cayron en 1882- et peut-être aussi le pèlerinage à Rome en 1877 -- on peut se fier à son témoignage. Autrement dit, en 1877, et encore en 1882, le curé de Panat a ramené dans ses bagages un petit flacon d'eau.

La bénédiction de l'église neuve de Panat, octobre 1884

L'abbé Cayron nomme les principaux participants: Mgr Ernest Bourret évêque de Rodez, Joseph Noguéry son vicaire général, et les curés de trois paroisses des alentours. Le vicaire général dit la grand'messe; l'évêque bénit l'église, prononce une allocution et parle à nouveau lors des vêpres. Cayron nous donne quelques renseignements sur l'attitude solidaire de Mgr Bourret: il "a longuement examiné ce petit monument"; il l'a "trouvé parfaitement bien réussi"; et il avait "bien voulu donner un vitrail, c'est le Sacrifice de Jésus qui est à la fenêtre du milieu du sanctuaire."

L'article de l'abbé Azémar, curé de Valady, publié dans la Revue religieuse, insiste à deux reprises sur le courage du curé de Panat face aux obstacles: "son zélé pasteur," "la persévérance de M. le curé qui a su parfaire son œuvre, malgré tous les obstacles et contre l'attente de tous." Continuant dans la même veine, il paraphrase quelques remarques de Mgr Bourret: "Il dit [aux paroissiens] d'aimer cette église qui leur a tant coûté et à la construction de laquelle chacun a voulu apporter sa pierre ou du moins son grain de sable. Tous à la dernière heure ont voulu y contribuer ..." Tout se passe comme si l'abbé Azémar est bien instruit sur les tractations dans la paroisse voisine à la sienne. Ce tableau brossé par Azémar contraste assez fortement avec les mots sereins de l'abbé Cayron, dans sa narration du 1 juillet 1883: "Cela n'a pas été sans souffrir certaine difficulté"; "une souscription fut faite dans la paroisse au nom de la fabrique ...." (Dans notre "Le coût de l'église et la chronologie de la construction," nous revenons aux sacrifices pécuniaires des paroissiens.)

Le curé de Valady loue l'harmonie de la nouvelle petite église: "sa gracieuse façade et son élégant clocher." Il est membre de la Société française d'archéologie pour la conservation et description des monuments, mais jusqu'ici nous ignorons s'il jouait un rôle consultatif à l'évêché de Rodez.

Globalement, la narration des cérémonies dressée par Azémar est proche de celle de Cayron. Le curé de Valady contribue toutefois un détail pittoresque: "La grand'messe a été chantée par M. le Grand-Vicaire avec une solennité à laquelle n'on pas peu contribué les poitrines de fer des vignerons de Panat."Autrement dit, une chorale de vignerons aurait chanté un cantique. En effet, les vignerons du Vallon étaient connus pour leur chant retentissant. L'historien Amans-Alexis Monteil, né à Rodez en 1769, voyait ce chant comme une expression de la joie des vendangeurs du Vallon, une joie qui "s'exhale surtout par des chants, dont les vallons retentissent jusques à la fin du jour." (2)

Le procès verbal de l'érection et bénédiction du chemin de croix, janvier 1886

Dans ce "procès-verbal" (il porte les signatures des participants), Cayron ne mentionne qu'en passant "le pèlerinage de la Terre Sainte" de 1882 auquel il a participé, et les "petites croix en bois d'olivier" qu'on a ramené de Jérusalem. Comme d'habitude, il nomme les principaux participants à la cérémonie: l'abbé Joseph Touzery, membre du "coumité" [sic] de Mgr Bourret, qui a "donné l'instruction," et l'abbé Ricard, secrétaire de l'évêché, qui a chanté la messe. Prenant la place du curé avec l'autorisation de Mgr Bourret, Ricard a béni le chemin de croix. Plus tard dans la journée, c'est à dire, "après les vêpres," l'abbé Alazard a béni les trois nouveaux autels.

Le curé incorpore à son procès-verbal quelques précisions sur la fête même: quatorze enfants de la paroisse, "habillés en blanc," sont venus en procession, chacun portant une des "petites croix en bois d'olivier" ramenées de Jérusalem. Pendant qu'on plaçait les petites croix devant les croix des tableaux du chemin, il y avait des "chants" (des enfants? des vignerons?) et des prières.

Cayron précise que les stations du "superbe" chemin de croix ont sorti des "ateliers de Vaucouleurs. Ce renseignement nous a permis de retrouver le coût du chemin et des autels et aussi de savoir davantage sur le mobilier de l'église en général. (Ces pages sont en préparation.)

Dans son article pour la Revue religieuse, l'abbé Alazard fournit quelques détails supplémentaires sur ces petites croix. Lors du pèlerinage, Cayron avait prévu d'attacher "sur le croisillon de chaque tableau" du chemin de croix, une "petite croix faite à Jérusalem en bois d'olivier." Il a aussi "eu la pieuse sollicitude de [les] déposer sur la pierre du Saint-Sépulchre et sur le calvaire dans le trou de la croix qui porta N.-S. J. C."

Le procès-verbal du curé contraste vivement avec la narration de l'abbé Alazard. Pour ce dernier, le chemin de croix et les petites croix ne sont que des reflets du "premier pèlerinage national de Terre-Sainte" de 1882. Quasiment en extase, il évoque la croix que les chevaliers "plaçaient dans leur blason" et que l'on voit dans la nouvelle église de Panat, dans "un vitrail qui porte les armes du Saint-Sépulcre." En effet, pour Alazard la nouvelle église est un des "fruits" de ce pèlerinage, elle est "toute embaumée des parfums du pèlerinage de Jérusalem." Étant donné qu'Alazard était un des porte-paroles de l'évêché, son enthousiasme pour ce pèlerinage mérite un regard plus approfondi: nous jetterons ce regard dans notre "Le curé et les croisés."

On peut supposer que les remarques d'Alazard sur l'harmonie de la nouvelle église témoignent de l'esthétique de Mgr Bourret et son cercle: "la gracieuse église de Panat, ... une charmante petite église qui malgré la simplicité de son architecture n'en demeurera pas moins comme une des œuvres les plus belles et les plus gracieuses de M. [Henri] Pons, architecte." Nous avons l'intention de faire des recherches plus poussées sur cette question, dans l'espoir de faire un premier pas vers une compréhension des projets esthétiques du future cardinal.

Tout comme le curé de Valady, Alazard peint Cayron comme un "tourmenté" qui, en dépit de "quelques heures d'hésitation, a "vaillamment persévéré" contre les "difficultés de cette opposition" - difficultés qu'il croyait être "incapable de surmonter." Sans le moindre doute, en tant que rédacteur de la Revue de religion, Alazard connaissait fort bien ce qui se passait dans les paroisses de la diocèse: il serait donc prudent de croire à ses dires. Alazard est toutefois un peu suspect quand il laisse entendre que le curé de Panat a joué un rôle moteur dans la décision de construire une nouvelle église et dans l'implémentation de cette décision. La chronologie que nous préparons indique que c'était plutôt l'inverse: les supérieurs décidaient, et le curé suivait leurs ordonnances.

Pour résumer:

Cette brève comparaison démontre qu'on peut se fier aux renseignements préservés dans ces sources, mais qu'on doit se méfier du pathétique de l'abbé Alazard jusqu'à plus amples informations. Cela dit, l'article d'Alazard ouvre notre perspective sur le monde des "croisés" de 1882, et sur l'influence que ce monde a pu avoir sur l'iconographie de l'église de Panat.

 

 Notes:

1. Rapports de M. le Préfet ... et procès-verbaux du Conseil Général de l'Aveyron, 1879, p. 37.

2. A.-A. Monteil, Mes Ephémérides (Paris: Éditions du Cardinal, 1998), p. 78.

 

First published in Volume 1 under the URL http://ranumspanat.com/eglise_compare.htm